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Full text of "Revue comique à l'usage des gens sérieux"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  witii  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/revuecomiqueluOOpari 


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RKvrr.  coArioiE 


-     TYI'0(iRAI'IlIE    I.ACRAMTE    FILS    ET    t'^ 

Rue  niiiiiidlo.  i. 

rÂMEU    DE    LA    KABRlglE    d' ESSONNE. 


LA 


l{i:\llE  (OMIOl  I 


^ 


A  i.'usAdi:  in;s  (ii:\s  skiui:i  \. 

iiisidiiii;     >i(iit\ii;,     !■  Il  I  iiiMii' Il  lui  i;  ,     roi.iTioiK 

eu  1 1  I  (.11  1  ,    III  i  \.]\  u  11  1,    r,  r    V  n  i  i -^  r  i  ni  n 

m.     1,  \     s  1.  >i  A  I  N  I  . 


A.  LiiiEiJx  —  c.  cahaimki. —  p.  Miiini  —  i:.  m;  lA  iiiniii.iii m;  —  litnAun  m:  nerval  —  etc.,  etc. 


BERTALL  —   NAUARÇ)  —   tAimir/U  S  —  (ITTU  —  l.dHEN  rZ  —  BElil  IN  —  yUILLENBOlS  —  ETC. 


NOVE.MIîRt;  18'(8  —  AVKIL  1849. 


1>\R1S 

I  )  V  M I N  !■:  Il  AY ,  i>  1 B  11  A 1  n  !■:  - 1':  i>  1 1 1:  i 


IIICHKLIEU. 


Li    GBENOriIlE    ET    LE    BOEIF. 


—  Exirait  du  PlPPET  Show. 


VISITE    AL'    LION    DK    W.UEKl.dO. 


Dessiné  par  Schmit. 


Gravé  par  Wii-U/'-MS. 


NF.z  Dr  pniN*:E  mt  r  rire  pendant  i..v  lecture  de  l*artici.e  (ï8  de  la  constititio.n, 

AVRC    CNE    VCE   DE    SOS    f  ONrlUENT. 


De5SttȎ  par  Otto. 


Gravé  par  Bar\ 


Ce  pelil  Kouln^uel,  doiil  la  l"raiice  su  moque, 
A  du  bonaparlisme  arboré  le  drapiaii. 
Des  brillanis  s-ouvenirs,  qi/avec  bruit  il  évoque, 
Aux  campaf^iiards  séduils  il  présenlc  l'appeau. 

El  pour  mieux  soutenir  son  candidat  baroque, 
Astucieux  serpent,  il  a  chaulé  de  peau. 
Du  vainqueur  d'Auslerlilz  il  a  pris  la  défroque  : 
La  redingotte  grise  et  le  petit  chapeau. 

La  lorgnette  à  la  main,  en  t;énoral  habile, 

Il  contemple  le  champ,  so'jiLé  d'encie  cl  de  bile. 

Où  combattent  Bugeaud,  Girardin  et  Viron. 

Ce  pygmée,  affublé  d'un  harnais  de  bataille, 
Espère  en  vain  grandir  sa  misérable  taille; 
Mais  ce  n'est  que  le  tiers  d'un  faux  Napoléon 


Dentsé  pu  Fashitzii-s. 


GraTé  pir  BaDLAMT. 


p.  6t. 


Dïssiné  par  OTto 


Voyez  de  ce  dessin  quel  est  le  sens  profond  ; 
Dans  ce  chapeau  fameux,  mais  qui  n"a  plus  de  fond, 
Si  notre  République,  hélas!  pique  une  léte, 
ta  passant  au  travers  comme  un  irait  d'arbalète, 
Aux  m;iins  du  parti  rougo  elle  tombe  d'un  bond! 
Oui,  bourgeois  aveugles,  gent  débonnaire  au  fond, 
On  peut  vous  le  prédire,  cl  sans  ôtre  prophète, 
Si  la  Terreur  revient,  c'esl  vous  qui  l'uurez  faite. 


Gr»v«  par  Ballant. 


u  Kii  prùsprice  de  Dieu  el  deviiiit  le  [leuiile  IVaiiÇiiis,  je  jur/  ilé  r.'ster  li.l^le  a  la  Ukim  iu,ic.in;  riLMoiUAiiniF, 
une  el  iiiiliriMlile,  e(  île  rvnipllr  Iniis  les  drMiii-s  i|iie  iiriiiipiise  la  Ciinsliliilioii.  n 


Dessiné  par  OîTu. 


Gravé  par  BiiIsuAtiK. 


LE    GATEAU    DES    ni'H    DE    ISl'). 


D?s^iné  par  Fabritzics. 


Gravé  par  BauLant. 


UN  NOUVEAU  13  MAI, 


-.1  Milla  It'-  pens  qii 


iii-liinil  aiiMivliisles: 


Da^iné  par  Xaiiard. 


Gravé  par  Baulant. 


,    Blilil  KVAHU    Ill':s  ITAI  11'.^ 


30  cciiflnici*  la  livralHoii. 


hUP.  mCOELIEV,  ."là 


iditlons  de  la  Souscription.  —  La  Revue  comique  formera  un  iniisnifique  volume,  grand  in-8,  publié  en  30  livraisons    à  30  centimes, 

ir  la  poste,  -iO  centimes.  — Pour  tout  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco]  à  M.  Lireui,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des 

taliens. 

i'  nilTION.  DVMINXHAT.  BDITEVR,  53,  HUK  &ICBEI.IED.  [re    LivTaiSOn. 


P.iri..— TirJ    aux  preoei  mjfaniqne!  àt  Lickamph  Hli  «1  Comp.,  rue  Uainielle, 


QUKLQUES  LIGNES  DE  PREFACE. 


Dr   COMIQUE   ET  DP   SEBIEIX.    —   NOS    INTENTIONS. 


Ce  n'est  pas  en  France,  dans  le  pajs  où  Haliekis, 
Montaigne  et  Voltaire  ont  écrit,  qu'il  est  possible  de 
nier  que  si  le  sérieux  a  son  côlc  comique,  le  comique 
puisse  à  son  tour  avoir  son  côté  sérieux. 

Nous  n'étonnerons  donc  personne  en  disant  que 
c'est  aux  esprits  réfléchis,  bien  plus  qu'aux  esprits  fri- 
voles de  ce  tennps-ci,  que  nous  destinons  notre  recueil, 
et  que,  sous  ce  titre  :  Revue  comique,  nous  entendons 
faire,  sous  une  forme  souvent  légère,  une  œuvre  au 
fond  toujours  sérieuse. 

Le  comique,  en  France,  ce  n'est  pas  Scapin  seule- 
ment, Scapin  est  de  tous  les  pays;  c'est  Akeste  lui- 
même,  c'est  Figaro,  c'est  Timon,  c'est  ce  qui  est  plai- 
sant jusque  dans  la  colère,  c'est  ce  qui  est  digne  jus- 
que dans  la  plaisanterie,  c'est  ce  qui  est  cruel,  au  be- 
soin, et  implacable  contre  les  pervers  et  les  menteurs  ; 
mais  c'est  aussi  et  surtout,  hàlons-nous  de  le  dire,  la 
raison  aimable,  la  gaieté  du  bon  sens. 

Dangers,  misères,  supplices,  n'ont  jamais  fait  fuir 
la  gaieté  de  France.  Pour  l'Allemagne  sentimentale, 
pour  la  chagrine  Angleterre,  le  rire  est  un  effort,  un 
masque  grimaçant,  presque  une  inQrmité.  Chez  nous, 
le  rire  est  un  don  de  nature;  il  nous  a  sauvés  bien 
souvent,  il  nous  sauvera  encore.  C'est  parce  que  nous 
savons  rire  que  nous  savons  regarder  en  face  un  orage, 
et  qu'au  lieu  de  nous  croiser  les  bras  à  l'heure  du  péril 
comme  les  Orientaux,  qui  ne  rient  jamais,  nous  savons 
courir  aux  pompes  et  dominer  la  tempête. 

Rh  quoi ,  nous  dira-t-on,   n'avez-vous  pas  d'yeux 


pour  voir  ce  qui  se  fait,  pas  d'oreilles  pour  entendre  ce 
qui  se  dit,  pas  de  cœur  pour  souffrir  avec  le  pays  des 
maux  qui  l'écrasent?  Aurez-vous  bien  le  courage  de 
ru-e  à  l'heure  où  nous  sommes,  ne  fut-ce  que  de  ce  rire 
dont  parle  la  romance,  lequel  est  bien  souvent  plus 
triste  que  les  pleurs?  Pleurez,  au  contraire,  pleurez 
sans  façon  et  devant  tous  ;  pleurez  sur  la  place  publique, 
trépîgnez,  tempèlez,  étalez  vos  douleurs  ;  faites  connue 
nous. 

C'est  une  belle  chose,  il  faut  en  convenir,  que  la 
violence,  puisque,  grâce  à  elle,  les  vérités,  voire  les 
meilleures,  peuvent  devenir  odieuses,  et  qui  pis  est, 
ridicules.  Aussi,  de  cette  violence  dont  on  nous  offre 
de  si  beaux  exemples,  dont  nous  voyons  de  si  piteux 
effets,  aurons-nous  soin  de  nous  garder.  Forte,  sensée, 
intelligente,  sûre  de  son  passé  et  sûre  de  son  avenir 
comme  elle  l'est,  la  France  a  horreur  des  colères  inu- 
tiles ;  ce  qu'elle  déteste  par-dessus  tout,  même  à 
l'heure  où  elle  semble  s'y  montrer  le  plus  attentive, 
c'est  l'exagération  dans  la  forme  ;  c'est  la  passion , 
quand  cette  passion  est  dans  les  mots  seulement;  c'est 
enfin  le  bruit  sans  la  besogne,  la  fumée  sans  le  feu. 

Assurés  que  nous  sommes  que,  pour  un  bon  et  \i- 
goureux  pays  comme  le  nôtre,  il  n'est  point  de  mala- 
die sans  remède,  et  qu'on  peut  dire  de  lui  ce  que 
saint  Paul  disait  du  peuple  :  «  Qu'il  peut  être  patient, 
parce  qu'il  est  éternel;  -o  patiens  quia  œferniis ,  nous 
n'ajouteions  pas  à  ses  maux  le  mal  qui  est  le  pire  de 
tous,  celui  qu'on  a  appelé  le  mal  de  la  peur. 


REVUE  COMIQUE 


Nous  traiterons  sérieusement,  avec  un  zèle  sym- 
pathique, ses  maladies  sérieuses,  —  ce  n'est  pas  notre 
titre  qui  nous  séchera  les  yeux,  —  mais  nous  ferons 
justice  des  maux  factices,  des  misères  artificielles,  des 
plaies  simulées  ;  nous  eu  débarrasserons  la  voie  pu- 
blique, et  nous  dévoilerons  sans  merci  les  manœuvres 
effrontées  de  certains  médecins  en  renom  qui  inventent 
des  maladies  pour  avoir  l'occasion  de  débiter  leurs 
drogues  et  de  l'aire  avaler  leurs  remèdes  à  la  foule 
crédule  des  malades  imaginaires. 

Nouveaux  venus  dans  la  carrière,  nous  n'avons  d'en- 
gagement pris  qu'envers  la  vérité.  Ceux  qui  ont  intérêt 
à  la  cacher,  celle  vérité,  le  sentiront  bientôt.  A  une 
situation  nouvelle,  il  faut  des  organes  nouveaux 
comme  elle;  or,  dans  noire  sphère,  nous  avons  la  pré- 
tention d'être  un  organe  entièrement  nouveau. 

Et  ce  n'est  pas,  peut-être,  un  médiocre  avantage. 
Dans  une  société  aussi  facile  que  la  nôtre,  où  les  liens 
se  forment  du  moindre  prétexte,  de  la  moindre  occa- 
sion, où  l'on  en  vient  à  se  saluer  parce  qu'on  s'est  re- 
gardé deux  fois  en  se  croisant  dans  une  rue,  tout  passé, 
fùt-il  le  plus  honorable,  est  une  entrave,  est  un  obsta- 
cle, est  un  empêchement,  nos  confrères  le  savent  bien, 
à  ce  que  la  vérité  puisse  se  dire. 

Cet  obstacle  n'existe  pas  pour  nous;  nous  sommes 
eu  mesure  d'être  sincères,  sans  forfanterie  comme  sans 
impolitesse,  sans  manquer  enfin  à  aucun  de  ces  petits 
devoirs  dont  se  compose  la  vie  de  riiomme  bien  élevé. 
.Nous  allons  partout;  mais  obscurs  comme  nous  le 
sommes,  on  ne  nous  voit  nulle  part.  —  Nous  serons 
donc  des  mieux  informés.  —  Nous  connaîtrons  les 
hommes,  nous  connaîtrons  les  choses,  nous  sommes 


en  mesure  de  dire  toutes  les  vérités  qui  sont  bonnes  à 
dire  ;  nous  nous  efforcerons  de  ne  dire  que  celles-là , 
et  de  taire  les  autres,  si  tentés  que  nous  puissions 
être  de  ne  rien  garder  pour  nous  seuls.  —  Ou  le  voit, 
nous  n'invoquons  point  notre  passé,  nous  n'avons  point 
d'aïeux;  quand  ou  a  aboli  les  tilres,  ou  ne  nous  a 
rien  ôlé  ;  notre  seul  domaine,  comme  à  vuus,  chers 
lecleiii's  ,  c'est  l'avenir;  —  l'avenir,  c'esl  sur  hii  que 
nous  détournerons  vos  yeux  quand  le  présent  sera  trop 
douloureux.  —  Patience,  le  sang  reviendra  dans 
nos  cœurs  languissants;  nos  épreuves  sont  grandes  : 
qu'importe,  si  notre  courage  les  égale?  tant  mieux,  s'il 
doit  les  surpasser  et  les  vaincre  !  il  faut  déchirer  la 
terre  pour  y  jeter  une  semence;  la  semence  faite, 
l'hiver  arrive  ;  pour  qui  n'aurait  |)oint  vu  le  laboureur, 
qu'y  aurait-il  à  attendre  de  cette  terre  couverte  en 
apparence  de  fiimas  seulement!  —  et  pourtant  au 
prinlemps  l'herbe  se  montre,  les  campagnes  reverdis- 
sent et  les  épis  se  lèvent.  Eli  bien!  la  main  de  Dieu, 
sa  main  seule  a  pu  Iroiibler  l'Europe,  et  l'éitranier, 
comme  il  arrive  aujourd'hui,  sur  ses  vieux  fondements  ; 
ne  croyez  pas  qu'il  ait  pu  appartenir  aux  hommes  seuls 
de  décider  tous  ces  grands  mouvements;  liez-vous-en 
à  celle  main  redoutable;  ses  desseins  vous  sont  cachés, 
mais  ce  n'esl  pas  en  vain,  croyez-le  bien,  qu'elle  secoue 
les  rois  et  les  jieuples;  dans  ce  sol,  dans  ces  empires 
bouleversés,  une  semence  mystérieuse  est  tombée  d'en 
haut,  à  coup  sûr;  patience,  l'heure  de  hi  récolte  que 
Dieu  nous  prépare  sonnera  à  son  tour.  La  Providence 
ne  fait  point  de  choses  inutiles;  si  l'homme  s'agite, 
c'esl,  aujourd'hui  comme  toujours,  que  Dieu  le  mène. 

(tO. 


II.IJ  STIIMIO.NS. 


Le  crayon  a  des  droits,  il  a  des  ressources.qui  ma'ii- 
([uenl  à  la  plume;  sans  son  art  notre  lâche  n'eût  été 
qu'à  moitié  remplie  ;  avec  le  concours  indispensable  des 
dessinateurs  les  plus  renommés  de  notre  temps,  et  de 
quelques  talents  encore  inconnus  ,  mais  qu'on  nous 
saura  gré  de  mettre  en  lumière,  nous  n'avons  point  à 
craindre  de  rester  au-dessous  de  l'obligation  que  nous 
impose  notre  litre  de  lievue  comique;  et  c'est  sur  cette 
coopération  principalement  que  nous  nous  reposons  du 
soin  de  justifier  jusque  dans  son  sens  le  plus  étendu 
j'épithètc  par  laquelle  n(piis  avons  caractérisé  notre 
recueil. 

nrùcc  à  ces  deux  éléments,  la  plume  el  le  crayon, 
s'enlr'aidanl,  se  complétant  l'une  pour  l'autre,  il  nous 
sera  possible  de  rendre  toute  notre  pensée ,  qui  se  ré- 


sume dans  celle  proposition,  laquelle  n'est  paradoxale 
que  parce  qu'il  maïuiiie  à  notre  langue  un  adjectif  qui 
permette  de  séparer  le  comique  noble  du  comique 
vulgaire:  «Ecrire  une  Revue  coniiijue  à  l'usage  des 
gens  sérieux;  l'écrire  à  l'usage  du  vrai  public,  eu  un 
mot,  el  non  dans  le  but,  Irop  commun  de  nos  joui's  , 
de  prôner,  de  servir  i|ueliiue  palrnu  ,  quelque  acleiir 
célèbre  ou  puissant.  » 

Disons  encore,  mais  eu  deux  mots,  que  notre  placi-, 
nous  la  demandons,  non-seulement  au  salon  ,  mais  au 
coeur  même  de  la  maison,  dans  le  foyer  domestique, 
et  que  nous  n'oublierons  jamais  ,  par  conséquent,  que 
notre  public  est  un  public  de  femmes  aussi  bien  que 
d'hommes  éclairés.  '/./.. 


A   I.ISACK  DKS  <;F.NS  SI.IîIKMX. 


SMM   l'IKIUU;,  SVIM   VWL  KT  Lr:S  Hll'l  HFJCAINS  1)K  LA  VKILLK. 


Il  o>t  tiii|i  tard  pour  le  dire  aux  ri'|iul)lii'ains  de  la 
veille;  —  mais  eoiiime  mieux  vaut,  dit-oii,  tard  que 
jamais,  je  le  leur  ilirai  néanmoins  :  leur  grand  tort  a  été 
d'être  cxelusifs  :  ils  sont  lomliés  là  dans  un  péclié  (jui  est 
vieux  eoninie  le  monde  ;  je  voudrais  le  leur  faire  sentit 
par  un  exemple. 

Il  y  a  eu  autrefois,  dans  un  coin  du  monde,  une  dou- 
laine  de  répnldiiains,  c'est  bien  peu,  un  peu  moins 
qu'en  France,  nous  le  reconnaissons,  qui,  sous  le  souffle 
puissant  de  l'un  d'entre  eux,  se  levèrent  décidés  à  prê- 
cher la  doctrine,  alors  bien  nouvelle,  de  la  liberté,  de 
l'égalité  et  de  la  fraternité.  Parmi  ces  douze  hommes, 
il  V  en  avait  deux  remarquables  entre  les  autres:  l'un 
s'appelait  Pierre,  l'antre  s'appelait  Paul;  Pierre  était, 
et  je  vais  le  dire  pour  être  compris,  pour  être  actt  el , 
Pierre  était  muge,  j'iiilends  qu'il  aurait  siégé  par 
exemple  à  l'assemblée  nationale  de  son  pays,  s'il  y  eût 
eu  dans  ce  pays  une  assemblée  nationale,  à  côté  du  ci- 
toyi'H  l.edru-Rollin  de  cette  assemblée.  F.h  bien  !  Pierre 
disait  à  l'aul  :  «  Nous  sommes  juifs,  soyons  fiers  de 
l'être,  ne  baptisons  que  les  juifs.  » 

.\  quoi  Paul,  qui,  tout  républicain  de  la  veille  qu'il 
était,  n'était  pas  7-ouge  du  tout,  répondit  ;  «  Pierre, 
mon  ami,  vous  n'y  pensez  pas  ;  que  ferons-nous  du 
pauvre  peuple  de  juifs  que  nous  sommes?  C'est  sans 
doute  un  peuple  do  bonnes  i-'ons,  qui  ont  bien  mérité 


du  monde  entier;  maiscniin  depuis  longtemps  ils  onl 
vécu  bien  opprimés,  et  si  ce  n'est  qu'ils  ont  appris  à 
souffrir  et  qu'ils  n'ont  peur  ni  de  la  mort,  ni  de  la  mi- 
sère, ni  des  cachots,  pires  que  la  mort  et  la  misère,  je 
ne  vois  pas  qu'ils  puissent  à  eux  seuls  suflire  à  tout  ce 
qu'il  nous  faut  faire  ;  il  ne  s'agit  pas  seulement  aujour- 
d'hui de  conspirer  et  d'aller  en  prison  bravement,  il  faut 
que  nous  nous  montrions  au  grand  jour  pour  enseigner 
tout  haut  la  doctrine  de  notre  maître,  l'organiser  sur 
toute  la  terre,  et  la  faire  accepter  de  tous.  Si  nous  ne 
sommes  que  des  juifs  pour  cette  divine  besogne,  nous 
n'en  viendrons-jamais  à  bout.  Croyez-moi,  baptisons 
un  peu  les  Gentils.  Ces  païens,  je  vous  assure,  ont  du 
bon,  et  quand  notre  doctrine  sera  à  eux,  ils  la  défen- 
dront honnêtement.  Ils  aiment  ce  qui  leur  appartient, 
faisons  leur  une  propriété  commune  avec  nous,  de  notre 
sublime  Évangile,  et  ils  le  défendront,  comme  de  tout 
temps  on  a  défendu  ce  qu'on  sait  être  son  bien. 

Pierre  se  fit  bien  un  peu  tirer  l'oreille;  mais  enfin 
c'était  un  brave  homme  ;  c'était  un  grand  saint.  Il  avait 
du  bon  sens  comme  tous  les  gens  du  peuple,  quand  on 
l'aidait  à  en  avoir,  et  qu'on  le  mettait  sur  la  route  :  il 
céda,  et,  au  lieu  de  n'avoir  à  garder  que  les  clefs  de  Jé- 
rusalem, il  eut  bientôt  à  garder  les  clefs  du  paradis. 

Le  conseil  de  saint  Paul  était  bon. 

00. 


LES  DEUX  OMBRES  ET  LOriS->APOLÉO>'. 


IMIIK.    HK    I.  M.I.KMAMi.l 


Entendez-vous  dansl'air  brumeux  ce  bruit  étrange?  1 
on  dirait  des  hennissements  lointains  de  chevaux.  .Mi- 
nuit sonne  ;  c'est  l'heure  des  ombres.  Des  cavaliers 
s'ariêlent  devant  la  porte  de  cet  hôtel.  On  ne  k-s  a 
point  vus  passer;  d'où  viennent-ils?  Demandez-le  au 
vieux  dragon  qui  les  garde.  Comme  ses  yeux  flam- 
boient sous  son  casque!  Sa  moustache  est  longue  et 
blanche.  0  ciel  !  le  vent  qui  entr" ouvre  son  manteau  ne 
me  laisse  apercevoir  qu'un  squelette.  Minuit  sonne  ; 
c'est  l'heure  des  ombres. 

Un  homme  est  assis  dans  une  belle  chambre,  de- 
vant un  feu  pétillant.  Son  costume  est  celui  d'un  biil- 
lant  cavalier  qui  revient  d'une  fêle.  Sans  doute,  il  a 
passé  sa  soirée  au  bal,  ou  au  milieu  d'un  festin  joyeux. 
Il  jette  un  coup  d'oeil   distrait  sur  des  lettres  et  des 


journaux  répandus  sur  sa  cheminée;  puis  il  se  dit, 
avec  un  sourire  :  Je  serai  donc  roi  !  Et  sa  tète  s'incline 
sous  la  fatigue  du  plaisir,  sa  paupière  se  ferme;  il  va 
s'endormir. 

Tout  à  coup  la  porte  s'ouvre  avec  un  bruit  solennel, 
des  bottes  éperonnées  retentissent  sur  les  tapis  moel- 
leux. Une  voix  invisible  jette  successivement  ces  mots 
à  l'écho,  avec  une  lenteur  majestueuse  : 

«  L'Empereur  ! 

"  Le  roi  de  Rome  1  « 

Lhomnie  du  baf  et  du  joyeux  festin  se  lève  en  tres- 
saillant; il  veut  faire  quelques  pas  en  avant,  puis  il 
s'arrête.  Ses  janibes  chancellent.  Voyez  comme  son 
teint  est  pâle  ;  il  tremble  devant  cette  vision. 

Cependant    1  Empereur    déboulonne   sa  redingote 


lŒVUE  COMIQUK 


grise  ;  il  s'avance  vers  le  loyer,  et  approche  du  feu  ses 
grosses  bottes,  comme  au  bivouac  d'Austerlitz.  A  côté 
de  lui,  un  pâle  jeune  homme,  vêtu  d'un  uniforme 
blanc,  se  tient  debout,  dans  une  attitude  mélancolique. 
L'Empereur  se  lève,  croise  ses  mains  derrière  son  dos, 
et,  marchant  à  grands  pas  dans  l'appartement,  il  dit  ; 
«  Savez-vous,  mon  neveu,  pourquoi  je  suis  ici? 

—  Non,  sire,  répond  le  maître  du  palais, 

—  Pour  vous  en)pècher  de  fiiire  une  sottise,  et  de 
commettre  un  sacrilège.  Ecoutez-moi  bien. 

«  Vous  réclamez  mon  héritage;  mon  héritage  n'est 
à  personne,  pas  même  à  cet  enfant  que  voilà,  et  qui, 
pourtant,  dans  son  berceau,  porta  le  titre  de  roi  de 
Rome,  héritier  de  Napoléon  !  Où  est  donc  ma  suc- 
cession ?  Peut-on  léguer,  par-devant  notaire,  Arcole, 
Marengo,  les  Pyramides.  Austerlitz,  ^Vagram,  Jlont- 
niirail?  Vous  me  parlez  d'un  sénatus-consulte  signé 
de  ma  main.  Le  temps  a  déchiré  celte  vaine  formule, 
et  le  vent  des  révolutions  en  a  emporté  bien  loin  les 
débris.  Savez-vous,  mon  neveu,  quel  est  mon  héritage, 
un  héritage  que  nul  ne  peut  revendiquer?  ce  sont  les 
résultats  de  mon  génie,  les  travaux  de  ma  volonté.  Des 
idées  et  des  souvenirs,  voilà  tout  ce  que  j'ai  laissé 
après  ma  mort.  Cet  héritage,  nul  ne  doit  y  prétendre, 
ma  gloire  ne  peut  plus  se  continuer  ;  si  l'on  y  touche, 
on  la  ternit.  La  seule  ambition  qui  convienne  aux  des- 
cendants des  grands  hommes  est  de  se  faire  oublier. 
M'entendez-vous,  mon  neveu?  » 

Louis-Napoléon  courba  la  tète. 

Alors  le  roi  de  Rome,  s'approclianl  de  lui,  et  mettant 
sa  main  dans  la  sienne,  lui  dit  d'une  voix  douce  :  «  Mon 
cousin,  croyez-moi,  ne  touchez  pas  non  |)lus  à  mon 


héritage,  cela  vous  porteiait  malheur.  Hélas!  de  quoi 
se  composc-t-il?  de  quelques  pleurs,  qui  ont  coulé 
d'un  œil  de  mère,  en  songeant  à  ma  destinée  d'orphe- 
lin. Cette  couronne,  que  vous  voulez  placer  sur  votre 
tète,  c'est  le  captif  de  Sainte-Hélène,  c'est  le  captif  de 
Vienne  qui  chacun  vous  en  ont  tressé  la  moitié.  Ne 
convertissez  pas  les  larmes  et  les  regrets  en  monnaie 
électorale.  Vous  voulez  régner  par  le  droit  du  souvenir 
et  de  la  pitié.  Que  restera-t-il  au  général  Ronaparte  et 
au  duc  de  Heisclitadt  lorsque  vous  aurez  livré  tout  cela 
au  vent  de  l'intrigue  et  de  l'ambition?  Me  comprenez- 
vous,  mon  cousin?  » 

Louis-Napoléon  courba  la  tète  de  nouveau. 

«  Vous  n'hériterez  ni  de  la  gloire  du  père,  ajouta 
l'Empereur,  ni  de  la  compassion  généreuse  qu'inspire 
le  fils  ;  vous  les  déroberez.  C'est  à  vous  à  voir  ce  que 
vous  voulez  faire.  Adieu.  » 

Pour  la  troisième  fois  Louis-Napoléon  courba  la  tête. 

Cependant  l'aube  blanchit  les  rideaux  de  soie,  le  feu 
s'éleint  dans  le  vaste  foyer.  Entendez-vous  dans  l'air 
brumeux  ce  bruit  étrange?  on  dirait  des  hennissements 
de  chevaux.  Ils  montent,  ils  montetit;  on  cesse  de  les 
entendre. 

L'homme  assis  devant  la  cheminée  se  réveille,  il 
jette  des  regards  effarés  autour  de  lui.  «  Sire,  balbutie- 
t-il,  sire...  Puis,  se  rassurant  peu  à  peu,  il  murmure 
avec  im  sourire  :  Ce  n'était  qu'un  cauchemar,  je  serai 
empereur 

—  Silence,  mon  lils,  dit  un  sage  vieillard  qui  venait 
d'entrer,  vous  en  disiez  autant  à  Strasbourg  et  à  Bou- 
logne. —  Rappelez-vous  toujours  Ham  et  Londres.  » 

TT. 


IL.  \, 

iiilinn     iii   infi 


- — jpffl 


Tiens,  mou  pclil,  en  voilà  un  qui  t'ira  uiieu\,  il  esl  ukmh-  l'um: 


Dessiné  par  Bertall. 


Oravé'par  MlODERiiiH. 


1^  B^k'Ui.aMi  )  (LouAÂ-NaAaU'iT».) 


REVUE  COMIQUE 


AUX  CHr':FS  de  partis. 


Si  le  spectacle  que  présente  la  France  en  ce  nionieiit 
est  triste  et  douloureux,  c'est  moins  à  cause  de  la  pro- 
fondeur du  mal  dont  elle  souflVe,  qu'à  cause  de  la  ma- 
nière dont  ce  mal  se  produit. 

Si  terrible  qu'il  soit,  en  clïut,  il  ne  serait  rien,  car 
dans  ce  monde  où  tout  passe,  le  mal  passe  comme  le 
reste,  s'il  était  le  résultat  de  quelques-unes  de  ces  pas- 
sions vigoureuses  qui  trouvent  une  excuse  et  une  con- 
solation dans  leur  grandeur;  mais  celte  excuse,  cette 
consolation  nous  manquent  absolument. 

Reconnaissons-le  :  la  Fi-ance  s'ennuie  encore  ;  son 
plus  grand  mal  c'est  son  indifférence  :  et  c'est  par  en- 
nui, rien  que  par  ennui,  et  en  quelque  sorte  par  dés- 
œuvrement, que,  tète  baissée,  elle  peut  se  jeter  dans 
un  abîme,  que  le  moindre  effort  de  son  bon  sens  et  de 
sa  volonté  pourrait  éviter. 

11  semble  que  notre  pauvre  pays  ne  soit  habité  que 
par  des  somnambules,  et  qu'un  génie  malfaisant  mette 
à  profit  cette  léthargie  pour  égarer  l'opinion  publique 
en  prolongeant  son  engourdissement. 

Comment  expliquer  cet  inexplicable  vertige? 
Qui  nous  fera  comprendre  que  quand  tout  le  monde 
se  dit  :  «  Nous  sommes  perdus,  si  nous  allons  à  cet  in- 
connu, personne  n'élève  la  voix,  et  que  chacun,  à  la 
façon  des  musulmans,  des  sauvages  et  des  idiots,  se 
croise  les  bras  en  courbant  la  tète,  comme  si  c'était 
écrit,  comme  si  c'était  fatal,  inévitable. 

Mais,  fût-ce  écrit,  le  fût-ce  de  la  main  de  Dieu  mê- 
me, il  nous  faudrait,  pour  l'honneur  du  nom  français, 
protester.  11  faut  que  quelqu'un  dise  la  vérité,  et  non 
pas  le  citoyen  obscur  que  nous  sommes;  mais  il  faut 
qu'une  voix,  je  ne  sais  laquelle,  vienne  sauver  le  pays, 
le  secouer,  le  réveiller,  lui  dire  qu'il  se  perd,  et  lui 
montrer  l'abime  des  révolutions  prêt  à  se  rouvrir  sous 
ses  pas. 

Cette  voix,  qui  la  fera  entendre,  puisque  les  hommes 
les  mieux  placés  pour  parler  restent  muets? 

Si  le  peuple  se  trompe,  désabusez-le,  vous  (|ui  avez 
sa  confiance  ! 

Pourquoi  Béranger  se  tait-il  ?  IN'a-t-il  rien  à  dire  au 
neveu  de  cet  empereur  jiour  l'arrêter  dans  sa  folie , 
pour  lui  apprendre  qu'on  n'est  bien  qu'à  sa  place,  et 
que  sa  place  n'est  point  où  s'est  assis  son  oncle?  L'im- 
mortel chansonnier  n'a-t-il  rien  à  dire  à  ces  paysans,  à 
ces  ouvriers,  sur  qui  sa  voix  serait  toute-puissante?  Un 
mot  de  lui,  une  chanson  peut-être,  qui  leur  appren- 
drait à  tous  que  Napoléon  est  mort,  aussi  bien  que 
Henri  IV,  et  qu'il  ne  saurait  revivre  dans  aucun  de  ses 
descendants,  ce  mot  suffirait  à  leur  ouvrir  les  yeux; 
pourquoi  ne  le  prononce-t-il  pas  ? 


N'est-ce  pas  une  trahison  que  ce  silence?  Une  trahi" 
son,  non  pas  contre  la  République  seulement,  mais 
contre  la  société  tout  entière,  contre  le  sens  commun, 
contre  la  dignité  du  pays,  qui  ne  peut  faire  son  dieu 
du  hasard,  et  (]ui  va  se  livrer  au  hasard. 

Ce  hasard,  à  qui  peut-il  profiter?  A  quoi  servira- 
t-il  à  M.  de  Lamartine,  par  exemple,  d'avoir  ouvert  le 
jeu?  Le  sort  en  est  jeté,  a-t-il  dit;  mais  qui  donc  l'a 
jeté,  ce  sort,  à  la  France,  si  ce  n'est  ceux  qui  auraient 
pu  la  garantir  contre  ses  chances  mauvaises  qu  con- 
traires? 

Enivré,  étourdi  à  Màcon,  M.  de  Lamartine  conipte- 
t-il  encore  pour  son  compte  personnel  sur  Ifs  bénélices 
de  ce  hasard  ? 

Hélas,  non  !  M.  de  Lamartine  no  sera  pas  président 
de  la  République;  mais  que  lui  importe?  la  France 
sera  mal  présidée  ;  elle  souffrira,  et  il  se  consolera  de 
son  échec  comme  président,  en  coni|)tant  les  douleurs 
de  celte  France,  ingrate  envers  lui,  nous  le  reconnais- 
sons. 0  ambition!  quelque  légitime  qqe  tu  sois,  quand 
lu  l'emportes  dans  un  cœur  sur  l'amour  du  bien  pu- 
blic, tu  es  un  vice  et  non  pas  nue  vertu  ! 

Ainsi  donc,  meure  le  malade,  si  je  ne  suis  pas  son 
médecin  1 

S'il  y  a  des  hommes  coupables  entre  tous,  ce  sont,  à 
coup  sûi',  ceux  qui,  ayant  le  droit  de  parler,  ne  com- 
prennent pas  les  devoirs  que  ce  droit  leur  impose. 
Mais  il  y  en  a  d'autres  plus  coupables  encore;  car  ils 
font  pis  que  de  se  taire,  puisqu'ils  disent  le  contraire 
de  ce  qu'ils  pensent  ! 

Eh  quoi  !  M.  Tliicrs,  il  n'est  pas  un  de  vos  griefs 
contre  la  Républi(|ue,  contre  le  général  Cavaignac,  que 
vous  honorez  au  fond  de  votre  <àmc  et  qui  n'aurait  rien 
à  craindre  de  vous,  historien,  j'en  suis  sûr  ;  il  n'est 
pas  un  de  ces  griefs  que  vous  n'ayez  pu  articuler,  et 
vous  n'osez  pas  dire  tout  haut  ce  que  vous  dites  tout 
bas  du  pi'incc  Louis-Napoléon... 

Dans  vos  paroles,  dans  vos  confidences,  dans  vos  en- 
treliens demi-particuliers,  préoccupé  sans  doute  de 
l'idée  de  prolester,  pour  riionneui-de  votre  jugement, 
contre  l'égarement  d'une  partie  du  pays,  et  de  f.iire 
ainsi  les  réserves  de  votre  bon  sens,  vous  dites,  de  ce 
prétendant  à  la  présidence,  tout  ce  qu'il  en  faut  dire 
|)0ur  en  détourner  les  honnêtes  gens;  vous  le  dites,  et 
vous  en  dites  plus  môme  qu'il  ne  faudrait,  car  votre  es- 
prit gaulois  n'a  peur  d'aucun  des  mots  que  chérissait 
Rabelais  ;  et  vous  ne  rediriez  pas  un  jour  au  pays,  em- 
porté par  la  vérité,  toutes  les  vérités  dont  vos  mains 
sont  pleines  !  Si  ce  n'est  pas  une  lAcheté,  c'est  bien 
pis,  c'est  un  calcul.  Ne  pouvant  être  le  premier,  vous 


A  L'USAGE  DES  GENS  SIÎRIF.JJX. 


voulez  que  le  premier  soit  aii-tlessotis  de  sa  mission. 
—  I,a  Rt'piil)li(|iie  sans  vous,  vous  l'avez  dit,  vous  lu 
voulez  grotosiiiie.  Prenez  garde,  M.  iliicrs;  prenez 
garde,  le  grotesque  et  le  terrible  se  touilieiil  dinis  des 
temps  cornnie  les  nôtres. 

Braves  bourgeois,  qui  croyons  en  M.  Thiers,  noni- 
monsdonc  Napoléon  ;  M.Tliiei-s  a  besoin  que  la  l'Vaiuc 
soit  ridicule. 

(Iroyez-voiis  qu'on  eût  pu  ramener  M.  Tbiers,  et 
qu'en  neeordant  au  pays,  à  son  parti,  tout  ce  qu'il 
eiU  pu  lui  donner  lui-même,  il  eiU  été  satisfait  ?  .^on. 

Il  n'y  a  qu'un  président  au  monde  qui  eût  pu  conve- 
nir à  M.  Tbiers  mieux  que  Napoléon,  et  ce  président, 
c'eût  été  M.  Tbiers  lui-même.  —  Kst-ce  notre  faute  si 
M.  Thiers  est  impossible  '? 

Eh  bien  !  M.  Tbiers,  il  y  a  des  républicains  qui  va- 
lent mieux  que  vous.  Entre  Louis-Napoléon  et  vous; 


je  dis  plus,  entre  .M.  Bugeaud  et  Napoléon,  entre 
M.  Mole  et  Napoléon,  entre  tons  et  Napoléon,  nous  en 
connaissons  qui  n'eussent  pas  hésité. 

L'histoire  dira  que,  placé  entre  le  bien  du  pays  et  sa 
perte,  vous  avez  sciemment  volé  pour  sa  [Hile. 

Votre  calcul  est  faux,  .M.  Thiers  :  la  révolution  de 
Février  vous  avait  laissé  en  arrière;  mais  debout  en- 
core et  possible  encore  ,  mais  nécessaire,  peut-ôlre  , 
dans  des  temps,  dans  des  conditions  données.  Larévo- 
lution  nouvelle,  celle  que  vous  préparez  avec  tant  d'im- 
prudence en  appuyant  un  homme  dont  vous  savez  tout 
le  néant,  cette  révolution  passera  par  dessus  vous  en- 
core, mais  c'est  à  terre  qu'elle  vous  laissera. 

r»a|)pelez-vous  que  votre  conduite  d'aujourd'hui 
donne  aux  honnêtes  gens  de  tous  les  partis  le  droit  de 
ne  se  souvenir  que  de  vos  fautes. 

S.  S. 


L'habit  ne  Lut  pas  le  moine. 


10 


RF.VIIF,  COMIQl'E 


CK  QUE  DIT  M.  THIF.RS  QUAND  II.  DOUT 


INE  SKANCE  DS  MAliNÏTISMI-    A   I.A   l'LACK  SAlNT-(iEOECES. 


Au  iioiiibre  des  cliosos  (jne  niu  M.  l'Iiiers,  il  tant,  il 
failiiil  du  moins  placei'  le  magnétisme. 

M.  Thiers  niait  tout,  nièmele  sonimcil  magnétiiiue, 
à  plus  forte  raison  niait-il  qu'on  pût  faire  |)arler  de 
forée  un  homme  endormi. 

In  habile  et  spirituel  médecin  de  ses  amis,  résolu  à 
venger  le  magnétisme,  demanda  à  M.  Thiers  qu'il  vou- 
lût bien  se  soumettre  à  une  épreuve. 

M.  Thiers  accepta. 

C'était  le  soir  même  du  jour  oii  le  Constitutionnel 
venait  de  faire  savoir  à  ses  abonnés  que  M.  Thiers  ap- 
puyait la  candidature  du  prince  Louis. 

51.  Thiers  s'assit,  une  jeune  et  aimable  femme  prit 
une  plume  et  consentit  à  dresser  le  procès-verbal  de  la 
séance; — ce  qu'elle  lit  aussi  bien  qu'un  greliier  l'eiU 
pu  faire. 

M.  Thiers  résista  pendant  cinq  minutes  à  peine,  à  la 
puissance  du  fluide.  —  Après  avoir  li ,  plaisanté  son 
médecin  ,  son  regard  vert,  si  net  et  si  brillant  d'ordi- 
naire, se  ternit;  ses  mains,  ses  jambes,  toujours  si 
peu  calmes,  si  inquiètes,  se  fixèrent,  sa  tète  tomba  sur 
sa  poitrine.  — M.  Thiers  dormait. 

«  Cela  ne  prouve  rien,  dit  sa  femme,  M.  Thiers  dort 
toujours. —  Il  dormait  chez  le  roi  ;  il  dort  partout.  » 

M.  Thiers  est  en  effet  l'homme  le  plus  actif  et  le  plus 
endormi  qui  se  puisse  voir  ;  entre  la  fièvre  et  le  som- 
meil il  n'y  a  pas  pour  lui  de  milieu. 

((  Faites  parler  M.  Thiers,  »  dit-on  de  toute  ]iarl 
au  magnétiseur. 

Le  savant  opérateur  prit  les  mains  du  malade,  ap- 
puya solennellement  son  pouce  sur  son  front,  et  s'a- 
di-essant  au  patient  : 

»  Parlerez-vous  ?  lui  dit-il. 

—  Oui,  répondit  .M.  Thiers  ;  et  avec  ce  oui,  un  long 
soupir  s'échappa  de  ses  lèvres.  —  Ici  nous  copions  le 
procès-verbal. 

Demande.   «  Qu'avez-vous  fait  ce  soir  ? 

RÉPONSE.  —  J'ai  fait  une  sottise. 

D.  — laquelle  ? 

R.  — J'ai  écrit  pour  le  Constitutionnel  vingt-cini] 
lignes,  au  bout  desquelles  je  fais  dire  à  ce  journal  qu'il 
faut  appuyer  la  candidature  du  prince  Louis. 

D.  — Vous  regrettez  donc  de  l'avoir  fait? 

R.  —  Oui  et  non. — J'eusse  préféré  ne  rien  faire  du 
tout.  —  On  m'a  trop  pressé.  —  Toute  la  responsabilité 
de  cette  élection  va  retomber  sur  moi  pendant  ces  trois 
semaines  ;  et  après  qui  sait  ce  qui  arrivera  ? 

D.  —  Pourquoi  avez-vous  empêché  le  parti  modéré 
d'avoir  un  candidat? 

R.  —  Ils  avaient  pensé  à  Bugeaud  au  lieu  de  penser 


à  moi  ;  dans  la  réunion  préparatoire  Bugeaud  avait  eu 
presque  toutes  les  voix.  — Mole  et  moi  presque  rien. 

D.  —  Pourquoi  ne  vous  ctes-vous  pas  décidé  à  ap- 
])iiyer  le  général  (]avaignac  ? 

II.  —  Le  général  Cavuignac,  de  sa  personne,  me  con- 
vient assez  ;  si  j'étais  femme  je  ne  lui  serais  pas  cruel. 

1'. — Mais  enfin  pourquoi  ne  l'avez-vous  pas  appuyé? 

R.  —  Le  général  Cavaiguac  est  un  soldat;  il  est  vif, 
il  est  prompt,  il  trouverait  tout  naturel  (ju'on  lui  cédât  ; 
et  avec  lui  la  défaite  n'aurait  ])as  plus  de  mérite  que  la 
résistance. 

D.  —  Que  craignez-vous  du  général  Cavaiguac  ? 

R.  —  Sa  Réjuiblique  serait  sérieuse;  avec  le  temps 
tous  les  intérêts  du  pays  seraient  venus  de  son  côté.  Le 
général  Cavaignac,  nommé,  eût  fait  ses  quatre  ans  , 
nous  autres  nous  nous  serions  trouvés  bientôt  des  chefs 
sans  armée,  sans  parti. 

D.  — .\vez-vous  pensé  à  M.  de  Lamartine? 

R.  —  Ma  foi  non  ;   qu'il  préside  à  .Màcon. 

D.  — Et  à  M.  Ledru-Rollin? 

R.  — Si  nous  ne  dirigeons  pas  bien  le  prince  Louis, 
et  si  nous  ne  le  faisons  pas  échouer  en  lieu  sur  ,  le  tour 
de  celui-là  ou  de  quelqu'un  des  siens  pourrait  bien 
arriver. 

It.  — Kt  à  Raspail? 

R.  —  Raspail  ferait  chérir  Ledru-Rollin.  Voilà  bien 
ce  qui  m'in(|uiète  ;  je  suis  patriote  au  fond  ,  et  quand 
j'ai  eu  le  tort  de  trop  penser  à  moi,  je  le  regrette.  Si 
la  République  rouge  arrive ,  ce  sera  notre  faute.  Le 
[irince  Louis  peut  y  mener. 

1).  —  Pourquoi  appuyez-vous  le  prince  Louis  ? 

Ici  M.  Thiers  lit  un  mouvement  d'impatience,  et  ne 
répondit  pas;  ses  lèvres  remuèrent  mais  aucun  son  n'en 
sortit. 

«  Pourquoi  !  »   reprit  le  magnétiseur. 

R.  —  Parce  que  son  incapacité  est  notnire,  parce 
qu'il  est  impossible,  parce  que  c'est  la  révolution  à  re- 
faire, et  que  j'espère  refaire  cette  révolution,  qui  nous 
a  échappé  une  fois,  pour  notre  compte  à  nous.  Mais  la 
referons-nous?  Voyez  Barrot,  son  parti  l'abandonne, 
et  les  mienss'éloignent  déjàde  moi. 

—  Vous  voulez  donc  renverser  la  Républiipic  ? 

—  .Non,  je  veux  la  gouverner  ,  (ju'on  me  la  donne  , 
je  saurai  la  défendre  ;  j'accepte  la  République,  mais 
je  n'aime  pas  les  républicains.  Avec  le  prince  Louis, 
c'est  la  lutte  qui  recommence,  et  avec  la  lutte  tontes 
les  incertitudes,  mais  aussi  toutes  les  espérances  de 
l'avenir.  Dans  six  mois....  dans  moins  de  six  mois, 
i\i\\s  cent  jours  peut-être...  » 

00. 


Arrivée  triomphale.  —  L'Oiseau  conduit  par  un  m-^e  Vipill  ird. 


Roule   (le  Londres.  —  L'Oiseau  reconduit  par  un  u  imiu  ,1e  Pa 


Dessiné  par  Otto  . 


Gravé  par  Leblanc  et  Bailant. 


15 


REVUE  COMIQUE 


LES  DKUX  BONAPARTISTES. 


Il-  KiiNAi'MtiisTi':  i>r  i\  m:ii,i  i:  (ISÔ2) 


«Citoyens!  s'i'ci-iii  Isiilorc  l'imiiclion  eu  se  lovant 
sur  son  siège,  vuici  le  inoiiienl  de  lions  ociuper  de 
choses  sérieuses. 

—  Oui,  oui,  répétèrent  les  antres  convives,  la  pa- 
role est  au  citoyen  Fumichon.  » 

Fumichon,  toujours  debout,  déboutonna  son  liabif 
noir  à  larges  basques,  qui  laissa  voir  en  s'ouvraut  ini 
gilet  blanc  à  larges  revers,  passa  la  main  dans  ses  longs 
cheveux,  et  continua  en  ces  termes  : 

«  Vous  n'ignorez  point,  citoyens,  quels  projets  cache 
ce  simple  pique-nique  au  Veau  qui  tette.  L'avenir  de 
la  patrie  ne  ligure  pas  sur  la  carte;  mais  c'est  de  cet 
avenii'  qu'il  s'agit.  Deux  ans  se  sont  écoulés  depuis  la 
révolution  de  Juillet;  les  moins  clairvoyants  ne  peuvent 
s'y  tromper  :  on  veut  escamoter  cette  magnanime  ré- 
volution. Citoyens,  le  souirriioiis-nous? 

—  Non  !  mille  fois  non. 

—  11  faut  donc  renverser  le  gouvernement  ingrat  et 
perfide  qui  opprime  la  France.  Nous  sommes  tons  d'ac- 
cord sur  ce  point.  Maintenant  que  mettrons-nous  à  sa 
place  ? 

—  La  République  !  la  République  1  Vive  la  Répu- 
blique ! 

—  Ce  cri  a  devancé  ma  pensée  ;  oui,  citoyens,  la 
République.  (Test  le  seul  gouvernement  qui  convienne 
désormais  à  la  France. 

—  Permettez,  messieurs,  dit  une  voix  qui  partait 
de  l'extrémité  de  la  table  ,  je  proteste  en  faveur  des 
droits  du  roi  de  Rome. 

.\ussilôt  tous  les  regards  se  dirigèrent  du  coté  de 
l'interlocuteur.  C'était  un  homme  de  quarante-cinq 
ans  à  peu  près,  vêtu  d'une  redingote  bleue,  le  front 
orné  d'une  balafre  transversale,  les  lèvres  recouvertes 
d'une  épaisse  moustache  noire  entremêlée  de  quelques 
poils  gris;  l'air  bonhomme  et  naïf  au  fond,  malgré 
l'apparente  dureté  de  ses  traits.  Il  paraissait  étonné  de 
l'émotion  excitée  par  ses  paroles  dans  l'assemblée. 

«  Citoyens  !  s'écria  d'un  ton  véhément  l'un  des  con- 
vives ,  il  y  a  parmi  nous  des  agents  provocateurs,  .le 
demande  (|ue  le  citoyen  qui  vient  de  parler  du  roi  de 
Rome  soit  tenu  d'exhiber  ses  papiers. 

—  Rassurez-vous,  reprit  Isidore  Fumichon,  ce  ci- 
toyen est  mon  oncle.  .\mi  de  Laborie  et  des  quatre 
sergents  de  la  Rochelle  ;  compagnond'armesde  Vallée, 
conspirateur  dans  l'âme,  ennemi  juré  des  Bourbons,  à 
quelque  branche  qu'ils  appartiennent,  j'ai  cru  qu'il  ne 
serait  pas  déplacé  dans  notre  réunion.  On  ne  saurait 
mettre  en  doute  la  pureté  de  ses  sentiments  et  de  ses 


intentions.  (Test  à  nous  maintenant  de  le  convaincre, 
et  de  lui  prouver  qu'il  se  trompe.  Quoiqu'il  ait  eu  les 
pieds  gelés  en  Russie,  qu'il  ait  reçu  un  coup  de  sabre 
à  Luizen,  nue  balle  à  Montmirail,  et  qu'on  l'ait  laissé 
pour  mort  h  Waterloo  ,  il  n'est  point  inaccessible  à  la 
persuasion.  Voyons,  mon  oncle  Jollivet,  quels  sont  les 
droits  du  roi  de  Rome  à  gouverner  la  France'! 

—  Ses  droits,  il  les  tient  de  sa  naissance. 

—  Cela  veut  dire  (|u'il  est  (ils  de  son  jière.  Rel  ar- 
gument !  Est  ce  que  le  génie  se  transmet  par  voie  de 
succession'!  D'ailleurs  le  roi  de  Rome  n'existe  plus 
depuis  longtemps,  il  a  été  remplacé  par  le  duc  de 
Reischtadt.  Est-ce  que  vous  obéiriez  à  un  homme  qui 
vous  dirait  :  En  afant,  marche  !  Rordez,  armes  !  hre- 
zentez,  armes  !  En  chou,  feu  !  Non,  mon  oncle  ,  non  ! 
et  lors  même  que  le  fanatisme  pour  le  petit  caporal 
vous  boucherait  les  oreilles  an  point  de  vous  empêcher 
d'entendre  l'accent  ludesqiie  de  son  lils,  la  France  l'en- 
tendrait pour  vous.  La  France  n'admet  plus,  du  reste, 
les  privilèges  de  la  naissance  ;  elle  veut  être  gouvernée 
par  le  plus  capable  et  le  plus  digne.  La  France  est 
républicaine  ;  nous  sommes  tous  républicains. 

—  Nous  verrions  bien  ce  que  dirait  la  France  si  le 
fils  de  l'Empereur  se  présentait  à  la  frontière,  le  petit 
chapeau  d'une  main  la  redingote  grise  de  l'autre 

—  Oncle  .Jollivet,  vous  êtes  incorrigible,  vous  et  tous 
les  vieux  bonapartistes  avec  votre  petit  chapeau  etvolie 
redingote  grise.  Vous  vous  imaginez  toujours  que 
l'aigle  va  voler  de  clocher  en  clocher  jusque  sur  les 
tours  de  Notre-Dame.  Vous  pensez  faire  peiir"à  Louis- 
Philippe  en  Vous  promenant  encore  quatre  à  quatre 
avec  de  longues  redingotes  bleues  boutonnées  comme 
sous  la  restauration  ;  vous  vous  croyez  des  conspirateurs 
bien  dangereux  parce  que  vous  avez  le  buste  du  roi  de 
Rome  sur  votre  cheminée;  mais  Louis-Philippe  se 
moque  de  vous  et  vous  laisse  conspirer  à  votre  aise. 
L'empire  n'existe  plus  qu'au  Cirque  Olympique;  l'Em- 
pereur est  mort;  nous  pouvons  dire  vive  Cobert  !  car 
je  dois  rendre  cette  justice  à  mon  oncle ,  qu'il  ne  fait 
nulle  diflicnlté  de  convenir  que  l'Empereur  est  mort; 
n'est-ce  pas,  oncle  Jollivet! 

—  Est-ce  que  par  hasard  tu  voudrais  te  moquer  de 
moi,  blanc-bec'/ 

—  Jamais,  mon  onde,  jamais;  respect  aux  braves  ! 
Portez  armes  !  Présentez  armes!  Crions  tous  :  Vive  Go- 
bert  ! 

—  Vive   Cobert  ! 

Jollivet  prend  sa  canne  cl  son  chapeau  et  s'en  vafu- 


A  l.ts.\(.i;  l)i:s  GKNS  SÉRIEUX. 


rieuxen  s'écriimt  :  A  revoir,  niussieiirs  les  rL'pubiicuins 
à  Irois  ('rares  par  lùte  !  yiiaiil  ù  vini!;,  inuiisieiir  mkhi 
iicvcu,  vous  1110  li;  pujLTc/.. 

Les  roiivivi's  repreiniciil  déplus  lielle  :  Vi\t  Gobert! 

0  Maiiilen.ml  (jne  re  vioiix  grognard  a  repris  le  ciieiiiin      elioc  des  verre 
de  son  iluunp  il'asilt ,  siliié  rue  aux  Ours,   s'éiiie  Isi-    '        (leei  se  passait  en  1SÔ2 


dore  rutnichon,  un  dernier  loasl  an  Irdpos  de  lous  les 
Ijraiis!  Plus  d'empereurs,  plus  de  rois,  plus  de  consuls, 
la  Ui''pulili(|ue  ou  la  niurt  ! 

—  La  lU'puhliiine  ou  la  inorll  répète  l'assemblée  au 


II 


LE    I(0\AI'AI11I>1K    lu     l.KNKF.M.UN  (l)SiS]. 


(I  Kli  bien  1  lunn  novon  ruiiiiclion,  i'i'S|.i'i-L' ijul'  le 
voilà  euntent,  nous  sommes  eu  Ilépnbluiue.  (lomniiiit 
vont  les  alFaircs  ? 

—  Mal,  mon  (inile  .lollivel,  très-mal. 

—  La  crise  ne  durera  pas,  j'ai  tout  espoir  dans  le 
bon  sens  du  pays.  Tel  i\ue  tu  me  vois,  je  nie  suis  récon- 
cilié avec  la  lîépublique.  .Tu  avais  raison  quand  tu 
me  soutenais  autrefois  que  c'était  la  seule  forme  de 
gouvernement  qui  convint  à  la  France.  Que  veux-tu, 
nousauti'es  vieux  soldais  auxt]nels  le  grand  honmie  a 
pincé  le  bout  de  l'oreille,  nous  avo.s  eu  plus  de  peine 
que  d'autres  à  nous  défaire  de  nos  préjugés;  il  nous 
semblait  que  la  France  était  peidue  si  elle  ne  retour- 
nait pis  à  rem]iire.  Me  voilà  bien  revenu  de  ces  illu- 
sions. Tu  disais  donc  que  les  affaires  n'allaient  pas  très- 
bien. 

—  La  bonneterie  est  nmrle  !  .l'aurais  bien  mieux  l'ait 
de  Continuer  mon  droit  et  de  passer  avocat;  mais  au 
lieu  de  Irava  lier,  je... 

—  Tu  conspirais;  je  me  rappelle  encore  le  banquet 
du  Venu  qui  tetle.  Vous  étiez  là  une  douzaine  de  fa- 
meux lapins  républicains.  Ktais-je  ridicule  alors,  avec 
mon  roi  de  Rome'? 

—  .le  n'étais  pas  encore  dans  la  bonneterie.  C'était 
le  bon  temps. 

—  Tu  es  triste  comme  un  bonnet  de  nuit  avec  ta 
Il  lunelerie.  Laisse  nommer  le  président,  et  puis  tu  ver- 
ras le  commerce  reprendre  de  plus  belle.  Causons  un 
peu  politique,  cela  nous  distraira,  quoique  cette  fois 
nous  risquions  fort  de  nous  trouver  du  même  avis.  Tu 
votes  pour  Cavaignac'ï 

—  Non. 

—  Pour  Lamartine? 

—  Point  du  tout. 

—  Pour  Ledru-Rollin  '? 


—  Lncore  moins. 

—  Pour  qui  donc? 

—  l'our  Louis  Bona|)arte. 

—  Toi,  un  liomine  éclairé,  un  vieux  républicain  ; 
c'est  impossible.  Quels  sont  donc  les  droits  de  Louis 
Ronaparle  à  la  présidence? 

—  Ses  droits  :  il  les  tient  de  sa  naissance. 

—  Cela  veut  dire  qu'il  est  le  neveu  de  son  oncle, 
bel  argument!  Est-ce  que  le  génie  se  transmet  par  voie 
de  succession?  D'ailleurs  le  neveu  de  l'Empereur 
n'existe  plus  depuis  longtemps;  il  a  été  remplacé  par 
lin  grand  seigneur  britannique  ou  allemand,  je  ne  sais 
trop  lequel,  une  espèce  de  monstre  qui  commence  en 
boninie  et  qui  finit  en  queue  de  const.ible  anglais.  Tu 
veux  nommer  Louis  Bonaparte,  brézldent  te  la  Ripi- 
jtlique  vi'unçaise  ! 

—  Il  a  pour  lui  li!s  souvenirs. 

—  Sont  ce  là  des  titres  au  gouvernement? 

—  Un  nom  ! 

—  Qu'est-ce  qu'un  nom?  La  Fiance  n'admet  plus 
les  privilèges  de  la  naissance,  elle  veut  être  gouvernée 
par  le  plus  capable  et  le  plus  digne.  Tu  vois  que  je  me 
souviens  de  tes  paroles.  La  France  est  républicaine, 
nous  sommes  tous  républicains.  Quoi!  c'est  lorsque 
tous  les  bonapartistes  de  la  veille  se  rallient  à  la  Répu- 
blique qu'il  y  aurait  des  bonapartistes  du  lendemain? 

—  Mais  vous  ne  savez  pas,  mon  oncle,  que  si  Louis 
P)onapartc  est  nommé,  l'empereur  de  Russie  a  promis 
de  faire  à  la  fabrique  de  Paris  une  immense  commande 
de  bonnets  de  coton  pour  son  armée  du  Caucase. 

—  Mon  neveu,  je  ne  vous  dirai  point  mon  opinion 
sur  votre  compte.  Sachez  seulement  que  vous  me  faites 
rougir  d'avoir  été  bonapartiste,  .\dieu,  et  ne  comptez 
plus  sur  ma  succession.  » 

Ceci  se  passe  en  1848. 


li 


HEVUE  COMIQUE 


CHOSES  QUELCONQUES. 


AtX    HONNK.TES    GENS    DE     1.  AM.IKN      I'AUTI     CONSERVATEIR. 

Les  ennemis  do  la  Uopubliiiue  ne  sont  pas  dans  le 
parti  conservateur.  Les  ennemis  du  parti  conservateur 
ne  sont  pas  dans  le  parti  républicain.  I.e  parti  conser- 
vateur est  le  parti  des  gens  qui  craignent  les  révolu- 
tions, non  parce  qu'ils  les  croient  tout  à  fait  stériles, 
mais  parce  que  la  mise  de  fonds  nécessaire  à  leur  ac- 
complissement leur  paraît  hors  de  proportion  avec  les 
résultats.  Le  parti  conservateur  a  trop  bravement  ré- 
sisté à  la  révolution  de  Février  pour  ne  jias  savoir  Tac- 
cepler.  Les  gens  qui  se  sont  bien  battus  ne  se  délestent 
pas.  Que  M.  Tliiers,  qui  n'a  point  eu  l'honneur  de  lu 
lutte,  défaite  ou  victoire,  se  conduise  comme  il  fait, 
cela  n'a  rien  qui  doive  surprendre;  ce  n'est  qu'affli- 
geant, ce  n'est  que  fâcheux.  Sans  parler  des  nécessités 
de  son  caractère,  on  comprend  qu'il  ait  la  fièvre;  cette 
fièvre  que  l'amour  du  pays  seule  pourrait  guérir,  on 
comprend  qu'il  en  cherche  l'aiiaisement  dans  l'agita- 
tion et  le  mouvement.  Le  repos  auquel  il  est  con- 
damné lui  pèse;  c'est  pour  lui  l'enfer.  Plutôt  que 
de  ne  rien  faire,  voyant  qu'après  une  attente  de  sept 
mortelles  années,  l'heure  d'entrer  en  scène  n'est  point 
venue  encore  pour  lui,  il  se  jette  aujourd'hui  dans  le 
trou  du  souffleur. 

C'est  là  que  nous  le  trouvons.  Son  but,  en  y  allant, 
est-il  d'aider  l'acteur  qu'il  se  propose  de  remjilacer 
plus  tard,  ou  de  troubler  le  spectacle?  C'est  à  lui  de 
répondre. 


Mais  il  a  réiioudii  :  «  Je  ne  serai  jamais  le  ministre 
de  Louis-Na|)oléon  Bonaparte.  » 

Que  sera  donc  M.  Thiers?  De  quelle  catastrophe  sor- 
tira ce  qu'il  souhaite? 


Le  vrai  parti  conservateur,  le  pays  modéré  est  toul 
entier  représenté  par  le  Journal  des  Débats.  —  Nous 
n'a])pelons  pas  des  modérés  ceux  des  anciens  meneurs 
do  ce  parti  qui  payaient  le  Globe,  et  fondaient  l'Époque. 


I,a  candidature  du  prince  Louis  perd  tous  les  jours 
du  terrain.  Chacun  se  demande  avec  effroi  si  le  moyen 
de  se  guérir  d'un  mal  est  de  se  jeter  dans  un  pire.  Le 
suicide  est  sans  doute  un  remède  à  tous  les  maux  ; 
mais  un  pays  sensé  comme  le  nôtre  a-t-il  le  droit  de  se 
conduire  comme  une  grisette? 


On  s'étonne  que  la  France  soit  indifférente  à  la  Ré- 
publique; maison  oublie  que  cette  indifférence,  on  l'a 
prèchée,  vantée  depuis  dix-huit  ans,  et  qu'on  avait  fait 
de  l'indifférence  en  matière  [)olitique,  c'est-à-dire  de 
l'oubli  de  la  pairie,  une  vertu.  Vous  avez  semé  l'indiffé- 
rence et  leculte  des  intérêts  matériels,  ne  vous  étonnez 
pas  de  ce  que  vous  recueillez.  Vous  avez  parlé  argent, 
actions,  jeux  de  bourse,  on  vous  répond  salaire,  heures 
de  travail,  etc. 


En  1848,  nous  avions  Louis-Philippe  ;  si  Louis  Bonaparte  nous  arrivait 
en  1849 1849  .serai'  Van  pire,  lli!  hi!  Li  ! 


A  L'USACK  i)i;>  i.iNs  si;iui:ux. 


ir. 


i.E  Ni':vi:r  m-:  la  colonne. 


Quoique  jp  sois  votre  cmpcretir 
Par  le  (Iroil  ilj  iKiiS'aiicc, 

Je  veux  bien,  de  chaque  i^leeteiir, 
Tenir  la  présidence. 
Danil  ceh  linrera 
Tant  que  i;a  pouiT.-!. 
Si  la  claire  vous  lente. 
De  mon  oncle  ninriileu  ! 
Je  suis  le  neveu  ; 
La  Colonne  est  ni:i  tuule. 


Il  fiul,  —  suspeniliz  VOS  l)r;ivos, 

Savoir  ce  (pie  l'on  troque: 
Si  vous  n'avez  plus  le  liéros. 

Vous  aurez  sa  iléfroque. 

Dans  mon  porte-manteau. 

J'ai  son  petit  chapeau. 

Sa  culotte  collante. 

De  mon  oncle,  morlileu.' 
Ne  suis-je  pas  le  neveu  '? 

La  Colonne  est  ma  tante. 


Je  n'ai  pas  s'rti  du  fourreau 
Ma  moileste  namberjîe. 

Je  connais  trùs-hien  Marengo 
Par  les  poulets  d'auberge; 
Aiist  ^rlitz,  léna. 
J'ai  bien  mieux  que  cela 
Dans  ma  vie  éclatauto... 
De  mon  oncle,  morbleu  ! 
Ne  suis-je  pas  le  neveu  ? 
La  Colonne  est  ma  tante. 


A  StrashourR,  portant  mon  drapieau, 

Je  singe  le  «rand  homme  : 
(irandes  bottes,  petit  chapeau, 

l.iir^'nette,  habit  verlprjmme; 

A  Boulo:ne.  plus  lard. 
Je  plonge  comme  un  canard, 

.\vec  l'aigle  expirante; 

De  mon  oncle,  morbleu  .' 
Ne  suis-je  pas  le  neveu  ? 

La  Colonne  est  mi  tante. 


L'empire  étant  tombé  dans  l'eau, 

F.l  l'aigle  hor    de  scrv'ce, 
A  Londres  je  niels  le  manteau 

D'un  agent  de  polife. 

Cli.irtistes  enlèlcs. 

Ah.'  je  vous  ai  frottés, 
A  coups  de  gourdin,  je  m'en  vante. 

De  mou  oncle,  morbleu  .' 
Ne  suis-je  pas  le  neveu  ? 

La  Colonne  est  ma  taule. 


Après  ces  glorieux  hauts  faits, 

France, je  conjecture 
Que  tu  vas  l'aire  le  sulCùs 

De  ma  c.anlidature  : 
Six  cent  mille  francs  de  plus, 

Ç:i  n'est  pas  de  refus 

Quand  la  bourse  est  souiïranle. 

De  mon  oncle,  morbleu  ! 

Ji'  suis  bien  le  neveu  ! 

La  C  lonneestma  tante. 


P.*R  n<  REPIBLICAIN  tir  I.ENDFM.AIN 


L'ONCLE  ET  LE  NEVEU. 


L  HOMME    DE    BRONZE. 
-  Extrait  du  PtiPtT  Show.  — 


L  HOMME    IIE    PLATRE. 


0<li;t.RVARU    DKS  ITAI.IKN 


:iO  «•fiidiiiOM  la   li%'i-aiHOii. 


hiK  mr.nr.i.ir.i',  '.ii. 


tadidous  de  la  ^ioascription.  — La  Revcb  coaiQiiE  formera  un  magniliciue  volume,  grand  in-8,  publie  en  iiO  lÎTraisons   à  30  centimes, 
par  la  poste,  3o  cenlimes.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction,  écrire  [franco)  à  M.  LiaEtn,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des 


llaliciis. 


DVMXNEBAT.  EDITE1TB,  S3,  B.UE  HICHEI.IEU. 


2<"  Livraison. 


l.A    CllliNOl'lLl.li    liï   LE   BOliUr. 


Le  petit  et  le  grand  Napoléon. 
Extrait  du  PuiTET  Show. 


[0TA.t  0^  y<rit    cf'u'  Hv 


Pari..  -  Tir4  .ai  pr««s  méc.niquc.  de  UciuWI  Wi  «l  Comp.,  rue  BaBi.».,  2- 


/r 


U  SEMAINE. 


—  Pau  !  pan  !  pan  ! 

—  Qui  va  là^ 

—  C'est  moi;  ouvrez  tout  Je  suite. 

—  Qui,  vous? 

—  La  semaine.  Je  viens  vous  raconter  mes  aventu- 
res, mes  joies,  mes  douleurs,  mes  l'êtes,  mes  ennuis  de 
huit  jours. 

—  Dicte*  donc  vite,  nous  sommes  pressés. 

—  Comme  vous  me  recevez  !  Est-ce  pour  me  traiter 
ainsi  que  vous  avez  intitulé  cette  revue  :  Histoire  jjfii- 
lusophique,  littéraire,  politique,  morale,  critique,  ar- 
tistique de  la  semairie.  Couimençons  doue  par  causer 
histoire. 

—  On  en  fait  tous  les  jours;  à  quoi  bon  en  parler. 

—  Causons  alors  philosophie. 

—  Ce  n'est  guère  le  monieul. 

—  Littérature... 

—  Plus  tard. 

—  IJeaux-arts. 

—  La  semaine  prochaine. 

—  Politique. 

—  A  la  bonne  heure  :  nous  ne  faisons  que  ça.  Mais 
vous  êtes  bien  arriérée,  ma  chère  amie,  pour  parler 
politique.  De  quoi  allez-vous  nous  entretenir?  de  ce  qui 
se  passait  hier,  de  ce  qui  se  passe  aujourd'hui.  Pouvez- 
vous  nous  dire  ce  qui  se  passera  demain  ? 

—  Non. 

—  C'est  cela  seulement  qu'il  importe  de  savoir.  Le 
reste  nous  touche  médiocrement.  Le  public,  aujour- 
d'hui, va  toujours  en  avant  sans  daigner  regarder  der- 


rière lui.  Que  lui  importent,  ô  semaine  passée!  vos  li- 
vres, vos  vaudevilles,  vos  comédies,  vos  drames,  vos 
fêtes,  vus  bals,  vos  concerts?  L'heure  écoulée,  c'est 
pour  lui  le  passé  ;  et  vous  voulez  qu'il  se  souvienne  de 
ce  qui  existait  il  y  a  huit  jours  ?  Vous  ne  vous  doutez 
pas,  ma  bonne  femme,  de  ce  que  c'est  que  la  curiosité 
en  temps  de  révolution. 

—  Alors,  pourquoi  m'avoir  dit  :  Dictez! 

—  C'est  que,  après  tout,  vous  devez  savoir  mieux 
que  personne  ce  qui  s'est  fait  pendant  ces  huit  jours  ; 
et  si  vous  avez  quel(]ue  anecdocle  entièrement  inédite  à 
nous  apprendre.  quel(iue  mystère  à  nous  révéler,  une 
belle  action,  un  crime,  ou  même  un  simple  bon  mot... 

—  Ma  foi,  non  ;  je  dois  convenir  que  j'ai  été  une 
sage  et  modeste  semaine,  aussi  calme,  aussi  rangée 
que  l'on  peut  rètre  dans  ce  temps-ci.  J'ai  vu  la  fête  de 
la  Constitution,  j'ai  assisté  à  la  représentation  gratuite 
de  l'Opéra,  j'ai  dansé  la  polka  chez  M.  Marrast.  En  fait 
de  crime,  voulez-vous  que  je  vous  raconte  l'assassinat 
Je  Fualdès?  J'en  ai  fait  un  joli  petit  mélodrame.  Je 
n'ai  guère  à  vous  offrir  maintenant,  en  fait  de  belles 
actions,  que  le  duel  J'un  ancien  ministre  des  finances 
avec  .un  général  Je  Jivision  ;  et  si  vous  vous  contentez 
de  quelques  couplets  de  vaudeville,  en  guise  de  bons 
mots,  je  puis  vous  chanter... 

—  Silence  !  Laissez-nous  en  paix  ;  votre  audience  est 
tinie;  allez  oii  vont  toutes  les  vieilles  semaines,  je  ne 
sais  où.  Nous  verrons  si  la  semaine  prochaine  saura 
mieux  se  faire  écouler. 


16 


REVUE  COMIQUE 


AV 


I-MIRKS   ILLLSTHKES 

(Si    NON    U.LrSTRK?) 

l 'H  IN  Ci:  roiu  uiuK. 


CllAPlTHF.  I'. 

SOS  ENFANCE  ET  SON  ÉDl'CATION. 


Iclcrie  et  la  Kussîe  tiennent  sur  les  fous  le  prince  Pour  liii 


Œ  QUE  C'EST  QU'UN  IMÎÉTENDANT. 

Nous  somniL's  un  |)eu|ili'  lU'  (lliiiT  à  l;i  vie  politique. 
Idées,  mœurs  poliliiiuos,  clioz  nous  lout  est  à  faire, 
tout  est  à  cioer. 

La  morale  polili(|Me  suiloul.  C'est  un  eo.lc  [iliiloso- 
pliique  à  révéler,  ù  tirer  des  limbes. 

Quant  aux  autres  morales  connues,  nous  les  avons 
poussées  aux  plus  extrêmes  limites.  Ea  casuistique  nous 
en  a  trop  appris  ;  le  code  civil  et  le  code  de  commerce  , 
avec  les  interprétations  des  avocats  et  les  arguties  des 
procureurs,  ont  tellement  bouleversé  toutes  les  notions 
lie  la  morale  naturelle,  (iii'il  faut  qu'un  fripau  soit 
bien  maladroit  pour  se  [iiivor  de  l'bonneur  d'étiv  bon- 
nèle  liomnie. 

La  probité  s'apprend  conimc  l'art  de  laiie  des  tra- 
gédies; elle  a  ses  règles  d'.\ristiile. 

Mais  interrogez  le  premier  venu  sur  ce  qui  est  per- 
mis en  politique  et  sur  ce  qui  ne  saurait  l'être,  il 
vous  avouera  ingénument  qu'il  n'y  a  jamais  songé.  Il 
lie  juge  que  les  résultats,  ou  plutôt  il  les  subit  ;  les 
moyens  employés  ne  sont  pas  son  affaire.  Aussi  voyons- 
nous  lies  bonimes  d'Élat,  honnêtes  gens  d'ailleurs, 
mettre  en  œuvre  la  duplicité,  la  trabison,  la  violence, 
en  un  mot,  recourir  sans  scrupule,  à  des  moyens  tels 
(pie  ces  mêmes  principes,  qui  dirigent  leur  vie  poli- 
tique ,  appliqués  à  leur  vie  privée  les  feraient  consi- 
dérer comme  des  monstres. 

Ne  les  accusons  pas  trop.  Ils  peuvent  du  moins  se 
donner  à  eux-mêmes  cette  excuse  qu'ils  ne  violent  au- 
cune convention  établie.  «Vérité  en  décades  Pyrénées, 
mensonge  au  delà,  »  dit  Montesquieu.  l)'ailleui-s,  l'im- 
punité les  tente,  elle  les  jnstilie  presque.  Pour  beau- 
coup de  gens  la  mai(ine  du  délit  n'est  que  dans  la  ré- 
iressiou. 

Dans  cent  ans,  dans  cinquante  ans  peut-être,  il  y 
aura  une  morale  politique,  et  les  éléments  qui  entre- 
ront dans  la  composition  de  ce  code  nouveau  apparais- 
sent déjà.  La  science  du  droit  des  gens  a  consacré  un 
grand  |)rincipe  en  rendant  désormais  impossibles  les 
guerres  de  conquêtes. 

\-t_on  assez  admiré  ce  fléau  des  sociétés  ancieniu's 
qui  s'appelait  le  Conquérant  !  Que  n'ont  pas  écrit  les 
pédants  et  les  sots  sur  Alexandre  le  (Jrand  et  ses  ému- 
les! Nos  livres  classiques  sont  pleins  du  plus  absurde 
riitbousiasme  pour  ces  hommes  qui  ont  fait  le  malheur 
de  leur  siècle,  et  l'on  ne  sait  poinqiioi  Gengis-kan  et 
Attila  n'ont  pas  trouvé  grâce  devant  eux.  Aujourd'hui 
nu  Alexandre  le  Grand  ferait  horreur;  c'est  un  grand 
pas  en  morale. 

Ceci  ne  nous  éloigne  pas  autant  qu'on  le  |iouriait 
croire  du  titre  de  cet  article  :  Qu'est  ce  qu'un  pré- 
tendant? 

Un  prétendant,  c'est  un  conquérant  en  diminutif. 
Avant  que  le  principe  de  la  souveraineté  du  peuple 


A   I.TSAC.F,  DKS  (IKNS  SKIUKllX. 


17 


lui  rcronmi  cl  mis  en  prati(|ii(',  c'est-ù-dirc  lorsque 
les  rois  n'H-iiaient  de  droit  divin,  un  prétendaiil  l'tail 
un  [irinee  dépossédi'  (|ui  essuyait  de  reciini]ui'iir  par  les 
ariuos  riu-rita^'e  |)oliliiiue  de  sa  famille. 

I.e  elievalier  (lliarles-Kdounrd  ,  par  ex(iii|ile  ,  est 
resté  prétendant  toute  sa  vie.  Il  est  mort  prétendant  à 
Montpellier.  C'était,  au  dire  des  eonteniporains,  un 
lidinine  eliarmant  ,  plein  d'airahilité  et  de  giàcc.  (À't 
iiomine  eli.u'inaiil,  pour  ne  pas  réussir  dans  ses  entre- 
prises sur  le  royaume  d'Aii(;leterre  ,  a  l'ait  ujourir  en- 
viron dix  mille  iiomines  sur  le  cliamii  de  liataille,  sans 
parler  de  ceux  de  ses  partisans  qui  lurent  roués  et  dé- 
capités, et  dont  on  planta  les  tètes  siu-  des  piques,  les 
yeux  tournés,  comme  dit  Waller-Seott,  vers  les  lileues 
montagnes  d'Kcosse  qu'ils  avaient  tant  aimées. 

Ce  chevalier  Charles-Edouard  se  croyait,  malgré  cela, 
un  très-honnète  homme,  et  ses  contemporains,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  le  considéraient  comme  un  hoiiinn' 
charmant. 

Si  vous  aviez  un  héritage  de  famille  à  recouvrer  et 
qu'il  fallût  pour  cela  la  mort  violente  de  dix  mille 
hommes,  et  que  vos  meilleurs  amis  fussent  suppliciés, 
en  votidriez-vous  à  ce  prix?  J'en  doute. 

Pour  Charles-Kdouard  ,  le  royaume  d'.Vngleterre 
était  un  héritage  de  famille.  Un  royaume  vaut  mieux 
qu'une  terre,  soit,  mais  cette  différence  de  valeur 
change-t-elle  quelque  chose  à  la  moralité  du  fait? 

Dans  ces  derntèri's  années,  que  de  victimes  tombées 
en  Espagne  dans  les  guerres  de  prétendants  !  Nous  les 
avons  vus,  ces  rois  bannis  et  ces  fils  de  rois,  pendant 
que  le  sang  coulait  en  leur  nom,  dormir  d'un  somiueil 
paisible;  ils  allaient  à  lâchasse  et  à  la  messe,  ils  don- 
naient alternativement  audience  à  leur  maîtresse  et  à 
leur  confesseur.  Est-ce  insensibilité  naturelle,  égoïsme 
féroce?  Mon  Dieu  ,  non  :  c'est  vice  d'éducation  ,  force 
de  préjugé,  lin  prétendant  croit  toujours  à  son  droit 
surhumain ,  et  le  vulgaire  garde  encore  le  respect  de 
ce  droit,  auquel  pourtant  il  ne  croit  plus. 

Il  viendra  cependant  un  temps  où  forcés  de  priiscr 
par  l'exercice  de  la  liberté  politique,  les  citoyens  per- 
dront les  derniers  préjugés  de  la  monarchie.  Alors, 
j'imagine  que  les  prétendants  se  trouveront  dans  tai 
grand  embarras. 

Leurs  tentatives  seront  appréciées  à  leur  juste  va- 
leur, parce  que  le  jugement  public  n'étant  plus  per- 
verti par  des  idées  et  des  sentiments  préconçus  ,  le 
peuple  osera  enlin  appeler  «  un  chat  un  thaï  »,  et  la 
délinition  du  prétendant  sera  possible. 

Quand  par  exemple  quelque  héros  de  hasard  ,  à  la 
tête  d'une  bande  de  valets  et  d'intrigants  s'en  viendra 
dire  en  arborant  un  drapeau  quelconque  :  «  Citoyens, 
reconnaissez  en  moi  le  fils  ou  le  neveu  du  grand  jirince 
un  tel.  Aux  armes!  marchons  sur  les  Tuileries!  »  les 
citoyens  lui  répondront  tout  simplement  : 

«  Vous  êtes,  avant  tout,  notre  ennemi  ;  vous  venez 
nous  voler  notre  liberté  et  noire  repos  ;  et  votre  appel 


C'est  étonnant,  comme  il  ressemble  à  son  oncle!,.. 


'our  préparer  le  prince  à  ses  hautes  destinées  et  lui  apprendre  tout 
ce  qui  concerne  son  état,  ou  lui  enseigne  à  apprivoiser  un  aigle  ; 
mais  l'aig'e,  qui  n'aime  pas  ces  gens-là,  le  mord — et  crânement  ! 


UEVUE  COMIQUE 


i   on   appreud  seulement,  au  prince,  à  les  empdiUec. 

)s  de    M.  Verreaui,  naluraliste  de  l'ile  Bourbon,  professeur 

s  gens  de  qualité. 


aux  armes  devant  amener  reffusion  du  sang  à  votre 
profit,  c'est  une  tentative  d'assassinat  que  vous  faites 
sur  chacun  de  nous.  Or,  on  prend  les  assassins  et  les 
voleurs,  et  on  les  traduit  en  cour  d'assises. 

B  11  n'y  a  aucune  différence  entre  vous  et  Schiibry, 
r.inaldo  Rinaldiui,  Mandrin  ,  Carlouclie,  Schinderanes 
et  les  autres  héros  de  grand  chemin.  » 

.\lors,  il  faut  espérer  que  les  prétendants  seront  plus 
rares;  mais  nous  avons  encore  cinquante  ans  à  attendre 
cl  notre  éducation  monarchique  à  oublier. 


—  RipipUque!  ribihliquel 

—  Bépublique!  donc...  Quelle  brute  que  cette  petite  oie-U 


LE  PARTI  CRETIN. 

Il  y  a  un  grand  nombre  d'individus  en  France  qu'un 
motif  singulier  rend  partisans  décidés  de  Louis-Napo- 
léon. L'autre  jour,  dans  un  estaminet,  je  demandai  à 
cinq  ou  six  joueurs  de  dominos  : 

«  Pourquoi  votez-vous  pour  Louis-Napoléon? 

Parce  que  c'est  un  homme  nul. 

—  Et  vous? 

—  Parce  que  c'est  nn  niais. 

—  Et  vous? 

—  Parce  que  c'est  un  imbécile.  » 

Ces  gens-là  sont  convaincus  que  le  salut  de  la  Ré- 
publique exige  impérieusement  qu'on  place  un  crétin  à 
sa  tète,  et  que  la  machine  gouvernementale  est  mue  par 
une  manivelle  qu'un  homme  sans  idée  peut  seul  avoir  la 
patience  de  faire  tourner.  Ce  préjugé,  qui  date  de  l'ère 
constitutionnelle,  et  qui  est  une  des  nombreuses  théo- 
ries politiques  du  célèbre  Odilon  Barrot,  est  plus  gé- 
néralement répandu  en  France  qu'on  ne  le  suppose, 
surtout  chez  les  joueurs  de  dominos. 

Il  commence  déjà  à  se  répandre  parmi  les  joueurs 
de  dames,  d'où  il  se  répandra  chez  les  joueurs  d'é- 
checs,  qui  le  communiqueront  infailliblement  aux 
joueurs  de  tric-trac  ;  de  là  une  nouvelle  série  de  i)arti- 
sans  pour  Louis  Bonaparte. 

Le  hasard  peut  vous  faire  tomber  sur  un  membre 
du  parti  crétin  ;  n'essayez  pas  de  le  convenir,  vous  y 
perdriez  votre  allemand. 

«  Savez-vous  que  votre  Louis-Bonaparle  s'est  habillé 
un  beau  jour  comme  un  iigurant  de  l'Opéra  dans  la 
Juive,  et  qu'il  s'est  fait  inscrire  parmi  les  comparses 
du  tournoi  d'Eglinglon  sous  le  titre  de  chevalier  des 
miroirs. 

—  Bravo  ! 
_  lue  autre  fois,  il  a  parié  qu'il  volerait  du  haut 

(I.;  la  tour  de  Londres  jusque  sur  le  dôtne  de  saint 
l'.uil  ,  et  l'on  a  eu  toutes  les  peines  du  monde  à  l'em- 
pêcher d'exécuter  ce  pari.  Il  prétendait,  en  sa  qualité 
de  capitaine  d'artillerie,  avoir  inventé  un  appareil  in- 
faillible pour  voler. 

—  Très-bien  ! 

—  Un  charlatan  lui  ayant  persuade  qu'on  pouvait 


\  I .'USAGE  DKS  GKNS  si;;!ur';iJX. 


10 


fairo  (le  l'or,  votre  candidat  le  prince  Kotiis  n'a-l-il  pas 
iMi  imtnc'diatemont  le  soin  d'installer  des  foiirne.iiix 
chez  lui  et  do  se  livrer  à  nne  smilHerie  eUrénéel 

—  Parfait! 

—  Cdinmeiil,  pul'iil!  en  vérité,  je  ne  voii- eniii- 
prends  pas.  Mais  tont  cela  est  fort  bête. 

—  Justement  !  c'est  à  cause  de  cela  que  je  le  (  licu- 
sis.  M.  Barrot  vous  dira  hii-mènie  que  le  jeu  des  iusli- 
liilions  coiislitntionnelles  exige  un  iioninie  parl'aile- 
monl  nul.  Or,  de  ee  coté-là,  notre  candidat,  eonvenez- 
en,  laîsse  bien  peu  de  prise  à  la  criti(]ne. 

—  J'en  conviens.  » 

El  on  essayerait  en  vain  de  les  ennvaincie.  Les  r;ens 
imbus  des  théories  politiques  de  M.  Odilon  liarrot  ne 
se  rendent  jamais,  même  à  l'évidence. 

l.e  chef  du  parti  crétin,  après  JI.  Odilon  lîarrot,  est 
M.  Adolphe  Thiers.  C'est  lui  qui  a  écrit  dans  le  Cons- 
titutionnel ce  mémorable  premier-Paris  qui  se  termine 
par  cette  phrase  :  «  l.e  prince  Louis-Napoléon  est  un 
imbécile,  mais  il  a  toute  notre  conliance.  » 

Cette  ])hrase  a  du  moins  l'avantage  de  n'être  point 
philosophique  comme  les  axiomes  de  Odilon  Barrot  sur 
la  nécessité  du  crétinisme  en  matière  <rinslitulions 
constitutionnelles. 

J'ai  eu  dernièrement  une  discussion  avec  nn  mem- 
bre naïf  du  parti  crétin  arrive  la  veille  de  sa  province. 

a  A  qui,  lui  ai-je  demandé,  donnez-vous  votre  voix 
dans  le  Poitou? 

—  Parbleu,  m'a-t-il  répondu,  vous  le  savez  bien. 

—  Ma  foi  non. 

—  Eh  bien,  à  Napoléon  Bonaparte. 

—  Pourquoi  '? 

—  Parce  que,  selon  M.  Odilon  Barrol,  il  faut  placer 
un  homme  nul  à  la  tète  de  la  Bépublique.  Nous  vo- 
lons pour  le  soliveau. 

—  Vous  vous  trompez,  c'est  pour  une  autre  fable. 

—  Laquelle,  s'il  vous  plait'.' 

—  Pour  le  chat  et  le  singe.  Bappelez-vous  les  mar- 
rons du  feu.  » 


CHAPITRE  11. 


SON    ADULESCEKCE. 


^/^— 


Télémaque  et  Mentor. 


SOUVENIR  d'un  DESSIM  liÉ  GBASTILLE. 

Les  victoires  et  conquêtes  du  prince. 


r.KVUE  r.o>noiîK 


cnAriTur.  m. 


b'ëlant  revêtu  pour  la  première  fois  du  costume  hstorique,  il  ne 
reconnaît  pas  dans  son  ombre,  et  il  a  peur!... 


EXPtDITlON   DE  STRASBOUnC. 

—  Mon  poa  ami,  che'souis  le  fils  de  l'empereur,  et  chc  fous  nomme 
maréchal  de  Franco.  Pufez  celle  fer  de  rhoum  :  être  pien  poni 

—  Oq  ti'passe  pas! 


r.ABABECK  ET  LES  F.VKIRS  EN  IS'tS. 

Lorsque  j'étais  lians  la  ville  de  Bénai-ès,  sur  le  ri- 
vage du  Gange,  je  tâchais  de  in  instruire.  J'entendais 
passablement  l'indien,  j'écoutais  beaucoup  et  remar- 
quais tout.  J'étais  logé  chez  mon  correspondant  Omri  : 
c'était  le  plus  digne  homme  que  j'aie  jamais  connu.  Il 
était  de  la  secte  tricolore;  j'ai  l'honneur  d'appartenir 
à  une  secte  d'une  autre  couleur  :  jamais  nous  n'a- 
vons eu  une  parole  pl«s  haute  que  l'autre  au  sujet  de 
nos  nuances  respectives.  Nous  faisions  nos  ablutions 
chacun  de  notre  côté ,  nous  buvions  de  la  même  limo- 
nade ,  nous  mangions  du  même  riz  comme  deux  frères. 
Un  jour  nous  allâmes  ensemble  à  la  pagode  de  Ga- 
vani.  Nous  y  vîmes  plusieurs  bandes  de  Fakirs  dont 
les  uns  étaient  des  Fakirs  phalanstéricns,  et  les  autres 
des  socialistes  propremenls  dits,  qui  se  divisent  en 
icariens,  en  proudhoniens  et  en  disciples  de  Pierre  Le- 
rous  ;  ceux-ci  sont  des  Fakirs  contemplatifs.  Ils  ont , 
comme  on  sait,  une  langue  savante  qui  ne  permet  pas 
au  vulgaire  de  les  comprendre. 

Je  passai  devant  un  Fakir  phalanstérien  qui  lisait 
le  livre  sacré  de  Fourier.  «  Ah  !  malheureux  civilisé  , 
s'ccria-t-il ,  lu  m'as  fait  perdre  le  lit  des  séries  cos- 
mogoniques  !  et  de  cette  affaire-là  le  bonheur  de  l'hu- 
manité est  retardé  de  mille  ans,  au  lieu  d'arriver  dans 
cinq  ou  six  siècles,  comme  j'avais  tout  lieu  de  m'en 
tlatter  !  Je  lui  donnai  une  roupie  pour  le  consoler. 
A  quelques  pas  de  là  ,  ayant  eu  le  malheur  d'éternuer  , 
le  bruit  que  je  fis  réveilla  un  autre  Fakir  de  la  secte  de 
Pierre  Leroux  ,  qui  était  en  extase  :  «  Oii  suis-je  ? 
dit-il,  quelle  horrible  chute  !  je  ne  vois  pas  le  bout 
de  mou  nez  :  la  lumière  céleste  est  disparue.»  Si  je 
suis  cause,  lui  dis-je,  que  vous  voyez  enlin  ])lus  loin 
que  le  bout  de  votre  nez ,  voilà  une  roupie  pour 
réparer  le  mal  i[nc  j'ai   fait  :   reprenez  votre  lumière 

céleste.  » 

M'étant  ainsi  tiré  d'affaire  discrètement,  je  passai 
aux  autres  Fakirs.  Ceux-ci  se  tenaient  immobiles 
en  attendant  qu'il  leur  poussât  une  queue.  Ceux- 
là  dansaient  sur  les  mains  ,  plusieurs  voltigeaient 
sur  la  corde  roide,  d'autres  allaient  toujours  à  cloche- 
pied;  il  y  en  avait  qui  portaient  des  chaînes,  quel- 
ques-uns balayaient  le  parquet  avec  leur  barbe  ;  au 
demeurant,  les  meilleures  gens  du  m.jnde.  Mon  ami 
Omri  me  mena  dans  la  cellule  d'un  des  plus  fameux  ; 
11  s'appelait  Bababeck,  et  portait  au  cou  une  cliaiiie  de 
^()ixante  livres.  Omri  me  dit  que  c'était  sa  manie  de 
porter  cette  chaîne,  et  que  lorsqu'on  la  lui  ôlait  il  n'a- 
vait rien  de  plus  pressé  que  de  la  reprendre.  Beaucoup 
de  gens  venaient  le  consulter,  il  était  l'oracle  de 
sa  secte,  et  l'on  peut  dire  qu'il  jouissait  d'une  grande 
réputation.  Je  fus  témoin  du  long  entretien  qu'Omri 
eut  avec  lui. 

—  Cnvrz-vous,   lui  (lil-il,   mon  père,     qu'après 


A  !;USAGE  DES  GENS  SÉRIKIX. 


avoir  passé  par    les  l'prctivcs  convcnal)lcs,  je  puisse 
pri'U'ndre  an  lih c  ilc  Inm  i  ilnycn  V 

—  ('/est  selon,  dit  Ir  jjkir,  c  .niiuu'iil  vivez-vous? 

—  Je  làilie,  (lit  Oiiiii,  d'elle  bon  iimri,  lion  |ièie, 
bon  ami  ;  je  prête  de  l'argent  sans  intérêt  aux  rielies, 
dans  l'occasion  j'en  donne  aux  pauvres  ;  je  paye  l'iin- 
pôt  de  grand  cœur;  j'entretiens  la  paix  parmi  mes 
voisins. 

—  Vous  t'aites-voiis  imili'o  i[iieli|iierois  en  prison  ? 
demanda  le  Fakir. 

—  Jamais,  mon  révérend  père. 

—  Mais  du  moins  vous  lianlez  les  clubs,  vous  pro- 
noncez des  discours  dans  les  banquets  à  vingt  sons  cl 
vous  parlez  pertinemment  île  rémeiile  ".' 

—  l'as  le  moins  (lu  monde. 

—  J'en  suis  fâché,  répliipia  le  Fakir;  mais  vous 
n'êtes  qu'un  mauvais  citoyen  et  un  ennemi  du  peuple. 

—  Comment  !  s'écria  Omri,  ce  n'est  donc  pas  assez 
d'être  honnête  homme  et  d'obéir  aux  lois?  Je  vous 
trouve  plaisant  de  ju-élendre  être  meilleur  citoyen 
que  moi  ;  et  sur  quoi  d'ailleurs  fondez-vous  cette  pré- 
tention ?  Sachez  que  je  donne  plus  en  aumônes  en  un 
jour  que  ne  coûtent  en  un  an  la  chaîne  que  vous  portez 
au  cou  et  le  pain  que  vous  mangez  dans  votre  cellule, 
encore  c'est  PF-tat  qui  en  fait  les  frais.  Le  peuple  a  bien 
alfaire  que  vous  passiez  votre  vie  enfermé  avec  une 
chaîne  an  cou  :  vous  rendez-là  un  beau  service  à  la 
patrie  !  Je  fais  cent  fois  plus  de  cas  d'un  homme  qui 
sème  des  légumes  ou  qui  plante  des  arbres,  que  de  tous 
vos  camarades  qui  regardent  lebout  de  leur  nez,  on  qui 
attendent  dans  un  coin  qu'il  leur  pousse  une  queue. 

Ayant  ainsi  parlé,  Omri  se  radoucit,  le  caressa,  le 
persuada,  l'engagea  enfin  à  couper  sa  barbe,  à  laisser 
là  sa  chaîne  et  à  venir  chez  lui  mener  une  vie  honnête. 
On  le  décrassa,  on  le  IVotta  d'essences  parfumées  ,  on 
l'habilla  décemment.  Il  vécut  quinze  jours  d'une  ma- 
nière fort  sage,  et  avoua  qu'il  était  cent  fois  plus  heu- 
reux qu'auparavant.  Mais  il  perdait  son  crédit  dans  le 
]ieiiple,  personne  ne  venait  plus  le  consulter,  et  l'on  ne 
parlait  plus  de  lui.  Il  quitta  Omri,  alla  jeter  des  pierres 
au  corps  de  garde  voisin  et  se  lit  remetlic  sa  chaîne 
pour  avoir  de  la  considération.  CC 


l.F.  BONWAI'.TISMF.  lUIiAI.. 

Vous  est-il  arrivé  queliiiiefois  de  séjourner,  je  ne 
dis  pas  dans  une  petite  ville,  dans  un  bourg,  ou  même 
dins  un  village,  mais  dans  un  hameau  éloigné  de  tout 
centre,  perché  au  sommet  de  quelque  rocher  ou  perdu 
dans  la  vallée,  sans  église,  sans  mairie,  sans  école, 
composé  de  quelques  maisons  habitées  par  quelques 
centaines  d'habitants.  C'est  là  qu'il  est  curieux  d'étu- 
dier la  politique.  Mais  fait-on  de  la  politique  dans  de 
pareils  endroits"?  11  faut  bien  le  crou-e,  puisqu'on  nous 


S'EtME 


LXrÉDlTION   t>E  BOULOGNE. 

États  de  service. 


îsoiiveau  procède  de 


i'u;aj;e  d'un  j-'ré'.i-Ti'-iaat. 


REVUE  COMIQUE 


HironUlle  chentille 

Foltichant  à  1 
'  Tu  cachot  Dni 
.  Etc.  etc.  » 


lie 


PROJET  D'EVASIOS. 


Le  prince  emprunte  pour  sN'chapper  le  costume  de  la  présidente 
de  Folle-Mêche. 


affirme  que  c'est  dans  la  campagne  que  la  candidatnrc 
du  pi-ince  I>ouis  Bonaparte  compte  le  plus  de  parti- 
sans. Or,  pour  une  certaine  étendue  de  pays,  le  ha- 
meau est  un  chef-lieu. 

Dans  la  petite  ville,  c'est  l'ofticier  qui  fait  de  la 
propagande  napoléonienne,  l'oflicier  retraité,  qui  ne 
sait  plus  que  jouer  aux  dames  et  parler  de  l'empire; 
au  hourg,  c'est  le  sous-oflicier,  qu'on  a  nommé  lieute- 
nant de  la  garde  nationale;  au  village,  c'est  le  soldat 
qui  a  repris  la  charrue  ;  au  hameau,  c'est  un  person- 
nage inobservé  jusqu'à  ce  jour,  pro|iagandiste  inconnu 
et  infatigable,  plus  actif,  plus  alerte  à  lui  tout  seul 
que  tous  les  officiers,  sous-ofliciers,  soldats  de  la  petite 
ville,  du  bourg  et  du  village. 

Ce  personnage,  c'est  le  domestique  impérial,  la 
basse  livrée  de  l'empire,  sons-piqueur,  palefrenier, 
marmiton,  buandier,  laveur  d'écuelles,  tous  les  gens 
remplissant  corvée  dans  les  écuries  ou  les  offices  des 
Tuileries  au  temps  de  l'empire. 

M.  de  Balzac,  dans  son  Médecin  de  Campagne,  met 
dans  la  bouche  d'un  ancien  soldat  une  histoire  de 
Napoléon  racontée  à  la  veillée.  Figurez-vous  ce  que 
peut  être  une  histoire  de  l'Empereur  narrée  par  un 
balayeur  d'office.  Ce  qui  est  poésie  dans  l'imagination 
du  soldat  prend  des  proportions  matérielles  dans  la 
tète  du  domestique.  L'un  raconte  les  exploits  du 
grand  homme,  l'autre  met  en  lumière  les  qualités  du 
maître  de  maison.  Pour  le  premier,  Napoléon  est  un 
héros,  pour  le  second  un  fermier  habile. 

J'ai  entendu,  il  y  a  quelques  années,  la  femme  d'un 
pauvre  paysan  de  la  haute  Provence  me  parler  de 
l'Empereur. 

«  Ah!  monsieur,  me  disait-elle,  quel  homme  c'était 
que  Napoléon!  Figurez-vous  que  tous  les  matins  il 
sortait  déguisé  fit  allait  marchander  les  légumes  à  la 
halle  pour  savoir  si  ses  domestiques  ne  le  trompaient 
pas.  C'est  l'argent  du  peuple  qui  paye  mes  provisions, 
je  ne  veux  pas  qu'un  tasde  fainéants  le  gaspillent,  ajou- 
tait-il ensuite.  Chaque  semaine,  il  faisait  ses  comptes 
avec  son  maître  d'hôtel ,  et  il  n'y  avait  pas  moyen  de 
lui  fane  la  queue.  Il  savait  aussi  bien  que  vous  et  moi 
le  prix  de  chaque  chose,  et  il  vous  aurait  dit  sans  se 
tromper  d'un  liard  ce  que  coûtait  un  poulet,  un  pi- 
geon ou  une  livre  de  lard  à  la  halle. 

Mais  de  qui  tenez-vous  donc  tous  ces  détails? 

De  Marins,  qui  a  quitte  les  Tuileries  en  1813, 

où  il  était  blanchisseur,  et  qui  s'est  retiré  chez  nous 
avec  six  cents  bonnes  livres  de  rente  qu'il  a  ramassées 
au  service  de  l'Empereur.  » 

Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  que  ces  domesti- 
ques impériaux  s'adressent  plus  volontiers  auX  fem- 
mes; ils  leur  parlent  des  layettes  du  roi  de  Home  et  du 
trousseau  de  l'impératrice  Marie-Louise.  J'ai  entendu 
dire  également  à  une  fermière  de  la  Bourgogne  que 
chaque  année  Joséphine  faisait  elle-même  ses  confi- 
tures,  gelées  de  groseille   on  marmelades  d'abricots. 


A  L'USAGE  DKS  GENS  Sl^lHIEUX. 


23 


Mal  m'en  cill  pris  de  sourire,  elle  savait  cela  de 
scitMK-c  certaine;  c'était  M.  Piiiiiiicliot,  anciiMi  niar- 
Miilon  (lu  cuisinier  des  i>a^'f:i.  qui  le  lui  avait  dit. 

Que  de  gens,  grâces  à  ces  conlidenccs  I)our  lesqiiels 
le  vainqueur  d'Austerlitz  n'a  pas  d'autre  gloire  que 
celle  de  bien  connaître  le  prix  des  volailles,  el  José- 
phine d'autre  mérite  cpie  celui  de  faire  ses  conlitures 
elle-même  ! 

Blanchis  par  l'Age,  ces  invalides  de  la  grande  ou  de 
la  petite  buanderie  sont  devenus  les  oracles  des  ha- 
meaux. Ce  sont  eux  que  les  paysans  viennent  consulter 
quand  il  s'agit  pour  eux  d'accomplir  un  acte  ]iulitique. 
Il  a  été  domesticpie  de  l'Euipcrem-!  cela  suffit  pour 
leur  donner  une  importance.  C'est  par  eux  que  se  sont 
répandus  dans  les  campagnes  ces  bruits  fantastiques 
sur  les  millions  du  prince  Louis,  et  sur  la  remise  de 
tous  les  impôts  pendant  quatre  anss'il  est  nommé  pré- 
sident de  la  République.  Eux-mêmes  se  persuadent 
qu'ils  n'auront  qu'à  se  présenter  au  neveu  de  TEmpe- 
reur,  et  lui  dire  qu'ils  ont  été  domestiques  de  son  on- 
cle, pour  obtenir  une  pension,  attendu,  disent-ils, 
que  Napoléon,  en  mourant,  a  laissé  un  testament  dans 
lequel  il  lègue  une  somme  de  plusieurs  millions  à  par- 
tager entre  tous  ceux  qui  l'ont  servi.  Ce  testament 
avait  été  tenu  secret  jusqu'à  ce  jour  par  les  ennemis 
de  l'Empereur,  et  son  neveu  vient  pour  l'exécuter. 

On  ferait  un  livre  curieux  avec  l'histoire  des  petites 
influences  sur  les  grands  événements.  Cinquante  ou 
soixante  buandiers,  disséminés  sur  toute  la  France, 
vaudront  peut-être  des  milliers  de  votes  au  préten- 
dant. Qu'on  me  dise,  après  cela,  qu'il  y  a  des  bonapar- 
tistes en  France  ! 

Après  tout,  pourquoi  pas?  Je  connai.>  bien  un  jan- 
séniste ! 


L.NE  niSTOIUE  Di:  DEMAIN. 

Messieurs  les  voyageurs,  nous  dit-il,  vous  auriez 
tort  de  me  juger  sur  l'apparence  :  je  ne  suis  pas  ce  que 
je  parais  être,  et  j'ai  joué  autrefois  un  rôle  fort  impor- 
tant. Les  malheurs  du  temps  m'ont  réduit  à  me  faire 
Tyrolien  et  à  chanter  les  Idées  napoléoniennes.  Je  vais 
vous  en  chanter  pour  un  sou,  messieurs;  cela  vous 
portera  bonheur  pour  votre  mariage. 

Ce  Suisse,  qui  .est  Tyrolien,  n'est  qu'un  Savoyard, 
pensâmes-nous  ;  voilà  qui  est  assez  bizarre.  Interro- 
geons-le. Je  porterai  la  parole  pour  mes  compagnons. 

«  Nous  sommes  tous  mariés  ;  et  vos  souhaits  nous 
sont  inutiles;  mais  contez-nous  comment  il  se  fait  que 
vous  soyez  Savoyard. 

—  Je  l'ignore,  j'ai  eu  tant  de  patries  dans  ma  vie, 
que  je  ne  sais  pas  bien  ce  que  je  suis.  On  m'a  vu  tour 
à  tour  Suisse,  Hollandais,  Anglais.  En  dernier  lieu, 
j'étais  Français  ;  voilà  pourquoi  je  chante  les  Idées  nn- 


La  seule  chose  spiritueVe  qu*l    ait  faite  dans  sa  vie. 

CHAPITRE  IV. 

A    l'ÉTBANGER. 


Renonçant  à  son    ingrate   pair.c  et   ..„  ;    .-   -    — 

pas«e  ses  esamens  de  Suisse,  et  devient  bourgeois  de  Xt 


21 


HE\TîE  COMIOrK 


Le,' 


i  pantomime  sentimentale,  en  coippagni< 
in  i;rus  major. 


Lt  VAIVQLEUR  D'ÉCIISGTON. 

:  pendant  au_tablcau  de  la  bataille  d'Austerli  z. 


poléoniennes  aux  voyageurs  qui  liavorsent  la  monta- 
gne. Un  petit  cliou,  messieurs;  un  petit  chon.etyoup 
la  Catarina!  Qui  sait  si  un  jour  vous  ne  sciez  pas  riî- 
iluits  à  chanter  des  harcarolles.  L'avenir  est  imptiné- 
trable.  l'n  petit  cliou,  messieurs,  et  je  vous  chanterai 
mon  histoire.  » 

Nous  lui  donnâmes  cliacnn  un  .-ou,  et  le  Savovard 
commença  sa  tyrolienne. 

«  J'appartiens  à  une  famille  riche,  mais  honnête  , 
qui  me  lit  donner  une  hiillantc  t^'ducation..  Ma  nais- 
sance m'appelait  à  régir  la  monarchie  des  harengs 
saurs,  la  Providence  en  ordonna  autrement  ;  et,  ne  sa- 
chant comment  utiliser  mes  loisirs,  je  m'improvisai 
capitaine  d'artillerie  du  canton  de  Tliurgovie.  La  la 
ouh,  la  lu  ouh,  la  la  ouh  oiih  ! 

«  Ij'artillerie  commençait  à  iirenimycr,  lorsciue  je 
trouvai,  dans  des  papiers  de  famille,  le  testament  d'un 
oncle,  qui,  à  dtifaut  d'ht-rilier  mâle,  m'instituait  son 
Itjgataire  universel,  ('et  oncle,  connu  vulgairementsoiis 
le  nom  de  Napoléon,  avait  été  autrefois  empereur  des 
Français.  La  la  ouh,  la  la  mih  ouh!  Je  réclamai  sa  suc- 
cession pour  me  distraire.  Mes  efforts  aboutirent  à  me 
faire  traduire  devant  les  assises.  Les  jurés  m'acquit- 
tèrent en  raison  de  mon  jeune  âge,  et  comme  ayant  agi 
sans  discernement.  On  me  mit  poliment  à  la  porte  du 
beau  pays  de  France,  et  je  me  réfugiai  en  Angleterre. 
La  la  ouh! 

«Tel  que  vous  me  voyez,  messieurs,  avec  ce  costume 
de  Tyrolien,  j'ai  été,  pendant  toute  une  saison,  le  lion 
de  Londres.  J'obtins  le  même  succès  qu'un  livre  de 
.M.  d'israéli,  et  qu'un  gilet  du  comte  d'Orsay.  Lord 
Brougham  vint  me  voir  :  mon  portrait  parut  iiiênie 
dans  V Illustration  de  Londres;  je  figurai  au  tournoi 
d'Eglington,  sous  le  nom  du  chevalier  Bliombéiis,  que 
j'avais  trouvé  dans  une  nouvelle  de  Florian  ;  et  un 
cuisinier  donna  mon  nom  à  un  pudding  de  son  inven- 
tion. Ces  marques  desympalhie  me  décidèrent  à  récla- 
mer une  seconde  fois  mon  héi'ilagc.  La  laouhouhnuh. 
In  la  you,  la  la  ijou  t/ou.  » 

.Sprès  ce  inagMiliiiuc  [loint  d'orgue,  il  reprit  en  ces 
termes  : 

«  Je  débarquai  donc  sur  la  plage  de  Boulogne  avec 
queliiues  amis,  et  un  aigle  apprivoisé,  qui  mesuiva;l 
comme  un  caniche  et  ré|)ondait  au  nom  de  John.  Je 
lui  a\ais  appris  .son  rôle,  ipii  consistait  à  \()'er  de  clo- 
cher en  clocher  jus(]ue  sur  les  tours  de  .Notie-Daiiie. 
La  la  ouh. 

B  A  peine  sur  la  plage,  je  vis  accourir  un  grand  nom* 
bre  de  douaniers,  de  soldats  et  de  gardes  nationaux. 
Un  tel  empressement  était  de  bon  augure. 

«  Citoyens,  leur  dis-je,  c'est  moi  (jiie  vous  atten- 
diez? 

—  Nous  n'atlendiins  personne.  Qui  ètes-voiis? 

—  Je  suis  le  neveu  de  l'Iioiiuiie. 

—  Quel  homme  ? 

—  Napoléon  ! 


A  L'USAGE  UliS  GENS  SÉIIIEUX. 


—  Tiens,  liens!  s'écrièrenl-ils,  c'est  encore  ce 

laiciMir  (If  Slia>lMiiiit,'.  Il  l'uil  le  cniKliiirc  clicz 
M.  le  niant'.  On  le  ili>,ul  -ncn  de  >,t  manie  (l'rlic 
t'in|i<'icui-. 

Il  llss't'nipaii'ii'nt  en  iMrl  ili'  ma  |um>i o.  AIhis, 

ji!  Ji'iiiaiitlai  mon  aigle.  Mc:^  amis,  dis-je  à  nus 
ioni|iagiions,  je  ne  puis  vous  eiiilirasseï-  tous,  mais 
i'eiiiliiasse  John.  Comnii'  je  le  serrais  dans  mes  liias, 
Jojiii  me  mordit  à  la  joue.  Ji'  le  posai  à  lerie  en 
disant:  Kaiis  ma  reliaiti' ,  j'écrirai  les  grandes 
elio.<es  (]ue  nous  avons  faites  ensemlile.  —  .Mais  ,  j'y 
pense;  vonle/.-v<His  voir  Joiin?  » 

Sans  attendre  notre  réponse,  le  Tyrolien  silll  i, 
et  nous  vîmes,  de  derrière  un  rocher,  aiii\er  nn 
aigle  tout  di'peiiailli',  i|iii  nous  leyardail  iliiii  an- 
triste. 

«  John,  lui  dit  son  niaiire,  saluez  ces  messieurs.  » 
l.'aigle  lit  un  monveineiil. 

«  Maintenant,  John,  dites-nous  (pud  est  le  plus 
napoléonien  de  la  société.  » 
Même  mouvenient  de  l'aigle. 
a  Sautez  pour  l'FMiipereiir.  l'oit  hieii.  Sautez 
pour  C.avaignac.  Vous  voyez,  il  ne  saute  pas.  C'est 
une  hète  si  bien  élevée  !  Des  Anglais  m'en  ont  oiïei  l 
plusieurs  fois  cinquante  giiinées  ;  mais  je  ne  veii\ 
pas  me  séparer  de  John.  Je  compte,  cet  hiver,  li.i 
apprendre  à  jouer  aux  dominos;  et,  quand  je  serai 
vieux  et  aveugle,  j'achèterai  une  clarinette,  et  mon 
aigle  me  conduira.  «Mon  pauvre  chien  ne  me  quitte 
jamais.»  Mais,  revenons  à  mon  histoire.  La  la  ou/i 
oiifi  oii/i ,  you  you  you  la  !  » 

Ce  prélude  achevé,  il  continua  : 
«  Le  maire  de  Boulogne  me  fourra  au  violon. 
De  là,  on  me  conduisit  au  fort  de  Ilam.  iN'e  pou- 
vant apprivoiser  des  araignées  dans  mou  cachot,  je 
me  jetai  dans  le  socialisme,  et  j'inventai  des  pians  de 
gouvernement  pour  la  France.  Ces  plans,  que 
j'écrivais  avec  mon  sang  sur  les  murs  de  mon  ca- 
chot, éveillèrent  la  susceptibilité  du  pouvoir.  L'or- 
dre était  donné  de  me  jeter  dans  un  souterrain  avec 
un  masque  de  fer  sur  le  visage,  lorscjue  je  réussis  à 
m'écliapper,  déguisé  en  gâcheur  de  plâtre.  Je  me 
réfugiai  de  nouveau  en  Angleterre,  une  de  mes 
nombreuses  patries.  La  la  you,  you  la  la  lu  ! 

«  L'histoire  dira  comment  et  pourquoi  j'en  suis 
sorti.  Je  me  soumets  aux  décrets  de  la  Providence, 
cjui  ne  m'a  élevé  un  moment  si  haut,  que  pour  me 
faire  retomber  plus  bas.  You  you  you,  la  oiih,  la  In 
ouli! 

«  Oui,  messieurs,  j'ai  été  le  fivori  du  Constitn- 
/ionnel,  l'homme  piédestiné  de  la  Presse.  Cliaijue 
jour,  j'étais  réveillé  par  les  salves  de  la  prose  de 
M.  Thiers,  et  je  m'endormais  au  doux  murmure 
des  alinéa  de  M.  de  Girardin.  La  pâle  Regnaiilt 
s'était  donnée  à  moi  corps  et  boite.  J'avais  promis  à 
M.  Véron  la  charge  de  grand  pectoral  de  France. 


-  1    t  ^l  le  prmre  qui   fasse  a\ec  ses  deux  amis,  le  neveu  «Je  Wellington  et  le 
liU  de  sir  Hildson-Lowe.  Kn  voili  un  Ijrare  homme  de  prince  et  pas  lier  ! 

-  Et   qui  ne  nous  fera  j  iinais,  à  nius  autres  Anglais,  le  mal  que  nous  a  fait 
son  gueusard  d'oncle  ! 


Le  prince  concourt  peur  le  bâton  de  constable.  C'est  en  assommant  les  char 
tistes  anglais  qu'on  apprend  à  gouverner  la  France. 


REVUE  COMIQUE 


-  Ponchûur  ,  mon 
Hélène... 

-  Farceur,  vous  m' 


:  fife  l'Enibercur!...  che  reviuas  le  Saiiite- 

l  l'effet  de  r'ïenir  de  Pontoise  ! 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


Mille  voix  s'élevaient  du  matin  au  soir  autour  diî 
moi,  pour  me  jiiomettre  l'empire.  La  layou.  Tout 
ce  brillant  éclialauJage  s'est  écroulé  comme  un  châ- 
teau de  cartes.  La  Fiance  s'est  réveillée  un  beau 
matin;  et,  d'empereur  que  j'étais,  je  me  suis 
trouvé  Gros-Jean  comme  devant.  Que  faire,  que 
devenir?  Je  ne  pouvais  plus  être  capitaine,  lion, 
Bliombéris,  ou  prétendant.  Tous  mes  amis  m'a- 
vaient abandonné.  On  me  conseillait  de  courir  les 
campagnes,  et  de  me  l'aire  Napoléon  XVII.  Ce  métier 
avait  tro])  d'inconvénients.  J'ai  préféré  me  faire 
Tyrolien  dans  ces  montagnes.  Etijoupla  Catarinal» 

Je  l'arrêtai  au  inomeiil  où  il  allait  faire  suivre  ce 
cri  des  trois  petits  sauts  de  rigueur,  en  lui  disant 
qu'en  faisant  ainsi  le  Savoyard  il  s'enlevait  de  gaieté 
de  cœur  une  bonne  partie  de  l'intérêt  qu'il  était  si 
digne  d'inspirer. 

«  Merci,  mon  bon  monsieur,  de  votre  conseil, 
me  répoudit-il ,  je  me  bornerai  à  la  tyrolienne. 
Youp  la  la  you,  ouh  la  la.  Maintenant,  voulez-vous 
que  je  vous  chante  un  petit  couplet  <ï' Idées  nupu- 
léoniennes?  La  la  ou/i  ouh. 

—  Merci. 

—  Alors,  John,  fais  tes  adieux  à  la  société.  » 
L'aigle,   portant  une  sébile  au  bec,   lit  le  tour 

du  cercle,  et  rapporta  à  son  maître  l'écuelle  pleine. 
Nous  nous  mimes  en  route,  songeant  à  la  bizarrerie 
de  la  destinée  de  ce  pauvre  prétendant,  réduit  à  se 
faire  Tyrolien.  Pendant  cinq  minutes  encore,  l'écho 
nous  a|)porta  le  refrain  de  la  cantilène  d'adieu,  ou/i 
ouh,  la  la  you. 


CHOSES  QUELCONQUES. 

Dans  le  duel  de  MM.  Baraguay-d' Milliers  et 
r.ondchanx,  où  tout  s'est  passé  de  la  façon  la  plus 
honorable,  tout  le  monde  s'inquiétait  de  l'inéga- 
lité qu'il  y  avait  entre  les  deux  adversaires,  M.  Ba- 
ragiiay-d'llilliers  étant  un  des  hommes  les  plus 
éprouvés  de  l'armée  et  M.  Goudchaux,  en  sa  qua- 
lité de  financier ,  étant  tout  à  fait  novice  dans  le 
maniement  des  armes. 

M.  Goudchaux,  qui  montra  dans  cette  affaire  que 
le  courage  n'a  pas  besoin  d'être  forlilié  par  l'Iia- 
bitude,  eut,  arrivé  à  la  porte  Maillot,  un  scrupule 
d'une  bonhomie  qui  fera  sourire  tous  ceux  qui  con- 
naissent les  deux  adversaires.  «  Croyez-vous,  de- 
iiianda-t-il  à  l'un  de  ses  témoins,  (|u'on  puisse  me 
blâmer  de  me  battre  dans  des  conditions  si  inégales, 
avec  un  homme  ^\n\  n'a  qu'un  bras  pour  se  dé- 
fendre'? » 

Notez  que  le  brave  général  Baragnay  d'ililliers 
n'a  qu'un  bras,  en  effet;  mais  que  le  bras  cpii  lui 
reste  est  le  bras  droit  et  qu'il  s'agissait  d'un  dueljiu 
pistolet. 


A  i;USA(.K  l)i:s  t.L.N.s  .slIllKLX. 


27 


BOUTADK  D'UN  RÉPUBLICAIN. 


Aiii  :  Alte:-vout-eUf  gens  de  la  noce. 


Pour  trôiuT  ;i  lu  |iic.'.i.k'uce, 
Na|iuU-oii  ust  (le»i^ii('  ; 
(Juoiquu  ami  île  riiidéiifiiduiui', 
A  ce  choix  je  suis  résijjui^. 
Puisque  Torique  de  liarhaiie 
(llunlc  sa  ^lulru  en  faux  buuiduii, 

Noiniiie/.-le  doiii'. 

Nommez  le  doue! 
Que  vous  iniporle  la  (laliie? 
lions  |ia|saus,  uouiiuez-le  donc! 


J'avilis  pensé  qu'an  plus  tial>ile 
l.es  honneurs  seraient  adjuges; 
Mais  vous  porlez,  indélébile, 
La  souillure  des  préjugés. 
Bien  qu'un  César  de  bas  élage 
Ne  vaille  pas  un  l.aridon. 

Nommez-le  doue, 

Noinin  z-le  donc! 
Qu'il  régne  par  droil  d'Iierilage 
Bons  paysans,  nonjniez-le  donc 


L'empire  n'est  point  à  sa  taille; 
Kt  pourtant,  rouvrant  les  tombeaux. 
Il  va,  sur  les  clianips  de  bataille 
Jeter  vos  enfants  les  plus  beaux. 
Pour  lui,  de  la  moindre  eiiucelle 
Ou  saura  bien  Taire  nu  brandon. 

Nommez-le  donc. 

Nommez-le  donc! 
Vive  1j  guerre  universelle! 
Boas  paysans,  nommcz-le  donc! 


Sous  ses  lois  arislocraliipies, 
Nous  allons  fêter  le  retour 
D'une  cour  aux  formes  gothique 
Pages,  nienins,  dames  d'atour; 
Des  chambellans  à  large  panse 
b'étaleronl  sur  l'édredon. 

Nonimez-le  donc. 

Nommez-le  donc! 
Le  peuple  paîra  la  dépense. 
Bons  paysans,  nonuiiez-le  donc  ! 


(iloritiant  les  algarades 
Dont  autrefois  uous  avons  ri, 
Il  va,  de  titres  et  de  grades 
ABubler  plus  d'un  favori. 
A  la  cabale  qui  le  pione 
Il  répartira  maint  cordon. 

Nommez-le  donc. 

Nommez- le  donc! 
Et  vous  saurez  ce  qu'en  vaut  l'aune 
Uon:>  paysans,  nommez-le  donc  ! 


Dans  quels  splendides  équipages 
Nous  verrons  ces  messieurs  briller! 
Pial  sera  gouverneur  des  pages, 
Et  Larabit  grand  ecuyer 
Eu  dame  d'honneur  on  aflJrnie 
Qu'on  transformera  la  Gordon. 

Nomraez-le  donc. 

Nommez-le  donc! 
Il  a  beau  n'être  qu'un  iulirnie, 
Bous  paysans,  nommez-le  donc! 


Mais,  qu'ai -je  dit'/'  Dit  l'cspérincc 
.\  mes  yeux  les  durtes  ont  lui; 
l-a  raison  n'est  pas  morte  eu  Franc 
Et  les  pi'iiices  n'ont  plus  d'appui. 
Pour  une  oulraj^eanle  pen>ec. 
J'implore,  amis,  votre  pardon. 

Cliassez-Ie  donc, 

C!ussez-le  donc! 
Des  prétendants  l'heure  e^t  pa-sée. 
Bons  citoyens,  chassez-le  dont  ! 


Que  l'hérédité  soil  bannie! 
Car  les  héros  que  nous  vantons 
Rarement  laissent  leur  génie 
A  leurs  inûnies  rejetons. 
On  voit  l'aigle  aux  élans  sublimes 
Couver  dans  son  aire  un  dindon. 

Chassez-le  donc. 

Chassez-le  donc! 
Vous  êtes  seuls  rois  Ugilinies, 
Bons  citoyens,  chassez-le  donc! 


Compagnons,  pussiez-vous  m'en  tendre! 
Et  sur  vous,  pour  calmer  vos  maux, 
La  République  va  s'étendre 
Comme  un  arbre  aux  féconds  rameaux. 
Sa  verdure  serait  flétrie 
Par  un  président  mirmidon  ! 

Chassez-le  donc. 

Chassez  le  donc! 
Pour  le  salut  de  la  patrie, 
Bons  citoyens,  chassez -le  donc! 


PKOMF.SSES  DE  DEVOIEMEM,   DEMANDES 
—  Extrait  du  Chat.  — 


u'kmplois.  —  «  Dans  iiiicliiiies  sùmajies,  loul  cela  ^era  pa\r.  » 


I,    DOOLEVAttD   DES  ITALIENS. 


30  oeiiliiiics  la  llYraiNOii. 


RIIK  RICHELIkU,  Ht 


-pXT 


lltions  de  la  Soaseription.  —  La  Revue  comique  formera  un  iiKignifuiiie  volume,  grand  in-8,  publié  en  50  livraisons  à  30  centimes, 
la  poste,  40  centimes,  —  Pour  tout  ce  qui  coucerne  la  direction,  écrire  [franco)  à  M.  Lireuï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des 
iens. 

DUMUVX&AT,  B9XTSUB,  SS,  B.US  BX^ULISU.  3e    H^aison. 


'Z'    EDITION. 


GLORIEUX  EPISODE  DE  LA  VIE  DU  PRINCE  POUR  RIRE. 

VISITE  A  WELLINGTON. 


Attitude  (lu  neveu  de  la  colonne  devant  le  lion  de  Waterloo. 


Ptri«,— Tiré    aui  presse*  méctniqnes  de  Lichampb   fils  •!   Comj>.j  ru0  DamielUi  2. 


LA  SEMAINE. 


Cette  fois  la  Semaine  entra  chez  moi  sans  se  faire 
annoncer,  s'assit  dans  mon  meilleur  fauteuil,  et  m'an- 
nonça son  arrivée  en  me  lançant  une  bouffée  de  ciga- 
rette à  la  figure. 

C'était  une  assez  jolie  petite  Semaine,  les  yeux  ani- 
més, les  cheveux  noirs,  la  casquette  sur  l'oreille,  une 
cravache  à  la  main. 

«  C'est  vous,  lui  dis-je,  mademoiselle;  qu'avez-vous 
à  me  raconter? 

—  De  fort  jolies  choses  ma  foi  ;  par  où  faut-il  que 
je  commence  ? 

—  Par  où  vous  voudrez. 

—  Je  vous  dirai  donc  que  je  suis  allée  au  Théâtre- 
Français,  où  je  me  suis  fort  ennuyée. 

—  On  donnait  une  tragédie. 

—  Pas  du  tout,  un  drame,  un  vrai  drame,  André 
del  Sarto.  Il  est  vrai  de  dire  que  ce  drame  ne  s'atten- 
dait pas  à  monter  sur  les  planches,  et  que  c'est  un 
honneur  que  les  comédiens  lui  ont  fait  malgré  lui. 
J'espérais  me  dédommager  en  entendant  Desdemone  à 
l'Opéra,  mais  Othello  est  sérieusement  indisposé.  On 
assure  qu'il  a  fallu  le  saigner. 

—  Il  fallait  aller  aux  Italiens. 

—  J'avais  fart  retenir  une  loge  pour  voir  les  deux 
débutantes,  mademoiselle  de  Méric  et  madame  Ron- 
coni;  mais  ici  une  autre  indisposition 

—  La  grippe? 

—  Non,  quelque  chose  de  plus  grave. 


—  Quoi  donc? 

—  La  faillite  m'a  fermé  la  porte  au  nez.  Le  malade 
est  dans  un  état  grave. 

—  Il  guérira  peut-être  ;  les  médecins  espèrent-ils 
le  sauver? 

—  Oui,  si  on  lui  applique  la  subvention  à  temps. 

—  Il  vous  restait  l'Opéra-Comique. 

—  Je  n'aurais  trouvé  de  place  qu'à  la  quinzième 
représentation  du  Val  d'Andorre,  et  je  n'avais  pas  le 
temps  d'attendre.  J'ai  préféré  d'autres  distractions.  J'ai 
inventé  le  banquet  mâle  et  femelle,  le  toast  androgyne; 
j'ai  fait  communier  l'homme  et  la  femme  sous  les  es- 
pèces du  veau  et  de  la  salade;  et,  grâce  à  moi,  des  en- 
fants au-dessous  de  sept  ans  ont  récité  des  discours  po- 
litiques. 

—  J'aimerais  mieux  des  fables. 

—  Cela  dépend  des  goûts  ;  d'ailleurs  les  enfants  ne 
veulent  plus  entendre  parler  de  l'apologue.  J'aurais 
voulu  refaire  pour  eux  Peau  d'Ane  et  le  Petit  Poucet 
au  point  de  vue  des  idées  modernes  ;  malheureusement 
mes  huit  jours  d'existence  n'y  auraient  pas  suffi. 

—  D'autres  Semaines  s'en  chargeront. 

—  J'aime  à  le  croire;  d'ailleurs  des  affaires  plus 
graves  m'occupaient. 

—  Lesquelles? 

—  Des  duels  parbleu  !  Est-ce  qu'il  y  a  aujourd'hui 
de  bonnes  semaines  sans  un  petit  duel. 

—  L'Assemblée  nationale  a  donné  l'exemple. 


30 


REVUE  COMIQUE 


—  Et  elle  le  suit. 

—  Cette  fois,  c'est  le  socialisme  qui  s'est  battu. 

_  Vous  ne  dites  rien  du  manifeste  du  prince  Louisï 

—  C'est  une  chute  poui-  M.  Tliiers. 

—  Ce  grand  homme,  vous  le  savez,  s'est  posé  en 
protecteur,  non  du  prince  Louis  dont  il  dit  pis  que 
pendre,  mais  de  sa  candidature  qui  sert  ses  desseins 
secrets.  Il  avait  daigné  faire  lui-même  un  manifeste 
superbe  pour  cet  infortuné  prince  ;  or,  ce  manifeste, 
le  citoyen  iirince  a  eu  l'impertinence  de  le  refuser,  de 
le  refuser  tout  net.  Le  Constitutionnel  en  a  tressailli, 
et  la  moitié  de  la  rue  de  Poitiers,  qui  s'était  livrée  un 
peu  étourdiment  à  l'ex-prétendant,  a  fait  comme  le 
Constitutionnel.  M.  Thiers  est  de  ceux  à  qui  le  mal 
qu'il  fait  n'a  jamais  profité:  cela  devrait  le  corriger  d'en 
faire  ;  mais  à  son  âge  on  ne  se  corrige  plus. 

—  Autre  guitare  :1e  grand  poète,  l'homme  profond, 
il  est  dans  les  34  ;  il  a  voté  contre  le  général  (lavai- 
gnac. 

—  Vous  vous  trompez  ;  M.  de  Lamartine... 

—  Qui  vous  parle  de  M.  de  Lamartine".' il  n'y  a  (lu'un 
poète  et  qu'un  homme  profond  au  inonde;  deiuaiHhz 
plutôt  -Ci  l'Événement.  M.  Victor  Hugo... 


—  Allons  donc  !  en  politique,  M.  Victor  Hugo  est 
de  la  force  d'Alcidc  Tousez. 

—  Avez-vous  lu  les  vers  de  madame  de  Girardin'? 
l'auteur  aussi  illustre  que  malheureux  de  Cléopâtre. 

—  Oui.  La  haine  fait  des  miracles  que  ne  fait  pas 
l'amour.  Quand  l'ex-inuse  de  la  patrie  mourra,  je 
propose  qu'on  grave  ces  paroles  sur  sa  tombe  ; 


Ci-g!lle  nioiUMe  des  épouses; 
Elle  fut  fidèle  à  son  mari  en  vers  comme  en  prose. 


—  Ajoutera-t-on  que  son  époux  inconsolable... 

—  Vous  m'en  demandez  liop  long,  répondit  la  Se- 
maine. 

—  Est-ce  là  tout  ce  que  vous  aviez  à  nie  dire? 

—  Tout.  Est-ce  que  par  hasard  vous  ne  seriez  pas 
content?  En  ce  cas » 

La  Semaine  allait  me  provoquer  en  duel  pour  finir 
comme  elle  avait  commencé.  Heureusement  l'heure 
fatalesonna,  et  elle  s'évanouit  comme  une  légère  fumée. 

«  Je  te  parlerai  du  pape  à  ma  |)rochaine  visite,  » 
dit-elle. 


Ti-nlative  de  coiiibiiiciison  nmiisUTielle du  prince poMrnVe; 


A  i;USAGE  DES  GENS  SfillIEUX. 


^ 


Je  me  connais  !  citoyens  ;  c'est  pourquoi  je  m'engage  à  faire  réussir  toute  candidature  de  n'importe  qui  à 
n'importe  quoi,  pourvu  toutefois  que  ce  ne  soit  pas  la  mienne  !... 


A  MADAME  DELPHINE  GAY  DE  GIRARDIN, 

A  PROPOS  DU  FKLILLETOM  DE  Li.  PRESSE  DU  Î8  NOVEMBRE  1S48. 


Air  des  Rossigncls. 


Vous  qui  chantiez  l'indépendance, 
Qui  de  Foy  pleuriez  le  trépas, 
A  la  commune  décadence, 
Delphine,  vous  n'échappez  pas. . 
Le  temps,  dans  son  essor  rapide. 
Épargne  encore  vos  beautés  ; 
Mais  c'est  votre  esprit  qui  se  ride. 
Hélas  !  hélas  !  tous  m'attristez. 


Contre  un  général  que  la  Presse 
Poursuit  de  sarcasmes  amers, 
Vous  lancez  avec  maladresse 
l'n  lourd  pavé  de  deux  cents  vers. 
Suspendez,  je  vous  en  conjure, 
Des  coups  aveuglément  portés. 


A  votre  époux  laissez  l'injure. 
Hélas  !  hélas!  vous  m'attristez. 


Vous  aviez  les  ailes  d'un  ange. 
Et  voilà  leur  éclat  0étri  ; 
Et  vous  les  trempez  dans  la  fange 
Pour  le  bon  plaisir  d'un  mari. 
En  suivant  sa  funeste  voie. 
Pauvre  bas-bleu,  vous  vous  croltez  : 
Trop  de  tendresse  vous  fourvoie. 
Helas  !  hélas  !  vous  m'attristez. 


Mais  non  :  la  haine  seule  altère 
Votre  esprit  jadis  si  brillant. 


Quelle  tournure  militaire 
Vous  affichez  en  rimaillant  ! 
D'un  casque  afl'ublant  votre  verve, 
La  lance  au  poing,  vous  combattez. 
On  va  vous  prendre  pour  Minerve. 
Hélas .'  hélas .'  vous  m'attristez. 


Ou  bien  vous  serez  confondue 
Avec  ces  dames  dont  Vadé 
Prôna  la  langue  bien  pendue, 
La  verdeur  et  l'air  décidé. 
A  leur  brutal  vocabulaire 
Vos  gros  mots  semblent  empruntés. 
Voyez  où  conduit  la  colère  : 
Hélas!  hélas!  vous radotez. 


REVUE  COMIQUE 


SlITF.  OES  .VVKMlllES  I>1'  l'HI.NC.K  POIK  UIRE. 


■  Ayant  toujours  aimé  la  sociélé  des  gens  bieo  mis  et  des  hommes  spirituels, 
le  prince  Pour  Rire  se  tait  présenter  au  jockey-club,  à  son  arrivée  à  Paris. 


—  Ce  petit  chape 


1  est  beaucoup  trop  grand  pour  vous;  celui  de  monsieur 
Toui  irait  mieux. 


UN  CLUB  NAPOLÉONIEN. 

LE  PRÉSIDENT.  «  Citoycns,  la  si-ancc  est  ou- 
verte ;  la  candidature  du  prince  Louis-Napoltjon 
est  à  l'ordre  du  jour. 

IN  CITOYEN.  —  Je  demande  la  parole. 

LE  PRÉSIDENT.  —  Parlez  ! 

LK  CITOYEN.  —  Je  uionte  à  cette  tribune  pour 
appuyer  la  candidature  du  prince. 

Voix  nombiTuses.  —  Bravo  ! 

LE  CITOYEN.  —  L'Empire  fut  une  époque  glo- 
rieuse poui  nos  armes,  et  je  suis  lier  d'avoir  con- 
tribué, pour  ma  faible  part,  à  couvrir  la  France 
de  lauriers.  Ah  !  citoyens,  je  ne  puis  retenir  des 
larmes  d'admiration,  en  songeant  au  grand  hom- 
me que  nous  avons  perdu  ;  pardonnez  cette  émo- 
tion au  vieux  soldat;  elle  est  d'autant  plus  na- 
turelle que  le  héros,  je  puis  le  dire,  m'honora 
d'une  affection  particulière.  Ah!  laissez-moi  vous 
rappeler  les  principaux  faits  de  son  immortelle 
histoire,  pour  réchauiler  nos  cœurs  dans  un 
commun  enthousiasme. 

L'Empereur  naquit  en  Corse  ;  moi,  je  vis  le 
jour  dans  un  humble  village,  ile  parents  agri- 
culteurs; vous  savez  que  l'agricultureexci  ta  tou- 
jours la  sollicitude  du  héros.  A  vingt  ans,  étant 
tombé  à  la  conscription,  et  ayant  été  juge  bon 
pour  le  service,  quoique  j'eusse  avalé  vingt- 
quatre  gousses  d'ail  pour  me  donner  la  fièvre, 
je  me  cachai  afin  de  ne  point  partir.  Mon  pro- 
jet était  de  rester  au  pays  pour  le  défendre 
contre  une  invasion.  Les  événements  de  1814 
et  1813  ne  m'ont  donné  que  trop  raison.  L'Em- 
pereur me  le  dit  lui-même  à  Fontainebleau,  le 
jour  où  il  signa  son  alidication  :  »  Mon  brave, 
dit-il,  en  me  pinçant  l'oreille,  tu  avais  bien  jugé 
la  situation.  Je  n'ai  qu'un  regret  aujourd'hui, 
c'est  de  n'avoir  pas  tiré  de  tes  lumières  tout  le 
parti  possible.  Tu  aurais  pu  me  servir  dans  la 
diplomatie.  » 

Découvert  par  les  gendarmes  et  conduit  au  ré- 
giment, je  conquis  rapidement  le  grade  de  capo- 
ral. Après  six  années  de  service,  l'Empereur 
m'uffrit  lui-même  les  galons  de  sergent  sur  le 
champ  de  bataille.  Je  les  refusai  respectueuse- 
ment pour  des  motifs  qui  furent  mal  jugés  : 
«  Ah  !  ah  !  monsieur  l'orgueilleux,  médit  l'Eni- 
])crcur  en  me  donnant  une  légère  tape  sur  la 
joue,  vous  voulez  rester  toute  votre  vie  le  pre- 
mier caporal  de  France  pour  faire  concurrence 
au  petit  caporal  !  Eh  bien  !  soyez  le  premier  capo- 
ral de  France,  j'y  consens...  »  Citoyens,  après 
bien  des  années,  je  ne  puis  me  rappeler  ces 
simples  paroles  sans  verser  des  larmes.  Nom 
d'un  petit  bonhomme  !  Je  n'ai  pleuré  que  trois 


\  r;rs.\<;K  uks  gkns  skuikux 


fois  dans  ma  vie:  lorsque  je  perdis  mon  eoloiiel, 
—  le  jour  où  l'oii  iiimoii(;a  la  luort  de  l'Kmpe- 
reur,  —  ciifm,  loi>;ijue  je  reçus  le  dernier  sou- 
pir de  ma  vieille  lionne  femme...  Mille  liombes  ! 
pardonnez  à  l'émotion  du  vieux  soldat!  (//  s'es- 
suie un  œil  avec  le  revers  de  la  main.) 

Ayant  refusé  les  j^'alons  de  sergent  nlTerls  par 
l'Empereur  lui-même,  je  jurai  de  eonserver 
éternellement  le  litre  glorieux  de  premier  ca- 
poral de  France.  On  voulut  en  vain  me  nommer 
lieutenant,  capitaine,  colonel,  général  de  bri- 
gade ;  je  n'acceptai  rien,  pas  même  la  croix,  (l'est 
que  j'avais  l'àme  ulcérée  de  voir  les  anticham- 
bres du  grand  lionmie  remplies  de  grands  cor- 
dons, de  grosses  épaulettes,  d'uniformes  chamar- 
rés d'or,  qui  le  trahissaient!  Ah!  nom  d'une 
pipe!  quand  je  pense  qu'efîeclivement  il  a  été 
trahi  !...  Mille  millions  de  cartouches  !...  mil- 
liards de  bombes  !  Moi,  me  mêler  à  ces  traîtres  ! 
Moi,  faire  voir  le  tour  à  l'homme  du  destin  !  Ah  ! 
sacrebleu  !...  Mille  milliards  de  millionsde  pipes 
du  bon  Dieu  !  !  ! 

Voix  nombreuses.  — Bravo!  bravo! 

l'orateur.  —  Et  maintenant  que  je  vous  ai 
retracé  dans  une  rapide  esquisse  les  principaux 
traits  de  la  grande  ligure  de  l'Empereur  ;  main- 
tenant que  nous  avons  ensemble  jeté  de  nou- 
velles fleurs  sur  sa  tombe,  permettez  au  vétéran 
qui  fut  son  ami  de  descendre  de  cette  tribune  ; 
les  forces  me  manquent;  je  succombe  à  mon 
émotion  ;  j'ai  besoin  de  me  rafraîchir  avec  quatre 
gouttes  de  quelque  chose.  » 

{L'orateur  descend  de  la  tribune  au  milieu 
des  plus  bi'uyants  témoignages  de  sympathie.) 

LE  pRÉsiDERT.  B  Citoyens,  je  crois  me  faire  ici 
l'interprète  du  sentiment  unanime  de  l'assem- 
blée, en  votant  des  félicitations  à  l'orateur. 

Cris  nombreux.  —  Oui  !  oui  ! 

LE  PRÉSIDENT.  —  Quclqu'uu  dcmande-t-il  en- 
core la  parole  ? 

UN  MEMBRE  DU  CLUB.  —  Jo  la  demande. 

LE  PRESIDENT.  —  Parlcz! 

l'orateur.  —  L'Empire  fut  une  époque  glo- 
rieuse, et  je  suis  fier,  etc., etc.,  etc.  L'Empereur 
naquit  en  Corse;  moi,  je  vis  le  jour  dans  un 
humble  village,  de  parents  agriculteurs...  A 
vingt  ans,  étant  tombé  à  la  conscription,  et  ayant 
été  ti'ouvé  bon  pour  le  service  ,  quoique  j'eusse 
avalé  vingt-quatre  gousses  d'ail  pour  me  donner 
la  lièvre,  je  me  cachai  afin  de  ne  point  partir. 
Mon  projet,  etc.,  etc.  »  (La  suite  comme  au  dis- 
cours précéde/it .) 

Quand  l'orateur  a  fini,  un  autre  monte  à  la 
tribune. 

«  Citoyens,  laissez-moi  vous  rappeler  les  princi- 
paux traits  de  l'immortelle  histoire  de  l'homme 


De  même  que  son  oncle  consultait  ma-l' tr.o.;t-!Io  Lcrtormand,  de  même  il  se 
fait  tirer  les  cartes  pat  une  sorcière  de  la  rue  Slontorgueil;  elle  lui  promet 
tout  ce  qu'il  veut  :  la  Présidence,  l'Empire,  Austerlitz.  Mais  ce  qu'il 
demande  et  ce  qu'il  cherche  en  vain,  c'est  l'iToiLEl!!  —  sans  compter  la 
manière  de  s'en  servir. 


REVUE  COMIQUE. 


—  Prince,  nous  aTons  pensé  qu'il  fallait  vous  populariser.  J'ai 
l'honneur  de  présenter  à  Votre  Altesse  monsieur,  —  un  de  mes 
amis,  dont  je  réponds  comme  de  moi-même,  —  et  qui  va  vous 
céder  à  des  prix  doux  un  petit  Traité  skt  le  Paupérisme. 


us    AMI    DU    PRINCE    COURTIER  ELECTORAL- 

—  Nous  sommes  immenEément  riches.  Pendant  cinq  ans,  le  prince 
paie  les  impits  pour  la  France  entière,  et  il  retire  tous  les  habits 
du  Mont  de  Piété. 

—  Vous  devriez  bien  lui  dire  alors  qu'il  commence  par  votre 
redingote. 


qui, etc.,  etc.,  etc.  L'Empereur  naquit  en  Corse;  moi, 
je  vis  le  jour,  etc.,  etc.,  etc.  L'agriculture  excita  tou- 
jours la  sollicitude  du  héros,  etc.,  etc.,  etc.  A  vingt 
ans,  étant  tombé  à  la  conscription,  etc.,  etc.,  etc. 
(Tf orateur  quitte  la  tribune  au  milieu  d'un  tonnerre 
d'applaudissements.) 

IN  ouATRiÈ'\iK  oRATErn.  —  L'Empcrcur  naquit  en 
Corse;  moi,  etc.,  etc.,  etc.  »  [L'orateur  descend  en 
triomphe  de  la  tribune,  et  le  président  lui  vote  des  féli- 
citations.) 

LE  pRÉsinENT.  a  Quclqu'un  dcmande-t-il  encore  la 
parole'? 

VK  CITOYEN.  —  Je  la  demande.  Est-il  permis  d'expri- 
mer franchement  son  opinion? 

LE  PRÉSIDENT.  —  Cc  doutc  cst  uuc  injurc. 
LE  ciTOTEN.  —  Citoyens... 

LE  PRÉSIDENT.  —  Nous  somnics  tous  des  amis  de  la 
liberté. 

LE  CITOYEN.  —  .le  monte  à  cette  tribune... 
LE  PRÉSIDENT.  —  Parlcz  sans  Crainte  :  Napoléon  aima 
a  liberté  ;  il  voulait  que  chaque  citoyen  pùtmetli-eson 
opinion  au  pot  tous  les  jours.  Parlez  avec  assurance, 
vous  en  avez  le  droit. 

LE  CITOYEN.  —  Jc  viens  donc  ici  pour... 
LE  PRÉSIDENT.  —  Daus  Ics  idécs  napoléoniennes,  la 
liberté  de  la  tribune  est  sacrée  comme  la  liberté  de  la 
presse. 

LE  CITOYEN.  —  Jc  viens  donc  ici  pour  combattre... 
LE  PRÉSIDENT.  —  Hein  !  Plaît-il? 
LE  CITOYEN.  —  Pour  combattre  la  candidature  du 
prince  Louis. 

LE  PRÉSIDENT.  —  Jc  VOUS  rappelle  à  l'ordre  ! 
Plusieurs  rneiubres  du  club.  —  Qu'est-ce  à  dire?  A 
la  porte,  l'impertinent! 

Voix  nombreuses.  —  A  la  porte  !  A  la  porte  ! 
LE  PRÉSIDENT.  —  Flanqucz-moi  ce  drôle  à  la  porte. 
A  bas  le  jiékin! 

[Cris,  tumulte  :  une  douzaine  des  plus  vigoureux 
membres  du  club  escaladent  la  tribune,  enlèvent  l'ora- 
teur et  le  jettent  dehors.) 


I,ES  COMITÉS  BONAPARTISTES. 

Il  y  a  dans  Paris  une  demi-douzaine  de  comités  bo- 
napartistes qui  fonctionnent  nuit  et  jour  dans  l'intérêt 
de  la  candidature  du  prince  Louis. 

On  a  le  droit  de  s'y  présenter  en  amateur  et  comme 
un  homme  encore  indécis,  qui  désire  s'éclairer  sur  les 
mérites  respectifs  des  candidats  avant  d'écrire  son  bul- 
letin. Le  directeur  vous  reçoit  avec  la  plus  grande  po- 
litesse, afin  de  dissiper  le  préjugé  trop  répandu  sur  les 
façons  violentes  des  vieux  braves  de  l'Empire  à  l'égard 
des  pékins. 

Les  bureaux  sont  généralement  au  premier ,  pour 


A  L'USAGE  DES  (TENS  SERIEI  X. 


35 


ménager  les  jambes  des  visiteurs.  Sur  la  porte, 
on  lit  :  Ne  prenez  pus  la  peine  de  tourner 
le  bouton,  s.  v.  p.  Le  paillasson  vous  essuie  les 
pieds  du  lui-même;  c'est  un  paillasson  auto- 
mate, rt5vé  autrefois  par  Yaucanson.  II  y  a  une 
patte  d'aigle  au  cordon  de  la  sonnette  ;  mais  on 
n'a  pas  même  besoin  de  sonner  :  un  garçon  de 
bureau,  déguise  en  invalide,  avec  une  fausse 
jambe  de  bois,  vous  guette  par  un  œil-de-bœnf, 
et  la  porte  s'ouvre  avant  que  vous  l'ayez  tonclii'f. 
Il  y  a  des  gens  à  qui  le  prodige  du  paillasson 
automate  et  de  la  porte  qui  s'ouvre  d'clle-mi"nie 
inspire  une  subite  méfiance  :  au  lieu  d'entrer  ils 
prennent  la  rampe  et  redescendent  précipitam- 
ment. Mais  vous  êtes  plus  aventureux  :  vous 
mettez  le  pied  dans  l'antichambre.  Deux  domes- 
tiques vous  retirent  votre  paletot;  s'il  y  a  de  la 
poussière,  on  vous  donne  un  coup  de  brosse  ; 
s'il  d  plu,  on  vous  éponge  ;  on  vous  ^iropose  de 
vous  cirer  les  bottes;  au  besoin,  on  vous  rase- 
rait et  on  vous  donnerait  un  coup  de  fer.  Si 
vous  faites  mine  de  regarder  par  la  fenêtre,  on 
vous  apporte  une  longue-vue.  Il  y  a  des  visiteurs 
qui  abusent  de  ces  prévenances  au  point  de  de- 
mander un  bouillon,  qu'on  ne  leur  refuse  pas. 

Ces  divers  offices  d'antichambre  sont  remplis 
par  des  amis  du  prince,  qui  se  sont  déguisés  en 
domestiques  pour  épargner  à  la  bonne  cause  des 
frais  de  bureau,  il  y  en  a  un  qui  est  déguisé  en 
nègre,  et  qui  répond  au  nom  de  Cocambo.  C'est 
lui  qui  cire  les  bottes.  —  Voici  ce  qui  s>  passe 
dans  les  bureaux  du  comité  : 

Le  directeur  est  assis  dans  un  vaste  fauteuil  ; 
il  est  décoré  de  plusieurs  ordres  étrangers.  Sa 
phrase  favorite  avec  les  visiteurs  encore  indécis 
dans  leur  vote,  est  celle-ci  :  «  Fils  de  soldat,  sol- 
dat moi-même,  je  suis  convaincu  que  la  poli- 
tesse doit  être,  après'  le  courage,  la  première 
vertu  de  quiconque  porte  une  épée.  Dites-le  à 
vos  amis  ;  qu'ils  sachent  bien  que  l'on  nous  ca- 
lomnie en  nous  représentant  comme  des  traî- 
neurs  de  sabre  systématiquement  incivils  envers 
les  pékins.  Monsieur  est  sans  doute  militaire? 
cela  se  voit  à  son  air  martial. 

—  Je  suis  simple  pékin. 

—  Le  mot  est  charmant.  Simple  pékin,  comme 
on  dirait  simple  soldat  ;  le  rapprochement  est 
ingénieux!  Ah  !  monsieur,  que  l'on  a  de  l'esprit 
aujourd'hui  dans  le  bourgeois  !  Le  prince  est 
bien  loin  de  partager  les  préjugés  de  son  oncle 
contre  les  idéologues  ;  son  projet  est  de  s'en- 
tourer de  gens  d'esprit  et  de  faire  régner  la 
politesse  partout.  Oserai-je  vous  offrir  son  por- 
trait? 

—  Offrez  ! 

—  Une   courte    biographie   l'accompagne  ; 


-  Prince,  je  tous  amène  ces  messieurs,  tous  vieux  de  la  vieille,  pour  composer 
votre  cabinet  et  votre  cour. 


Le  prince,  ne  les  trouvant  pas  asseï  bien  mis,  choisit  son  cabinet  et  sa  cour 
parmi  quelques  journalistes  de  ses  amis  et  plusieurs  personnages  très-consi- 
dérés  dans  toutes  les  tables  d'hôte  des  Bâti gnoUes. 


36 


KEVLIE  COMIQIE. 


GRi;«D  cOiNCOlJns  Foin  le  foilthut  dd  pbin 

L'exposition  aura  iieu  dans  le  prochain  numéro. 

Physionomie  des   artistes^  après  qu'ils  ODt  pris  connaissance  du 

programme. 


LES    OHGUES    ELECTORALES   EN    PROVINCE. 

Rendez-lui  son  petit  chapeau. 
Sa  redingote  grise 
Et  sa  noble  dcTise; 
Rendez-lui  son  petit  chapeau 
Et  son  épée  et  son  drapeau. 

—  Connu,  connu  !  c't'  air-U  I  noua  en  avons  plein  l'  do>, 
parûtes  aussi! 

—  La  suite  au  prochain  numéro. 


quelques  lignes  seulement  sur  ses  malheurs...  ce  récit 
vous  arrachera  des  larmes.  » 

Un  garçon  de  hureau  se  présente  d'un  air  effaré  : 
«  Commandant,  il  y  a  là  six  colporteurs  qui  deman- 
dent des  portraits  du  prince. "^ 

—  Qu'on  leur  en  donne  un  ballot  à  chacun. 

—  Mais,  commandant,  il  n'y  en  a  plus;  le  tirage  est 
épuisé  ;  ces  drôles  donnent  les  exemplaires  pour  rien. 

—  Eh  bien!  servez-leur  l'image  du  Juif  errant; 
c'est  assez  bon  pour  les  campagnes.  » 

Le  garçon  de  bureau  sort  et  rentre  presque  aussitôt, 
a  Commandant,  il  n'y  a  même  plus  de  Juif  errant  : 
il  ne  reste  que  du  Crédit  est  mort. 

—  Donnez-leur  du  Crédit  est  mort,  et  laissez-moi 
tranquille.  » 

Un  commis  entre,  une  note  à  la  main  : 
«  Commandant,   voilà  encore  Turlurobert  qui  fait 
ses  farces. 

—  Qu'est-ce  que  c'est  que  Turlurobert? 

—  Notre  agent  dans  le  centre  ;  il  se  laisse  enfoncer 
par  les  paysans  en  leur  payant  bouteille.  Voici  sa  note, 
qui  s'élève  à  1,537  francs  50  centimes. 

—  Turlurobert  est  un  ivrogne  :  c'est  lui  qui  a  soif 
et  non  pas  les  électeurs.  Ecrivez-lui  que  s'il  continue  à 
griser  les  départements  nous  le  mettrons  à  pied.  Allez  !  » 

D'autres  commis  se  précipitent  dans  le  bureau  : 
«  Commandant,  de  mauvaises  nouvelles  ! 

—  Commandant,  nous  sommes  fumés  ! 

—  L'agent  Fumichon  a  voulu  prendre  la  parole 
dans  un  comité  électoral,  et  le  peuple  l'a  attendu  à  la 
porte  pour  le  lapider. 

—  Corbleu  ! 

—  L'agent  Saucissard  est  en  plan  dans  une  auberge, 
d'où  on  ne  veut  pas  le  laisser  sortir  jusqu'à  ce  qu'il  ait 
payé  sa  note. 

—  Fichtre  ! 

—  Mais  ce  ipii  nous  fait  le  plus  de  tort,  c'est  que 
Saucissard  a  promis  que  les  impôts  seraient  sujiprimés 
pendant  cinq  ans,  et  que  le  prince  Louis  distribuerait 
des  millions  aux  paysans;  avec  ça,  il  ne  paye  pas  son 
aubergiste. 

—  Eh  bien  !  que  Saucissard  aille  se  faire... 

—  Et  Fumichon? 

—  Qu'on  l'assomme  ! 

—  Mais  si  Saucissard  crève  de  faim  dans  la  rue  en 
parlant  des  richesses  du  prince  Louis,  quel  effet  ça  va- 
t-il  faire? 

—  L'effet  que  ça  pourra.  Allez  tous  vous  promener, 
vous  me  rompez  la  tète.  Nous  n'avons  plus  le  sou; 
l'emprunt  de  500,000  francs  payables  après  le  vote  de 
la  présidence  n'a  pas  réussi,  et  le  propriétaire  va  nous 
donner  congé.  Cocambo,  donnez-moi  ma  canne  et  mon 
chapeau,  et  allons-nous-en  duier.  Fils  de  soldat,  soldat 
inoi-mèine,  je  continue  de  vous  recommander  la  plus 
grande  politesse  avec  nos  visiteurs;  on  ne  sait  pas  ce 
qui  peut  arriver; 


.\  I.LSAGE  DKS  GKNS  SKUIIXX. 


37 


TYRANNIES  OCCULTES. 


DU  DESPOTISME  DES  LUNETTES. 


LE   HEGABD,   C'eST   l'bOMME. 
[Varianlt  détagréabU'pour  M.  le  cotnle  de  Buffon.) 


hose  étrange  !  Tandis  qu'à  rheurc  présen- 
te tous  les  peuples  se  ruent  à  rencontre 
des  pouvons    portant  sceptre  et  couron- 
ne, ces  mêmes  peuples  laissent  Iran 
Uement  fleurir  à  l'om 
bre  de  l'hyopcrisie  une  foule  de  tyran 
nies  inédites  bien  autrement  redou- 
tables que  celles  qui   se  pré' 
sent  sur    un   trône   entre 
deux  griffons  dore's.  ^=% 

L'une  des  plus 
dangereusesdeces 
puissances  caute- 
leuses   et    terri- 
bles, celle  à  l'en- 
droit de  laquelle 
le  moment  de  l'in- 
surrection est  en- 
fin arrivé ,  c'est  ^ 
évidemment     le 
despotisme  formi- 
dable qui  se  dissimu- 
le sous  le  nom  ano- 
din de  lunettes. 

Ceci  n'est  pas  unebou-       _ 
tade  à  prétentions  paradoxa- 
le,; —  la  pire  espèce  de  plaisan-      — 
teries,  —  c'est  un  cri  d'indignation 
sincère,  c'est  un  appel  au  courage 
de  tous  les  hommes  loyaux  qui  marclient  dans         rni 
la  vie  le  front  haut  et  l'œil  nu. 

C'est,  dit-on,  au  milieu  du  quatorzième  siècle  que  le 
Pisan  Alexandre  Spina  médita  et  accomplit  les  besicles  '^  '  ■ 

dans  son  fatal  génie.    L'Italie  du   moyen  âge,  qui   fournissait 


l'Europe  de  poi 
sons  et  d'astrolo- 
gues, d'inquisi- 
teurs et  de  bravi, 
et  qui  la  fournit 
aujourd'hui,  en 
concurrence  a- 
vec  l'Allemagne, 
d'insurrections  , 
hélas!  avortées, 
devait  en  effet  la  doter  du  plus  terrible 
^  '      auxiliaire,  de  l'astuce  et  de  l'hypocrisie. 

Voici  donc  cinq  cents  ans  que  l'humanité  se  courbe, 
ans  le  savoir,  sous  le  despotisme  persévérant  et  caute- 
leux des  lunettes. 
Depuis  ce  temps,   bien  des  races  augustes,  qui  se  promet- 
=     taient  l'éternité,    ont    disparu  devant  le  souffle    des  nations. 
Depuis  ce  temps,  bien  des    multitudes  se    sont   émues  contre 
toutes  les  tyrannies,  et  les  lunettes  se   sont   accrues  sans 
cesse  en  nombre  et  en  audace,  et  pas  une  vois  ne  s'est 

élevife      contre 


*V 


W 


leur  oppression, 
la  plus  sournoi- 
se, et  partant, 
la  plus  dange- 
reuse de  toutes. 

Mais  les  puis- 
sances d'iniqui- 
tés s'écroulent 
toujours  dans 
leur  triomphe. 

Il  est  bien 
entendu  que  ce- 
ci  ne  s'adresse 


58 


REVUE  COMIQUE. 


pas  aux  braves  gens  qui  pensent,  dans  leur  simplicité, 
que  les  lunettes  sont  faites  pour  y  mieux  voir.  — 
Loin  d'édaircir  la  vue,  elles  la  brouillent,  au  con- 
traire, connue  chacun  peut  s'en  convaincre.  Or, 
puisque  cet  instrument  trouhle  les  meilleurs  yeux,  à 
plus  forte  raison  doit-il  évidemment  empirer  les  mau- 
vais. 

Il  est  vrai  que  certains  hommes  poussent  l'effronte- 
rie jusqu'à  noircir  leurs  verres,  toujours  pour  y  voir 
plus  clair.  A  ceux-là,  nous  demanderons  ce  qu'ils  pen- 
seraient d'un  sourd  qui  se  boucherait  les  oreilles  afin 
d'y  mieux  entendre. 

Du  reste,  la  nécessité  très-visible  où  se  trouvent  tous 
ceux  qui  portent  lunettes,  de  regarder  par-dessus  ou 


par-dessous,  quand  ils  ont  réellement  intérêt  à  y  voir, 
est  une  preuve  sans  réplique  de  leur  duplicité. 

Non,  le  but  de  ces  hommes,  perfidement  habiles, 
n'est  pas  d'y  voir  plus,  mais  d'être  vus  moins.  — Dissi- 


muler leur  regard  en  brisant  celui  des  autres,  lire  dans 
la  pensée  de  leur  adversaire  en  cachant  la  leur,  voilà 
leur  seule,  leur  vraie  raison.  —  Un  duelliste  qui  se 
cuirasserait  de  fer  sous  prétexte  d'avoir  la  poitrine  fai- 
ble, ne  serait  donc  ni  plus  fourbe,  ni  plus  lâche  que 
ceux  qui  se  masquent  ainsi  les  yeux  sous  semblant  de 
mauvaise  vue. 

Mais  les  vieillards? 

Eh!  mon  Dieu,  les  vieillards  y  voient  si  net  qu'ils 
lisent  presque  tous  leur  journal  à  trois  pieds  de  dis- 
tance !  Mais  en  avançant  dans  la  vie,  tout  homme  s'a- 
perçoit que  ses  amis  à  lunettes  le  trompent  plus  encore 
que  ses  autres  amis,  et,  pour  lutter  contre  eux  à  ami~ 
tié  égale,  il  s'emprisonne  aussi  les  yeux. 


D'ailleurs,  jeune  ou  vieux,  tout  porteur  de  lunettes 
cache  derrière  elles  la  ruse,  la  défiance,  la  sécheresse 
de  cœur  et  de  tous  les  autres  vices  égoïstes  qui  consti- 
tuent ce  qu'on  appelle  la  sagesse  des  vieillards. 


C'est,  qu'en  effet,  ce  n'est  pas  au  front  que  Dieu  a 
marqué  les  bons  et  les  mauvais,  comme  l'ont  traduit 
quelques  hébraïstes  ignares;  c'est  dans  l'œil  et  dans 
l'œil  seulement.  —  La  bouche  de  l'homme  sourit  au 


mensonge,  sa  voix  chante,  pleure  et  joue  ce  qu'il  veut, 
mais  son  regard  ne  ment  jamais,  parce  qu'il  ne  lui 
appartient  pas. 

L'œil  est  donc  la  révélation  sincère  de  l'homme.  — 


A  i.isAci:  iti;s  CKNS  si^iURUX. 


39 


A  regard  droit,  cœur  loyal;  —  à  œil  faux,  cœur 
faux. 

I>ii<"  i|ii'iiii  ri'^'iird  csl  faiixesldii  reste  une  siiUise  ; 
il  est  Irès-t'nuic  ati  eniilraiii;  iMiis(ju'il  dil  liiiiiièiiie  : 
je  suis  fiiux. 

Or,  avant  la  déplurahle  invoutiou  de  Spiiia  ,  Ions 
les  lioiniiies  étaient  égaux  devant  leurs  (iropres  jeux. 


Alors,  en  politique,  en  diplomatie,  en  afraircs,  le 
viirilalde  génie,  le  calme  naturel  et  l'Iialtileté  a(((uise, 
l'enipiirlaient  toujours  de  liant  dans  des  luttes  où  cha- 
cun se  montrait  à  visage  découvert. 

Alors,  pour  domineret  tromper  les  autres,  il  (allait 
avoir  une  snpérioiité  réelle  ijni  juslili.U  le  iles|)otisme  et 
enudldit  la  tromperie. 


L'antiquité  connaissait  le  verre  :  Moïse,  Job  et  Aris- 
tote  en  parlent.  —  Mais  jamais  l'idée  de  l'employer  en 
lunettes  ne  pouvait  venir  à  des  hommes  qui  respec- 
taient trop  la  ruse  pour  la  matérialiser. 

La  célèbre  controverse  sur  les  nez  amiqces,  qui  a 
lieu  en  ce  moment  à  l'université  de  Gœttingue,  met 
en  doute,  il  est  vrai,  le  mérite  des  Grecs  dans  cette 
question  de  loyauté. 

Se  fondant  sur  ce  que,  depuis  l'Apollon  jusqu'à  la 


Vénus  de  Milo,  jamais  une  slatue  gricqu!  ne  nous  est 
parvenue  avec  son  nez  {ce  qui  est  parfaitement  liistu- 
rique) ,  la  majorité  des  docteurs  allemands  pensent  que 
le  nez  est  d'invention  romaine,  et  que  jamais  Grec  n'en 
a  porté.  —  Cette  assertion  parait  très-sensée  quand  on 
songe  aux  effroyables  nez  que  se  mettaient  les  Césars. 
Tout  inventeur  aimanta  voir  exagérer  sa  découverte, 
on  comprend  alors  combien  cette  inscription  devait 
flatter  le  sénat  et  le  peuple  romain.  S.  P.  Q.  R. 


40 


REVUE  COMIQUE 


Mais  que  ce  soit  faute  de  nez,  ou  par  un  noble  mé- 
pris ,  toujours  est-il  que  les  Hellènes  ignoraient  les 
besicles,  et  que  les  nations  modernes  ont  seules  gémi 
sous  ce  iléau. 

Dans  les  trahisons  intimes  de  Tamitié,  comme  dans 
l'exploitation  des  idées  généreuses  qui  mènent  le  peu- 
ple, les  hommes  francs,  à  l'œil  libre,  sont  donc  cons- 
tamment victimes  des  hommes  à  l'œil  Titré. 

Ainsi,  les  médecins,  les  savants,  les  usuriers,  les 
hommes  d'État  sans  état,  tous  ceux  enfin  qui  ont  be- 
soin d'imposer  et  d'en  imposer,  portent  presque  tous 
des  lunettes. 

Si  bien,  chose  honteuse,  que  pour  s'opposer  à  ce 
despotisme  des  médiocrités,  les  hommes  forts  d'eux- 
mêmes  sont  contraints  de  s'abaisser,  quand  leurs  yeux 
le  permettent,  jusqu'à  se  servir  de  ce  triste  expédient. 

Un  diplomate,  qui  gouverna  longtemps  l'Allemagne, 
ne  pouvait  s'habituer  aux  lunettes.  En  ce  péril,  de- 
vant des  adversaires  qui  en  portaient ,  il  s'est  fait 
borgne  ;  oui,  borgne  !  Et  cela,  pour  cacher  du  moins  la 
moitié  de  sa  pensée. 


Feu  ,  de  glorieuse  mémoire,  Napoléon  essaya  aussi 
inutilement,  à  Brienne  d'abord  ,  puis  en  Egypte  ,  de 
porter   lunettes.    Mais    pour  y  suppléer ,  il  inventa 


bientôt  son  fameux  coup  d'œil  d'aigle,  qu'on  ne  pou- 
vait subir,  sous  peine  de  pulvérisation,  ou  tout  au 
moins  d'éternuement. 

Ou  plus  souvent  encore  de  démission. 


A  défaut  de  son  génie,  de  sa  gloire  et  de  ses  traités , 
si  certain  oiseau  collatéral  croyait  avoir  hérité  du  moins 
de  ce  regard  avunculaire ,  nous  lui  conseillerions  de 
n'accepter  encore  cette  dernière  vanité  que  sous  l)éné- 
lice  de  lunettes. 

Enfin,  le  plus  souple,  le  plus  adroit  et  le  plus  mé- 
ridional de  tous  nos  hommes  d'État  depuis  1830;  le 
seul  qui  ait  su  pendant  dix-sept  ans  se  ménager  le  pou- 
voir dans  la  popularité  et  la  popularité  dans  le  pouvoir, 
cet  homme  qui  essaye  encore  aujourd'hui  de  remonter 
à  flot,  ne  doit  sa  supériorité  de  bonheur  et  d'adresse 
qu'aux  lunettes  historiques  qu'il  porte  depuis  son  am- 
bition, c'est-à-dire  depuis  son  enfance. 

Faute  de  descendre  ainsi  dans  les  ruses  privées  des 
grands  dominateurs  du  monde,  l'histoire  désorientée 
entasse  souvent  théories  sur  théories  pour  tâcher  d'ex- 
pliquer ces  immenses  supériorités.  Un  seul  mot  suffi- 
rait presque  toujours  pour  illuminer  ces  questions 
comme  un  phare.  Demandez  ,  par  exemple  ,  aux  his- 
toriens, la  raison  du  génie  de  Louis  XI  ?  Que  de  causes 
majeures  ne  donneront-ils  pas  aux  succès  du  despotisme 
de  ce  chat-tigre  !  Et  pourtant  cette  puissance  féline  no 
prenait  naissance  que  dans  un  simple  fait  complète- 
ment oublié  :  —  Louis  XI  était  le  seul  roi  de  son  temps 
qui  portât  des  besicles. 

Notez  que  nous  n'avons  pas  cité  l'Amour,  qui  fait 
semblant  de  n'y  pas  voir  pour  mieux  atteindre  sa  vic- 
time. 


A  cette  dégradante  tyrannie,  quelques  yeux  coura- 
geux ,  mais  imprudents,  ont  essayé  d'opposer  le  lor- 
gnon. Cette  tentative  eut  le  sort  des  demi-révoltés, 
elle  échoua.  —  Se  servir  de  lorgnon  I  Mais  autant  vau- 
drait se  jeter  dans  une  mêlée  avec  son  épée  dans  le 
fourreau  ! 

La  noble  France  qui  a  toujours  guidé  le  monde  dans 


A  L'USAC.L  DES  GENS  SERIEUX. 


41 


le  chemin  do  la  liberté,  doit  aussi  secouer  la  iirciuière 
le  joug  liuniiliaDt  des  lunettes. 

Pour  cela,  deux  simples  petites  lois  sulïisont;  cl  par 
la  fécondité  de  nos  législateurs,  deux  lois  ne  sont  pas 
une  alTaire  d'Etat. 

I.a  première  supprimerait  les  ojiticiens,  et  assimile- 
rait leurs  marchandises  à  l'acétate  de  nioii)liine,  aux 
couteaux-poignards,  aux  cannes  plombées  et  aux  fusils 
i\  vent. 

Par  la  seconde,  on  inscrirait  au  seuil  des  chambres 


législatives,  des  tribunaux,  des  études  de  notaires,  etc., 
partout  où  se  traitent  et  se  débattent  des  intérêts  :  Ici 

O.N  NK  rOUTK  PAS  DE  LINETTES. 

A  moins  ce|)cndaiit  que,  comme  pour  la  vaccination, 
l'État  ne  préfère  imposer  aux  parents  l'obligation  de 
luneter  leurs  enfants  au  berceau. 

Tous  les  hommes  n'ayant  pas  la  môme  vue,  le  pre- 
mier projet  nous  parait  encore  préférable.  —  Porter 
lunettes  est  certainement  d'un  grand  secours  pour 
tromper,  mais  il  faut  pour  cela  avoir  d'excellents  yeux. 


VOTONS  POUR  BONAPARTE. 


Air  :  Gai,  gai,  marioHS-nous 


Gai,  gai,  c'est  convenu, 
Nous  porterons  Bonaparte  ; 
Gai,  gai,  c'est  convenu. 
Nous  voulons  qu'il  soit  élu. 


On  dit  qu'  sa  bourse  est  creuse. 
Tant  mieux,  j'en  suis  content; 
La  France  est  généreuse. 
Donnons-lui  notre  argent. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Chaque  socialiste 
Dit  qu'il  va  l'appuyer, 
La  France  communiste 
Est  bonne  à  partager. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Vous,  paysans  utiles. 
Vile  plantez  vos  choux; 
Les  fainéans  des  villes 
Les  mangeront  sans  vous. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


A  la  France  on  peut  dire 
Quel  sera  son  bonheur, 
Car  elle  aura  l'empire 
Complet...  moins  l'empereur. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


La  guerre  sans  victoire, 
Le  nom  sans  le  héros  ; 
Nous  n'aurons  pas  la  gloire. 
Nous  aurons  les  impôts. 

Gai,  gai,  c'est  convenu. 


Tous  nos  principicules, 
Gras  de  dotations, 
Nous  donn'ront  des  férules 
Et  prendront  nos  millions. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Tous  les  chapeaux  à  claques 
Prendront  position, 
Puis  viendront  les  Cosaques 
Avec  l'invasion. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Ob  !  la  reconnaissance 
Déborde  de  mou  cœur  ; 
Français,  à  bas  la  France 
Et  vive  l'empereur. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Icare  impérial. 
—  Extrait  du  journal  LE  Bossu,  journal  français  publié  à  Londaes.  — 


11(111  rVAiin  iii>,  iiAi.ii..' 


:E0  rciiiiitKs   la    livraison. 


ii{  i:  Miiiviin-,  f(2 


aditions  de  la  Soascripiion.  —  La  Kevue  comique  formera  im  masailique  volume,  grand  in-8,  publié  en  SO  livraisons   à  50  cenlinies. 

mr  la  poste,  33  ceuliinos.  —  Pour  tout  ce  ([ui  coiicerue  la  direction,  écrire  [franco)  à  M.  LiuECX,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  d.^s 

Italiens.  , „  .       ,  ■ 

DUMINERAY,  EDITEUH,   52,  aUE  HICHELIEU  4e     inraiSOn, 


12  DÉCEMBRE  1848. 


So7.  (lu  prince  pour  rire,  —  avec  une  vue  de  son  confident. 


Pari..  —  Tir.'  mu  prc<i.'i  m,Vaiiiqn.>!  rie  T-acrampr  (il(  ol  Comp.,  rue  Damielle, 


LA  SEMAINE. 


Et  comme  la  scmainp  dernière  ?p  pn'senlait  pour 
être  entendue  à  ?on  tour,  je  me  levai  et  lui  dis  brus- 
quement : 

—  Pour  aujourd'hui,  madame,  je  me  priverai  du 
plaisir  de  vous  écouter,  car  je  sais  d'avance  que  vous 
n'avez  rien  à  me  dire. 

—  Comment  rien  ? 

—  Absolument.  Croyez-vous  que  l'on  puisse  entre- 
tenir en  ce  moment  le  public  des  vaudevilles  plus  ou 
moins  aristophanesques  de  M.  Clairville,  et  des  traduc- 
tions deM.  Bulwer,qne  l'on  joueauThéàtre-Historique? 

—  Mais  l'Opéra  ? 

—  Les  débuts  de  mademoiselle  Lagrange  dans 
Othello,  voilà  bien  de  quoi  occuper  les  Parisiens.  D'ail- 
leurs mademoiselle  Lagrange  n'a  rien  d'assez  extraordi- 
naire pour... 

—  Laissons  donc  de  côté  les  théâtres. 

—  De  quoi  me  parlerez-vous  donc? 

—  De  miss  Burdett-Conts. 

—  Qu'est-ce  que  cette  miss  '? 

—  La  plus  riche  et  la  plus  laide  héritière  de  Londres. 
Autant  de  millions  que  de  printemps  :  quarante-cinq 
peut-être  ;  le  teint  légèrement  couperosé  comme  toutes 
les  riches  héritières  anglaises  ;  les  cheveux  blonds  :  c'est 
la  future  Marie-Louise  du  futur  empereur.  Le  prince 
Louis  a  cherché  une  archiduchesse  dans  la  haute  ban- 
que. Miss  Cents  est  à  Paris,  elle  a  mis  ses  millions  à 
la  disposition  de  la  candidature  du  prétendant,  e'est 
la  France  qui  payerait  les  intérêts;  miss  Cents  a  promis 
de  se  faire  catholique  afin  de  rendre  possible  un  nou- 
veau sacre. 

—  A  Reims  ? 


—  Non,  à  Notre-Dame.  Le  prince  Louis  compte  sur 
le  pape  pour  verser  sur  son  front  l'huile  sainte.  Vous 
savez  qu'on  répand  le  bruit,  dans  les  campagnes,  que 
Pie  IX  ,  chassé  de  Rome  par  un  Bonaparte  ,  n'a  quitté 
Rome  que  pour  venir  en  France  sacrer  le  cousin  de 
son  persécuteur.  C'est  madame  Delphine  Gay  de  Gi- 
rardin  qui  doit  être  nommée  première  dame  d'hon- 
neur de  l'impératrice,  ou,  si  vous  aimez  mieux,  de 
miss  (]onts! 

—  La  muse  prendre  la  livrée,  vons  n'y  songez  pas;Né- 
mésisdame  d'honneur,  c'est  impossible.  Mais  j'ai  une 
autre  nouvelle  à  vous  annoncer. 

—  Laquelle? 

—  La  résurrection  du  poète  Barthélémy. 

—  C'est  la  troisième  au  moins. 

—  Il  chante  Louis-Napoléon. 

—  Après  avoir  chanté  la  République  et  Louis-Phi- 
lippe, que  ne  chanterait-il  pas?  Maintenant,  avez- 
vous  fini  de  défiler  votre  chapelet  de  cancans  hebdoma- 
daires? 

—  Il  me  reste  encore  à  vous  parler  des  bals. 

—  Mais  voilà  deux  semaines  que  ^L  Marrast  ne  re- 
çoit pas. 

—  Nous  avons  les  bals  publics. 

—  [Is  sent  occupés  par  des  clubs. 

—  Les  bals  d'actrices.  Figurez-vous  que  mademoi- 
selle Scrivaneck,  du  Palais-Royal,  adonné  samedi  der- 
nier une  soirée  dansante  des  plus  animées,  et  que... 

Comme  je  vis  que  mon  interlocutrice  allait  entrer  dans 
toutes  sortes  de  digressions  indignes  de  la  gravité  du  pu- 
blic, je  pris  poliment  la  semaine  dernière  par  la  main, 
et  la  conduisant  sur  le  seuil ,  je  lui  fermai  la  porte  au  nez . 


Il 


l'.i'AHK  co.Miuir; 


SLlTt  DtS  AVKMlliFS  lU    l'IJNr.t  l'(H  II   lUlU. 
CllAl'irUE  \l. 

APOTllEOS!;. 


ur  11  colonne. 


IMlllTl'.MT  DU.N  CONTEMl'OUAlN. 

11  L'.-l  un  lioiniiio  iloul  riiitelliyoïu'C  ,  iliosc  r;u'0  , 
n'est  uoiilesU'e  par  porsoiine;  cet  liuiiiino,  un  des  es- 
prits les  plus  actifs,  les  plus  pei-sêvérants,  les  plus  opi- 
niâtres, les  plus  lahoiieux  de  ce  lenips-ci ,  est  parvenu, 
à  lurce  de  patience  et  de  talent ,  à  travers  mille  dé- 
boires et  mille  diflicultés,  contre  vents  et  marées,  à 
créer  un  des  journaux  les  plus  considéraliles  de  France; 
il  est  le  roi  de  ce  journal,  il  en  est  le  maître  absolu  ; 
l'éloge  ,  le  blâme,  l'attaque  y  sont  tour  ù  tour  dispen- 
sés par  lui  d'une  main  toujours  prodigue;  cet  homme 
pourtant  n'a  pas  un  ami,  que  dis-je,  il  n'a  pus  même 
un  envieux,  ce  cpii  revient  à  due,  et  c'est  monstrueux 
h  penser,  qu'il  n'est  peut-être  personne  à  Paris  ,  à 
l'Iicure  qu'il  est,  qui  consente  à  éclianger  son  nom 
contre  le  sien. 

Objet  tour  à  tenir  de  la  haine,  du  mépris  ,  de  la  co- 
lère d'un  grauil  nombre,  cet  homme ,  disons-le,  ne 
uousa  jamais  inspiré  ([u'une  profonde  et  douloureuse 
pitié. 

A  le  voir  tous  les  soirs,  nouveau  Sisy[ihe,  rouler  in- 
raligablement  en  haut  de  la  montagne  le  roclier  que 
chaque  matin  il  retrouve  à  sa  hase,  nous  nous  sommes 
demandé  plus  d'une  fois  quand  Dieu  ^pardonnerait  à 
ce  malheureux,  et  si  tant  de  courage  n'aurait  pas  enfin 
pour  récompense  l'oubli  possible  de  son  passé. —  Et 
voyant  qu'au  contraire  la  main  qui  le  punit  s'appe- 
santit tous  les  jiuirs  davantage  sur  sa  tète,  nous 
avons  recherché  qui  donc  avait  pu  lui  attirer  cet  épou- 
vantable châtiment. 

Dieu  eût  pardonné  à  Sodome  s'il  s'y  lut  trouvé  sept 
justes;  nous  disions,  nous  :  N'y  a-t  il  pas  sept  bonnes 
actions  dans  la  vie  de  ce  coupable,  qui  puissent  plaider 
pour  lui  devant  la  justice  divine ,  ou  tout  au  moins 
l'absoudre  devant  les  hommes? 

Nous  primes  donc  sa  vie  jour  à  jour,  feuille  à  feuille, 
ligne  par  ligue  ;  d'abord  l'espoir  nous  vint  ;  car  au 
lieu  de  sept,  nous  y  rencontrâmes  cent ,  deiiv  cents 
bonnes  actions  évidentes  et  à  côté  d'un  grand  nombre 
de  paroles  mauvaises,  haineuses,  perfides,  d'idées  dan- 
gereuses et  inap[)licables,  un  grand  nombre  aussi  d'i- 
dées bonnes,  justes  et  sensées,  généreuses  peut-être. 
Kt  nous  allions  blasphémer,  nous  allions  accusera 
la  lois  et  Dieu  et  les  hommes,  nous  attendrir  sur  le  sort 
de  cet  infortuné,  aller  à  lui,  l'enconiMger,  lui  dire  de 
ne  point  désespérer,  de  revenir  au  bien  tout  à  fait,  et 
de  chasser  de  son  cœur  l'amertume  qui  chaque  jour 
eu  déborde,  quand  tout  à  coup  nous  fûmes  arrêtés  par 
nu  dernier  scrupule  ;  et  reprenant  alors  une  à  une  les 
bonnes  actions,  les  bonnes  paroles,  les  idées  généreuses 
([ui  nous  avaient  frappés  dans  sa  vie  et  qui  nous  avaient 
paru  devoir  plaider  en  sa  faveur,  nous  les  soumîmes 
pour  plus  d'impartialité,  à  une  dernière  expérience. 
Nous  recherchâmes  leurs  causes,   puis  leurs  effets; 


A  i;us.\r.K  i)i:s  r.KNS  sfiniKnx. 


.M:ii<  liiciilot,  dpouvanlés  Au  ri-siilliit  de  ce  dernier 
f\iinicn,  iioiisl'aliandonnAmes  n\oc  liorrour,  cm-  sous 
t.ïiil  ce  liicn  iiu-ntciir,  il  nous  l'nt  ini|)nssil)l(î  de  dccini- 
viir  uiu'  seule  l'oiine  iiilention,  un  seul  acte  désinlé- 
lessé,  un  seul  l'I m  uni  n'eût  son  ealcul  ;  —  les  nuil- 
leures  elioses  smis  nlle  main  liinesle  n'i'taieiit  eni- 
ployécs  ([ne  ennnne  un  innycn  de  faiie  le  mal  on  de 
détruire  le  liien. 

Centristes,  dégoùl.'s,  le  euMir  serré,  il  nous  falliU 
aliandonner  cette  déploralilo  nalin'eàson  stérile  labeur; 
assurés  désormais  que  le  mal  seul  lui  est  possible,  nous 
nous  éloi-nàmes  d'elle  avec  effroi.  I.a  voix  du  peuple 
est  bien  la  voix  de  Dieu.  —  Condamné  à  n'être  jamais 
qu'un  de  CCS  agents  dangereux  qu'on  utilise  pendant 
la  lutte,  qu'on  renie  après  la  victoire,  cet  bommeaura 
donc  fait  le  mal  sans  profit  pour  lui-même  et  le  dernier 
de  ses  ennemis  vaincus  restera  toujours  pour  lui  un 
objet  de  jalousie  et  d'éternelle  envie.  —  5a 'punition 
est  dans  ce  seul  fait,  elle  est  terrible;  qui  donc  lui 
refuserait  ce  que  nous  lui  accordons,  — de  la  pitié!  — 
On  s'éloiene  des  monstres,   on  ne  les  liait  pas. 


A  MM.  RUCKAin,  TllII'r.S  Kl   MOM.. 

La  lettre  du  maréclial  Hugcaud  prenant  parti  pour 
Louis-^apoléon,  est  un  des  plus  tristes  témoignages 
de  ce  que  la  vanité  blessée,  de  ce  que  la  rivalité  mé- 
contente peut  faire  faire  de  sottises  en  ce  monde  à  ceux 
que  n'éclaire  pas  l'amour  du  bien  public. 

Pour  n'avoir  pas  pour  chef,  pour  supérieur,  un  de 
ses  anciens  lieutenants  ,  un  homme  pour  leciuel  d'ail- 
leurs il  avait  professé  publiquement  la  pins  grande  es- 
time, et  qu'il  avait  signalé  dès  son  début  comme  devant 
atteindre  à  de  hautes  destinées,  le  maréchal  accepte  de 
se  subordonner  à  l'étourdi  politique,  à  l'ambitieux  sans 
portée,  qui  par  deux  fois  a  eu  la  prétention  de  ren- 
verser dans  la  personne  de  Louis-Philippe,  le  prin- 
cipe et  l'homme  auquel  le  maréchal  Bugeand  s'était 
aveuglément  dévoué. 

J'ai  hésité  d'abord  ,  écrit-il  lui-même  ;  et  on  eût 
hésité  à  moins,  M.  le  maréchal  !  Le  geôlier  de  la 
duchesse  de  Berry  aurait  pu  être  le  geôlier  de  Louis- 
Napoléon  ;  cela  n'a  pas  été,  parce  (ju'on  ne  vous  l'a  pas 
ordonné.  — Quand  vous  avez  passe  outre ,  avez-voiis 
cru  que  la  France  l'oublierait? 

Ce  sera  l'éternelle  honte  de  M.  Thiers,  de  M.  Bu- 
"caud,  et  de  M.  Mole,  dont  nous  voyons  à  regret  la 
carrière  finir  dans  cette  honteuse  coalition  ,  d'avoir  pu 
se  réimir  pour  tromper  tout  haut  le  pays  sur  la  valeur 
d'un  homme,  dont  chacun  d'eux  tout  bas  proclame 
rinsufiisance  et  la  nullité,  dans  des  termes  que  nous 
n'oserions  pas  répéter 

Si  Louis-Napoléon  vaut  mieux  que  ne  le  disent  ses 
perfides  conseillers,  il  le  prouvera  en  s'éloignant  d'eux 
avec  mépris,  au  cas  oii  par  impossible,  grâce  à  leur 


Y) 


<^-A" 


y/f"!\^f^ 


Si  nous  devons  avoir  cette  éclips",  je  parie  qu'elle  ne  dure  pas. 


cmicoiirs  inoincnUinL' ,  suii  nom  sortirait  de 
l'urne  olectonile  ;  car,  il  faut  bien  qu'il  le  sa- 
che, il  ne  peut  attendre  d'eux  que  trahison. 


M.  Vl.iiON   lIOMMi:  l'OLITlQUE!! 

S'il  y  a  eu  quelque  chose  de  bouffon  dans  ce 
monde,  cela  a  été  l'incroyable  prétention  qu'a  eue 
le  pharmacien  Vérou  de  se  donner  comme  un 
homme  politique. 

M.  Véron,  industriel  habile,  n'avaiteu  jusque- 
là  d'autre  prétention  que  celle  de  savoir,  comme 
on  dit,  tirer  de  l'huile  d'un  mur.  —  Quand  il  a 
pris  le  Constitutionnel,  il  a  voulu...  faire  une 
affaire.  —  Pour  faire  réussir,  je  ne  dis  pas  ce 
journal,  mais  cette  affaire,  que  n'a-t-il  pas  ima- 
giné'? Les  romans  de  M.  Sue,  ses  romans  les  plus 
rouges,  les  plus  socialistes,  qui  les  a  publiés? 
Réponse  :  M.  Véron,  chef,  avec  M.  Thiers  (pau- 
vre M.  Thiers  !),  du  parti  prétendu  modéré,  des 

MOIIÉRÉS  lUH  CES,  si  VOUS  VOUlcZ. 

Il  faut  qu'on  sache  que  le  traité  qui  lie  M.  Vé- 
ron et  M.  Thiers  est  un  traité  comme  il  pourrait 
s'en  faire  entre  un  marchand  de  pommade  et 
un  marchand  d'orviétan,  et  que,  dans  ce  traité, 
la  politicjue,  celle  du  moins  de  M.  Véron,  n'a  pas 
le  plus  petit  mot  à  dire. 

«  Vous  avez  une  boutique'?  a  dit  M.  Thiers  à 
M.  Véron. 

—  J'ai  une  boutique,  a  répondu  M.  Véron, 
et  une  fameuse,  et  je  m'en  vante. 

—  Votre  boutique  a  deux  compartunents,  a 
dit  M.  Thiers. 

—  Ma  boutique,  a  dit  M.  Véron,  a  autant  de 
compartiments  qu'il  peut  me  plairequ'elleen  ail. 

—  Supposons,  dit  M.  Thiers,  qu'elle  n'aitque 
deux  compartiments,  le  premier  étage,  le  rez- 
de-chaussée. 

—  Après,  dit  M.  Véron  en  faisant  sonner  ses 
pièces  de  3  francs  dans  sa  poche,  et  en  étalant  sa 
chaîne  d'or  sur  son  gilet. 

—  Après,  a  dit  M.  Thiers  en  tiianlde  la  poche 
de  six  de  ses  amis  un  portefeuille  d'où  sortirent 
une  centaine  de  billets  de  banque. 

Ici  il  y  eut  un  moment  de  silence,  dont  la  vi- 
gnette seule  pourrait  reproduire  l'éloquence. 

—  Après,  dit  M.  Thiers,  je  vous  achète,  avec 
l'argent  de  ces  messieurs,  votre  premier  étsge 
pour  les  cent  billets  de  mille  francs  que  voici, 
moyennant  quoi  je  débiterai  au  premier  étage 
de  votre  journal  la  politique  qu'il  me  plaira  d  y 
débiter,  sans  que  vous  ayez  à  vous  en  mêler  le 
moins  du  monde. 

—  Du  reste  ,  de  votre  boutique  ,  mon  brave 
homme,  vous  ferez  tout  ce  que  vous  voudrez  : 
IqS  arts,  la  littérature,  l'industrie,  les  chemins 


A  L'USAGE  DES  GKNS  SÉRIEUX. 


47 


(le  liT,  Il  ]ili,irmaii(' ,  l,i  lillL-ratiii-c  facile,  le 
fcuilletuii,  y  reslomnl  sniimis  à  vos  lois;  vous 
pourrez  en  garder  ou  on  livrer  la  direclion  en  tout 
ou  en  |)arlie  i  (|ui  vous  voudrez  :  nous  n'avons 
neii  à  y  vdii-,  ces  messieurs  mes  associés  politi- 
«lues  et  moi. 

—  C'est  l'ait,  dit  M.  Ynon. 

M.  Tlners  ouvrit  le  |.ortorouille,  les  lullels  lu- 
rent comptés,  nii,  (l('ii\,  tiois,  etc..  etc.,  jus(iu"à 
cent;  total  I0(», ()()(»  IV. 

—  ("/est  l'ait,  ajouta  .M.  Véron  en  tendant  la 
main  ;  c'est  fait,  sous  cette  réserve  pourtant,  que 
>i  le  caprice  me  prend  de  rentrer  dans  mon  pre- 
mier étage,  si  je  trouve  une  surenchère,  j'en 
serai  quitte  pour  vous  rendre  vos  100,000  fr. 
Ces  100,000  fr.  rendus,  je  pourrai  relouer  ledit 
premier  étage  à  un  autre  locataire  ;  et  ce  fut  ac- 
cepté. 

«  Comment  diable  M.  Véron  veut-il  qu'on 
voie  en  lui  un  homme  politique?  —  Y  a-t-il  trace 
d'une  intention  politique  dans  la  situation  qu'il 
s'est  faite  dans  son  journal?  Si  l'honorahlc  mais 
changeant  M.  Thiers  devenait  carliste  demain, 
s'il  devenait  Cavaignacquiste,  si....  qu'aurait  à 
dire  M.  Véron? 

Morale.  —  Le  chef  du  [)ouvoir  exécutif  est 
un  bien  honnête  homme.  Beaucoup,  à  sa  place, 
n'en  eussent  pas  tant  dit  au  pharmacien  Véron. 


Si  nous  sommes  le  peuple  le  plus  spirituel 
de  la  terre,  on  ne  contestera  pas  (]ue  nous  en 
soyons  aussi  le  plus  ignorant  des  qu'il  s'agit  d'un 
foi t  qui  s'est  passé  au-delà  de  nos  frontières. 
l/.\ssemblée  nationale  a  discuté  pendant  tout  un 
long  jour  à  propos  du  Pape  et  du  secours  que 
nous  avions  bien  fait  de  lui  envoyer. 

1,'Opposilion  surtout  s'est  récriée:  Vous  allez 
au  secours  des  princes,  vous  n'allez  pas  au  se- 
cours des  peuples.  S'il  y  a  quelque  part  une  ten- 
tative républicaine,  vous  êtes  contre  elle,  et  là- 
dessus  M.  Ledru-Uollin,  M.  Favre  de  parler. 

Or,  ces  messieurs  n'ignorent  qu'une  chose,  cl 
il  est  vrai  que  c'est  la  principale.  C'est  qu'en  par- 
lant, à  propos  de  l'insurrection  romaine,  de 
M.  Mamiani,  par  exemple,  et  de  ses  collègues  du 
ministère  imposé  au  papd,  ils  parlaient  pour  un 
ami,  ami  intime,  ami  non  douteux  et  politique 
de  M.  Guizot  et  de  M.  Libri,  pour  le  roi  Char- 
les-Albert et  pour  le  parti  qui  veut  faire  de  l'I- 
talie, non  une  confédération  républicaine,  niai> 
un  vaste  royaume  avec  le  roi  de  l'iéraont  pour 
chef.  M.  Mamiani  rira  bien  quand  il  verra  tout  le 
mouvement  que  se  sont  donné  pourlui,  adver- 
saire des  idées  républicaines,  nos  braves  étour- 
dis de  la  Montagne. 


Les  Tillageois,  s'aperccvant  qu'on  n'a  pas  du  tout  paye  pour  eux  les  impôts, 
ainsi  qu'on  le  leur  avait  promis,  se  lirrent  à  une  grande  chasse  à  t'oie. 


La  farce  est  jo 


EXPOSITION 

DU  GRAND  CONCOURS  OUVERT  POUR  l.K  rORTUMT  DU  PRINCE  TOUR  RlUE 


Avec  les  notes  du  jury. 


N»    1. 


REFUSÉ.  —  Les  jambes  vont  bien,  mais  la  rosscinblance  de  tèlc  csl  insuffisante. 


N"   '2. 


MEMUIN  llONOliVCLE.  —  Celle  conipojilion  est  lionne:  les  accessoires  ont  do  I.i  gaieté;  le 
costume,  les  allures  anglaises,  et  le  bras  en  trompe  d'éléphant  ,  sont  bien  saisis;  le  pantalon 
drapa  avec  sràee;  seulement,  le  masque  annonce  une  énergie  qui  manque  absolument  a  1  or.gmal. 


N"  5. 


IL  U;VtK   DU  SCI.LIL.    10  DLCKMIIRE.   PREPARATIFS. 

Bonnes  iiUcntions,  cxucution  satisfaisante  ;  une  médaille  d'argent  pour  la  chemise  et  les  papillottes. 


N"  i. 


N»  5. 


Ce  portrait  sera  ressemblant  plus  tard,  lorsque  \o  prince  pour 
rire,  de  retour  à  Lonires,  et  réduit  à  vivre  de  ses  talents^  ira 
faire  lasala'ie  en  ville. 


Vérité  dans  la  pose;  ir-ais  le  deasiu  manque.  Néanmoins,  l'ap- 
proche du  jour  dcTao  permet  d'offrir  au  peintre  25Bolsde  s-jn 
tableau. 


REFUSÉ,  mais  avec  mention  lionorali'.e.  —  Le  corps  est  bien,  mais  la  tête  est  flattée. 


No  7. 


iTRENNES  rOUR  1f<f9. 


C  .-s  es  luisses  incunvcniintes  ont  été  mises 
hor-î  de 


Nouveau  modèle  de  pipe. 


Tabatière  à  attrappe. 


N»  10. 


1.  |:nS1lI<;\KM1  M    SILTL'EL. 

MÉDAILLE  D'On.  —  M.illicurenseinenl  c'est  aussi  le  prolil  de  Gra^snt. 
N"  H.  N"  d2. 


l'IF.K.I^E    DhLIDKvrE. 

Renvoyé  au  Jardin  d*-s  plantes. 


Bou'iULl  uir.it  udî  la  Presse  à  ses  abonnés. 


N"  15. 


GliANUt;  MlLu.WLI-E  DOR.  -  Ce  i  orlniil  aurait  en  le  (-t 
SI  l'urliale,  se  ccuiforniant  au  programme,  avait  dessiné  1"( 
semble. 


LIS    l'ItllllOT   liLl  VtUT    lililTEU    L'AI  .LE. 

I  Ct  tableau  a  été  retiré  du  concours  et  acheté  par  un  monsieur 

riche  tt  am:>nt  de  l'allégorie. 


N"  'ir;. 


.\"  ;c. 


L'aute.ir  est  assez  récom|.ee.sé  :  .1  .1  obt.nu  de  nomb-euscs  com- 
maiides  p"ur  la  Frai.ce  et  l'étrangtr. 


GlUM)  PRIX!!! 

La  ressemblance  est  saisissante.  La  lournuie  Une  et  les  manières  gracieuses  .lu  moil.le  sont  liicn  rendues. 
L'exécution  est  peut-être  un  peu  trop  lùdicc  :  le  prince  semble  avoir  un  paratonnerre  dans  le  dos. 

—  Acheté  par  la  reine  de  Portugal,  — 


REVUE  COMIQUE  A  L'USAf-E  DES  GENS  SÉRIEUX. 

LE  CHEVALIER  »K  LA  TRISTE  FIGDRB. 

PROBLÉHE  MATUEMATIQUE. 

Du  succt^s  (le  celui  (ju'il  avait  conilamné, 

D'un  zéro  que  l'on  encense, 

Emile  Girardin  se  montre  consterné. 

Les  discours  feraient  pitié, 

On  (lirait  un  fanlùme  errant  sur  les  ruines, 

Si  de  sa  rare  éloquence. 

Et  son  bit'me  visage  accuse  un  noir  cliaurin. 

Un  tiers  n'était  la  moitié. 

Le  fait  n'est  pas  nouveau:  l":imi  de  Sainl-Bcrain, 

A  toujours  eu  du  tristes  mines. 

VOTfZ  Nl-IIEBO  8. 

Lorsipron  nous  représente,  en  un  certain  local. 

DENEGAKON. 

Un  préti.'ndant  connu  par  m^iiule  peccadille. 

On  assure,  depuis  longtemps. 

Nous  nous  rappelons  tous  ce  refrain  musical  ? 

Que  l'autocrate  paye  à  beau'i  deniers  comptants 

Où  peut-on  être  mieux  qu'au  sciu  de  sa  f.iiiiille. 

Emile  Girardin.  Le  propos  est  niable. 

Le  Czar,  nous  le  pensons,  sait  mieux  placer  son  or. 

Amis,  lisez  la  Presse,  et  vous  serez  il'l(M;ord, 
Que  Girardin  est  impayable. 

(:O.MPL.\INTE 

LES  LOl'ANXES  DK  LA  PRESSE. 

BN     FAVF.IR     d'kMILE     DE    GIRARDIN. 

Depuis  que  Louis  Bonaparte, 

Est  appuje  par  vous,  Emile  Girardin, 

—  PREMIÈRE    P.^RTIE  — 

Du  pauvre  candidat  chaqui!  jour  on  s'écarte. 

L'éloge  de  la  Presse  engendre  le  dédain. 

Air  de  FualJts. 

Cependant  le  pouvoir  que  vous  vouliez  détruire, 

Sur  ses  rivaux  confus  est  prêt  à  l'emporter; 

Ecoulez,  peuples  de  France, 

A  notre  président  si  vous  clicrcliiez  à  nuire, 

Des  Baligoolles  aussi. 

Le  moyen  le  plus  sûr  était  de  le  vanter. 

Le  si  surprenant  récit 

D'une  histoire  où  la  décence 

N'a  rien  à  faire  Dieu  merci  ! 

En  raccourci  la  voici. 

DU    PEC  d'aide  fait  GRAND  BIEX. 

D'un  manifeste  vain  pourquoi  faire  tapage'? 

Autrefois  dans  les  afl'jires 

Grognards  impériaux,  cessez  d'en  être  tiers. 

Il  y  avait  un  certain 

Le  prioce  n'a  pas  seul  rédige  cette  page; 

Monsieur  Emile  Girardin, 

On  sait  que,  pour  écrire,  il  a  besoin  d'un  tiers. 

Journaliste  doctrinaire. 

Inventeur  du  bon  marché 

Pour  le  papier  imprimé. 

SDR  UNE  HL'SE  ATRABILAIRE. 

En  l'an  dix  huit  cent  vingt-huile, 

Ce  jeune  homme  eut  la  candeur. 

'Delpbine  Gay,  jadis  poêle  de  bon  (on. 

De  publier  le  f^oleur, 

L'autre  jour,  dans  un  leuilletou, 

Journal  assez  mal  écrite, 

Outragea  Cavaigoac,  et  le  traita  d'infime. 

Oiis  qu'il  n'y  eut  d'attrappé 
Qu'  l'actionnaire  et  l'abonné. 

Cette  amére  satire  esl-elle  d'une  femme"? 

En  voyant  tant  de  fiel  tristement  prodigué. 

Cbacun  se  dit:  ce  n'est  pas  gai. 

—  La  suite  au  numéro  prochain.  — 

^^^^0 

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TAliLEAU  UllISlUIUK. 


Les  deux  Scsie. 


Extrait  du  Litehaky-Pionier  journal  anglais.  — 


lori.i-VAiin  nr-  itki  uns. 


ao  ceiitlincM  lu   lUi-aiHoii. 


mr.  RiciiFLiEt',  rii 


indldons  < 

par  la  poste,  33  ceii 
lt;ilit>iis. 


de  la  SoascripUon.  -LaREVCE  coïiQDE  formera  un  maRnifique  volume,  grand  in-8,  publié  en  50  liTraisons   à  30  centimes, 
.   33  ceiilimos.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco)  à  M.  Lireci,  au  bureau  de  h  Revte,  2,  boulevard  des 


:  qui 
DUMIMX&AT.  ÉI>ITE1T&,  5»,  B.VT  miCHELIZU- 


a«  Livraison, 


Ce  petit  citoyen,  dont  la  France  se  mo(|ue, 
A  du  bonapartisme  arboré  le  drapean. 
Des  brillants  souvenirs,  qu'avec  bruit  il  évoque, 
Aux  campagnards  séduits  il  présente  l'appeau. 

El  pour  mieux  soutenir  son  candidat  baroque, 
Astucieux  serpent,  il  a  cliangé  de  peau. 
Du  vainqueur  d'Austerlilz  il  a  pris  la  défro  |U0  : 
La  redingote  grise  el  le  p  élit  chapeau. 

La  lorgnette  à  la  main,  en  général  hjbile. 

Il  contemp'e  le  champ,  souillé  d'encre  et  de  bile, 

Où  comb  ittent  Bugeaud,  Girardin  et  Véron. 

Ce  pygmée,  affublé  d'un  harnais  de  bataille, 
Espère  en  vain  grandir  sa  misérable  taille; 
Mais  ce  n'est  que  le  tiers  d'im  faux  Napoléon. 


Dessiné  par  Faeritziis. 


Gravé  par  Baulant. 


P«ri<.  —  Tire  OUI  pros. 


LA  SEMAINE. 


La  Semaine  se  précipita  tout  éplorce  à  mes  genoux. 

—  Relevez-vous ,  lui  dis-je  avec  bonté  ;  qu'y  a-t-il 
pour  votre  service? 

—  Sauvez-moi  du  déshonneur,  me  répondit-elle  en 
versant  des  larmes.  Je  suis  une  Semaine  perdue. 

—  Comment  cela? 

—  Il  est  question  de  rétablir  la  censure  dramatique. 
Quel  désespoir  pour  moi,  si  cela  arrivait  pendant  ma 
vie  !  Je  n'ai  pas  eu  le  moindre  banquet  à  présider;  que 
répondrai-je  donc  lorsque  mon  juge  souverain  me  de- 
mandera :  Qu'as-tu  fait  de  tes  huit  jours  d'existence? 

Faudra-t-il  que  je  lui  réponde  :  J'ai  rétabli  la  cen- 
sure  

—  Rassurez-vous,  ma  chère,  les  choses  n'en  sont  pas 
encore  là.  La  commission  des  théâtres  a  ses  inconvé- 
nients, sans  doute;  mais  elle  a  aussi  ses  avantages. 
Avec  elle  la  tyrannie  d'un  ministre,  celle  d'un  direc- 
teur des  beaux-arts  est  impossible.  Mais,  à  propos,  puis- 
que nous  parlons  de  théâtres,  dites-moi  donc  de  quoi  se 
plaignent  messieurs  les  directeurs  ;  tous  lessoirs  les  théâ- 
tres regorgent;  d'un  bout  du  boulevard  à  l'autre  depuis 
le  poulailler  de  la  Poule  aux  œufs  d'or,  jusqu'au  Val 
d'Andorre,  il  n'est  pas  un  théâtre  qui  ne  ferme  sa 
porte  au  nez  du  public  désappointé.  Est-ce  que  la  Ré- 
publique ne  serait  pas  aussi  ennemie  qu'on  le  dit  des 
arts  et  des  plaisirs? 

La  Semaine  essuya  en  souriant  ses  larmes  hypocri- 
tes, et  s'assit  à  mes  côtés;  causons  politique,  lui 
dis-je. 


—  Autant  dire  :  Causons  élections,  reprit-elle.  Les 
chances  continuent  d'être  pour  le  général  Cavaignac  ; 
la  marée  monte  de  ce  côté  ;  tout  le  commerce,  la  ban- 
que, la  vraie  banque,  M.  de  Rothschild,  M.Odier,  etc., 
voient  en  lui  la  seule  digue  à  opposer  aux  révolutions. 
—  Les  adresses  pleuvent  de  toutes  parts  ;  et  si  l'on  en 
croit  des  gens  qui  se  prétendent  bien  informés,  les 
campagnes,  si  affolées,  disait-on,  du  nom  du  prince 
Louis,  seraient  bien  loin  de  lui  être  acquises.  —  En 
voulez-vous  juger?  Lisez  la  Presse;  sa  rage  redouble  ; 
elle  s'use  les  dents  ;  elle  devient  idiote,  imbécile  de 
fureur.  Quand  on  sent  sa  force,  on  est  plus  modéré, 
fût-on  la  Presse. 

H  Emile  manque  décidément  de  tact  et  de  générosité, 
disait  hier  un  de  ses  amis.  Non  content  d'attaquer 
chaque  matin  le  général,  il  s'en  prend  aussi  à  son  père. 
Comment  voulez-vous  que  le  général  lui  réponde?  Les 
armes  ne  sont  pas  égales.  » 

Que  dites-vous  des  efforts  tentés  par  les  Baziles  du 
parti  bonapartiste  pour  faire  une  montagne  de  l'af- 
faire des  récompenses  nationales?  Et  quelle  souris  a 
enfanté  cette  montagne!  Le  triomphe  du  général 
Cavaignac  ne  leur  a  donc  pas  appris  que  chaque  ba- 
taille était  pour  eux  un  échec?  Il  manque  un  nom  à  la 
liste,  disait  un  bonapartiste  rouge;  c'est  <celui  du 
prince.  Sa  place  y  était  marquée  à  côté  de  celui  de 
Barbes.  Tous  deux  n'ont-ils  pas  conspiré?  Tous  deux 
n'ont  ils  pas  tué  un  soldat  français,  en  haine  de  Louis- 
Philippe? 


f.O 


REVUE  COMIQUE 


—  Ayez  donc  des  amis  ! 

Parlons   de    l'alliance   de    la    Montagne    et   de 

M.  Thiors.  M.  Lediu-Roliin  et  M.  Tliiers  s'entendent 
pour  s'abstenir  en  matière  de  République:  lequel  des 
deux  doit  avoir  plus  de  honte  de  servir  aux  desseins  de 
l'autre?  Quelle  est  la  dupe,  si  tous  les  deux  ne  sont  pas 
dupeurs? 

—  Et  les  pamphlets,  ma  chère  Semaine;  on  dit  que 
la  province  et  Paris  en  sont  inondés.  —  Et  cette  fois 
le  Gouvernement 

—  Le  Gouvernement!  ne  m'en  parlez  pas;  un  gou- 
vernement de  journalistes  qui  n'a  pas  un  journal  à  lui: 
qui  est  défendu  d'oflice  par  deux  ou  trois  amis  ;  qui  a 
pris  M.  Yéron  pour  un  homme  politique;  qui  ne  ré- 
pond pas  à  la  Presxe  jour  par  jour,  dans  In  Presse 
même,  et  qui  se  contente  de  démentir  dans  un  coin  du 
Moniteur  du  soir  les  innombrables  attaques  dont  il  est 
l'objet;  vous  faites  trop  d'honneur  à  un  gouvernemcnl 
comme  celui-là  ,  quand  vous  le  supposez  capable  de 
combattre  ses  ennemis  sur  leur  propre  terrain. —  Hélas! 
détrompez-vous.  Les  cordonniers  sont  toujours  mal 
chaussés. 

—  Et  le  Pape  ;  oubliez-vous  le  Pape'? 

—  Le  Pape"?  eh  bien  !  le  Pape,  chassé  de  Rome  par 
un  Bonaparte ,  n'a  jias  voulu  rentrer  en   France  tant 


que  la  question  de  la  Présidence  ne  sera  pas  vidée. 
Fuir  l'un,  pour  trouver  l'autre,  il  n'y  avait  pas  de 
quoi  rassurer  le  Saint-Père. 

Ail  !  j'oubliais:  on  a  lu  dans  la  Presse  du  8  : 

On  dit  qu'une  comniaude  considérable  de  bottes  à  double 
fond  vient  d'ôlre  faite  dans  un  très-grand  atelier  de  menui- 
serie. 

Nous  laissons  à  la  saga>:ité  des  électeurs  de  deviner  à  ([uel 
usage  sont  destinées  ces  boites. 

Est-ce  plus  bète  qu'ignoble?  est-ce  plus  ignoble  que 
béte?  Qui  pourrait  le  décider?  Des   boîtes   à   double 

fond  —  et  ce  double  fond;  double Girardin   que 

vous  êtes,  ce  double  fond,  ce  serait  donc  un  double 
fond  qui  saurait  lire,  qui  choisirait  les  votes,  tout  seul, 
à  mesure  qu'ils  tomberaient  dans  l'urne.  La  belle  in- 
vention que  ce  dcuible  fond  !  M.  de  Girardin  devrait 
bien  avoir  un  double  fond  de  ce  genre  à  la  boite  où  i 
laisse,  pendant  le  jour,  cuver  ses  calomnies;  entre 
toutes,  il  choisirait  au  moins  les  vraisemblables. 

—  Que  tu  es  candide  à  ton  tour,  chère  Semaine  ! 
Les  électeurs  du  prince,  demande-le  au  prince  lui- 
même,  ses  électeurs  peuvent  tout  croire  :  ils  croient 
en  lui. 


La  République  éUnt  justement  dans  son  ncu\iéme  mois,  monsieur  Vipérin,  journaliste  venimeux, 

que  nous  connaissons  trop,  lui  présente  à  l'improvistc  un  monstre 

pour  la  faire  avorter. 


Mais  ciinn.  dilcs-moi  un  pou  |iouri]uoi  vous  uomniei  Louis-Najioîéou". 
DamI ma  feinrao  aime  beaucoup  les  oiïCiuT. 


Ce  qu'il  y  a  dans  le  sac,  on  n'en  sait  rien  ;  mais  voyez 
l'étiquette. 


—  Une  idée  l  si  je  nommais  Napoléon-Landais  î . . . 

Ma  foi,  non!...  ce  Napoléon-là  sait  un  peu  le  français  ;  il 

n'aurait  qu'à  nous  faire  des  calembours  î. . , 


Dessiné  par  BERT.iii. 


Gravé  par  Leblanc. 


62 


REVUE  COMIQUE 


LES   PARVENUS. 


«  Voulez-vous  parler  raison  ? 

—  Volontiers;  je  suis  un  homme  de  poids. 

Je  n'en  doute  pas.  Vous  votez  pour  Louis  Boua- 

paite  ? 

—  Certes. 

—  Peut-on  vous  demander  pourquoi"? 

—  Je  vous  le  permets. 

—  En  votant  pour  le  prince,  prétendez-vous  protes- 
ter contre  la  République? 

—  Dieu  m'en  garde  ! 

—  Alors,  vous  avez  pour  lui  une  sympathie  person- 
nelle? 

—  Pas  la  moindre. 

—  Vous  le  tenez  au  moins  pour  un  homme  de  ta- 
lent ? 

—  Je  sais  que  c'est  un  bien  pauvre  sire. 

—  Alors,  pourquoi  diable  lui  donnez-vous  votre 
voix  ? 

—  Parce  que  c'est  un  nom. 

—  Qu'est-ce  que  vous  entendez  par  là? 

—  J'entends  que  Louis  Bonaparte  n'est  pas  le  pre- 
mier venu;  que  c'est  un  homme  comme  il  faut,  un 
prince! 

—  Il  faudrait  peut-être  parler  beaucoup  pour  vous 
prouver  que  cette  idée  n'est  rien  moins  que  républi- 
caine; mais  passons.  Quel  besoin  avez-vous  que  le 
président  de  la  République  soit  un  prince  ? 

—  Quel  besoin? 

—  Oui,  répondez. 

—  Je  veux  pour  président  un  prince  par  égard  pour 
moi-même  ;  ma  propre  considération  y  est  engagée. 
Voulez-vous  donc  que  je  reconnaisse  pour  chef  su- 
prême de  l'État  M.  Pierre  ou  M.  Paul  tout  court? 

—  Pourquoi  pas,  si  M.  Pierre  ou  M.  Paul  tout  court 
a  fait  ses  preuves. 

—  Preuves  ou  non,  c'est  toujours  M.  Paul  ou 
M.  Pierre  ;  et  comment  voulez-vous  qu'un  homme 
comme  moi... 

—  Qu'est-ce  que  vous  appelez  un  homme  comme 
vous? 

—  Monsieur  !... 

—  Vous  avez  dit  que  nous  allions  parler  raison. 

—  Soit.  L'n  homme  comme  moi  !  mais  sachez  que 
j'ai  gagné  un  million  dans  mes  opérations  commercia- 
les; j'ai  une  voiture  et  un  valet  de  chambre;  je  dine 
bien,  j'ai  du  ventre  ;  je  porte  une  grosse  épingle  eu  dia- 
mant et  des  breloques.  Voilà  ce  que  c'est  qu'un  homme 
comme  moi  ! 

—  Et  monsieur  votre  père  était  sans  doute  un  duc 
ou  tout  au  moins  un  marquis? 

—  Mon  père  était  un  simple  ouvrier,  monsieur!  Il 
ne  m'a  pas  laissé  un  sou,  monsieur!  J'ai  fait  ma  for- 
tune peu  à  peu,  jour  par  jour,  à  force  de  travail ,  et, 


j'ose  le  dire,  grâce  à  quelque  pou  d'intelligence.  Je 
suis  le  fils  de  mes  œuvres,  monsieur! 

—  Kt  cela  fait  votre  éloge. 

—  Je  le  crois  bien.  Je  m'appelle  Funiichou  tout 
court,  moi!  Mais  parlez  de  Fumiclion  à  qui  vous  vou- 
drez dans  le  commerce,  et  l'on  vous  dira  si  ma  signa- 
turc  ne  vaut  pas  mieux  que  bien  d'au  très  plus  brillantes. 

—  Eh  bien,  M.  Fumiclion  tout  court,  soyez  un  peu 
conséquent  avec  vous-même. 

—  Comment? 

—  Trouvez-vous  raisonnable,  vous  Fumichon,  lils 
de  vos  œuvres,  de  vouloir  pour  président,  tin  nom, 
c'est-à-dire  un  homme  qui  soit  (ils  des  œuvres  d'autrui? 

—  Permettez.... 

—  Ne  protestez-vous  point  par  là  contre  votre  pro- 
pre fortune  ? 

—  Cependant  il  me  semble  que  la  politique.... 

—  Qu'est-ce  que  vous  direz  sur  la  politiciue?  Pen- 
sez-vous par  hasard  qu'il  soit  plus  facile  de  gouverner 
un  État  comme  la  France  que  de  gérer  la  maison  de 
commerce  Fumichon  et  compagnie? 

—  Je  suis  loin  de  le  penser. 

—  S'il  vous  eijt  fallu  confier  la  gérance  de  votre 
maison  à  quelqu'un,  auriez-vons  pris  un  nom  ou 
un  homme  capable? 

—  Dans  le  commerce,  la  capacité  avant  tout;  c'est 
ainsi  qu'on  fait  les  bonnes  maisons. 

—  Les  bons  gouvernements  se  font  de  la  même  ma- 
nière ;  est-il  besoin  de  vous  le  prouver? 

—  C'est  clair  comme  le  jour. 

—  En  serez-vous  plus  avancé ,  quand  le  président 
de  la  République  s'appellera  le  prince  Louis  ou  le  prince 
de  Saint-Amaranthe ,  si  ce  président  est  un  niais  et 
que  le  pays  soit  sens  dessus  dessous  ? 

—  Il  est  certain  que  non. 

—  Eu  serez-vous  plus  lier  quand  vous  pourrez  vous 
Jire  :  —  Mes  correspondants  ont  fait  faillite,  c'est  vrai  ; 
je  suis  ruiné ,  c'est  encore  vrai  ;  mais  du  moins  ce  n'est 
pas  M.  Pierre  ou  M.  Paul  qui  habite  l'hôtel  de  la  pré- 
sidence, c'est  le  prince  de  Saint-Amaranthe. 

—  Hélas  non  ! 

—  Vous  êtes  un  bon  homme  au  fond,  mais  en  de- 
mandant un  prince,  vous  avez  cédé  à  un  sentiment 
d'orgueil  irréfléchi,  mais  ordinaire  aux  parvenus.  Je 
prends  le  mot  dans  sa  bonne  acception.  Vous  êtes  un 
parvenu,  M.  Fumichon  ,  c'est-à-dire  un  homme  qui 
doit  tout  ce  qu'il  est  à  sa  propre  capacité,  et  la  juste 
estime  que  vous  en  avez  conçue  pour  vous-même  doit 
vous  faire  estimer  les  autres  parvenus  comme  vous. 
Parvenus  dans  le  commerce ,  parvenus  dans  la  poli- 
tique ,  dans  la  littérature ,  dans  les  arts  ,  dans  l'armée, 
la  République  est  le  règne  des  parvenus.  Injuste  pour 
eux  ,  vous  n'avez  pas  le  droit  d'être  juste  pour  vous. 


A  i;US\r.E  DES  GENS  SIÎRIEUX. 


f)3 


—  Vous  pourriez  bien  avoir  raison. 

— Cette  vrritéotaitdéjà  vieille  ilu  temps ilcl" Encyclo- 
pédie; mais  les  mœurs  sont  toujours  en  relard  d'un 
siècle  sur  les  idées  ,  voilà  poiu(iuoi  il  faut  tant  répéter 
lesclioses.  Uappeicz-vous  .seulement  (pie  vous  ,  l'"umi- 


chon,  fils  d'ouvrier,  enrichi  par  votre  travail ,  et  au- 
jourd'liui  un  homme  considérable,  vous  ôtes  la  glori- 
fication vivante  de  la  démocratie  et  la  condamnation 
des  princes.  .Ne  l'oubliez  pas  rpiand  vous  écrirez  votre 
bulletin  !  C.  C. 


h\  POLITIQUE  DK  DETAIL. 


I.e  Spee/iilnr,  un  dos  jouniaux:  les  plus  sérieux  et 
les  plus  iniluents  de  r.\iiglelerro,  publie  sous  le  litre, 
lu  /'oli/if/iie  (la  Détail,  de  très-curieuses  et  très  origi- 
nales réilexions  dont  riuimeur  n'exclut  ni  la  justesse, 
ni  la  raison,  (let  article  est  évidemment  de  Carlyle, 
écrivain  et  philosophe,  justement  renommé  chez  nos 
voisins;  nous  la  traduisons  littéralement.  M.  ïliiers. 
M.  Lamartine  et  le  général  Cavaignac  pourront  trouver 
leur  profit,  sinon  leur  compte,  dans  la  lecture  de  celte 
appréciation  de  chacun  d'eux,  faite  par  un  des  esprits 
les  plus  éminents  de  rAngleteire. 


Les  liommcs  d'État  de  ce  temps-ci  manquent,  généralement, 
d'idées  larges  et  bitn  définies,  et  sont  surtout  incapables  d'un 
dévouement  absolu.  Ils  font  palriolcs,  jusqu'à  une  certaine 
limite,  suivant  l'enjeu  qu'il  faut  risquer.  Lamarline,  tout 
poétique  qu'il  est,  ne  s'aventurera  pas  dans  la  bataille  élec- 
torale pour  la  présidence  de  la  République,  sans  prendre  ses 
garanties  contre  le  ridicule.  Tliiers,  son  aiUipode,  ne  peut  s'é- 
lever au-dessus  des  questious  purement  nialériellis;  sa  plus 
haute  philosophie  n'est  que  de  l'crononiie  politiciue  d'occa- 
sion. 11  y  a  peu  d'hommes  de  celle  classe  qui  brûleraient  leurs 
vaisseau.i  derrière  eux.  Lepoëte  patriote  lui-même  a  toujours 
ro'il  sur  son  domaine.  Il  en  rcnille  ([ue  dans  la  confusion  où 
l'Europe  est  jetée,  il  ne  se  présente  pas  un  h  omme  qui  puisse 
j^uider  le  peuple  et  le  rallier  autour  de  ses  drapeaux,  an  nom 
d'un  grand  sentiment  qui  leur  soit  commun  ;  il  n'y  en  a  pas 
un  qui  soit  prêt  à  périr  à  la  tSche ,  qui  fasse  même  les  sacri- 
fices qu'exige  le  succès.  Il  n'y  a  pas  de  Curtius  prêt  à  se  dé- 
vouer pour  le  triomphe  de  tous.  Et  ce  n'est  pas  seulement  à  lu 
France  <iue  s'appliquent  ces" observations:  il  en  est  de  môme 
en  Allemagne.  Les  chtfs  du  pays  ne  pensent  qu'à  eux  et  à 
leurs  idées  plus  ou  moins  bizarres;  chaque  prince  n'est  oc- 
cu  pé  que  de  ce  qu'il  peut  sauver  pour  lui  et  sa  famille.  Tout 
a  été  détruit,  mais  personne  n'a  un  plan  d'action  bien  étudié, 
et  ce  plan  exislàl-t-il,  son  auteur  ne  risquerait  pas  tout  ce 
qu'il  possède  pour  l'exécuter. 

li  n'en  était  pas  ainsi  autrcf^'is.  11  ne  faut  pas  remonter 
bien  loin  pour  trouver  des  exemples  de  ces  fermes  résolutions, 
de  ces  volontés  de  fer,  de  celte  persévérance  indomptable  il  i 
immortalisent  les  héros  et  entraînent  les  peuples  aux  plus 
grandes  actions.  Napoléon  savait  mettre  des  trônes  pour  en- 
jeu afin  de  gagner  des  empires.  Avant  lui ,  Robespierre  mar- 
chiiit  à  son  bul,  à  travers  le  sang  et  les  haines.  Nelson,  quand 
il  avait  arrêté  son  plan  de  bataille,  ri^qu3it  une  flotte  four 
une  victoiie.  Consultez  l'histiire,  et  vous  verrez  tous  les 
grands  hommes  non-seulement  risquer  leur  vie  (c'est  ce  que 
font  tous  les  jours  les  agents  de  police,  au  milieu  des  disputes 
d'hommes  ivres),  mais  accept  r  toutes  les  conséquences  de 
leurs  actes.  Cromwell,  la  Bible  d'une  main,  l'épée  de  l'antre, 
n'aurait  point  été  arrèlé  par  un  lion.  Pour  lui,  il  n'y  avait  qcc 
la  victoire  ou  la  défaite,  le  iricir.phe  ou  la  dcslinciitn.  Bruns 
m  arcbait  a  Philippes.César  passait  le  Rubicon  avec  cette  résolu- 
tion qui  fait  les  héros,  de  vair.cre,  et  csrs  icus  Us  cas  dt  n  :  i 
cher  en  avant.  C'est  l'audace  qui  a  sanvé  Tbémistocle  ;  Venise- 


aurait  pi-ri  à  Chio/,za  sans  des  sacrifices  dése.'prrés  de  sang  et 
d'argent;  et,  de  nos  joitr'.s,  Washington,  abandonné  par  pres- 
que toutes  ses  irorrpes,  dont  11  ne  lui  restait  plus  qu'un  faible 
noyau ,  est  parvenu  à  maintenir  le  blocus  de  Boston  avec 
l'ombre  f;'une  arn  ée ,  et  à  battre  le  général  Gage  avec  les 
seules  fjrces  d'une  volonté  inflexible.  Washington  était  un 
colonel  diins  l'armée  anglaise,  il  avait  une  certaine  fortune,  et 
une  grande  dose  de  prudence;  eh  bien!  il  a  tout  risqué,  sa 
vie,  son  rang,  sa  fortune;  rien  ne  l'a  arrêté;  il  a  toujours  été 
en  av.inl,  et  c'est  ainsi  que  souvent,  sans  argent,  sans  armée, 
même  sans  espoir,  il  est  parvenu  à  faire  passer  tant  bien  que 
mal,  à  ses  concitoyens,  les  jours  de  tribulations,  et  à  fonder 
une  républiciue  en  dépit  de  la  Grande-Bretagne. 

Mais  de  telles  vertus  ne  conviennent  pas  à  notre  système  de 
détail.  Nous  ne  les  trouverons  que  parmi  Jes  gens  qui  ne  sont 
guère  err  renom  aujourd'hui:  les  barbares  Croates,  les  Ita- 
liens, si  dégénérés,  qu'ils  se  ressentent  encore  de  l'ancienne 
domination  militaire  du  moyen  âge,  les  Arabes  algériens,  qui 
ont  coûté  tant  de  sang  à  la  France. 

Cavaignac,  avec  ses  rudes  façons  de  soldat,  nous  parait 
marqué  de  ce  cachet  héroïque,  ([ui  a  presque  entièrement 
disparu  de  nos  jours.  Dans  les  grandes  occasions,  et  dans  les 
questions  de  sa  compétence,  il  s'est  montré,  indépendamment 
des  règles  de  la  politique  technique,  doué  d'une  résolution 
inébranlable.  Il  va  droit  au  but,  sans  s'inquiéter  du  bruit  qui 
se  fait  autour  de  lui.  Chargé  de  défendre  Paris,  il  le  défend 
suivant  les  règles,  sans  égard  aux  reproches  et  aux  objections 
des  hommes  de  robe.  Calomnié,  il  .défie  ses  adversaires  et 
mar-cbe  à  la  tribune  comme  il  marcherait  au  canon.  Il  ne  re- 
doute pas,  lui,  les  conséquences.  Orateur  des  plus  médiocres, 
il  étonne  tout  d'un  coup  Paris  par  l'éloquence  de  sa  défense, 
le  vulgaire  confondant  l'éloquence  des  faits,  de  la  détermina- 
tion, des  réalités,  avec  l'adresse  du  langage.  Cavaignac  ne 
connaît  que  les  faits,  et  les  enfonce  jusqu'à  la  gorge  dans  la 
bouche  béante  de  ses  adversaires.  Là  où  il  prend  sa  position, 
il  demeure  sans  que  rien  puisse  l'en  arracher;  vous  pouvez 
le  couper  en  pièces',  mais  non  le  faire  reculer.  Sa  force  ne  re- 
pose pas  sur  des  subtilités,  c'est  contre  le  fait  brutal  que 
ceux  qui  luttent  contre  lui  doivent  absolument  se  heurter.  Ses 
idées  ne  s'étendent  ni  ne  s'égarent  contre  son  gré;  elles  sont 
positives;  toute  sa  puissance  est  toujours  au  service  de  sa 
résolution  ;  s'il  est  déterminé  à  s'abstenir,  rien  au  monde  ne 
le  fera  mouvoir;  s'il  veut  frapper,  il  frappe  de  toutes  ses 
forces  et  le  sabre  arrive  jusqu'aux  os.  Il  ne  s'atlache  pas  aux 
petits  avantages,  aux  profils  de  détail,  il  lui  faut  toutou  rien. 
Toutes  les  fois  que  son  ministère  s'est  jeté  dans  des  combi- 
naisons de  détail,  soyez  sur  que  Cavaignac  ne  l'a  pas  suivi. 
C'est  un  soldat,  ce  n'est  pas  un  boutiquier.  C'est  lui  qui  le 
premier  a  jeté  l'ordre  au  milieu  de  l'anarchie;  de  la  lame  de 
son  sabre  a  lui  le  premier  éclair  de  paix  dans  cette  tempête 
sanglante;  son  canon  a  dominé  le  chaos  et  a  annoncé  le  réta- 
blissement du  pouvoir  dans  l'Ét;.t.  En  marchant  droit  au  but 
sans  que  rien  l'ait  arrêté,  le  soldat  est  arrivé  à  un  résultat 
que  le  rci-détaillant  n'avait  pu  atteindre  en  cherchant  à  sub- 
stituer les  ressources  de  l'intrigue  à  la  puissance  de  la  force. 
Louis-Plrilippe  a  pu  être  un  excellent  instrument  poirr  des 
temps  tranquilles  et  heureux  ,  mais  il  ne  pouvait  plus  servrr 
au  moment  d'une  grande  crise  nationale. 


Audaces  foi-tuna  juviit. 


Dc»iiié  par  Otto. 


Cruvé  par  DliEVlliKli. 


REVUK  COMIQIIK  A  I/l'SAGE  DES  GENS  S|::UIKlix. 


65 


SAINT  CimiSTOPlIli  ET  LA  Ri:i'LTiLlQLI-: 


En  tc  loiiips-li  il  y  avait  un  liiMiiiiii'  ipii  s'appelait 
(',luiï.ti)plie,  cl  voici  |)our([iioi  : 

O'iitail  un  géant  qui  faisait  métier  do  passer  les  voya- 
geurs qui  voulaient  traverser  un  lleuve  à  un  endroit  où 
il  y  avait  un  gué. 

l'n  jour  qu'il  était  assis,  attendant  les  prati(|ues,  il 
vit  venir  vers  lui  un  tout  petit  enfant  qui  lui  demanda 
s'il  croyait  pouvoir  le  porter  sur  ses  épaules  jusciu'à 
l'autre  rive.  Le  géant  sourit  à  cette  question,  lui  dit 
qu'il  avait  porté  de  bien  plus  lourds  fardeaux  que  lui; 
et  il  le  prit  et  le  mit  sur  ses  épaules. 

Mais  à  mesure  qu'il  avançait  dans  le  gué,  le  poids 
devenait  de  plus  en  plus  lourd;  et  enfin,  succombant 
sous  le  fardeau,  il  n'arriva  qu'avec  une  peine  et  une 
fatigue  extrêmes  à  la  fin  de  sa  tiîche. 

Cet  enfant  était  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  et  c'é- 
tait l'intelligence  qui  écrasait  la  matière.  C'est  pourquoi 
cet  homme  l'ut  saint. 

Dans  ce  temps-ci,  un  autre  tout  petit  enfant  d'un  an  à 
peine  eut  un  instant  la  fantaisie  de  se  faire  porter  à  un 


passage  très-périlleux,  sur  les  épaules  d'un  iiomniequi 
ne  s'appelait  pas  Christophe,  mais  qui  était  le  neveu 
d'un  géant.  Celui-ci  était  présomptueux,  il  accepta. 

Il  croyait  la  chose  d'autant  plus  facile  que  son  oncle 
le  géant  avait  pendant  quelque  temps  porté  la  sœur 
aînée  de  la  petite  fille,  et  que,  fatigué  de  la  porter,  il 
avait  fini  par  la  manger.  Mais  il  était  si  grand  et  si  fort 
(ju'on  jiouvait  bien  lui  passer  ce  caprice. 

Le  neveu  du  géant  espérait  trouver  une  occasion 
pour  en  faire  autant.  Mais  le  téméraire  n'avait  pas  les 
forces  de  son  oncle  ;  il  ne  lit  que  quelques  pas,  trébu- 
cha, et  s'engloutit  au  fond  de  l'eau  pour  ne  plus  repa- 
raître jamais. 

Pour  ce  (juiestdu  petit  enfant,  après  avoir  fait  un  geste 
d'adieu  moqueur  à  ce  pauvre  homme,  il  passa  lestement 
tout  seul  de  l'autre  côté,  et,  arrivé  sur  la  rive,  il  gran- 
dit, grandit,  que  c'était  U[i  plaisir  pour  tout  le  monde 
de  le  voir. 

Personne  ne  se  soucia  plus  du  pauvie  homme,  qui 
depuis  resta  toujours  au  fond  de  l'eau. 


'l'^^ll 


G6 


REVUE  COMIQUE 


-  La  Jievue  comique  l'appelle  une  oie,  —  mais  ce  tt'est  pas  une 
oie,  car  le  beau  d'une  oie  est  de  sauver  le  Capitole,  et  celui-là 
en  est  incapable. 


—  Tout  cela  n'empêchera  pas  Mosieu  de  voter  pour  lui. 


LES  CLUCS  EN  PLEIX  YENT. 


^ i te  lieux  Ikiiicï.-,  qiinlrc  plantlies,  un  Iréleau,  un 
échafaudage  quelconque,  l'aris  ne  saurait  se  passer 
plus  longtemps  de  huslings. 

A  tous  les  coins  de  rues ,  sur  les  places  publiques, 
dans  tous  les  carrefoui's,  sur  les  boulevarls,  nous 
avons  des  clubs  en  plein  air  où  l'on  discute  les  candi- 
dats à  la  présidence,  mais  ce  sont  des  clubs  de  conver- 
sation, la  tribune  y  manque,  que  voulez-vous  que 
fasse  un  orateur  ? 

11  s'épuise  au  milieu  des  groupes,  il  argumente  à 
droite,  il  argumente  à  gauche,  il  discute  des  pieds,  des 
mains,  des  coudes,  mais  sa  voix  meuit  étouffée  dans 
la  foule  ;  il  n'a  pas  le  libre  jeu  de  son  argumentation, 
son  éloquence  reste  inutile  comme  une  épée  qu'on  a 
à  son  côté,  mais  qu'on  ne  peut  tirer  du  fourreau.  Si 
au  moins  auprès  de  l'orateur  il  y  avait  une  borne  ! 
mais  la  borne  a  été  supprimée  depuis  longtemps  par 
les  progrés  de  l'édilité,  ce  n'est  plus  qu'une  illusion, 
nne  métaphore,  un  trope,  un  souvenir! 

Je  ne  comprends  pas  le  suffrage  universel  sans  les 
hustings. 

Vous  voulez  donc  naturaliser  en  France  les  orgies 
électorales  de  l'Angleterre  et  de  l'Amérique  ?  Quoi  ! 
nous  verrions  au  milieu  de  notre  Paris  civilisé,  se  re- 
nouveler sur  un  cirque  de  quatre  pieds  carrés  les 
cruautés  du  paganisme  ?  Ici  c'est  un  orateur  qu'on  la- 
pide, là  deux  orateurs  se  prcnnentau.t  cheveux,  et  font 


de  l'escrime  à  poing  formé.  Ilurrah  [)our  le  gladiateur 
rouge!  bravo  pour  le  gladiateur  tricolore.  Celui-ci  a 
le  nez  écrasé,  le  front  de  l'autre  est  ouvert,  ^"y  aura- 
t-il  pas  dans  la  foule  quelque  âme  sensible  pour  lever 
le  pouce  et  mettre  un  terme  à  ce  combat  ?  Laissez  donc, 
le  peuple  souverain  s'amuse,  il  est  venu  ici  pour  voir 
tirer  la  savate  électorale,  il  ne  s'en  ira  pas  avant  d'avoir 
vu  cinq  ou  six  orateurs  sur  le  carreau;  le  peuple  ne 
demande  que  punem  et  circenses,  plaies  et  bosses. 

L'origine  des  hustings  se  perd  dansia  nuit  des  temps  ; 
le  jour  où  Diogèue  dressa  sur  son  toimeau  deux  plan- 
clies  transversales  et  se  servit  decette  tribune  pour  par- 
ler aux  citoyens,  il  inventa  les  hustings.  Ne  soyons  pas 
plus  fiers  que  les  Athéniens,  et  ne  faisons  pas  fi  de  cotte 
éloquence  qui  ne  déguise  rien,  et  qui  ne  craint  rien. 
Les  Anglais  et  les  Américains  dont  vous  parliez  tout 
à  l'heure,  nous  valent  bien  sans  doute,  et  ils  trouvent 
tout  naturel  que  des  candidats  qui  après  tout  se  font 
les  solliciteui-s  du  peuple,  lui  adressent  leur  requête 
avec  les  formes  qui  peuvent  lui  plaire,  et  dans  la  langue 
qu'il  connaît. 

Nous  n'eu  sommes  pas  encore  là.  Les  candidats  ne 
descendront  pas  cette  fois  sur  la  place  publique,  mais 
ils  y  viendront  tôt  ou  tard  ;  il  serait  absurde  d'en  dou- 
ter, et  puéril  de  le  craindre.  Il  y  a  vingt  ans  que  les 
hustings  préservent  l'Angleterre  des  barricades. 

Et  d'ailleurs  ces  clubs  en  plein  vent,  ces  réunions 


A  i;ilSACF,  DIvS  f;ENS  SI^IUIKIIX. 


07 


ipii'  nous  voyons  se  former  le  soir,  ù  l'iunire  de  lu  ces- 
siilion  (les  Inivaiix  ,  smil-ils  nu  fond  plus  |mciri([iies, 
plus  digues  ([iif  les  iiustiiif;s?  Non,  mille  l'ois  non.  l.à 
les  trois  quarts  des  audileurs  n'aperçoivent  pas  l'orn- 
teur  en  face;  là  les  l)rij;ues  et  les  menées  ont  beau 
jeu  ;  ce  que  Diogène  lui-nic^mc  n'eiU  pas  osé  dire  du 
iiaut  de  sa  tribune  en  plein  soleil,  on  le  murmure  tout 
l)as,  on  ne  clierclio  pas  à  émouvoir  le  peuple,  mais  à 
le  séduire.  I/intrigue  circule  dans  les  groupes;  l'élo- 
quence seule  agit  sur  les  hustings.  Quelle  éloquence, 
bon  Dieu  !  Qu'importe  ,  nous  ne  sommes  pas  des  pro- 
fesseurs de  rbétoriiiue,  et  j'aime  bien  mieux  entendre 
un  mauvais  discours  ,  que  de  ne  pas  entendre  ce  que 
certaines  bouches  peuvent  glisser  à  l'oreille  des  gens 
ignorants  au  milieu  d'un  rassemblement. 

Mais  d'où  vous  vient,  mon  pauvre  ami,  cette  joue 

enllée-? 

—  J'ai  perdu  deux  dents  à  la  porte  Saint- Denis,  à 
vouloirdire  quelques  niotsen  favenrde  Louis-Napoléon. 

—  Et  vous,  mon  brave,  pourquoi  ce  tatouage  au- 
dessous  de  l'a'il  '? 

—  Parce  que  j'ai  essayé  sur  la  place  de  la  Bourse  de 
convertir  quelques  ouvriers  aux  idées  napoléoniennes. 

Des  dents  brisées,  des  yeux  pochés,  des  nez  écrasés 
par  la  politique,  on  n'entend  plus  parler  que  de  cela 
depuis  que  les  clubs  on  plein  veut  existent.  De  ce  côté- 
là  ,  ils  n'ont  déjà  rien  à  reprocher  aux  hustings.  Si 
après  l'élection  du  président,  on  faisait  un  relové  des 
blessés  des  diverses  candidatures ,  je  suis  sur  qu'on  en 


trouverait  pour  le  moins  autant  h  Paris  qu'à  Londres 
ouàNew-Yorck.  Seulement,  bien  plus  philanthropique 
que  l'Angleterre  ou  l'Amériiiue,  la  France  trouverait 
alors  dans  son  sein  un  citoyen  pour  proposer  de  con- 
vertir les  Tuileries  en  hôtel  des  invalides  électoraux. 

Les  clubs  les  plus  noiid)reiix  sont  ceux  qui  se  réu- 
nissent sur  les  boulevarts  et  sur  la  place  de  la  Bourse. 
Celui  de  la  place  Vendôme  est  entièrement  composé  de 
domestiques.  La  haute  cl  i)asse  livrée,  l'office  et  l'an- 
tichambre, les  marmitons  et  les  suisses  s'y  réunissent 
non  point  pour  discuter,  leur  vole  est  acquis  quand 
même  au  prince  Louis,  mais  pour  le  saluer  à  son  pas- 
sage. C'est  escorté  de  ces  acclamations  touchantes  qu'il 
se  rend  à  l'Assemblée  nationale  lorsqu'il  s'y  rend  ,  ce 
qui  lui  est  bien  ariivc  trois  fois  depuis  sa  rentrée. 

Le  badaud  abonde  dans  les  clubs  en  plein  vent,  le 
badaud  nuit  essentiellement  à  l'orateur.  11  demande 
sans  cesse  :  Qu'y  a-t-il'?  Qu'est-ce?  Qu'enlendez-vous 
par  là  ?  N'est-ce  pas  que  l'Empereur  n'est  pas 
mort?  etc.,  etc.,  etc. 

Je  sais  bien  qu'on  leur  répond  on  général  par  des 
renfoncements,  mais  à  la  longue  les  renfoncements 
même  fmissent  par  paraître  médiocrement  comiques. 
Aussi  jusqu'à  présent  les  clubs  en  plein  vent  n'ont-ils 
pas  tout  le  succès  qu'on  pouvait  en  attendre.  Le  cu- 
rieux commence  à  les  dédaigner;  l'hcmme  timide  les 
évite,  vous  verrez  que  bienlôt  ils  dégénéreront  en  forum 
do  gobo-nionchos  et  de  nouvellistes.  Ils  remplacent 
l'ancien  arbre  do  C.racovie. 


LE  PARTI  DES  DOMESTIQUES. 


C'est  un  parti  nombreux  ot  important,  et  qu'il  n'est 
point  facile,  quoi  qu'on  on  dise,  do  faire  voler  contre 
ses  opinions. 

Mais  quelles  sont  ses  opinions? 

Pour  cola,  je  l'ignore,  tout  ce  que  je  puis  vous  dire, 
c'est  que  la  livrée  pense,  la  livrée  agit,  la  livrée  est  un 
parti,  demandez-le  plutôt  à  l'ancien  régime.  Les  deux 
plus  grands  ennemis  de  l'aristocratie  ont  été  les  philo- 
sophes elles  valets.  La  révolution  se  fit  le  jouroù  Figaro 
emporta  d'assaut  la  bastille  du  Théâtre-Français. 

La  livrée  cependant  n'était  point  unanime;  mais  où 
est  l'unanimité?  Crispin,  Frontiii,  Jasmin,  Lafleur 
endossèrent  la  carmagnole  révolutionnaire,  tandis  que 
Bourguignon,  Dubois,  Laverdure,  Bemy,  la  Jeunesse 
passèrent  le  Rhin  avec  l'émigration,  se  cachèrent  dans 
les  caves  de  leurs  anciens  maîtres,  ou  portèrent  leur 
tète  sur  l'échafaud.  Ils  tenaient  à  leurs  privilèges  et 
ne  voulaient  pas  déposer  leurs  galons  sur  l'autel  de  la 
patrie. 

Crispin,  Frontin,  Lafleur,  Jasmin,  Pasquin,ont  de- 
puis longtemps  quitté  le  service.  La  révolution  leur 


ouvrait  une  carrière  brillante,  ils  l'ont  suivie,  et  c'est 
poiit-ètre  un  des  plus  utiles  bionfails  de  cette  révolu- 
lion  d'avoir  aboli  celle  domesticité  effrontée,  intri- 
gante, mendiante,  cynique,  s'essayant  à  l'égalité  par 
l'égalité  des  vices,  faisant  descendre  l'aristocratie  à  son 
niveau,  tyrannisant  les  familles  dont  elle  possédait  tous 
les  secrets,  remplaçinl  enfin  le  confesseur  par  le  valet. 
Tartufe  par  Pasquin. 

Mais  ne  nous  laissons  point  emporter  au  vol  de  la 
philosophie;  pmdo  majora  cancamis,  prenons-le  sur  un 
ton  plus  modeste. 

Vous  fignroz-vous  le  jour  où  ce  pauvre  la  Jeunesse 
sortit  enfin  de  ce  souterrain  où  il  avait  passé  les  cruel- 
les années  de  la  terreur,  ce  trou  sombre  où  la  petite 
laitière  du  château  venait  chaque  matin  ,  au  péril  de 
sa  vie,  lui  apporter  sa  nourriture?  Et  Dubois,  l'in- 
tendant Dubois,  et  Bourguignon,  le  valet  de  pied  gras 
et  fleuri?  on  vient  leur  dire  tout  d'un  coup  qu'ils  sont 
libres,  qu'ils  peuvent  se  montrer  au  grand  jour,  que 
personne  ne  demande  plus  leur  tète  !  Les  voilà  qui  sor- 
tent de  leur  cachette ,  et  leur  premier  soin  est  de  se 


REVUE  COMIQUE 


La  Grenouille  et  le  Bauf. 


LE  PRINCE  POUR  RIRE,  parle  a  haute  voix  en  arpentant  son  salon 
à  grands  pas. 

De  Itclat  de  mon  nom  le  peuple  est  ébloui. 
l'écuo Oui. 

Âussî<«es  buUelins  porteront  tous  mon  noiu, 
L'ÉCHO Non. 


rendre  au  château  ou  à  l'hôtel.  Bien  souvent  le  châ- 
teau est  hnilé,  l'iiôtel  en  ruine  ;  les  maîtres  sont  ah- 
sents  ou  morts.  La  Jeunesse,  Duhois  et  Bourguignon 
ne  sont  plus  les  domestiques  de  personne,  c'est  tjgal, 
leur  premier  soin  est  d'endosser  leur  livrtje,  de  se 
promener  dans  cet  équipage,  d'affronter  le  muni- 
cipal et  l'ancien  président  du  cluh.  Qui  l'eût  dit"? 
cette  livrée  est  poureu\  le  signe  de  l'affranchissement 
et  de  la  liberté  ! 

Qui  leur  a  fait  ces  doux  loisirs?  Bonaparte.  Qui  est- 
ce  qui  a  ramené  les  lourdes  perruques,  les  gros  co- 
chers à  triple  collet,  les  bas  de  soie,  les  culottes  cour- 
tes, le  feutre  galonné,  l'habit  à  la  française?  L'empe- 
reur Napoléon.  Ceci  peut  vous  donner  l'explication  de 
kl  ptilitique  du  parti  des  domestiques. 

Hériter  à  ce  point  d'un  oncle,  qu'on  lui  doive  tout, 
même  la  sympathie  des  laquais.  C'est  honteux! 

Lisette  et  Marton  travaillent  dans  l'ombre  la  matière 
électorale.  On  avait  de  si  bons  prolits  sous  l'Empire; 
l'amour  était  de  courte  durée,  mais  il  était  généreux, 
c'est  ce  qu'il  faut  aux  confidents  de  l'alcôve  ou  <le 
l'antichambre.  C'était  alors  le  beau  temps  des  femmes 
de  chambre;  pour  elles  c'était  bien  mieux  que  l'ancien 
régime.  Loin  d'ici  Frontin  et  Crispin  !  Marton  et  Li- 
sette sont  devenues  riches,  elles  peuvent  épouser  un 
colonel,  et  même  un  général,  manchot  à  la  vérité, 
mais  on  n'y  regarde  pas  de  si  près  pour  être  madame 
la  générale.  Quant  à  Nanon  la  cuisinière,  qui  a  eu  son 
premier  tué  à  Waterloo,  pour  qui  voulez-vous  qu'elle 
fasse  voter  son  quatrième  ou  son  cinquième?  car  Ma- 
non a  plus  de  quarante  ans,  mais  elle  est  encore  fraîche 
et  a])pélissante  pour   un   tourlourou  de  vingt  ans? 

Et  puis  elle  a  des  économies,  et  le  fruitier  du  coin, 
qui  est  veuf,  est  trop  habile  pour  ne  pas  se  laisser  iii- 
lluencer  par  mademoiselle  Nanon. 

La  République  a  donc  de  rudes  eimemis  à  com- 
battre. Les  souvenirs  de  la  grande  livrée,  les  profits 
de  Marton  et  de  Lisette ,  le  bouillon  de  mademoiselle 
Nanon  et  son  livret  à  la  caisse  d'épargne ,  le  plumet 
de  coq  des  chasseurs ,  et  mille  autres  choses  sembla- 
bles; mais  la  République  triomphera  de  tout  cela,  la 
France  ne  s'affublera  pas  tout  entière  de  la  livrée;  la- 
(juais  qui  attendent  un  siège  derrière  une  voiture, 
poètes,  généraux,  journalistes,  administrateurs  aux- 
quels on  a  promis  des  places  ,  le  parti  des  domesti- 
ques ne  ti'iomphera  point. 


SOLDATS,  VOILA  CATI.N  ! 

La  halte  est  bonne  après  une  longue  marche.  En- 
trons dans  cette  auberge,  le  vent  fait  crier  l'enseigne 
de  fer  à  la  Vieille  vivandière;  on  dirait  qu'elle  nous 
appelle.  L'âtre  flambe  joyeusement.  Arrêtons- nous  ici; 
bientôt  nous  continuerons  notre  roule.  Encore  une 
étape,  et  nous  serons  au  régiment. 


A  i/usALK  DKs  c.KNS  si::»ii:i;x. 


0«.» 


Kl  les  jouiios  suMats  l'iilirrenl. 

Ijx  lille  (riuilifrpe  les  salue  de  son  plus  gracioux 
sourire;  on  leur  fait  place  au  foyer,  place  à  la  lalile  ; 
les  enfants  de  l'In^te  traînent  les  lourds  havre-sacs  dans 
la,sallc  voisine  ;  le  plus  A^'é  transporte  un  à  un  rlia(|ne 
fusil  dont  le  puids  l'ait  ployer  ses  épaules,  ("est  l'accueil 
que  reçoit  partout  le  soldat  eu  France,  mais  avec  un 
grain  de  liienveillance  et  d'atnitié  de  plus,  ("."est  (|ue  la 
mère  de  l'hôte  a  l'ait  toutes  les  guerres  de  la  révolulicui; 
elle  a  été  vivandière,  elle  a  >u  ri';|.'ypte,  l'Italie,  l'Ks- 
pague,  rAlleniagne.  Aussi  voyez  connue  son  lils  en  est 
lier. 

o  On  est-elle'î  se  deniauileiit  alors  les  jeuiies  soldais, 
nous  voulons  boire  à  sa  santé. 

—  Kt  rin  tin  tin,  lép.md  une  voi\  chevrotante,  sol- 
dais, voilà  Catin  I  » 

I,a  vieille  se  luonlre  en  uu-nie  temps,  le  chef  un  ])eu 
tremhiant,  la  taille  un  peu  voûtée,  mais  Td-il  hrillaiil 
encore,  et  l'air  robuste  malgré  les  rides.  C'est  elle  ipii 
va  verser  le  coup  de  l'étrier  à  ses  hôtes. 

a  A  votre  santé  ,  la  mère,  et  à  celle  de  l'Knipereur  1 

—  De  quel  empereur  voulez-vous  parler? 

—  Parbleu,  de  celui  que  nous  allons  faire.» 
La  vieille  poussa  un  petit  éclat  de  rire. 

«  Mais,  mes  enfants,  reprit-elle,  savez-vous  com- 
ment case  fait  un  empereur"? 

—  Ou  écrit  le  nom  de  I.ouis-.N'apoléon  Bonaparte 
sur  un  petit  morceau  de  papier,  et  l'affaire  est  faite. 

—  Oui-dà,  ils  disent  tous  la  même  chose,  le  sulfragc 
universel  !  Nous  savons  bien  que  le  suffrage  universel 
n'est  pour  rien  dans  tout  cela,  nous  autres  qui  en  avons 
fait  un  d'empereur. 

—  Vous? 

—  Cela  vous  étonne,  mes  enfants,  c'est  pourtant 
comme  cela.  Moi  qrù  vous  parle,  je  suis  partie  comme 
vivandière  lors  de  la  levée  en  masse,  aux  cris  de  vive 
la  République  1  Plus  de  vingt  gars  du  village  sont  par- 
lis  en  même  temps  que  moi.  Nous  comptions  être  de 
retour  après  avoir  chassé  l'étranger,  et  reprendi-e  qui 
l'aiguille,  qui  la  bêche  et  la  charrue,  mais  ça  n'a  pas 
été  fait  en  un  tour  de  main  ;  nous  nous  sommes  tant 
battus  qu'il  nous  a  semblé  que  nous  ne  pouvions  plus 
faire  autre  chose.  Le  drapeau  du  régiment  nous  avait 
fait  perdre  de  vue  le  clocher  du  village;  nous  ne  con- 
naissions plus  que  notre  général ,  si  bien  qu'un  beau 
jour  nous  avons  voulu  qu'il  devint  le  général  des  bour- 
geois conmie  le  général  des  soldats,  et  nous  l'avons  fait  ^ 
empereur.  Nous  lui  avons  donné  une  couronne  eu  re- 
tour de  vingt  victoires.  Voilà,  mes  enfants,  comment 
se  font  les  empereurs.  » 

La  vieille  reprit  après  un  moment  de  silence  : 
«  11  ne  faut  pas  croire  que  plus  d'une  fois  nous  ne 
l'ayons  regretté.  Un  empereur,  voyez-vous,  ça  finit  par 
devenir  gênant.  Il  donne  des  croix,  des  épauletles  ,  des 
titres,  mais  il  faut  le  suivre  aujourd'hui,  demain,  tou- 
jours; on  se  bat  pour  lui ,  on  se  fait  tuer  [lour  lui  ,  o 


Le  Renard  et  les  Uaîï 


Oa  prétend  que  Caligula 

Fit  son  cheval  consul  de  Rome. 

Quoi  d'éloanant.â  crlu  î 
Eo  France,  on  va  bien  au  delà; 
Puisque  d'aucuns  veulent  qu'on  nomme, 
Se  basant  sur  ce  précédent, 
D'une  autorité  fort  antique. 

Un  âne  comme  président 

De  notre  jeune  République. 


70 


REVUE  COMIQUE 


n'est  plus  un  lionmic ,  on  n'a  plus  de  patrie.  Les  an- 
ciens sentaient  cela,  quoi  qu'on  en  ait  pu  dire;  Lien 
souvent  pendant  les  nuits  de  bivouac,  je  les  voyais  tris- 
tement rangés  eu  cercle,  silencieux  et  rêveurs.  Alors, 
j'arrivais  avec  mon  rel'raiu  :  Uin  tin  tin,  soldats,  voilà 
Câlin  ! 

a  Les  tètes  balafrées  des  grenadiers  se  levaient  vers 
moi,  leurs  yeux  pensifs  s'illuminaient,  ils  me  faisaient 
une  place  devant  le  foyer.  C'est  que  ce  n'était  pas  seu- 
lement de  la  liqueur  que  je  leur  versais,  mais  des  sou- 
venirs. Je  leur  parlais  de  Marceau,  de  lioclie,  de  Kléher, 
je  leur  chaulais  la  Marseillaise,  le  Chant  du  ilépart, 
et  tout  bas  ils  répétaient  les  refrains  républicains.  Alors 
on  eût  vu  plus  d'un  de  ces  vieux  grognards  essuyer 
furtivement  sa  paupière.  Souvenez-vous,  jeunes  sol- 
dats, de  ces  larmes  de  vos  pères.  » 

l.a  voix  de  l'aïeule  sembla  s'attendrir. 

«  Et  moi  aussi  je  pleurais,  car  je  me  souvenais  de 
celui  que  j'avais  voulu  suivre,  et  qui  chantait  la  Mar- 
seillaise lorsqu'il  tomba  frappé  dans  mes  bras  sur  les 
rives  du  Rhin,  en  criant .  Vive  la  liberté  ! 

«  Enfants,  croyez-moi ,  si  la  grande-armée  aimait 
Catin,  c'est  ([ue  Câlin,  c'élail  pour  elle  In  P>épul)li(|ue, 


c'est-à-dire  la  jeunesse,  l'élan,  l'enthousiasme  de  la 
patrie  et  de  la  liberté,  que  le  fanatisme  de  la  gloire  ne 
remplace  jamais.  C'est  ce  que  j'aurais  voulu  dire  au 
chansonnier  qui  a  écrit  mon  histoire.  Pauvre  Répu- 
blique! ils  ne  l'ont  pas  revue,  les  braves  qui  sont 
morts  !  ils  l'auraient  saluée  et  bénie.  Ce  n'est  point  de 
leurs  mains  mutilées  qu'on  eût  pu  attendre  un  bulletin 
pour  ressusciter  le  fantôme  de  l'Empire. 

«  Soldats,  rappelez-vous  les  paroles  de  la  vivandière  : 
On  ne  meurt  bien  que  pour  la  patrie.  Je  le  sais,  moi, 
qui  ai  recueilli  les  dernières  paroles  de  tant  de  vieux 
combaltanls.  Rnvez  à  leur  mémoire  et  à  la  jeune  Ré- 
publique !  » 

El  comme  rajeunie  par  ses  souvenirs,  la  vieille  ver- 
sait d'une  main  moins  tremblante  la  liqueur  aux  jeu- 
nes gens,  en  répétant  d'une  voix  plus  claire  et  plus 
ferme  :  Riu  lin  tin  ,  soldais  ,  voilà  Catin  ! 

Les  hôtes  lui  répondaient  en  criant  :  Vive  la  Répu- 
blique !  Ce  cri  lunglemps  répélc  par  l'écho,  se  perdit 
enfin  avec  les  pas  mesurés  des  soldats  qui  disparurent 
sur  la  route  dans  l'ombre  du  soir. 

Réranger,  Béranger,  ajoutez  donc  ce  dernier  couplet 
à  la  chanson  de  (!alin. 


LA  TOUR  DE  B.\BEL. 


l'n  Picard  qui  était  venu  d'Amiens  pour  être  socia- 
liste ,  prit  un  cabriolet  à  l'heure  et  dit  au  cocher  de 
le  conduire  chez  M.  Lcdru-Rollin. 

Il  se  trouva  que  le  cocher  était  un  citoyen  des  plus 
avancés ,  homme  de  bon  conseil  et  en  état  de  prendre 
la  parole  dans  un  club,  de  sorte  qu'il  recoimut  bien 
vite  l'ingénuité  du  Picard,  et  tous  deux  se  mirent  à 
disserter  chemin  faisant,  sur  l'avenir  humanitaire. 

—  Vous  le  voyez  ,  dit  le  Picard  ,  je  suis  un  patriote 
de  bonne  volonté  qui  ne  demande  qu'à  prendre  ses 
grades  dans  le  socialisme  ;  c'est  pourquoi  je  vais  me 
présenter  au  citoyen  Ledru-Rollm  pour  qu'il  m'impose 
les  mains. 

A  ces  mots  le  cocher  ricanant  avec  amertume  : 

—  On  voit  bien,  dit-il,  que  vous  arrivez  d'Amiens. 
ne|)uis  vingt-quatre  heures,  il  a  été  reconnu  que  Lcdi-n- 
Rollin  était  un  faux  frère.  Le  club  Montesquieu  l'a 
signalé  hier  comme  traître  à  la  République  ;  dans  une 
lettre  publiée  ce  matin  par  les  journaux,  le  saint 
Blanqui  assure  que  Ledru-Rollin  est  un  ennemi  achar- 
né du  peuple.  Aussi  vous  pensez  bien  que  je  ne  vous 
conduirai  pas  jusqu'à  sa  porte,  mes  opinions  me  le 
défendent.  Descendez  ici,  vous  n'avez  guère  que  deux 
cents  pas  à  faire  dans  la  rue,  et  il  ne  pleut  ])resque 
])as. 

—  Je  ne  descends  |)as,  s'écria  le  Picard;  je  tiens  à 


avoir  ce  qu'il  y  a  de  mieux  porté  en  socialisme.  Puis- 
que Ledru  est  un  ennemi  acharné  du  peuple,  menez- 
moi  chez  Proudhon. 

En  route,  le  cocher  dit  au  Picard  que  Proudhon 
n'aurait  peut-être  pas  le  temps  de  le  recevoir,  parce 
qu'il  se  battait  le  matin  même  avec  un  autre  socialiste  ; 
— Je  tombe  de  mon  haut,  dit  le  Picard  ;  les  socialistes  se 
battent  donc  entre  eux?  Et  la  fraternité! — Tu  raisonnes 
comme  un  mouchard  ,  dit  le  cocher.  Le  Picard  liumi- 
hé,  se  rejeta  dans  le  fond  du  cabriolet  et  ne  souffla 
mot. 

Arrivé  chez  Proudhon,  il  le  trouva  effectivement  qui 
descendait  l'escalier  avec  une  boite  de  pistolets  sous  le 
bras. 

—  Lisez  mes  livres  et  mon  journal,  lui  dit  le  socia- 
liste en  le  regardant  par  dessus  l'épaule;  au  surplus 
vous  avez  bien  fait  de  vous  adresser  à  moi  ;  tout  le  reste 
est  un  amas  de  crétins.  Et  il  passa  sans  lui  en  dire 
davantage. 

Le  l'icard  se  fil  alors  conduire  chez  Pierre  Leroux. 

—  Monsieur,  lui  dit-il,  j'arrive  d'Amiens  pour  sa- 
voir... Pierre  Leroux  l'interrompit  en  lui  demandant 
s'il  connaissait  la  triade.  Le  Picard  pensa  qu'il  s'agis- 
sait de  quelque  monument  d'Amiens;  mais  Pierre  Le- 
roux, sans  lui  laisser  le  temps  de  répondre;  —  Voyez- 
vous,  reprit-il,  un  cordonnier  est  un  empereur  et  un 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


71 


l'tiiptM'i'Ui'  csl  lin  cordonnier,  c'i'sl  la  vérilé  puro  ;  (|uaiit 
.'(  l'i'oiitlIiOM  on  110  saurait  voir  vn  Ini  qii'ini  Vandale; 
mais  je  vous  (|ui(le;  on  m'attend  à  un  linni|uet  oi'i  je 
dois  portiM-  un  toast  à  saint  Crépin. 

Le  l'ieard  avait  envie  de  retourner  à  Amiens,  tepen- 
ilantil  voulut  voir  M.  C.ahet.  — l'icard,  lui  dit  M.  Ca- 
liel,  je  suis  sur  que  Pioudlion,  Leroux  et  (Considérant 
vous  ont  dit  (pie  j'étais  un  radoteur  ;  le  fait  est  qu'ils 
nnt  tous  les  trois  perdu  la  tête;  mais  je  vois  bien  que 
votre  intention  est  de  vous  cnihanjucr  pour  riearic. 
Partons,  il  y  a  un  liacre  en  bas  (]ui  nous  attend.  Le 
l'icard  s'échappa  à  grande  |)eine  et  arriva  dans  les  bu- 
reaux de /«  Itcfurme,  où  l'on  était  en  fureur  contre  la 
Réjiulilique.  Il  courut  à  la  IW-imblique  où  l'on  se  plai- 
iinait  ainèrenient  de  la  Itoforme. 

—  Où  donc  trouvcrai-je  la  fralernilé?  s'écria  dou- 
loureusement le  Picard. 

—  A  Vincennes ,  dit  le  cocher  ;  c'est  là  qu'un  trouve 


lus  vrais  amis  du  peuple.  En  parlant  ainsi  il  regarda 
le  Picard  de  travers,  paice  qu'il  le  prenait  de  plus  en 
pins  pour  un  mouchard. 

Le  Picard  courut  à  Vincennes.  Il  ne  put  voir,  à  la 
vérilé,  Blaïupii,  Barbés  et  llas|)ail ,  mais  on  lui  apprit 
que  ces  trois  martyrs  habitaient  des  chambres  séparées 
et  qu'ils  n'avaient  aucun  rapport  entre  eux  |)arce  qu'ils 
avaient  juré  de  s'élianjjler  réciproquement  a  la  ])remière 
occasion. 

Alors  le  Picard  se  fit  conduire  au  chemin  de  fer  du 
Nord;  il  paya  ÔO  francs  de  cabriolet,  et,  sans  le  poste,  le 
cocher  qui  n'aimait  pas  les  mouchards,  l'aurait  battu  : 
—  0  socialisme  !  s'écria-til,  o  Proudhon  ,  ô  Cabet ,  ô 
Pierre  Lero\ix,  ô  Raspail  ,  ô  vous  tous  qui  vous  déchi- 
rez à  belles  dents  au  nom  de  la  fraternité,  je  serai  des 
vôtres  quand  vous  aurez  échangé  un  baiser  sincère.  Il 
monta  dans  le  wagon  qui  partait,  revint  à  Amiens  el 
reprit  sa  profession  de  fabricant  de  pâtés. 

C.   C. 


jn — ^ 
Le  retour  des  cendres  de  celui-là. 


IinVAIlD    IlF<  ITAI.irNS. 


ao  ceiiilinrN  la  livralHon. 

Niiiii  .mil  mil III  I  II  111,1!,,   ,,|JJJII|IIIIII||II|IIII|iII|IIhI.MI'i|Ii  ,:!  f.'ij')- liU,,!,,; ,  ,';'* 


IIIR  nlCIlKMEl',  .'>2 


M  l)l>A.L£, 


•ndUlons  de  la  Sonscrîpdon.  _  La  Rewe  com.qoe  formera  un  magnifique  volume    grand  in-8,  publié  ^n  SO  livrabons    à  ^^J^^^^'^ 
p°f"  p°Us  40  ceulimes.  -Pour  tout  ce  qui  conoerue  la  direction,  écrire  (franco)  à  M.  L.becï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  de. 


Italiens 


DUMINKHA-r,  ijUTSVU,  5»,  RUB  BICHEIIXU. 


6«  Livraison. 


Desâiné  pai  Otto. 


Vovrz  de  ce  dessin  (|iiel  est  le  sens  prolund  : 
Dansée  chapeau  fameux,  mais  qui  n'a  plus  de  fond, 
Si  noire  République,  hélas  !  pique  nue  lèle , 
Eu  passant  au  travers  comine  un  trait  d'arbalète , 
Aux  mains  du  parti  rouge  elle  tombe  d'uji  bond  ! 
Oui,  bourgeois  aveuglés,  gent  débonnaire  au  l'ond. 
On  peut  vous  le  prédire,  et  sans  être  prophète, 
Si  la  Terreur  revient,  c'est  vous  qui  l'aurez  l'aile. 


Gravé  par  Eal'LANt 


liqtie'  'le  Lacrampb    fiU  el    rom|i.. 


LA  SEMAINE. 


—  Quoi  !  c'est  vous? 

—  Sans  doute.   N'est-ce  point  mon  tour   de  vous 
raconter  mes  aventures. 

—  Vos  aventures  ? 

—  Certainement. 

—  Eh  bien  !  repris-je  d'un  ton  goguenard,  voyons 
vos  aventures,  ma  chère  Semaine. 

—  Eh!...  j'ai  nommé  un  président  de  la  Républi- 
que. 

—  Et  vous  appelez  cela  une  aventure? 

—  Évidemment ,  puisque  c'est  une  affaire  h  laquelle 
le  hasard  a  eu  la  plus  grande  part. 


I  — Je  vous  passe  donc  votre  aventure  présidentielle. 
Alix  autres  maintenant. 

La  Semaine,  embarrassée,  garda  le  silence. 

—  Vous  n'avez  absolument,  ma  belle,  lui  dis-je, 
que  des  chiffres  à  me  donner  :  je  connais  le  résultat 
général  du  scrutin,  cela  me  suffit.  Allez  faire  vos  ad- 
ditions ailleurs;  j'attendrai  la  Semaine  prochaine  pour 
raconter  quelque  chose  d'amusant  à  nos  lecteurs.  11 
faut  espérer  que  d'ici  là  les  événements  ne  nous  man- 
queront pas. 

Ayant  dit  cela,  je  poussai  la  Semaine  dernière  par 
les  épaules  et  lui  fermai  ma  porte  au  nez. 


COUP  D'OEIL  SIR  Li;  NOIVEAI  MINISTÈRE. 


Quelle  sera  la  couleur  du  nouveau  ministère?  Ques- 
tion difficile  à  résoudre,  tant  l'iiabilelé  de  ses  parrains 
s'est  exercée  à  fondre  en  une  douteuse  combinaison 
toutes  les  nuances  du  prisme  parlementaire.  Les  lis- 
tes, d'ailleurs,  ne  sont  point  closes  encore.  Chaque  jour 
y  apporte  quelque  modification.  Nous  avons  tant  de 
dévouements  à  pourvoir  !  Toutefois,  à  en  juger  par  cer- 
tains choix  qu'il  est  permis  de  considérer  comme  défi- 
nitifs, c'est  la  teinte  ci-devant  centre  gauche  qui  do- 
minera, augmentée  d'une  nuance  de  gauche  dans  la 
personne  du  président,  adoucie  par  une  addition  de  lé- 
gitimisme,  corrigée  parla  présence  d'un  élément  con- 
servateur. Quant  à  la  République,  on  en  mettra  sur 
l'éliquetle. 

Après  cela,  si  le  pays  se  trouve  plus  mal,  la  faculté 
s'en  lave  les  mains.  Elle  l'aura  traité  suivant  toutes  les 


règles  du  codex.  C'est  l'honorable  conducteur  d;  l'an- 
cienne opposition  conslitulionnclles  qui  est  appelé  à 
couvrir  de  son  nom  les  actes  de  l'administration  na- 
poléonienne. 11  y  a  longtemps  que  la  probité  de 
M.  Oïlilon  Barrot  est  affectée  au  service  de  chaperon. 
M.  Odiion  Barrot  sera  le  chef  nominal  .sinon  réel  du 
cabinet.  C'est  donc  à  lui  de  prendre  le  pas.  Ab  j'ove 
principium. 

Hélas  !  nous  le  voyions  hier  encore,  et  il  nous  a  sem- 
blé plus  sombre,  plus  fatidique  que  jamais.  Moins  que 
jamais  son  front  ne  se  déride  ;  les  noirs  pensers  et  les 
soins  pesants  alourdissent  ses  sourcils  contractés.  Quel- 
les préoccupations  assiègent  son  âme  inquiète  ?  Songe- 
t-il  à  l'intervalle  qui  le  sépare  encore  de  ce  pouvoir 
convoité  pendant  dix-huit  ans,  et  qu'il  n'atteignit  un 
jour,  Tantale  politique,  que  pour  le  voir  emporté  loin 


82 


r.EVLE  COMIQIE 


de  ses  lèvres  par  la  vague  populaire.  Son  expérience 
lui  ferait-elle  redouter  une  nouvelle  déception,  quel- 
que saut  de  vent  semblable  ù  celui  de  Février?  Ou 
bien  gémirait-il  sur  le  rôle  ingrat  auquel  l'a  soumis 
de  tout  temps  et  le  soumet  encore  l'égoïste  amitié  de 
son  allié,  M.  Tliiers? 

Comme  contraste  à  cette  figure  désolée,  le  nouveau 
ministre  de  l'intérieur  étale  sa  face  épanouie.  Pendant 
longtemps,  les  électeurs  de  Montauban  (extra-muros) 
nommèrent  à  l'unanimité  M.  de  Maleville  pour  sa 
taille  héroïque,  sa  physionomie  empourprée  et  sa  voix 
retentissante.  Quand  M.  de  Maleville  montait  sur  leslius- 
tings  du  Tarn-et-Garonne,  il  dépassait  'de  plusieurs  cou- 
dées le  plus  haut  de  ses  compétiteurs,  et  le  meeting, 
enthousiasmé  d'une  aussi  incontestable  supériorité, 
élisait  d'acclamation  ce  magnifique  candidat.  «  C'est  le 
plus  bel  homme  de  la  Chambre  !  »  disaient  avec  or- 
gueil les  électeurs  montalbanais  admis  par  la  protection 
de  leur  député  dans  les  tribunes  du  palais  Bourbon  ;  et 
ils  emportaient  à  Caussade  la  satisfaction  d'avoir  doté 
l'ordre  de  choses  d'un  de  ses  plus  solides  piliers. 
M.  Thiers  s'appuyait  avec  confiance  sur  le  bras  de 
M.  de  Maleville  ;  et  il  s'y  appuie  probablement  au- 
jourd'hui plus  que  jamais. 

Plus  frêle  d'aspect,  M.  Léon  Faucher  possède,  à  l'en- 
droit de  l'ancien  président  du  !'=■■  mars,  un  de  ces  dé- 
vouements de  longue  date,  dont  la  solidité  est  à  l'é- 
preuve. M.  I.éon  Faucher,  entré  dans  la  politique  par 
la  porte  du  libre  échange,  ne  dissimule  nullement  son 
dédain  pour  les  opinions  stationnaires  de  son  ancien 
patron  en  matière  de  finances  et  d'économie.  Mais  une 
conformité  d'humeur  et  de  vieux  liens  de  subordination 
en  font  un  de  ses  séïdes  les  plus  ardents.  M.  Faucher 
est  de  plus  un  des  chicaneurs  les  plus  aigres  de  la  rue 
de  Poitiers.  Devant  sa  dialectique  acariâtre,  l'enfant 
prodige  de  la  rue  de  Poitiers,  M.  Fresneau,  c'est  tout 
dire,  est  contraint  de  baisser  pavillon.  Et  depuis  le  "> 
mai,  il  a  partagé  à  l'Assemblée,  avec  M.  de  Maleville, 
le  monopole  des  interruptions  passionnées  et  des  ré- 
criminations amères. 


Qui  tempérera,  dans  le  cabinet,  la  fougue  juvénile 
de  ces  deux  ministres  introduits,  ce  nous  semble,  tout 
exprès  par  M.  Thiers  pour  embourber  la  voiture, 
comme  il  le  dit  patriotiquement?  Sera-ce  l'honnètc  et 
conciliant  M.  Drouyn  de  Lhuys  ou  le  nébuleux  M.  de 
Tracy,  placé  probablement  à  la  marine  pour  glisser  un 
grain  de  philosophie  dans  la  discipline  de  nos  esca- 
dres, où  l'on  éprouve  le  besoin  de  remplacer  les  coups 
de  garcette  par  des  démonstrations  in  balordo  ? 

M.  Passy,  le  financier,  apporte  ici  la  panacée  à  nos 
finances.  Cet  ex-conservateur  de  la  monarchie  saura- 
l-il  mieux  conserver  la  République? 

Devant  une  nouvelle  bataille  de  Juin,  est-ce  la  ra- 
pière de  M.  le  général  Rulhières  qui  sauvera  la  société 
menacée? 

Quant  à  M.  de  Falloux,  qui  représente  la  liberté  de 
l'enseignement,  n'esl-il  pas  surprenant  de  voir  son  nom 
accolé  aux  champions  de  l'Université,  aux  hommes 
de  cette  école  soi-disant  libérale,  qui,  dans  la  dernière 
Chambre,  se  montrait  moins  libérale  que  M.  Guizot? 

Certes,  si  nous  étions  à  la  place  de  M.  de  Falloux , 
de  M.  Drouyn  de  Lhuys,  de  SE  de  Tracy,  nous  goûte- 
rions médiocrement  de  servir  ainsi  de  paravent  aux 
tours  de  passe-passe  de  la  rue  de  Poitiers.  Nous  aimons 
à  croire  que  M.  Odilon  Barrot,  qui  a  l'expérience  de  ces 
choses,  est,  au  fond,  peu  flatté  de  hasarder  encore  une 
fois  sa  main  dans  les  charbons.  Les  oreilles  ne  lui  tin- 
tent-elles pas  du  classique  refrain  :  Sic  vos  non  vo- 
his?.. 

Le  nouveau  cabinet  est  placé  là,  dit-on  ironique- 
ment, pour  ressuyer  les  plâtres.  C'est  un  jeu  malsain. 
On  y  gagne  des  rhumatismes.  Quelque  soit  le  dévoue- 
ment des  hommes  qui  se  sotrt  consacrés  à  cette  tâche, 
nous  ne  pouvons  supposer  qu'il  aille  jusqu'à  jouer 
ainsi  leur  santé.  Qui  sait,  lorsque  la  maison  sera  as- 
sainie et  devenue  habitable,  s'ils  ne  se  sentiront  pas 
quelque  envie  d'y  rester  définitivement?  Le  tour  se- 
rait charmant  et  de  bonne  guerre  !  et  nous  ne  serions 
pas  les  derniers  à  en  rire  aux  dépens  des  chefs  ù'em- 
plois  dépossédés  de  leurs,  rôles  par  leurs  doublin-es 


LES  HOMMES  DU  LENDEMAIN. 


Dans  les  changements  politiques,  il  y  a  quelquefois 
des  hommes  de  la  veille  ;  il  y  a  toujours  des  hommes 
du  lendemain.  Les  uns  sont  exposés  à  s'entendre  re- 
procher la  constance  de  leurs  opinions;  les  autres  ne 
sont  jamais  convaincus  d'erreur,  parce  qu'ils  se  laissent 
aller  au  cours  des  événements. Ceux-là  devancent  l'ave- 
nir; ceux-ci  attendent  le  présent. 

IjCS  circonstances  produisent  les  hommes  du  lende- 
main, comme  la  pluie  fait  éclorc  les  grenouilles. 

Avant  le  10  décembre,  ils  étaient  pleins  d'hésita- 
tion et  d'in  lilférence  ;   aujourd'hui,  ils  chantent  vic- 


loire,  et  lèvent  les  mains  au  ciel.  L'élection  est  leur 
ouvrage  ;  le  nouveau  Président  est  selon  le  vœu  de 
leur  cœur  ;  ils  n'ont  jamais  songé  qu'à  lui,  et  bros- 
sent leurs  fracs  râpés  pour  aller  réclamer  la  rétribu- 
tion de  leur  zèle.  Jls  ont  tous  des  titres;  ils  ont  tous 
lies  droits  ;  ils  demandent  tous  des  places,  n'en  fût-il 
plus  au  monde  !  Si  l'on  n'écoute  pas  leurs  conseils;  si 
on  ne  suit  pas  leur  impulsion;  si  l'on  ne  leur  confie  pas 
la  direction  des  affaires,  nous  tombons  dans  l'abomi- 
natinn  de  la  désolation.  Pauvres  gens,  qui  uni  oublié 
la  fable  du  Coche  et  de  In  Mnuehel 


«  Je  ue  suis  iju'uue  femme,  une  folle,  nue  buse.  » 

—  Extrait  d'un  grand  journal. 


SUR  CERTAINE  El'lTKU 

Enlre  tous  les  journaux  qui,  chaque  jour,  énielknl 
Ces  récils  mensongers  dont  le  peuple  est  repu, 

La  Presse  est  le  plus  corrompu. 

Vous  le  voyez  :  les  vers  s'y  metleut  ! 


AVÈNEMENT. 

Desigué  par  le  choix  d'une  foule  égarée, 
Sur  un  char  triomphal,  en  costume  éclatant; 
L'héritier  d'un  grand  nom  va  faire  son  eulrée. 
Vous  le  verrez  :  le  char  l'attend  ! 


84 


REVUE  COMIQUE 


AU   GÉNÉRAL   CAVAIGNAC 


LA  FEMME  D  l'N  DE  SES  ELE(.TEUI\S. 


Mon  cher  Général, 

Vons  avez  dit  le  lemleinain  des  journées  de  Juin,  au 
moment  même  où  l'AssemJjlée  nationale,  unanime  ce 
jour-là,  avait  déclare  que  vous  aviez  bien  mérité  de  la 
patrie,  vous  avez  dit  que  les  républiques  étaient  ja- 
louses, vous  pouvez  ajouter  aujourd'hui  qu'elles  sont 
ingrates. 

En  effet,  la  première  ville  de  France  semble  avoir 

oublié  qu'ily  acinqmoisà  peineellcvousavait  proclamé 

son  sauveur.  Qu'avez-vousdoncfait  pour  ètrcabandonné 

parcette  ville  sans  mémoire  et  trabi  par  elle  aujourd'hui. 

Quels  sont  vos  crimes? 

Permettez,  Général,  à  une  femme,  à  une  Parisienne 
de  vous  les  dire. 

Paris,  mon  cher  Général,  nos  poêles,  nos  artistes 
l'ont  toujours  représentée  sous  la  figure  d'une  belle  et 
séduisante  femme,  pleine  de  grâce  encore  plus  que 
de  majesté.  Vous  n'en  avez  pas  jugé  ainsi,  Général, 
vous  lui  avez  fait  plus  d'honneur  qu'elle  n'en  méritait, 
vous  l'avez  traitée  comme  une  ville  antique,  vous  l'a- 
vez forcée  au  respect,  à  l'admiration,  elle  vous  a  res- 
pecté, elle  vous  a  honoré;  mais,  il  faut  vous  le  dire, 
Général,  on  n'aime  pas  tout  ce  qu'on  admire,  et  Paris 
vous  a  craint  et  admiré  plus  qu'elle  n'a  pu  vous  aimer. 
Paris  n'a  pas  que  des  vertus,  Général,  et  si  bour- 
geoise qu'on  la  suppose,  elle  n'a  pas,  non  plus,  que 
des  intérêts.  Ses  maisons,  ses  foyers,  son  honneur,  ses 
biens  vous  les  avez  sauvegardés,  c'était  beaucoup; 
une  autre  ville  que  Paris,  une  ville  sage  et  sensée  eût 
trouvé  que  c'était  assez,  et  dans  ce  jour,  jour  solennel 
où  elle  a  dû  se  donner,  se  choisir  un  protecteur,  entre 
vous  et  tout  autre,  aucune  capitale  d'Europe  n'eût 
hésité. 

Ce  n'est  pas  Londres ,  cette  fille  bien  élevée  et 
toujours  convenable  de  l'aristocratique  Angleterre; 
ce  n'est  pas  Vienne,  cette  Vienne  battue  et  pourtant 
fidèle,  qui,  abandonnée  de  son  vieil  et  imbécile  empe- 
reur, se  livre  docilement  et  sur  son  ordre  à  un  enfant, 
son  neveu;  ce  n'est  pas  Berlin,  qui  garde  son  roi 
fantasque,  malgré  ses  représentants  eux-mêmes;  ce 
n'est  pas  Saint-Pétersbourg  enfin,  qui  baise  les  pieds 
de  son  redoutable  maître,  ce  n'est  aucune  de  ces  villes 
qui  vous  eût  préféré  votre  douteux  rival. 

Mais  Paris  est  une  ville  unique,  elle  ne  ressemble  à 
aucune  autre:  grande  et  petite  tout  ensemble,  assem- 
blage bizarre  de  défauts  monstrueux  et  de  magnifiques 
qualités,  quand  on  a  pris  toute  sa  raison,  quand  on  a 
toute  son  estime,  on  ne  la  possède  point  encore  tout 
entière,  on  n'est  encore  que  son  frère  ou  son  ami.  — 
Or,  Général,  Paris  est  une  Parisienne,  c'est-à-dire  une 
de  ces  Françaises  qui  ne  vieillissent  pas,  et  qui,  dans  un 


époux,  cherchant  surtout  un  amant,  prennent  plus  vo- 
lontiers l'amant  à  part  de  l'époux  que  l'époux  à  part 
de  l'amant,  si  un  miracle  ne  leur  montre  pas  l'un  et 
l'autre  réunis  dans  un  seul. 

A  qui  la  ville  de  Paris  vous  a-t-elle  préféré,  mon 
cher  Général.  Ne  le  lui  demandez  pas.  Elle  n'en  sait 
rien  encore!  Ce  qu'elle  sait,  c'est  que  vous  avez  eu  un 
tort  envers  elle  ;  ce  tort,  tort  léger  mais  énorme,  a  été 
de  l'enfermer,  sans  la  consulter,  dans  le  cercle  de  Po- 
pilius  du  mariage  quelques  jours  plus  tôt  que  la  chose 
ne  pouvait  lui  convenir.  —  Je  te  donne  six  semaines, 
lui  avez-vous  dit  un  jour,  jour  fatal,  six  semaines  pour 
faire  un  choix!  De  ce  jour-là,  Paris  a  été  perdue  pour 
vous,  hélas!  et  vous  avez  été  perdu  pour  elle. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  féroce  au  monde,  ce  n'est  ni  un 
tigre,  ni  une  hyène,  ni  un  peuple  en  furie,  ni  des  sol- 
dats ivres  de  poudre  et  de  sang,  ni  un  bourgeois  dé- 
fendant sa  propriété,  ni  un  communiste  se  ruant  sur 
celle  des  autres,  c'est  une  femme  aimable,  à  qui  l'on 
semble  vouloir  prendre  aujourd'hui  ce  qu'elle  avait 
résolu  de  ne  livrer  que  demain. — Vous  avez  f;iit  de  Pa- 
ris, en  une  journée,  cet  être  implacable.  — Dût-elle  en 
mourir,  elle  devait  se  venger,  —  elle  s'est  vengée! 

Que  pouvait  faire,  en  effet,  cette  fille  très-fière  et  un 
peu  folle  en  présence  de  deux  soupirants,  l'un,  grand, 
noble,  victorieux  sans  doute,  mais  pressé,  mais  impé- 
rieux, mais  au  geste  hautain;  l'autre,  timide,  embar- 
rassé, soumis,  prêt  à  tout,  promettant  tout,  acceptant 
tous  les  délais;  si  ce  n'est  une  sottise? 

Cette  sottise,  Paris  l'a  faite.  —  Votre  tort  a  été  de 
ne  pas  la  prévoir,  votre  faute  de  ne  pas  l'éviter.  Crai- 
gnant d'avoir  en  vous  un  maître,  elle  vous  a  préféré 
votre  rival.  —Après  tout,  s'est-elle  dit,  c'est  un  fils  de 
famille,  c'est  l'héritier  d'un  grand  nom.  Je  serai  nièce 
d'empereur,  et  mon  nom  sera  sonore,  c'est  une  aven- 
ture à  courir.  Et  le  oui  fatal  a  été  dit. 

Plaignez  Paris,  Général,  mais  ne  vous  ne  plaignez 
pas.  —  Vous  auriez  été  le  mari,  vous  serez...  l'amant. 
Paris  était  à  peine  dans  la  voiture  qui  la  ramenait 
de  l'hôtel  de  ville  avec  son  nouvel  époux,  —  j'y  étais 
avec  elle  et  j'en  parle  savamment,  —  que  se  prenant 
pour  la  première  fois  peut-être  aie  considérer  sérieuse- 
ment, un  long  et  significatif  soupir  sortit  de  sa  poitrine, 
l'atience  donc,  Général,  le  dernier  mot  d'une  femme 
n'est  jamais  dit,  le  divorce  est  de  tradition  dans  cer- 
taines familles,  un  jour  viendra  oi'i  vous  aurez  à  par- 
donner, pardonnez  alors,  mais  n'oubliez  pas.  N'ou- 
bliez pas  qu'une  fennne,  une  ville  et  une  nation,  se 
prennent  et  se  prendront  toujours  par  leurs  défauts, 
aussi  bien  que  par  leurs  qualités. 

Vous  êtes  bien  coupable,  Général  :  vous  nous  avez 
crus  parfaits.  Mahie  "■. 


A  L'USAGK  DIÎS  GENS  SIÎRIliUX. 


LE  (KUOM'I.  Vr.lto.X. 

Le  liiiiil  sV'st  ri'();in<lii  ijuc  .M.  Vi'iiin  tilait  un  colo- 
nel en  rotiaili',  et  (lue  c'éliiil  à  lui  qu'il  fiiliail s'adres- 
ser |)our  obtenir  ([iieliiue  laveur  ili;  M.  I.ouis  IJoria- 
|)arle. 

»  M.  Véion,  nous  disait  iiier  un  provincial,  est  un 
ancien  colonel  de  cuirassiers  misa  la  demi-solde  par 
les  Bourlions  en  I8iri. 

—  Vous  vous  trompez;  M.  Véron  est,  au  contraire, 
un  ancien  pluuinacien  qui  a  inventé  la  pàte-Ke- 
gnauld. 

—  Vous  voulez  dire  la  cuirasse-Hegiiauld. 

—  Qu'est-ce  (jue  vous  ajipelez  la  cuirasse-Ite- 
gnauld? 

—  Une  cuirasse  d'un  nouveau  genre,  essayée  pour 
la  première  fois  à  Wagram,  et  inventée  par  Véron, 
alors  simple  chef  d'escadron.  L'Empereuren  fut  si  con- 
tent, qu'il  nomma  Véron  colonel  sur  le  champ  de  ba- 
taille. 

—  Qui  diable  a  pu  vous  donner  ces  renseigne- 
ments? 

—  l'arbleu  !  tout  le  monde.  Lisez  les  bulletins  de  la 
grande  armée,  vous  y  verrez  le  colonel  Véron  et  ses 
cuirassiers  mis  à  l'ordre  du  jour  pour  s'être  couverts 
de  gloire.  On  dit  que  sa  Mlle  va  se  marier  avec  M.  Louis 
Bonaparte. 

—  La  fille  de  qui  ? 

—  Du  colonel  Véron. 

—  Mais  le  colonel  Véron,  puisque  vous  y  tenez, 
n'est  pas  marié. 

—  Vous  voulez  dire  qu'il  est  veuf? 

—  J'entends  qu'il  n'a  jamais  eu  femme  ni  enfants. 

—  La  plaisanterie  est  bonne.  Alors,  vous  prétendez 
que  le  colonel  n'a  pas  une  fille,  la  charmante  Alina? 

—  Je  soutiens  que  non. 

—  Et  cette  fille  n'a  peut-être  pas  été  élevée  par  un 
ancien  maréchal  des  logis  de  cuirassiers  nommé  Brant, 
qui  sauva  autrefois  la  vie  à  son  colonel  dans  une  ba- 
taille? 

—  Je  n'ai  jamais  entendu  parler  de  Brant,  je  ne 
connais  que  .Mcrruau. 

—  l'ossible  iiue  Brant  ne  soit  qu'un  nom  de  guerre. 
Merruau,  puisque  c'est  le  véritable  nom  de  Brant, 
après  avoir  été  longtemps  le  brosseur  du  colonel  et  lui 
avoir  sauvé  la  vie  dans  une  bataille,  l'a  suivi  dans  sa  re- 
traite ;  et  lecolonel,  qui  le  considère  comme  son  ami,  lui  a 
confié  l'éducation  de  sa  fille,  la  charmante  Mina. 

—  Et  Mina  doit  épouser  Louis  Bonaparte,  qui  de- 
viendrait ainsi  le  gendre  du  colonel  Néion? 

—  On  ledit.  Fidèle  Brant,  que  tu  vas  être  heu- 
reux! 

—  Vous  voulez  dire  Merruau? 

—  Soit.  On  m'a  montré  hier  le  fidèle  Merruau  sur 
le  boulevard  :  quelle  belle  tète  de  grognard!  Deux  ba- 


VII'    l'OLITIori'.   l'T   LITTi:il  Allli: 

m: 

VIPÉIUIN 

JOiniNALISTE   ET    IM)L>Tri|(-;L. 


Vipérin  vint  au  monde  tout  seul. 


Recuei  li  par  des  perîODnes  chaniable?,  il  voit  en  rêve  son 
ange  gardien. 


8ti 


REVUE  COMIQUE 


hitVes  sur  h  joue  et  une  moustache  on  broussailles  :  un 
vrai  dessin  de  Cliarlet  !  Je  nie  suis  laissé  dire  que  Mer- 
ruau  n'avait  versé  que  deux  pleurs  dans  sa  vie  :  ce  fut 
d'abord  le  jour  où  il  reçut  la  croix  des  mains  de  l'Em- 
pereur, et,  plus  lard,  lorsque  son  colonel,  qu'il  venait 
de  sauver,  le  serra  dans  ses  bras. 

Il  versera  un  troisième  pleur,  le  jour  où  il  si- 

o-nera  au  contrat  de  mariage  de  Mina,  son  élève,  avec 
Louis  Bonaparte. 

—  Je  le  crois  volontiers.  Ce  mariage  est  un  acte  de 
haute  politique,  qui  fera  tomber  tous  tes  bruits  qui 
courent  au  sujet  d'une  protendue  alliance  entre  Louis- 
îsapoléon  et  l'empereur  de  Russie.  A  vrai  dire,  le  pays 
n'aurait  pas  vu  cette  alliance  avec  plaisir,  les  Russes 
ayant  toujours  été  nos  ennemis.  La  campagne  de  Mos- 
cou ne  nous  a  point  laissé  d'agréables  souvenirs.  «  Ils 
sont  là-bas  qui  dorment  sous  h  neige...  » 

—  Je  sais  le  reste  ;  mais  la  dot? 

—  Quelle  dot  ? 

—  Celle  que  l'empereur  Nicolas  devait  donner  à  sa 
nièce. 

—  Est-ce  que  vous  croyez  que  le  colonel  n'a  pas  de 
quoi  doter  richement  sa  fille?  C'est  un  colonel  à  la  de- 
mi-solde, il  est  vrai  ;  mais  quand  il  vit  sa  carrière  mi- 


litaire brisée  par  la  Restauration,  il  se  lança  dans  l'in- 
dustrie. 

—  C'est  alors  qu'il  inventa  la  pàte-Regnauld? 

—  Où  diable  avez-vous  pris  ce  conte?  Je  vous  ai  dit 
que  c'était  la  cuirasse-Regnauld  qu'il  avait  inventée 
sous  l'Empire.  Rentré  dans  la  vie  privée,  il  fonda  une 
usine  pour  la  fabrication  des  cuirasses  ;  et  cette  entre- 
prise réussit.  Des  dépôts  de  cuirasses-Regnauld  furent 
établis  chez  tous  les  pharmaciens,  et  ces  cuirasses  sou- 
veraines contre  les  rhumes  et  les  maladies  de  poitrine 
eurent  un  succès  prodigieux.  Le  ciel  bénit  les  efforts 
du  vieux  soldat,  secondé  par  le  lidèle  Merruau,  contre- 
maître de  l'usine  ;  sa  iille  Mina  elle-même  tenait  les 
livres  de  compte.  Celte  charmante  enfant  était  la  pro- 
vidence des  ouvriers  ;  aussi  fallait-il  les  voir  se  cotiser 
tous  pour  lui  acheter  un  superbe  bouquet  le  jour  de 
sa  fête!  Aujourd'hui,  le  colonel  Vcron  est  le  plus  ri- 
che industriel  de  France  ;  et,  certainement,  il  donnera 
une  dot  impériale  à  sa  fille. 

—  Le  fidèle  Merruau  lui-même  n'est  pas  sans  quel- 
([iies  petites  économies,  et  je  suis  bien  sûr  qu'on  aura 
Ibrt  à  faire  pour  l'empêcher  de  les  donner  à  la  char- 
mante Mina.  Mais  il  se  fait  tard,  et  je  vous  quitte  pour 
aller  assister  à  la  reprise  du  Soldat  laboureur.  » 


Comment  Vipérin  se  fit  journaliste, 


Et  passa  tonjours  pour  un  homme  de  mauvaise  mine. 


A  I.ISAf.E  DES  r.KNS  SIIUIKIIX. 


«7 


UU.NMiZ-.NUlS  IMiNC  DES  NOUVELI.LS  Dl.  M. 


|»l.  (.II'.AI'.IMN. 

_  Oii  »ont  iM  «iffleti,  «a  «orpcnti.  ! 


Qu'est  dcvcniiM.  (leCiiaidin?  QtiedevienlM.  de  Ci-  I 
raidin?  En  vain  nousle  deniandoiisii  tous  les  écliosde  ta  \ 
Presse  ;  le  échos  sont  muets  ;  la  J'ressc  ne  répond  nen . 

—  Il  se  fait  celer,  dit  l'un,  pour  échapper  à  la  cohue 
des  solliciteurs. 

—  Un  autre  :  il  court  sur  la  loule  de  Saint-Péters- 
bourg où  on  l'envoie  négocier  un  grand  mariage. 

—  Bouderait-il  par  hasard,  répliiiue  un  troisième? 

—  Quoi,  déjà! 

Au  fait,  tandis  que  les  plus  obscurs  d'entre  lesvam- 
queurssont  convoques  pour  le  partage'du  butin,  seul 
le  rédacteur  en  chef  de  lu  Presse  manque  au  gala  des 
[uirtefeuilles  et  des  places.  C'est  à  peine,  infortuné 
convive,  si  la  rumeur  publique  lui  a  un  jour  attribue 
l'héritage  de  M.  Caussidiére;  vingt-quatre  heures  après 
il  n'en  était  déjà  plus  question. 

Avec  le  quart  d'heure  de  Rabelais,  l'heure  des  désil- 
lusions aurait-elle  déjà  sonné'? 

11  est  de  tels  services  qu'il  devient  souvent  diflicile 
de  reconnaître.  On  se  sauve  alors  par  l'ingratitude. 
C'est  l'expédient  des  souverains,  peuple  ou  prince.  U 


uous  plait  de  von-  qu'en  l'an  de  grâce  18iH  les  bonnes 
traditions  du  pouvoir  se  conservent. 

En  ce  qui  touche  M.  de  Girardin,  nous  ne  pensons 
pas  cependant  que  l'opinion  réclame  bien  fort  contre 
ces  réminiscences  monarchiques.  Si  /«  Presse  n'a  pas 
satisfaction,  disait  ces  jours-ci,  avec  quelque  effroi,  un 
ami  de  M.  L.  Bonaparte,  elle  est  capable  de  recom- 
mencer contre  nous  la  même  cami)agne  qu'elle  a  faite 
successivement  contre  M.  Guizot,  contre  le  Couverne- 
ment  provisoire,  la  Commission  executive  et  le  géné- 
ral Cavaignac.  —  Qu'elle  recommence,  répondit  .me 
interlocutrice,  dont  les  mâles  conseils  ne  sont  point, 
dit-on,  sans  quelque  influence  dans  les  conciliabules  de 
l'hôtel  du  Uhin. 

Si  le  futur  président,  au  premier  coup  de  plume,  fait 
jeter  le  rédacteur  de  la  Presse  à  Viucennes  et,  moins 
clément  que  son  prédécesseur,  l'y  laisse  pendant  quatre 
ans  écrire  les  mémoires  d'iin  journaliste  au  secret, 
croyez-vous  qu'il  y  ait  à  Paris  soixante  voix  pour  pro- 
tester? Croyez-vous  qu'il  y  en  ait  vingt?  Croyez-vous 
qu'il  y  en  ait  dix? 


REVUE  COMIQUE 


El  fit  sa  tétc  avec  les  anciens  ami?. 


CONFIANCE!  CONFIANCE! 

Sur  le  coup  de  deux  heures,  Gobseak,  N'ucingea  , 
Chaudnreille,  i'etitrenard ,  Leiiipoignas  et  Hapinaud  , 
les  princes  de  la  (inance,  firent  leur  entrée  à  la  Bourse 
au  milieu  d'un  cortège  de  courtiers  marrons,  de  prè- 
teuzs  sur  gage,  d'escompteurs  de  primes,  d'avaleurs 
de  différences  et  do  coulissiers  pattus  de  la  grande  et  de 
la  petite  espèce. 

Aussitôt  il  y  eut  un  mouvement  extraordinaire  au 
parquet,  et  les  fonds  commencèrent  à  monter. 

Grandputois,  l'agent  de  change,  échangea  un  signe 
avec  lioursicot;  son  collègue,  et  un  effroyable  tumulte 
plongea  dans  le  ravissement  la  foule  grouilianle  à  l'en- 
tour  de  la  corbeille.  On  aurait  pu  croire  que  le  monu- 
ment croulait ,  et  que  les  sculptures  détachées  de  la 
voùle  fendue  allaient  tomber  du  haut  en  bas  sur  le 
cinq  pour  cent.  Heureusement  le  cas  a  été  prévu  ; 
les  sculptures  sont  peintes  à  la  détrempe,  et  les  murs 
sont  à  l'épreuve  de  la  hausse.  Le  bruit  de  la  cave 
montait  jusqu'au  grenier ,  où  siège  la  justice  consu- 
laire, et  l'on  vit  des  magistrats  quitter  leur  fauteuil 
et  leur  toge  pour  reprendre  leur  costume  civil  de 
marchands  d'huile  en  gros,  d'escompteurs  patentés,  ou 
de  négociants  en  peaux  de  lapin,  et  aller  faire  quelque 
coup  de  commerce  dans  les  fonds  publics  avec  la  dot  de 
leur  femme  en  couverture.  —  C'était  un  beau  désor- 
dre, un  véritable  effet  de  l'art  ! 

Les  fonds  montaient....  montaient  toujours. 
Gobseak  et  Nucingen  faisaient  cercle  au  milieu  du 
temple.  (Le  vieux  style  revient  avec  la  hausse  ) 

Quanta  Chaudoreille  et  Petitrenai-d,  ils  circulaient 
comme  deux  fouines  dans  les  bas  côtés,  entraînant 
sur  leur  piste  des  meutes  de  gobe-mouches  la  langue 
pendante. 

Lempoignas  et  Rapinaud  ,  en  leur  qualité  de  grands 
pvopriétaires  de  primes  et  de  banquiers  fonciers, 
s'étaient  mis  en  lapport  direct  avec  la  haute pe^re  de 
l'endroit,  comme  disent  plaisamment  les  hnanciers  du 
perron  de  Tortoni,  lorsqu'ils  sont  assez  riches  pour 
avoir  un  peu  d'argot. 

Ce  fut  alors  que  l'on  put  assister  à  un  spectacle 
bien  fait  pour  mettre  du  baume  dans  l'âme  de  nos 
concitoyens,  et  pour  assurer  la  reprise  soudaine  du 
véritable  commerce.  On  a  vu  dans  cette  journée  favo- 
rable, reparaître  le  crédit  qui  s'était  retiré  du  monde 
depuis  quelque  temps.  Crédit  a  mis  un  habit  neuf; 
—  bleu  barhot  à  boutons  de  métal  ,  basques  en  queue 
de  morue  ;  breloques  battant  sur  le  devant  <i^,  la  culotte 
à  petit  pont,  —  et  deux  montres  en  sautoir  comme  au 
jours  de  suprême  élégance  du  consulat. 

Confiance  !  confiance!  voilà  Gobseak  et  Nucingen 
qui  rassurent  les  pontes I  Allons,  messieurs  et  dames, 
faites  votre  argent. 


i 


J 


A  L'IISAGF  I)KS  Cr.NS  SKHir.lX. 


«9 


—  Mon  pon  ami  Cobseiik,  dit  Nuciiigen  ù  liaiilc 
voix,  fuitos-fous  les  bedilcs  iiiïaircs? 

—  Baron,  répond  C.olisoak  d'un  air  cap.ii)li',  j'acliètu 
LiMil  nulle  cens  de  renies!  —  Puis  se  i)en(hanl  niyslé- 
rieiiseinenl  à  l'oreilie  de  NucingiMi,  —  Je  sais  de 
sdiiiie  ceitaine  (pie  l'on  vient  de  l'aiie  une  eominande 
iuipoi-laule  de  manteaux  de  cour  aux  tadieurs  de  la 
iiie  Neuve  Vivieiuie. 

—  Oli!  mon  pon  ami,  s'écrie  Nuciuyeu  transpoité, 
i|ue  me  liles-lbus  là!...  J'aciiète  tout. 

Confiance!  conliance!  —  On  éloulVe  C.obscak  cl  Nu- 
cmgen.  — Les  imbéciles,  les  aigrelins,  aclictcurs,  ven- 
deurs, dupes  eldupeurs,  joueurs,  llàneurs,  le  paniuel 
et  la  coulisse  ne  sont  plus  qu'une  même  coliue. 

—  Que  dit-on?  Quoi!  Gobseak  et  Nucingen  acbè- 
Icnl? 

—  Six  mille  manteaux  de  cour  chez  les  tailleurs  de 
la  rue  Vivienne  ! 

—  En  vérité  !  Boursicot,  prenez-moi  du  cinq!... 

—  Pu  cinq?  Qui  est-ce  qui  vend  du  cinq?  au  comp- 
tant? —  Le  cinq  demandé  !  —  Vendeurs  à  "otr.  —  J  a- 
cbète  ! 

I.e  cinq  monte  de  ô  francs. 

A  ce  moment,  un  personnage  perce  la  foule.  C'est 
Crocanti,  ex-colonel  des  Cent-Jours  si  connu  à  Tor- 
loni,  par  sa  redingote  à  poil.  Crocanti  est  l'iiomme  des 
nouvelles,  ses  relations  avec  les  puissances  étrangères 
et  trois  danseuses  de  l'Opéra,  en  font  un  oracle  :  «  Eh 
bien!  colonel,  quelles  nouvelles?  —  Messieurs,  vtve  la 
Colonne!  répond  le  colonel  Crocanti  en  se  découvrant 
avec  solennité.  » 

Ces  simples  mots  produisent  un  effet  d'émotion. 
Les  plus  farouches  crocodiles  se  sentent  une  larme  au 
coin  de  l'œil.  —  Confiance!  confiance  !  le  cinq  monte 
à  76.  —  1  fr.  de  hausse-! 

Chaudoreille  el  Petit-Renard  ne  sont  pas  gens  à  ar- 
rêter le  cours  du  crédit  public.  —  Je  tiens  de  M.  de 
Nucingen,  s'écrie  Chaudoreille  avec  son  adorable  naï- 
veté, que  la  garde  nationale  va  être  entièrement  sup- 
primée et  remplacée  par  des  constables  spéciaux  qui 
conduiront  le  soir  avec  des  lanternes  les  bourgeois  dans 
les  maisons  dont  ils  ne  sauraient  pas  l'adresse.  Genre 
anglais  ! 

Confiance  !  confiance  !  le  cinq  monte  comme  la  ri- 
vière. 1  fr.  50  G.  de  hausse! 

—  Je  ne  sais  pas  trop,  continue  Petit-Renard,  si  je 
puis  sans  indiscrétion  vous  faire  part  d'une  confidence 
que  je  tiens  de  quelques-uns  de  ces  messieurs  de  la  rue 
de  Poitiers  qui  font  des  affaires  ici.  Il  parait  qu'il  n'y 
aura  plus  de  journaux:  on  est  décidé  à  s'en  passer. 

Plus  de  journaux!  confiance!  confiance!  —  On  se 
précipite  sur  les  coupons.  —  Encore  t  fr.  de  hausse. 

Vous  savez,  ditRapinaud  dans  un  autre  groupe, 

que  nous  nous  débarrassons  de  l'Algérie.  Mon  Dieu  oui, 
on  va  la  donner  aux  Anglais,  c'est  bon  pour  eux  ! 
Plus  d'Algérie!  confiance  !  et  50  c.  de  hausse. 


liant  el  le  plu» 


Fout   d'idées  !  —  Mais  c'est  toujours  de 
farine. 


Confiance  I  confiance 


90 


REVUE  COMIQUE 


— C'est  incontcstableinentaux  curés,  insinue  Lein  pei- 
gnas à  plusieurs  financiers  dévots,  que  nous  devons  Télec- 
tion  :  quand  ils  le  voudront,  ils  feront  nommer  Henri  V. 

Confiance!  confiance!  notre  belle  France  n'a  point 
cessé  d'èlre  catholique  ! — 5  fr.  de  hausse!  — Si  rheure 
de  la  clôture  n'avait  pas  sonné,  on  ne  sait  où  la  hausse 
se  serait  arrêtée. 

Gobseak,  iNuciiigen  et  leurs  amis,  très-satisfaits  de  la 
journée,  s'en  allaient  en  assurant  avec  autorité  que  le 


futur  président  était  résolu  à  ne  plus  jamais  laisser 
baisser  les  fonds.  —  Sur  la  dernière  marche,  le  baron 
heurta  le  petit  jière  Lavcrtu,  cet  imbécile  qui  escompte 
à  4  p.  100  ,  qui  ne  prend  qu'un  demi  de  commission, 
et  ne  joue  jamais.  —  Et  pien,  mon  prave  homme,  lui 
dit-il,  vous  n'affre  bas  fait  de  bedites  affaires. 

—  Eh  !  eh!  répondit  le  père  Lavertu,  je  me  réserve 
pour  le  jour  oii  vos  bonnes  nouvelles  seront  vraies;  la 
rente  vaudra  cent  sous,  j'achèterai  au  comptant. 


LA  DISCORDE  AU  CAMP  D'AGRAMANï 


Nous  serions-nous  trompés  avec  tant  d'autres?  Celui 
qu'on  traitait  d'àne  chargé  de  reiiquesaurait-il  l'heu- 
reuse opiniâtreté  d'un  mulet?  Tiré  à  droite  par  les  lé- 
gitimistes, moins  à  droite  par  les  Orléanistes,  refuse-t-il 
de  monter  tout  à  fait  sur  la  Colonne  à  la  place  de  son 
oncle?  Aurait-il  la  raison,  ou  l'entèlenient,  comme 
quelques-uns  de  ses  faux  amis  le  disent,  de  comprendre 
que  le  seul  parti  en  France  qui  puisse  n'être  ni  jaloux 
de  lui,  ni  dangereux  pour  lui  ;  qui  ne  puisse  être  l'en- 
nemi dans  sa  personne  que  de  l'empereur,  c'est  préci- 
sément ce  parti  qu'il  est  supposé  avoir  vaincu? 

Tels  sont  pourtant  les  bruits  qui  courent. 

On  assure  que  la  guerre  est  dans  le  camp  d'Agra- 
mant:  M.  ïhiers  boude  :  le  Constitutionnel  lui  est 
enlevé;  les  légitimistes  sont  furieux  ;  le  prétendant  s'a- 
vise de  prendre  son  rôle  de  président  au  sérieux.  — 


KEB  ACTION. 


Résolu  de  se  contenter  du  certain,  il  recule  devant  l'in- 
certain, c'est-à-dire  devant  le  piège  qui  lui  était 
tendu. 

M.  Louis-Napoléon  Bonaparte  est  encore  un  peu 
républicain  :  il  parle  de  la  Constitution  sans  mépris; 
—  les  ministres  qu'il  choisit  sont  décidés  à  n'en  point 
sortir,  à  la  défendre.  On  parle  de  conciliation  ;  des 
propositions  sont  faites  à  des  républicains  de  la  veille  ; 
François  Arago  serait  vice-président.  —On  ne  rom- 
prait pas  avec  cet  odieux  parti. 

Le  prince,  placé  en  face  du  quart  d'heure  de  Rabe- 
lais, se  sentant  chanceler  sur  sa  montagne  de  votes,  et 
sur  le  point  d'avoir  à  rendre  à  chacun  ce  que  chacun 
lui  a  prêté,  jette  un  regard  d'envie  sur  les  votes  acquis, 
bien  acquis,  au  général  Cavaignac. 

Patience  !  patience  !  la  République  vit  encore! 


LE  bERFEST  ET  LA  LIME. 

Drtsi-i  qui  peut  se  passer  de  leg  nde. 


Il  se  choisit  alors  un  ami  bien 
iDnocent  pour  lui  donner  la  ré- 
plique. 


Et  poursuivit  son  édition  quotidienne  de 

l'An  de  s'eng en  société  el  de  t'en 

/aire  plusieurs  mille  francs  de  revenus. 


A  l.lISAf.E  DES  GENS  Si::i\IEL'X. 


!t| 


NOIIVKLI.ES  DES  DÉPARTKMENTS. 

Onassiiri'  que  neuf  mille  cinq  cenls  Corsos  vieiineiil  il'arri- 
ver  à  Mar>eille.  Cliacini  lii-nl  à  la  main  droite  une  pelilioii  i 
l'adresse  lin  futur  Président. 

On  a  classé  ainsi  ci'S  [leliliims  : 


4.120 

80 
2,00« 
1,200  . 


9.500 


.  deniaiidi'nt  un  consulat  en  Italie; 
.  demandent  la  prifeelnrc'  d'Ajaecio; 
.   exit;ent  lu  vice-iiresidenee; 
veulent  l'Ire  colonels  de  };endarmerie  ; 
viennent  représenter  au  neveu  de  IKiuperenr 
que  le  siejje  de  l'Assemblée  nationale  doit 
élre  transfeié  à  Ajaecio  ; 
nombre  épal,  d'iiabilanls  de  Baslia  réclament 

cet  honneur  pour  leur  ville. 
(  On  assure  que  le  futur  Président,  pour  les 
mettre   d'aeeiird  ,    inclinerait    à   laisser  le 
siège  du  gouvernement  à  Paris.  ) 


Trois  mille  veuves  d'anciens  compagnons  de  l'Empereur  se 
Minl  jointes  à  ce  convoi  et  vont  arriver  à  Paris;  elles  sont 
loHiesparcntfS  à  un  degré  trés-rapproclié  du  prince  Louis. 

l'Insieurs  autres  convois  de  Corses  sont  egalemet  en  route, 
pir  divers  chemins,  pour  P.iris. 


Af  Conslittilionnel  venant  n  n  joiif  on  aille  à  In  Presse, 
M.  Véfon  .ioiinant  la  main  à  M.  de  Giiardin,  s'est 
élevé  contre  rénormité  commise,  disait-il,  par  le  gé- 
nérai Cavaignac,  à  Tégard  de  M.  de  f.irardin.  Uien  ne 
instillait  cette  airestation  aux  yeux  du  journal  de  M. 
Tliieis.  Elle  n'avait  pas  de  précédent.  —  C'était  un 
forfait  inouil  —  Comment  se  fait-il  qu'aucun  joiii'- 
ual  n'ait  relevé  cetle  incroyable  assertion? 

Qui  donc  avait  emprisonné,  mis  au  secret  Armand 
Cartel. 

Qni  donc,  après  l'avoir  accusé  sans  preuve  de  com- 
plicité dans  un  odieux  assassinat, —  celui  deFiesclii, — 


qui  donc  fui  obligé  de  le  lelâclier?  Si  ce  n'est  M. 
Thieis,  —  le  patron  du  Constilulionnell 

Et  qui  oserait,  d'autre  part,  comparer  ce  qu'il  y 
avait  de  révoltant  dans  la  mesure  par  laquelle  M.  Tliiers 
accusait  le  noMe  Armand  Carrel  de  complicité  avec  un 
infâme  scélérat,  avec  ce  qti'avait  d'explicable  l'arresta- 
lioii  do  M.  de  Cirardin  attisant  le  feu  de  la  guerre  ci- 
vile à  la  veille  des  journées  de  juin'? 


Nous  croyons  devoir  avertir  nos  lecteurs  que  si  nous 
avons  cru  pouvoir,  dans  la  personne  de  M.  Louis-Na- 
poléon Bonaparte,  combattre  énergiqucment  le  candi- 
dat à  la  présidence,  c'est-à-dire  le  simple  citoyen  am- 
bitieux d'un  titre  et  d'un  pouvoir  dont,  selon  nous,  un 
antre  s'élait  montré  plus  digne,  nous  nous  trouverions 
coupables  d'user  de  la  même  liberté  envers  celui  dont 
le  suffrage  universel  aura  fait  le  premier  magistral  de 
la  République. 

Contrairement  à  l'usage  où  l'on  est  en  France  d'at- 
taquer le  pouvoir  dans  l'bomme  qui  en  est  investi, 
nous  pensons  que  ce  qu'il  faut  avant  tout  respecter  et 
se  garder  d'affaiblir,  c'est  le  principe  de  l'autorité, 
quelles  que  soient  les  mains  dans  lesquelles  il  repose. 
A  défaut  de  l'bomme,  c'est  la  fonction,  qui,  selon 
nous,  doit  être  honorée.  Nous  aurons  donc  grand  som, 
.lès  que  la  nomination  officielle  du  président  de  la  Ré- 
publique sera  définitivement  arrêtée,  de  séparer  la 
personne  du  président  de  la  personne  de  M.  Louis-Na- 
poléon Bonaparte.  L'une  nous  sera  sacrée  ;  et  quand 
notre  critique  touchera  l'autre,  nous  prendrons  garde 
encore  d'atteindre  le  président. 


Mais,  comme  il  tournai!  à  l'hydro- 
phobie,  OB  le  musela  pour  cause 
de  sécurité  publique. 


Entrée  de  Vipérin  en  prison.  —  Effet  proluit  par  sa 
présence  sur  les  autres  animaux  malfaisants  et 
venimeux. 


Pour  se  tirer  de  là,  il  file  doux  et 
offre  ses  services,  dont  on  ne  veut 
pas. 


REVUE  COMIQUE 


PKTITE  EXPLICATION   D  INE   GRANDE  MAJORITE. 
AlK  :  Ai/icu,  chiiiismts. 
ClIOEUll    DES    BLANCS. 

Pour  Henri  Cinq  on  sait  noire  faiijlesse; 
Oui,  nous  coin  liions,  sous  l'empire  des  lis. 
Ressusciter  les  titres  de  noblesse, 
En  février  vainement  abolis. 
Puisque  aujourd'hui  le  peuple  nous  écarte. 
Pauvres  débris  des  barons  féodaux! 
A  notre  élu,  monseigneur  de  Bordeaux, 
Pour  marche-pied  donnons  un  Bonaparte. 

Nos  jours  viendront,  il  faut  qu'en  attendant 
Nai)oléon  soit  nommé  président.      (bis.) 

CHOEIB    DES    BLEUS. 

Sous  un  vieux  roi,  qui  nous  donnait  l'exemple, 
Chacun  de  nous  cherchait  à  s'arrondir; 
Pour  le  veau  d'or  nous  avions  fait  un  temple 
Qu'une  débâcle  empêcha  de  grandir. 
Seuls  détenteurs  de  l'urne  électorale. 
Nous  avions  droit  d'y  déposer  nos  noms. 
Ayons  un  prince,  et  sans  bruit  retournon  ;, 
Par  la  traverse,  à  la  roule  royale. 

Nos  jours  viendront,  il  faut  qu'en  attendant, 
Napoléon  soit  nommé  président,      (bit.) 

CHOEl'R    DES    ROUGES. 

Nous  avions  dit  :  «La  lutte  est  nécessaire: 
Frères,  marchons,  fermes  et  convaincus  » 
Mais  Cavaignac,  implacable  adversaire, 
A  décimé  nos  bataillons  vaincus. 
Inaugurons  un  pouvoir  plus  fragile; 
Et  quand  de  tous  il  sera  détesté, 
Au  nom  du  peuple  et  de  l'Égalité, 
Nous  briserons  cette  idole  d'argile. 

Nos  jours  viendront;  il  faut  qu'en  attendant, 
Napoléon  soit  nommé  président,      (bis.) 


f  leine  demorali'.- . 


Et  sur  combien  uc  cliosts  avyii. 

voile  de  la  pudeur  !1! 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


RÉCLAMATION  D'UN  CUL'UTIER  ÉLECTORAL. 


Air  :  Marchong  !  n'écriait  Mayeux. 


93 


Vous  V(]ilii  iioniini',  je  pense. 
Mon  prince,  et  j'en  suis  ravi; 
Mais  j'  veux  une  rcconipeuse. 
Car  je  vous  ai  bien  servi. 
Pour  attirer  dans  la  nasse 
Le  rictie  et  le  plébt'ien. 
J'ai  {'.lit  (les  coules  eu  niasse: 
A  vot"  tour,  faites  le  luien. 

Payez-moi  ! 

Donnez-moi 

Un  emploi. 
Ou  n'importe  quoi!  {bis.) 


Pour  votre  eauiliilaluie, 
lui  toui  lieux  j'ai  r('|iauiln 
Mainte  superbe  brochure. 
Dont  le  fruit  u'e.-t  pas  perdu. 
Couini'  sauveur  de  la  patrie, 
A  tous  j'  vous  ai  révélé; 
Dans  la  Fiance  et  l'Alfiérie 
Que  nus  canards  ont  volé  ! 

Pajez-nioi  ! 

Duiinez-nii'i 

lin  eiiipini. 
Ou  n'importe  quoi. 


I'iii<,  auprès  de  la  Colonne, 
IJans  les  groupes  ameutés, 
De  votre  auguste  personne 
J'ai  vanté  les  qualités. 
Maltraité  par  des  sauvages, 
Qui  de  vous  ne  voulaient  point. 
Je  n'ai  ro<;u,  pour  mes  gage.", 
Hélas  1  que  des  coups  de  poing. 

Payez- moi! 

Donnez-moi 

Un  emploi. 
Ou  n'importe  quoi! 


On  m'a  promis  des  espèces 
Payables  dans  l'avenir; 
J'avais  rêvé  des  richesses, 
El  je  ne  vois  rien  venir. 
Je  suis  accablé  de  notes 
Pour  c'  que  j'ai  dit  dépenser; 
Car  c'est  en  usant  mes  bottes, 
Que  j'  vous  ai  fait  avancer. 

Payez-moi  ! 

Donnez-moi 

Un  emploi, 
Ou  n'importe  quoi! 


J'ai  parcouru  la  province. 
En  disant  aux  campagnards 
Que  vous  étiez  un  grand  prince, 
Riche  de  plusieurs  milliards. 
De  piquette  détestable 
Obligé  de  m'abrcuver. 
Je  suis  tombé  sous  la  table, 
Alin  de  vous  relever. 

Payez-moi  ! 

Donnez-moi 

Uu  emploi, 
Ou  n'importe  quoi! 


Montrez  d'  la  reconnaissance. 
Président,  si  vous  avez 
Les  honneurs  et  la  puissance, 
A  mes  soins  vous  le  devez. 
Avoir  en  décnnliture 
Mis  r  général  Cavaignac, 
Ça  vaut  bien  un'  préfecture. 
Et  môme  un  bureau  d'  tabac. 

Payez-moi  ! 

Donnez-moi 

Un  emploi, 
Ou  n'importe  quoi!  [Ins.) 


LES  VARIATIONS  D  l  N  PARISIEN. 


Air  :  Saluf,  petit  covsin  (jfrmttin. 


28    FÉVniEB. 

Louis-Philippe  est  expulsé  ; 
La  nation  s'est  aflVanchie; 
Sa  grande  voix  a  prononcé 
La  chute  de  la  monarchie. 
Pour  notre  France,  l'avenir 
l-M  plein  de  bonheur  et  de  gloire  ; 
Il  ni-sons-nous  pour  soutenir    (lis. 
Le  gouvernement  provisoire!!! 


10    DÉCEMBRE. 

Ah!  gardons-nous  bien  de  porter 
Oavaignac  à  la  présidence. 
Pour  Bonap  irte  on  doit  voter: 
RenJons-noiis  tous  à  l'évidence. 
Dans  la  ville  et  dans  le  faubourg, 
.\vec  transport  chacun  le  nomme. 
Oublions  Boulogne  et  Strasbourg  : 
VfVe  le  neveu  du  grand  homme!!! 


1' 


Unis'on5-nous  pour  renverser 
Le  gouvernement  provisoire, 
Et  ne  nous  laissons  plus  bercer 
Par  mainte  pronie.ssc  illusoire. 
Un  seul  homme  habile  et  (irudent, 
Nous  a  sauvés  de  la  ruine. 
Ah!  mes  ami-;,  pour  président 
Choisissons  le  grand  Lamartiue!!! 


\"  JUILLET. 

Ah!  mes  smi-,  pour  président 
Ne  choisissons  pas  Lam  irline. 
Cavaignac  en  nous  défendant 
Briie  la  discorde  intestine. 
Sous  un  chef  énergique  et  loit. 
Que  l'autorité  se  condense; 
Elevons  d'un  commun  accord, 
Cavaignac  a  la  présidence!!! 


Mais  ce  choix  peut-il  des  Français 
Changer  l'inconstant  caractère'? 
J'ai  vu  les  dieux  que  j'encensais 
Tour  à  tour  re:iversés  à  terre. 
Si  Ton  m'invite  à  remplacer 
Celui  qui  tient  le  rang  suprême, 
Ne  sachant  sur  qui  me  fixer, 
Je  prétends  me  nommer  moi-même. 


Dessiné  pir  Fabritzius. 


Cet  homme  à  l'œil  rairon,  i\\ù,  ccrl.'s,  n'est  pas  beau. 
Est  connu  dans  la  prisse  et  dans  la  pliarmacie, 
Par  la  pite-Regnault,  le  biberon-Darbo, 
Et  les  premiers-Paris  auxquels  Tliiers  s'associe. 
Son  image  est  lidéle,  et  nous  avons  pris  soin 
D'y  placer  les  produits  qu'on  doit  à  sa  science  ; 
Môme  le  biberon  dont  il  aura  besoin, 
Car  son  journal  tombe  en  enfance. 


Gravé  par  MoNTIgneul- 


nol  1  8VA«D    ORS  ITALIENS. 


3<l  rciidiiies  Ih  livraison. 


MUE  mCBELIEU,  S2 


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.ndlUoosde  la  Sonscriprton.  -  L:i  Revue  comique  formera  un  m,isn.lu[,io  volume,  gran.l  in-8,  publié  en  50  livraisons    à  30  centimes, 
^  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco]  à  M.  Lirecï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  de» 


lar  la  poste,  40  centimes.  —  Pour  tout 
italiens. 


DUMUVKHAT,  ÉDITEVB,  S9,  AUS  BICHSLXZV. 


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LK  M.\U1U.E    IMPREVU. 


En  prùscnce  de  Dieu  cl  devrint  le  peuple  fiMnetiis,  je  juic  île  rcslcr  fidèle  à  lu  UiaTiiuorE  di;mocratioue, 
"  une  el  indivisiljle,  el  de  reiiiplii'  lous  les  de\oirs  ijuc  m'ini])Ose  la  Goiislilution.  » 

—  Article  48  de  la  Coiislilulioii.  — 


P.iiii.— Tire-    MU  prajsoj  m.-cml.|iic»  d.'  LiCluMPU  lil'  ol   fomi..,  rut  lliiiiiiillf,  ï. 


LA  SEMAINE. 


—  Ah  çà  !  ma  chère  ,  dis-je  à  la  Semaine,  il  n'est 
pas  permis  Je  négliger  nos  intérêts  et  nos  distractions 
comme  vous  venez  de  le  faire. 

—  Que  voulez-vous  dire'.'  nie  répondit-elle;  ne 
vous  ai-je  pas  donné  une  revue  au  théâtre  Montansier, 
un  vaudeville  de  M.  Bayard  au  Gymnase,  et  la  conti- 
nuation des  débuts  de  mademoiselle  Lagrange  à  l'O- 
péra? 

— 11  s'agit  bien  de  vaudevilles,  en  vérité  !  Comment, 
vous  avez  une  chose  des  plus  nouvelles ,  des  plus  rares, 
des  plus  choisies,  l'inslallalion  d'un  président  de  la 
République ,  et  vous  vous  la  laissez  escamoter. 

—  Vous  avez  raison,  mais  que  voulez-vous"?  il  faut 
bien  faire  quelques  sacrifices  à  la  raison  d'Ktat. 

—  Belle  raison  !  Eh  quoi  !  la  politique  s'opposait-elle 
à  ce  que  vous  nous  donniez  une  fête  quelconque  ,  des 
ifs,  un  cortège,  un  serment  en  plein  air  sur  la  place 
de  la  Concorde;  un  orchestre  monstre,  les  chœurs  de 
rOpéra,  des  lampions,  tout  cela  fait  bien.  En  fait 
d'illumination,  j'ai  été  obligé  de  me  contenter  du  gaz 
municipal.  Mon  portier  était  navré.  C'est,  à  peine  si 
on  a  entendu  tonner  le  canon  des  Invalides,  et  encore 
n'a-t-on  su  que  le  lendemain  pourquoi  il  avait  tonné. 

—  J'ai  agi  d'après  les  ordres  du  président  du  conseil, 
ainsi  ma  responsabilité  est  à  couvert.  Le  citoyen  Bar- 
rot  craignait... 

—  Quoi  donc  ? 

—  Demandez-le  au  citoyen  Changarnior  qui  crai- 
gnait aussi... 

—  Mais  quoi  donc  '? 


—  Interrogez  le  citoyen  Malloville,  ministre  de  l'in- 
térieur, qui  redoutait  de  son  cùté... 

—  Me  direz-vous  quoi  ? 

—  Informez-vous  auprès  du  citoyen  r.ébillot ,  iiré- 
fet  de  police,  qui  n'était  pas,  de  son  côlé,  sans  conce- 
voir de  sérieuses  appréhensions. 

—  Encore  un  coup,  que  craignaient-ils? 

—  Ma  foi ,  je  n'en  sais  rien;  mais  tout  ceci  ne  me 
regarde  pas.  C'est  de  la  haute  politique.  D'ailleurs  de 
quoi  vous  plaignez-vous,  n'avez-vouspas  eu  une  revue? 

—  Voir  cent  mille  nez  rouges,  le  beau  plaisir  !  Et 
puis,  cette  revue  manquait  de  gaieté. 

—  Comment,  le  colonel  Dumoulin  à  cheval  à  côté  du 
président  1  vous  ne  trouvez  pas  cela  drôle?  Et  puis,  mal- 
gré le  froid,  on  a  beaucoup  crié  :   Vive  la  liêpublique  ! 

—  Oui  ,  c'est  une  compensation.  A  propos,  pouvez- 
vous  me  dire  de  quel  ordre  le  président  de  la  Répu- 
blique française  portait  le  grand  cordon  ? 

—  De  la  Légion  d'honneur. 

—  Et  où  l'a-t-il  gagné? 

—  Le  prince  l'a  dit  devant  le  jury  de  Strasbourg  : 
Je  l'ai  trouvé  dans  mon  berceau. 

Je  croyais  que  ce  n'était  point  là  que  se  trouvait 

oïdiiiairenient  la  crois  d'honneur,  et  ni  Lannes,  ni  La- 
place,  ni... 

—  Mais  tous  ces  gens-là  n'étaient  pas  princes. 
Louis-Napoléon  est  grand-cordon  de  naissance.  Igno- 
rez-vous donc  que  Louis  XIV  lui-même  venait  confé- 
rer l'ordre  du  Saint-Esprit  à  ses  petits-lils  le  lende- 
main du  jour  où  ils  étaient  nés  ? 


100 


REVUE  COMIQUE 


—  Mais  il  me  semblait  que  la  nouvelle  Constitution 
avait  aboli  tous  les  privilèges  de  naissance,  et  qu'il  ne 
pouvait  y  avoir  des  légionnaires  de  droit  divin. 

—  Oui,  mais  ici  il  y  a  un  sénatus-consulte.  Le  ci- 
toyen Odilon  Garrot  range  les  sénatus-consulte  au  nom. 
bre  des  faits  accomplis.  Acceptons  donc  sans  murmurer 
îe  grand  cordon  du  président  de  la  République. 

—  Va  pour  le  grand  cordon  ;  mais  les  épaulettes  de 
lieutenant  général,  qui  ont  brillé  sur  les  deux  épaules 
du  président,  que  vous  en  semble?  Feu  le  système  de 
Louis-Philippe  ne  donnait  aux  princes  leurs  grades  que 
l'un  après  l'autre.  Que  doit  penser  de  ces  épaulettes 
le  vieux  général  Lebreton?  J'espère  bien  qu'après  avoir 
attaqué  les  promotions  illégales  du  général  Lamori- 
cière,  il  va,  en  honnête  homme,  monter  à  la  tribune 
et  dire  leur  fait  à  ces  malencontreuses  épaulettes... 

—  Vous  êtes  fou,  mon  cher;  le  général  Lebreton, 
comme  pas  mal  d'autres  vieux  grognards,  est  fort  ai- 
mable quand  il  n'a  pas  devant  lui  les  jeunes  officiers 
autrefois  ses  inférieurs,  aujourd'hui  ses  supérieurs;  il 
pardonnera  tout,  sinon  au  président,  au  moins  au 
prince. 

—  Vous  croyez'?  Alors,  passons  à  d'autres  tableaux. 
Voyons  un  peu,  chère  Semaine,  ce  que  vous  avez  fuit 
à  l'Académie? 

—  J'ai  ressuscité  feu  Monlhyon. 

— Quoi  !  ce  vertueux  philanthrope  existerait  encore? 


—  Oui,  sous  le  pseudonyme  de  M.  Delestre-Poirson. 
Cet  estimable  directeur  vient  de  fonder  des  prix  de 
vertu,  de  bon  sens  et  de  géographie.  Mille  francs  à  la 
vertu,  mille  francs  au  bon  sens,  ])ourvu  qu'il  n'outrage 
pas  la  langue  française,  et  mille  francs  à  la  géographie, 
à  condition  qu'elle  sera  domiciliée  dans  le  douzième 
arrondissement.  Deux  mille  francs  seront  ensuite  ac- 
cordés à  l'éloge  du  général  Cavaignac,  soit  eu  vers,  soit 
en  prose.  Ici  une  petite  difliculté  se  présente. 

—  Laquelle? 

—  C'est  que  r.\cadémie  ne  peut  vanter  (jiie  les 
morts,  il  lui  est  intcidlt  par  le  règlement  de  faire  l'é- 
loge des  vivants. 

—  Comment  fairu? 

—  On  a  nonuné  une  commission  qui  se  chargera 
d'aplanir  les  obstacles. 

—  Très-bien.  En  attendant,  s'occupe-t-on  de  rem- 
placer les  trois  académiciens  défunts? 

—  L'Académie  attend  que  l'Assemblée  nationale  ait 
voté  les  lois  organiques. 

—  Je  ne  vois  pas  grand  intérêt  dans  tout  ce  que  vous 
me  racontez,  ma  pauvre  Semaine,  et  vous  êtes  d'un 
vide,  d'une  insignifiance  '. 

—  Ingrat,  me  répondit-elle,  ne  t'ai-jc  pas  apporté 
le  réveillon  de  famille,  et  peux-lu  traiter  ainsi  ta  pau- 
vre semaine  de  .Noël?  Attends  ma  sœur;  d'ailleurs  elle 
t'apportera  dès  demain  mille  et  uue  interpellations. 


Quelques  nez  commencent  à  s'allonger. 


Nouvelle  représeutalion  d'une  vieille  comédie. 


NOËL. 


—  Pan  !  pan  ! 

—  Qui  est  là? 

—  Le  vieux  père  Noël  de  18-48. 

—  Farceur  ! 

—  Il  n'y  a  pas  de  farceur  ;  je  suis  réellement  le 
père  Noël  qui  vient  vous  rendre  visite.  Ouvrez,  je 
meurs  de  froid. 

—  Entrez,  alors  ;  mais,  à  vrai  dire,  je  ne  vous  at- 


tendais guère.  Pourquoi  n'èles-vous  pas  tombé  chez 
moi  par  la  cheminée,  selon  l'usage? 

—  H  y  avait  du  feu,  et  j'ai  craint  de  griller  mes 
vieilles  jambes. 

—  Asseyez-vous  dans  ce  fauteuil  et  réchaulTez-vous. 
Voici  un  verre  de  i-atafia  pour  vous  remettre  le 
cœur. 

—  Merci,  jeune  homme.  S'il  entrait  dans  vos  pro- 


A  I.IISACK  DKS  GlvNS  SKlUiaJX. 


101 


jets  (le  faire  réveillon,   iiy  vmis  gi'iu'/.  pas  ;  ji'  iiiaii(,'orai 
un  morcL'au,  pour  vous  tenir  coni|)agnio. 

—  Je  vois  ([ue  vous  n'avez  pas  soupe  depuis  l'année 
dernière. 

—  Ma  foi,  non,  puisqu'il  faut  vous  l'avouer. 

—  Voici  une  moitié  de  boudin,  mangez.  Queiionle 
ne  vous  fasse  pas  dommage,  comme  dit  Sanelio.  Mais 
à  quoi  dois-je  riionnourde  votre  visite'? 

—  Je  viens  vous  apporter  mon  cadeau  annuel. 

—  Vous  êtes  donc  toujours  dans  l'usage  de  faire  des 
cadeaux? 

—  Certainement.  On  met  un  soulier  dans  la  chemi- 
née, et  j'y  dépose  ce  que  je  veux.  Or,  comme  vous 
n'aviez  pas  mis  votre  soulier  dans  la  cheminée,  et  que, 
du  reste,  il  y  avait  grand  feu,  j'ai  frappé  à  la  porto. 

—  Je  comprends.  Et  que  m'apportez-vous? 

—  A  un  homme  sérieux  connue  vous,  à  un  électeur, 
on  ne  peut  pas  donner  des  dragées,  des  sucreries,  des 
brimborions;  je  vous  apporte  un  cadeau  politique. 

—  Un  nouveau  ministère,  peut-être? 

—  Justement.  Un  nouveau  ministère  sous  la  prési- 
dence du  citoyen  Odilon  Barrot. 

—  Nous  l'avions  avant  que  vous  eussiez  |)ensé  à  le 
mettre  dans  mon  soulier. 

—  Je  comptais  vous  faire  une  surprise. 

—  La  surprise  n'en  existe  pas  moins.  Un  ministère 
Barrot-Falloux  sera  toujours  quelque  chose  de  bien 
surprenant.  Mais  dites-moi,  père  Noël ,  pcnsez-vnus 
que  ce  ministère  dure  ? 

—  Il  durera  toujours  autant  que  moi. 

—  Autrement  dit,  vingt-quatre  heures  :  les  enfants 
prodiges  vivent  peu.  Je  vous  trouve  bien  sarcastique, 
père  Noël  ? 

—  C'est  votre  moitié  iFc  boudin  qui  me  met  en  belle 
humeur  ;  je  me  sens  tout  gaillard.  Que  pensez-vous  de 
votre  nouveau  président? 

—  Heu  !  heu  ! 


—  Je  comprends. 

—  Vous  ne  comprenez  |ias  du  lonl.  .i'i'iili'nds  que  le 
nouveau  président  pourrait  jouer  un  bien  joh  loiir  à 
M.  Thiers  et  aux  légitimistes  qui  lui  ont  donné  leur 
voix  ;  ce  serait  de  se  faire  franchement  républicain.  F'^t 
voici  ce  qui  arriverait  :  le  jour  où  les  dynastiques  qui 
ont  fait  son  élection  voudraient  le  renverser,  —  et  ce 
jour  n'est  pas  bien  éloigné, —  Louis  Bonaparte  serait 
défendu,  par  qui?  Justement  par  les  véritables  républi- 
cains, par  ceux  qui  ont  eoiiiliiitlu  sa  candidature  avec 
le  plus  d'acharnement. 

—  VA  pensez-vous  que  la  chose  arrive? 

—  Pourquoi  pas?  Ce  serait  alors  la  gloire  du  parti 
républicain,  d'avoir  su  reconnaître  et  défendre,  dans 
un  chef  de  l'État  qui  n'a  pas  ses  sympathies,  le  droit 
sacré  de  l'élection  ;  ce  serait  sa  justification  aux  yeux 
de  l'Euiope  et  la  démonstration  irrécusable  de  sa  vi- 
talité. Après  une  telle  épreuve,  la  forme  républicaine 
deviendrait,  pour  tous  les  esprits  sensés,  une  nécessité 
politique  prouvée  mathématiquement. 

—  Vous  pourriez  hien  avoir  raison.  Mais  Bonaparte 
sera-t-il  républicain? 

—  Peut-être,  si  son  entourage  le  lui  permet.  Voilà 
déjà  M.  de  Girardin  qui  commence  son  opposition. 

—  Ce  nom  m'agace  les  nerfs,  il  me  met  en  fuite  ; 
aussi  bien  le  boudin  est  fini,  et  je  vais  continuer  mes 
excursions  <lans  les  cheminées  voisines.  Si  je  passe  par 
l'Elysée  national,  et  que  le  nouveau  président  ait  mis  sa 
botte  dans  la  cheminée,  j'y  laisserai  tomber  les  quel- 
ques mots  de  conversation  que  nous  avons  eu  à  son 
sujet. 

—  Vous  ferez  bien,  père  Noël  ;  mettez  aussi  dans 
la  botte  de  Bonaparte  que  ce  sont  les  conseils  d'un  en- 
nemi de  la  veille,  et  que  ces  ennemis-là  valent  mieux 
pour  lui  que  ses  amis  de  la  veille  et  du  lendemain. 
Bon  voyage,  père  Noël,  et  à  l'an  prochain,  si  nous 
sommes  encore  de  ce  monde. 


LE   GENERAL   CAVA1GX.4C. 


AU    OÈNEBAL    C&V&IONAC. 


Nous  recevons,  avec  prière  de  l'insérer,  celte  adresse  au 
Général  Cavaignac. 

Nous  adhérons  complètement  aux  sentiments  si  péuéreu- 
semeut  exprimés  dans  cette  adresse. 

«  Général, 

«  La  France  vient  de  donner  au  monde  un  douloureux  spec- 
tacle, celui  de  son  ingratitude  pour  l'homme  qu'elle  avait  par 
deux  fois  proclamé  son  sauveur. 

<(  Mais  vous  donnerez  au  monde  le  spectacle  consolant  d'un 
honnèle  homme  suhissant,  sans  étonnement,  sans  amertume 
et  sans  emphase,  une  monstrueuse  injustice  ;  el  ce  dernier 
spectacle,  aussi  glorieux  pour  vous  que  rassurant  pour  la  di- 
gnité humaine,  contiendra  une  leçon  qui  sera  comprise  par  la 
France,  un  instant  égarée. 

a  Pour  nous,  Général,  plus  Termes  que  jamais  dans  la  voie 
où  vous  marchez  à  noire  lélc,  vaincus  aujourd'hui,  mais  non 
découragés,  confiants  d'ailleurs  dans  les  destinées  impérissal)lcs 
de  la  Répuhlique,  nous  serons  calmes  el  recueillis  comme  vous. 

0  Sentinelles  vigilantes,  maisnonmalvcillanlesde  notre  Con- 
stitution républicaine,  résolus  que  nous  sommes  à  rester  justes 


en  dépit  de  nos  plus  vives  sympalhies,  préoccupés  uniquement 
du  salul  de  la  République  et  de  son  bien-être,  nous  savons  que 
nous  sommes  d'accord  avec  vous  quand  nous  prenons  l'enga- 
gement solennel  de  voir  le  bien  partout  où  il  sera,  et  de  res- 
pecter le  principe  d'autorité  dans  la  personne  du  citoyen  que 
le  suffrage  universel  en  a  fait  le  représentant. 

«  Nous  ne  rendrons  donc  pas  à  nos  adversaires  coalisés  la 
guerre  déloyale  qu'ils  nous  ont  faite;  nous  n'oublierons  pas 
que  c'est  toujours  aux  dépens  de  la  patrie  que  de  pareilles  luî- 
tes peuvent  se  soutenir  ;  et,  décidés  à  n'avoir  d'ennemis  que 
les  ennemis  de  la  République,  nous  nous  inclinerons  devant 
toul  acte  émanant  d'un  pouvoir  régulier,  quand  cet  acte  aura 
pour  bul  rafrermisscmcnt  et  la  défense  de  la  Conslilulion. 

<(  Que  si  un  jour,  —  désintéressés  pour  vous  comme  pour 
nous-mème,  nous  souhaitons  que  Dieu  veuille  éloigner  ce  jour; 
—  que  si  un  jour,  la  France  malheureuse  el  divisée  devait 
tourner  ses  regards  vers  vous,  Général,  comme  vers  une  ancre 
de  salut,  il  faut  que  les  plus  pervers  puissent  vous  rendre 
récbilant  témoignage  qu'innocent  de  ses  maux  votre  mission 
ne  peul  être  que  de  les  guérir. 

«  Des  Electeurs  du  (jcncral  Cavairjnac.  » 


LOUIS-NAPOLEON    DONAPARTE. 

—  D'après  un  dagaeiréoty,-'( 


AU  CITOYEN   LOUIS   BONAPARTE,   PRESIDENT  DE  LA  REinBLIQITE  FRANÇAISE. 


Citoyen  présiilcnl, 

Hier  encore,  vous  n'étiez,  pour  les  gens  de  bon  sens  et  de 
bonne  foi  qui  ont  voté  contre  vous  pour  le  général  Cavaignac, 
qu'un  bomme  dont  le  passé  turbulent  devait  faire  redouter 
1  'avenir,  qu'un  joueur  léméraireet  opiiiiàlrc,  résolu  à  pousser 
jusqu'au  bout,  sans  pilié  pour  la  France,  les  cbances  de  cetle 
martingale  politique,  votre  rêve  incessant,  dont  deux  fois  déjà 
vous  aviez  en  vain  tenté  le  succès  à  Sirasbourg  et  à  Boulogne. 

Pour  beaucoup  d'autres,  amoureux  du  passé,  impatients  du 
présent,  vous  étiez  un  prince,  un  prétendant  à  l'empire,  un 
ennemi  de  la  République  pouvant  servir  d'arme  contre  elle  et 
frayer  le  passage  à  d'autres  prétendants,  vos  rivaux,  tout  préis 
à  confisquer  à  leur  profit  votre  victoire. 

Quant  au  peuple,  —  celui  des  campagnes  voyail  en  vous 
l'héritier  d'un  grand  nom  et  le  destructeur  fanlaslique  de  tout 
irapiil,  pendant  que  celui  des  villes,  personnifianl  dans  votre 
candidature  la  baine  qu'il  portait  à  son  vainqueur  de  juin,  vous 
faisait  le  symbole  de  sa  première  vengeance. 

Aujourd'hui  vous  êtes  pour  tous  le  président  de  la  Républi- 
que française. 

Devant  ce  grand  fait,  oublions  le  passé,  le  votre  surtout  ; 
oubliez  la  Suisse,  oubliez  Londres  ;  laissez-y  le  jeune  homme, 


dont  mieux  qu'un  autre,  si  la  lumière  s'est  faite  dans  voire  es- 
pril,  vous  savez  ce  qu'il  fallait  penser;  el,  obligé  de  compter 
avec  ce  redoutable  succès  et  de  le  justifier,  pensez,  non  aux 
grandeurs  de  votre  situation  nouvelle,  mais  aux  devoirs  qu'elle 
vous  impose,  aux  dangers  qui  l'environnent,  —  et  reconnaissez 
que  par  un  sort  bizarre,  mais  fatal,  la  plupart  de  vos  amis 
d'hier,  si  vous  êtes  sage,  doivent  être  cuusidérés  par  vous 
comme  vos  ennemis  d'aujourd'hui. 

Diles-vous  que,  prétendant,  vous  éles  isolé  entre  tous; 
qu'orléanistes,  légitimistes  et  républicains  se  tourneront  contre 
vous  et  que  vous  succomberez. 

Dites-vous  qu'empereur,  vous  ne  serez  jamais  que  l'ombre 
afl'aiblie  de  votre  oncle,  tandis  que,  président  de  la  Républi- 
que, vous  aurez  dans  l'histoire  un  rôle,  rôle  unique,  magnifi- 
que, dont  la  gloire  sera  bien  à  vous,  dont  le  mérite  vous  ap- 
partiendra et  qu'aucuiî  autre  ne  saurait  effacer. 

Dites-vous  cela,  et  vous  aurez  fondé  une  république  là  oii 
le  plus  grand  homme  des  temps  modernes  n'a  pas  suffi  à  fonder 
un  empire,  —  el  vous  aurez  donné  aux  partis  une  de  ces  le- 
çons de  probité  contre  laquelle  aucune  voix  n'osera  s'élever,  et 
qui  vous  assurera,  non-seulement  l'eslime,  mais  le  concours 
même  des  honnêtes  gens  que  vous  aurez  vaincus. 

Des  Électeurs  du  Général  Cavaignac. 


iOt 


REVUE  COMIQUE 


UNE  RAISON   PAUMI  IVAllUKS  rOlT.  F.XrMQUF.R  L'KCHEC  DE  M.  DE  LAMARTINE. 


S'il  était  besoin  de  donner  à  quelquo  âme  candide 
les  raisons  de  l'incroyable  échec  de  M.  de  Lamartine 
dans  la  question  de  la  présidence  de  la  République,  un 
les  trouverait  résumées  en  un  seul  petit  fait  qui,  pour 
être  minime  en  apparence,  n'en  est  pas  moins  au  fond 
très-sisniticatif  pour  tous  les  physiologistes  de  bonne 
foi. 

Le  Bien  public  ,  journal  créé  par  M.  de  Lamartine, 
et  qui  soutenait  avec  quelque  talent  sa  candidature, 
vient  de  mourir  avec  cette  candidature.  A  quelle  porte 
croyez- vous  que  la  rédaction  du  Bien  public  ait  été 
frapper,  à  qui  pensez-vous  que  l'écrivain  de  confiance 
de  M.  de  Lamartine,  et  M.  de  Lamartine  lui-même 
aient  été  demander  asile.  Hélas!  à  la  Presse,  et  à 
M.  de  Girardin.  Cet  incroyable  manque  de  tact,  de 
conduite  politique  n'explique  que  trop  lachute  immense, 
chute  imméritée  d'ailleurs  sous  beaucoup  de  rapports, 
de  l'homme  qui,  ayant  tenu  dans  ses  mains  le  pays  tout 
entier  pendant  trois  mois,  en  est  arrivé  à  y  trouver 
moins  de  suffrages  que  iL  Raspail  ! 

Un  des  grands  défauts  de  M.  de  Lamartine,  c'est  de 
se  croire  au-dessus  du  proverbe  :  Dis-moi  qui  tu  han- 
tes, je  te  dirai  qui  tu  es,  et  de  ne  pas  connaître  les 
hommes.  Comme  nos  anciens  rois  de  France,  il  nie  la 


contagion  de  certaines  maladies  morales,  et  semble 
croire  au  contraire  qu'ainsi  qu'eux,  il  a  le  don  de  les 
guérir  :  Aussi  le  voit-on  s'entourer  sans  discernement 
d'esprits  faux,  de  natures  imparfaites,  et  parfois  de 
gens  peu  considérés  à  qui  il  prodigue  en  public  les  mar- 
ques les  moins  équivoques  des  jjIus  singulières  préfé- 
rences. Semblable  en  cela  à  ces  amants  ou  naïfs  ou  ef- 
frontés qui  donnent  le  bras  en  plein  soleil  à  des  fem- 
mes dont  les  relations,  si  pleines  de  charmes  qu'elles 
puissent  être  dans  l'intimité,  reculent  d'ordinaire  de- 
vant le  grand  jour  et  la  publicité. 

Il  n'y  a  peut-être  qu'un  homme  d'état  au  monde 
qui  soit  capable  de  se  sentir,  à  tort  ou  à  raison,  assez 
fort  de  son  aveuglement  pour  s'associer  tout  le  monde 
dans  un  gouvernement  ;  cet  homme,  c'est  M.  de  La- 
martine. —  Dans  sa  loyauté,  disait  hier  un  de  ses  amis, 
il  eût  à  coup  sûr  ou  refusé  les  services  de  M.  de  Girar- 
din, ou,  les  ayant  acceptés,  il  les  eût  récompensés  d'un 
portefeuille.  —  Le  président  actuel  de  la  République 
ne  l'a  point  osé. 

Nous  répondrons  à  l'ami  de  5L  de  Lamartine  par 
une  seule  question  :  Est-il  une  voix,  une  seule  qui  se 
soit  élevée  contre  la  réserve  du  nouveau  président,  et 
qui  l'ait  taxé  d'ingratitude. 


Charles-Quint  disait  :  «11  faut  que  la  France  soit  un 
pays  bien  particulièrement  aimé  de  Dieu  ;  car  elle  ne 
cesse  de  faire  de  grandes  fautes,  de  commettre  les  plus 
graves  erreurs,  de  courir  d'elle-même  à  sa  perte;  et 
toujours  elle  sort  de  toutes  ses  épreuves  plus  grande, 
plus  belle  et  plus  puissante.  »  Dieu  veuille  que  le  mot 
de  Charles-Quint  soit  vrai  aujourd'hui  comme  au  temps 
de  François  I". 

—  Ce  n'était  pas  assez  de  l'aigle  de  Boulogne.  Un  ami 
du  président,  ami  à  la  façon  de  l'ours  de  la  fable,  ne 


UN  TERRIBLE  LOGICIEN. 


Un  de  plus,  ils  étaient  trois.  Le  plus  chauve  releva 
ses  lunettes  sur  son  front  dévasté  par  le  syllogisme,  et 
se  sourit  agréablement  dans  un  miroir  qu'il  avait  volé 
vingt-cinq  sous. 

Si  la  Société  avait  vu  ce  sourire,  elle  aurait  tremblé 
comme  dans  une  caverne  de  propriétaires. 

Car,  chez  le  grand  socialiste,  celte  douce  gaieté  est 
le  prélude  des  plus  impitoyables  parado.xes. 

L'unique  témoin  de  cette  révélation  sublime  se 
prosterna  devant  le  buisson  ardent  des  favoris  roux  de 
son  dieu. 


s'est- il  pas  avisé  de  lancer  au  moment  de  la  revue  un 
aigle  en  papier  peint,  sous  forme  d'un  cerf-volant,  dans 
les  alentours  des  Champs-Élisées  !  —  Il  épuisa  alors 
toute  son  adresse  à  diriger  cet  aigle  d'un  nouveau 
genre  et  à  le  faire  planer  au  dessus  de  la  lète  de 
M.  Louis  Bonaparte.  On  assure  que  l'auteur  de  cette 
innocente  bêtise  a  été  arrêté  et  mis  en  prison,  lui  et  son 
aigle.  —  C'est  bien  cruel. 

—  On  offre  de  parier  (lue  le  maréchal  Bugeaud  et  que 
le  général  Cluuiganiier  se  brouilleront  avant  un  mois. 


Et,  pour  se  faire  un  nom  dans  Israël,  des  hommes  vous  débiteront  les 
plus  impies  extravagances.  (Jérémie.  Lamentalions.) 

Le  dieu  releva  son  Moïse,  et  l'invita  à  partager  une 
proposition  dont  la  majeure  était  une  tasse  de  lait,  la 
mineure  un  petit  pain,  et  la  conséquence  un  déjeuner 
social. 

11  est  juste  de  dire  que  cette  cène  avait  lieu  un  de  ces 
derniers  dimanches.  Un  beau  jour  de  printemps  encadi;é 
dans  l'hiver!  Le  ciel  était  bleu,  l'air  était  tiède.  Les 
oiseaux  égrenaient  leurs  éclatantes  ritournelles  qui  se 
mêlaient  aux  cris  joyeux  des  enfants  dans  la  rue.  C'é- 
tait enfin  un  vrai  temps  du  bon...  diable,  selon  l'expres- 
sion chérie  de  riiôle  de  céans. 


A  l/ISACK  l»i;S  C.I'.NS  SKIlll.rX. 


105 


Pour  conilile  de  mallii'iii',  l'ii  I  ne  ilc  son  Siiiai  ,  ili' 
braves  ouvriers  se  disposaienl  ;j;ui'iiieiil  à  |ic>i'l('r  leur 
vœu  dans  l'urne  uléalcire.  Après  (|ii()i  iino  iironienadc' 
en  famille  terniiiieiall,  pniir  eux,  eelte  siileiiiiilé. 

Kt   pas  un    Idasplièine   n'(iiitra;;eail   Dicii!    pas   une 
colère  ne  maudissait  la  Sdcic'ti'  I 
C't'tait  viaiinent  iiilnli'iaide. 

Celte  (jniétude  anti-siu-ialiste  cxasinMait  doiu;  élian- 
gciuent  la  verve  ardenlc  du  célèlire  réloriiialeiir. 

Aussi,  après  iivnir  résolu  sa  pioposilimi  an  lai(,  il 
s'écria  tu  IV.ippaiit  trois  eoiips  de  >in\  jonc  l'oniiiilaijic  ; 
KuuÉKk ! 

A  celle  exclamation  qu'il  |uit  pour  un  éternunient, 
le  disciple  peu  rassasié  répondit  par  un  respectueux  : 
Dieu  vous  bénisse  ! 

Mais,  tout  entier  à  son  ins])iration  ,  le  niailie  n'en- 
tendit pas  cette  odieuse  parole  qui  l'eût  l'ait  bonJir  de 
colère. 

—  Oui,  j'ai  trouvé,  répéta-t-il  en  français  cette 
fois.  Aussi  bien  ,  il  nie  fallait  un  dernier  axiome  ponr 
former  ma  triade.  I^eroux  a  raison.  Toute  théorie  doit 
être  une  et  triple  comme  l'Humanité.  Ce  n'est  pour- 
tant pas  que  Leroux  soit  bien  fort.  Sa  tète  est  une  vraie 
cave  sans  soupirail.  11  dit  qu'il  y  a  quelque  chose  de- 
dans parce  qu'on  n'y  voit  goutte.  Demandez- lui  ,  par 
exemple,  comment  l'Homme  est  toujours  un  et  triple 
à  la  fois;  s'il  comprend,  plus  que  moi,  un  mot  à  ce 
charabia  philosophique,  je  veux  bien  que  Dieu  m'em- 
porte. Ah!  s'il  s'agissait  de  prouver  que  l'Homme  est 
souvent  triplement  ennuyeux,  ce  serait  une  autre  paire 
de  vérités! 

Quelle  différence  entre  les  nuages  de  ses  rêve- 
ries et  le  soleil  de  ma  logique!  Quand  j'ai  dit  p(Mir 
mon  début:  Dieu,  c'est  le  Diable,  qui  donc  n'aurait 
pas  compris'!  A  vrai  dire,  cette  idée  manquait  un  peu 
de  fraîcheur.  Vers  le  troisième  siècle  ,  un  certain  Cu- 
bricus  fut  légèrement  écorché  vif  pour  avoir  prêché 
pareille  drôlerie.  Mais  combien  ne  l'ai-je  pas  rajeunie 
à  force  d'audace  dans  l'absurde,  et  de  mépris  pour  le 
bon  sens  des  hommes! 

Et  vraiment ,  ami ,  continua  le  socialiste  ,  après 
avoir  laissé  souffler  un  moment  son  orgueil,  c'est  là 
tout  le  secret  de  ma  célébrité.  » 

Le  disciple  profita  de  cette  pause  pour  essuyer  ses 
yeux  ccarquillés  qui  pleuraient  d'admiration. 

—  Oui,  reprit  le  maître,  la  sottise  humaine  est 
ainsi  faite.  Jetez  une  pensée  honnête  et  juste  dans  le 
monde,  et  elle  tombera  à  terre  sans  bruit.  I^ancez  au 
contraire  un  sophisme  odieux  ou  ridicule,  et  l'indi- 
gnation des  uns  et  la  bêtise  des  autres  vous  serviront 
aussitôt  de  hérauts.  Vois,  ami,  mon  axiome  sur  la 
propriété.  C'est  un  barbarisme  plus  vieux  que  le  l'ar- 
thcncn.  Du  temps  d'Aristophane,  Athènes  en  riaitdéjà 
à  gorge  chaude.  C'est  enfin  une  invention  rancie  de- 
puis deux  mille  ans.  Et  pourtant  quel  triomphe!  Tu 
l'as  vu  :  rien  ne  lui  a  manqué,  pas  même  la  parodie  ! 


—  C'est  vrai,  balbutia  le  conliibnl,  dont  le  cerveau 
s'eiii humait  d'enthousiasme. 

—  l',h  bien  !  je  vais  augmenter  cette  gloire  par  une 
maxime  plus  audacieuse  encore.  Ma  tiare  se  complé- 
tera par  celle  dernière  couronne.  El,  sur  cette  triade 
de  mon  génie,  la  Société  pourra  s'asseoir  enfin  solide- 
ment comme  une  marmite  sur  un  trépied. 

—  Et  celle  maxime,  ô  grand  penseur"? 

—  .Mouche-toi  d'abord,  dit  avec  bonté  le  socialiste, 
en  voyant  le  dé[)lorable  étal  du  nez  de  son  ami. 

—  C'est  l'ait,  inaitre. 

—  Eh  bien  !  mon  nouvel  axiome,  c'est  : 

lE    PARRICIDE    EST    UNE    VERTD. 

«  Qu'en  dis-tu?  s'exclama  le  moraliste,  en  dessi- 
nant avec  sa  canne  un  délicieux  moulinet  socialiste. 
Vois-tu  quel  effet  produira  cette  sentence  imprimée  en 
grosses  lettres  ?  Entends-tu  d'ici  les  vociférations  des 
bourgeois  qui  prendront  celte  fantaisie  au  sérieux? 
Si  je  ne  passe  pas  du  coup  à  l'état  de  Croquemilaine- 
Olympien,  je  reconnais  une  idée  h  Raspail ,  et  je  jette 
ma  dialectique  aux  Icariens. 

—  0  sublime  révélateur  !  celte  découverte  est  un 
chef  d'œuvre.  Mais,  vu  la  pruderie  de  nos  jours,  ne 
la  trouvez-vous  pas  un  peu  gaillarde? 

—  Enfant,  plus  on  frappe  fort  et  plus  on  fait  de  bruit. 

—  C'est  d'autant  plus  beau,  maître  ,  que  je  vous 
sais,  comme  Figaro,  le  meilleur  fils  du  monde. 

—  C'est  vrai,  et  je  bourre  les  enfants  de  pain  d'é- 
piee.  Mais  qu'importe  ce  que  je  pense,  ami,  pourvu 
que  je  prouve  ? 

—  Et  vous  prouverez  qu'un  bon  lils  doit  tuer  papa 
de  temps  à  autre  ? 

—  Rien  de  plus  simple.  Écoute  et  comprends. 

—  J'aime  mieux  vous  admirer,  loussa  le  disciple. 

—  A  ton  choix.  D'abord  lu  m'accorderas  bien,  n'est- 
ce  pas,  qu'Adam  et  Eve  n'ont  eu  ni  père  ni  mère  ? 

—  Avec  le  plus  grand  plaisir. 

—  Eh  bien  !  privés  d'ascendants  qu'ils  étaient, 
Adam  et  Eve  n'ont  pas  pu  connaître  l'amour  filial. — 
Ceci  est  limpide  comme  eau  de  roche.  —  Car,  en  les 
créant,  pourquoi  la  nature  leur  aurait-elle  donné  un 
sentiment  dont  ils  n'auraient  pas  eu  l'emploi? 

-^  En  effet,  c'eût  été  un  gaspillage. 

—  Tu  as  raison,  ami,  un  pur  gaspillage.  Donc,  suis 
bien  mon  raisonnement.  — .Si  Adam  et  Eve  n'ont  pas 
connu  l'amour  filial;  si  la  nature  n'a  pu  les  doter  de 
ce  sentiment  ;  ledit  sentiment  est  alors  purement  d'in- 
vention humaine  ;  c'est-à-dire  une  violation  flagrante 
des  lois  naturelles  et  primordiales.  Ce  que  je  nommerai 
en  termes  de  philosophie  socialiste,  — une  usure  pré- 
levée par  le  capital  de  l'égoïsme  paternel  sur  l'ignorance 
exploitée  des  enfants.  En  un  mot,  une  superfétation 
anti-naturelle  dont  le  contraire,  par  conséquent,  doit 
être  la  vcrilc  et  la  vertu.  Or,  ceci  reconnu,  je  pose 
ainsi  mon  syllogisme  : 


106 


REVUE  COMIQUE 


MAJKIRE. 

Le  contraire  de  tout  sentiment  naturel  est  un  crime. 

MlNEl'HF. 

Or,  l'amour  filial  n'est  pas  un  sentiment  naturel. 

CONSÉOCENCE. 

Donc,  le,  contraire  de  l'amour  filial  est  une  vertu. 

Et  maintenant,  ami,  —  acheva  le  sophiste  triom- 
phant, —  dis-moi  un  peu  ce  qu'il  y  a  de  plus  opposé  à 
l'amour  filial  que  le  petit  expédient  en  question? 

—  Bénissez  votre  esclave, — hurla  l'apôtre  au  comble 
de  son  coriza.  — Bénissez-le,  maître,  car  si  vos  raison- 
nements sont  un  peu  tirés  par  les  cheveux ,  vous  n'en 
demeurez  pas  moins  le  plus  grand  logicien  du  monde. 

—  Heureux  ceux  qu'on  peut  tirer  par  les  cheveux , 


—  soupira  le  maître  en  jetant  un  regard  mélancolique 
sur  le  miroir  qui  reflétait  sa  calvitie. 

Sur  quoi  le  disciple  se  retira  sufllsamment  héni  et 
complètement  enchifrené. 

—  Ah  !  stupide  espèce  humaine,  —  murmura  le 
sophiste  en  saisissant  sa  plume.  — Ah  !  société,  ma 
mie,  le  scandale  seul  attire  ton  attention.  Eh  bien  ! 
je  vais  t'en  flanquer. 

Et  en  effet,  quand  paraîtra  ce  nouvel  évangile  de 
l'immoralité,  on  entendra  le  troupeau  des  niais  bêler 
en  chœur  : 

—  Voilà  un  terrible  logicien  ! 

Puis,  au  lieu  d'ensevelir  ces  déplorables  perversités 
dans  le  silence  de  leur  dédain ,  les  esprits  honnêtes 
augmenteront  encore  cette  clameur  par  la  maladresse 
de  leur  indignation. 

Alors  le  bruit  sera  fait  et  le  tour  aussi. 


Lorsque  vous  conlemple/.  cel  lionnôle  visage. 
Ce  menton  entouré  d'un  cordon  de  poils  ronx, 
Ce  front  patriarcal,  et  ces  jeux  sans  courroux, 
Vous  croyez,  d'un  bourgeois  voir  la  lidùle  image. 
Cest  un  propriétaire,  un  ancien  conimerrant. 
Dont  les  tonds  sont  placés  en  rentes  cinq  pour  cent. 
Erreur!  ces  trait-benins  sont  ceux  d'un  pamplilélaiio, 
Que  redoute  à  bon  droit  la  gent  propriétaire, 


Car  des  antiques  lois  adversaire  fatal, 

11  lutte  sans  relâche  avec  le  capital, 

Ses  sopliismes  hardis,  parés  de  grandes  phrases. 

De  la  société  démolissent  les  bases, 

Comment  refera-t-il  l'édiDce  écroulé  ? 

On  l'ignore,  et  les  gens  qu'il  charge  d'anathèmes 

Veulent  en  vain  saisir  le  fil  de  ses  systèmes. 

C'est  un  dédale  obscur  dont  lui  seul  a  la  clé. 


A  I.TSACi;  liKS  CKNS  Shil'.l  i;ii\. 


107 


I.KS   I,.\1\11M0NS. 


!,('  i't    il.rcniliro,    (|iirli|ii(w    li;ililt:inl<   de   Pdiilni-^i' 

lurent  il,in->  1rs  jiiiiriiau\  d mIIii  .  k  II  y  mira  rc  soir 

il  Paris  une  illuiuiniiliou  yi'ucraK'.  n 

«  Ma  foi!  sfi  (liront-ils,  si  nous  nous  passions  lu  liu- 
taisic  (l'aller  la  voir?  »  V.l  ils  montèrent  en  wa;,'iiu. 

[.e  soir  venu,  après  avoir  (lin(;  à  la  liAte,  ils  s'eni- 
pressèrenl  de  s'aventurer  dans  les  rues,  pour  jouir  de 
l'i'hlouissant  speetacle  ([ni  leur  était  promis. 

Tout  était  sombre.  Le  lictzar  des  Vui/tu/es  vWd  seul 
éclairé  de  (luehjues  verres  de  couleur;  mais  c'était 
moins  une  manirestation  politi(iue,  ((u'une  ivclaiiic 
commerciale. 

«Peut-être,  pensèrent  les  IVmtoisiens,  est-il  d'usage 


(rallumer  un  peu  [iliis  (lud.  Mlendnns.  »  VA  ils  atten- 
<lirciil.  Mais  les  façades  des  maisons  reslèicnt  noires 
et    mornes  comme  des  lonibeaux. 

Alors  les  l'oiiloisieus  cluuilèieiit  le  cliniii  de  la 
/>iiiiw  IHuiicIk:  : 

Je  n'y  puis  lieii  ciiinpreiulrel 

Ktraii^e  mystère  !  vuil.'i  un  lioinme  ipie  Imil  le  lucpude 
a  nommé,  et  dont  personne  ne    fête   l'avéueinent. 

L'élu  de  six  millions  de  suffrages  ne  voit  pas  six 
lampions  fumer  pour  lui  ! 

On  aura  beau  dire,  ça  n'est  pas  clair. 


POllTlliMT  l'LMTE. 


4.  Or,  il  il  arriva  que,  comme  je  marchais  et  que  j'approchais  de  l'Assemblée 
nationale,  tout  a  coup  une  grande  lumière  venant  du  ciel  resplendit  comme  un 
éclair  à  l'eniour  de  moi. 

5.  Et  je  tombai  sur  la  place  et,  levant  les  yeux  en  l'air,  je  vis  le  petit  chapeau 
qui  rayonnait,  et  je  rayonnais  aussi  de  l'espoir  d'un  petit  ministère  ou  autre 
chose.  l^"*'  -^«'«s  ''c»  Aj'Olres,  cap.  xjcu.) 


Cet  avocat  retors,  l'on  •luiii  l'url  ur.iloire, 
D'argumenls  spécieux  possède  un  réperloire. 
Il  siégeait  à  la  Chambre,  assez  obscurément, 
Quanti  Fc^vrier  brisa  le  trône  héréditaire; 
Et,  bien  qu'il  n'eiUjamai?,  avant  révénemenl. 
D'un  cœur  républicain  montri^  le  dévouement, 
Il  se  douiia  Uii-mènie  un  petit  ministère. 
Et  se  glissa  sans  bruit  dans  le  gouvernement. 


Depuis,  il  a  prouvé  son  humour  ineoiislaiile, 

De  partis  en  partis  incessamment  llottame. 

D'abord,  de  Cavaignac  partisan  déclaré, 

A  tous  les  candidats  il  l'avait  préféré  ; 

Mais,  voyint  l'autre  étoile  à  l'horizon  grandie, 

11  emplit  les  journaux  de  sa  palinodie. 

De  ces  revirements  ne  vous  étonnez  pas. 

L'i  raison  en  est  simple...  Il  descend  de  Judas. 


108 


REVUE  COMIQUE 


LES  JOURNAUX  DEVANT  LE   NOUVEAU  GOUVERNEMENT. 


On  a  changé  le  nom  sur  Taffiche  et  rafraîchi  les  dé- 
cors. Voici  les  acteurs  déjà  en  scène.  Nous  les  avons 
passés  en  revue  déjà.  Les  uns  débutent  dans  remploi  : 

Eub!  Si  fata  aspera  rumpas! 

Les  autres  font  leur  rentrée,  et  nous  sommes  forcés  de 
dire  qu'à  l'exception  des  Romains  du  parterre,  le  pu- 
blic a  fait  une  assez  froide  réception  à  leur  mérite  su- 
ranné. 

Nousn'en  sommes  encore  qu'au  prologue.  Orozmane- 
Barrot  se  fait  attendre;  l'intérêt  languit  quelque  peu 
sur  les  planches.  Regardons  au  parterre  de  la  presse  où 
les  uns  s'impatientent  déjà,  les  autres  crient  et  gesti- 
culent, ou  chacun  prépare  ses  esprits  et  son  visage  pour 
la  circonstance. 

Semblable  au  chœur  de  la  tragédie  grecque,  le  Jour- 
nal des  Débats  se  renferme  dans  le  rôle  de  conseiller 
mélancolique  et  débonnaire  qu'il  a  adopté  depuis  le  24 
février  vis-à-vis  du  pouvoir  :  «L'Expérience,  mère  de  la 
Sagesse,  m'a  appris,  dit-il,  que  l'implacable  Justice 
châtie  les  peuples  qui  foulent  aux  pieds  les  lois,  filles 
du  grand  Jupiter.  Puisse-tu,  ô  mon  fils,  préserver  ta 
maison  des  maux  qui  accablèrent  les  Atrides,  les  frères 
de  Paris  et  la  race  incestueuse  d'CEdipe.  Puissé-je, 
avant  de  descendre  dans  la  sombre  nuit,  ne  pas  voir 
l'industrieuse  patrie  des  Gaulois  bien  bottés,  dévastée 
par  les  barbares  de  la  Colchide,  leur  capitale  opulente 
rasée  et  complantée  de  peupliers  par  le  Scythe  Pierre 
Leroux;  les  femmes  et  les  enfants  à  la  mamelle  trans- 
portés aux  rivages  d'Icarie  d'où  nul  n'est  jamais  re- 
venu !  » 

Mais  ses  confrères  traitent  le  journal  de  la  rue  des 
Prêtres  de  vieillard  poltron  et  rêveur.  Le  Constitu- 
tionnel surtout  ne  partage  pas  ses  craintes,  fruit  d'un 
cerveau  affaibli.  Le  voyez-vous  depuis  quelques  jours, 
ce  ci-devant  beau  de  IS'î"?  Il  a  repris  son  aplomb,  et 
le  voilà  très-ragaillardi.  La  gaieté  lui  revient,  tempérée 
par  cet  air  digne  qui  convient  à  une  position  semi-of- 
ficielle. Foin  des  appréhensions  et  des  alarmes!  Du 
haut  du  ciel,  sa  demeure  dernière,  l'ombre  du  grand 
homme  ne  nous  protége-t-elle  pas?  et  du  haut  de  la 
colonne  aussi?  Après  tant  de  vœux  et  de  déceptions,  le 
Constitutionnel  est  enfin  au  pouvoir  ;  il  entend  que 
tout  le  monde  soit  en  liesse  avec  lui.  Ceux  qui  ne  s'a- 
museront pas,  on  leur  coupera  la  tête. 

Il  ne  parait  pas  que  cette  jubilation  soit  partagée 
entièrement  par  cet  autre  combattant  de  la  veille,  qui, 
mieux  que  le  Constitutionnel  pourtant,  semblerait 
avoir  droit  aux  dépouilles  opimes.  La  Presse,  il  est 
vrai,  déclare  qu'elle  ne  veut  rien  du  pouvoir.  Ambas- 
sades, ministères,  rien  ne  lui  sourit.  Vit-on  jamais  dé- 


sintéressement plus  inattendu?  Mais  voici  bien  une  au- 
tre affaire  :  M.  de  Cirardin,  qui  ne  veut  pas  avoir  à 
conduire  un  ministère  ni  une  administration,  M.  de 
Cirardin  prétend  conduire  la  République  tout  entière. 
La  réformer,  la  refaire  à  sa  façon,  tailler  en  plein  drap 
dans  la  Constitution  et  l'administration.  Avec  un  petit 
bout  de  projet  qu'il  présente,  on  aura  bientôt  organisé 
la  France  par  doit  et  avoir,  comme  une  caisse  de  négo- 
ciant. Recettes,  dépenses,  voilà  tout  ce  dont  se  com- 
pose le  mécanisme  d'un  gouvernement.  C'est  simple 
comme  bonjour.  M.  Proudhon  n'a  pas  inventé  autre 
chose  avec  sa  banque  d'échange.  Maintenant,  si  le 
nouveau  président  refuse  d'appliquer  le  plan  que  lui 
apporte  le  rédacteur  de  la  Presse,  M.  de  Cirardin  le 
désintéressé,  M.  de  Cirardin,  le  Spartiate,  lui  retirera 
son  concours.  On  sait  ce  que  ce  mot-là  signifie.  Qui- 
conque n'a  pas  le  concours  de  M.  de  Cirardin,  est 
traîné  par  lui  sur  la  claie. 

De  leur  côlé,  les  légitimistes  ne  dissimulent  plus  les 
espérances  que  leur  apporte  le  vote  du  10  décembre. 
«  Ce  n'est  plus  qu'une  alfaire  de  temps,  »  disent-ils  à 
mots  plus  ou  moins  couverts.  Ils  sont  trois  d'humeur 
et  de  langage  différents  en  raison  de  leur  nature  et  de 
leur  âge,  mais  au  fond  ejusdem  fnrinœ  :  l'Cnion  ex- 
quotidienne, vieille  douairière  prudente,  qui  a  vu  les 
mauvais  jours  et  s'en  souvient  ;  l'Opinion  publique, 
blanche,  fougueuse,  héritière  en  droite  ligne  des  reve- 
nants de  1816,  et  la  Gazette  enfin,  celte  fantasque 
étoile  qui  vécut  pendant  dix-huit  ans  sur  ce  thème  du 
suffrage  universel  si  heureusement  appliqué  aujour- 
d'hui, lien  perdrait  la  tète,  si  ce  n'était  déjà  fait,  ce 
cher  abbé  !  il  se  permet  même  à  cet  endroit  des  excen- 
tricités que  son  état  peut  seul  faire  excuser.  Sa  mé- 
moire, trop  nourrie  de  Montesquieu  et  de  Tacite,  lui 
donne  le  change  sur  la  réalité  d'aujourd'hui.  Ignorant 
que  nous  sommes  en  République,  M.  l'abbé  se  pros- 
terne devant  la  royauté  appuyée  sur  le  double  suffrage 
qu'il  prôna  pendant  si  longtemps,  et  n'entend  rien  des 
voix  furibondes  qui  crient  à  ses  oreilles  que  le  jour  des 
funérailles  de  la  République  sera  un  jour  de  deuil 
pour  un  grand  nombre,  et  ipi'il  pleuvra  des  balles  sur 
sa  tombe. 

C'est  la  Iléfortne  qui  gronde  ces  menaces,  et  elle 
n'est  pas  la  seule.  Avec  elle  la  Démocratie  pacifique, 
(pacifique!  que  vous  en  semble?)  et  la  Révolution  dé- 
niocratique  et  sociale,  et  le  Peuple,  exhalent  leur  fu- 
reur sur  un  ton  à  peu  jirès  unanime.  Peut-être,  an 
fond,  n'ont-ils  pas  tout  à  fait  tort.  —  Mais,  messieurs, 
au  lieu  de  gronder  et  de  menacer,  que  n'avez-vous  su 
faire  un  peu  mieux  nos  affaires,  quand  vous  les  aviez 
en  main,  alors  que  vous  étiez  les  maîtres?  Avez-vous 


A  LUSAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


<09 


bonne  gnlcc  aujourd'hui  à  crier  contre  la  réaction  qui 
est  votre  ouvragi-? 

Exagération  lic  [i.ut  it  il'aiilii'  ot  ou  sons  tonlrairos. 
Toi  est  riHornel  bilan  do  i'o|iinioti  ot  do  la  prosso.  Uuo 
si,  au  milieu,  se  trouve  quelque  bonuole  fouille  vou- 


lant se  maintenir  dans  les  borne*  de  la  justice  et  de 
l'impartialité,  chacun  de  lui  rire  au  nez  insolemment, 
(i'esl  ce  que  la  réaction  fait  au  Siècle ,  c'est  ce  que  la 
IU'|)ubli(|ue  fait  au  iSuliounl. 
Soyez  donc  modéré.  ! 


TKSTAMENT    IMU.lTKjl  K   1)1     SIKI  lî    i:\III. i:   I)i:   (illiAl'.DiN 


COK:>i:ilS    A    M.    LUITS    BON.ll'AIlTK,     l'Ol  II    KAUIE    SlITE    Ai:    LIVllE    DE    MACIIUVEL 


IVinio, 

Kn  partant  pour  IaKussioavec  lo  titre  de  votre  am- 
bassadeur extraordinaire,  j'é|)rouve  le  besoin  de  vous 
communiquer  mes  dernières  rolloxions. 

Ce  petit  écrit  que  vous  avez  en  ce  moment  sous  les 
yeux  est  un  véritable  talisman  ijui  doit  vous  tirer  de 
tous  les  embarras  dont  un  gouvonionient  peut  être  en- 
touré. Mettez- le  soiis  votre  oreiller  la  nuit,  et  portez-le 
dans  votre  poche  le  jour;  il  est  nécessaire  que  vous 
puissiez  à  tout  moment  le  consulter. 

1°— Entourez-vous  d'hommes  forts,  éprouvés  dans  les 
luttes  |>oliliques.  Je  vous  roconimando  particulièrement 
le  colonel  Bonnelier  :  mettez- le  où  vous  voudrez,  il  ne 
sera  déplacé  nulle  part  ;  (juant  au  générai  Odilon  Bar- 
rot,  mon  opinion  est  qu'il  faudrait  le  mettre  à  la  demi- 
solde.  Pour  ce  qui  est  des  choux  et  navets  qu'on  a  de- 
puis longtemps  l'habitude  de  semer  en  octobre,  quoi- 
que à  mon  avis  lo  mois  de  novembre  soit  plus  favorable 
pour  cette  opération,  il  serait  peut-être  imprudent  de 
contrarier  sur  ce  point  le  préjugé  populaire;  n'y  tou- 
chez pas  avant  d'être  bieivsùrde  votre  force. 

■2° — J'en  dirai  autant  des  radis  roses,  que  je  crois  de. 
voir  se  semer  en  tout  temps,  contrairement  à  l'opinion 
reçue;  mais  ceci  se  rattache  à  un  système  complot  sur 

l'agriculture,  que  j'exposerai   en    temps   ot   lieu.  

Biiire  frais,  avoir  confiance  en  Dieu  et  éviter  l'outrée  de 
M.Crémieux  au  ministère. 

3° — Il  serait  d'une  politiquehabile  do  pereuaderaux 
Français  que  tous  ceux  qui  naîtront  sous  votre  gouver- 
nement seront  doux,  chastes,  tempérants,  pleins  de 
grandeur  d'àme  et  de  bravoure.  Parla  il  se  ferait  beau- 
coup plus  de  mariages,  et  le  mariage,  c'est  la  force  des 
Etats.  —  Quand  les  tragédies  vont  deux  à  deux,  l'a'^ri- 
culture  en  va  mieux.  Semer  du  froment  en  janvier, 
c'est  vouloir  récolter  des  cailloux  en  juillet.  Respecter 
ses  père  et  mère. 

-4° — Il  serait  d'une  politique  habile  de  persuader 
aux  Français  que  tous  ceux  qui  naîtront  sous  un 
autre  gouvernement  que  le  vôtre  seront  violents, 
injustes,  de  mauvaise  foi  et  amis  de  l'arbitraire. 
>ous  parviendiioz  peut-être  par  ce  moyen  à  vous 
faire  nommer  président  perpétuel.  —  Mettre  des 
éperons  pour  monter  à  cheval  et  se  tenir  les  pieds 


chauds  on  tout  temps.  No  jamais  jurer  lo  imm  ,k'  l)icu 
en  vain. 

o»— Qui  donne  ce  qu'il  a,  donne  autant  qu'un  autre, 
et  l'on  ne  peut  tirer  d'un  sac  que  ce  que  l'on  y  a  mis. 
I.e  moineau  à  la  main  vaut  mieux  que  la  grue  qui  vole; 
un  bon  tiens  vaut  mieux  que  deux  tu  l'auras;  et,  com- 
me dit  cet  autre,  toujours  pèolie  qui  en  prend  un.  Qui 
a  fait  lundi  a  fait  mardi  ;  si  tu  éternues  n'attends  pas 
qu'un  autre  te  dise:  Dieu  vous  bénisse  !  Et  quand  la 
sauce  est  finie,  lèche  le  plat.  Ces  maximes,  résultat 
des  méditations  de  toute  ma  vio,  sont  la  quintessence 
de  la  sagesse. 

C"— En  fait  d'industrie,  ce  qu'il  y  a  de  plus  pressant, 
c'est  de  faire  remplir  de  charbon  les  mines  de  Saint- 
Bérain  ;  cent  mille  ouvriers  y  trouveraient  de  l'occupa- 
tion ;  cent  mille  autres  seraient  employés  à  extraire  le 
charbon  apporté  par  les  premiers;  il  y  aurait  donc  là 
du  travail  assuré  à  deux  cent  mille  ouvriers.  Souve- 
nez-vous de  ce  conseil.  Le  gouvernement  provisoire 
aurait  bien  mérité  de  la  patrie  si,  au  lieu  de  s'aban- 
donner à  la  ruineuse  folie  des  ateliers  nationaux,  il  eût 
adopté  ce  projet  que  je  lui  recommandais  cliaque  ma- 
lin dans  la  Presse.  —  Quand  les  fonds  baissent  à  la 
Bourse,  c'est  signe  que  la  confiance  se  perd.  Alexandre 
le  Grand  disait  à  son  précepteur  :  —  Vous  êtes  plus 
que  mon  père,  car  celui-ci  ne  m'avait  donné  que  la 
vie,  et  c'est  vous  qui  m'avez  fait  homme.  —  Chômer 
les  fêtes  et  dimanches. 

7" — Faites  des  motsleplus  possible,  sans  toutefoisen 
abuser.  Votre  oncle  Napoléon  en  a  fait  de  sublimes. 
Si  vous  avez  besoin  de  quelqu'un  qui  vous  les  prépare, 
prenez  Bonnelier.  — A  la  Saint-Remy,  tous  les  per- 
dreaux sont  perdrix;  à  la  Saint-Barnabe,  le  printemps 
a  commencé.  —  Honorer  les  saints! 

Telles  sont,  prince,  les  principales  recommandations 
que  ma  fidélité  me  fait  un  devoir  de  vous  adresser  au 
moment  de  monter  en  chaise  de  poste.  Je  les  ai  rédi- 
gées rapidement;  je  n'ai  pu  y  glisser  qu'une  anecdote, 
le  temps  pressait,  et  c'est  ce  qui  m'a  empêché  égale- 
ment d'y  faire  entrer  quebjues  prédictions  météorolo- 
giques, des  centuries  nouvelles  et  plusieurs  recettes 
utiles.  Au  surplus,  je  n'ai  fait  que  résumer  l'almanach 
de  Liège  et  la  collection  de  la  Presse,  à  quoi  je  vous 
conseille  de  recourir  dans  les  moments  difficiles. 


ilO 


REVUE  COMIQUE 


—  Ce  qu'on  redoute  le  plus  pourle  nouveau  ministère, 
c'est  qu'il  se  trouve  dans  son  sein  deux  ou  trois  uicni- 
bres  dont  le  caractère  est  si  difficile,  qu'il  y  a  beaucoup 
de  chances  pour  qu'ils  ne  puissent  rester  d'accord.  — 
Tant  mieux,  aurait  répondu  le  président  de  la  Répu- 
blique à  l'observation  qu'on  lui  en  faisait;  je  n'y  serai 
pour  rien,  et  leurs  querelles  m'aideront  à  donner  au 
cabinet  l'unité  qui  lui  manque. 

—  On  raconte  que  l'ambassade  d'Espagne  aurait  été 
offerte  à  M.  Mole.—  Je  ne  puis  accepter,  aurait  répondu 
M.  Mole,  avec  cette  politesse  qui  le  distingue  ;  j'ai  re- 
fusé cette  même  ambassade  il  y  a  ^29  ans,  —  et  c'était 
un  ami  qui  me  l'offrait. 

_  La  Presse,  qui  a  tant  fait  pour  rélection  du  prési- 
dent, commence  actuellement  à  le  dénigrer.  Après  l'a- 
voir représenté  comme  un  sauveur,  elle  essaye  déjà  de 
le  perdre  dans  l'opinion  publique.  «  Ha,  dit-elle,  les 
mêmes  sentiments  que  nous;  nous  avons  les  mêmes 
sentiments  que  lui.  » 

Voilà  donc  le  président  rangé,  par  une  seule  phrase, 
dans  la  catégorie  des  Cleemann,  des  Boutmy,  etc. 

Le  voilà  d'abord  complice  de  toutes  les  fangeuses 
calomnies  dont  on  a  essayé  de  salir  le  dernier  chef  du 
pouvoir  exécutif.  Louis  Bonaparte  et  Girardin  sont,  s'il 
faut  s'en  rapporter  à /a  Pmse,  en  parfaite  communion 
d'idées.  Ils  sont  faits  pour  se  comprendre  et  s'estimer. 
Agréable  compliment  ! 


=  de  la  pr 


RESTAURATION   DE  CLICUY. 


L'Assemblée  nationale  vient  de  rétablir  la  contrainte 
par  corps.  L'honorable  corporation  des  gardes  du  com- 
merce va  renaître  de  ses  cendres.  Place  au  phénix  de 
la  signilicalion  et  du  protêt  ! 

La  révolution  de  Février  avait  fait  un  atelier  de  la 
maison  de  détention  de  Clichy  :  la  voilà  rendue  à  son 
ancienne  destination.  Réparez  les  serrures,  grillez  les 
fenêtres,  forgez  de  nouvelles  clefs,  renforcez  le  nombre 
des  gardiens,  les  nôtres  seront  nombreux  ,  car  la  mi- 


sère est  grande.  Le  citoyen  Schylock  ne  pouvait  plus 
continuer  son  honorable  industrie  :  la  société  lui  de- 
vait des  garanties,  la  société  lui  restitue  le  droit  d'in- 


carcération.  Criez  donc  vive  la  République  !  citoyen 
Schylock. 

Les  vaudevillistes  ont  f.iit  de  Clichy  une  espèce  de 
paradis  terrestre,  un  séjour  enchanteur  où  la  vie  s'é- 
coule dans  de  longs  festins,  au  milieu  des  éclats  de  rire 
de  vingt  femmes  charmantes,  aux  détonations  de  l'Aï 
pétillant.  Hélas!  la  race  des  dissipateurs  joyeux  s'est 
éteinte;  les  fils  de  famille  se  ruinent  au  lansquenet  et 
ne  font  plus  de  lettres  de  change. 

Et  puis,  la  pruderie  philanthropique  de  nos  jours 
s'est  effarouchée  des  joyeux  ébats  des  détenus  de  l'an- 
cienne Sainte-Pélagie.  11  y  a  longtemps  que  Clichy 
était  une  prison  tempérée  par  une  charte  constitution- 
nelle, mais  enlin  une  prison.  Les  philanthropes  ont 
voulu  moraliser  la  dette  ;  et,  au  moment  où  la  révolu- 
tion de  Février  a  éclaté,  on  allait  proposer  d'imposer 
le  travail  aux  détenus.  Vous  figurez-vous  l'enfant  pro- 
digue travaillant  à  des  chaussons  de  lisière? 

La  philauthropieavait  exiléde  Clichy  le  vin  de  Cham- 
pagne; le  punch  était  mis  à  l'index.  (Plus  de  Champa- 
gne ni  de  punch  !)  Aussi  les  riches  banquiers,  les  in- 
dustriels fameux,  lesOuvrard  de  nos  jours  préféraient- 
ils,  à  l'heure  des  revers,  le  séjour  de  liruxclles  à  celui 
de  Clichy. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


111 


De  petits  commerçants,  Ans  éditeurs  ruinés,  de  pau- 
vres gens  de  li'llres,  (im-Kiiios  urlisles,  l'oriiient  le  per- 
sonnel ordinaire  de  l'élaliiisseinent.  On  y  trouve  des 
fruitiers,  des  commissionnaires,  des  porteurs  d'ean.  Ils 
ont  deux  seaux  et  un  tonneau:  ne  sont-ils  pas  négo- 
ciants? 

Allez  visiter  (llicliy,  disions-nous  à  ceux  ijiii  nous 
chantaient  sur  ce  séjour  dos  cou|)lels  de  vaudeville. 

La  misère,  l'ahallenient,  l'eniini  régnent  à  Clicliy 
comme  dans  toutes  les  antres  prisons,  ("est  à  peine  si 
quelques  ligures  essayent  de  grimacer  la  gaieté.  Pau- 
vres prisonniers!  Les  uns  sont  les  uniques  soutiens 
d'une  famille  nombreuse,  les  autres  ont  été  arrachés 
à  leui-s  affaires  qu'ils  commençaient  à  relever;  tous  re- 
grettent quelque  chose  ;  l'ennui,  l'oisiveté,  les  soucis 
du  dehors  et  du  dedans  les  consument.  Ils  souffrent 
par  tous  les  colés  à  la  fois. 

L'été,  du  moins,  les  prisonniers  ont  la  jouissance 
d'un  jardin  cultivé  et  entretenu  par  leurs  soins.  Si  l'a- 
milié  est  souvent  oublieuse,  si  l'amour  a  encore  moins 
de  mémoire  que  l'amitié,  la  famille  reste  au  détenu. 
Le  père  peut  entendre  les  cris  joyeux  de  ses  enfants 
jouant  sous  la  charmille.  La  femme  apporte  sa  brode- 
rie, et  travaille  à  l'ombre  des  acacias.  Ceux  qui  n'ont 
pas  de  famille  se  consolent  avec  les  fleurs.  Mais  l'hiver 
arrive,  adieu  tous  ces  plaisirs  !  Par  la  pluie,  par  la 
neige,  les  courses  deviennent  difficiles;  on  n'a  pas  les 
moyens  de  prendre  une  voiture  ;  les  petits  enfants  tom- 
bent malades,  la  femme  n'a  pas  de  robe  :  les  visites  de- 
viennent plus  rares.  On  s'écrit,  triste  consolation!  11 
faut  se  renfermer  dans  sa  cellule,  ou  arpenter  de  long 
en  large  une  étroite  galerie,  au  milieu  d'une  atmos- 
phère épaisse  d'haleines  humaines,  de  calorifère  et  de 
tabac. 

Cela  n'empêchera  pas  les  vaudevillistes  et  les  ro- 
manciers de  continuer   la   tradition.    Clichy-Paphos, 


Clicliy-Cytlière,  (îlichy  de  Cocagne  !  Puissent-ils  eux- 
mêmes  ne  jamais  voir  le  vrai  <!licliy! 

Le  vrai  Clicliy  est  un  séjour  lugubre,  im  purgatoire 
anticipé,  une  antichambre  de  l'enfer. 

Et  pourtant,  sa  résurrection  a  causé  des  transports 
de  joie  :  les  reenrs,  que  le  Gouvernement  provisoire 
avait  admis  à  faire  valoir  leurs  droits  à  la  retraite,  en- 
tonnent un  hymne  de  reconnaissance  en  rhonneur  de 
la  Législature. 

Ils  rêvent  de  nouvelles  captures;  ils  brûlent  de  se 
signaler  par  des  exploits  ;  ils  reconstituent  leur  troupe 
dispersée,  et  cherchent  de  tontes  parts  les  individus 
il'assez  mauvaise  mine  pour  ne  pas  déparer  leur  con- 
frérie. 

Des  physionomies,  que  la  police  elle-même  repous- 
sait comme  trop  coniprumettaïUes,  vont  liouver  à  s"u- 
liliser. 

Malheur  aux  débiteurs!  Leurs  ennemis  sont  dt-bout, 
pleins  d'crdeur,  restaurés  par  le  repos,  allâmes  par  un 
long  jeûne.  La  bande  des  eiiipuigneurs,  prête  à  entrer 
en  campagne,  répète  des  chants  pareils  à  ceux  que  les 
sauvages  psalmodient  autour  de  leurs  victimes. 

Vive  Clichy!  s'écrient-ils;  Clichy  for  ever!  comme 
(lisent  les  .\nglais.  Il  n'est  pas  hors  de  propos  de  citer 
les  Anglais  en  celle  circonstance. 

L'n  banquet,  peu  démocratique  et  encore  moins  so- 
cial, se  prépare  pour  fêler  la  réouverture  An  la  dette. 
Il  réunira,  dans  une  manifestation  solennelle,  tous  les 
juifs,  usuriers,  huissiers,  gardes  du  commerce  de  Paris 
et  de  la  banlieue. 

Les  frais  seront  j)rélevés  sur  le  prix  des  futures  ex- 
péditions. 

D'ici  à  lin  mois,  Clichy  sera  repeuplé  ;  ses  cellules, 
qui  sentaient  le  renferme,  se  rouvriront;  la  contre-ré- 
volution y  sera  complètement  opérée. 

Puisse-t-il  n'en  être  pas  de  même  partout  ailleurs! 


-^ 


112. 


Du  nouveau  prosiJenl  dévoué  feudalaire, 
Girardin  aux  lionneurs  espérait  parvenir. 
Vous  le  voyez  ici  dans  le  seul   minùlere 
Qu'il  puisse  jamais  obU'uir. 


Dessiné  pjt  Fabriizius 


Giavé  par  Ball*nt. 


Bill'LEVARD    DES  ITAl.ICNS. 


AL.MiWArii  DK  1.1  nr.viF.  coulait:. 

iiirsrui    p.\a  nauah» 


RIE  mcnriiEii,  '.j'i 


ff  ■'!35^ISuÎ^K55^^ 


Ions  de  la  Soascripdon.  —  La  Revue  comiqce  formera  un  ning.nfiiiue  volume,  grand  in-8,  publié  en  30  livraisons   à  30  centime 
poste,  40  ce:ilime~    —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco]  à  M.  Libeui,  au  bureau  de  la  Retoe,  2,  boulevard  d 

DumiNxaAT,  cDiTKim,  SI,  atr»  aioBsixxv.  ge  Utraison. 


me*, 
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LE   CALENDRIER. 


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„„,„._r.nu,l,c.l.narier.n'..pl;q..cpo,.  d         l«q^       ^^^  ^^^^.^^^  ^,, 

moîl  wr  clvilVres,  I»  mot  alcndncr  u'«  pas  de  sons,  —  il  r«iidrait  ^"f ,°"'"'°''" 
Zr  Z^  >™o  .w.n..ian  ex.c.e.- C'est  d'ailleurs  U  lo  ...ot  <,„»  eho.sU  la  Con- 
«,  ioro.,u'enrr.™p,».a  le  ealendner  .«.orie.  par  l'a..ua,re  ,,;,  da  u 
«  septembre  179Î  et  ,ee„t  jus,,,'.,.  1"  janvier  1806,  ,o«r  où  Qmt  1  v.e  r,  pu 
blicaine  et  où  l'on  reprit  l'ancien  stylo. 

„i.,.  ,„.»  ee  mot  d'annuaire  républicain,  le,  «^^-^^ -^  ^  '':l;:;:^tT:, 
rire.  De  «inellc  bouffonnerie  nous  parlerons,  d  sent  ils.  ucau 
l'on  ne  ponvail  rencontrer  son  patron  qi^  1.  condition  de  s'appe  er  Rave  _  N  vo 
-Charrue,  ou  de  quelque  prénom  semblable!  V.l  l'apparence  dn  ■■"';"''»  ,^'""' 
le  change  sur  cet  annuaire  de  la  Conv.nlion,  qui  fut  tout  ,imp  emen  le  m  Ueui, 
t  plus  vrai,  le  pins  utile  et  en  même  temps  le  plu,  poétique  des  caleudrie  ,. 

L  Î2  septembre  179Î,  »n  décret  de  la  Convention  nationa  e  proclanja  la    é- 
cbéanee  du  calendrier  .ré=orien  et  le  commencement  ^1""'^  "Tll\u-m. 

de  ce  Sî  septembre  même,  jour  précis  où  le  soleil  arrivait  A    '1'""™      

,„.„e  eu  entrant  dans  le  si,ne  de  la  Balance  ^  9  Heures  18  minutes  M  seconde 
-la  veille  avait  été  le  dernier  jour  de  la  monarchie.  Les  représentant,  du  peuple 
avaient  nrononcé,  le  H  s,-ptembre,  l'abolition  de  la  royauté. 

ilut  d'abord  cette  llxati'on  du  commencement  de  l'année,  a,ec  le  commence- 
m.„,  d'une  s.aison,  est  pln<  rationnelle  que  le  cboi,  sans  raison  du  1  janvier 
pour  premier  jour  de  la  nMre.  -  C'est  Charles  IX  qui  eut  la  tolaisie  de  fuer  au 
î"  janvier  le  premier  jour  de  l'année,  qui  jusqu'en  KM  avait  commence  i  P  - 
m,e..  -  Maintenant  que  la  longueur  de  l'année  a  été  doteimiuée  par  la  connai  - 
;,„ce  e«cte  du  mouvement  do  la  terre  autour  du  soleil,  et  que  son  commence- 
ment n'est  plus  cTposéà  parcourir  successivement  toutes  les  saisons,  il  y  a  presque 
de  la  barbarie  à  n'en  point  fixer  le  premier  jour  soit  aux  solstices,  soil  aux  cqui- 
„oxos,  l'accordant  ainsi  avec  les  saisons  el  les  signes.  C'est  là  ce  que  la  Con.enl, 
avait  compris.  .       ,     ,  ,. 

-  •      -s  plus  lucide,  de  plus  exact  el  de  plus  simple  que  cel  «unuairc  reniiuina 


L'appellation  des  jours  de  la  semaine grésori.nne  est  ridicule;.  I'«";:"''"'3"'; 
i„„„er  des  noms  auxjours  do ladécade.lescherche  dans  l'économie  mémo  de  on  sjs- 
"""  -,     -,      .    ■    ■      1      i„„  „„  r,;ir.>^sorlir  avec  un  rare  bonheur,  el 

émede  division  si  lucide  el  si  simple,  les  en  railri-ssouir  avei 
es  compose   do  façon  A  établir  une  coi-rolation  numéralive  entre  eux  cl  I  s  qmin 
tiémes  dumois.  Chacun  des  dixjouvs  de  la  décade  prend  un  nom  H"'  1""=  'J^^' 
ure,  et  qui,   pourtant,  conserve   dan,  sa  compos.lion  la  signilication  des  nombre, 

A;ZL  \\  bien  01  e  ce  nom  «cul  du  jour  de  la  décade  indique  le  quantième 
„rdmaiies.SibienqueiOu^om^.^^ul^a^J^^^^.^^^^^^^^^_^^^,^^  ,„al6riel.Eneirol,  le, 

romrdliaràireT's'onl":  primidi.duodi.tridi,  etcetc;  il  est  facile  :>«  -"'F-'i™ 
que  iridi,  par  exemple,  esl  le  5,  le  13  ou  le  Î3  d'un  mois  -  el  "'"»■/"''"'';" 
iôir.  Or  comme  l'o,  sait  toujours  si  le  mois  e,t  !i  ,on  commeneeinen  ,i,on 
m-lieù  «;  à  sa  fin.  chaque  jour  de  la  décade  porte  bien  réellement  avec  lu,  la  date 

■""voTircependanl  queUsl  cet  annuaire  républicain,  qu'il  est  de  mode  i' ^'««J 
si  méprisable  et  tout  h  fait  digne  des  désordre,  et  de  1  isnoranco    '>-™l""° 
ros,  comme  veulcut  bien  dire  le,  sens  trop  instruils  qui  no  savent  pas  encore  que 
la  Convention  a  autant  fait  pour  la  science  que  pour  la  libcrlc.  Si  nou,  avons 


montré  qu 
lifiques  de 


i  soit  iV  la  hautei 


il  calend 

noire   temps,  nous 

France  le  ridicule  esl  ■ 

>.  Qui  le  croirait?  —  di 
pourtant  rien  de  bien  risible,  —  ( 
l'ordonnance  technique  :  on  l'a  tro 
facile  de  Iravcelir  que  de  comprendre.  Le  calend 
festival  du  catholicisme  que  la  règle  de  l'année 


connaissance,  scien- 

réellemcnl  utile. 

■tel  ;  c'est  par  le  ridicule  qu'on  s'est  attaqué 

celle  division  scieulifique  du  temps,  il  n'y  a 

;  .-.-«n  cherché  le  ridicule  ailleurs  que  dan, 

une  admirable  pensée  qu'il  était  plus 

grcçorien  est  plnlOl  le  cercle 

:  sur  le  mouvement  céleste;  — 


qu 


id.ant  13 

Le  calendrier  grégoriei 
sont  plus  qu'un  non-! 
mœurs,  notre  religioi 
la  lune;  —  et  de  raSm 

lancbe.  qui  était  i\  Ro 


s  la  place  du  calcndr 


r  gro; 


!  fait  du  latin  Don 


-elBjo_ 

1  a  gardé  pour  ses  mois  et  se,  jours  des  i 

lens    qui  sont  un  contre-sens  grossier  ave 

,.  -  Ainsi  :  janvier  (le  moi,  de  Janusl;  lundi  (le  jour 

e  de  tous  les  .lulres  mois  et  jours,  sauf  un  seul  jo 

™.^  le  jour  du  soleil,  et  qui,  dans  le  calendrier  grégo- 


rs,  que  l'annuaire 

s  appellations.  I-es 

mouvoments  de  la 

3)jo 


(le  jour  du  Selg 

Dans  l'annuaire    au  contraire,  le,  appellations  ridicules  disparaissent  ;  chaqu 
mois  prend  un  nom  pittoresque,  poétique,  auquel  son  harmonie  imitati.e  et  une  ingé- 
nieuse  etmologie  donnent  une  incroyable  propriété.  -  Septembre  devien^vei 
mi»ire(leraoi3desïcndanges^;  —octobre-brumaire  (lemois  dosbl-umes);     no' 
bre-frimaire   (le  mois  des  froids)  ;  -  puis  les  mois  d'hiver:  décembre,  jau 
février,  font  nivôse,  pluviése,  ventôse  :  —  neige,  pluie,  yent.  —  (Juin  oc  piu     ^ 
pressifque  les  trois  noms  des  mois  du  piintemps:  germinal,  floréal,  piaina 
(sève,  fleur,  prairie,  au  lieu  de  mars,  avril   et  mai.  -  Enfin,  les  noms  des  ti 
mois  de  l'été  sont  encore   plus  heureusement  sonore,  et  indicatifs  peut-être: 
Juin,  juillet  et  août  -  se  ch,ingent  en  messidor,  ll.ermidor,  fructidor  (les  mt 
son,,  le  soleil,  les  fruits). 

Mais  c'est  dan,  la  division  de  l'année,  des  mois  et  des  j< 
l'emporte  sur  le  calendrier,  bien  aulreiucnl  encore  que  dans 
mois  grégoriens  sont  inégaux  enlre  eux,  discordants  avec  le 
lune.  On^se  fatigue  à  chercher  si  un  mois  est  de  23,  S9,  30 

Cette  inégalité  est  un  reste  de  l'ignorance  de,  peuples,  qui,  faisant  leur  a...„„ 
trop  courte,  corrigèrent  grossièrement  leur  calendrier  en  ajoutant  plusieurs  jours 
i  quelques-uns  de  leurs  mois.  Au  .caudale  d'un  siècle  éclairé,  eettefau.se  di- 
yision  de  Pannée  est  conservée  dans  l'almanach  grégorien.  La  sous-division  du 
mois  lui-même  est  pire  encore. 

Pour  l'assimiler  sans  doute  aux  quatre  phases  de  la  lune,  on  a  voulu  partager  le 
mois  en  quatre  parties.  Mais,  faute  de  pouvoir  diviser  29,  30  ou  31  jour,  sans 
traction,  ou  a  établi  la  division  sur  28  et  fait  la  semaine  de 7  jours;  si  bien  que 
le,  quatre  parties  on  semaine,  ne  co-incidenl  plus  avec  la  durée  réelle  au  luoi. 
Celle  sous-di.ision  particuliore  ne  mesure  exaclemenl  m  le  mois,  m  1  année,  m 
les  saisons,  ni  les  lunaisons.  , 

Ces  erreurs  matérielles,  ces  incohérentes  division,  du  temps,  ce,  yestige,  de, 
époque,  de  barbarie  ou  de  superstition,  l'annuaire  républicain  les  rejette. 

C'est  avec  une  haute  raison,  les  certitudcj  de  la  science,  la  propriété  ingénieuse 
des  mol!,  que  la  Convention  a  fait  son  œuvre. 

AdopUnl  la  .ayante  division  de  l'antique  Kgypte,  qui  coupait  1  année  en  l. 
mois  e-iux  el  1.  complétait  avec  5  jour,  épagomène,,  l'annuaire  républicain 
donne  °30  jours  à  chacun  de.  12  mois,  et  leur  surajoute  S  jours  qu,  n  appart.cn- 
n<>nt  i  aucun  moi,  et  qui  achèvenl  de  remplir  le  cycle  annuel. 

Ces  cinq  jours,  qui  terminaient  chaque  année,  étaient  consacré,  â  de.  félo.  pa- 
iriolian...  On  les  appelait  le,  san.-euloll.d...  Pour  maintenir  une  coïncidence 
eiicle  avec  le.  moo.emenl.  célc.le,,  l'année  ordinaire  prenait  ""  -ixiémo  lour 
ipai/omiat  ou  .aM-euloI((d«  .eloi,  que  le  comportait  la  poiilioi 
La  inbdivi.ion  du  moi.  républicain  est  rationnelle  et  eiacle  con 
née.  A  l'impo.sible  parUge  du  moi.  en  quatre  partie,,  Pannuairo 
Ui«e  en  décade.,  appliquant  ain.i  k  la  divi.ion  mensuelle  l'admi 
numération  décimale  qni  «enail  d'être  adopté  en  France. 

Le  nom  de  .emaine  donné  à  l'inexacte  diyi.ion  grégorienne  n  a  point  de  .en,. 
Ce  .impie  mol  de  dcc.dc  défmil  et  explique  la  rigoureuse  diyi.ion  de  l'annuaire, 
qui  .eut  que,  du  premier  an  dernier,  le»  jour,  de  la  décade  el  le.  jour,  de  I  année 
préci.eol  dan»  leur  paralléli.mc  lonlc»  le.  phase,  du  cycle. 


\  chacun  de  ses  jours  un  nom  patronymique  de  saint  est  attaché.  Li 

■inuua  re  d'un  peuple  qui  venait  de  reconnaître  la  liberté  de,  cultes 
:h„i,„er  un  calendrier  purement  civil  au  calendrier  religieux;    dégager 
.1        spirituel,-   les  saints  du  calendrier  grégorien   foreu     répudiés. 
,    :éli;cl!it    Ôe  le  calendrier  étant  une  chose  é  laquelle  tout  le  monde  a 
foreémcnt  recours,  on  pouvait  profiter  delà  fréquence  de  cet  usage  V"' f''" 
ûpèuple  d'uliles'nolions;  que  la  place  ealholiquemenl  "«"P- P-  ';  ^  '  [ 
il  ra  ioiiellement  remplie  par  l'admirable  abrège  d'un  "«l"  .'''™^  |""  l  ";  °, 
ie  rurale.  -  Sous  le  coup  de  celle  inspiration,  la  Convention    q,  on  a  pem, 
oire  aussi  «roee  qu'on  dit,  à  voir  comment  elle  se  préoccupa  de  I  agnculluu 
faire    aimer    les  champs,  et  de  couseiUer  ces  ulilcs  travaux  du  l»'>"u'-=;'' V 
.ont  la  fortune  réelle  des  Liions,   la  Convention,  disons-nous    inronisada 
eolonne  jadis  dédiée  aux  saint  Mathias,  aux  sainte  Cunégonde,  »' «'»  "'   O"'"  ■"" 
Rigoberl,  Palerue,  Runn,  Blandiui.  Loyola,  et  autres  «'■■"•  rrllie  1 
sent  peut-être  en  réalité  l'Évangile  cl  la  religion  moins  que  la  saeiislie, 
.,  richesse,  agricole,  que  la  terre  fécondée  donne  au  labeur  hnniain. 
La  (01     niion  voulue  que  son  .uinuaire  en,eign«  4  ton,  le,  Franc»,,  la  eon- 
ii,,ance  des  objets  de  la  oilture,  des  utiles  productions  de  la  terre,  de,  instru- 
m;™  aratoire,, 'de.  animaux  domes.iques,  la  richesse  du  fermier.  -  K  comine 
livr.riil,\  cotte  fantaisie  de  ramener  par  le  calendrier,  livre  usuel     "J"      ' 
iple  français  i>   l'agriculture,  la   Convention  ne  croyait  pas   faire  une  cl  ose 
oimêm    bigarre,  elle  prit  la  peine  de  disposer,  avec  un  ordre  admirable  et 
2  pratique  qui  lui  foui  honneur,  le.  nom.  des  6™""';»';"'°''  "^:    ' 
.,,  fleurs,   fruits,  piaules,  etc.,  de  façon  que  chaque    prodoc Uon  «  ™-  '- 
:,  il  sa   place  el  au  quantième  où  l'homme  doitraltendre  de  la  na- 


nléres- 


luri 


jnsi  que  les  légume,  et  le,  bSloi  furent 
8  la  Convention,  qui  joignirent,  comme  i 


lis  eu  place  de,  saints  par  ces 
1  le  dit  avec  complaisance,  le 


1  de  l'équinoxe. 
ime  celle  de  l'an- 
suliatitue  le  par- 
rable  syslème  de 


Et  C'est 
barbares  , 

^'f  l:;nul1i::lnce,  la.„b,titution  vous  .emble-l-elle  '""i"""»-'^^ 
,„e,  et  l'idée  prële-t-elle  i  rire  1  Croyez-vous  qu'il  .o,l  encore  '•  «"  »P  "'"    "l 
coûter  le.  bous  plaisant,  qui  aff,rn,ent  que  la  Convention  ,i  poiis,   la  '  """'«    j, 
,,,1'J  vouloir  .affubler  le,  Français  de   prénom.  »'"P'''«' :' T..  "'" '"' ,:"' ,f  ' 
jardin  de  l'annuaire  ont  été  simplemeul  introduits  dan,  le  but  naît  ,1e  '""-"'^'" 
miler  l'homme  ,^  la  bêle  et  .  la  nalure  inerte  ,^  l'aide  d'une  P.»'-"?"-; ''^f^-,  ;.   "J^ 
La  calomnie  a  fait  son  chemin  cependant;  le  cierge  qui,  en  1806,  soll.c, la  et 
obUnlTe  rZlisseuien.  de  l'ancien  style,  ne  ,e  fll  pa,  faute  de  la  propager        y 
réellement,  »  l'heure  qu'il  e.t,  trés-peu  de  gensqu,  n'aient  I  "P  "  »" '«  P  "'  f"';^' 
de  cel  annuaire  républicain,  q,ie  nou.  yeuon.  de  reliab, .  1er,  =''"«;;•   '';^;; 
Na.,,  et  Pioeli.  .ont  toujour.  le  texte  do  la  méuie  gaieté  1  -  On  b  ■■«'«;;    ^'^ 
avec  celte  bonne  plai.anlerie;  -  nou.  cpéron,  cependant  que  no,  Ufeue.  p. 
ront  faire  changer  quelqui 


e  cèle. 


La  Contention  pensait  que  l'on  ne  fait 
daud,  de,  prénoms  ii  choisir;  elle  n'avait 
raonclalure  instructive  do  l'annuaire  pour 

Mai,  admetton,  que  certain,  patriote, 
prénoms  comme  on  eu  trouvait  dan,  l'ar 
TMmyU.  Sylvie  P.n.M,  ou  mémo  Itaii 


bien. 


p.,o  .... .-- --   pour  donner  aux  b;,- 

!Crte,  pas  prévu  qu'on  prendrait  la  no- 
me série  de  patron!  de  son  invention, 
je  .oient  avisés  d'aller  chercher  lii  de, 
^icu  calendrier,  est-ce  que  les  .Sabine, 
et  Pioolie  de  l'annuaire  ne  valaient  pas 
du  ca- 


i  do.  ge 


■pire  aux  prc.sc.  mécanique  de  La 


iphoniect  poésie,  le»  Cloud,  Caiilou,  Panerao.  ol  aul 

,     ,  ■         .       ■     s.       p„;=    r.l-ce  il  l'annuaire  qu'il  faut  .'en  prendre 
lendrier  grégorien?  —  Pui.,  c.l-ce  a    aum, ,..c  4 

de  lilu,  ou  moin,  de  goût  lui  ont  emprunte  des  nom.r 

rt  enliu   ,i  l'on  regrellail  l'ancienne  palronymie  catholique,  ne  pouvail-on  pas 
l'ac;ommoderauxd..e,de  l'annuaire,  ^ ^  ^^ Z^^:^':^^'!^ 

"""'•fr'trZltu  ^u'hlnLu  ;  r^Ila^:  ,«'.1  esl..aei:î  .OUI  » 
cependant  ne  saurait  (lupiaiic  ail  uu»  wiu"   \ 

"C'r;r:::rd— :;::.:'r::::r;;ur  faire  quoique  piai.ir  peu, 

.:T:e:xdLo.  co„ci.,e„.  qui  datent  d^l'è.r,.ib^.ne^^3^^^ 
avoir  leur,  patron,  dan,  l'annuaire,  nou»   aveu,  mil,  lu  cg 
IS'iO,  l'annuaire  républicain.  —  One 
rcllcment,  la  différence  de.  deux  style, 

R&MVB  rtCu^ip.  >ue  DamiellOf  2. 


tout  à  fait  ainsi,  el  prc.que  uotii.  ■ 
Aon.  LIREUX. 


n^ 


ALIANACH  RÉPUBLICAm  POUR  1849,  CONFORME  AD  DÉCRET  DE  LA  CONVENTION 


JAN 
Ce  mois  est  d'onlioaire  insignifiant.  Son  nom  vient  du  latin 
janua,  porte,  et  januarius  oujanilor,  portier.  Janvier  ouvre 
eu  effet  l'année,  il  ouvre  la  porte  aux  mois  qui  le  suivent.  Ce 
mois  est  insignifiant,  en  ce  sens  qu'il  n'a  jamais  vu  et  qu'il  ne 
verra  jamais  s'accomplir  de  grands  événements;  les  cœurs, 
touchés  par  les  élrennes  remues,  restent  trente  et  un  jours 
dans  l'attendrissement,  état  bleu  doux,  mais  qui  enlève  à 
l'homme  son  énergie  et  le  rend  impropre  aux  grandes  choses. 
On  peut  dire  qu'en  général  un  mois  ne  se  doute  guère  de 
ce  que  fera  te  mois  suivant;  ainsi.  Janvier  de  1848  était  loin 
de  compter  sur  le  Février  qui  l'a  suivi,  ce  qui  prouve  combien 
l'homme  est  insensé  de  vouloir  pénétrer  les  mystères  de  l'avenir. 
Le  mois  de  janvier  est  propice  aux  mariages,  à  cause  des 
relations  de  société  qui  s'établissent  au  sujet  des  étrennes  et 
du  gâteau  des  rois.  —  On  verra  un  mauvais  plaisant  à  qui  la 
fè?e  sera  échue,  l'avaler  adroitement  pour  s'éviter  les  frais  de 
trois  bouteilles  de  cidre  qu'eu  qualité  de  roi  il  aurait  dû  offrir 
à  la  compagnie  :  vil  exemple  de  gloutonnerie  et  en  même  temps 
d'avarice!  C'est  aussi  durant  le  mois  de  janvier  qu'il  se  donne 
le  plus  de  coups  de  canifs  aux  contrats  de  mariage.  —  Fem- 


VIER. 

mes,  soyez  fidèles  à  vos  époux;  époux,  ne  trompez  pas  vos  fem- 
mes! Une  loi  fort  sage  condamnait  autrefois  les  époux  adultè- 
res à  avoir  le  nez  coupé.  — Si  cette  loi  était  encore  en  vigueur, 

disait  un  railleur,  que  de  gens  on  rencontrerait  sans  nez  !  

Evitez  la  médisance  en  vos  propos. 

Le  président  de  la  République  donnera  des  fêtes  brillantes. 
Un  vieux  général,  admis  à  ces  réunions ,  avalera  de  joie  sa 
culotte  de  peau,  et  paraîtra  dans  un  état  peu  décent  aux  veux 
des  dames.  Grande  rumeur  à  ce  sujet. 

Plusieurs  promotions  auront  lieu.  Le  général  Cbann-arnier, 
déjà  investi  du  commandement  de  la  garde  nationale,  de  la 
garde  mobile  et  de  la  1'°  division  militaire,  aura  encore 
sous  ses  ordres  les  troupes  des  départements,  tous  nos  bâtiments 
de  guerre  et  les  garnisons  des  colonies.  Le  soleil  ne  se  couchera 
plus  sur  ses  ordres  du  jour. 

Foire  aux  places  établie  chez  M.  Odilon  Barrot. 

Guerre  des  paysans  et  des  percepteurs. 

Le  nez  des  légitimistes  s'allongera. 

M.  de  Girardin  fera  plusieurs  voyages  en  Angleterre,  ainsi 
que  l'ami  Gilles. 


Mois  consacré  à  la  fièvre.  Trop  souvenl  les  fièvres  amènent 
les  révolutions.  ,    , 

Les  cœuis  qu'avaient  touchés  les  élrennes  ilu  mois  iirece- 
dent  ont  eu  le  temps  d'oublier  toute  reconnaissance  ;  ils  se 
sont  endurcis  de  nouveau,  et  se  montrent  capables  des  plus 
noirs  forfails.  On  voit  l'ami  trahir  l'ami,  le  fils  méconna.lre 
l'autorité  paternelle,  et  l'oncle  déshériter  le  neveu. 

Des  fêtes  de  plus  eu  pins  brillantes  attireront  beaucoup  de 
monde  à  Ibôtel  de  la  présidence.  —  Plaintes  des  voisins  que 
le  bruit  empêche  de  dormir.  —  Le  vieuv  général  qui  avait,  le 
mois  dernier,  avalé  par  mégarde  sa  culotle  de  peau  au  mdieu 
du  bal,  commettra  derechef  la  même  inadvorlauce  ;  mais  un 
juste  e\il  en  sera  la  punition. 

L'invalide  à  la  lête  de  bois  sera  nommé  ministre  de  la  guerre 
.\  la  pLice  du  général  Rulhiêre,  beaucoup  trop  jeune  et  trop 
ingambe  pour  cet  emploi. 

Un  retour  vers  les  modes  et  les  usages  de  1810  se  fera  re- 
marquer aux  fêles  de  la  présidence,  et  passera  de  la  cour  i  la 
ville.  Le  général  Changaniier  remettra  la  gavotte  en  faveur. 

La  Gazelle  de  France  publiera  un  feuillelon  hebdomadaire 
Irès-piquaut  sur  les  mœurs  el  les  usages  parisiens  en  1849. 
i;e  feuillelon  aura  pour  titre  :  Le/(res  d'un  Ermite  de  la 
Chaussée-d'Anlin,  et  on  l'attribuera  à  un  malin  vieillard, 
M.  Sarrans  (jeune 


On  verra  des  .^ens  bien  portants,  et  nés  sous  la  Restaura- 
tion, traîner  la  jambe  en  marchant  et  afiecler  une  démarche 
d'anciens  mililaires.  Quelques-uns  se  mettront  des  jambes  de 
bois.  Fortune  rapide  d'un  ébéniste  qui  excellera  dans  la  labri- 
calion  des  jambes  postiches. 

Un  mauvais  plaisant  saura  persuader  à  la  populatuui  pari- 
sienne que  le  mois  de  février  est,  celle  année,  de  Irenle  el  un 
jours  Mais  quand  les  Parisiens  verront  le  1'^  mars  succéder 
immédiatement  au  28  février,  ils  donneront  la  chasse  au  mys- 
lillcateur,  qui  s'enfuira  à  l'étranger.  —  Rapport  fait  a  1  Aca- 
démie à  ce  sujet.  —  La  mvstificalion  étant  une  des  traditions 
impériales,  un  prix  de  10,000  francs  sera  fondé  pour  l'aiileur 
de  la  meilleure  mvslification  faite  dans  l'année. 

Conlinuation  dJ  la  foire  aux  places  che^  M.  Odilon  Barrot. 
M  Léon  Faucher,  bien  connu  par  son  mauvais  caractère, 
après  s'être  brouillé  avec  tous  ses  collègues,  se  fâchera  avec 
le  président  de  la  République,  Il  perdra  son  portefeuille  vers 
le  quinze  de  ce  mois  ;  ses  collègues,  ivres  de  joie,  s'embrasse- 
ront en  public  à  celte  occasion.  M.  de  Falloux  donnera  huit 
jours  à  tous  les  collégiens  de  Paris  pour  célébrer  un  si  beau 
jour  — Apparition  dugrand  serpent  de  mer  surlescôtesdeNor- 
mandie.  —  Le  théâtre  de  la  Moubnsier  obtient  un  grand  succès 
avec  une  pièce  intitulée  les  dernières  Avenlures  du  duc  Avod 
de  Richelieu. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


117 


[.KNDHIKR    POUR    1819. 
(Scjlo  G..lo..rl»ii.) 
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CALENDRIER  REI'UIII.ICAIN. 

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loi  mur».  L«i»  fleor» 

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MARS. 


On  verra  tous  les  jours  de  vieux  soldats,  crus  morts  depuis 
iSI'i,  reparaître  du  fond  de  la  Sibérie,  et  obtenir  des  pensions 
de  retraite.  Le  nombre  des  gens  qui  embrasseront  cette 
profession  nouvelle  sera  si  considérable ,  que,  pour  éviter 
l'encombrement,  le  ministre  de  la  guerre  mettra  les  places 
au  concours. 

Un  programme  des  conditions  imposées  aux  concurrents  sera 
public  dans  le  Moniteur. 

Les  candidats  devront  particulièrement  fournir  leur  acte  de 
naissance,  constatant  qu'ils  ont  au  moins  seize  ans  accomplis, 
un  certificat  de  vaccine,  et,  s'ils  sont  mineurs,  une  pièce  dû- 
ment légalisée  par  laquelle  leur  parent  ou  tuteur  les  autorise 
à  concourir  pour  le  retour  de  Sibérie. 

Les  traditions  impériales  reprenant  faveur  de  jour  en  jour, 
M.  V.  Hugo  fera  jouer  au  Tliéàtre-Frani;ais  une  tragédie  inti- 
tulée le  Faux  Smerdis.  —  Talma  acceptera  le  principal  rôle. 

Voici  ce  qu'on  lira  dans  les  faits-Paris  des  journaux  : 

«  On  remarque  depuis  quelque  temps,  dans  les  g.aleries  du 
Palais-Uojal,  un  original  avec  des  babits  délabrés  et  une  lon- 
gue barbe,  qui  gesticule  et  déclame  tout  seul  contre  l'injus- 
tice et  l'ingratitude  des  hommes.  Les  curieux  font  cercle  au- 
tour de  ce  misanthrope  qui  possède,  à  ce  ([u'on  assure,  une 
assez  grande  fortune,  et  n'afl'ecte  un  extérieur  misérable  que 
pour  faire  de  l'opposition  au  gouvernement.  Ce  moderne  Gho- 


druc-Duclos  est,  dit-on,  un  nommé  Emile  de  Girardin,  qui 
fit  assez,  de  bruit  dans  son  temps. 

«M.  Odilon  Barrot  ayant  donné  sa  démission  de  ministre,  se 
verra,  en  récompense  de  ses  vertus,  métamorphosé  en  canard 
et  placé  dans  le  grand  bassin  des  Tuileries.  —  Grande  partie 
de  pèche  qui  aura  lieu  à  cette  occasion  dans  ce  même  bassin. 

Grandes  nouvelles  d'Autriche,  à  la  suite  desquelles  M.  de 
Rotbscbild  regrettera  la  république  rouge.  —  Les  vieux  de  la 
vieille  ;  le  colonel  Dumoulin,  les  généraux  Piat  et  Moiitho- 
lon,  etc.,  liis  d'être  méconnus,  lèveront  une  armée  de  vingt- 
cinq  hommes  et  s'empareront  de  la  Colonne.  —  On  les  y  ren- 
fermera avec  leur  armée,  et  on  les  condamnera  à  la  garder  à 
perpétuité. 

L'exposition  de  tableaux  sera  plus  brillante  qu'on  ne  l'avait 
prévu...  On  y  remarquera  des  chefs-d'œuvre  dignes  du  pin- 
ceau des  Cancrcnen,  des  Guérin  et  des  Girodet-Trioson.  — 
Conversion  de  M.  Delacroix,  qui  exposera  une  Danaé  visitée 
par  Jupiter.  M.  J.  Dupré  se  signalera  par  un  grand  paysage 
historique,  représentant  Hippolyte  dévoré  par  un  monstrema- 
rin.  Couture,  chargé  du  portrait  du  président,  le  peindra  en 
Neptune  conjurant  les  Ilots.  —  Le  nommé  Jean  Borgne,  manou- 
vrier,  se  verra  condamné  par  la  cour  d'Amiens  (Somme),  pour 
avoir  tué  sa  mère,  octogénaire,  à  écrire  dix  fois  :  J'admire  E.de 
Girardin.  Jean  Borgne  s'étranglera  pendant  la  iiuit. 


OMBRES    CHINOISES    DE    1848.    MARS. 


Partie. 


Premières  fleurs,  premiers  bouriieons.  Ou  eu  verra  jusque 
sur  le  nez  d'un  muuilionnaire  célèbre. 

La  France,  prospère  et  florissante,  s'occupera  beaucoup  de 
beau\-arls  et  de  llltérature.  L'annonce  suivante  fixera  tous 
les  yeuî  ; 

«  En  vente  cbez  l'éditeur  Pagnerre,  rue  de  Seine,  \i  bis, 
le  cinquantième  volume  de  I'Almasach  des  Mi  ses.  Cet  ou- 
vrage annuel,  véritable  Parnasse  français,  dont  il  avait  fallu 
suspendre  la  publication  à  cause  du  mauvais  goût  littéraire 
des  dernières  années,  a  pu  reparaître  enfin,  grâce  à  la  réac- 
tion salutaire  qui  s'est  opérée  daus  les  esprits.  Le  numéro  eu 
vente  contient  des  épigrammes,  madrigaux,  acrosliclics,  bouts- 
rimés,  bouquets  à  Cliloris,  et  autres  poésies  légères  de  nos  plus 
aimables  poètes,  MM.  Hippolyle  Bonnelier,  Vacquerie,  Pouger- 
ville,Tissot,  Baour-Lormian,  Sarrans  (jeune),  et  mesdames  Del- 
phine de  Girardin,  Ancelot,  Eugénie  Niboyet,  elc,  etc.,  etc. 

«  En  vente  à  la  même  librairie  : 

(i  Le  Temple  de  Terpsychure,  ou  l'Art  de  la  Danse,  poème 
didactique  eu  quatre  chants,  par  M.  Vacquerie.  [Ouvrage 
couronné  par  l'Académie  française.) 

€  Le  Spectacle  de  la  Salure,  poème  descriptif  en  douze 
chauts,  par  M.  Th.  Gautier,  a\cc  une  préface  par  M.  de  Pou- 
gervilte.  (Deuxième  édition.) 

«  Le  Faux  Smerdis,  tragédie  nouvelle,  par  M.  V.  Hugo.  » 


Un  chanteur  fera  la  fortune  de  l'Opéra  avec  la  romance  du 
Point  du  jour. 

M.  X.  Durrieu,  avant  renoncé  à  la  carrière  politique,  dé- 
butera, comme  danseur-mime,  par  le  rôle  de  Télémaque, 
daus  un  nouveau  ballet  de  M.  Garnier-Pagès,  intitulé  l'Ile  de 
Calypso  ;  son  succès  sera  colossal  dans  le  pas  appelé  :  «  Pas  de 
mouchoirs.  » 

Grande  fête,  dite  de  la  Fraternité,  à  la  suite  de  quelques 
mésintelligences  dans  la  population.—  Confiance!  confiance'. 
—  La  plus  grande  franchise  régnera  pendant  quelque  temps 
dans  les  rapports  des  citoyens  entre  eux,  el  jusque  d-.-i  les 
opérations  de  Bourse.  Ce  sera  au  point  que,  laissant  de  co'.é 
les  ruses  et  les  sublerfuges  ordinaires,  on  volera  ouvertement 
des  coupons  de  rentes  et  même  des  foulards.  —  Retour  de  la 
dissimulation. 

Un  agronome  distingué,  par  un  nouveau  procédé  de  cul- 
ture, découvrira  l'art  de  faire  pousser  dans  son  parc  des  fau- 
vettes et  des  rossignols  artificiels.  —  Réveil  de  la  Belle  au 
bois  dormant,  qui  s'était  endormie  au  mois  de  février  1T49. 

Fondation  d'un  phalanstère  aérien  sans  pivot. 

Grande  discussion  des  critiques  sur  le  mérite  respectif  de 
deux  tragédiennes.  —  Le  préfet  de  police  fait  afficher  une  or- 
donnance sur  le  musèlement,  appliqué  à  tous  les  citoyen',  pour 
les  empêcher  de  parler  politique. 


U.UBHliS    CHINOISES    DE    1848, 


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Revanche. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


119 


CALENDRIER  POUR   1849. 

(filvie  Or^B«rl«ii.) 


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Un  vieux  brave  qui  avilit  l'ait  partie  de  rexpéJiliou  de 
Breiiiius  à  Rome,  et  qui  avail  passé  pour  mort  depuis  ce  temps, 
revient  dil  fond  de  l'Italie,  où  il  était  resté  prisonniM-.  On  le 
nomme  ministre  de  la  guerre  à  la  place  de  l'invalide  à  la  tète 
de  bois.  —  Le  temps  vole,  emportant  dans  sa  course  nos  cha- 
grins et  nos  plaisirs. 

Grand  banquet  de  femmes  libres,  où  il  est  décidé  que  le 
mois  de  mai  sera  consacré  doréiiavanl  à  madame  Eugénie  Ni- 
boyel.  —  Le  citoyen  Sarrans  (jeune)  meurt  de  vieillesse;  on 
lui  ouvre  les  portes  du  Panthéon.  —  Un  dessinateur,  qui  êlait 
allé  en  Afrique,  le  crayon  à  la  main,  pour  croquer  la  nature, 
se  voit  lui-même  croqué  par  un  lion. 

Lu  mode  des  myslifiealions  l'ail  fureur.  Un  mauvais  ]il.Ti- 
sant  va  trouver  M.  Alexandre  Dumas,  el  lui  persuade  qu'il  vieiil 
d'être  nommé  président  du  conseil  des  niinislres.  Sur  celte  assu- 
rance, l'auteur  à'Anlony  se  hàle  d'aller  prendre  possession  de 
l'hôtel  de  la  présidence.  Arrivé  là,  on  lui  apprend  en  riant 
qu'il  a  été  victime  d'une  plaisanterie,  et  il  s'en  retourne  de 
fort  mauvaise  humeur.  Celte  mystification,  racontée  le  soir 
dans  les  foyers  de  lliéâlres,  dans  les  salons  et  à  l'Assemblée 
nationale,  fait  rire  tout  le  monde.  Son  auteur  obtient  le  prix 
de  10,000  francs  fondé  par  l'Académie.  — Grand  combat  de 
M.  Proudhon  et  d'un  épicier  à  coups  de  parapluie. 

Un  électeur  de  province,  qui  a  beaucoup  contribué  à  l'élec- 


tion de  M.  Louis  Bonaparte,  arrive  à  Paris  pour  solliciter  une 
récompense,  et  ce  dialogue  s'engage  entre  lui  et  un  passant; 
«  Monsieur,  où  faut-il  s'adresser?  —  Pourquoi  faire?  — 
Pour  être  récompensé.  »  Le  passant  facétieux  lui  donne  l'a- 
dresse d'un  bureau  d'omnibus. 

Le  cz.ir  Nicolas  meurt,  laissant  par  testament  sa  couronne 
à  son  perruquier,  et  500  francs  de  renie  viagère  à  cha- 
cun des  rois  ou  reines  de  l'Europe. —  Courbettes  des  grands 
de  l'empire  devant  le  perruquier,  qu'ils  essayent  de  faire  pas- 
ser pour  le  fils  naturel  de  l'empereur  défunt.  —  Le  perruquier, 
trouvant  ces  bruits  injurieux  pour  la  vertu  de  sa  mère,  intente 
aux  grands  un  procès  en  police  correclionnelle.  —  11  perd 
son  procès.  —  Apothéose  du  perruquier.  —  11  publie  une  or- 
donnance relative  à  son  ancienne  profession  :  désormais  on 
rasera  à  l'heure,  à  raison  de  1  fr.  2o  c.,  et  1  fr.  50  c.  passé 
minuit. —  Tous  ces  événements  agitent  l'Europe. 

Ouverture  de  l'exposition  des  produits  de  l'industrie  fran- 
çaise.   On  y  distingue  un  télégraphe  sélénien,  avec  lequel 

on  peut  entrer  facilement  en  communication  avec  les  habi- 
tants de  la  lune.  Plusieurs  banquiers,  agents  de  change  et 
négociants  ,  en  profitent  pour  aller  faire  des  trous  à  cet 
astre. 

Changement  de  ulilli^lère.  M.  Emile  de  Girardin  y  entre  avec 
M.  Charles  Marchai. 


O.VIBKES    r.lIlNOISES    DE     18-48.    MAI. 


Un  nouveau  18  brumaire. 


120 


CALENDRIER  POUR  1849. 

(Sivlo  Grcgorien.) 


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Samedi 

JULN. 


Le  général  N'arvacz,  cliassé  d'Espagne,  vient  à  Paris,  où  il 
fonde  un  bureau  d'achat  de  reconnaissances  et  de  dégagements 
des  effets  du  mont  de  piélé.  —  Souscription  nationale  pour 
offrir  un  bouquet  à  madame  Eugénie  Niboyet. —  Cette  dame 

est  enlevée  par  M.  l'abbé  de  G ,  rédacteur  d'un  journal 

bien  connu. 

Réception  de  M.  Vacquerie  à  l'Académie  française,  en  ré- 
compense de  son  poème  intitulé  le  Temple  de  Terpsychore.  ou 
l'Art  de  la  Danse.  M.  de  PongerviUe  le  félicite  de  son  retour 
aux  saines  doctrines  littéraires.  —  Une  tragédie  enragée  court 
les  rues,  et  cause  pendant  deux  jours  de  grands  malheurs. 
Elle  est  abattue  par  un  gardien  de  Paris,  qui  reçoit  ses  entrées 
perpétuelles  à  l'Odéon,  en  récompense  de  son  courage. 

Nouveaux  scandales  suscités  par  le  perruquier  autocrate  de 
toutes  les  Russies.  —  Il  veut  contraindre  les  boyards  à  porter 
leurs  bottes  fourrées  sur  la  tète.  —  Plusieurs  boyards  sont 
exilés  à  cette  occasion.  —  Ukases  incendiaires.  —  Le  peri-u- 
quier  ose  demander  la  main  de  la  reine  d'Espagne,  qui  est 
pourvue ,  et  nomme  M.  Cabet  sou  premier  ministre.  — 
Plaintes  générales.  —  On  découvre  que  le  czar  sort  tous  les 
soirs,  déguisé,  du  palais,  et  va  dans  une  petite  boutique  des 
faubourgs  exercer  en  secret  son  ancienne  profession.  Il 
donne  la  princesse,  sa  lille,  en  mariage  à  M.  de  Balzac,  qui 
réalise  ainsi  le   rcve   de  toute  sa  vie.    —   Congrès  des  di- 


verses puissances  de  l'Europe,  tenu  à  ce  sujet  à  Aix-la-Cha- 
pelle. 

Un  monsieur,  se  disant  arrière-petit-neveu  et  héritier  de 
Molière,  se  présente  au  Théâtre-Français  pour  toucher  les 
droits  d'auteur  du  répertoire  de  son  grand-oncle,  échus  de- 
puis 1675,  année  de  sa  mort,  jusqu'à  nos  jours,  avec  tous  iii- 
téiêts  et  arrérages.  —  Élonnement  du  Théâtre-Français.  — 
L'affaire  est  portée  au  conseil  d'État.  —  Plusieurs  poètes  tra- 
giques imaginent  de  s'emparer  des  principales  pièces  de  l'an- 
cien répertoire,  et  de  les  faire  jouer  sous  leur  nom. 

Mort  d'un  grand  citoyen.  —  L'Assemblée  nationale,  dont 
il  faisait  partie,  décide  qu'il  sera  empaillé  aux  frais  de  l'État 
et  suspendu  au  plafond  de  la  salle  des  séances.  —  Nouvelles 
élections.  M.  V.  Hugo  n'est  pas  réélu. 

La  reine  de  Saba,  ayant  beaucoup  entendu  parler  de  M.  Vc- 
ron,  vient  lui  rendre  visite  du  fond  de  l'Orient.  Cette  grande 
reine  avoue  que  tout  ce  que  la  renommée  lui  avait  appris  sur 
cet  homme  célèbre  est  bien  au-dessous  de  la  réalité.  —  Elle 
s'extasie  sur  son  admirable  laideur,  et  lui  brode  une  paire  de 
bretelles  avant  son  départ,  et  lui  fait  promettre  de  l'aller  voir 
à  son  tour  dans  sa  capitale. 

Un  décret  de  l'Assemblée  nationale,  reconnaissant  que  le 
jeu  de  billard  a  été  complètement  dénaturé  depuis  l'Empire, 
proclame  l'abolition  des  queues  à  procédés. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SI^IIÎMIX. 


121 


CALENDRIER  POUK  1849. 

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I  ai.i;ndi<ikk  HKPrHr.icAiN. 

AN    97    DB    LA    RKrnBI.IQDBi 


Iravailleiir  et  son  8|)ôtru 
Pour  deux  jumeaux  nous  sonl  connus. 
L'un  par  l'aulre  ils  suiit  parvenus; 
Us  sont  tombés,  l'un  porUuil  l'aulrc. 


JUILLET. 


Grande  exposition  Je  produits  d'Iiorliculture  dans  l'oran- 
gerie du  Luxembourg.  —  On  y  remarque  des  fruits  magnifi- 
ques, et  particulièrement  un  melon  dont  l'odeur  se  répand 
dans  tout  le  quartier.  —  Un  habitant  de  la  rue  de  Vaugirard, 
excédé  de  celle  odeur,  déménage  sans  payer  son  terme.  — 
Procès  célèbre  à  ce  sujet.  —  Le  locataire  prétend  avoir  le 
droit  de  rompre  le  bail  d'un  appartement  qui  sent  le  melon. 
—  Le  propriétaire  soutient,  le  Code  eu  main,  qu'il  n'y  a  ijue 
le  voisinage  d'un  établissement  où  s'exerce  une  profession  dite 
à  marteaux  qui  puisse  valider  une  rupture  do  bail;  or,  l'odeur 
du  melon  ne  saurait  être  considérée  comme  une  profession  à 
marleaui.  —  Embarras  des  juges.  —  Le  melon  est  apporté  h 
l'audience.  —  La  cour  mangt  le  melon,  et  décide,  à  l'instar  de 
Saloinon,  que  le  melon  a  bien  son  cbarme. 

Reprise  du  ballet  des  Sabines  à  l'Opéra. 

M.  Voron  se  mel  en  devoir  de  rendre  sa  visite  à  la  reine 
Saba.  —  Son  entrée,  dans  la  capitale  de  cet  empire,  sur  un 
éléphant  blanc  splendidement  caparaçonné.  —  La  reine  de 
Saba  lui  offre  sa  main.  —  De  retour  en  France,  M.  Véron  se 
fait  construire  un  palais  en  bois  de  cèdre  et  en  or.  —  Cent 
mille  ouvriers  y  travaillent  nuit  et  jour  pendant  vingt  ans.  — 
M.  Véron  écrit  un  livre  de  maximes  et  de  proverbes.  —  Il  in- 
vente pour  la  pâte  Regnauld  de  nouvelles  boites  ornées  de  ver- 
set du  Cantique  des  Cantiques. 


Grandes  chaleurs  qui  servent  de  prétcxie  à  des  gens  mal  in- 
tenlionnés  pour  jeter  les  passants  à  l'eau.  —  Apparition  d'un 
évéquedc  mer  sous  le  |)ont  des  Arts. 

Un  journaliste  bien  connu  se  livre  à  des  excès  tels,  qu"il  est 
condaniiic  à  recevoir  le  fouet  en  plate  publique.  —  La  sen- 
tence est  exécutée  par  la  garde  nationale.  —  Le  prix  Mon- 
thyon  est  décerné  à  Scipion  l'Africain  pour  un  trait  de  conti- 
nence relaté  dans  tous  les  journaux. 

La  reine  d'Espagne  abdique  et  ouvre  un  atelier  de  modiste. 

Extirpation  radicale  et  définitive  des  préjugés  au  moyen 
d'une  pommade  inventée  par  M.  Emile  de  Çirardin.  Sur  de 
son  succès,  M.  de  Girardin  publie  celle  annonce. 

«  Cent  mille  francs  à  quiconque  pourra  prouver  qu'un  pré- 
jugé politique  ou  autre  a  résisté  à  la  pommade  dont  je  suis 
l'inventeur.  Qu'on  se  le  dise  1  Une  pommade  nouvelle  par 
jour!  » 

Guerre  d'épigrammes  entre  M.  Bariol  et  M.  de  Falloux. 
Celui-ci  en  décoche  une  ainsi  conçue  : 

Barrol,  de  gloire  se  nourrit  : 
Aussi,  voyez  comme  il  maigrit  I 

Alais  le  grand  politique  répond  immédiatement  : 

Sottise  entretient  la  santé  : 
Falloux  s'est  toujours  bien  porté. 


OMBKES    CHINOISES    DE    18-18.    JUILLET. 


État  de 


Paris  le  suir  à  iieiil  Ijcin-rs. 


]44 


ALMANACH  DE  LA  REVUE  COMIQUE 


AOUT 


Continuation  des  grandes  chaleurs.  —  Un  philanthrope  pro- 
fite de  la  circonstance  pour  naturaliser,  sur  le  sol  de  France, 
le  lion  le  tigre,  l'hyène,  le  boa-constrictor  et  plusieurs  autres 
espccel  de  serpents"venimeus,  originaires  des  pays  chauds  — 
A  l'aide  des  chaleurs,  M.  Isamhert  parvient  à  se  métamorpho- 
ser en  nè^re.  —  U  est  réduit  en  esclavage  par  un  colon. 

Le  Co^tifvlionnel,  exaspéré  par  les  progrès  du  desabonne- 
ment, publie  l'arrèlé  suivant  : 

\  partir  du  1"  août,  tout  individu  aspirant  à  se  desabon- 
ner au  Constitutionnel  devra  fournir  les  pièces  suivantes  : 

io  _  Un  extrait  de  naissance  qui  établisse  son  identité  ; 

2»  _  Un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs  ; 

30  _  Son  acte  de  libération  du  service  militaire,  constatant 
qu'il  a  satisfait  à  la  loi  sur  le  recrutement  ; 

40  _  L'autorisation   de  ses  parents  ou  tuteur,  en  cas  Me 

minorité;  ...  . 

S»  _  Les  quittances  de  son  propriétaire,  depuis  un  an  au 
moins,  constatant  cju-il  paye  son  terme. 

Nota  —  11  ne  sera  tenu  aucun  compte  des  inlirmites  pu;- 
sinue^  ou  morales;  le  cas  de  cécité  même  ne  sera  pas  consi- 
déré comme  une  raison  suffisante  de  désabonnement. 

abdication  du  roi  de  Naples.  -  Ce  prince  vient  ouvrir  a 
Paris  un  restaurant  italien  pour  la  spécialité  du  macaroni.  -- 
Entrepôt  de  mortadelles  el  de  saucissons  de  Bologne.  —  Il 


prend  le  marquis  del  Carrclo  pour   cuisinier.  —  FiiUire  à 

Lc'^président  de  la  République  prononce  un  superbe  dis- 
cours qui  élonne  bien  des  gens.  -  On  ne  veut  pas  croire 
qu'il  l'ait  composé  lui-même.  —  Plaisanteries  à  ce  sujet,  a  la 
suite  desquelles  on  va  prendre  des  glaces. 

Un  chien,  que  l'on  surprend  à  se  mordre  la  queue,  passe 
pour  le  svmbole  de  l'éternité.  —  Grand  bal  masqué  dans  la 
plaine  Sa'mt-Denis.  —  Résurrection  du  caveau  moderne.  — 
M  Clairville,  qui  en  fait  partie,  s'étrangle,  comme  Anacreon, 
en  avalant  ui.  grain  de  raisin.  —  Plus  on  est  de  fous,  plus  ou 

rit.  „         ,      ,         • 

M.  de  Girardin  propose  à  M.  Proudhon  de  s  associer  avec 

li.i  ■    (I  Pas  si  béte  !  »  lui  repond  M.  Proudhon. 

Le  Tand  serpent  de  mer  fait  une  seconde  apparition  sur  les 
côtes  de  Normandie.  Des  corsaires  s'arment  peur  aller  le  com- 
baltre  ,  et  l'attaquent  avec  de  l'artillerie  ;  mais  sa  peau  est  im- 
pénétrable aux  boulets.  Ne  pouvant  le  vaincre  par  la  force,  on 
a  recours  à  la  ruse  :  on  l'endort  en  lui  lisant  un  numéro  de  Ja 
Patrie  (Journal  du  soir),  et  on  parvient  à  s  en  rendre 
maître. 

Une  jeune  couturière,  contrariée  dans  ses  inclinations, 
s'empoisonne  en  avalant  un  numéro  de  la  Presse. 

Mort  étrange  d'un  facteur  de  la  poste. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


123 


CALENDHIER   POUR   1S19. 

|8>,lc  (ir<|p„l.».) 

•lit.)  t£S  Lœ  :j->  -(Jf  -iia  aSiu  '.u  ia^  .juo 


c.u,i:Nnnii;it  Bi^:i'riii,if;AiN. 

AN    117    DB    LA    KAPDBI.2QDI;. 

(Wric^l.  cotrniMd^iil  .  S.  |.l.inl.«,| 


Siniorll 

•    Lcu.  •.  liilliu. 

lloi.CKI 

•  .  L.iaro. 

Uii.li 

•  .  Ur^'iir*. 

Mardi 

■  le  nnuli.. 

M.rcr..ll 

1.  Ilrrlln.  m\3\.i. 

V,n,lrc<ll 

i.  (.loud.  pr«ira. 

Saiiioili 

.\.ili>ii.t  d.  la  Vlrrga. 

ni»<i:il« 

Luii.li 

•lo  Pulcli.<ri<>. 

Hardi 

1    Uvacinlbe. 

>l«rcrod( 

..  Ripbiàl. 

JoM.li 

■.  Kulae». 

Viiitlredi 

ïuliaiioii  do  la  Craii. 

Sinimli 

U  Saer<il<car  do  Mirii:. 

|l|»>SCttl 

Lun.li 

1.  Uoiberl,!'..^!..^. 

Murdi 

p.   T..  t.  Jean  c;lit...i 

Mercredi 

ilunlr,  /■..„,..  iie  La,   . 

Jeudi 

i.  tuttache. 

V;,ll(lr«Hi 

1.  Mailiie.. 

Samedi 

..  Maur.ce,  martyr. 

niii<scB« 

lie  Tliiel». 

Lundi 

t    Corneille,  martyr. 

M.rdi 

1.  Firmin,  è\é^ae. 

SEPTEMBRE 

Le  Conslilutionnel  s'n\icrcev3nt  que  son  arrêté  du  mois  dei'- 
nier  n'a  pas  rtiprimé  la  l'ui-etir  ilii  dtisabonnement,  annonce 
qu'il  sera  désoi-mais  rédigé  iii  latin. 

Le  peuple  juif  est  enfin  délivré  de  la  captivité  de  Babylone. 
—  M.  de  Gaspariu  reparait  à  la  Chambre  et  demande  la  ré- 
vocalion  de  l'édil  de  Nantes. 

Renibrunisseraent  de  l'horizon  politique.  —  Le  Journal  des 
Debals  public  à  cette  occasion  des  articles  sur  l'état  des  éludes 
philosophiques  chez  les  Esquimaux.  —  Sages  conseils  qu'il 
donne  à  ses  lecteurs. 

Ouverture  de  la  chasse.  M.  Louis  Bonaparte,  entouré  d'un 
brillant  état-major,  tire  un  lapin  et  le  manque.  —  Contesla- 
lion  à  ce  sujet.  —  Un  r.ipport  inséré  au  Moniteur  décide  que 
M.  Bonaparte  a  tué  le  lapin.  —  Protestation  d'un  gaide- 
chasse. — Ce  brave  homme,  père  de  famille,  est  destitué, 
pour  sa  franchise,  par  un  ministre  trop  courtisan.  — M.  Louis 
Bonaparte,  apprenant  cette  injustice,  fait  venir  le  garde- 
chasse  et  le  rétablit  dans  son  emploi.  —  La  discussion  le- 
prend  de  plus  belle  au  sujet  du  lapin  ;  les  courtisans  décident 
encore  une  fois  que  le  lapin  est  moi-t.  —  Nouvelle  protesta- 
tion du  garde- chasse,  qui  est  destitué  de  nouveau  par  le  mi- 
Qistre.  —  Mandé  derechef  auprès  du  prince,  il  obtient  de  l'a- 
Tancemenl,  une  gratilicalion  et  la  croix  d'honneur.  —  Ce 
grand  caraclcre  se   laisse   corrompre  à  moitié;  il  consent   à 


avouer  que  le  lapin  a  été  blessé.  —  Les  honneurs  changent  les 
hommes. 

Sur  la  proposition  philanthropique  de  M.  V.  Hugo,  qui  ne 
veut  punir  Icscoup.ibles  ipie  parle  repentir,  on  ouvre  les  por- 
tes de  toutes  les  prisons,  et  les  détenus  sont  rendus  à  la  liberté. 
—  HaiMngue  de  M.  Hugo.  —  Un  ex-délenu  lui  répond  :  — 
Du  llaii  1  —  De  grands  vols  se  commettent  dans  Paris,  à  celle 
occasion,  en  signe  de  réjouissance.  —  Les  citoyens  ne  sortent 
plus  qu'en  armes,  et  l'on  met  toutes  les  maisons  en  état  de 
soutenir  un  .Mégc.  —  On  décide  que  les  voleurs  seront  dei-e- 
chef  empi-isonnés.  —  Lamentations  de  M.  V.  Hugo.  —11  pro- 
nonce un  niagnilique  discours  pour  demander  que  l'on  accorde 
<i  cliai|ue  voleur  une  pension  de  mille  écus,  ,ilin  de  le  vaincre 
par  la  générosité.  —  Trois  cent  mille  voleurs  vont  immédia- 
tement se  faire  inscrire  à  la  préfecture  de  police. 

Le  perruquier  qui  a  succédé  au  czar  iNicolas,  sur  le  trône  de 
Russie,  fait  louetter  la  mer. 

Le  procédé  d'épuration  des  marrons  d'Inde,  appliqué  on 
graiid,  donne  les  plus  magnifiques  résultats.  Afin  de  le  pro- 
pager, le  président  de  la  République  donne  un  grand  repas, 
où  l'on  ne  sci-t  que  des  marrons  d'iniledivinement  accommodés. 

Les  discussions  au  sujet  du  lapin  tiré  par  .M.  Louis  Bona- 
parte, qui  semblaient  terminées,  reprennent  de  plus  belle  et 
continuent  pendant  une  partie  du  mois  suivant. 


OMBRES    CHINOISES    IIE     ISJh      SEPTEMBRE. 


La  visite  d'outre-MdULUu. 


ALMANACII  DE  LA  REVUE  COMIQUE 


OCTOBRE 


C'est  à  l'occasion  d'une  maladie  grave  du  garde-chasse,  que 
les  discussions  reprennent.  —  Cet  honnête  homme,  près  d'ex- 
pirer, se  reproche  sa  faihlesse  et  déclare,  en  présence  de 
quatre  témoins,  qu'il  a  fait  uue  fausse  déposition  au  sujet  du 
lapin,  et  que  cet  animal  a  été  réellement  manqué  et  non  pas 
tué,  ni  même  blessé  par  le  prince.  —  Cette  déclaration,  pu- 
bliée par  les  journaux  de  l'opposition,  cause  un  grand  scan- 
dale.   Le  garde-chasse  est  destitué  par  le  ministre  une  troi- 
sième fois.  —  Rumeurs  dans  le  pays  à  ce  sujet.  —  Le  prince 
Louis  Bonaparte  perd  son  prestige.  —  Souscription  nationale 
en  faveur  du  garde-chasse  et  de  sa  famille.  —  Les  étrangers 
profitent  de  nos  troubles  civils  pour  envahir  la  France.  --  Une 
armée,  envoyée  contre  eux,  perd  son  temps  en  folles  di.'.cus- 
sions  au  sujet  du  lapin,  et  se  laisse  battre.  —  Une  seconde  ar- 
mée repousse  les  ennemis. 

Elections  générales.  —  Le  pays  est  divisé  en  deux  factions: 
les  lapins  morts  et  les  lapins  vivants.  —  Les  candidats  qui  se 
présentent  dans  les  clubs  électoraux  sont  sommés  d'expliquer 
d'abord  leur  opinion  sur  le  lapin  tiré  par  le  piincc.  —  Le 
parti  des  lapins  vivants  l'emporle.  —  Juste  sujet  d'alarmes 
pour  les  amis  de  la  liberté. 

Les  vendanges  s'annoucent  sous  le  plus  bel  aspect.  —  Plu- 
sieurs hommes  des  champs  reconnaissent  leur  bonheur.  — 
Des  grives,  en  état  d'ivresse  pour  avoir  mangé  Irop  de  raiMii, 


se  livrent  à  des  écarts  qui  blessent  la  pudeur  de  1  autorité.  — 
OuadriUes  aériens  et  chocnosophiques  de  ces  oiseaux  ;  cancan 
et  chaloupanes  grivois,  qui  lont  rire  même  les  gendarmes,  re- 
duil*  à  les  contempler,  le  nez  en  l'air,  sans  pouvoir  y  mettre 
obstacle  ;  mais  la  mère  n'en  permet   pas  le  spectacle    à   sa 

*''''■•  ..  j  1 

Le  vin  est  si  fihondant,  cette  année,  que  1  on  prend  le  parti 

de  supprimer  l'eau. 

On  s'occupe  beaucoup  de  l'expédition  d'Alexandre  le  Grand 
dans  les  Indes.  —  Protocoles  à  ce  sujet.  —  L'Angleterre  en 
prend  ombrage  et  envoie  lord  Hardinge  en  Macédoine  deman- 
der des  explications  à  Alexandre.  —  Après  de  longs  pourpar- 
lers, on  consent  à  lui  concéder  le  royaume  de  Caliore,  à  con- 
dition ([u  il  embrassera  le  mahométisme. 

Continuation  des  chasses  de  M.  Louis  Bonaparte.  —Un 
cerf,  lancé  dans  la  foret  de  Saint-Germain,  part  en  ligne 
droite,  traverse  plusieurs  déparlements,  sort  de  France,  par- 
court l'Europe;  et,  toujours  poussé  par  les  chiens,  il  passe  à 
Astrakan,  à  Calcutta,  eu  Egypte,  traverse  à  la  nage  le  détroit 
de  Magellan,  remonte  les  deux  Amériques,  rentre  en  Europe 
par  le'nord  de  la  Russie,  el  revient  se  faire  forcer  à  son  point 
de  départ.  —  Grande  renommée  acquise  pour  ce  haut  fait  par 
la  meute  du  prince.  Nos  plus  illuslres  poètes  se  disputent 
l'hnnneiir  de  la  chanter. 


OMBRF?    CHINOISES    DE     1848.    OCTOBRE 


Salons  d'une  foule  de  couveris  et  cabinets  particuliers. 


Arrèlé  du  garde  des  sceaux  qui  enjoint  au  bâtonnier  de 
l'ordre  des  avocats,  de  remplacer  ce  titre  par  celui  de  baloii- 
oiste. 

Plusieurs  Savoyards  arrivent  à  Paris  pour  ramoner  les  clie- 
minées  et  trouvent  une  société  de  poeies  tragiques  en  possession 
de  cet  emploi.  —  Disputes  et  conil):its  à  ce  sujet.  —  L'Acadé- 
mie prend  parti  pour  les  tragiques  qui  restent  maîtres  des 
cheminées  de  Paris. 

Vente  des  meubles  de  M.  de  Genoude  à  la  requête  du  gou- 
vernement qui  ne  peut  parvenir  depuis  di\-liuil  ans,  à  olitenir 
de  ce  citoyen,  sa  cote  d'imposition.  —  Tentative  de  dcménii- 
gemenl  nocturne  par  M.  de  Genoude.  —  Cette  lenlalivc  est 
déjouée  par  la  vigilance  de  l'autorité. — Vente  pul)li(|ne. — 
L'enchère  est  poussée  lr>''S-haut  par  deux  riches  Anglais. — 
Le  gouvernement  se  paye  de  la  cote  de*  impositions  et  em- 
barque M.  de  Genondc  pour  l'Anuricine,  après  lui  a\(or 
acheté  uue  pacotille  avec  le  surplus  du  produit  de  la  vente. 

Rétablissement  des  titres  de  noblesse.  —  M.  Véron  est  nom- 
mé comte  de  quelque  chose  et  se  fait  composer  des  armoiries 
d'après  le  codex. 

Le  goût  littéraire  se  purifiant  de  plus  en  plus,  M.  Ancelot 
est  chargé  de  retoucher  l'.l «droma</we  de  Racine.  —  Il  est 
nommé,  en  récompense  de  ce  travail ,  officier  de  la  Légion 
d'honneur. 


EMBRE. 

Plaintes  générales  contre  les  poètes  tragiques.  —  Il  sont 
accusés  de  réciter  des  tirades  dans  les  tuyaux  de  cheminées, 
tout  en  les  ramonant.  —  On  rappelle  les  Savoyards.  —  Al- 
houpements  de  tragiques  à  la  porte  Saint  Denis.  —  Des  pa- 
trouilles les  dissipent. 

Symptômes  d'un  hiver  rigoureux.  —  On  voit  des  bandes 
d'oiseaux  sauvages  traverser  les  airs,  allant  du  Nord  au  Midi. 

Abond.ince  de  bécasses.  —  Quelques-unes  se  montreiit    à 

un  l)an(iuetde  femmes  socialesetcommnuautaires.— Naissance 
d'un  enfant  à  une  tète.  —  Ce  phénomène  n'étonne  personne. 

.\pparition  de  plusieurs  almanarhs  qui  chantent  à  l'envi  les 
louanges  du  président  de  la  République.  —  Le  Constitution- 
nel, quoique  rédigé  en  latin,  continue  de  perdre  des  abonnés. 
Sa  raison  s'égare,  il  poursuit  les  gens  dans  les  rues  i  coups  de 
lùlon. 

Revues  nombreuses  au  Champ  de  Mars  et  dans  les  théâtres. 

Un  vaudevilliste  connu   paraît   lui-même  sur  la  scène,  et 

réalise  un  vœu  formé  depuis  longtemps,  qui  consistait  à  se 
montrer  au  public  dans  une  position  renouvelée  du  souper  de 
Grandvaux.  —  Le  public  trouve  la  plaisanterie  excellente  et 
ne  siflle  pas. 

On  s'aperçoit  enfin  que  le  peuple  français  est  le  peuple  le 
plus  spirituel  de  la  terre. 

Assassinat  d'un  marchand  d'allumetles. 


OMBRES    CHINOISES    DE     l84S.    NOVEMBRE. 


Le  I  aptême  Je  la  LousUtuliou. 


126 


ALMANACH  DE  lA  REVUE  COMIQUE 


GALENDRIEH   POUR   1849. 

(Sljle  Gt*(;<iri.-i..) 

(is-ooi..)  sE3ifecïa:^aaiC5s.îJî-ii.iî£3i. 

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rfris  DU  MOIS. 

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s.   François  Xavier. 

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Mardi 

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Mercredi 

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Mardi 

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Jeudi 

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Vendredi 

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Samedi 

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16 

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g.   T..  SIC  Adilndo. 

X'.l 

17 

Lundi 

8i«  Olyuiiiiade. 

li-=^'? 

359 
353 

18 
19 

Mardi 
Mercredi 

SIe  Zo&yme. 

Q.   r.,  s.  Tinioléuu. 

n.  — =-â"5' 

90 

Jeu.li 

s.   Pliilofione. 

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355 

91 

Veudredi 

s.  Thomas. 

99 

Snnifdi 

s.  Honorât. 

91 

IllU.NCgE 

sie  Vicloire. 

9t 

Lundi 

35'.1 

95 

Mardi 

NUEL. 

■   s  °-3  ? 

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ir. 

Mercredi 

3lil 

97 

Jeudi 

U-  3   ?-C 

98 

Vendredi 

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99 

Samedi 

s.  Trophinie. 

30 

Di.AScm 

su  Colombe. 

3r>5 

31 

Lundi          1   ..  SyKe<lr« 

Ce  guerrier  que  l'on  déoigra 
Kst  rentre  iniict  dans  sa  tente. 
Pour  une  revanche  éclatante. 
Quelque  jour  il  en  sortira. 


CALENDRIER  REPUBLICAIN. 

AN    58    nx:    LA    RÉPUBLIQUE. 


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Seilidi 

7 

Seplidl 

S 

Ociidi 

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Nnoidi 

10 

nKCADI 

Terrw  v#î;^I«I 


DECEMBRE. 


A  roceasioii  Ju  joiii-  ilc  l'an,  nui  s'a|i|)ro<lio,  la  |iliipart  des 
grands  hommes  contemporains  sont  sculplés  en  sucre  et  en 
chocolat.  —  Exposition,  chez  Marquis,  d'un  superbe  Odilon 
Barrot  en  pain  d'épices.  —  Un  Léon  de  Malleville  en  frangi- 
pane, à  la  vanille,  attire  tous  les  regards.— Félix  met  en  vente 
des  petits  gâleauv  contenant,  au  lieu  de  crème,  des  Avond, 
des  Grémieux  et  des  Léon  Faucher  en  sucre,  ainsi  que  beau- 
coup d'autres  représentants. 

M.  Viicquerie,  allant  on  ne  sait  où,  se  laisse  choir  dans  un 
jiuits.  —  M.  V.  Hugo,  appelé  à  son  secours,  lui  fait  un  dis- 
cours avant  de  le  tirer  de  l'eau.  —  Rupture  de  rengagement 
de  M.  X.  Durrieu  avec  l'Opéra  ;  le  théâtre  des  Funambules 
paye  un  dédit  de  50.000  fr.  pour  se  l'attacher. 

Un  candidat  à  l'Académie  française  traverse  la  Seine  à  la 
na"e  pour  arriver  à  l'Institut.  —  Il  fait  fausse  route  et  aborde 
dans  un  bateau  de  blanchisseuses,  où  on  le  reçoit.— Réveillon 
à  l'hôtel  de  la  présidence.  —  L'année  1849  meurt,  par  écono- 
mie, pour  ne  pas  donner  d'étrennes. 

Après  cela,  si  vous  consultiez  d'autres  caries  que  les  nôtres, 
d'autres  étoiles  que  celles  qui  sont  au  bout  de  notre  lorgnette, 
les  entrailles  d'autres  victimes  que  celles  qui  fument  au  bout 
de  notre  fourchette,  vous  auriez,  il  faut  en  convenir,  des  pré- 
dictions bien  différentes  de  celles-ci.  11  y  a  devin  et  devin, 
somnambule  et  somnambule,  vérité  et  vérité,  les  bonnes  et  les 


mauvaises,  les  vraies  et  les  fausses,  nous  vous  en  dirions  plus 
si  nous  en  savions  davantage,  s'il  s'agissait  du  passé  nous  se- 
rions plus  clairvoyants.  —  Aussi. nous  permellons-vous  le  doute, 
mais  le  doute  seulement,  sur  quelques-unes  de  nos  hypothèses. 
D'autres  vous  affirmeront  peut-être  qu'au  mois  de  décembre 
1849,  Henri  V  sera  sur  le  trône,  que  le  maréchal  lîugeaud 
épousera  la  duchesse  de  Berry  après  avoir  tué  en  duel  le  duc 
de  Lucchesi-Palli,  et  après  avoir  fait  oublier  à  la  princesse  la 
petite  affaire  de  Blaye;  que  M.  de  Falloux  se  fera  alors  voltai- 
rien,  que  M.  Thiers  se  fera  socialiste,  et  que  Proiidliou  entrera 
au  séminaire  Saint-Sulpice.  On  vous  soutiendra  que  la  du- 
chesse d'Orléans,  éprise  du  beau  caractère  du  général  Cavai- 
guac,  lui  aura  offert  sa  main  par  correspondance;  le  général 
aura  accepté;  il  aura  adopté  le  comte  de  Paris. Louis-Philippe, 
heureux  enfin  comme  un  roi,  aura  béni  la  République  en  mou- 
rant. La  clef  de  la  Ibéorie  du  Circulus  aura  été  trouvée  à  l'aide 
du  chiffre  100  par  le  bon  Pierre  Leroux.  On  vous  dira  que  le 
pape  sera  noipmé  président  d'une  République  universelle; 
que  les  races  rcychcs  passeront  à  l'état  fossile;  que  l'on  résou- 
dra le  problème  de  la  félicité  du  genre  humain.  —  Que  ne 
vousdira-t-ou  pas?  —  La  République  sera  renversée,  rétablie, 
reconstituée,  etc.,  etc.  Croyez  tout,  ne  croyez  rien,  prenez  pa- 
tience. Dieu  est  grand,  nous  sommes  petits,  et  il  peut  bien 
se  passer  de  prophètes. 


OMBRES    CHINOISES    IiE    1S4«. 


lil.lKMBllF.. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


127 


liKYUii  u1':trosi»i:(;tivk  di-:  is'«h 


TAI1I.ETTES    D  UN    TOI  RISTK    ANGLAIS 


JANVIER.  —  l.'Aiinli'Icnv  n'o^l  |ii>  lri\ii.|iillli';  lis  cli.iilistcs 
se  reimu'iil;  ou  vciil  me  coiiliaiiidre  i  iii'cHrolcr  ilaiis  les 
cunstalles  spéciaux.  Je  piciuls  le  paili  de  (itiiller  Loiidi-es  pour 
clierclicr   uu  séjour  plus  paisible. 

FtVRiEn.  —  Je  loue  uu  apparlciiieiit  à  Taris,  cl  jr  le  imuMe 
svec  soiu.  Tout  est  calme;  le  carnaval  pioinel  dèlre  gai;  les 
Imls  masi|ués  commeuccnt.  —  Révolution.  —  Je  suis  reveille 
par  la  fusillade  ;  mon  portier  a  pris  les  armes  ;  un  i  lui)  de- 
mof  ritique  s'élaldil  uu  premier  éta-e  de  ma  maison  ;  nu-des- 
sus de  ma  tète  s'iuslalleul  les  Imreaux  d'un  nouveau  journal.... 
Mes  pauvres  nerfs  sont  bien  malades  ! 

MARS.  — Forcé  d'illuminer,  j'allrape  un  gros  rlmiiic  en 
allumanl  des  lampions.  On  m'invile,  en  qualilé  de  représen- 
t.inl  de  la  Gran.l.-Brelagne,  à  honorer  de  ma  présence  la 
plantation  d'un  arbre  de  liberté.  —  Grand  accompagnemeni 
de  coups  de  fusil.  —  Je  resie  à  moitié  sourd.  —  Impossible 
de  dormir  après  quatre  heures  du  malin,  à  cause  du  vacarme 
que  font  les  crieurs  publics.  Mes  nerfs  soiil  dans  uu  élal  dé- 
sespéré.   Vente  de  mon  mobilier  avec  cinquante  pour  cent 

de   perle.  —  Je    prends  la  résolution    d'aller  vivre  sous  un 
gouvernement  despotique. 

AVRIL.  —  ^n-iree  à  Milan.— ic  me  meuble  une  jnlie 
chambre  sur  la  Piazza  del  Duomo.— Révolution.  —Les  Au- 
trichiens bombardenl  ma  maison.  —  On  me  jette  un  piano  sur 
la  léle.  —  Vente  de  mon  mobilier,  avec  soixante  pour  ceiil  de 
perte.  —  Décidément  j'irai  vivre  sous  un  régime  constitution- 
nel. 

MAI.  —  Je  nie  fixe  à  Berlin.  —  Révolution.  —  Ma  maison 
est  occupée  iiiililairement ,  et  plusieurs  balles  sifllent  à  mes 
oreilles.  —  Venle  démon  mobilier,  avec  quatre-vingts  pour 
cent  de  perle.  —  Je  me  logerai  à  l'hôlel ,  et  dans  un  pays 
absolutiste. 

jiiN.  —  Me  voici  à  Vienne,  hôlel  de  l'Aigle.  —  Révolution. 
Le  gouvernemenl   est  renversé  le  jour  de  mon  arrivée.  — 


Je  me  jelte  dans  un  cabriolet ,  dont  on  s'empare  pour  faire 
une  barricade.  — On  me  laisse  dedans.  —  Les  deux  parti»  «c 
tiraillent  par- dessus  ma  tête.  —  En  essayant  de  quitter  la 
ville,  je  suis  arrêté  comme  prupagaiidiile ,  et  avant  perdu 
mon  passeport ,  je  suis  retenu  quinze  jours  en  prison.  —Mes 
nerfs  vont  plus  mal  (|ue  jamais. 

jiiLLET.  — En  desespoir  de  cause,  je  veux  retourner  ii  Paris, 
lorsqu'on  m'apprend  les  .»naire»  de  Juin. -Je  me  rejette  sur 
la  confédération  germanique.  —  Arrivée  à  Hesse-Darmstadt, 
au  moment  où  les  étmliants  déposent  l'électeur  et  cassent  les 
carreaux.— Obligé  de  boire  avec  eux  une  énorme  quantité 
de  biere. 

AOUT.- Visite  ii  Francfort ,  capitale  de  la  confédération.  — 
J'assiste  à  lieux  jours  de  combat  dans  les  rues  ,  mais  je  com- 
mence à  ni'j  habituer. 

sEi'TEMiiui:  ET  ocTomiE.  —  Sijour  i  Bruxelles,  ville  Iriste 
et  monotone.  —  Pus  la  moindre  émeute  en  expectative.  — Les 
émotions  me  sont  devenues  nécessaires.  Malheureusement  l'Eii- 
ropes'apaise.  —Où  pourrais-je  me  procurer  une  révolution'? 
Mon  alïeclion  nerveuse  m'a  repris.  —  Une  Révolution,  ou  la 
mort  !  — Rome  m'est  recommandée. 

NovEMBiiE.  —  Arrivée  à  Rome  à  propos ,  pour  assister  à 
l'assaut  du  (^uirinal.  —  Je  suis  affilié  à  un  club  populaire.  Je 
fraternise  avec  Brulus,  Gergos  et  Cicerovacchio.  Donné  au 
pape  des  lettres  de  recommandation  pour  un  ami  que  j'ai  a 
Civita-Vecchia. 

DECEMBRE.  —  Excursiou  intéressante  dans  le  nord  de  l'Ita- 
lie ;  visite  à  Maîzini  et  campagne  d'une  semaine,  avec  les  in- 
surgeants, sur  le  lac  di  Guarda.  Je  lis  dans  le  Times  un  avis 
de  °mes  parents  désolés,  qui  me  supplient  de  revenir  en  An- 
gleterre ;  mais  non  !  J'ai  pris  goût  aux  révolutions,  ^lxe  la 
République  !  Vive  la  Liberté  !  Je  vais  aller  faire  de  la  propa- 
gande en  Ru.-sic  ou  à  Constantinople. 


Jusqu'à  présent,  nous  avions  fait  ii  M.  de  G'irardln  l'bon- 
neur  de  le  compter  parmi  les  gens  qui  ont  le  courage  de 
leurs  défauts  et  l'orgueil  même  de  leurs  mauvaises  passions. 
Nous  le  croyions,  en  un  mot,  brave  dans  le  mal,  et,  en  qnebpie 
sorte,  droit  dans  le  travers;  nous  nous  étions  trompé  :  M.  de 
Girardin  est  encore  plus  complet  que  nous  ne  le  pensions;  il 
est  hypocrite  :  une  petite  note  publiée  dans  la  Presse,  il 
y  a  quelques  jours,  nous  le  révèle  sous  ce  dernier  aspect.  Dans 
cet  entremet  honteux,  M.  de  Girardin  se  plaint  de  la  publica- 
tion de  certaines  caricatures  dirigées  contre Devinez  con- 
tre qui?  Contre  le  général  Cavaignac!!  0  tartuffe!  M.  de 
Girardin  demandant  aide  et  protection  pour  le  général  Cavai- 
gnac'.Cela  ne  rappelle- t-il  pas  M.  de  Girardin  visitant  la 
tombe  de  Carrel"? 

Allons,  monsieur  de  Girardin,  un  peud'audace  donc.  Dites- 
nous  tout  droit  que  vous  n'avez  pense  aux  caricatures  qui  se  font 
contre  le  général  Cavaignac,  que  quand  vous  avez  vu  que,  s'il 


y  avait  des  crayons  disposés  à  attaquer  ce  noble  vaincu,  il  y  en 
avait  aussi  qui  ne  craignaient  pas  de  le  venger. 

Eh  quoi  !  vous  avez  outrageusement  calomnié  pendant  trois 
mois  uu  homme  de  bien,  et  vous  espérez  en  être  quitte  pour 
dire  :  «  Oublions  tout,  c'est-à-dire  oubliez  le  mal  que  je  vous 
ai  fait!  »  Et  il  ne  se  trouverait  nulle  part  un  homme  de  cœur, 
sinon  d'esprit,  pour  vous  inlliger  de  sa  plume  ou  de  son  crayou 
le  châtiment  que  vous  méritez  ! 

Allons,  monsieur  le  défenseur  de  la  liberté,  de  la  licence,  du 
cynisme  de  la  presse,  élevez-vous,  si  vous  l'osez,  contre  la 
liberté  du  crayon  !  —Vous  ne  trouverez  pas  un  procureur  de 
la  République,  vous  ne  trouveriez  pas  un  procureur  de  l'Em- 
pire, si  Empire  il  y  avait,  pour  vous  défendre,  pas  un  juryjiui 
n'absolve,  qui  ne  loue  peut-être  l'artiste  ou  l'écrivain  coura- 
geux qui  aurait  fait  claquer  à  ïos  oreilles  le  fouet  d'une  juste 
satire  ! 


IS 


Lamennais  fut  le  pivciirseiir 

Du  régime  démocratique  : 

A  la  fois  poëte  et  penseur, 

Des  couleurs  de  la  bible  antique 

11  habilla  la  poliliiiue 

Et  tonna  contre  l'uppresseur. 

Sa  parole  retentissante, 

A  la  guerre  nous  excitait  ; 


Maintenant,  qu'il  nous  représente, 
(1  reste  dans  l'ombie  et  se  lait. 
C'est  qu'au  sein  de  l'aréopage 
On  fait  pour  lui  trop  de  tapage  ; 
Les  bruits  du  monde,  trop  souvent, 
Iroiblenlsa  pacilique  étude 
Il  faut,  au  prophète  rêvant, 
Le  silence  et  la  solitude. 


Dessiné  pir  Faehitzius. 


Gravé  par  lîAUUNT. 


Udlll.RVARD    DUS  ITAI.IKM. 


30  <*<'ii<iiii('N  la  livruiNoii. 


niiK  niciir.i.iEi',  '.i'i 


Idltions  de  la  Sonscriptlon.  —  La  Revue  comique  foimcra  un  magnifique  volume,  grand  in-8,  publié  en  SO  livraisons   à  30  centime*, 
Ir  la  poste,  40  centimes   —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco)  à  M.  Lireuï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des 
liens. 

DUMIN£B.A-r.  XSITKUB,  58,  RU«  RICHELIEU  Q-     fJi,raison. 


Le  GiU'au  (li-s  Ilois  île  Islfl. 


D«»iné  par  FaeritziiS. 


Gravi'  paj  Baiilant. 


rii.— Tir.;    lui  prei»e<  nlécanic|UC»  de  LicniMPS  fil'  «1  Coinp.,  rue  Damielle,  2. 


LA  SEMAINE. 


La  Semaiiii?  se  laissa  tomber  plulùt  qu'elle  ne  s'assit 
sur  le  fauteuil  que  je  lui  présentais. 

«  Qu'avez-vûus,  madame,  au  nom  du  ciel  !  et  pour- 
quoi TOUS  évanouissez-vous  comme  une  héroïne  de  co- 
médie? Ilolà,  quelqu'un  1  vite  un  flacon,  des  sels,  du 
vinaigre,  de  l'eau  ! 

—  Mauvais  plaisant!  vous  riez  de  ma  fatigue,  com- 
me si  elle  pouvait  avoir  i[uelque  chose  d'extraordinaire 
après  tant  de  visites.    • 

—  Vous  faites  encore  des  visites? 

—  C'est  mon  devoir  de  Semaine  bien  apprise.  Ne 
devais-jo  pas  offrir  mes  félicitations  au  président  de  la 
République  française? 

—  Vous  l'avez  vu  ? 

—  Comme  je  vous  toîs. 

—  Décidément,  comment  es-til? 

—  Il  est  blond  foncé;  il  aies  yeux  petits,  le  teint 
gris,  le  nez  gros,  les  jambes  un  peu  courtes,  le  buste 
un  peu  long,  et  un  maintien  embarrassé  qui  ne  déplaît 
pas  dans  un  débutant.  Il  ressemble  prodigieusement  à 
Louis  Huard.  11  portait  l'uniforme  d'officier  général  de 
la  garde  nationale.  C'était  le  cas  oùjamais  de  se  montrer 
dans  tout  le  lustre  civil  d'une  fonction  qui  n'a  rien  de 
militaire  ;  c'est-à-dire  en  frac  noir  ;  mais  le  président 
tient  à  porter  l'épée  :  laissons-le  jouer  au  soldat, 

—  Que  vous  a-t-il  dit  ? 

—  Rien. 

—  Et  aux  personnes  réunies  autour  de  lui  ? 

—  La  même  chose, 

—  En  sortant  de  l'Elysée-National,  où  êtes- vous 
allée? 

—  A  l'hôtel  de  ville,  complimenter  M.  Berger,  cet 


heureux  Aiivi>ignal  qui  rem|)]ace  M.  de  Rambuteau 
par  la  grâce  de  M.  Louis-Napoléon  Bonaparte.  J'ai 
trouvé  tout  le  monde  dans  la  désolation  ;  quand  je  dis 
tout  le  monde,  il  s'agit  tout  simplement  des  conseillers 
municipaux. 

—  0  ciel  !  ce  gros  Berger  serait-il  indisposé? 

—  Lui,  non,  mais  le  conseil  municipal;  nos  édiles 
étaient  malades  d'un  déjeuner  rentré.  M.  Berger  a  cru 
devoir  supprimer  le  repas  traditionnel  du  premier 
jour  de  l'an.  Dans  ces  temps  de  révolution,  il  faut 
bien  se  montrer,  par  quelque  côté,  partisan  des  ré- 
formes. 

—  Où  ètes-vous  allée  après  Ibùtel  de  ville? 

—  Ma  foi,  le  monde  officiel  me  paraissait  si  froid,  si 
triste,  si  monotone,  que  je  lai  quitté,  et  je  me  suis  rnise 
à  parcourir  les  magasins,  les  boulevards,  les  rues,  me 
mêlant  à  la  foule,  regardant,  marchandant,  bavardant 
avec  le  premier  venu.  Les  bons  dialogues  que  l'on  en- 
tend !  Si  les  cadeaux  du  jour  de  l'an  pouvaient  parler 
à  l'oreille  de  ceux  qui  les  reçoivent,  que  d'agréa- 
bles surprises  ils  leur  causeraient.  —  Il  y  a  un  an,  jour 
pour  jour,  M.  le  duc  d'.\umale  a  donné  à  son  précep- 
teur, M.  Trognon,  un  ours  jouant  de  la  guitare,  l'ours 
et  la  guitare  en  bronze.  Si  l'ours  avait  pu  parler,  il  au- 
rait pu  apprendre  au  précepteur  pourquoi  le  choix  de 
son  élève  était  tombé  sur  lui.  J'étais  dans  le  magasin 
de  bronze  de  la  rue  de  Choiseul  où  se  fit  cette  empiète. 
«  Dieu  qu'il  est  laid!  s'écria  le  duc  d'Auraale  à  son 
frère  Joinville,  en  apercevant  l'ours  en  question  ;  de- 
vine à  qui  je  vais  donner  cette  abominable  bête  ?  —  A 
Trognon,  dit  Joinville.  —  A  Trognon,  répondit  d'Au- 
male. 


REVUE  COMIQUE 


—  Et  vou^ ,  madame ,  savez-vous  pourquoi  vous 
n'avez  pas  reçu  ce  bracelet  de  médailles  antiques  que 
TOUS  avait  d'abord  desliné  votre  amant  :  «  C  est  trop 
beau  pour  elle,  elle  ne  comprendrait  pas.  » 

_  Cette  broche,  à  qui  la  devez-vous ,  à  madame  —, 
votre  rivale,  qui  Ta  refusée... 

—  Dis-donc,  ma  femme,  si  son  mari  allait  être  des- 
titué, sais-tu  que  je  regretterais  diablement  les  100 
écus  que  me  coûte  ce  cotTre  de  Taban. 

—  Quel  dommage!  un  si  bel  album  à  une  si  sotte 
créature. 

—  Et  ces  beaux  livres,  j'aimerais  bien  mieux  les 
garder.  Que  le  diable  emporte  le  jour  de  l'an  ! 

—  Que  penses-tu  de  ce  cachemire,  pour  la  petite 
p..._'ru  es  fou,  moncher,  il  est  trop  cher  de  moitié; 
tu  vas  nous  la  gâter.  Elle  sera  hors  de  prix. 

Pour  qui  ce  beau  Christ  d'ivoire  sur  fond  de  ve- 
lours violet.  Pour  l'archevêque  de  Paris  ;  pour  le 
curé  de  la  paroisse?  —  Non,  c'est  pour  la  grande  J... 
Elle  est  si  dévole. 

Bon!  mais  tu  oublies  quelque  chose  ;  il  a  quatre 

enfants!  —  Quatre  enfants  !  —  Si  tu  ne  donnes  rien 
au  quatrième,  la  mère  sera  furieuse,  et  l'cifet  des 
trois  premiers  cadeaux  manqué.— Mais  c'est  ignoble  ! 
on  n'a  pas  quatre  enfants  (etc.,  etc.,  etc.) 

C'est,  au  fond,  une  chose  assez  amusante  que  le  jour 
de  l'an;  et  la  semaine  qui  me  succédera 'en  1850  aurait 
tort  de  le  supprimer. 

—  L'avenir  ne  nous  regarde  pas  ;  mais,  voyons,  n'a- 
vez-vous  donc  rien  de  plus  intéressant  à  me  raconter? 

—  En  politique,  par  exemple,  il  a  été  question  d'une 
foule  de  nominations  bizarres. 


—  On  parlait  de  certains  préfets? 

—  Amis  trop  exigeants,  dont  il  f.uuha,  au  lieu  de 
préfets,  se  décider  à  faire... 

—  Quoi  donc? 

—  Des  ingrats! 

—  Et  les  dossiers  des  affaires  de  Strasbourg  et  de 
Boulogne  :  que  pensez- vous  de  cette  affaire-là? 

—  Je  pense  qu'il  y  a  dans  ces  dossiers  bien  des  let- 
tres curieuses.  Ou  écrit  souvent  des  choses  bizarres, 
on  fait  des  demandes  excentriques  quand  on  est  en  pri- 
son, llendu  à  la  liberté,  on  est  bien  aise  de  comparer 
les  impressions  d'aujourd'hui  à  celles  d'autrefois  ;  en 
somme,  quoi  de  plus  naturel? 

Vous  auriez  donc  remis  les  dossiers  ? 

—  Je  ne  dis  pas  cela  ;  mais  enfin,  il  faut  du  courage 
pour  résister  au  neveu  de  lEmpereur  ;  et  j'estime 
qu'on  ferait  bien  de  proposer  une  souscription  pour 
décerner  une  couronne  civique  à  MM.  de  Malcville  et 
Bixio. 

—  Ils  l'ont,  parbleu,  bien  méritée!  Maintenant, 
parlons  un  peu  littérature. 

Est-ce  que  jamais  dernière  semaine  d'une  année 

s'est  occupée  de  littérature? 

—  Théâtres. 

—  Encore  moins.  Les  pièces  nouvelles  attendent. 
Ce  qui  commence  n'aime  point  ce  qui  linit,  comme  di- 
rait M.  Victor  Hugo. 

—  Est-ce  là  tout  ce  que  vous  avez  à  me  dire? 

—  Tout. 

—  Adieu  donc.  Maintenant  que  vous  voilà  reposée, 
reprenez  votre  voyage  vers  l'éternité.  » 

Et  je  vis  partir  sans  regret  ce  dernier  échantillon 
maussade  et  rabougri  d'une  année  qui  aura  pourtant 
vu  et  fait  de  grandes  choses.  Mais  que  penser  d'une 
Semaine  qui  vous  débite  des  bourdes  comme  le  vol  des 
diamants  de  la  couronne  (maintenant  de  la  prési- 
denci).  Ah!  1848,  tu  avais  commencé  par  une 
révolution,  il  était  indigne  de  loi  de  Unir  par  un  ca- 
nard ! 


Invocation  à  la  triade. 
Pour  Idirc  pendant  à  rinvocation  du  r  acte  de  (a  Juive. 


A  L'IJSACK  DKS  CKNS  Sl^lilIXX. 


,i;S  KTUENNKS. 


^\...  va  Ions  les  juins  vnic  son  ami  lî  ..,  i|iii  est  iria- 
v'iv.  M...  est  un  t'xtx'llfiit  lioiiime  ciitii!  doux  àycs,  un 
pou  bizarre  dans  sos  allures.  I.o  jour  de  l'an  arrive  : 
«Que  vais-jo  dunuor,  se  dit-il,  à  la  fotutno  de  mon 
ami?  Il  Taudrait  un  cadeau  <léiiiat,  ingénieux,  (]iiol(|Me 
chose  d'agréable  et  eu  iiu'ine  temps  d'utile,  comme  il 
Convient  de  la  part  d'un  homme  de  mon  âge. 

Je  ne  puis  pas  donner  un  écrin  ni  un  cacliemire;  ce 
serait  une  folie  inconvenante,  eu  égard  à  ma  forluiie 
et  au  prix  de  l'olijet.  J'aurais  l'air  d'être  amoureux  de 
madame  B 

Des  dragées  et  des  sucreries,  ce  serait  bèto.  De  telles 
étrennes  ne  sont  acceptables  que  de  la  part  d'un  mu- 
guet de  vingt  ans. 

Une  montre  !  qu'est  ce  que  cela  signifie,  une  montre? 
On  nie  prendrait  pour  un  horloger.  D'ailleurs,  ma- 
dame B...  on  a  deux. 

Un  bracelet,  des  boucles  d'oreilles,  une  broche!  tout 
cela  manque  de  gravité.  Pourquoi  pas  des  breloques 
ou  des  joujoux?  Madame  B...,  quoique  jeune  encore, 
est  une  femme  d'un  esprit  sérieux.» 

M...  est  en  proie,  pendant  quelques  jours,  aux  plus 
cruelles  perplexités.  Il  est  célibataire,  sans  parents 
d'aucune  sorte.  Son  unique  préoccupation  est  de  sa- 
voir ce  qu'il  donnera  en  étrennes  à  la  femme  de  son 
ami.  Plus  il  y  songe,  moins  il  se  décide.  Il  en  perd 
l'appétit  et  le  sommeil. 

Tout  à  coup  une  idée  le  frappe.  Madame  B...  est 
dans  une  position  intéressante,  position  dont  elle  sortira 
dans  un  avenir  qui  n'est  pas  très-éloigné.  Je  vais  lui 
envoyer  une  layette  somptueuse.  Ce  n'est  pas  à  la 
femme  que  je  fais  le  cadeau,  c'est  en  quelque  sorte  à 
l'enfant  qui  va  venir  au  monde,  et  la  mère  en  sera 
bien  plus  flattée  que  si  le  cadeau  s'adressait  à  elle- 
même.  Le  cœur  d'une  femme  doit  comprendre  la  dé- 
licatesse de  ce  procédé. 

Heureux  de  cette  idée.  M...  court  commander  une 
layette,  et  l'envoie,  le  matin  du  grand  jour,  par  un 
commissionnaire  :  «  Je  ne  puis  pas,  se  dit-il,  courir 
les  rues  à  la  suite  du  commissionnaire  et  me  présenter 
avec  lui,  j'aurais  l'air  d'attacher  trop  d'importance  à 
la  chose.  D'ailleurs  un  peu  de  mystère  ne  gâtera  rien, 
et  je  veux  savoir  si  l'on  devinera  que  le  cadeau  vient 
de  moi.  » 

B...  est  seul  chez  lui  quand  le  commissionnaire  ar- 
rive. 11  défait  le  paquet  et  voit  la  layette,  qui  n'est 
accompagnée  d'aucun  mot  d'explication  :  «  Qui  dia- 
ble, pense-t-il,  a  pu  faire  ce  cadeau  à  ma  femme?» 
Cette  idée  le  rend  tout  pensif.  Il  se  promène  quelques 
minutes  dans  le  salon  en  réfléchissant  à  l'aventure  : 
«  Parbleu  !  se  dit-il,  la  layette  ne  peut  venir  que  de  la 
mère  de  ma  femme  ou  de  son  oncle.  11  sei're  la  layette 


dans  son  cabinet,  descend,  monte  en  cabriolet  et  se 
l'ail  conduire  chez  sa  belle-mère. 

B.i.  attend  que  sa  iielle-nièrc  lui  parle  île  la  layelte, 
mais  il  n'en  est  jias  question.  Klle  lui  montre  même 
deux  bracelets  qu'elle  veut  donner  en  étrennes  à  sa 
lille. 

Décidément,  se  dit  B....,  la  layette  vient  do  l'oncle 
de  ma  femme.  Il  remonte  eu  cabriolet;  en  route  il  a 
des  sueurs  froides.  Arrivé  chez  l'oncle  qu'il  trouve  en 
train  de  déjeuner,  il  a  la  figure  si  bouleversée  que  l'on- 
cle lui  demande  s'il  est  malade.  —  Ce  n'est  rien,  ré- 
pond B...,  c'est  le  grand  air  qui  m'a  saisi  :  —  Bois 
un  verre  de  rhum,  lui  dit  l'oncle  ;  à  propos,  viens  donc 
voir  le  chàle  que  j'ai  acheté  pour  ma  nièce.  —  L'n 
chàlo!  balbutie  B....  L'oncle  se  fait  apporter  l'objet 
et  le  montre  à  son  neveu,  qui  le  regarde  sans  le  voir, 
fait  quebjues  observations  au  hasard,  et  trouve  un  pré- 
texte pour  s'en  aller. 

Il  rentre  chez  lui  furieux,  se  demandant  qui  a  pu 
envoyer  la  layette  :  «  Ma  femme  aurait-elle  donné  à 
quelqu'un  le  droit  de  commettre  une  telle  imperti- 
nence? Est-ce  une  insulte  directe,  une  provocation?» 
11  se  rappelle  que  l'hiver  précédent,  dans  le  monde, 
un  officier  de  dragons  avait  montré  quelque  assiduité 
auprès  de  sa  femme.  Un  jeune  homme  blond  et 
exactement  frisé  s'était  trouvé  deux  fois  à  son  côté,  au 
spectacle,  comme  par  hasard.  «J'aurai  le  mot  de  cette 
énigme  et  l'on  ne  rira  pas  à  mes  dépens.  » 

Sa  femme  rentre.  B...,  résolu  à  dissimuler,  ne  lui 
dit  pas  un  mot  du  cadeau  mystérieux  ;  mais  sa  figure 
a,  malgré  lui,  une  expression  sombre  et  soucieuse. 
Survient  l'ami  M...,  joyeux  et  triomphant.  Il  attend 
qu'on  lui  parle  de  la  layette  ;  l'air  lugubre  de  B...  lui 
fait  supposer  qu'il  tombe  au  milieu  d'une  querelle  de 
ménage.  Après  une  courte  visile,  il  sort  en  se  félicitant 
d'être  resté  célibataire. 

La  layette  est  cachée  soigneusement  dans  le  cabinet. 
B...  épie  les  moindres  actions  de  sa  femme;  il  a  l'œil 
ai.v»/enètres  pour  voir  si  quelque  attentif  ne  fait  pas  le 
pied  de  grue  au  dehors.  Sa  femme  sort  pour  faire  des 
visites,  il  la  suit  de  loin;  et,  dans  sa  préoccupation,  il 
manque  d'être  écrasé  par  un  cabriolet  ;  il  parvient  se- 
crètement à  s'emparer  de  la  clef  d'une  cassette  où  sa 
femme  serre  ses  lettres  ;  mais  cette  correspondance  est 
aussi  innocente  que  possible. 

Quelques  jours  se  passent.  M...  est  venu  deux  fois; 
mais  l'air  de  B...  s'assombrit  de  plus  en  plus,  ce 
qui  lui  ôte  l'envie  de  parler  de  la  layette,  a  Ils  sont 
donc  en  querelle  tons  les  jours?  se  dit  M...  Quelle 
mouche  les  piijue?  Trois  fois  heureux  les  célibatai- 
res !  » 

Un  matin,  B...,  qui  ne  dormait  plus,  se  dit  :   a  11 


REVUE  COMIQUE 


faut  que  je  confie  mon  chagrin  à  M...  A  quoi  servi- 
raient les  amis  si  ou  ne  les  consultait  pas  dans  les  cir- 
constances difficiles',"?  Depuis  que  je  suis  marié,  M...  -vient 
tous  les  jours  chez  moi  ;  il  aura  peut-être  remarqué, 
dans  la  conduite  de  ma  femme,  des  choses  que  je  n'ai 
pas  su  voir.  En  tout  cas,  il  m'aidera  dans  mes  recher- 
ches ;  d'ailleurs,  il  est  beaucoup  plus  âgé  que  moi,  il 
me  donnera  des  conseils.  » 

B...  s'hahilie  à  la  hâte,  court  chez  son  ami  et  lui  de- 
mande un  moment  d'entretien  secret.  Surpris  de  la  so- 
lennité de  ce  préambule,  M...  renvoie  la  bonne  qui 
lui  apportait  son  déjeuner. 

«  Parle,  lui  dit-il  ;  je  suis  tout  à  ta  disposition,  si 
tu  as  besoin  de  moi. 

—  Peut-être  en  aurai-je  besoin,  répond  B....  Je 
viens  m'épanchcr  dans  le  sein  d'un  ami.  » 

M...  prend  la  main  de  B...  et  la  serre  dans  les  sien- 
nes. B...,  vivement  ému,  porte  son  mouchoir  à  ses 
yeux  ;  les  deux  amis  s'embrassent  par  un  mouvement 
spontané. 

a  Voici  ce  que  c'est,  reprend  B...  après  un  moment 
de  silence.  Le  jour  de  l'an,  j'ai  reçu  une  layette... 

—  Je  le  sais,  répond  M...  tianquillement,  je  le  sais  ; 
après  ■; 

—  Tu  le  sais? 

—  Parbleu  !  puisque  c'est  moi  qui  l'ai  envoyée. 
Toi  !  s'écrie  B...  en  se  laissant  aller  dans  un  fau- 
teuil. Le  diable  t'emporte,  imbécile  ! 

Imbécile  !  répète  M...  indigné  ;  imbécile,  un  ami 

de  vingt  ans  !  » 

Les  deux  amis  sont  à  peu  près  brouillés  depuis  ce 
jour  ;  on  espère  pourtant  qu'ils  se  réconcilieront  à  l'oc- 
casion du  baptême. 


A  i;USAGE  DES  GENS  SÉUIEUX. 


llî.-J 


RÉFORME  POSTALE. 

Voici  la  rclorine  postale  en  pleine  aclivilé,  et  lun  en 
ressent  déjà  les  eiïels.  I,cs  correspondances  prennent 
un  développenienl  inusité  ;  des  parents,  des  amis,  sé- 
parés par  de  longues  distances,  cl  devenus  presque 
étrangers  les  uns  aux  autres,  rompent  le  silence  prési- 
dentiel qu'ils  avaient  gardé  si  longtemps.  I,es  écrivains 
publics  sont  accaldés  de  besogne  ;  les  Manuels  du  style 
épistolaire  se  vendent  à  des  millions  d'exemplaires; 
les  malles  plient  sous  le  fardeau  des  épitres  de  toute 
espèce,  qui  se  croisent  dans  tous  les  sens.  Les  estam- 
pilles gommées  que  l'en  plaque  sur  les  lettres  pour  les 
affranchir,  ont  été  d'abord  un  sujet  d'embarras  pour 
beaucoup  de  gens;  ils  les  employaient  en  guise  de 
pains  à  cacheter,  et  ne  pouvaient  s'expliquer  pourquoi 
elles  ne  collaient  que  d'un  côté.  Ils  sont  enfin  parve- 
nus à  en  comprendre  l'usage  ,  et  les  ont  trouvées  si 
commodes,  qu'ils  écriraient  maintenant,  rien  que  pour 
avoir  le  plaisir  de  s'en  servir. 

Chacun,  profitant  des  avantages  delà  nouvelle  taxe, 
s'empresse  de  solder  son  arriére.  On  écrit  à  ceux  que 
l'on  connaît,  et  même  à  ceux  que  l'on  ne  connaît  pas; 
on  écrit  aux  vivants  et  aux  morts.  Des  individus 
qui  végétaient  isolés  au  fond  de  provinces  lointaines, 
se  mettent  de  nouveau  en  rapport  avec  les  centres  de 
civilisation.  Ce  n'est  pas  seulement  aux  ouvriers,  aux 
paysans,  aux  conscrits,  que  la  réforme  postale  est  utile. 
Des  individus  aisés,  mais  enclins  à  l'avarice,  reculaieiil 
devant  le  sacrifice  d'un  port  de  lettre,  et  s'abstenaient 
de  toute  relation  épistolaire.  Aujourd'hui,  ils  réparent 
avec  usure  le  temps  perdu.  Le  décret  postal  a  mis  la 


I.ES  CRASDES  fAtES  DE  I.A  I.IBEHTÉ. 


156 


REVUE  COMIQUE 


plume  à  la  main  d'une  multitude  de  campagnards, 
qui  semblaient  avoir  renoncé  à  Vart  ingénieux  dépein- 
dre la  parole  et  de  parler  aux  yeux;  et  il  en  résulte  de 
curieuses  lettres,  dont  la  Revue  Comique  offre  à  nos 
lecteurs  quelques  échantillons. 


Saint-Jcan-Pied-de-Vort,  r.janvicr  1849. 
Il  a  fallu,  mon  très-clier,  la  réloime  postale  pour  vous  ilù- 
cider  à  lu'écrire.  Je  n'ai  pas  le  temps  de  vous  répondre  aujour- 
d'hui ;  mais  je  vous  adresse,  ci-jointe,  une  lettre  (juc  je  ne  vous 
avais  pas  envoyée,  pour  ne  pas  vous  faire  payer  inutilement  un 
port  exorbitant.  Elle  vous  mettra  au  fait  de  mes  opinions, 
qui  sont  restées  invariables. 

Tout  à  vous, 

RolUCIIARU. 


Dr    MÊME    AU    MÊME. 

5  janvier  1848- 
Vous  me  faites  l'honneur,  mon  très-cher,  de  me  consulter 
sur  l'esprit  des  conservateurs  do  nos  départements.  Si  le  Gou- 
vernement agissait  d'après  leur  impulsion,  il  ne  serait  pasaussi 
empêtré  qu'il  l'est  actuellement.  11  ne  s'agit  pas  de  contre- 
carrer ouvertement  l'opinion  publique;  ce  serait  tout  compro- 
mettre. Faites-lui  donc  une  concession  insignifuinte,  en  admet- 
tant dans  le  ministère  quobiucs  bavards  du  centre  gauche. 
Prenez  Thiers  ou  Odilon  Barrot,  qui  n'en  est  que  la  doublure, 
et  dont  les  déclamations  sonores  ne  feront  jamais  de  mal  à  per- 
sonne. Ajoutez-y  quelques  nullités,  que  vous  qualifierez  har- 
diment d'hommes  spéciaux.  Economistes,  financiers,  agrono- 
mes, fous  vous  serviront  à  souhait,  pourvu  qu'ils  soient  bien 
routiniers,  bien  bourrés  de  vieilles  idées,  bien  contraires  à 
toute  réforme  efficace.  Le  public,  qui  les  aura  vus  dans  les 
rangs  de  l'opposition,  aura  la  bonhomie  de  croire  à  leurs  ca- 
pacités et  à  leur  dévouement. 

N'oubliez  pas  de  donner  satisfaction  aux  légitimistes  en  ca- 
sant l'un  des  leurs  dans  le  ministère  nouveau.  Vous  vous  ral- 
lieriez tout  le  parti,  si  vous  doimiez  l'instruction  publique  à 
quelque  genlillàli-e  rétrograde,  à  quelque  jésuite  de  robe 
courte,  connu  par  ses  préjugés  féodaux  et  sa  haine  pour  le  ré- 
gime universitaire. 

Vous  étoufferez  bien  des  criailleries,  en  confiant  les  affaires 
à  des  hommes  tels  que  ceux  que  je  vous  désigne.  Une  fois 
qu'ils  seront  installés,  laissez-leur  le  soin  de  se  rendre  impos- 
sibles, et  vous  reviendrez,  par  une  voie  naturelle,  au  bon  mi- 
nistère Guizot. 
Agréez,  etc. 

RoBICUAIlD. 


A    M.    DETERVILLE,    LIBRAIRE   A  rARIS. 

Ctiâtiilon-en-Bazoid,  5  janvier  18-19. 
Mon  cher  monsieur, 
La  réduction  des  frais  de  poste  me  permettra  de  vous  écrire 
désormais  fréquemment,  et  je  compte  sur  votre  complaisance 
pour  me  répondre  et  me  tenir  au  courant  du  mouvement  litté- 
raire. 

Veuillez  au  préalable  m'expédier  quelques  nouveautés,  dont 
j'ai  ouï  parler,  et  que  je  désire  vivement  connaître  :  la  Dot  de 
Suzette,  par  M.  Fiévée  ;  Cinq-Mars,  roman,  par  M.  le  comte 
Alfred  de  Vigny  ;  la  Chronique  de  Charles  IX,  par  M.  Mérimée  ; 
JJernani,  drame  en  cinq  actes,  |iar  M.  Victor  Hugo  ;  la  Jéru- 
salem délivrée,  traduite  en  vers  français,  par  M.  Baour-Lor- 
mian,  et  le  Voltaire  de  M.  Touquet.  Dites-moi  le  pri\  du  Livre 


des  Cent-et-Un,  qui  se  vend  chez  Ladvocat,  au  Palais-Royal, 
Galerie  de  bois. 

Choisissez-moi  aussi  quelques  nouvelles  pièces  de  comédie 
dans  le  catalogue  de  Barba.  Je  vous  signale  Frontin,  mari- 
garçon,  pu-  M.  Scribe  ;  une  Fête  de  Né-on,  tragédie  en  cinq 
actes,  par  M.  Alexandre  Soumet;  les  Vêpres  siciliennes,  de 
M.  Casimir  Dclavigne,  jeune  écrivain  qui,  dit-on,  promet 
d'être  la  gloire  du  Parnasse  français. 
Agréez,  monsieur,  etc.. 

Cerisier,  ancien  fournisseur  des  armées. 


A    M.    RADIOrX,    A    SAIKT-nÉVERlEN    (nIÈVRE). 

Paris,  6  janvier  1819. 
Cher  ami, 
La  cherté  des  frais  de  poste  m'a  empoché  jusqu'à  ce  jour  de 
te  donner  de  mes  nouvelles.  Je  puis  me  permettre  aujourd'hui, 
sans  grever  ton  modique  budget,  de  t'annoncer  que  je  me  jiorte 
bien,  et  que  je  prospère  dans  mon  commerce  d'épicerie.  Ma 
santé  a  toujours  été  satisfaisante  depuis  longtemps  ;  seulement 
j'ai  eu  une  attaque  de  choléra,  qui  a  failli  m'cniporter.  Je  me 
suis  cru  un  moment  perdu,  d'autant  plus  qu'il  mourait  dix- 
huit  cents  personnes  par  jour. 

Quand  viendras-tu  nous  voir  à  Paris  ?  Il  faut  que  lu  te  dé- 
cides il  faire  ce  voyage.  Tu  trouveras  bien  des  changements, 
auxquels  tu  ne  t'attends  guère.  Figure-toi  que  l'on  a  abattu 
les  rotondes  des  Panoramas  cl  la  maison  de  Frascati !  L'Opéia 
n'est  plus  place  Louvois  :  on  l'a  transféré  rue  Lepelletier.  Ou 
a  ouvert  de  nouveaux  passages,  qui  sont  très-commodes  pen- 
dant la  mauvaise  saison,  entre  autres  les  galeries  Vivienne  et 
Colbert.  La  Madeleine  est  achevée,  et  la  rue  Castiglione  est 
définitivement  livrée  à  la  circulation. 

Dans  Tattenle  de  ta  visite,  je  suis  avec  affection  ton  vieux 
camarade, 

MocTET,  épicier-droguiste,  rue  Xeuve-Saint-Merry. 


A   M.    FILOCUARD,    A    PARIS. 

Sjiiu-Gilles-sur-Vie  (Vendét). 

Mon  cher  neveu, 
Puisque  les  lettres  ne  coûtent  plus  que  quatre  sous,  je  serai 
charme  de  correspondre  régulièrement  avec  vous.  Vous  m'aviez 
écrit  deux  lettres,  il  y  a  quelques  années;  mais  je  n'ai  pas  jugé 
à  propos  d'y  répondre,  pour  ne  pas  nous  mettre  en  dépense. 
Tout  va  bien  chez  nous.  Nous  avons  été  un  moment  inquiété 
par  les  chouans;  mais  ils  n'ont  plus  reparu  depuis  qu'on  a  ar- 
rêté la  duchesse  de  Berry.  Mon  entreprise  de  parcs  aux  huîtres 
réussit  à  merveille.  Mes  enfants  sont  tous  établis.  Si  vous  avez 
conservé  des  vues  sur  votre  cousine  Yvonne,  je  crois  devoir 
vous  engager  à  y  renoncer,  attendu  qu'elle  est  mariée,  et 
qu'elle  a  cinq  garçons.  Dites-moi  un  peu  ce  que  vous  devenez, 
et  si  vous  obtenez  de  l'avancement  dans  la  garde  municipale  '! 
Votre  oncle  affectionné, 

Fii.ocuAKD  aîné,  propriétaire. 


A    a.    GOB.SECX    ET    C'^. 

Monsieur, 

Je  sais  que  vous  ne  recevez  que  des  lettres  affranchies  :  c'est 
pourquoi  ma  fortune  ne  m'a  pas  permis  jusqu'à  présent  de 
vods  écrire.  Mais  aujourd'hui,  il  faudrait  que  je  n'eusse  pas 
i  sous  dans  ma  poche  pour  me  priver  du  plaisir  de  vous  écrire 
que  vous  êtes  un  grigou. 

Recevez,  monsieur,  l'assurance  de  mon  respect. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


137 


KlUMITATiU.N    D'UNE  CALUM.ME. 


l'Iusicur.s  jiiiiiiiaiix  ont  .-iyiialc  Iti  iiiutisinu  cumplel 
(lu  présiJt'iit,  en  pi-ésence  des  uiilorilûs  civiles  el  iiiili- 
laires  qui  ont  dclilé  devant  lui,  le  I"'  janvier;  ces  jour- 
naux sont  mal  informés,  car  le  président  a  pris  (jua- 
Ire  fois  la  parole  en  cette  niémora!)le  circonstance. 

I!  a  daigné  dire  au  re|)résont;int  (iuinard,  comman- 
dant l'artillerie  de  la  garde  nationale  parisieime:  «Ali! 
colonel,  j"ai  été  content  de  votre  musique,  dimanche 
dernier.  »  l'uis,  après  quelques  instants  de  réllexion,  il 
a  ajouté  :  «  Kt  puis,  j"ai  été  content  de  vos  hommes 
aussi,  » 

Ijn  oflicier  de  la  garde  nationale  de  Saint-Denis, 
présenté  au  président,  a  cru  devoir  lui  adresser  un 
speech.  Louis  Bonaparte  l'a  écoulé  avec  bienveillance, 


et  a  répliqué  gracieusement  :  «  Je  voudrais  vous  ré- 
pondre; mais  je  ne  le  puis   » 

On  présentait  au  président  le  conseil  d'état.  —  L'n 
des  plus  grands  corps  du  pays,  disait  le  présentateur. 
a  Ail  !  oui,  répond  avec  la  plus  extrême  aiïahilité  le 
président,  j'en  ai  entendu  parler.  » 

M.  de  Chasselonp,  membre  du  conseil  d'état,  ayant 
eu  les  honneurs  d'une  présentation  personnelle.  «  Vo- 
tre père  était  général  de  mon  oncle,  »  lui  fut-il  dit 
avec  heaucoup  de  bonhomie. 

Ces  allocations  ne  sont  peut-être  pas  très-éloquentes, 
mais  il  faut  faire  la  part  de  l'émotion  inséparable  d'un 
premier  début. 


UNE  UNION   LËGIThMÉE. 


Personne  n'ignore  que  M.  de  Noaiilcs  se  présente  à 
l'Académie  française  pour  remplacer  M.  de  Chateau- 
briand. 

M.  de  Noailles  est  un  vieux  tragique  que  ses  rela- 
tions d'homme  du  monde  et  un  certain  respect  des 
convenances  ont  empêché  de  faire  des  tragédies ,  du 
moins  ostensiblement. 

a  Je  suis  bien  malheureux,  disait-il  un  jour,  j'adore 
la  Tragédie,  j'en  raffole,  elle  me  mène  par  le  bout  du 
nez,  et  il  m'est  impossible,  par  respect  pour.le  nom  que 
je  porte,  de  l'épouser;  je  ne  puis  pas  même  lui  donner 
le  bras  en  public.  Je  lui  ai  loué  un  appartement,  je 
l'ai  mise  dans  ses  meubles,  et  je  n'en  suis  pas  moins 
contraint  de  dissimuler  l'amour  qu'elle  m'inspire.  Cette 
.-célérale  de  Tragédie  me  joue  toute  sorte  de  tours  ;  elle 
m'a  trompé  avec  Latour  de  Saint-Ybars.  Il  y  a  des 
moments  où  je  lui  flanquerais  des  volées  ,  si  je  ne  crai- 
gnais d'attirer  sur  moi  le  courroux  d'Apollon. 
Funeste  grandeur  qui  me  retient  ainsi  au  rivage! 

Ainsi  parlait  M.  de  ?yoailles  à  son  confident. 

—  Seigneur,  lui  répondit  le  confident,  vous  avez 
tort  de  vous  gêner.  Je  vois  d'aussi  grands  seigneurs 
que  vous,  si  j'ose  m'exprimer  ainsi,  qui  ne  craignent 
pas  de  courtiser  la  Tragédie  au  vu  de  tous.  M.  la 
Uochefoucauld-Liancourt,  par  exemple,  a-t-il  hésité  à 
montrer  sa  faiblesse  pour  Agrippine? 

—  Il  ne  l'a  point  épousée. 

—  Non,  mais  il  l'a  adoptée  en  présence  des  autorités 
constitués  de  l'Odéon  qui  est  le  treizième  arrondisse- 
ment littéraire. 

—  Tu  as  raison,  Arcas.  Mais,  moi  même,  ai-je  tout 
à  fait  manqué  de  courage"?  Mon  histoire  de  madame  de 
Maintenon  n'est-elle  pas,  à  proprement  parler,  une  tra- 
gédie'? 


—  Je  ne  dis  pas  précisément  le  contraire,  seigneur  ; 
cette  histoire  est  une  tragédie  et  même  une  tragédie 
sacrée  ;  mais... 

—  Achève,  Arcas. 

—  Vous  n'avez  fait  là  qu'un  mariage  de  la  main 
gauche. 

—  Kt  n'est-ce  point  assez  pour  un  homme  de  ma 
sorte? 

—  C'est  trop  ou  trop  peu,  seigneur;  excusez  ma 
franchise.  La  Tragédie  ressemble  à  ces  vieilles  gouver- 
nantes qui  ont  beau  avoir  tout  pouvoir  chez  leur  mai'.re, 
elles  ne  sont  jamais  contentes  avant  d'avoir  été  épousées 
pour  tout  de  bon.  Jusque-là  ce  sont  des  plaintes  conti- 
nuelles, des  grognements,  de  mauvais  procédés.  2Se 
soyez  pasétonné  si  la  Tragédie  vient  quelque  jour  vous 
faire  une  scène  de  jalousie  en  pleine  rue. 

—  Grands  dieux  !  comment  faire,  chei' Arcas'? 

—  Je  ne  vois  qu'un  moyen. 

—  Parle. 

—  Vous  vous  faites  recevoir  de  l'Académie. 

—  Après? 

—  Une  fois  reçu,  vous  faites  courir  le  bruit  que 
l'Académie  vous  a  imposé  la  condition  de  légitimer 
votre  mariage  avec  la  Tragédie.  Vos  bans  sont  publiés 
à  l'Odéon,  vous  envoyez  des  lettres  de  faire  part,  et 
grâce  à  ce  stratagème  qui  satisfait  aux  justes  exigences 
du  monde,  il  vous  est  permis  dorénavant  de  donner  en 
public  le  bras  à  la  Tragédie  et  de  la  conduire  dans  les 
salons.  Vous  n'aurez  plus  besoin  de  la  déguiser  en 
histoire. 

—  Excellente  idée  !  Les  dieux  t'ont  donné,  Arcas,  un 
génie  souple  et  fertile.  Reste  maintenant  la  question 
des  visites.  Prends  ma  voiture  et  un  paquet  de  mes 
cartes.  Tu  en  déposeras  une  chez  chacun  des  quarante 


138 


REVUE  COMIQUE 


académiciens.  Aie  soin  que  ma  voiture  stationno  un  j  annoncer  mes  intentions  à  la  Tragédie,  et  sécher  les 
quart  d'heure  devant  la  porte,  ils  ne  résisteront  pas  à      pleurs  de  celle  noble  amante. 
cet  honneur  que  je  leur  ferai.  Moi,  je  vais  de  ce  pas 


LA  CALOMNIE  A  PROPOS  DU  RÉGEM. 


La  liberté  de  la  presse  serait  un  fléau  si  tout  le  monde 
l'entendait  comme  certains  journaux.  On  imprimera 
demain  que  M.  X.  est  un  voleur,  et  on  se  croira  un  hon- 
nête homme  en  imprimant  le  lendemain,  non  pas  qu'on 
s'est  trompé  la  veille,  ce  serait  trop  beau,  mais  que 
M.  X.  prétend  qu'on  s'est  trompé.  «Notre  impartialité 
bien  connue,  ajoute-t-on,  nous  fait  un  devoir  d'ac- 
cueillir la  réclamation  de  M.  X.  C'est  au  public  à  juger 
entre  l'attaque  etla  défense.»  Or, l'attaque, c'était  vous 
qui  vous  la  permettiez;  la  défense,  c'est  naturellement 
la  victime  de  votre  calomnie  qui  l'essaye,  et  comment? 
par  un  simple  non  contre  un  oui;  de  façon  que  M.  X., 
pour  tous  ceux  qui  ne  lisent  pas  deux  jours  de  suite 
votre  journal,  sera,  quoi  qu'il  fasse,  plus  ou  moins 
victime  de  l'étourderie  de  quelque  petit  imbécile  de 
faiseur  de  nouvelles,  si  ce  n'est  de  la  lâcheté  de  quel- 
que ennemi  embusqué  au  coin  de  votre  feuille. 

I^s  journaux  qui  n'ont  pas  conscience  de  la  portée 
de  l'arme  qu'ils  ont  entre  les  mains  mériteraient,  plus 
souvent  qu'ils  ne  la  reçoivent,  une  sévère  leçon.  Mentir 
d'abord,  se  démentirensuite,  n'est  pas  un  jeu  innocent, 
ce   n'est  pas  davantage    un  jeu   d'honnête  homme. 

M.  X.  a  volé  le  régent,  dit  un  journal,  et  sept  jour- 
naux répètent  cet  ignoble  et  grossier  mensonge.  M.  X., 
ancien  journaliste,  et  sachant  par  conséquent  ce  que 
vaut  une  rectification,  fait  un  procès  aux  calomnia- 
teurs. Ceux-ci  se  récrient. 

C'est  en  vérité  par  trop  d'ingénuité  dans  le  mal. 


La  police  de  la  presse  ne  sera  bien  faite  que  quand 
elle  se  fera  par  la  presse  elle-même.  Les  faits  du  genre 
de  celui  auquel  nous  faisons  allusion,  devraient  être 
signalés  à  l'indignation  publique  par  les  journaux  qui 
se  respectent.  Ce  serait  là  de  la  dignité  bien  entendue. 
Leur  silence  est  plus  qu'une  faiblesse,  c'est  une  quasi- 
complicité. 

Du  reste,  si  vous  voulez  distinguer  un  journal  mal 
fait  d'un  journal  bien  fait,  c'est  à  ce  signe  que  vous 
le  reconnaîtrez.  Un  journal  qui  a  pour  patron  un  in- 
dustriel, qui  n'est  qu'une  boutique  ,  accueillera  tou- 
jours ces  sortes  de  canards.  Le  vrai  journal  politique 
s'y  laissera  prendre  très-rarement. 

Il  parait  que  c'est  M.  Nettement,  qui  est  rédacteur 
en  chef  de  l'Opinion  publique,  qui,  le  premier,  a  ac- 
cueilli la  calomnie  dont  nous  parlons.  M.  Nette- 
ment passait  autrefois  pour  un  journaliste  sérieux. 
Un  journaliste  sérieux  lit  tous  les  soirs  son  journal  ; 
évidemment  M.  Nettement  se  garde  bien  de  lire  le 
sien.  Nous  comprendrions  cette  négligence  s'il  ne  s'a- 
o-issait  que  de  son  plaisir  :  lire  tous  les  soirs  depuis  a 
jusqu'à  z  l'Opinion  publique,  peut  n'avoir  en  soi  rien 
de  bien  réjouissant;  mais  quand  on  est  payé  pour  cela, 
qu'on  le  fasse. 

Vous  direz  après  cela,  comme  lu  Patrie,  qu'on  est 
bien  bon  de  s'occuper  de  ce  que  vous  dites.  —  Pauvres 
journaux!  où  en  êtes-vous  réduits,  que  vous  ayez  re- 
cours à  une  pareille  défense! 


Le  ré.ér«d  citoyen  G.noude  pr*«nt.  à  son  jeune  mailre  sa  Odcle  noblesse  ,u>  v.ent  de  lui  donner  une  nouvelle 
preuve  de  son  inaltérable  dévouement  en  votant  pour  le  prince  Louis-Napoléon. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


139 


I!AI'1'(»i;ts  iti.  \  \  iMii.iTiui  i;  wr.c  i.\  pipe. 


Tons  les  fuincuis  s.ivfiil  i]uc  le  cigare  appartient  à 
raristoiiatie,  mais  nue  la  jupe  est  essenticlleiiieiit  dé- 
mocratique. 

L'usage  de  la  pipe  s'est  propagé  pendant  les  troubles 
révolutionnaires  ;  elle  a  dii  ses  succès  aux  clubistes  de 
1703;  l'art  de  la  culotter  a  été  imaginé  par  des  «a«s- 
cu/otfes.  Longtemps  proscrite  et  dédaignée,  elle  a  pro- 
lité  du  2i  lévrier  pour  s'émanciper  de  nouveau  et  ver- 
ser des  torrents  de  fumée  sur  ses  obscurs  l)lasphéma- 
leurs. 

Avant  cette  époque,  le  cigare  régnait  sans  partage 
sur  la  voie  publique  ;  la  pipe  en  était  bannie  ;  à  peine 
si  elle  osait  se  montrer  dans  les  rues  |)opuleuses  des 
faubourgs.  Maintenant,  vous  la  rencontrez  partout  : 
on  la  voit  dans  la  bouche  du  capitaliste  comme  dans 
celle  du  prolétaire  ;  les  meml)res  du  Jorkeij-club  la  pré- 
fèrent aux  panatellos  :  et,  des  quartiers  lointains  où 
elle  était  reléguée,  elle  est  venue  prendre  possession 
du  boulevard  des  Italiens. 

Aussi  l'industrie  des  pipes  a-t-elle  pris  un  dévelop- 
pement considérable.  On  en  a  fait  en  terre  émailiée,  en 
zinc,  en  noix  de  coco;  on  leur  a  donné  les  formes  les 
plus  bizarres  et  les  plus  variées. 

Si  quelque  cataclysme  anéantissait  les  documents 
historiques,  nous  retrouverions  dans  une  collection  de 
pipes  les  annales  contemporaines. 

Il  y  a  des  pipes  sur  lesquelles  on  lit,  au  ccntrc-d'iiiie 
couronne  de  lauriers  :  24  février,  République  fruti- 
çaise. 

Sur  d'autres  est  figuré  l'arbre  de  la  liberté  ;  d'autres 


encore  i-c[)rés('nlent  la  Liberté  en  personne,  tenant 
une  urne  funéraire ,  avec  ces  mots:  Morts  jjour  In 
jjiitrie  ! 

Les  républicains  exaltés  ont  a<lopté  des  pipes  enjo- 
livées de  trophées  d'ormes,  de  bonnets  rouges,  et  de 
barricades.  Les  modérés  culottent  des  Cavairjnac  ,  des 
Lamartine,  des  Gardes  Mobiles,  des  Vivandiî>res 
décorées  après  les  affaires  de  juin.  Les  indifférents  se 
contentent  d'.\bd-el-Kader,  auquel  les  sucs  du  tabac 
communiquent  une  teinte  de  bistre  éminemment 
africaine. 

I^a  pipe  a  joué  un  rôle  dans  les  élections  ;  on  a  débité, 
pour  les  fumeurs,  des  briquets  à  l'effigie  des  gufl^reeo«- 
sins;  la  tète  de  Louis  Bonaparte  transformée  en  tète 
de  pipe,  a  obtenu  un  succès  immense  auprès  des  inva- 
lides et  des  grognards  de  l'empire;  toutefois  les  con- 
naisseurs la  refusent,  en  alléguant  qu'elle  est  trop 
creuse. 

Si  cela  continue ,  il  devient  nécessaire  de  créer  un 
musée  spécial,  où  l'on  étudiera  l'histoire  dans  les  pipes 
a[)rès  l'avoir  étudiée  dans  les  livres.  Le  classement 
chronologique  des  modèles  de  pipes,  mettra  le  public 
à  même  de  passer  en  revue  les  hommes  tt  les  événe- 
ments. 

Et  puis,  que  de  méditations  profondes  inspirera  la 
nature  même  des  objets  exposés;  que  de  réflexions  sur 
l'instabilité  des  choses  humaines,  et  sur  tant  de  gloires 
qui  s'en  vont  en  fumée  ! 

JNous  recommandons  ce  projet  au  futur  ministre 
de  l'intérieur. 


Le  petit  Thiers  ptcscnte  à  son  jeune  maicre  sa  jeune  épicerie   française  qui  vient  de  lui  téiEoigoer  son 
attachement  invincible  en  votaat  pour  Louis-Napoléon. 


140 


KEVUE  COMIQUE 


LE  COMMANDEMENT  DU  GÉNÉRAL  CHANGARNIEU. 


Nous  serions  depuis  cent  ans  en  république,  que 
les  habitudes  parlementaires  n'auraient  pas  perdu  un 
pouce  de  leur  terrain.  A  propos  du  commandement 
exorbitant  du  général  Chaugarnier,  on  a  encore  tout 
dit,  excepté  la  vérité. 

Tous  les  orateurs,  y  compris  M.  Lcdru-Roilin,  qui 
devrait  bien  quelquefois,  puisqu'il  en  a  les  charges, 
user  des  bénélices  que  lui  donne  sa  situation  de  chef 
du  parti roM(/e,  c'est-à-dire  oser  beaucoup,  tous  les  ora- 
teurs se  sont  cfTorcés  de  prouver,  ce  que  personne  ne 
contestait,  c'est  que  le  gouvernement  avait  violé  un  ar- 
ticle de  la  Constitution  en  réunissant  un  pareil  com- 
mandement dans  une  seule  main. 

Mais  tous  ont  déclaré  qu'ils  mettaient  en  dehors  du 
débat  la  personne  du  général  Changarnier;  que  ce 
n'était  point  là  une  affaire  de  personne,  etc.,  etc. 

Or,  c'était  précisément  sur  la  personne  du  général 
Changarnier,  sur  le  choix  qui  avait  été  fait  du  général, 
que  devait,  si  l'on  eût  été  sincèie,  rouler  tout  le  débat. 

Et  en  effet,  si  son  commandement  eût  clé  donné  à 


M.  Guinard,  par  exemple,  croiton  que  M.  Ledru-Rol- 
lin  eût  réclamé?  —  S'il  eût  été  donné  à  M.  Clément 
Thomas,  croit-on  que  le  Nutiona!  eût  protesté  bien 
vivement?  —  Et  enfui  s'il  eût  été  donné  au  général  La- 
moricière,  croit-on  que  \c  Siècle  t'en  fut  alarmé?  Non 
sans  doute. 

La  question  de  personne  n'était  donc  pas  si  indiffé- 
rente. 

Pourquoi  ne  pas  le  dire:  la  violation  de  l'article  de 
la  Constitution,  qui  a  eu  pour  résultat  la  nomination 
du  général  Changarnier  à  cet  incroyable  commande- 
ment, n'a  pas  été  un  tort,  mais  une  faute,  ce  qui  est 
bien  pis!  La  faute  a  consisté  dans  ce  que  le  ministère 
ayant  fait  choix,  dans  la  personne  du  général  Changar- 
nier, d'un  de  ses  adversaires  plutôt  que  d'un  de  ses  dé- 
fenseurs, celte  nomination  est  un  danger  pour  lui  et 
non  une  force  :  la  question  était  là. 

Tout  le  monde  le  savait,  personne  ne  l'a  dit.  Mais,  en 
revanche,  on  a  respecté  un  vieux  préjugé  parlementaire 
et  on  a  perdu  une  journée. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


On  retrouve  partout  l'iiistoire  de  Joseph  vendu  par 
ses  frères.  Les  frères  de  Joseph  étaient  les  politiques  de 
leur  temps. 

—  La  liberté  n'est  pas  si  morte  qu'on  veut  bien  le 
dire;  écoutez  nos  grands  orateurs,  toute  leur  po- 
litique consiste  à  lui  chanter  des  dodo  pour  qu'elle 
s'endorme  au  plus  vite.  Patience!  le /^we«7  de  la  liberté, 
le  Jiéceil  du  peuple  sont  des  chansons  dont  la  mode 
reviendra. 

—  Le  présidentactuel  de  la  République,  a  heureuse- 
mciit  pour  lui,  si  peu  de  mémoire,  qu'il  n'a  pu  ap- 
prendre un  mot  des  petits  discours  qu'on  lui  avait  pré- 
parés pour  la  réception  du  jour  de  l'an.  C'est  riiistuire 
des  épinards.  «  Je  n'aime  pas  les  épinards  et  j'en  suis 
bien  aise,  etc.  » 

C'est  Henri  Monnier  qui  a  inventé  cette  bêtise  de 
génie,  et  cette  autre  encoie  de  M.  Prudhomme,  qui 
est  prodigieuse  :  olez  l'homme  de  la  société,  tous 
l'isolez. 

Cette  jolie  phrase  a  été  gâtée  avec  quelque  esprit 
par  un  de  nos  hommes  politiques.  —  11  parlait  du  duc 
d'Angoulême,  qui  avait  coutume  de  rester  court  toutes 
les  fois  qu'il  avait  un  mot  à  dire  en  public. 

Mettez  le  duc  d'Angoulême  au  milieu  d'une  société 
de  gens  d'esprit,  disait-il,  vous  l'isolez. 


—  M.  de  Malleville  a  du  mérite  à  se  taire  :  il  est  clair 
qu'il  ne  veut  pas  se  brouiller  avec  le  président  de  la 
République,  ce  qui  est  un  sentiment  fort  louable,  ou 
que  la  crainte  de  quelques  récriminations  l'a  arrête. 
Toujours  est  il  que  puisque  M.  de  Malleville  ne  devait 
pas  tout  dire,  il  eût  mieux  fait  de  se  taire  tout  à  fait. 
Ce  qu'il  y  a  de  pis  dans  les  affaires  de  ce  genre,  c'est 
un  sous-entendu.  Si  M.  de  Malleville  eût  parlé  tout  à 
fait,  il  eût  peut-cire  réussi  à  prouver  qu'il  avait  agi 
en  Spartiate.  —  Il  se  tait  après  avoir  annoncé  un  dis- 
cours; il  s'ensuit  que  ses  adversaires  interprètent  con- 
tre lui  son  silence.  Et  pourtant,  si  les  journaux  y  per- 
dent, la  morale  publique  y  gagne.  Un  scandale  man- 
qué, c'est  un  beau  bénéfice,  c'est  celui  (ju'a  retiré 
M.  de  Malleville  de  sa  démission. 

—  On  mettait  autrefois  autour  des  pièces  de  cinq 
francs,  on  met  encore  au  bas  des  discours  ce  protocole  : 
((  Que  Dieu  protège  la  France  !  »  Pauvre  France,  n'esl- 
ce  pas  comme  si  on  lui  disait  :  Aide-toi,  le  ciel  t'ai- 
dera! 

—  On  parle  beaucoup  des  mines  d'or  de  la  Califor- 
nie, et  on  s'étonne  de  l'avidité  que  mettent  tous  ceux 
qui  débarquent  dans  ces  parages  à  tout  quitter  pour 
aller  à  la  recherche  de  quelque  veine  bienheureuse, — 
sommes-nous  beaucoup  moins  avides,  nous  qui,  dans 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


Ul 


iinp  rc'vdliilion,  ne  voyons  i|ii'imt!  occasion  de  nous 
niiM- sur  les  iilacos?  —  l.fs  Californiens  quittant  leur 
tliaiiiii'  pcinr  alii'c  rlieiclior  do  l'or  dans  le  sable  do 
leur  rivai;.'.  —  Nous  connaissons  d'IioinuHes  coiuiner- 
(.-ants,  faisant  liien  leurs  alVaires,  qui  les  ont  abandon- 
nées pour  briguer  une  place  de  sous-préfet.  Les  anti- 
clmnibres  des  ministères  en  regorgent. 

—  .\  quoi  sert  l'expérience  en  toute  cliose  et  sur- 
tout en  politique?  l>cs  T.acédéinonicns  faisaient  autre- 
fois exposer  sur  la  place  publique  un  esclave  ivre. 
I.'lusloire  ne  dit  pas  ([u'il  s'en  bût  ces  jonrs-là  une 
bouteille  de  \in  de  moins  dans  toute  la  Grèce. 

—  Il  n'y  a  pas  de  |\aysoii  l'on  iirenne  plus  facilement 
qu'en  l'rance  un  caprice  pour  de  l'amour,  de  l'engoue- 
ment pour  de  i'entbousiasme.  C'est  pour  cela  qu'on 
dit  les  Français  inconstants;  ils  ne  sont  qu'étourdis.  — 
I.eur  tort  n'est  pas  de  se  reprendre,  mais  de  s'être 
donnés. 

—  Quand  on  rencontre  dans  une  forêt  un  arbre  mort 
en  apparence,  on  lui  fait  une  entaille  pour  savoir  si  la 
sève  vivante  ne  se  caclie  pas  sous  l'écorce  desséchée. 
Nous  venons  de  faire  une  entaille  à  la  vieille  société; 
elle  est  morte,  bien  morte,  mais  cette  entaille  n'est 
pas  assez  profonde,  et  des  galvaniseurs  veulent  nous 
faire  croire  qu'elle  a  encore  dos  siècles  à  vivre,  et 
que  cette  mort  n'est  qu'apparente? 

—  Ce  qui  l'ait  la  fmloiie  des  idées  nouvelles,  c'est 
(pi'elles  sont  nouvelles.  — On  rirait  depuis  longtemps 
au  nez  ou  à  la  barbe  de  .MM.  Considérant  et  Proudbon, 
si  ou  savait  que  leurs  idées  sont  grecques,  égyptien- 
nes, etc. 

—  M.  Marrast  a  osé  menacer  la  tribune  des  journa- 
listes, d'oii  partent  incessamment  les  plus  inconvenan- 
tes interruptions  ,  de  la  faire  évacuer.  I.à-dessus  , 
grandes  clameurs  dans  la  plupart  des  journaux,  et  cha- 
cun de  rappeler  à  M.  .Marrast  qu'il  n'est  lui-même 
fjiùin  journaliste. 

Si  la  même  menace  eût  été  adressée  à  toute  autre 
tribune,  celle  des  anciens  députés  on  des  gardes  natio- 
naux, croyez- vous  que  ces  messieurs  eussent  montré 
cette  belle  indignation? 


Chers  confrères,  vous  qui  attaquez  tout,  qui  ne  res- 
pectez rien,  soyez  donc  moins  chatouilleux,  ce  sera  de 
bon  gont. 

—  l.a  r.é  lubliqiii'  e>t  le  (iiilliver  de  notre  temps. 
Voilii  des  Lilliputiens  cpii  essayent  de  lui  mettre  des 
lils  aux  pieds  et  aux  mains,  et  Gulliver  se  laisse  enchaî- 
ner. La  patience  est  la  veilu  des  forts. 

—  Dans  l'ordre  du  jour  du  général  Changarnicr  re- 
latif à  la  réce|)tion  des  ofliciers  de  la  garde  nationale 
par  le  président  de  la  République,  on  avait  remarqué 
cette  phrase  :  o  Le  général  Changarnier  se  réserve  de 
voir  messieurs  les  ofliciers  de  la  garde  nationale  avant 
la  réception.  » 

Un  grand  nombre  d'ofliciers,  à  qui  il  ne  convenait 
pas  de  passer  ainsi  à  cette  vinte préparatoire,  se  sont 
rendus  directement  à  l'Klysée. 

Le  plus  grand  nombre,  une  fois  ce  devoir  accompli, 
se  sont  arrêtés  rue  Basse-du-Rempart,  n°  T^O  —  Huit 
mille  cinq  cents  noms  se  sont  l'ait  inscrire  ce  joui-là 
chez  le  général  Cavaignac. 

—  Un  des  amis  du  maréchal  Bugcaud  faisant  allii- 
sien  an  manque  d'ordre  que  tous  ceux  qui  ont  connu 
le  brave  maréchal  ont  pu  observer  dans  ses  idées,  di- 
sait :  «  Le  maréchal  a  beaucoup  d'idées;  mallicureu- 
sement  elles  dansent  le  cancan  dans  sa  tête.  » 

—  A  l'occasion  du  jour  de  l'an  et  de  la  nominalion 
du  nouveau  président  de  la  Républi(iue,  beaucouj)  de 
nos  honnnes  politiques  ont  essayé  de  se  faire  faire  des 
habits  neufs  avec  leurs  vieux  habits.  Quelques-uns 
avaient  beau  faire,  la  marque  du  galon  de  l'ancienne 
livrée  était  toujours  visible. 

—  Les  principes  sont  beaux,  excellents,  magniliqnes. 

—  Si  les   hommes  valaient  les   principes,  tout  irait 
bien. 

—  Les  troubles,  a  dit  Montesquieu,  ont  toujours 
affermi  les  empires.  —  La  France  peut  donc  espérer 
être  un  jour  ferme  et  solide. 

—  Tous  les  jongleurs  n'avalent  pas  des  épées  nues. 

—  Les  plus  habiles  sont  ceux  qui  les  font  avaler  à  leurs 
admirateurs. 


Jean-Paul   Richters  avait  raison  de  dire  que 
présent  n'est  que  le  singe  du  passé.  « 

Rien  n'est  plus  vrai  de  notre  temps.  La  science  de 
la  politique  est,  dit-on,  l'art  de  prévoir;  c'est  la  mar 


LE    PRÉSENT    ET    L'AVENIR 

1 


voici  que  la  politique  que  nous  faisons  en  ce  moment 
est  l'art  de  faire  revivre  le  passé,  et  de  nous  ramener 
d'où  nous  venons.  Ce  mot  magique  en  avant,  en  avant, 
que  la  France  a  dit  naguère,  et  que  toutes  les  nations 


che  de  l'esprit  humain  vers  un  meilleur  avenir;  mais      de  l'Europe  ont  répété  après  elle,  semble  maintenauf 


m 


REVUE  COMIQUE 


un  cri  de  réprobation.  Il  s'agit  d'ctoufler  toutes  les 
idées  grandes  et  généreuses  et  de  recommencer  à  vivre 
comme  on  a  vécu;  et  parce  qu'on  a  vécu  ainsi,  le  peu- 
ple s'est  fait  lui-même,  il  y  a  un  an,  l'opération  de  la 
cataracte;  mais,  trop  presse  de  voir  la  lumière, il  a  levé 
trop  tôt  le  bandeau  posé  sur  ses  yeux  malades,  et  il  est 
redevenu  aveugle.  Ne  croyez  pas  qu'il  regrette  cette 
lumière  entrevue  et  qui  n'a  brillé  qu'un  jour  pour  lui. 
Il  est  retombé  avec  joie  dans  son  obscurité  ;  n'y  voit- 
on  pas  toujours  assez  pour  suivre  cette  route  connue 
et  ce  chemin  battu  où  il  marche  depuis  si  longtemps 
sans  s'arrêter?  Pourquoi  en  prendre  un  autre? 

Le  peuple  est  fataliste;  il  nie  le  mouvement.  Il  s'as- 
seoit et  regarde  du  côté  de  son  passé  en  disant  :  Re- 
commençons. Il  n'est  préoccupé  que  de  son  bien-être 
matériel;  il  sacrifie  tout  au  présent;  l'avenir,  cette 
part  du  temps,  qui  est  d'essence  divine,  puisqu'elle 
n'existe  pas  encore,  n'est  rien  pour  lui,  il  n'y  croit 
pas;  comme  les  aveugles,  il  ne  croit  qu'à  ce  qu'il 
touche. 

Ce  qui  fait  pour  un  moment  la  fortune  des  idées 
nouvelles  qu'on  veut  lui  donner,  c'est  sa  misère;  mais 
il  ne  pardonne  pas  à  ces  idées  de  ne  pas  porter  des  fruits 
aussitôt.  Il  est  comme  les  enfants  qui  sèment  le  grain 
et  qui  reviennent  dans  le  champ,  une  minute  après, 
pour  voir  s'il  a  germé.  Dans  son  impatience,  il  blas- 
phème, il  dit  qu'on  l'a  trompé.  Il  ne  tient  compte  des 
efforts  qui  se  font  de  toutes  parts  pour  lui  que  s'ils  ont 
un  plein  succès.  Ne  rappelle-t-il  pas  à  ceux  qui  l'ob- 
servent un  antique  usage  consacré  dans  une  ville  de 
Syrie?  Il  était  permis  à  tous  les  innovateurs  de  pré- 


senter au  peuple,  chargé  de  les  juger  et  de  les  appré- 
cier, les  idées  et  les  innovations  qu'ils  voulaient  intro- 
duire dans  la  société.  Ils  étaient  tenus  d'arriver  devant 
leurs  juges,  la  corde  au  cou;  si,  au  bout  d'un  temps 
donné,  leurs  idées  étaient  déclarées  par  le  peuple  mau- 
vaises et  irréalisables,  ils  étaient  étranglés  et  mis  à 
mort  pour  les  punir  d'avoir  voulu  porter  atteinte  à  son 
repos  et  à  sa  tranquillité. 

Cela  ne  se  passe-t-il  pas  un  peu  comme  cela  en 
France  et  de  nos  jours?  N'importe,  que  les  cœurs  gé- 
néreux, les  âmes  sympathiques  ne  se  lassent  pas;  la 
société,  c'est  l'homme  avec  ses  erreurs,  ses  aberrations, 
ses  fautes,  son  ingratitude.  Ceux  qui  se  dévouent  pour 
elle  n'en  doivent  espérer  d'autre  récompense  que  celle 
que  donne  le  dévouement.  Il  n'est  pas  vrai  que  le 
bienfait  désintéressé  soit  plus  rare  que  la  reconnais- 
sance ;  les  grands  cœurs  n'en  demandent  et  n'en  at- 
tendent point;  le  peuple  le  reconnaîtra  plus  tard.  En 
attendant  sa  justice,  laissons-le  suivre  la  voie  qu'il  a 
choisie  et  où  il  marche,  conduit  par  le  hasard.  Un  jour 
viendra  où  il  verra  qu'il  s'est  trompé  de  chemin  ;  ten- 
dons-lui la  main  alors  pour  le  ramener,  le  guider,  alin 
qu'il  ne  s'égare  pas  de  nouveau.  Ne  prenons  pas  trop 
de  souci  de  ce  qu'il  fait  en  ce  moment.  Ceux  qui  veu- 
lent étouffer  les  idées  ne  savent  pas  qu'elles  ne  peuvent 
pas  mourir  en  France.  L'heure  de  les  réaliser  sonne 
tôt  ou  tard;  jusque-là  elles  marchent  dans  le  monde, 
elles  pénètrent  partout,  elles  exercent  insensiblement 
une  domination  occulte,  et  finissent  par  régner  au  mo* 
ment  où  les  esprits  rétrogrades  croient  les  avoir  com- 
battues victorieusement. 


LE    1er  JANVIER    1849   CHEZ   US    BEPf BUCOPHÙBE. 


«  En  République,  on  ne  donne  pas  d"étrennes.  n 

(C«  croquis  nous   est  commuDiqué  par  l'alné  de  la  famille,  jeune  homme  qui  donnait  les  plus  belles  espérances  ;  mais  le  laisissemenl 

qu'il  a  ressenti  de  la  déclaration  paternelle  a  paralysé,  nous  espérons  pour  peu  de  temps,  ses  heureuses  dispositions  ) 


A  I/USAGK  DKS  (JK.NS  SKiUKUX. 


HZ 


niT.sTioN  A  i/onDiu-:  ni'  joii;. 


On  propose  ilc  tous  fôlés 
D'amiiislicr  les  dcpoilcs. 
On  Vfiit  baser  sur  lu  iliinence 
Le  nouveniciiieiil  qui  louimcnce, 
Mais  ses  euueiiiis  les  pluscliamls 
Ne  som  pas  au  l'ond  des  eachols. 
De  leurs  projets  la  Fraïue  est  avertie  : 
Faut  il  à  ces  ^eus  appliquer  l'aninistiCf 
Leur  laut-il  appliquer  l'auiuist  e  ? 

Cerlain  patriarche  édeiité. 
De  la  Kégence  est  entùté. 
Dans  sa  niarclie  retardataire  , 
Contre  nos  lois  il  déblatère  : 
Se  rapprochant  chaque  matin, 
Du  bon  système  guizotin. 
Sou  éloquence  est  par  l'ùge  amortie, 
Faut-il  au  vieillard  appliquer  l'amnistie? 
Lui  faut-il  appliquer  l'amnislie  ? 

Un  ministre  du  temps  passé 
Rêve  qu'il  sera  replacé. 
Expert  en  matière  d'intrigues, 
Il  forme  de  petites  ligues. 
Trompe  ceux  qu'il  feint  d'appuyer. 
Et  s'efforce  de  tout  brouiller. 
Il  triche  au  jeu  pour  gagner  la  partie  : 
Faut-ilà  cet  homme  appliquer  l'amnistie  ? 
Lui  faut  il  appliquer  l'amnistie  ? 

Un  journaliste  Iro;)  connu, 
Par  le  scandale  est  pirvonn  ; 
Déshonorant  la  politique. 
De  mensonges  il  tient  boutique, 
El  sur  des  hommes  estimés 
Lance  ses  traits  envenimés. 
Par  ses  écrits  la  foule  est  pervertie  : 
Lui  faut-il  pourtant  appliquer  l'amnistie  ? 
Lui  faut-il  appliquer  l'amnistie  ? 


Des  royalistes  peu  lenséj, 
Hardiment  se  sont  prononcés  ; 
Ils  disent  en  style  biblique  : 
<<  i>ieu  eonilamue  la  Itepulilii|ue  ! 
l'renez  les  gens  di;  notre  bord  , 
Avec  le  comte  de  Cliaiiibord.  » 
Soutiens  du  trône  et  de  la  sacristie, 
\oe.s  l'aul-il  encore  appliquer  l'amnistie? 
Vous  faut-il  apjiiiquer  l'amnistie? 

D'un  vieil  uniforme  habillés, 
Des  grognards  aux  sabres  rouilles, 
Pour  le  neveu  qui  les  patronne. 
De  l'oncle  refont  la  couronne, 
lit  pensent  traiter  en  pékins 
Les  plus  fermes  républicains. 
O  champions  d'une  autre  dynastie  , 
Vous  faut-il  encore  appliquer  l'amnistie? 
Nous  faut-il  appliquer  l'amuistip? 

r,royez-lc  bien,  ces  songes  creux 
Pour  nous  ne  sont  point  dangereux. 
Laissons  leurs  chetives  cervelles 
(Combiner  des  trames  nouvelles. 
Pour  l'Empire  ou  le  droit  divin , 
Leur  ligue  se  démène  en  vain. 
Son  impuissance  est  notre  garantie; 
On  peut  sansdangerleur donner  l'amnistie  : 
Oui,  l'on  peut  leur  douner  l'amuialie  ! 

Un  spéculateur  dit  tout  bas  : 
«  C'est  avec  l'or  que  je  combats. 
Tenons  ma  caisse  bien  fermée  ; 
Et  la  nation  affamée, 
Démon  courroux  craignant  l'effet, 
Démolira  ce  qu'elle  a  fait. 
Qu'à  la  Régence  elle  soit  convertie.  » 
Faut-il,  à  cet  homme,  applic|uer  l'amnistie? 
Lui  faut-il  appliquer  l'amnistie? 


Napoléon  Chaviru,  dit  .Bot^5((j(i'-.S(j!/,  Tire-à  l'Ai^u,   qui  a  eu  l'avantage  d'être  condamné 

27  fois  en  police  correctionnelle,  pour  avoir,  étant  ivre,  rossé  les  municipaux  en  criant  : 

Vive  l'empereur  /  demande  la  sous-préfecture  de  Cognac. 


O  "T-and  ciloven  Barrot-Girardiné,  ce  n'est  pas  encore  le  soleil  de  votre  République  Polconne 
(jui  fera  changer  les  tas  d'ordures  en  gigots  rôtis  et  en  pommes  de  terre  frites. 


Dessiné  par  Otto.  * 


Gravé  par  Rouget. 


:,    UOl'LI  VAIlll    DKi   ITAI.lKNg, 


'30  cculluicH  la  livruitiuii. 


«ir  IICIIEtlFt  .   '■•î. 


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''^^'■^ùwàmm  k:jmmii^ÊÊb  ^^m/Jmttx^ 


ondUions  de  la  Sonsrripiion.  —  La  Revce  comioi'e  formera  un  magnifique  Tolume,  ojrand  in-8,  publié  en  50  livraisons  à  30  cent.  ; 

far  la  posle,  40  cenl.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction,  écrire  [franco)  à  M.  LiRKn,  au  bureau  de  la  Revie,  2,  boulevard  des 
laliens. 

SUMINKBAY.  ÉDiTETTB.,  RUE  xucHEioEU,  52.  10^  Livraison. 


UN  NOUVEAU  15  MAI. 


Ij  Miil.i  lf>  jiiii*  qui  iiuus  apiiclaieiil  anarcliisU's!  !  !... 


De-sioé  par  Nadard. 


Gravé  par  Ballant. 


Tire  ani  preiie)  miuDiqae  de  LiompB  et  Coup,  rue  namietle,  i. 


LA  SEMAINE. 


Je  vis  entrer  chez  moi  une  femme  en  domino  noir, 
le  visage  recouvert  d'un  masque  rose. 

M  Qui  ètes-vous?  lui  demandai  je  tout  étonné. 

—  Vous  ne  me  reconnaissez  pas  ? 

—  Nullement. 

—  r,h  bien  !  je  suis  la  Semaine,  et  j'arrive  du  bal 
masqné. 

—  Nous  sommes  donc  déjà  en  carnaval? 

—  Je  l'ignore  au  point  de  vue  du  calendrier;  totit 
ce  que  je  sais,  c'est  que  le  carnaval  a  commencé  samedi 
dernier  à  l'Opéra.  Musard,  l'éternel  Musard,  adonné 
le  signal  des  mascarades,  et  je  me  suis  masquée. 

—  Ensuite? 

—  J'ai  fait  un  académicien. 

—  Qui  s'appelle? 

^  M.  de  Noailles,  grand  seigneur  et  auteur  d'une 
histoire  de  madame  de  Maintenon. 

—  Mascarade. 

—  J'ai  fait  aussi  nommer  ambassadeur  un  membre 
du  Jockey-Club. 

—  Encore  mascarade. 

—  J'ai  écrit  des  réclames  pour  le  livre  sur  la  Démo- 
cratie, composition  touchante  dans  laquelle  M.  (aiizot 
se  console  des  douleurs  de  l'exil. 

—  Toujours  mascarade. 

—  J'ai  assisté  à  une  des  réceptions  officielles  du  pré- 
sident. 

—  Nous  ne  sortirons  donc  pas  des  mascarades  !  Tâ- 
chez de  me  raconter  quelque  chose  de  plus  intéressant. 
Avez-vous  tiré  les  rois? 


—  .\h  !  diable,  vous  m'y  faites  penser. 

—  Vous  l'aviez  donc  oublié? 

—  Hélas  !  on  a  tant  de  choses  à  faire,  et  la  vie  d'une 
pauvre  Semaine  est  si  courte!  Mais  que  faisais-je  donc 
ce  jour-là? 

—  Cherchez. 

—  Ah  !  j'y  suis.  J'étais  à  l'Opéra-Comique,  tran- 
quillement occupée  à  entendre  le  Caïd,  et  la  musique 
de  -M.  Ambroise  Thomas  m'a  fait  oublier  le  gâteau. 

—  Étes-vous  allée  au  Théâtre-Français? 
— ■  Pourquoi  faire? 

—  Pour  entendre  la  comédie  de  M.  Amédée  Le- 
fèvre. 

—  Une  comédie  d'avoué?  Allons  donc!  J'aimerais 
autant  entendre  les  chansons  de  M.  Jovial.  A  propos 
de  Théâtre-Français,  vous  savez  ce  qu'a  fait  le  co- 
mité? 

—  Quoi  donc? 

—  11  a  reçu  à  corrections  une  comédie  de  M.  de 
Balzac. 

—  C'est  donc  comme  s'il  l'avait  refusée? 

—  .\bsolumcnt;  et  je  conçois  parfaitement  que 
M.  de  Lamartine  passe  sans  tourner  la  tète  devant  la 
porte  du  Théâtre-Français  et  conduise  Toussaint-Lou- 
verture  à  la  porte  Saint-Martin.  Qui  sait  si  le  comité 
n'aurait  pas  trouvé  qu'il  y  avait  des  corrections  à  faire 
dans  cette  tragédie.  J'aurai  donc  été  témoin,  dans  la 
courte  durée  de  mon  existence,  d'un  événement  consi- 
dérable, imprévu,  et  que,  peut-être,  les  siècles  futurs 
ne  voudront  pas  croire. 


lis 


UEVUE  COMIQUE 


—  Lequel? 

—  L'achat  d'une  tragédie  moyennant  -40,000  francs 
de  prime.  C'est  le  prix  auquel  le  poêle  a  cédé  Tous- 
saint-Louverture.  Que  diraient  Corneille,  Racine  et 
Voltaire,  s'ils  revenaient  au  monde?  Je  trouve  que 
c'est  humiliant  pour  le  drame  moderne.  Qui  est-ce  qui 
veut  donner  40,000  francs  pour  un  drame  à  M.  Victor 
Hugo? 

—  Vous  savez  bien  que  M.  Victor  llugo  ne  fait  |)lus 
de  drames. 


—  Que  fait-il  alors? 

—  Des  romans. 

—  Pourquoi  ne  les  pnhiie-l-il  pas? 

—  Parce  qu'il  ne  trouve  pas  de  libraires  pour  les 
acheter.  « 

Après  ces  quelques  nouvelles,  assez  insignifiantes, 
la  Sei\irtine,  ayant  vidé  son  sac,  remit  son  masque  et  son 
capuchon,  et  partit  dans  cet  équipage  pour  le  pays 
mystérieux  où  vont  les  vieilles  semaines. 


LA  POLITIQUE  MLSE  A  LA  PORTÉE  DES  ENFANTS. 


(1"    JANVlEll.) 


l'enfam.  —  Père,  je  te  souhaite  une  bonne  année. 
(//  récite  un  compliment.) 

Ce  matin,  avant  l'aurore 
Un  dieu  vint  me  réveiller; 
Il  me  dit,  etc.,  etc. ,  etc.,  etc. 

LE  PÈRE.  — Fort  bien,  mon  ami,  viens  m'embrasser. 
J'ai  bien  du  regret  de  ne  pouvoir  te  donner  d'étrennes. 

l'enfaxt.  —  Tu  ne  me  donnes  pas  d'étrennes  !  A 
cause  ? 

LE  PÈRE.  —  A  cause  de  la  République. 

l'enfam.  —  La  République  ne  veut  pas  qu'on  donne 
des  élrennes  aux  enfants? 

LE  PÈRE.  —  Elle  l'a  défendu;  et  ceux  à  qui  on  en  donne 
malgré  sa  défense,  elle  les  emporte. 

l'enfam.  —  C'est  donc  bien  méchant  la  Répu- 
blique? 

LE  PÈRE.  —  Parbleu!  c'est  une  vieille  fée,  cousine 
de  l'ogre.  Elle  a  une  grande  bouche  comme  l'ogre,,  de 
grandes  dents  comme  l'ogre,  et  des  cornes  sur  la  tête. 

l'enfant.  — Alors  donne-moi  les  étrennes  en  ca- 
chette et  nous  n'en  dirons  rien  à  personne. 

LE  PÈRE.  —  La  République  le  saurait  tout  de  même  ; 
elle  sait  tout,  elle  entend  tout,  elle  voit  tout.  Tu  veux 
donc  que  la  République  t'emporte? 

l'enfant.  —  Et  où  m'emporterait-elle? 

LE  PÈRE.  —  Dans  le  château  de  l'ogr  ^ 

l'enfant.  —  Tu  m'avais  pourtant  dit  qu'il  n'y  avait 
pas  d'ogres  et  que  c'était  bête  d'y  croire. 

LE  PÈRE.  —  Je  ne  vous  ai  jamais  dit  cela,  monsieur. 

l'enfant.  —  Si  fait,  père  ;  et  même  qu'il  n'y  avait 
pas  de  fées,  ni  des  jeunes,  ni  des  vieilles. 

LE  PÈRE.  —  Je  suis  sûr  que  c'est  la  bonne  qui  t'a  fait 
ce  sot  conte  qu'il  n'y  avait  pas  des  fées,  ni  des  ogres.  Je 
la  renverrai,  la  bonne. 

l'enfant.  —  Ce  n'est  pas  la  bonne,  père;  c'est  toi. 

LE  PÈRE.  —  Taisez-vous,  monsieur!  [Moment  de 
silence.) 

l'enfant.  —  C'est  pour  rire,  pas  vrai,  père,  et  tu  vas 
me  donner  au  moins  un  polichinelle? 


LE  PÈRE.  —  La  République  les  a  tous  emportés  pour 
qu'on  n'en  donne  pas  aux  petits  garç'ons. 

l'enfant.  —  .\lors  un  tambour  ;  plan  ran  plan,  plan 
ran  plan  ! 

LE  PÈRE.  —  La  République  les  a  tous  crevés.  (Une 
larme  mule  dans  les  yeu.c  deVenfant)  Vois-tu,  petit,  la 
République  est  l'ennemie  de  tout  le  monde,  et  tous  les 
malheurs  qui  arrivent,  c'est  elle  qui  en  est  cause  ;  un 
enfant  bien  sage  doit  apprendre  de  bonne  heure  à  dé- 
tester cette  méchante  République. 

l'enfant,  jo/euranif.  — Oui,  père. 

LE  PÈRE.  —  Tu  vois  que  c'est  elle  aujourd'hui  qui 
t'empêche  d'avoir  des  étreimes. 

l'enfant.  —  Oui,  père. 

LE  PÈRE.  —  Tu  te  le  rappelleras  bien? 

l'enfant  pleurant.  —  Hi,  lii,  hi.  C'est  pas  la  Ré- 
publique, c'est  toi,  père,  qui  ne  veux  pas  donner  un 
polichinelle. 

le  père.  —  Puisqu'elle  les  a  emportés. 

L'E^FANT.  —  J'cu  sais  clicz  le  marchand  et  des  tam- 
bours, aussi,  hi,  hi,  hi.  C'est  pas  vrai,  la  Républi(pie 
n'est  pas  une  vilaine  fée  avec  des  cornes. 

le  père.  —  Avec  des  cornes  et  de  grandes  dents  ;  et 
ton  petit  chat  qui  est  mort  l'autre  semaine,  c'est  la 
République  qui  l'a  étranglé. 

l'enfant.  —  l*as  vrai. 

LE  PÈRE.  —  Et  ton  petit  chien,  qui  t'a  mordu  hier, 
c'est  la  République  qui  lui  avait  dit  de  te  mordre. 

l'enfant.  —  Pas  vrai,  le  chien  m'a  mordu  à  cause 
que  je  lui  avais  tiré  la  queue. 

LE  PÈRE.  —  Et  ton  cerceau,  que  tu  as  perdu,  c'est  la 
République  qui  te  l'a  pris. 

l'enfant,  frappant  du  pied.  — Pas  vrai,  pas  vrai  !  à 
preuve  que  je  l'ai  retrouvé  ce  matin  sous  le  lit. 

le  PÈRE.  —  Taisez-vous,  petit  drôle,  ou  je  vous  liche 
le  fouet. 

l'knfant.  —  Tant  pis  !  c'est  pas  la  République. 

LE  PÈRE.  — Silence,  monsieur  ! 

l'enfant.  —  Hi,  hi,  hi;  c'est  pas  la  République  qui 
a  étranglé  le  petit  chat.  Tant  pis! 


A  L'USAGK  DES  GENS  SERIEUX. 


liO 


LB  PKRE.  —  Ah!  tu   ne  veux  pas  le  taire;  attends. 
(  //  lui  donne  le  fouet.  ) 
l'bnpant.  —  Oli  !  Ii\  là! 

LR  PÈRR.  —  Ça  t"n|i|iren(lia  à  raisonner,  polisson. 
l'enfant.  —  (th  !  Ii\  là;  oh!  là  là  ! 
LK  pi.:iiK.  —  C'est  la  Képul>lic]m'  c|iii  le  fiche  le  fouet. 


l'knpant.  —  Pas  vrai ,  hi,  hi,  hi;  pas  vrai,  c'est 
toi! 

LE  rfetiK.  —  C'est  la  Itépuhlique,  monsieur! 

l'k.sfant,  exa.ipér^.  —  Pas  vrai  ;  oh  !  là  là  ;  pa.^  vrai  ; 
c'est  toi,  c'est  tm,  c'est  toi  !  C'est  pas  la  R.!pul)lif|nc  qui 
nie  (ichele  fouet...  Vive  la  Ilépuhliquc  ! 


O  WASiILNGTOM  0  lUANKMM 


Il  ne  s'agit  que  de  s'entendre,  dit  .M.  de  Girardin  ; 
le  mal  de  la  situation  vient  de  ce  qu'on  n'a  (jus  encore 
assimilé  la  politique  à  l'administration  d'un  journal. 

Prenez  la  Presse  pour  e.vemple. 

Quoi  de  plus  admirable  que /«  Presse'!  C'est  carré 
par  la  base,  c'est  solidement  assis,  cela  jouit  d'un  tirage 
de  soixante  mille  exemplaires.  D'où  je  conclus  que  l'on 
doit  me  nommer  ministre  dirigeant. 

Suivez  en  eflfet  mon  raisonnement. 

La  Presse  csl  le  seul  journal  qm  soit  au-dessus  de 
ses  affaires.  Pourquoi?  Parce  que  j'ai  su  l'asseoir  carré- 
ment. Comparons  maintenant  la  direction  d'un  pays  à 
la  direction  de  la  Presse.  Si  vous  parvenez  à  asseoir  le 
pays  carrément,  vous  obtiendrez  l'équilibre  tant  cher- 
ché. Toute  la  question  est  là.  Or,  comme  je  suis  le  seul 
homme  de  France  qui  ait  su  asseoir  un  journal,  je  suis 
naturellement  le  seul  en  état  d'asseoir  un  pays,  car  : 
un  pays  n'est  pas  plus  difficile  à  faire  vivre  qu'un 
journal.  De  là  la  nécessité  de  me  nommer  premier  mi- 
nistre. Que  dis-je  :  premier  ministre....  seul  ministre  ! 
Eh  !  pourquoi  pas  président,  grand  nabab!  ou  mieux 
potentat  nnivei'sel  ! 
Ainsi  parle  M.  de  Girardin  avec  cet  aplomb  qui  lui 


sert  de  talent.  .M.  de  Girardin  ne  voit  que  lui  sur  la 
terre.  Il  dit  chaque  malin  à  ses  lecteui-s  :  Voyez  comme 
je  mets  mes  bottes  !  Voyez  comme  j'établis  mes  bre- 
telles carrément  !  Et  il  n'a  pas  l'air  de  se  douter  qu'il 
y  a  en  France  huit  à  dix  millions  d'individus  qui  met- 
tent tous  les  jours  des  bretelles  et  des  bottes. 

Ainsi  du  reste.  La  Presse  est  le  seul  journal  qui 
existe.  Et  le  Siècle,  monsieur?  et  le  Constitutionnel? 
cl  le  National?  et  le  Journal  des  Débats?  \ppai-em- 
ment  que  ces  journaux  ont  aussi  des  directeurs. 

M.  de  Girardin  .se  compare  ensuite  à  Washington 
et  à  Franklin,  comme  si  ces  deux  grands  hommes 
avaient  inventé  les  mines  de  Saint-Bérain  et  le  phy- 
sionotype. 

«  0  Franklin  !  o  Washington  !  Si  vous  pouviez  revi- 
vre parmi  nous,  on  vous  traiterait  de  faiseurs  d'alma- 
nachs  et  de  rêveurs,  et  l'on  vous  laisserait  à  la  porte  de 
l'Assemblée  nationale  pour  y  laisser  entrer  de  beaux 
discoureurs!  » 

.M.  de  Girardin  se  trompe.  Les  électeurs  enverraient 
à  la  Chambre  Washington  et  Franklin.  Les  élccd'urs 
ne  laissent  à  la  porte  que  les  charlatans  et  les  queues 
rouges.  C'est  leur  place. 


M.  DE  NOAILLES  A  L'ACADÉ.MIE! 


L'Académie  française  vient  de  nommer  M.  le  duc 
de  Noailles  en  remplacement  de  M.  de  Chateaubriand. 
Que  doivent  penser  de  nous  les  étrangers  devant  dos 
nominations  pareilles?  —  Evidemment,  ils  doivent 
croire  :  ou  que  les  académiciens  ont  la  berlue,  ou  que 
Béranger,  Lamennais,  Alfred  de  Musset,  Balzac,  et  cent 
autres,  dont  le  moindre  est  un  écrivain  illustre  à  côté 
de  M.  de  ^oailles,  sont  morts  dans  la  nuit. 


Mais,  dit-on,  M.  de  Noailles  était  l'ami  intime  de 
M.  de  Chateaubriand.  —  A  ce  titre,  que  ne  nommait- 
on  de  préférence  madame  Recamier,  qui  était  aussi 
son  amie,  et  non  moins  intime. 

Il  va  falloir  remplacer  bientôt  M.  Vatout.  —  Que 
celui  qui  était  l'ami  intime  de  cet  aimable  homme  se 
mette  sur  les  rangs  ;  quel  qu'il  soit,  ses  droits  vaudront 
ceux  de  M.  de  Noailles! 


Tt^!egraph, 
étalon  pur-sang  des  haras  de  la  poste  aux  commiss'ons. 


150 


REVUE  COMIQUE 


LES  FUREURS  DU  CONSTITUTIONNEL 


Le  Peuple,  de  M.  Proiidhon,  la  Réforme,  de  M.  Le- 
dru-Rollin,  sont  écrits  par  des  anges  àe.  douceur,  si  on 
compare  le  ton  de  ces  deux  journaux  à  celui  du  Consti- 
tutionnel. Le  Père  Duchène  n'est  pas  mort,  ou,  s'il  est 
mort,  son  ànie  infortunée  a  passé  dans  le  corps  du  blond 
M.  Merruault.  M.  Yéron  aura  fait  avaler  à  ce  saint 
homme,  sous  forme  de  pâte  Rcgnault,  quelque  prépa- 
ration abominable;  il  aura  mêlé,  en  sa  qualité  d'ex- 
pharmacien,  de  la  poudre  de  mouche  cantharide  aux 
verres  d'eau  tiède  dont  s'abreuvait  d'ordinaire  l'ex-sé- 
minariste  que  nous  venons,  sans  pudeur,  de  nommer 
par  son  nom. 

Hélas!  mon  brave  monsieur  Merruault,  tous  les 
rou'^es  ne  sont  pas  socialistes  :  M.  Proudhon  est  blême 
si  on  le  compare  à  vous;  vous  êtes  cramoisi.  A  quelle 
extrémité  vous  portez-vous,  mon  pauvre  monsieur? 
Prenez  garde  aux  apoplexies,  prenez  garde  aux  cul- 
butes, la  bile  vous  étouffe,  vous  êtes  affreux  à  voir, 
déplorable  à  entendre  ;  le  .\ational  vous  Irouble-t-il  à 
ce  point?  Le  lorgnon  de  son  rédacteur  en  chef,  M.  Du- 
ras, fait  sur  vous  l'effet  de  l'œil  d'un  serpent.  —  Si 
vous  continuez  d'avoir  en  vue  ce  lorgnon  opiniâtre, 
c'en  est  fait  de  vous,  vous  deviendrez  enragé. 

Mais  ne  voyez-vous  pas,  malheureux,  que  vous  per- 
dez votre  cause,  que  vous  compromettez  ce  bon 
M.  Thiers,  que  vous  retardez,  par  vos  fureurs,  l'avé- 
nement  de  la  dynastie  du  Constitutionnel  ;  que  vous 
faites  regretter  par  anticipation  celle  du  National; 
que  vous  allez  fixer  le  pays  sur  le  Siècle,  que  c'est  à 
MM.  Barrot  et  Chambolle  que  profitent  vos  violences  ; 
quec'esttrop  de  zèle,  et  qu'on  vous  flanquera  de  côte,  si 


vous  n'y  prenez  garde,  comme  un  serviteur  trop  zélé'? 
Écoutez  la  voix  d'un  ami,  mon  brave  homme,  cal- 
mez-vous. —  11  n'est  pas  temps  encore  de  montrer  le 
joli  caractère  que  vous  avez  ;  mentez  encore,  dissimu- 
lez toujours,  mettez  vos  petits  couteaux  dans  vos 
poches,  cachez  vos  instruments  de  supplice,  faites- 
nous-en  accroire  encore  ;  vous  qui  avez  combattu  les 
jésuites,  pensez  à  ces  divins  modèles,  imitez-les,  sinon 
vous  allez  éclairer  la  France  sur  ce  qu'elle  peut  at- 
tendre de  vos  patrons.  Songez,  pieux  Merruault, 
qu'on  n'attrape  pas  les  mouches  avec  du  vinaigre, 
et  dites-vous  d'ailleurs,  imprudent,  que  vos  voisins  de 
la  rue  Lepelletier  ont  des  poings  au  bout  des  bras, 
dont  vous  seriez  fâché  d'avoir  à  mesurer  la  pesan- 
teur. Si  M.  Thomas  se  fâchait!  Diable,  mon  cher, 
je  vous  plaindrais. 

Si  petit  bonhomme  vit  encore,  la  République  n'est 
pas  morte  non  plus.  —  Soyez  sage,  la  prudence  est 
la  mère  de  la  sûreté,  et  d'ailleurs  elle  n'exclut  pas  la 
bravoure.  M.  Véron  sera  toujours  à  temps  de  bien 
faire,  —  il  a  eu  pour  amis  tant  de  gentilshommes,  ce 
bon  M.  Purgon!  —  Ne  l'exposez  pas  avant  l'heure,  sa 
modestie  naturelle  en  souffrirait;  — et  tenez,  entre 
nous,  il  est  homme  à  vous  savoir  gré  de  reculer  dans 
la  voie  où  vous  êtes.  Depuis  qu'il  s'est  déclaré  homme 
politique,  il  est  devenu  responsable  ;  il  a  les  honneurs, 
il  lui  manquerait  les  profits,  si,  quand  vous  avez  dit 
uue  sottise  en  son  nom,  le  voisin  n'allait  droit  à  lui  lui 
en  demander  bon  compte.  Quand  on  n'est  pas  Mars 
en  personne,  quand  on  ne  s'appelle  que  Véron  ou  même 
Merruault,  il   faut  être  poli,  faut-il  vous  le  rappeler? 


lux  cns  d'hydrophobic 


i.i;s  luuri'.s  ionciiiins  dicf.stivf.s  i;t  I'omiioiks  w.  ixi«-ixi!i. 


Le  pUt  le  plus  gcnéralcmeot  apprécié  dc'^  notre  cuisine  sociale. 


Double  vue  phalanstérienne  appliquée  à  la  chimie 
des  banquets  et  banquistes. 


SOCIETE  ŒNOPHILE. 

Excellent  vin.  —Vin  delà  comète-1811. 


Dessiné  par  Eertal. 


Gravé  par  Midderigh  et  Leblanc. 


152 


REVUE  COMIQUE 


UN   NOUVEAU  J3  MAI. 


Depuis  sa  fondation  la  République  a  été  menacée 
par  deux  sortes  d'anarchistes. 

Jusqu'aux  journées  de  Juin  elle  a  eu  à  combattre 
l'anarchie  armée,  l'émeute.  .Maintenant  elle  est  atta- 
quée par  ceux-là  même  qui  criaient  le  plus  haut 
contre  l'émeute,  par  ceux  qui  ne  trouvaient  pas  de 
blâme  assez  fort  contre  l'insurrection  de  juin  et  la 
tentative  du  15  mai. 

Les  premiers  voulaient  pousser  la  Républiiiue  dans 
les  voies  aventureuses  du  socialisme,  pour  étendre  jus- 
qu'à l'utopie  l'application  du  principe  d'égaiité  et  de 
justice.  Les  seconds  veulent,  en  rétrogradant  vers  la 
monarchie,  étouffer  à  leur  profit  la  justice  et  l'égalité. 
Ceux-là  avaient  le  courage  de  leur  opinion,  ils  ne 
l'ont,  hélas!  que  trop  montré.  Ils  ont  nettement  dé- 
claré leur  but  et  signé  cette  déclaration  de  leur  sang. 
Ceux-ci  n'osent  pas  dire  où  ils  tendent  ;  ils  élèvent 
des  barricades  de  pétitions,  et,  au  lieu  de  sang,  ils 
versent  de  l'encre. 

Ils  protestent  de  leur  amour  pour  la  République,  et 
ils  la  détestent.  Usent  de  l'effronterie,  les  autres  avaient 
du  courage. 

Vaut-il  mieux  avoir  à  combattre  la  haine  déclarée 
ou  la  perfidie?  Lequel  estimez-vous  davantage  de  l'en- 
nemi loyal  qui  vient  sur  vous  la  poitrine  découverte, 
ou  du  tartufe  qui  baisse  les  yeux  et  rampe  sur  ses 
genoux  ? 

Ces  pétitions  contre  l'Assemblée,  dont  on  fait  grand 
bruit,  n'ont  rien  qui  doive  nous  surprendre  après  les 
attaques  infâmes  dont  le  général  Cavaignac  a  été  l'ob- 
jet. Deux  fois,  en  mai  et  en  juin,  l'Assemblée  natio- 
nale, par  son  énergie  et  la  dignité  de  son  attitude,  a 
sauvé  le  pays.  C'est  un  crime  qu'on  ne  devait  pas  lui 
pardonner,  pas  plus  qu'on  ne  l'a  pardonné  au  général 
Cavaignac.  Coupables  d'avoir  les  mêmes  titres  à  la  re- 
connaissance de  tous,  le  général  et  l'Assemblée  de- 
vaient recueillir  la  même  ingratitude. 

Le  parti  monarchique,  ou  plutôt  les  partis  monar- 
chiques, car  on  ne  sait  trop  auquel  s'arrêter  de  tous 
les  drapeaux  de  la  réaction,  les  partis  monarchiques  ont 
compris  que,  pour  renverser  la  Républicjue,  il  fallait 
d'abord  renverser  ses  défenseurs. 

M.  Louis  Bonaparte  s'est  trouvé  là  par  hasard  ;  on 
lui  a  emprunte  le  nom  de  son  onde  [iour  battre  en 
brèche  le  général  Cavaignac. 

Mais  ce  n'est  pas  tout  que  d'avoir  écarte  du  gouver- 
nement le  noble  soldat  dont  la  loyauté  et  le  courage 
étaient  à  l'épreuve  de  tous  les  périls  et  de  toutes  les 
séductions.  L'Assemblée  nationale,  qui  ne  se  montre- 
rait pas  plus  traitable  dans  l'occasion,  est  un  dernier, 
mais  un  grand  embarras  pour  les  réactionnaires,  et  il 
s'agit  de  la  renverser  à  son  tour,  ce  qui  sera  peut-être 
plus  difficile  qu'on  ne  croit. 


Avec  le  nom  de  Napoléon  et  l'évocation  des  grands 
souvenirs,  poussée  jusqu'au  charlatanisme,  on  a  bien  pu 
avoir  raisoi.  du  chef  du  pouvoir  exécutif  ;  mais  cette 
arme  est  brisée  dans  les  mains  qui  s'en  sont  servies. 
Quel  rapport,  en  effet,  trouver  entre  la  bataille  de 
Marengoet  la  dissolution  de  l'Assemblée  nationale?  On 
ne  peut  pas  dire  aux  représentants  :  «  Retirez-vous  à 
cause  de  la  bataille  d'Ejlau  ;  résignez  votre  maiulat  au 
nom  d'.\usterlitz  et  des  Pyramides! 

Ce  n'est  pas  que  les  émissaires  de  la  réaction  soient 
gens  à  reculer  devant  un  tel  rapprochement;  mais  c'est 
que  la  simplicité  du  peu[)le  n'irait  pas  jusqu'à  les  suivre 
aussi  loin.  Et  puis,  il  y  a  la  bataille  gagnée  en  Juin  qui 
est  bien  quelque  chose  pour  des  gens  qui  n'en  font  pas 
leur  état,  et  qui  a  bien  son  prix,  quoique,  à  vrai  dire, 
on  ne  puisse  la  comparer  à  la  campagne  de  Russie  ou 
à  Waterloo.  Il  faut  donc  trouver  autre  chose  que  les 
souvenirs  de  l'Empire  pour  décider  les  électeurs  à  si- 
gner des  pétitions  contre  l'Assemblée. 

Les  journaux  qui  rapportent  pompeusement  ces  pé- 
titions s'abstiennent  prudemment  de  donner  le  chiffre 
exact  des  signatures.  C'est  un  petit  détail,  il  est  vrai; 
mais  de  ce  petit  détail  pourrait  bien  dépendre  la 
question.  Sans  doute  nous  respectons  l'opinion  des  si- 
gnataires, mais  apparemment  que  ces  messieurs  n'en- 
tendent pas  méconnaître  les  droits  des  électeurs  qui 
ne  signent  pas. 

Si  les  premiers  demandent  la  dissolution  de  l'As- 
semblée, les  seconds,  par  le  simple  fait  de  leur  absten- 
tion, se  prononcent  dans  le  sens  contraire  :  or,  comme 
c'est  ici  une  question  de  suffrage  universel,  il  doit  suf- 
fire à  la  Chambre  de  relever  le  chiffre  des  signatures, 
et  de  comparer  ce  chiffre  à  celui  des  électeurs  inscrits 
dansle  déparlement.  Deuxmille  signatures  au  bas  d'une 
pétition  demandant  la  dissolution  de  la  Chambre,  c'est 
beaucoup  pour  les  badauds  politiques,  c'est  un  obus 
qui  éclate  au  milieu  de  l'Assemblée  ;  mais  si  le  dépar- 
tement qui  a  fourni  ces  deux  mille  signatures  compte, 
par  exemple,  cent  mille  électeurs,  ce  chiffre  menaçant 
se  trouve  ne  plus  représenter  l'opinion  du  départe- 
ment que  pour  un  cinquantième.  L'obus  est  réduit  aux 
proportions  d'une  fusée  inoffensive. 

Il  serait  puéril  d'insister  sur  ce  point  et  de  vouloir 
démontrer  qu'une  Chambre  issue  du  suffrage  univer- 
sel manquerait  à  son  devoir  en  se  retirant  devant  l'in- 
jonction de  la  minorité,  parce  que  cette  minorité 
réunit  ses  signatures  au  bas  d'une  feuille  de  papier. 
Vole  ou  pétition,  c'est  toujours  une  question  électo- 
rale sous  deux  formes  différentes  ;  c'est  une  nouvelle 
bataille  électorale  qu'engage  la  réaction.  Nous  avons 
respecté  l'expression  du  suffrage  universel  dans  l'élec- 
tion du  10  décembre  ;  nous  attendons  aujourd'hui  de 
nos  adversaires  le  même  respect  pour  les  volonicsdu  pays. 


A  l/IISAGE  DES  GENS  SERIEUX. 


iiiZ 


LES  PI^TITIONS  CONÏliE  I/ASSEMRM'E  >Allo.\M.i:. 


On  avait  d'abord  rcfusi!  d'y  croire  ;  mais  aiijoiir- 
d'iiiii  II'  doute  n'e>t  plus  permis.  Ces  pi'lilions  exislcnl  ; 
elles  se  signent.  1,'Assemlili'e  se  meurt,  l'AsseiiiMi,' est 
morte  ! 

Il  serait  bon  de  savoir  au  juste  comliieii  de  sij^natii- 
rcs  réunissent  ces  pétitions,  l'eut-èlre  les  journaux  qui 
les  publient  daij,'neront-ils  quelque  jour  nous  l'appren- 
dre. En  attendant,  n'oublions  pas  que  la  Fiance 
comi)te  sept  millions  d'électeurs  ;  ainsi,  jus(iu',i  ce  que 
les  pétitions  contre  la  (Itiambre  aient  réuni  trois  mil- 
lions cinq  cent  mille  et  une  signatures,  on  pourra  ne 
pas  s'en  occuper  outre  mesure. 

Parmi  ces  pétitions,  il  y  en  a  de  rcs[)ectucuscs,  il  y 
en  a  d'impudentes;  les  unes  portent  crânement  leur 
bonnet  sur  l'oreille,  les  autres  révèlent  le  grand  style 
des  maîtres  d'écriture  de  village  secrètement  adonnés  à 
la  tragédie. 

Les  pétitions  respectueuses  sont  en  général  les  plus 
enliélées,  Basile  gagnerait  beaucoup  d'argent  à  rédi- 
ger des  pétitions  respectueuses. 

Canevas  de  re  f/eiwe  de  jjotitions. 

«  Citoyens  représentanls, 

0  Votre  conduite,  pétulant  la  pénible  session  que 
vous  venez  de  traverser,  est  au-dessus  de  tout  éloge. 

«  Vous  avez  été  admirables  de  courage,  de  zèle  et  de 
dévouement;  vous  avez  rendu  de  grands  services  an 
pays. 

«  C'est  pourquoi  le  pays,  n'ayant  plus  la  moindre 
conliance  en  vous,  vous  s.omme  de  quitter  la  place. 
Vous  comprenez  combien  le  pays  regrette  d'avoir  à 
vous  dire  une  aussi  dure  vérité.  C'est  le  cœur  plein 
d'admiration  pour  vous  que  le  pays  désire  se  priver  de 
vos  services  ;  le  pays  vous  vénère,  mais  il  vous  donne 
congé.  Or,  il  faut  se  soumettre  aux  volontés  du  pays. 

«  Dans  cet  espoir,  nous  avons  l'bonneur  d'être, 
avec  estime,  considération,  reconnaissance,  respect, 
amour,  etc.,  etc.,  etc.  »  [Suivent  les  signatures.) 

Modèle  de  pétition  crâne. 

H  Sacrebleu  ! 

«  Est-ce  que  vous  vous  ficliez  de  nous,  citoyens  re- 
présentanls? 

«  Comment!  vous  n'êtes  pas  encore  partis?  Qu'est- 
ce  que  cela  veut  dire?  Faudra-t-il  donc  aller  vous  pren- 
dre par  les  oreilles? 

«  L»issez-moi  seulement  terminer  ma  partie  de  bil- 
lard, et  nous  verrons.  J'ai  quinze  points,  et  la  partie 
est  en  vingt;  ce  sera  bientôt  fait.  Sitôt  la  partie  finie, 
si  la  dissolution  de  la  Chambre  n'est  pas  prononcée,  je 
bois  un  petit  verre,  je  m'arme  de  ma  queue  d'honneur, 
et  je  viens  chercher  des  nouvelles  de  ma  pétition.  Ce 


scia  iiii  1.)  mai   paiiriijiu',  car  ji;  respecte  la  Constitu- 
tion. 


"   Allons, 
d'au  lies*. 


lioupi    il    est    temps  de  céder  la  place  à 

«  Lae'inciieix,  candidat  à  la  députalion, 
miilheiireuxaux  dernières  élections.» 
[Suivent  d'autres  signatures.) 

/'.  'S'.  —  Au  moment  d'envoyer  la  pétition,  je  la 
décachette  secrètement  pour  ajouter  un  mot  à  l'insu 
de  mes  co-signataires.  .Mon  seul  but  est  de  remplacer 
le  nommé  Landormy,  élu  député  à  mon  préjudice, 
grâce  à  l'intrigue.  J'offre  au  nommé  Landormy  de 
jouer  loyalement  sa  place  avec  moi  au  billard,  en  vingt 
points,  partie  liée;  si  ma  proposition  lui  plaît,  je  re- 
nonce à  demander  la  dissolution  de  l'.Xssemblée,  et  je 
supprime  ma  pétition.  Fichez-la  au  feu,  je  vous  y  au- 


Modèle  de  pétition  facétieuse  et  conforme  au  caractère 
français. 

«  Citoyens  représentants, 

((  Hé,  hé,  auriez-vous  l'intention  de  vous  éterniser, 
par  hasard?  La  charge  serait  bonne. 

«  Il  n'y  a  rien  d'éternel  sur  la  terre;  les  académiciens 
eux-mêmes  décèdent  après  un  certain  temps  d'exer- 
cice, quoiqu'ils  s'intitulent  immortels. 

«  Prétendricz-vous  être  plus  immortels  que  des  aca- 
démiciens? Hi,  hi,  hi!  Le  pays  s'en  lient  les  côtes. 

Il  est  temps  de  décamper.  Vos  banquettes  ont  besoin 
d'être  rembourrées,  vos  lois  ont  de  la  barbe  et  nous 
avons  ici  le  petit  Cabassol,  qui  ne  cesse  de  faire  des  épi- 
grammes  sur  votre  compte,  .\llons,  vieux,  il  faut  par- 
tir; hi,  hi,  hi,  allons-nous  rire! 

"  Etdrln,drin,  drin,  millecompliments.  Olié,  là-bas, 
vous  autres,  venez  signer  la  pétition.  »  (Suivent  les 
signatures.) 

Pétition  grand  style,  rédigée  par  un  tragique  de  sous- 
préfecture. 

«  Citoyens  représentants, 

M  Lorsque  les  Titans,  fils  de  Titan  et  neveux  de  Sa- 
turne, croyant  avoir  des  droits  à  faire  valoir,  entas- 
sèrent plusieurs  montagnes  les  unes  sur  les  autres  pour 
escalader  le  ciel  et  en  chasser  Jupiter,  ce  dieu,  armé  du 
tonnerre,  les  foudroya  et  les  écrasa  sous  ces  mêmes 
montagnes. 

(I  Lorsque  les  Gaulois,  nos  ancêtres,  sous  la  conduite 
de  Brennus,  envahirent  le  sénat  romain,  la  noble  atti- 
tude des  sénateurs  assis  sur  leurs  chaises  curules  im- 
posa un  moment  de  respect  à  ces  barbares. 

«  Ainsi  l'Assemblée  nationale  brave  ses  ennemis  par 
sa  majesté  et  son  courage. 


I5.i 


REVUE  COMIQUE 


«Loin de  nous  la  pi-aentiond'iniiler  les  Gaulois  sau- 
vages cl  les  Titans  orgueilleux  !  Cependant,  il^  est  des 
bornes  à  tout,  nièuic  à  la  suprême  puissance  d'une  as- 
semblée qui...  d'une  assemblée  que...  etc.,  etc.,  etc.  « 
(Suivent  les  signatures.) 

rsous  voudrions  pouvoir  multiplier  les  modèles  de 


pétitions  ;  on  ne  les  variera  jamais  trop,  pour  satisfaire 
à  tous  les  goûts,  car  il  s'agit  de  réunir  trois  millions 
cinq  cent  mille  et  une  signatures,  ne  l'oublions  pas. 
Trois  millions  cinq  cent  mille  et  une  !  Qu'on  se  le  dise  ! 
Allons,  messieurs  et  mesdames,  avancez,  suivez  la 
foule;  trois  millions,  ce  n'est  pas  assez;  prenez  vos 
billets,  du  courage  à  l'écriloirc! 


LES  DÉNÉGATIONS. 


l/autre  jour,  un  philosopbe  sceptique,  qui  tient  à 
éclaircir  à  fond  toutes  les  situations,  entreprit  une  pe- 
tite tournée  inqnisitoriale. 

11  entra  d'abord  cbcz  son  voisin  le  droguiste,  qui 
s'était  signalé  avant  le  10  décembre  par  un  bonapar- 
tisme exagéré. 

a  Eh  bien,  voisin,  comment  vont  les  affaires?  » 

Le  droguiste  ne  répondit  que  par  un  grognement 
inarticulé. 

«  Vous  devez  être  au  comble  de  vos  vœux  ;  vous 
avez  enfin  un  gouvernement  de  votre  choix,  car  vous 
avez  voté  pour  Louis-Napoléon. 

—  Moi!  s'écria  le  droguiste,  j'ai  voté  pour  Louis- 
Napoléon?  Allons  donc;  tout  le  monde  sait  que  j'étais 
pour  Cavaignac. 

_  Je  ne  savais  pas  ça,  »  dit  le  philosophe,  et  il 
s'éloigna  tout  rêveur. 

11  alla  voir  un  ancien  oflicier  retraité  dont  les  sym- 


pathies impériales  lui  étaient  depuis  longtemps  con- 
nues. 

a  Eh  bien,  capitaine,  lui  dit-il,  que  pensez-vous  de 

votre  élu? 

Qu'appclez-vous  mon  élu?  dit  l'officier. 

—  Mais...  Louis-Napoléon. 

—  Je  n'ai  point  voté  pour  lui  ;  j'ai  autant  d'indiffé- 
rente pour  le  neveu  que  de  vénération  pour  l'oncle. 

Ou  ni'avait  pourtant  assuré... 

—  On  vous  a  trompé.  Tout  le  monde  sait  que  je  me 
suis  abstenu.  » 

Le  philosophe  sortit  en  réfléchissant  profondément. 
11  continua  son  enquête  et  découvrit,  à  sa  grande  sur- 
prise, que  personne  n'avait  voté  pour  Louis-Napoléon. 
Ceux  qu'il  interrogeait  prétendaient  avoir  donné  leur 
voix  à  Cavaignac,  à  Lamartine,  à  Ledru-Rollin,  à  Ras- 
pail,  à  Battur,  au  docteur  Watbled,  à  Abd-el-Kader; 
mais  quand  on   leur   parlait  de  Bonaparte,  les  uns 


Le»  ral-Thier»,  ou  les  amis  complaisants. 


A  i/iîSACK  i)i:s  <;i:ns  sr.iui:i!X. 


155 


niaient  l'avoir  apiuiyû,  les  autres  garduioiil  le  silence; 
d'autres  réiniiidiiient  par  des  circonlocutions  tWasivcs. 
I.e  |)hilosoplie  s'ent'on(;a  de  plus  en  plus  dans  la  mé- 
ditation; en  niarcliant  t(5te  baissée,  il  se  heurta  contre 
un  de  ses  amis  ([u'il  n'avait  pas  vu  depuis  plusieurs 
mois,  le  célèbre  avocat  Bretaudier.  Des  projets  de  ma- 
riage avaient  enlevé  ce  jeune  homme  à  sa  société  ac- 
coutumée. Il  avait  assidûment  courtisé  une  demoi- 
selle, qui  lui  était  signalée  comme  imissant  à  ses  qua- 
lités personnelles  les  avantages  de  la  fortune.  Désabusé, 
après  un  plus  ample  examen,  Rrelaudier  venait  de 
reprendre  le  cours  de  ses  hubiludes,  et  il   promit  au 


l)hilusoplii'  de  le  voir  régulièrement. 

«  Tu  ne  songes  donc  plus  à  é|)ouser  mademoiselle 
J'*'?  dit  le  |)hilusophe. 

—  Moi!  s'écria  Bretaudier  avec  indignation  ;  mais 
je  n'y  ai  jamais  songé  !  Qui  donc  a  pu  faire  courir  ce 
bruit  calomnieux  ?  » 

F,t  il  entama  une  longue  dissertation  |)oiii-  ilémon- 
trer  ipi'il  était  loin  d'avoir  eu  les  pidjels  (pi'on  lui 
supposait. 

Mais  le  philosoplie  l'interrompit,  et  dit  en  se  frap- 
pant le  front  :  «  Merci!  je  tiens  le  mot  de  mon 
éiULMue. 


LES  RETOURS  DE  SIBÉRIE. 


Seigneur,  vous  voyez  en  moi  un  homme  qui  arrive 
du  fond  de  la  Sibérie.  Transpercé  par  la  lance  d'un 
Cosaque,  je  fus  laissé  pour  mort  sur  les  bords  glacés 
de  la  Bérésina;  plus  tard,  le  froid  me  rappela  à  la  vie. 
Vous  conterai-je  ma  lamentable  histoire?  Conduit 
dans  les  déserts  les  plus  allVeux  par  ces  hordes  barba- 
res, j'ai  passé  trente  ans  de  ma  vie  dans  les  entrailles 
de  la  terre.  Moi,  un  colonel  de  la  grande  arméi  !  En- 
fin j'échappe  aux  sicaires  ;  je  traversai  rAllemaguc 
nus-pieds,  —  oui,  seigneur,  nus-pieds,  —  moi,  un 
ancien  colonel!  Il  ne  me  restait  plus  que  mes  épaulettes 
que  je  portais  sur  mon  cœur.  J'arrive  à  Paris,  je  cours 
au  palais,  a  Oii  est  mon  empereur?  criai-jc;  c'est 
moi  qui  suis  son  colonel  Chabert.  Hélas  !  excusez  ma 


douleur  ;  je  sens  les  larmes  couler  de  mes  yeux  à 
ce  triste  souvenir.  Le  petit  caporal  !  ah  !  qu'avaient-ils 
fait  de  mon  petit  caporal'?  Suffit.  L'heure  de  la  ven- 
geance va  bientôt  sonner,  ,1e  reprends  le  cours  de  mon 
récit.  Privé  de  la  vue  du  grand  homme,  je  songe  à  ma 
femme.  Oh!  Evelina,  me  disais-je,  tu  panseias  les 
blessures  que  la  captivité  a  faites  à  ton  époux.  Je  n'é- 
tais seulement  pas  rasé,  seigneur.  Je  me  présente 
comme  un  pauvre  au  domicile  conjugal.  Evelina  avait 
vieilli.  Qu'importe?  Je  suis  Chabert!  m'écriai-je.  — 
Qu'on  donne  50  centimes  à  cet  liomme.  répond  mon 
épouse.  50  centimes  à  moi,  Chabert  !  Elle  était  rema- 
riée. Vous  connaissez  cette  histoire  tragique  ;  on  a  fait 
un  vaudeville  avec.  Je  ne  vous  en  dirai  pas  davantage. 


LECTURE  DE  t.K  PATRIE.   EDITION  TOPULAIRE  A  IN    SOU. 


1.  Nous  sommes  informés  que  les  dîner?,  Ktes  et  réceptions  à  l'Elysée  national  commenceront  la  semaine  prochaine. 
D'après  les  renseignements  que  noua  venons  de  nous  procurer,  les  réceptions  du  soir  auront  lieu  les  mardi  et  jeudi  de 
chaque  semaine.  Les  jeudis  seront  plus  spécialement  consacrés  aux  ministres,  aux  membres  du  corps  diplomatique  et 
aux  représentants,  qui  tous  seront  reçus  sans  invitation.  Mais,  vu  l'exigmté  des  salons  de  TElysée,  les  autres  per- 
sonnes ne  pourront  être  reçues  qu'avec  une  invitation  »  (Patrie  du  8  avril.) 


IS6 


REVUE  COMIQUE. 


Mais  permettez-moi  de  vous  faire  connaître  le  secret 
de  ma  vie  privée.  Obligé  de  changer  de  nom  par  suite 
de  persécutions  nombreuses,  je  me  suis  fait  apprécier 
dans  l'industrie,  sous  le  pseudonyme  de  Lamadou  ;  j'ai 
obtenu  quelques  succès  dans  les  primes  ;  j'ai  beaucoup 
souffert  ;  l'expérience  des  hommes  et  des  affaires  de 
bourse  m'est  acquise.  Le  courtier  marron  renferme 
toujours  un  cœur  de  vieux  soldat.  Rien  ne  m'arrête  ; 
je  renonce  à  ma  profession,  puisque  le  neveu  de  mon 
empereur  remonte  sur  le  trône  de  ses  pères  !  me  voilà  ; 
je  ne  suis  plus  Lamadou,  seigneur;  voyez  en  moi  le  vé- 
ritable Cliabert  !  Propre  à  tout,  je  ne  redemande  pas 
mon  grade;  il  me  suffira  d'obtenir  une  place  de  con- 
cierge ou  un  bureau  de  tabac,  à  moins  que  vous  ne 
préfériez  ni'accordcr  un  modeste  secours  en  argent  ;  je 
l'accepterais  pour  la  mémoire  de  mon  empereur. 

—  Monsieur,  répondit  le  secrétaire  des  commande- 
ments, votre  histoire  est  fort  attendrissante,  et  nous 
honorons  en  vous  les  restes  d'un  brave  ;  mais  nous  n'a- 
vons pas  cessé  un  instant  depuis  ce  matin  de  recevoir 
des  Chabert  ;  le  prince  commence  à  en  èlre  importuné. 

—  Si  c'est  ainsi  qu'on  accueille  les  vieux  de  la  vieille, 
riposta  Lamadou,  je  préfère  retourner  dans  les  entrail- 
les de  la  Sibérie. 

Et  Lamadou  découragé  dirigea  imédiatement  ses  pas 
vers  un  endroit  éloigné  du  boulevard,  où  il  console  sa 
douleur  et  cache  son  ancien  grade  en  exerçant  le  com- 
merce modeste  de  marchand  de  contre-marques. 

A  peine  Lamadou  élait-il  parti,  que  deux  autres 
braves  se  présentèrent.  L'un  d'eux  est  connu  sous  le 
nom  de  Bonnelier,  et  l'autre  sous  celui  de  Dumoulin. 
Le  nommé  Bonnelier  élait  revêtu  d'un  uniforme  de 
garde  national,  sous  lequel  il  vit  depuis  le  26  février, 
afin  de  payer  demi-place  partout,  en  qualité  de  mili- 
taire. Quant  au  nommé  Dumoulin,  il  était  habillé 
principalement  avec  un  gourdin,  sous  lequel  il  por- 
tait une  polonaise  à  brandebourgs. 

—  Messieurs,  qu'y  a-t-il  pour  votre  service?  deman- 
da le  secrétaire  des  commandements. 

—  Cré  mille  millions  de  tonnerres,  mon  petit  chou, 
répondit  le  Dumoulin,  est-ce  que  vous  ne  reconnaissez 
pas  les  anciens?  Assez  d'autres  se  sont  emparés  de  nos 
titres;  vous  voyez  en  nous  les  véritables  Chabert  !  les 
seuls!  des  Cliabert  avant  la  lettre,  mon  petit  monsieur. 
Quant  à  moi,  mon  histoire  est  connue.  Dirai-jc  que  je 
m'appelais  Lindor?  Non,  j'étais  marchand  de  bonnets 
de  coton.  Je  déposai  mon  fonds  aux  pieds  du  petit  ca- 
poral ;  il  en  prit  une  mèche,  et  me  la  posant  à  la  bou- 
tonnière, me  dispensa  des  autres  grades.  C'est  ainsi  que 
je  devins  colonel.  On  n'a  jamais  voulu  me  rendre  le 
brevet.  Qu'importe?  Ne  suis-je  pas  autorisé  à  dire  que 
je  l'ai  perdu  sur  le  champ  de  bataille.  .\ujourd'hui, 
seigneur,  je  viens  déposer  à  vos  pieds  mes  justes  récla- 
mations avec  toute  la  fougue  de  mon  caractère.  J'ai 
apporté  avec  moi  un  autre  colonel  pour  me  servir  de 
jémoin.   Saluez,  colonel   Bonnelier,   saluez   humble- 


ment. Vous  voyez ,  jeune  homme ,  que  mon  frère 
d'armes  est  dans  une  tenue  respectable  et  propre  à  être 
admise  dans  toutes  les  sociétés;  saluez,  colonel  Bon- 
nelier (Bonnelier  salue).  J'achève  mon  récit.  Ma  seule 
ambition  est  de  servir  le  neveu  de  mon  petit  caporal 
et  d'obtenir  la  permission  de  reprendre  mes  épaulettes 
dans  les  cérémonies.  Croiriez-vous  bien,  jeune  homme, 
que  le  préfet  de  police  m'a  fait  signifier  de  ne  pomt 
porter  en  public  les  épaulettes  de  mon  grade.  Voilà  ce 
que  c'est  que  d'avoir  choisi  un  ancien  gendarme.  Ces 
hommes-là  ne  respectent  rien.  Car  enfin,  suis-je  un 
Chabert,  oui  ou  non?  Je  vous  le  demande,  est-ce  que 
les  Chabert  n'étaient  pas  tous  colonels?  S'ils  étaient 
colonels,  pourquoi  serais-je  un  marchand  de  bonnets  de 
colon  de  Grenoble.  Mon  dévouement  est  assez  connu 
pour  qu'on  n'exige  pas  de  brevet;  d'ailleurs  je  l'ai 
laissé  en  Sibérie.  Parole  d'honneur!  demandez-le  plu- 
tôt au  colonel  Bonnelier.  N'est-il  pas  vrai,  colonel, 
qu'il  est  là-bas  qui  dort  sous  la  neige? 

—  Ils  dorment  fous:  ne  les  réveillons  pas  !  répondit 
avec  mélancolie  le  colonel  Bonnelier.  Vous  venez  d'en- 
tendre, ajouta- t-il,  la  parole  un  peu  crâne  de  mon 
ami.  Nous  nous  sommes  connus  à  l'incendie  de  Mos- 
cou ;  il  est  resté  fort  échauffé  depuis  ce  temps-là. 
Quant  à  moi,  monsieur  le  sccréfaire,  je  suis  devenu 
professeur  de  déclamation,  sous-préfet  de  Joigny,  où 
j'eus  l'honneur  de  célébrer  la  messe  ;  puis  acteur  dra- 
matique, honoré  des  faveurs  de  M.  Guizot  et  de  quel- 
ques autres  ministres  avec  lesquels  j'avais  combattu  à 
Waterloo.  —  La  garde  meurt  et  ne  se  rend  pas.  — 
J'enfendis  ce  mot  sublime  de  derrière  une  haie,  et  je 
me  rendis  immédiatement....  dans  tous  les  endroits  où 
l'on  pouvait  obtenir  quelques  encouragements,  se- 
cours, ou  pièces  de  cent  sous  attribuées  aux  beaux-arts 
et  aux  colonels  littéraires,  réduits  à  la  mendicité.  Voilà 
mes  titres!  De  plus,  monsieur,  j'ai  la  parole  facile,  la 
transpiration  abondante  ;  et  les  gens  qui  ne  me  con- 
naissent pas,  peuvent  croire,  à  mon  tremblement  ner- 
veux, que  j'ai  de  l'émotion  et  quelque  sensibilité.  — 
De  plus,  ami  du  poète  Lamartine.  —  C'est  en  Sibérie 
que  nous  nous  rencontrâmes.  Dans  l'un  de  ses  voya- 
ges, il  apprit  que  j'étais  au  fond  d'une  mine,  et  il  vint 
m'y  rendre  visite.  Que  vous  dirais-je  encore?  La  ma- 
nière dont  j'ai  joué  le  rôle  d'Orosinane  me  rend  propre 
à  toutes  les  fonctions  qui  exigent  de  la  noblesse.  Ma 
fermeté  de  caractère  est  clairement  démontrée  par 
l'habit  de  garde  national  que  je  ne  quitte  pas  depuis 
dix  mois.  Mais  cet  uniforme  commence  à  èlre  un  peu 
usé  :  il  est  impossible  que  le  neveu  de  mou  empereur 
laisse  un  de  ses  Chabert  exposé  à  l'intempérie  des  sai- 
sons. —  Je  suis  un  homme  d'esprit  et  de  cœur  ;  marié, 
père  de  famille;  oui,  monsieur.  Aussi  n'est-ce  pas  en 
mon  nom  que  je  réclame,  c'est  en  faveur  de  mesdemoi- 
selles Chabert.  Quant  à  moi,  mon  éloquence  me  suffi- 
rait pour  me  tenir  au-dessus  du  besoin  ;  je  déclame  en 
ville,  en  public  et  à  domicile;  et  mon  uniforme  me 


A  LUSAGR  DES  GKNS  SfiRIKUX. 


i57 


donne  accès  partout.  Allons,  monsieur  le  wcrdtaire,  la 
main  à  la  poilio  :  fuites  (|uel(]ue  chose  pour  un  pnuvre 
aveugle;  j'olFie  do  céder  mes  épaulettes  et  mnii  bre- 
vet de  (.'(iltmel  au  bravo  Dniiiouliu  ;  je  ne  demande 
qu'un  enipliii  honorable  et  lucratif,  secret,  si  l'on  veut, 
mais  avec  beaucoup  de  praliticatinns. 

—  Messieurs  les  colonels,  répcindil  le  secrclaire  des 
comniandetuents,  vous  me  seniblez  elTecliveinent  re- 
venir de  Sibérie;  et  il  serait  diflicile  de  ne  point  faire 
quelque  chose  pour  vous.  Je  vous  autorise  donc  à  re- 
vêtir des  costumes  de  fantaisie,  et  à  vous  môler  au  cor- 
tëge  les  jours  de  grande  revue.  Si  M.  le  préfet  Rebil- 
lot, homme  fort  rigide  sur  les  questions  d'unifurme, 
vous  demandait  à  quel  corps  vous  appartenez,  répon- 
dez-lui que  vous  êtes  des  colonels  de  carnaval  et  que 
vous  sortez  de  l'élat-majordu  Cirque-Olympicpie.  Etes- 
vous  contents  et  satisfaits,  messieurs  les  Cbaberis? 

—  Pardon,  excuse,  monsieur,   répliqua  Bonnelier; 


oserais-je  vous  prier  de  mettre  le  comble  à  vos  bien- 
faits en  m'accordant  une  avance  de  cin(|  francs;  caries 
Cosaques  m'ont  tout  enlevé,  il  ne  me  reste  plus  que  mes 
talents,  et  Babin  exige  qu'on  paye  lu  location  d'avance. 

—  Acce|)lez  ces  deux  francs  cimpiante  lit  le  secré- 
taire des  conmiandemenls,  il  nous  est  impossible  de 
faire  davantage  ;  quant  i  vous,  Dumoulin. ... 

—  Quant  ù  moi,  s'écria  fièrement  Dumoulin,  tan- 
dis que  Bonnelier  tendait  la  main,  quanti  moi  j'ai  le 
costume,  il  ne  me  manque  qu  e  le  brevet  ! 


Extrait  du  compte-rendu  officiel  de  la  grande  revue, 
publié  par  l'Événement,  la  Liberté,  et  autres  Journaux 
officieux. 

«  On  remarquait  dans  le  cortège,  le  colonel  Dumou- 
lin, et  M.  Bonnelier,  tous  les  deux  achevai,  et  parmi 
les  personnes  les  plusraïqMocliées  du  président.  » 


GIRAHDI.NADE  TARTUFÉE. 


0  Ce  n'est  [las  nous,  dit  M.  de  (jirardlii,  qui  iiuns 
«  opposerons  à  la  retraite  d'une  Assemblée  élue  sous  le 
«  coup  de  Vintimidation,  de  la  fraude  et  d^a  violence. 

«  Quand  nous  abordons  la  question  de  la  retraite  de 
«  l'Assemblée  nationale,  nous  l'abordons,  on  le  voit, 
«  sans  illusion  comme  sans  ^;«Sô'/o(i. 

0  En  effet,  jusqu'à  ce  jour,  nous  nous  sommes  étroi- 

«  tement  bornés  à  recueillir  dans  les  journaux  des  dé- 

«  parlements  la  pensée  des  électeurs  (c'est-à-dire  toutes 

les  injures  à  son  adresse.) 

«  Nous  entendons  formeHement  nous  abstenir  de  toute 


«  msistance  qui  pourrait  dégénérer  en  une  sorte  d'agita- 
«  tion  politique  aboutissant  à  une  contrainte  morale. 

«  Ce  que  d'autres  ont  essayé  le  15  mai  par  la  pres- 
«  sion  de  la  force  ,  nous  ne  voulons  pas  le  tenter 
«  par  la  pression  de  la  presse.  Nous  ne  voulons  pus 
«  imiter  ce  que  nous  avons  blâmé. 

Un  petit  conseil  en  terminant.  «  Le  pouvoir  exé- 
«  cutif  n'aurait  qu'à  s'abstenir  strictement  de  présenter 
«  à  l'Assemblée  aucun  projet  de  loi  et  de  prendre  au- 
((  cune  part  à  ses  travaux.  » 

(Presse  (lu  10  janvier  48-19.) 


CHOSES  QUELCONQUES. 


LE    KOl    DIT    A     LA    REINE,     LA    REINE    IIIT    AU   KOl. 

Le  dialogue  de  la  Presse  avec  la  Liberté  |)eut  rem- 
placer le  défunt  dialogue  que  nous  venons  de  citer.  11 
faut  à  la  Presse  un  interlocuteur  comme  il  faut  à  cer- 
tains marchands  de  chaînes  de  sûreté  un  compèie ;  les 
innocents  de  l'Evénement  avaient  accepté  ce  rôle  avec 
enthousiasme,  comment  se  fait-il  que  les  vieux  pour- 
voyeurs de  la  Liberté  aient  disputé  à  ces  aimables  no- 
vices ce  beau  rôle  ? 

Infortuné  Emile  !  il  ne  manquait  rien  à  ta  gloire 
qu'un  donneur  de  réplique,  tu  l'as  trouvé  dans  le  vé- 
nérable Lepoitevin  Saint-.\lme.  Que  penses-tu  de  ton 
bonheur? 

—  Parmi  les  idées  saugrenues  qu'un  bourgeois  peut 
avoir,  il  faut  compter  celle  qu'a  eue  M.  Véron  de  vou- 
loir être  non  pas  directeur,  fi  donc!  mais  ministre  des 


beaux-arts.  —  Oui  M.  Ingres,  oui  M.  Delacroix,  oui 
M.  .Meissonnier,  et  vous  tous  Decamp,  Johannot,  Pra- 
dier,  etc.,  vous  l'avez  échappé  belle;  —  si  on  avait 
consenti  à  créer  un  ministère  nouveau,  tout  exprès 
pour  lui,  vous  auriez  relevé  de  M.  Véron. 

—  Grand  papa,  disait  hier  un  enfant  terrible  à  un 
vieux  général  de  l'Empire,  en  voyant  servir  un  superbe 
gâteau  des  rois,  il  ne  faut  plus  dire  :  le  roi  boit,  à  pré- 
sent, mais  le  président  boit;  maman  l'a  dit;....  il  boit 
donc,  M.  le  président? 

— n  Le  président  de  la  République  sort  tous  les  jours  à 
cheval  une  heure,  et  même  une  heure  et  demie,  quel- 
que temps  qu'il  fasse.  »  Le  Constitutionnel  le  dit, 
le  Constitutionnel  en  est  tout  lier,  et  il  a  bien  raison. 
Cela  signifie ,  en  effet,  que  M.  Louis  Bonaparte  n'a 
pas  peur  de  la  pluie  ;  qu'il  ne  distingue  pas  le  beau 


REVUE  COMIQUE. 


1d8 

"temps  du  niauva.s;  que   c'est    enfin  un  dur  à  cuire, 
un  vieux  de  la  vieille,  sans  doute,  etc. 

Ah  '  si  M.  Bonaparte  avait  une  bonne  nispnation, 
quelle  leçon  il  donnerait  à  ces  amis  adroits  à  qui  il  ne 
manque  que  deux  pattes  pour  être  les  égaux  de  1  ours  de 
La  Fonlame.  Ne  peut-on  louer  moins  -  sottement  -  le 
chef  d'un  pays  comme  la  France?  Veut-on  nous  faire 
croire  qu'il  n'y  a  à  louer  en  lu.  que  son  courage  contre 
la  pluie,  et  que  son  amour  pour  réquilatiou? 

_  Que  pensez-vous  de  la  République?  avez-vcus 
confiance  dans  sa  durée?  disaient  à  un  républicain  un 
légitimiste,  un  orléaniste  et  un  impérialiste. 

"—  Je  crois,  répondit  le  républicain,  que  la  Républi- 
que est  indestructible  ;  —  et  ma  raison,  la  voici  : 

Elle  a  trois  ennemis  qui  ne  s'entendront  jamais  ; 
Vous  en  savez  quelque  chose.  Son  salut  est  dans  ce 
fait  qu'il  n'est  aucun  de  vous  qui  consente  à  travailler 
de  bonne  fci  pour  les  deux  autres.  D'accord  la  veille, 
vous  vous  combattrez  toujours  le  lendemain,  et  tou- 
jours à  son  profit.  —  La  nation  ne  tardera  pas  à  faire 
cette  remarque,  qui  est  bien  simple,  et  alors  elle  vous 
mettra  d'accord  en  vous  renvoyant  tous  dos  à  dos. 

_  Le  président  de  la  République  a  donné  à  diner, 
il  y  a  quelques  jours,  à  M.  de  Girardin  et  à  madame 
de  Girardin.  Les  convives  étaient  naturellement  peu 
nombreux  ;  le  jeune  M.  Hugo,  fils  du  poète  de  ce  nom, 
était,  dit-on,  du  petit  nombre  des  invités.  —  On  as- 
sure' qu'après  le  diner,  M.  le  président  de  la  Républi- 
que daigna  s'entretenir  fort  longuement  avec  ce  jeune 
homme,  et  qu'il  lui  aurait  dit,  en  parlant  de  M.  Odi- 
lon,  président  du  conseil  de  son  ministère  :  —  M.  Bar- 
rot' est  un  fort  honorable  homme  ,  d'un  grand  talent, 
mais  je  commence  à  craindre  que  ce  ne  soit  pas  un 
homme  pratique. 


Quelques  amis  du  président  de  la  République  pen- 
saient que  cette  confidence  était  bien  grave  et  bien  peu 
pratique  elle-même  pour  être  confiée  à  une  si  jeune 
oreille. 

M.  Louis  Bonaparte  a  écrit  à  M.  de  Malleville  une 

lettre  dont  le  fond  et  la  forme  sont  également  re- 
■rretlables.  La  publication  de  cette  lettre  a  été  tout  à 
fait  fâcheuse  pour  le  président  de  la  République. 

Vous  croyez  peut-être  que  les  journaux  amis  de 
M.  Bonaparte  se  sont  fait  un  devoir  de  ne  point  citer 
une  pièce  aussi  défavorable  à  sa  personne.  Point.  — 
Ils  s'en  sont  tous  les  premiers  emparés. 

M.  Bonaparte  a  pu  apprendre  ce  jour-là,  s'il  l'igno- 
rait, qu'il  y  a  des  journalistes  qui  sacrifient  tout  au 
besoin  de  faire  un  journal  amusant,  et  qu'il  en  est  qui 
publieraient  le  déshonneur  de  leur  père  ou  de  leur 
mère,  pour  n'être  pas  en  retard  de  scandale  et  de  cu- 
riosité avec  leurs  confrères. 

—  Il  y  a  des  journaux  innocents.  De  ce  nombre  sont 
l'Événement,  le  Pays,  etc.,  etc.  ; 

Des  journaux  spéciaux  qu'on  ne  lit  pas,  l'Ere  nou- 
velle, l'Opinion  publique,  ela-ulres 

Puis  des  journaux  qu'on  Ut,  qu'on  achète,  et  qui 
cependant^'existent  pas  même  pour  ceux  qui  les  li- 
sent, parce  qu'ils  n'ont  aucune  autorité  morale  ;  de  ce 
nombre  sont  l'Assemblée  nationale,  la  Liberté,  etc. 

Par  le  fait,  l'opinion  tout  entière  appartient  en- 
core aux  cinq  ou  six  journaux  qui  existaient  avant  Fé- 
vrier. De  tous  ceux  qui  ont  été  créés  depuis,  aucun  n'a 
pris  une  place  définitive  et  ne  s'est  classé  de  façon  à 
avoir  une  infiuence  appréciable. 

Et  pourtant,  le  besoin  de  journaux  nouveaux  ré- 
pondant à  ce  que  la  situation  a  de  véritablement  nou- 
veau, est  évident. 


A  1. 1  SACM  Di.s  (;i:.\s  si:i>,ii  I  x. 


ILQ 


MIOCCTION  iriN  COIimiF.U  r.l'lArnONNAlHK. 


(INTBII    l'uOl  l.A.) 


Air  :  I/ommes  noirs,  d'où  torteS'Vn 


Ciim.iraile?,  conimençoiis 
Une  grave  conlt'renc«  ! 
Je  sais  qu'au  vin,  aux  chansons, 
Vous  donnez  la  préférence; 
Mais  vous  i^les  en  ce  inornenl, 
Tous  les  élecleurs  du  tlepai  lemenl. 
Pour  réffler  le  son  de  la  France, 
TAcliez,  s'il  se  poul,  de  n'iHre  pas  gris.  ' 

Signez,  mes  amis!     {Bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vœu  du  pays. 

Pour  obtenir  le  congé 
D'une  assemblée  insolente. 
Avec  art  j'ai  rédit,'é 
Une  requête  excellente. 
Aux  journaux  elle  parviendra. 
Monsieur  Girardin  la  commentera. 

Sous  le  numéro  mil  cinquante 
Dans  les  faits  divers  nous  serons  inscrits. 

Signez,  mes  amis.'    {Bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vœu  du  pays. 

Chassons  des  représenlanls 

l'n  peu  trop  démocratiques; 

Que  la  Ch^imbre,  à  deux  ballants, 

S'ouvre  à  d'autres  politiques. 

Qu'on  y  place  de  vieux  barbons 

Revenus  jadis  avec  les  Bourbons. 

Partisans  des  lois  despotiques, 

Les  jésuites  môme  y  seront  admis. 

Signez,  mes  amis  !     [bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vcea  du  pays. 


Vous  voyez  vos  député» 
Incliner  vers  la  Montagne. 
Aux  dé-crels  qu'ils  oui  volés 
Nous  perdons  ;  le  pauvre  gagne. 
Déjà  le  i-el  est  dégrevé. 
L'impôt  sur  le  luxe  est  par  eux  rêvé. 

Pour  plaire  anx  gens  de  la  campagne, 
Ils  aboliraient  les  Droits-Kéuuis. 
Sit;nez,  mes  amis  !    {  Bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vœu  du  pays. 

Vraiment,  ces  premiers  sujets 
Trop  longlemps  gardent  leurs  rôles  ; 
Hostiles  à  nos  projets, 
Ils  pèsent  sur  nos  épaules. 
Dés  qu'ils  auront  tourné  le  do>. 
Mêlions  en  avant  le  duc  de  Bordeaux; 

Enterrons  le  vieux  coq  des  Gaules, 
El  sur  son  tombeau  replantons  les  lis. 

Signez,  mes  amis.'    (Bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vueu  du  pays. 

On  assure  qu'avant  peu, 
Parn  tre  conduite  oblique, 
Nous  allons  lout  mettre  en  feu. 
Kl  troubler  la  paix  publique. 
Pourvu  que  nous  réussissions. 
Que  nous  font  à  nous  les  dissensions? 

Il  faut  tuer  la  République  ! 
Après  la  bataille  à  nous  les  débris! 

Signez,  mes  amis!    (Bi'sl 
Nous  dirons  que  c'est  le  vœu  du  pays. 


Un  des  petits  moyens  employés  ..  __ ^.., 

département  de  soixante  mille  âmes. 


ilever  cent  cinquante  signatures  dans  i 


Falloux,  disciple  de  Basile, 

Menace  l'Universilé. 

Aux  jésuites  il  donne  asile, 

Sous  prétexte  de  liberté. 

Il  compte  les  servir,  peut-éire  ; 

Mais  les  destins  sont  !ncon>lanls. 

Comme  le  temps,  c'est  un  [îtand  maître; 

Il  doit  passer  avec  le  temps. 


Dftsiué  par  Fabbitzils. 


Gravé  par  Uaulant. 


Ulil'LtVAnii   IIE4  trALlKNS. 


30  ecutliiicH  la  ll%i'HiHoii. 


-^ ,  ■;  ,,i,i|,ii||ii;|iii.|i|ii|ii|||!L|,|iiJiiiii 


hLE  RltlIKI.IEL',   'J2. 


idltions  de  la  Sonscripiion.  —  La  Revde  comiqie  formera  un  ina<:nifique  volume,  grand  in-8,  publié  en  50  livraisons  à  50  cent.  ; 
irk  poste,  -40  cent.  On  sousi-rit  pour  10  livraisons.  Pour  les  déparlements,  envoyer  un  mandat  sur  la  poste  à  l'ordre  du  directeur  de  la 
4viB.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction,  écrire   {franco)  à  M.  Lirecï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des  Italiens. 


DUMINERAT.  £DITE17B,  RUE  RICHEIiIEU,  52. 


1 1'^  Liviaiion. 


AVIS 

AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  lA  REVUE  COMIQUE. 


Pour  .vponare  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qu,  rouvaien 
Aul.eux  que,  pour  ne  pas  dé.-ompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  broeber  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d  une  façon 
uniforme  toutes  k^s  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessm  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celle  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  brocbé  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  celte  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
îa  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

U  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dcrn.ère  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détacbé  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  IA  ONZIEME  LIVRAISON. 


La  Semaine.  -  Un  Ministre  éternel.  -  Les  Mystères  .la  Parti  honnOto.  -  Icarie  (correspondance  part,  cuhere).  -  Réclama- 
tions contre  lesquelles  on  pourra  bien  réclamer.  -  Le  Conservatoire;  premier  Concert.  -  Deux  Utop.es  :  une  Rue  de 
Paris  •  un  Disert  entre  la  Californie  et  le  Texas  ;  un  Quai  .lu  H.vro.  -  Choses  quelconques. 


Dessinateurs, 

Canifomie Nadard. 

Califourchon Xadard. 

Cliangarnier Fabritziu 

Proposition  Raleiu Nadard. 

Un  nouvel  Académicien Nada.d. 

Les   départements  se  lèvent    comme    un  seul 

homme N.-idard. 

Ferm«ntaiion  des  pétrins Bertall. 


Louis. 

Baulant. 

Baulant. 

Baulant. 
Midderigh. 


libnllilion  dfs  b-o-s 

Vue  de  Californie  

IcirieetCaliforniP 

Californie  et  Icarie 

Premier  raout  chei  le  sul'sc  de  l'h'tel  de   la 

présidenre Fabritztus.  GaucliarJ. 

gi.j„jf Fabrilîins.     Leblanc. 


Ii'flfiinttleurs. 

r.ra«e 

iirs. 

B.Tla:l. 

Midd. 

igl. 

l'unrh. 

Baula 

ni. 

Derlall. 

.laliot 

Bertall. 

Ja'iot 

POUR   PARAITRE   DANS   LES  PROCHAINES   LIVRAISONS    : 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTUlUiS 

projets  —  iléccptions  —  espérances  —  Icntalinns  —  travestiss.Miicnts 
hjpocrysies  —  passe- passe—  pirfidics  —  granile  culbute  ilr- 

MOSIEU   RÉAC 

silTP.   DE  cahicatctf.s   par  NAIlMin. 


Para.— Tiré    tin  prewM  ^l*««ni^m•J  île  I.»r»»apic  1,1-  «1  r,.„|..,  nu 


LA   SEMAINE. 


«  Décidément,  dit  la  Semaine,  nous  avons  une  fa- 
mille présidente. 

—  Qu'entenJez-vous  par  là? 

—  Ce  qu'un  entendait  autrefois  par  famille  royale. 

—  Et  où  voit-on  la  famille  présidente? 

—  Partout.  Au  théâtre  d'abord,  oii  elle  occupe  gé- 
néralement les  anciennes .  loges  de  la  cour  ;  dans  le 
inonde,  et,  pas  plus  tard  que  samedi  dernier,  je  l'ai 
admirée  dans  tout  son  éclat  au  bal  du  préfet  de  la 
Seine. 

M.  Murât  (on  dit  le  prince  Murât)  se  présente  le 
premier,  suivi  de  sa  feinme  et  de  sa  fille. 

Entre  ensuite  madame  Demidotî(on  dit  la  princesse 
Matbilde),  suivie  de  ses  nombreux  diamants. 

Puis  viennent  le  général  Jérôme  Bonaparte,  gou- 
verneur des  Invalides  (on  dit  le  roi  de  Westphalic), 
accompagné  de  son  Gis,  M.  Napoléon  Bonaparte. 

Le  colonel  Dumoulin  et  le  commandant  Max  Bon- 
nelier,  ofiiciers  d'ordonnance,  ferment  le  cortège. 

Les  membres  delà  famille  présidente  traversent  le 
salon,  vont  se  grouper  dans  un  endroit  réservé  où  ils 
reçoivent  les  hommages  de  tous  ceux  qui  se  présentent. 
Ce  n'est  pas  tout  à  fait  le  défilé  de  l'ancienne  cour, 
mais  ça  y  ressemble  chaque  jour  davantage. 

Le  quadrille  dans  lequel  doit  figurer  l'un  des  mem- 
bres de  la  famille  présidente  est  composé  depuis  long- 
temps. Tous  les  danseurs  sont  désignés  d'avance.  Tout 
cela  se  fait  encore  mystérieusement  et  sous  len  anteau, 
mais  le  cérémonial  officiel  ne  tardera  pas  à  être  promul- 
gué   Eu  attendant,  pour  justifier  celle  demi  étiquette. 


on  se  rejelfe  sur  le  prétexte  des  solliciteurs.  Danser 
avec  le  premier  venu  !  mais  vous  n'y  songez  pas,  et  les 
solliciteurs  qui  profiteraient  d'une  contredanse  pour 
glisser  leurs  placets  !  Vous  ne  savez  donc  pas  ce  qui  est 
arrivé  à  la  princesse  Malhilde  (prononcez  madame  De- 
midoff)? 

—  Quoi  donc? 

—  Un  monsieur,  au  dernier  bal,  s'est  présenté  à  elle 
en  lui  disant  :  «Madame  n'a-t-elle  plus  de  recette  à 
m'accorder? 

—  Comment?... 

—  Oh!  pardon,  madame,  c'était  une  polka  que  je 
voulais  dire.  » 

Un  autre  l'a  invitée  à  valser  la  prochaine  sous- 
préfecture. 

Voici  les  renseignements  que  la  Semaine  m'a  four- 
nis sur  le  bai  de  M.  Berger.  Cohue.  —  Peu  de  toi- 
lettes élégantes.  —  Des  diamants  eu  quantité.  —  Un 
buffet  trop  vite  dévalisé  et  trop  peu  renouvelé.  —  Des 
habitants  d'Issoire  en  grand  nombre.  —  Issoire  est  la 
patrie  de  M.  Berger.  —  Trois  mille  invités  dans  des  sa- 
lons qui  en  contiennent  à  peine  deux  mille.  —  Trop 
de  Bonapartes  et  d'Auvergnats. 

Il  y  aura,  dit-on,  six  bals  semblables  à  celui-ci  dans 
l'hiver. 

Le  président  n'assistait  point  à  celte  fête.  Lui-même 
recevait  ce  soir-là  après  un  grand  dîner  où  figuraient 
plusieurs  maréchaux,  les  ministres,  le  commandant 
Max  Bonnelier  et  l'ambassadeur  d'Angleterre. 

Le  premier  magistrat  de  la  République  (magistrat, 


162 


REVUE  COMIQUE 


entendez-vous  bien?)  portait  à  sa  réception  son  éternel 
habit  de  général  de  la  garde  nationale.  Celte  ténacité 
à  se  déguiser  en  militaire  a  quelque  chose  de  vraiment 
puéril.  Je  conçois  bien  qu'on  regrette  de  n'être  pas 
général,  de  n'avoir  pas  combattu  quinze  ans  en  Afri- 
que comme  Cavaignac  et  Lamoricière  ;  mais  enlin  il 
faut  se  résigner  à  être  ce  qu'on  est,  c'est-à-dire  un 
penseur  de  l'école  de  M.  Hugo,  un  socialiste  de  la 
veille.  M.  Bonaparte  met  des  épaulettes  pour  avoir 
l'air  militaire;  c'est  comme  si  Cavaignac  publiait  de- 
main un  livre  sur  le  paupérisme,  afin  de  passer  pour 
un  écrivain. 

Puisque  notre  président  lient  tant  à  l'iiabil  mili- 
taire, pourquoi  ne  porle-l-il  pas  celui  de  l'armée  de 
Thurgovie  dans  les  rangs  de  laquelle  il  a  servi  avec  le 
grade  de  capitaine  d'arlillerie? 

J'ai  demandé  à  la  Semaine  ce  qu'elle  m'apprendrait 
de  nouveau  sur  les  Ihéàlres. 

a  D'abord,  m'a-t-cUe  répondu,  la  rentrée  de  ma- 
demoiselle Rachel. 

—  Elle  ne  fait  que  rentrer  depuis  deux  ou  trois  ans. 
Passons. 

—  La  première  représentation  de  Madame  Mur- 
neffe  au  Gymnase.  Grand  succès,  tiré  d'un  roman  de 
M.  de  Balzac,  et  le  Caïd,  à  l'Opéra-Comique. 

—  Ensuite? 


—  La  célébration  du  deux  cent  vingt-septième  an- 
niversaire de  la  naissance  de  Molière  au  Théâtre  Fran- 
çais et  à  l'Odéon. 

—  Après? 

—  La  réception  d'une  comédie  en  deux  actes,  d'Al- 
fred de  Jlusset,  intitulée  la  dernière  Soubrette. 

—  C'est  quelque  chose.  La  pièce  est-elle  en  prose? 

—  Non,  en  vers. 

—  C'est  beaucoup. 

—  Les  Italiens  ont  recommencé  leurs  représenta- 
lions  sous  la  direction  de  llonconi.  Ils  ont  chanté  Ce- 
ntrentola  avec  mademoiselb  Alboni.  La  nouvelle 
troupe  a  un  chanteur  monumental  et  un  banquier  ex- 
cellent. Le  chanteur  s'appelle  Lablache,  et  le  ban- 
quier excellent  Delamarre.  La  nouvelle  administration 
est  donc  solide.  » 

Voilà,  en  somme,  une  semaine  cjui  ne  laisse  pas  que 
d'avoir  été  bien  employée,  surtout  si  l'on  se  souvient 
que  l'Assemblée  nationale  l'a  terminée  en  coupant  court 
aux  espérances  du  grand  parti  modéré,  composé  des 
citoyens  Thiers,  Véron  et  Genoude,  lequel  grand  parti 
se  flattait  du  doux  espoir  de  faire  sortir  un  nouveau 
13  mai  d'une  émeute  de  premiers-Paris. 

J'oubliais  un  roman  de  XL  de  Lamartine,  —  Ra- 
phaël, paru  aujourd'hui. 

A  huitaine  1 


-  lu  m'ont  dit  qae  »as  la  République  oq  ne  faisait  plus  repasser 
le*  couteaux  ;  alors  je  m'en  vas  en  Canitornie,  le  pi>y*  aux 
mines  de  canifs. 


Cliangarnier,  revenu  de  la  rive  afric>iiio, 

A  de  plus  diuix  exploits  exerce  son  talent  ; 

]|  voudrait  voir  finir  l'ère  républicaine, 

Pour  briller  à  la  cour  en  costume  galant. 

Mais  les  eaux  de  senteur,  poudres  et  bergamolles. 

Ne  rendent  pdint  la  vie  à  ses  cliarmes  défunts; 

Et  le  guerrier  coquet,  malgré  tous  ses  |)arruni', 

N'eît  pas  en  bonne  odeur  auprès  des  patriotes 


Dessillé  par  Fabritzius 


Gravé  par  Louis. 


i64 


REVUE  COMIQUE 
UN  MINISTRE  ÉTERNEL 


n 


La  Chambre  aura  beau  faire,  elle  ne  parviendra  pas 
à  renverser  le  ministère. 

M.  Barrol  Ta  dit  formellement:  «Je  ne  m\'n  irai 
pas,  je  ne  veux  pas  m'en  aller;  ce  serait  monstrueux. 
M'en  aller  !  ô  ciel  ! 

Et  pourquoi  ne  vous  en  iriez-vous  pas"?  D'autres 

ministres  sont  bien  partis  avant  vous. 

—  D'autres  ministres  ,  à  la  bonne  heure  ;  mais 
moi  !  c'est  une  idée  qui  ne  peut  trouver  place  dans 
ma  tète,  une  idée  qui  me  confond,  qui  me  bouleverse. 
C'est  la  seconde  fois  que  je  suis  ministre  :  la  première, 
je  ne  l'ai  été  que  vingt-cinq  minutes;  c'était  le  2i  fé- 
vrier; je  n'ai  pas  eu  seulement  le  temps  de  mettre  une 
cravate  blanche  et  de  prendre  possession.  M'en  aller! 
jamais  ! 

Mais  vous  n'avez  que  des  échecs  à  la  Chambre  ! 

—  Des  échecs!  je  ne  sais  pas  ce  que  vous  voulez 
dire  ;  je  ne  veux  pas  vous  comprendre.  Si  l'on  vient 
pour  me  renvoyer,  je  m'accrocherai  aux  meubles,  j'en- 
traînerai les  fauteuils  après  moi,  je  pousserai  des  cris. 

—  Rappelez-vous  le  fiasco  ministériel  sur  la  ques- 
tion du  sel. 

—  11  ne  s'agit  pas  de  sel  ;  il  s'agit  que  je  nuî  jeterai 
par  la  fenêtre  si  l'on  me  pousse  à  bout. 

—  Songez  aux  nominations  des  bureaux  pour  la 
proposition-Râteau. 

—  Je  songe  qu'il  n'est  pas  humainement  possible 
que  je  m'en  aille  :  la  Chambre  le  comprendra,  à  moins 
qu'elle  n'ait  un  cœur  de  tigre.  Je  ne  quitterai  le  mi- 
nistère que  pour  me  retirer  à  la  Trappe. 

—  Un  peu  de  courage,  mon  brave  homme;  élevez 
votre  âme  au  niveau  de  votre  sublime  infortune.  Je 
vous  ai  parlé  tout  à  l'heure  des  ministres  tombés  ;  je 
vais  vous  parler  de  rois  qui  ont  abdiqué  volontaire- 
ment. Voyez  Charles-Quint  renonçant  au  trône  d'Es- 
pagne ;  Abdalonyme  cultivant  son  jardin,  sans  souci 
de  ses  droits  au  trône;  Dioclétien  retiré  à  Salone. 
Imitez  ces  grands  exemples,  Barrot,  et  quittez  de  vous- 
même  un  pouvoir  qui  vous  fuit. 

Si  l'on  continue  de  me  tourmenter  à  ce  sujet,  je 

m'asphyxie  avec  un  boisseau  de  charbon.  » 


11  devient  fort  JifliLile,con)nie  on  voit,  d'avoir  raison 
d'une  telle  résistance,  et  la  Chambre  ne  sait  plus  com- 
ment faire,  puisque  ses  votes  ne  servent  de  rien  ;  c'est 
comme  si  l'on  voulait,  avec  des  bulletins  blancs  ou 
bleus,  faire  sortir  une  tortue  de  sa  carapace,  un  lapin 
de  son  trou. 

On  est  allé  chercher  Samson  ;  ou  lui  a  dit  :  «Vous 
qui  avez  enlevé  les  portes  de  Gaza,  vous  sentez-vous 
capable  d'emporter  Odilon  Barrot  sur  vos  épaules?  » 

Samson,  qui  avait  d'abord  ôlé  sa  veste  et  retroussé 
ses  manches,  a  répondu  après  réflexion  :  —  Décidé- 
ment, je  ne  me  charge  pas  d'une  pareille  entreprise. 
Et  il  a  remis  sa  veste. 

Adressons-nous  à  Hercule,  a  dit  la  Chambre. 
Hercule,  vous  qui  êtes  un  demi-dieu,  qui  avez  tué 
le  sanglier  d'Érynianthe,  vaincu  Gérion,   nettoyé  les 
étables  d'Augias;  vous  qui  portez  une  peau  de  lion  sur 
vos  épaules  et  une  redoutable  massue  à  la  main,  ô 
!.M-and  Hercule,  qui  avez  accompli  douze  travaux  répu- 
tés impossibles,  il  s'agit  d'en  accomplir  un  treizième. 
Vous   chargez-vous  de  terrasser   et   d'enlever  Odilon 
Barrot?  On  vous  construira  un  tjmple,  on  vous  offrira 
une  hécatombe,  et  votre  gloire  sera  célébrée  d'âge  en 
;ige.  Rendez-nous  ce  service,  ô  demi-dieu  ! 
—  Voyons  un  peu,  répond  le  demi-dieu. 
Il  s'approche  couvert  de  la  peau  de  lion,  et  brandis- 
sant sa  massue  ;  mais  à  la  vue  de  Barrot,  qui  s'est  ac- 
croché à  un  meuble  :  «  Par  Jupiter,  dit-il,  comment 
voulez- vous  que  je  vienne  à  bout  de  ce  gaillard?   J'ai- 
merais  autant  forcer  de  nouveau  la  biche  aux  pieds 
d'airain,  ou  dompter  une  seconde  fois  le  taureau   de 
Crète.   Il    m'est  impossible  de  vous  rendre  le  service 
que  vous  me  demandez.    Avez -vous  par  là  quelque 
monstre  marin  qui  désoie  la  contrée?  J'en  fais  mon  af- 
faire; quant  à  cette  espèce  de   Jupiter,  il   n'y  a  pas 
moyen.  Bonsoir,  mon  ami. 

Ainsi  parle  le  demi-dieu,  et  il  s'en  va  comme  s'en 
était  allé  Samson. 

Que  faire?  les  repré,sentanls  sont  consternés.  Après 
Samson  et  Hercule,  il  serait  puéril  d'envoyer  quatre 
hommes  et  un  caporal. 


LES  MYSTÈRES  DU 

Il  s'est  égaré  dernièrement  une  adresse  des  élec- 
teurs duVaucluse  à  leurs  représentants;  la  personne 
qui  l'aurait  trouvée  est  priée  de  la  rapporter  au 
bureau  central  d'où  s'expédient,  dans  le  département, 
les  adresses  et  pétitions  spontanées  contre  l'Assemblée 
nationale 

Ce  bureau,  dont  plusieurs  personnes  niaient  l'exis- 
tence, a  été  fondé  sous  le  patronage  du  Constitutionnel 
et  de  la  Gazette.  H  fournit  le  modèle  de  pétitions 
contre  l'Assemblée,  qui  doivent  se  ccuvrir  de  milliers 


PARTI  HONNÊTE. 

de  signatures  dans  les  départements,  ainsi  qu'il  est 
arrivé  dans  le  Gers  ,  où  la  pétition  a  réuni  quatre  si- 
gnatures (officiel)  ,  et  qui  rappelle  le  mot  célèbre 
d'Odry  dans  Genwih'e  (le  Brabant.  Eu  un  instant,  il 
y  eut  dix  mille  lioinmcs  au  moins  rassemblés  sur  le 

carré. 

«  Dix  mille  hommes!  lui  dit  quelqu'un  ;  c'est  beau- 
coup. 

—  Le  chiffre  est  peut-être  exagéré,  mais  nous  étions 
bien  trois  ou  quatre.  » 


A  i;i'SA(;i',  his  (ii;,\s  ski!Ii;i  x. 


16tt 


Il  l'st  iKiiK-  univi'  iiii  iimIIiciii'  à  te  Imicaii  central, 
sans  pailiT  des  (|iiatie  .sigiialuies  de  la  iiétilioii  du  Ceis, 
qui  |)0UV0iil  iiieti  coinpler  aussi  [iniii-  un  désa^ji-t'inenl. 

I.C  hiireau  avait  expédié  aux  électours  du  Vauelusc 
une  lellre    làiie  à  l'adresse  de  leuis  représentants. 

«  Que  vonlez-vons  i|ue  nous  lassions  de  eclte  lellie? 
avaient  répondu  les  électeurs. 

—  Parbleu!  failes-en  ce  qu'on  l'ait  des  lettres  de  ce 
genre  ;  couvrez-la  de  signatures. 

—  Fort  l)ien  :  lums  allons  la  eiiu\rir  de  signatures. 
El  après? 

—  A|)rès,  vous  l'enverrez  aux  représentants.  Sont- 
ils  donc  bêles,  ces  électeurs! 

—  Merci  ;  c'est  dit,  allons,  couvrons  la  lettre  de  si- 
gnatures! )) 

Les  électeurs  prirent  la  lettre  et  en  allumèrent  leurs 
cigares. 

Cependant  le  bureau  central  faisait  le  calcul  suivant. 
«  Combien  de  signatures  les  liabitants  du  Vauelusc 
peuvent-ils  apposer  par  jour  au  bas  de  la  lettre  à  leurs 
leprésentants?  Ça  n'est  guère  expcditif,  un  habitant  du 
Vauelusc;  (,i  ne  doit  pas  avoir  le  paraphe  facile;  ça 
sait-il  signer  seulement? 

«Je  le  crois  bien!  Le  département  du  Vaucluse 
fournit  au  moins  un  quart  des  gens  de  lettres  néces- 
saires à  la  consommation  annuelle  de  Paris.  Depuis 
Pétrarque,  qui  composa  la  plupart  de  ses  poésies  à 
Avignon,  le  département  n'a  cessé  de  marcher  à  la  tète 
de  la  littérature.  Tous  les  Vauclusiens  sont  poêles  et 
journalistes. 

«  Vous  croyez!  En  ce  cas,  mettons  deux  mille  si- 
gnatures par  jour  ;  en  huit  jours,  nous  en  aurons  seize 
mille  environ,  et  dans  quinze  jours  les  représentants 
du  Vaucluse  auront  reçu  la  lettre  crâne  dont  nous  leur 
avons  fourni  le  modèle,  n 

Le  bureau  prit  patience,  et  l'on  croit  que  c'est  dans 
cet  intervalle  qu'il  eut  l'idée  de  la  pétition  du  Gers, 
qui  devait  se  couvrir  de  quatre  signatures. 


Les  (|uinze  jours  écoulés,  le  bureau  supposa  que  les 
députés  avaient  reçu  la  lettre. 

—  En  èles-vous  bien  sur,  Ijureau  central? lui  dit-on. 

—  Parbleu  !  J'ai  fait  mon  calcul. 

—  Mais  les  représentants  du  Vaucluse  n'en  ont  pas 
s(iurilé  mol. 

—  Ils  s'en  garderont  bien  :  on  ne  se  vante  pas  de 
ces  chosts-là  ;  c'est  pourquoi  je  vais  publier  le  texte  de 
la  lettre  dans  les  journaux  ilu  parti  hnniif'tc. 

—  Prenez  garde,  bureau  ;  celle  polissonnerie  peut 
vous  compromettre. 

—  .\llons  donc  ! 

Les  journaux  in  partUioniwte  publièrent  celle  |iièce 
qui  n'existait  pas,  et  dont  ils  connaissaient  la  source 
fort  peu  loyale.  Mais  voilà  qu'aujoui-d'hui  les  dé|)utés 
du  Vauelusc  écrivent  à  leur  tour  qu'ils  n'ont  jamais  vu 
ni  reçu  cette  prétendue  lettre  couverte  de  signatures. 
Qu'est-elle  devenue? 

Nous  n'avons  ])ourtant  pas  entendu  dire  que  la  mal- 
le-poste ail  été  volée  en  route! 

Voilà  le  rideau  levé  sur  les  mystères  du  jiarti  hon- 
nête. Leparti  honnête  invente  des  pétitions  et  des  let- 
tres impertinentes;  il  envoie  l'agitation  à  domicile  à 
Paris  et  en  province  ;  il  paye  des  émissaires  pour  aller 
recueillir  des  signatures  contre  l'Assemblée,  et  il  ac- 
cepte comme  électeurs-signataires  des  enfants dedix  ans 
(voir  les  correspondances  des  départements)  ;  cl  avec 
tous  ces  moyens,  le  parti  honnête  parvient  à  obtenir 
quatre  signatures  dans  le  Gers,  et  six  mille  trente-deux 
dans  toute  la  France,  ainsi  qu'il  résulte  du  relevé  fait 
dans  les  bureaux  de  la  Chambre. 

C'est  ce  que  les  journaux  appellent  l'immense  ma- 
jorité des  électeurs. 

IN'est-ce  pas  encore  le  parti  honnête  qui  a  invente  la 
ridicule  histoire  du  vol  des  diamants  de  l'Étal  et  qui 
en  a  accusé  un  ministre? 

Si  ce  sont  là  les  honnêtes  gens,  amenez-moi,  je  vous 
prie,  quelques  coquins  ;  j'en  ferai  mes  amis  intimes. 


M.  KATiAi',  ainsi  nommé,  parce  que  sa  ptoposilion  voudrait  faire  place  nette. 


-Vos  litres!.. — Voilà  mon  petit  livre.  —  Non...  vos  parchemin: 
—  Voilà.  —  A  la  bonne  heure  ;  entrez! 


Tous  les  âéparlemenis  se  lèvenl  comme  un  seul  kimme  • 
fez  :  Un  seul  homme  se  lève  comme  tous  les  déparlements. 


ICARIE. 

(CORRESFOMI.V^CE    r.VRTICL'LIF.RE. 


Le  2  de  la  lune  du  mal  de  dents. 

Hou  !  hou  !  liou  !  Frappons-nous  trois  fois  les  cuisses 
et  hurlons  trois  fois.  C'est  la  manière  de  saluer  chez 
nos  voisins  les  Nacogdoches.  Parlez-moi  tie  cette  poli- 
tesse aussi  naïve  qu'économique  !  Dans  notre  barbare 
civilisation,  qui  de  nous,  en  contemplant  l'humiliation 
de  sa  coiffure,  n'a  pas  souvent  murraurij  sur  l'air  des 
coucous  : 

Les  cliapeaux  font  gras, 
Parce  qu'on  n'en  a  guère; 
Les  cliapeaux  sont  graf, 
Parce  qu'on  n'en  a  pas? 

Mais  ici,  sur  ces  bords  aime's  du  Grand-Castor,  sous 
ce  ciel  btini  par  le  grand  Cabet,  plus  de  ces  douleurs 
fili-es  de  .«oie,  plus  de  ces  tristesses  bourrées  de  feutre. 
A  bas  le  bonsoir,  et  bonsoir  au  bonjour  !  On  s'aborde 
naturellement,  à  la  bonne  franquette  ;  comme  les  ours 
fredonnent  et  comme  les  Auvergnats  dansent!  El  youp, 
la  Catarinetta  ! 

Seulement  Catarinetta  se  prononce  Hohkoyhoholmhh. 

Quel  mot  charmant  !  Son  seul  défaut  est  de  con- 
sommer beaucoup  d'H.  Mais  vous  savez  que  c'est  ainsi 
qu'on  est  convenu  d'écrire  toujours  le  sauvage.  Plus  on 
peut  y  fourrer  d'il,  et  plus  on  a  l'air  savant.  C'est  de 
rigueur,  comme  les  K  et  les  V  quand  il  est  question  de 
chinois. 

Si  V0U9  m'en  demandez  la  raison,  vous  m'obligerez 
fort  do  me  la  faire  connaître. 


Après  cela,  pourtant,  si  vous  trouviez  vraiment  trop 
d'H  dans  ce  salut,  parole  d'icarien,  je  n'y  tiens  pas. 

Dans  un  caractère  si  irascible  naguère,  cette  con- 
descendance vous  surprendra  agréablement.  Telle  est 
la  moralité  du  bonheur! 

Mon  Dieu,  oui  !  car,  en  bonne  conscience,  au  sein 
de  vos  cités  corrompues,  dites-moi  quelle  âme  géné- 
reuse ne  se  révolterait  pas?  quel  cœur  indépendant  et 
sensible  ne  saignerait  pas  sans  cesse  au  heurt  blessant 
de  vos  lois  ridicules? 

Veut-on  rester  tranquillement  chez  soi ,  crac,  tous 
les  trois  mois,  voilà  un  monsieur  qui  vient  vous  de- 
mander de  l'argent,  sous  préte.xte  que  s.\  maison  lui  ap- 
partient. Cette  conséquence  m'a  toujours  paru  du  der- 
nier bouffon.  Comment  !  parce  que  je  suis  trop  pauvre 
pour  avoir  une  maison,  c'est  à  moi  de  payer  celui  qui 
est  assez  riche  pour  en  posséder  souvent  plusieurs? 
Est  ce  assez  cocasse  !  assez  turpide  !  assez  propriétaire  , 
enriir?Ouand  j'ai  raconté  cette  plaisanterie  au  sachemdes 
Pieds  en  sueur,  le  respectable  magistral  en  a  ri  comme 
un  bossu. 

Il  est  juste  de  dire  qu'il  l'est  à  faire  honte  au  clia- 
meaii  de  la  plus  belle  venue. 

A  l'égard  des  Pieds  en  sueur,  ayez-en  beaucoup 
pour  eux.  Nulle  tribu  n'est  plus  justement  renom- 
mco  pour  l'aménité  de  ses  mœurs.  Longtemps  ac- 
cusée de  manger  ses  prisonniers  de  guerre  trop 
saignants,  je  dois  la  relever  de  cette  calomnie.  Elle 


A  i;i!SA(iK  |)i;s  (,KNS  SI'MIIKIIX, 


167 


les   fait  rôtir,  au   contraire,    parfaitement  à   point. 

Mais,  pour  en  revenir  aux  véritables  sauvages,  à 
vous  autres,  que  d'innombrables  amertumes  viennent 
se  joindre  à  cette  déplorable  répartition  des  iiiuneu- 
bles  dans  vos  Babylones  de  perversités! 

Se  promcne-t-on  dans  les  rues ,  deux  rangs  de  bou- 
tiques vous  narguent,  à  chaque  pas,  de  toutes  les 
choses  dont  vous  êtes  veuf  pour  le  quart-d'heure  ,  et 
vous  agacent  de  toutes  les  splendeurs  dont  souvent, 
hélas  !  on  est  orphelin  de  naissance.  —  On  dirait  même 
que  la  Providence  prend  un  malin  plaisir  à  vous  con- 
duire, précisément,  devant  ce  qui  doit  le  plus  irriter 
votre  douloureuse  convoitise. 

Vous  m'objecterez  peut-être  que  ce  serait  là  un 
amusement  bien  mesquin  pour  une  providence.  Je  ne 
dis  pas  non;  mais,  enfin,  c'est  comme  ça. 

Ainsi,  a-t-on  peu  ou  point  diné,  vlan!  à  coup  sûr, 
un  embarras  quelconque  vous  fera  subir  la  torture  vi- 
suelle de  monstrueux  homards  caressant  des  pâtés  de 
foies  gras  cyclopéens  sur  une  couche  de  poissons  gigan- 
tesques aux  ventres  argentés. 

Est-ce  une  montre  en  plan  dont  vous  pleurez  l'ab- 
sence, alors  vous  ne  voyez  que  des  montres;  des 
montres  par  centaines,  des  montres  par  milliers.  II 
semblerait  que  toutes  les  vitres  se  peuplent  de  mon- 
ti'cs  dans  le  seul  but  de  railler  votre  douleur. 

Et  même  sort  pour  tout  et  toujours!  Pour  les  ha- 
bits éplorés  qui  boutonnent  leurs  misères;  pour  le 
linge  qui  tourne  à  la  guipure  ;  pour  les  affiches  do 
spectacles  qui  paraissent  flamboyer  quand  on  n'a 
pas  le  sou;    sans  exception  ni    pitié,  cette   impla- 


cable ironie  ne  respecte  rien  et  ne  se  lasse  jamais. 

Voyons,  je  ne  veux  pas  jurer,  mais,  sacredieu, 
est-ce  donc  une  existence  que  ce  perpétuel  tantalisme? 

Par  un  jour  de  pluie,  prenez  un  homme  dont  la 
chaussure  aspire  avidement  la  boue  dans  les  affres  de 
l'agonie;  et,  dans  celte  humide  affliction,  conlraignez- 
le  de  s'arrêter  devant  la  sombre  insolence  d'une  bou- 
tique de  bottier.  Cela  n'a  l'air  de  rien,  tant  la  chose  est 
commune.  Eh  bien!  feuilletez  les  poètes  les  plus  ter- 
ribles, et  trouvez-moi  un  supplice  plus  effroyablement 
atroce  !  Horreur  !  horreur!  horreur! 

Si  Dante  allait  nu-pieds  je  lui  pardonne  cette  omis- 
sion, .autrement,  j'en  suis  fâché  pour  lui,  mais  je  le 
déclare  un  médiocre  génie. 

Icarie!  Icarie  !  sous  tes  lois  favorables,  tout  homme 
est  à  l'abri  de  semblables  martyres.  Cette  douce  con- 
trée ne  rapporte,  il  est  vrai,  ni  homards,  ni  culottes,  ni 
bottes,  ni  montres,  ni  pâtés  de  foies  gras,  ni  pâtés  de 
maisons;  mais  si  nous  n'avons  absolument  rien,  nous 
partageons  du  moins  fraternellement  tout. 

Et  c'est  là  le  bonheur! 

Quand  je  dis  rien,  c'est  une  erreur.  Nous  possédons 
du  hareng  saur.  De  vous  à  moi,  je  conviendrai  même 
que  nous  en  avons  un  peu  trop.  —  Hareng  saur  le  ma- 
tin. —  Hareng  saur  à  midi.  —  Hareng  saur  le  soir.  — 
Tel  est  le  régime  sous  lequel  nous  vivons  depuis  mou 
arrivée,  et  qui  menace  d'altérer  longtemps  encore 
l'harmonie  de  notre  constitution. 

Sans  être  personnellement  hostile  au  hareng  saur, 
je  commence  à  trouver  que  ce  poisson  a  la  vie  diable- 
ment dure. 


168 


liKVLF.  (.OMIQIK 


Pour  apaiser  (luelquos  cmcules  qui  onl  éclaté  à  ce 
sujet  irritant,  le  pouvoir  avait  annoncé  ofliciellement 
la  |)rochaine  arrivée  dune  cargaison  de  pois  secs,  de 
pruneaux  et  de  haricots  rouges.  Désarmée  par  celte 
promesse,  l'opposition  se  remit  alors  à  ronger  patiem- 
ment son  hareng.  Mais,  ô  douleur!  voici  les  tristes 
nouvelles  publiées  ce  malin  dans  notre  Moniteur  : 

En  dépit  des  négociations  les  plus  habiles,  les  pois 
s'étaient  montrés  assez  chiches  pour  ne  vouloir  se  li- 
vrer que  contre  argent  comptant  ! 

Tourmentés  par  une  horrible  tempête,  les  pruneaux 
avaient  été  contraints  de  relâcher  en  Angleterre!! 

Enfin,  pour  comble  de  malheur,  des  vents  contraires 
avaient  retardé  les  haricots!!! 

En  présence  de  cette  désastreuse  complication,  le 
ministère  tombera  probablement  en  d'autres  mains. 
Si  les  choses  se  passent  comme  chez  vous,  il  est  à 
craindre  que  ce  changement  n'en  amène  pas  dans  noire 
cuisine 


Trois  soleils  ru  s  iard. 
l.a  lutte  prévue  a  été  terrible.  Non-seulement  le 
ministère  des  harengs  a  été  renversé,  mais  Icarie  vient 
de  proclamer  un  nouveau  menu  qui  accorde  à  chaque 
citoyen  trois  plats  au  choix  à  sou  diner.  Tous  les  ha- 
rengs saure  onl  été  jetés  à  l'eau.  Force  est  restée  au 
peuple.  Vox  populi,  vox  Dei.  —  Nous  n'avons  plus 
rien  à  manger. 

UioiHS  Uaton. 

P.  S.  Me  trouvant  dans  la  position  d'L'golin  quand 
il  a  croqué  son  dernier  enfant,  je  vous  serai  obligé  de 
me  faire  passer  quelques  pru\isions  à  l'adresse  sui- 
vante : 

IcARiE.  —  Sixième  désert  à  droite,  Iroisièmc  soli- 
tude à  gauche,  qualiième  fossé,  —  au  premier  au- 
dessous  de  l'enlrc-sol. 

Mon  ami  le  sacliem  se  bleuit  respectueusement  les 
I  cuisses  à  votre  attention. 


RÉ(:LâM.\TIONS    CONTRE    LESQUELLES    ON    POURIW    BIEN    RÉCLAMER. 


On  a  lu  dans  la  Patrie: 

«  M.  Duchàtel  sera  à  Paris,  à  ce  qu'on  assure,  au 
mois  de  février,  l'n  de  ses  premiers  soins  sera,  dit-on, 
de  demander  aux  tribunaux  les  moyens  de  rentrer  dans 
la  possession  d'une  somme  de  cent  mille  francs,  valeur 
approximative  d'un  nombre  considérable  de  pièces  de 
vin  qui  se  trouvaient  dans  les  caves  du  ministère  de 
l'intérieur  avant  le  2i  Février,  et  qui  ne  s'y  trouvent 
plus.  Or,  ces  cent  mille  francs  de  vin  étaient,  à  ce  qu'il 
paraît,  la  propriété  personnelle  de  M.  Duchàtel.  » 

La  Patrie,  par  cet  article,  compromet  ses  droits  au 
litre  àe journal  ordinairement  bien  informé.  Comment 
a-l-elle  pu  s'imaginer  que  l'ex-minislre  de  Louis- 
Philippe  se  conlenlerait  de  réclamer  une  bagatelle  de 
cent  raille  francs?  Allons  donc! 

La  note  de  M.  Duchàtel  est  beaucoup  plus  compli- 
quée. L'honorable  membre  du  dernier  cabinet  royal 
a  trop  souBerl  de  la  Révolution  pour  ne  pas  demander 
une  réparation  solide.  Son  compte  nous  a  été  commu- 
niqué, et  nous  nous  empressons  de  faire  connaître  à  nos 
lecteurs  cette  pièce  importante;  elle  s'élève  au  chiffre 
total  de  471,650  francs  55  centimes,  ainsi  répartis: 


500 
120 


500 


48 


Avoir  été  indisposé  le  24  février  ;  pour 
frais  de  médecin  et  de  médecine 

Avoir  loué  uu  faux  nez  el  un  habit  de 
laquais  pour  sortir  (le  P;iris. 

Avoir  déchiré  un  pantalon  tout  neuf, 
en  francbissant  les  barricades  ;  pour  rac- 
commodage  

Avoir  été  arrêté  à  la  Itarriérc  el  forcé 
de  boire  à  la  santé  de  la  République; 
pour  une  tournée  de  vin  à  six 

Pour  chaise  de  poste,  chevaux  el  frais 
de  roule 


106  fr.  75  c. 
42 


5        50 
jOO  » 


Pour  un  vélcnienl  complet  :  chemise, 
caleçon,  bis,  elc,  entièremenl  mis  hors 
de  service  par  suite  de  l'émotion  éprouvée 
pendant  ccUo  journée  et  aboutie  pcudant 
le  voyage 

Pour  neltovage  de  bijoux  qui  oui  été 
oxidés 

Passage  de  la  !\lanclie  :  avoir  eu  le  mal 
de  mer  el  compromis  ma  dignité  par  des 
contorsions  incompatibles  a\ec  le  carac- 
tère d'un  homme  d'Étal 

Séjour  à  Londres 40,255 

Indemnité  pour  suspension  de  traite- 
ment, pj'ivation  d'honneurs,  discours 
rentrés 100,000  » 

Dommages-intérêts  pour  diilamations, 
calomnies,  injures  graves,  mise  en  juge- 
ment       100,000 

Pour  frais  d'altai|ues  de  nerfs  el  autres 
conirariétés  éprouvées  par  ma  femme  dans 
ces  circonstances,  el  pour  imlemnilés  de 
promesses  d'ambassade  à  mon  frère  Na- 
poléon Duchàtel 100,000  .. 

Pour  le  vin  bu  par  les  combattants  de 
Février 400,000  » 

Pour  mon  linge  lacéré  et  mis  en  char- 
pie pour  le  service  des  blessés 50.000  » 

471,6o0  55 
Les  autres  ministres  se  préparent  à  imiter  la  conduite 
de  M.  Duchàtel:  M.  Hébert  veut  qu'on  lui  rende  sa 
simarre  déchirée;  M.  Jayr,  qu'on  avait  oublié,  ressus- 
cite comme  la  fille  de  son  homonyme  pour  présenter 
ses  réclamations.  M.  Guizot  glissera  les  siennes  dans  la 
seconde  édition  de  sa  nouvelle  brochure.  M.  Salvandy 
va  publier,  à  l'usage  des  ministres,  un  ouvrage  inti- 
tulé :  L'Art  d'être  mis  à  la  porte,  et  de  s'en  faire  dix 
mille  francs  de  revenu. 


A  i;usA(.i;  nr.s  (.i.ns  si.I'.ikiix. 


iGO 


La  position  de  lllitli^ll^•  expulse'  \\i  devenir  désui - 
mais  liès-avarilagense  :  on  n'anibilionnera  |i|ms  les 
liaiilcs  fonctions  que  pour  se  faire  congédier  violenfi- 
inenl  ;  on  s'uttadiera  ù  se  rendre  impopulaire,  ù  ne 
premlre  aucunes  niestu'es  utiles,  à  suivre  une  poli- 
tique bien  contraire  aux  vœux  du  |)ay.  Nous  soupçon- 
nons niOuie  qu'on  couiuieucc  déjà. 

Si  réuK'ute  en  fureur  gronde  autour  des  ministres, 
ils  diront,  eu  se  frottant  les  mains  :  «  Ça  va  bien!  ça 
va  bien!  nous  pourrons  douiander  dix  mille  francs  de 
dumninges  intérêts  !  » 

La  foule  envahira  les  rues  et  brisera  les  vitres.  Les 
ministres,  menacés,  multiplieront  par  mille  les  indem- 
nités à  encaisser  :  chaque  pierre  lancée  leur  semblera 
une  roclie  aurifère  de  la  Californie. 

I.'holel  sera  dévasté  :  on  en  jetera  les  meubles  par  les 


fcnèlres.  Les  minières,  en  décampant ,  g' écrieront  : 
«De  mieux  eu  mieux!  notre  fortune  est  faite,  u  Ils 
seront  au  comble  de  la  joie,  si  dans  leur  fuite  ils  se 
cassent  quelques  membres. 

Car  c'est  toujours  le  peuple  qui  paye  les  pois  cassés. 

N.  B.  —  Nous  ne  coimaissons  de  comparable  à  la 
réclamation  de  M.  le  comte  Tanneguy-Ducbàlel,  pos- 
sesseur du  clos  de  Cliàteau-Laflitte,  que  la  réclamation 
du  roi  l.ouis-l'liih|)|)e,  possesseur  à  cette  époque  du 
trône  de  France,  demandant  00,000  francs  d'indemnité 
pour  les  lapins  tués,  pendant  la  révolution  de  juillet 
1850,  dans  la  forêt  de  Ratnbouillot. 

Il  y  a  pourtant  cette  différence,  que  M.  Uucliàtel  a 
perdu  à  la  révolution  de  l'evricr,  tandis  que  Sa  Ma- 
jesté l.ouis-l'hilijjpe  avait  gagné  quelque  chose  à  celle 
de  i8:)0. 


VIE    DE     L\    CALIFORNIE, 

D'après  un  daguerréotype  communiqué  au  Punch  d-j  Lo:dr< 


170 


REVUE  COMIQUE 


LE  CONSERVATOIRE.  —  PREMIER  CONCERT. 


Dimanche  s'est  donné  le  premier  concert  du  Con- 
servatoire. Dans  le  triste  temps  où  nous  sommes, 
quelle  fête  !  La  musique  a  ceci  de  particulier  et  d'ex- 
cellent, je  parle  de  la  vraie  musique,  et  de  celle  de 
Beethowen  principalement,  qu'elle  isole  celle  ou  celui 
qui  l'entend  non  pas  seulement  avec  ses  oreilles,  mais 
dans  son  âme,  comme  dit  Pétrarque,  qu'elle  l'isole, 
qu'elle  le  sépare  du  monde  entier,  qu'elle  l'arraclie  à 
tout  bruit  extérieur  —  la  musique  est  un  bruit  inté- 
rieur —  pour  le  laisser  seul  avec  lui-même,  pour  faire 
de  lui,  en  quelque  sorte,  un  mort  qui  écoute,  un  mort 
heureux.  C'est  à  la  fois  un  retour  sur  le  passé,  un  re- 
gard sur  l'avenir,  et  l'oubli  du  présent,  trois  biens  pré- 
cieux. On  jouait  la  symphonie  avec  chœurs  de  Beetho- 
wen. —  C'est  de  toutes  la  moins  connue  en  France.  La 
première  partie  est  un  peu  confuse,  mais  la  seconde, 
mais  la  troisième,  mais  l'admirable  commencement  de 
la  quatrième?  Cela  vous  rend  toutes  vos  douleurs,  tant 
c'est  poignant  et  profond;  et  cela  les  apaise  toutes,  les 
guérit  toutes,  tant  c'est  sublime  et  salutaire. 

«  Que  pensez-vous  de  M.  Barrot?  Son  discours  de 
l'autre  jour,  si  peu  gouvernemental,  si  inutilement 
blessant  pour  l'Assemblée,  ne  le  rend-il  pas  impossible 
désormais?»  —  Comment  dire,  sans  mourir  de  honte 
pour  lui,  qu'un  des  hommes  les  plus  intelligents  de  ce 
temps-ci,  mon  voisin,  m'adressa  cette  question,  mon 
Dieu,  fort  sensée,  j'en  conviens,  —  juste  au  moment 
où  commençait  ce  sublime  amiante.  .le  répondis,  il 
fallait  bien  répondre,  la  politesse  le  voulait,  par  un 
haussement  d'épaules.  Heureusement,  M.  Barrot  a  bon 
dos  ;  et  mon  voisin  mit  spirituellement  ma  réponse 
à  l'adresse  de  cet  infortuné  ministre!  Mon  cher  voisin, 
elle  était  bien  pour  vous. 

Le  général  Cavaignac  était  dans  une  loge,  dans  une 
simple  baignoire,  avec  M.  Marie.  —  Je  suis  bien  sûre 
qu'il  eût  fait  la  même  réponse  à  la  même  question.  — 
M.  Barrot,  —  eh  bien  !  oui  ;  c'est  un  ministre,  c'est 
un  président  du  conseil.  —  Mais  qu'est-ce  que  cela  est 
devant  Beethowen?  —  Du  bout  de  son  bâton  de  chef 
d'orchestre,  retombant  par  hasard  sur  n'importe  quelle 
grosse  caisse,  le  divin  maître  n'eût-il  pas  écrasé  les  plus 
sonores  paroles  de  cet  honnête  M.  Barrot  !  —  En  vé- 
rité, comment  penser  à  M.  Barrot  en  un  pareil  mo- 
ment '.  11  y  a  plus  de  sourds  qu'on  ne  croit,  mon  voi- 
sin! 

Brave  général,  son  bon  et  énergique  visage,  si  calme, 
si  impassible  dans  les  plus  difficiles  moments,  je  l'ai 
bien  vu,  cette  musique  l'avait  détendu,  reposé,  pa- 
cifié. Ceux  que  touche  le  beau  ne  perdent  pas  tout 
avec  le  pouvoir. 

La  loge  des  princes  était  vide.  Je  suis  une  républi- 
caine de  la  veille  (je  le  dis,  parce  que  eela  ne  me  vieil- 
lit guère)  ;  ce  vide  m'a  pourtant  attristée  ;  j'ai  pensé, 
non  aux  princes  qui  l'emplissaient  d'ordinaire,  et  en- 


core moins  aux  professeurs  et  aux  aides  de  camp  qui 
les  entouraient  naguère,  et  qui  se  gardent  bien  de  les 
entourer  aujourd'hui  où  ils  sont,  mais  à  ces  pauvres 
princesses  que  la  sévère  Marie-Amélie  cousait  à  ses  ju- 
pons, et  dont  le  Conservatoire  était  la  plus  délicate 
récréation. 

J'ai  su  bon  gré  au  président  de  la  République  de 
n'aimer  point  la  musique  et  de  n'avoir  mis  personne, 
pas  même  lui  à  cette  place,  dans  laquelle  je  voudrais 
qu'on  ne  mît  plus  rien  d'officiel  désormais. 

C'était  tout  plein  ;  et  quel  silence,  cependant!  Nous 
écoutions  tous  ensemble,  amis  et  ennemis,  d'une 
même,  d'une  seule  oreille  ;  quel  meilleur  moyen  pour 
être  ensemble  séparément.  Je  vous  dirais  bien  que 
M.  Marrast,  président  de  l'Assemblée  nationale,  était 
dans  une  loge  de  première  galerie.  —  Et  pourquoi 
non?  —  Je  ne  l'aimais  guère,  M.  Marrast,  il  y  a  un 
an  ;  je  l'aime  mieux  aujourd'hui.  —  On  l'a  tant  atta- 
qué. —  Et  puis  enfin,  ce  marquis,  ce  n'est,  après 
tout,  que  des  sottises  d'homme  d'esprit,  qu'il  a  pu 
faire.  —  Otez-lui  tout  ce  que  vous  voudrez  ;  mettez- 
lui  plus  de  paillettes  qu'il  n'en  saurait  porter,  il  res- 
tera toujours  de  lui,  1°  que  la  plupart  de  ceux  qui 
l'attaquent  ne  le  valent  pas  ;  2"  que  si  jamais  il  retombe 
sur  sa  plume,  il  saura  leur  répondre. 

M.  Duvergier  de  Hauranne  y  était  aussi.  —  Si  cela 
nous  valait  de  lui  une  brochure  de  moins;  si  cela  le 
corrigeait,  cette  belle  musique,  d'être  violent  comme 
s'il  était  fort! 

J'ai  aperçu  dans  un  coin,  adroite,  au  rez-de-chaus- 
sée, M.  Schœffer,  un  vrai  artiste;  peinture  et  musi- 
que, ces  deux  passions  s'enchaînent,  M.  Schœffer  est 
un  si  hardi  traducteur  ;  que  ne  traduit-il  une  sym- 
phonie de  Beethowen,  lui  qui  a  osé  essayer  de  traduire 
Mignon,  —  de  peindre  une  pensée  !  —  et  qui  y  s.erait 
parvenu,  si  la  tentative  n'eût  été  folle? 

Pour  parler  des  femmes,  je  nommerai  la  blonde 
madame  d'Haussonville,  connue  pour  avoir  été  peinte 
par  M.  Ingres,  et  l'éclatante  et  blanche  madame  Ca- 
lergi,  une  jolie  femme  sur  une  trop  grande  échelle. 
«  J'en  voudrais  une  réduction,  »  disait  un  de  ses  ad- 
mirateurs. Elle  était  tout  en  face  du  général  Cavai- 
gnac. Pour  ne  pas  donner  tort  aux  absentes,  j'ajoute- 
rai que  la  belle  madame  Delessert  et  sa  fille  charmante 
étaient  remplacées  dans  leur  loge  par  des  dames  de  la 
gendarmerie. 

Et  enfin,  pour  en  revenir  à  la  musique,  je  dis  que 
si  quelque  chose  pouvait  augmenter  mon  goût  pour  le 
paradis  et  mon  désir  d'y  avoir  une  place,  fût-ce  une 
place  de  baignoire,  c'est  la  certitude  où  l'on  paraît  être 
qu'il  s'y  donne  de  perpétuels  concerts,  et  que  ces  con- 
certs sont  exécutés  par  des  séraphins,  qui  surpassent 
les  artistes  même  du  Conservatoire. 

Marir    '". 


A  I/IISAGR  DES  GENS  SKIIIKI A, 


DT.rX    r  TOI' II.  S. 


LNF.    RIE    DE    PAHI3. 

—  Je  pars  pour  la  Californie. 

—  Et  moi  pour  l'icarie. 

—  Je  vais  chercher  de  l'or. 

—  L'or  est  une  chimère  ;  je  n'aspire  qu'au  hoii- 
lieur.  Cabet  m'a  donné  l'adresse  du  bonheur  ;  il  de- 
meure sous  les  ombrages  de  l'icarie. 

—  .Moi,  je  vais  pêcher  de  l'or  dans  le  Sacramento.  L'or 
est  une  chimère,  et  il  faut  toujours  caresser  quelque  chi- 
mère ;  sachons  en  remplir  plusieurs  sacs  :  j'en  emporte 
une  douzaine ,  et  je  reviendrai  chargé  comme  un  mulet. 

—  Vous  comprenez  que,  pour  moi,  je  méprise  com- 
plètement votre  or  ;  il  vous,  faudra  fouiller  la  terre  de 
Californie,  et  entrer  au  moins  jusqu'aux  genoux  dans 
le  fleuve  aurifère  du  Sacramento.  Il  est  clair  que  tous 
ces  efforts  doivent  paraître  bien  ridicules  à  un  homme 
qui  va  passer  le  reste  de  sa  vie  à  fumer  nonchalamment 
la  pipe  sous  les  arbres  du  Texas,  qui  sont  les  plus 
beaux  arbres  du  monde,  de  même  que  le  Texas  est  le 
plus  beau  pays  qui  existe.  Je  ne  vous  cache  point  que 
j'emporte  plusieurs  douzaines  de  pipes  avec  moi. 

—  Quand  je  serai  de  retour  avec  mes  sacs  pleins 
d'or,  rien  ne  me  sera  plus  facile  que  de  ne  rien  faire 
le  reste  de  mes  jours  ;  je  pourrai  même  fumer  autant 
de  pipes  que  vous,  si  cela  me  fait  plaisir.  Est-ce  que 
vous  prétendez,  par  hasard,  m'humilier  avec  vos  pipes? 

—  Et  vous,  avec  vos  sacs? 

—  Va-l'en  en  Icarie,  imbécile! 

—  Et  toi  en  Californie,  grigou  ! 

—  Fainéant  ! 

—  Fesse-Mathieu  ! 

—  Si  je  n'étais  pas  si  pressé,  je  te  corrigerais  gratis 
de  ta  paresse. 

—  Et  moi  je  te  couperais  les  oreilles,  quoique  ce 
soit  un  travail ,  et  que  le  travail  soit  contraire  au 
bonheur.  (Ils partent.) 


^jr':~3îc* 


11. 

UN    Dl'sERT    ENTRE    LA    CALIFOKMÈ  ET    LE    TEXAi. 

—  Tiens!  c'est  vous? 

—  Grands  dieux  !  quelle  rencontre  ! 

—  Comme  vous  voilà  fait  !  Je  vous  prenais  d'abord 
pour  un  singe. 

—  Et  moi,  pour  un  ours.  Si  vous  rencontrez  en 
route  des  Icariens  qui  me  poursuivent,  dites-leur  que 
vous  ne  m'avez  point  vu. 

—  Je  vous  fais,  pour  ma  part,  la  même  recomman- 
dation. Je  crains  d'être  poursuivi  par  un  traiteur  de 
la  Californie,  à  qui  je  dois  une  note  de  cinq  cent 
nulle  francf. 

—  Moi,  on  me  poursuit  pour  bien  moins  que  cela, 
pour  une  cuillerée  de  soupe  qu'on  m'accuse  d'avoir 
prise  de  plus  que  mes  frères  communistes,  dans  la  ga- 
melle commune  et  icarienne  ;  car  il  faut  vous  dire  que, 
depuis  mon  arrivée  en  Icarie,  nous  n'avons  fait,  mes 
frères  et  moi,  que  nous  battre  pour  des  questions  de 
gamelle.  Quand  la  gamelle  était  vide,  nous  nous  bat- 
tions parce  qu'il  n'y  avait  rien  dedans  ;  et  quand  elle 
était  pleine,  ce  qui  n'arrivait  guère,  nous  nous  bat- 
tions pour  ce  qu'elle  contenait,  si  bien  que  c'était 
notre  unique  occupation,  et  que  cet  exercice,  en  nous 
donnant  de  l'appétit,  augmentait  encore  notre  fureur. 
Enfin,  un  jour  qu'il  y  avait  on  ne  sait  quoi  au  fond  de 
la  gamelle,  il  parait  que  j'y  ai  plongé  la  cuillère  une  fois 
de  plus  qu'à  mon  tour,  de  sorte  que  toute  la  bande 
s'est  mise  en  hurlant  après  moi,  et  que  vous  me  voyez 
fuyant  dans  le  désert.  Mais  cela  doit  vous  toucher  bien 
peu,  vous  qui  avez  mangé  au  point  de  faire  une  note 
de  cinq  cent  mille  francs  cliez  le  traiteur. 

—  C'est-à-dire  que  je  n'ai  fait  que  mourir  de  faim. 
Imaginez-vous  qu'il  y  a  la  famine  en  Californie .  et 
qu'un  poulet  s'y  vend  quinze  mille  francs,  et  même  il 
n'y  a  plus  de  poulets;  on  en  est  à  manger  du  chien. 
J'ai  quatre  chiens  sur  ma  note,  à  dix  mille  francs  cha- 


172 

eun  ■  encore  m'a-t-il  fallu  les  faire  cuire  moi-même,  le 
traiteur  n'avant  pas  voulu  s'en  charger,  à  moins  de  dix 
mille  francsde  plus.  Les  mines  m'ont  rappor'.é  trois  cent 
mille  francs  d'or,  et  j'en  dois  près  d'un  million  :  les  Ca- 
liforniens ont  voulu  me  faire  mettre  à  Chcliy;  voila 
ma  position. 

—  Et  où  allez-vous  do  ce  i  as  ? 

_  En  Icarie.  J'ai  bon  poiL,net  :  je  m'emparerai  de 

la  çaraelle. 

—  Moi,  je  vais  en  Californie.  Vous  n'auriez  point 
par  hasard  quelques  restes  de  provisions  sur  vous  :  une 
tranche  de  chien,  la  moindre  des  choses? 

—  Depuis  quinze  jours,  je  vis  d'un  mulot  que  j'ai 
attrapé  dans  les  champs. 

Moi,  j'ai  mangé  des  sauterelles. 

—  Matin  !  vous  n'êtes  pas  à  plaindre. 

III 

L-N    QlAl    111'    HWIVR. 

—  Salut,  ô  ma  patrie  ! 

—  Belle  France,  je  te  revois  ! 
Tiens  !  c'est  encore  vous  ? 

—  Moi-même.   Mais  qu'avez-vous  fait  de  vos  deux 

oreilles  ? 

—Je  les  ai  laissées  en  Californie.  Il  n'y  avait  plus  rien 
à  manger  :  le  dernier  chien  avait  été  mis  à  la  bro- 


REVUE  COMIQUE 


chc  par  le  gouverneur,  M.  Mason  ;  alors,  me  trouvant 
sans  ressources  pour  quitter  le  pays,  j'ai  vendu  mes 
oreilles  iO.OOO  francs  à  un  Espagnol,  qui  aurait  fini 
par  me  les  couper  pour  rien  si  je  n'avais  pas  voulu  les 
lui  vendre.  11  les  a  trouvées  excellentes.  Mais  je  vois 
avec  plaisir  que  vous  avez  conservé  les  vôtres. 

—  Hélas  !  elles  n'ont  pas  tenu  à  grand'chose.  Quand 
j'arrivai  en  Icarie,  après  vous  avoir  rencontré  dans  le 
désert,  on  me  prit  d'abord  pour  le  père  Cabet,  et  je  fus 
rossé  avant  tonte  explication.  Ensuite,  comme  il  n'y 
avait  rien  à  manger,  nous  jouâmes  au  bouchon  à  qui 
fournirait  une  grillade  à  la  communauté.  Je  perdis,  et 
fus  contraint  de  me  laisser  couper  une  tranche  d'une 
partie  charnue  située  au  bas  du  rable,  et  que  je  n'ap- 
pellerai pas  autrement.  Je  suis  guéri,  à  la  venté,  et  il 
n'y  paraît  pas,  sauf  quand  je  suis  assis,  parce  qu'alors 
je  boîte  sur  mon  siège  du  côté  droit.  Mais,  puisque 
vous  avez  vendu  vos  oreilles  .iO,000  fr.,  vous  ne  refu- 
serez pas  de  me  prèler  une  pièce  de  iO  sous? 

—  Quarante  Californies  qui  vous  étouffent  !  Il  ne 
me  reste  pas  un  liard,  et  j'ai  obtenu  du  capitaine  qui 
m'a  transporté  en  France  !e  passage  gratuit,  à  condi- 
tion que  je  lui  cirerais  ses  bottes. 

—  .\lors,  je  vais  essayer  de  vendre  mes  sacs. 

—  De  quels  Sacs  parlez-vous  ? 

—  De  ceux  que  j'avais  pris  à  mon  départ  pour  les 
rapporter  pleins  d'or. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


—  On  assure  que  M.  Odilon  Barrot  aurait  dit  à  un 
représentant,  que  si  la  chambre  résistait,  elle  serait 
brisée  comme  verre. 

«  Qui  casse  les  verres  les  paye,  »  aurait  répondu  le  re- 
présentant. 

Ce  court  dialogue  est  une  preuve  de  plus  que  le 
président  de  la  République  avait  bien  raison  de  dire 
que  le  président  de  son  conseil  n'est  pasun  homme  pra- 
tique. 

—  L'opinion  publique  est  tout  en  France.  «  Cédez 
à  l'opinion  publique,  »  s'écrient,  en  s'adressant  à  l'As- 
.semblée  nationale,  messieurs  les  chefs  de  la  future  mo- 
narchie rouge,  qui,  par  parenthèse,  nous  mèneront, 
si  on  les  laisse  faire,  à  une  république,  laquelle  ne  sera 
rouge  que  sur  l'exemple  qu'ils  lui  auront  donné;  «  cé- 
dez à  l'opinion  publique:  vous  essayeriez  en  vain  de 
lutter  contre  elle!  »  Bravo!  messieurs;  vous  qui  l'in- 
voquez aujourd'hui,  vous  refusiez  de  la  saluer  hier,  et 
vous  essayerez  d'y  résister  demain  !  —  Prenez  garde 
qu'il  ne  vous  soit  répété  alors,  une  fois  encore,  qu'il 
est  trop  tard  ! 

—  Ce  qui  gêne  la  coalition,  c'est  qu'on  ne  peut  pas 
dire  des  coalises  ce  qu'on  dit  des  gueux,  qu'ils  s'aiment 


entre  eux.  —  Que  les  troupeaux  qui  suivent  ces  ber- 
gers sachent  bien  une  chose,  c'est  que  leurs  guides 
pourront  bien  s'entendre  pour  les  tondre,  mais  non 
après  les  avoir  tondus. 

—  La  sagesse  n'est  elle  donc  pas  toujours  une  vertu  ! 
Si  la  République  n'avait  pas  été  si  sage,  si  modérée, 
qui  penserait  aujourd'hui  à  l'attaquer? 

—  Il  y  a  des  gens  qui  ont  cent  mille  livres  de  rentes 
et  d'autres  qui  meurent  de  faim.  —  Toute  la  question 
est  là.  Tant  qu'on  n'aura  pas  résolu  cette  question,  on 
n'aura  rien  fait.  —  Or,  je  la  crois  fermement  insolu- 
ble, —  et  j'en  conclus  que  l'impossible  étant  devenu 
nécessaire,  c'est  à  Dieu  de  nous  tirer  d'affaire  et  non 
aux  hommes.  Henri  V,  Napoléon,  M.  Pioudhon,  el  si 
vous  voulez,  l'intéressant  M.  de  Cirardin  liii-nièine,  y 
perdront,  chacun  à  leur  tour,  leur  latin,  laleçon  leur 
fût-elle  faite  par  MM.  de  Broglie,Tliiers,  Giiizot,  Mole 
et  autres,  qui  n'inventeront  jamais  rien  de  plus  neuf 
que  le  passé. 

Savez-vous  pourquoi  il  faut  craindre  la  misère? 

c'est  parce  qu'un  homme  qui  n'a  pas  dîné  sera  tou- 
jours de  force  à  manger  dix  hommes  bien  repus. 


A   I/IISACK  DRS  r.KNS  SKUIKIIX. 


173 


—  DiU!  aiitonsiilKiri  de  |)iMirsiiili'S    a  clé  (li'miiiidr'u 

contre  ili's  rP[ii'i'si'iilaiils  cDiipalilcs  de s'iMim' lialliis 

cinliu'I. —  M.  I)ii|iiii,  aiuicii  prcu'iiiciii'  |,'('iu'ial,  a  es- 
saye avant  IHi"  de  tuer  le  duel  en  l'ranee  ;  le  diud  a 
résisté—  fort  lienronsenienl. 

Où  en  serions-nous  vraiment  si  l'injure  personnelle 
pouvait  se  produire  sans  danger  et  rester  impunie?  — 
(Ihateanbriand  disait  :  Si  l'on  vous  donne  nn  sonftiet, 
rendez-en  (piatre.  Celte  maxime  du  gentilhomme  bre- 
ton est  peu  eatlioliquc,  mais,  grAec  à  Dieu,  elle  esl 
encore  française  ! 

—  On  voit  toujours  passer  le  l)Out  de  l'oreille  : 
M.  Josse  était  orfèvre,  iM.  Hugo  est  auteui'dramatiqne. 
Dans  la  discussion  relative  ù  la  proposition  Ratean, 
nous  lisons  :  «  L'Assemblée  a  bien  fait  son  cnlroe,  il 
faut  maintenant  qu'elle  fasse  bien  sa  sortie  » 

Hélas!  monsieur  llngo,  il  ne  suffit  pas  d'enlrer,  ni 
même  de  sortir,  mais  de  bien  jouer  son  rôle  tant  qu'un 
est  en  scène  :  le  vôtre,  comment  Tavez-vous  compris? 

«Tous  tant  que  nous  sommes,  »  dites-vous,  «  nous 
nous  enivrons  bien  vite  de  nous-mêmes?  n  Qui  peut 
le  savoir  mieux  que  vous,  Olympio  !  Relisez  votre  pe- 
tit discours  revu  et  corrigé  par  vons  h.  l'usage  du  Con- 
stitutionnel ;  com[)tez-y  les  je.  Je  sais,  jk  ne  sais  pas, 
JK  fais,  JE  ne  fais  pas.  — Toujours  vous  !  «J'ai  la  con- 
fiance, ajoutez-vous  encore,  que  dans  toutes  mes  pa- 
roles vous  sentez  l'honnête  homme;  que  vous  voyez 
bien  que  c'est  une  conscience  qui  vous  parle.» 

Conscience  politique  de  M.  Hugo,  puisque  vous  exis- 
tez, puisque  vous  parlez,  dites-lui  donc  qu'il  a  un  en- 
nemi mortel,  et  que  cet  ennemi  c'est  lui-même  avec  son 
incroyable  personnalité. 


—  M.  Vivien  sera  déiiili'iricut  vice-priisidenl  de  la 
lîépnliliqiie.  Il  sera  |)résenlé  avec  M.M.  Roulay  (de  la 
Mc'inllicl  et  llaragiiay-irililliers  ,  dont  l'office,  tout  de 
di''vnM('jMeiil,  sans  doute,  sera  ainsi  de  servir  de  re- 
poussiiirs  [Miiir  assurer  l'électirin  de  M.  Vivien. 

1  A    inilK  IILHE  IlE   M.   Ori/.OT. 

ï'Mil  je  niniiilc  .1  hi,  f.int  le  iriunde  a  du  lire  la 
biiiclinre  de  .M.  (iiiizul,  dv  lu  D/hiiocrulii'  en  l''riince. 
La  première  page  écrite  depuis  février  par  cet  homme 
éniinent  ne  pouvait  manquer  d'evciter  nn  vif  intérêt, 
('e  livre  répond-il  à  ce  qu'on  devait  en  attendre  ?Oui, 
au  point  de  vue  de  l'art  ;  non,  au  point  de  vue  politique. 
L'œuvre  de  M.  Guizot  est  ce  qu'elle  devait  être,  ce 
qu'elle  pouvait  être,  calme,  élevée,  honorable,  —  mais 
inutile;  — c'est  une  négation;  c'est  —  un  exposé 
sans  conclusion  d'idées,  dont  le  défaut  n'est  pas  seule- 
ment d'être  connues,  mais  d'être  usées.  M.  Guizot 
l'eut  écrit  dans  les  mêmes  termes,  moins  la  préface, 
en  janvier  1S48.  SL  Guizot  n'a  rien  appris  :  son  livre 
ne  peut  donc  rien  nous  apprendre. 

Le  tort  de  M.  Guizot,  comme  le  tort  de  M.  Thiers, 
c'est  qu'à  un  mal  nouveau  ils  cherchent  des  remèdes 
connus.  —  Ce  n'est  pas  en  regardant  en  arrière,  mais 
en  avant,  qu'on  pourra  sauver  la  France.  Le.  passé  ne 
saurait  conjurer  un  mal  qu'il  a  produit.  La  rouille  de 
la  lance  d'Achille  a  seule  eu  le  don  de  guérir  les  bles- 
sures qu'elle  faisait.  —  A[.  Guizot,  M.  Thiers,  ne  sont 
pas  des  Achilles  ;  leur  plume,  aujourd'hui  fatiguée,  ne 
guérira  pas  ce  ([ue,  dans  ses  jours  de  sève  et  de  vi- 
gueur, elle  n'a  su  ni  prévenir  ni  empêcher. 


Le  premier  raout  chez  lesuî.'se  de  ru^  tel  de  la  pré-idence. 


Leciloyen  Berger,  qui  porte  un  nom  champêlro, 

Esl-il  de  l'Arcadieun  tranquille  pasteur, 

Que  dans  les  prés  fleuris  il  faut  envoyer  pailre? 

Non  :  le  hasard  en  lit  un  administrateur. 

Admis  à  l'Elysée,  ainsi  qu'aux  Tuilerie?, 

Avec  tous  les  pouvoirs  il  a  su  s'arranger. 

Si,  dans  ses  grands  repas,  on  veut  des  sucreries, 

Elles  ne  viendront  pas  du  fidèle  Bercer. 


Denise  pu  Fàëritzils. 


Gravé  p»r  Lebunc. 


I,    nnillEVARD    l)KS  ITAI.IKN9. 


30  <*cii<iiii<'N   la  livraison. 


niT  mrnFurt  , 


'!if!!lf!!|!f!lii'ffi*|iiif!ii'' 


i:^uiiiiiiiiiiiiilil]l'uiji| 


TSUnrs 


didons  de  la  Sonscrlptioii.  —  La  RsvuK  comique  formera  im  magnil'ujue  volume,  grand  ia-8,  publié  en  30  liTraisons  à  30  centime?, 
•  la  poste,  40  ceiilimes.  —  Pour  tout  ce  (jui  concerne  la  rédaction,  écrire  (franco)  à  M.  Likbdx,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  dej 
liens. 

DiTMnvsaAT.  xDiTSim,  ss,  au«  RicHxx.ixir.  jo»  Livraison. 


AVIS 

AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  lA  REVUE  COMIQUE. 


Pour  ropoiulrc  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  (jui  Irouvaieut 
laolieux  i\ue,  pour  ne  pas  déooni|)léter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brodier  ou  relier  les  couvertures  (jui  se  reproduisent  d'une  (;içou 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures..  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  deinière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  cbaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détacbé  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  l.A  DOUZIÈME  LIVRAISON. 


La  Semaine.  —  Le  duc  de  Bordeaux  et  sa  familleà  Fiauensdorrf,  près  Vienne;  détails  curieux  et  aullienliques  recueillis  sur 
place.  —  Une  restauration  en  peinture.  —  Réapparition  du  père  Bugeaud  à  la  tribune.  —  M.  Lliermiuier.  —  Les  Répuljli- 
coptiûbes.  —  Les  Journaux  qui  ne  paraissent  pas. —  Choses  quelconques  —  Le  Journal^  des  Débats.  —  Au  Bal  de  l'Opéra. 
—  Le  retour  de  M.  Guizot  (chanson). 


DtssiiMleiir,.  Graten.s. 
nndeefTetsdelapropssitioncleU.  Antoine.. ..     Fabritzius.  Baillant. 

I.»  Californie  en  Cliine , , .    Fabrltzius.  Baulant. 

Périrait  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Bordeaux.     Nadard.       Bauland. 

Quatre  ans  de  6ou<ay .' .' ,, Berlall.        Midderijjh. 

Festin  de  M.  de  Falloux Nadard.        Baulant. 


I>ci>ii.al«ii 

Le  fauteuil  du  Président Berlall. 

Les  Votes  du  10  DêcemUro Erniaon. 

Quelque  Énergie Otol. 

Le  Pûtlefeuile Bertall. 

Boulay  de  U  Meuithe Fabritziu 


Baulanl. 
Nuddingh. 
.  Leblanc. 


POUR   PARAITRE   DANS  LES  PROCHAINES   LIVRAISONS   : 

AVENTURES  ET  MÈSAVLNTUlîES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tentalions  —  travestissements 
liypocrysies  —  passe- passe —  peifidies  —  grande  culbute  de 

MOSIEU  RÉAG 

SI  ItE    I)E    CAIilCAIL'IlES    PAU    .>ADAniJ. 


.init|ll.'l  lie  LlcOàSPR    lil-  el    Comp., 


rue  Datnielle,  î. 


LA  SEMAINE. 


Amis  ut  ennemis,  républicains  de  toutes  les  cou- 
leurs et  royalistes  de  toutes  les  Inanches,  semblent 
faire  assaut  de  scepticisme  et  s'entendre  pour  donnera 
croire  qu'il  n'y  a  rien  de  sérieux  dans  notre  état  so- 
cial, et  que  la  Constitution  elle-même  n'est  qu'im  jeu. 
Certes,  s'il  était  une  circonstance  qui  dût  tirer  le  pu- 
blic de  sa  torpeur,  c'était  la  nomination  du  vice-pré- 
sident de  la  Hépublique.  Mais  il  semble  que  chacun 
ait  usé  ses  forces  et  ses  espérances  dans  la  lutte  qui  r. 
fini  par  rélection  du  10  décembre;  et  la  liste  des  can- 
didats, accueillie  daus  l'Assemblée  par  des  éclats  de 
rire  peu  constitutionnels,  a  été  reçue  dans  le  public 
avec  une  profonde  indifférence.  Il  est  vrai  que  ces  can- 
didats avaient  été  choisis  de  façon  à  ce  que  l'attention 
publique  n'en  éprouvât  pas  d'evcilation  dangereuse; 
aussi  la  comédie  a-t-elle  fini  par  l'élection  de  M.  Bou- 
lay  (de  la  Meurthe).  On  s'est  beaucoup  évertué  pour 
deviner  la  raison  de  ce  choix  ;  il  est  cependant  très- 
simple,  et  n'a  surpris  que  les  gens  qui  ne  comprennent 
pas  la  République  du  10  décembre.  Un  homme  de  gé- 
nie, un  homme  illustre  par  ses  talents  et  ses  services, 
un  nom  aimé  et  connu  de  la  France,  aurait  gâté  la 
perfection  idéaledugouvernementquedirigo  M.  Barrot: 
pour  qu'il  gardât  son  caractère,  poui' qu'il  restât  homo- 
gène, l'Assemblée  a  fait  au  président  la  galanterie  de 
lui  donner  son  ami.  Et  voilà,  dirait  Odry,  comme  la 
France  se  trouve  condamnée  à  quatre  ans  de  Boulay! 

—  La  campagne  des  royalistes  contre  l'Asseinblée 
continue  avec  renfort  de  calomnies  et  d'injures  ;  ils 
ont  enrégimenté  jusqu'aux  vaudevillistes  et  aux  cou- 
pletiers ,  gens  de  conscience  et  de  bon  goût,  qui 
ont   mis  sur  leurs   tréteaux  les  représentants  de  la 


France  en  les  couvrant  d'ordures  toutes  girardines. 

Malgré  cela,  les  membres  de  la  nouvelle  sainte- 
alliance  ont  de  la  peine  à  s'entendre  :  ils  se  connaissent 
■de  longue  main  ;  ils  se  détestent;  ils  se  sont  mutuelle- 
ment conspués  et  trahis  si  souvent,  que  les  uns  et  les 
autres  veulent  des  sûretés  et  demandent  que  les  condi- 
tions soient  nettement  établies. 

Cependant  l'Égérie  de  la  présidcMice,  M.  Thiers,  se 
fait  dévot;  il  serre  la  main  à  M.  Uaurenlie,  l'apologiste 
de  la  Saint -Barthélémy,  devenu  son  collègue  par  la 
grâce  de  la  révolution  de  février;  il  veut  que  l'instruc- 
tion primaire  soit  donnée  aux  curés  :  il  fera,  dit-il,  en 
tirant  son  sabre  napoléonien,  dix  révolutions  jusqu'à  ce 
que  l'Université  soit  rendue  aux  jésuites.  Vainement 
on  lui  objecte  ses  articles  voltairiens  du  Constitutionnel, 
ses  discours  peu  orthodoxes  de  ministre,  son  dernier 
rapport  sur  l'instruction  secondaire  ;  il  hausse  les 
épaules  :  est-ce  que  les  hommes  d'Etat  de  l'école  de 
Talleyrand  n'ont  pas  été  inventés  pour  combattre  le 
lendemain  ce  qu'ils  avaient  défendu  la  veille? 

M.  Guizot  fait  chorus  avec  son  ancien  ami.  Son  livre 
demande  nettement  que  la  réaction  recherche  le  con- 
cours du  clergé,  qu'elle  laisse  son  influence  se  déployer 
grandement,  puissamment,  qu'elle  ne  lui  marchande 
pas  son  prix.  Le  disciple  de  Genève,  plein  des  souvenirs 
de  sa  jeunesse,  des  beaux  jours  de  l'abbé  de  Montes- 
quieu, avec  un  désintéressement  parfait,  prêche  l'ac- 
cord le  plus  touchant  entre  tous  les  ennemis  de  la  Ré- 
publique contre  le  chaos  né  du  temps  et  du  développe- 
ment de  l'esprit  humain,  qu'on  appelle  la  démocratie. 
Le  livre  de  \a Démocratie,  hypocrite  manifeste  de  guerre 
civile,  restera  comme  la  condamnation  flagrante  de  ce 


176 


UEVUE  COMIQUE 


rhéleur  plein  de  rancune,  qui,  après  avoir  plongé  la 
France  dans  les  embarras  où  elle  se  trouve,  a  l'audace 
ou  la  naïveté  de  venir  lui  faire  la  leçon  ;  il  restera  comme 
le  témoignage  le  plus  complet  de  la  suftisance  et  de  l'in- 
suffisance de  ce  puritain  aussi  vide  que  pompeux  dont 
tous  les  actes  ont  été  en  désaccord  avecles  écrits,  et  qui 
couronne  aujourd'hui  sa  vie  par  la  plus  incroyable  de 
toutes  ses  contradictions  : 

Eli!  mon  ami,  lire-raoi  de  danger; 
Tu  feras  après  la  liaiangue. 

L'Académie  française  s'est  décidément  transformée  en 
hôtel  des  luvalidesde  l'aristocratie;  et  pour  entrer  dans 
son  sein  il  ne  faut  plus  ni  prose,  ni  vers,  ni  philosophie, 
ni  histoire;  mais  de  bons  titres  de  famille,  de  bons 
parchemins,  de  bons  quartiers  de  noblesse.  Ah!  le 
peuple  fait  une  République  démocratique  ;  il  abolit  les 
litres  nobiliaires;  il  crie  contre  les  ai^islos  :  nous  allons 
lui  montrer  que  nous  sommes  bien  les  successeurs  des 
immortels  qui  ont  refusé  de  s'encanailler  avec  Pascal, 
Molière,  Rojisscan  et  tant  d'autres  anarchistes. 

Vils  roturiers. 
Respectez  les  quartiers 
De  la  marquise  ne  Prelintaille  ! 

Après  donc  M.  le  duc  Je  Noaiiies,  diymis  intrare 


pour  avoir  copié  les  Mémoires  de  la  Beaumelle  sur  ma- 
dame de  Maintenon,  voici  venir  M.  le  comte  de  Saint- 
Priest,  qui  a  fait,  prétendent  lesérudits,  quelque  chose 
sur,  contre  ou  pour  les  jésuites.  Après  ces  deux  actes 
de  courage,  disent  les  quarante,  si  la  république  dé- 
mocratique et  la  république  des  lettres  ne  sont  pas  sa- 
tisfaites, un  de  nous,  nouveau  Curlius,  crèvera  pour 
laisser  un  fauteuil  vide,  et  nous  y  placerons  un  prince, 
oui,  un  prince,  et  dont  le  bagage  littéraire  vaut  cer- 
tainement les  œuvres  de  MM.  de  Noaiiies  et  de  Saint- 
Priest.  D'ailleursl'oncleétaitderAcadémiedes Sciences, 
pourquoi  le  neveu  ne  serait-il  pas  de  l'Académie  fran- 
çaise? 

On  assure  que  depuis  l'élection  de  MM.  de  Noaiiies 
et  de  Saint-Priest,  l'aulenr  de  Monte-Cristo  songe  sé- 
rieusement à  être  de  l'Académie,  et  s'en  croit  très-digne. 
A  cet  effet,  il  rassemble,  dit-on,  non  les  cent  cinc|uanle 
romans  ou  drames  que  sa  prodigieuse  imagination  a  en- 
fantés, mais  les  titres  de  son  marquisat  de  la  Paille- 
terie;  on  assure  qu'il  en  a  trouvé  J'aulhentiques  dans 
rile  de  Baraturia. 

En  vérité,  qui  aurait  pu  croire  que  l'Académie  fran- 
çaise, après  la  révolution  de  février,  en  pleine  répu- 
blique, justifiât  de  gaieté  de  cœur  le  décret  de  la  Con- 
vention qui  supprimait  les  Académies  comme  étant  des 
institulions  démocraliques,  qui  n'ont  jamais  servi  au 
déveluppement  de  l'esprit  humain? 


A  force  de  creuser,  la  Californi 
faire  une  visite  en  Cliii 


A  I/USAClù  DKS  GKNS  SKIUKIJX. 


177 


Nous  avons  eu  cette  semaine  un  ballet  nouveau  ù 
l'OpiTa,  liiillot  compliqiiû  de  concert,  dans  lequel 
M.  Saint  I.iiiri,  le  niaii  de  mademoiselle  Ccnilo,  joue 
du  violon  en  niailie  fort  habile  et  danse  d'une  fa- 
çon remarquable.  Si  j'étais  en  train  de  faire  des  ré- 
clames, je  dirais  :  C'est  Veshis  et  Paganini  réunis. 
Mon  appréciation  serait  peut-èlre  un  peu  exagérée, 
mais  cnlin  il  y  a  toujours  quelque  chose  d'étonnant  et 
qui  cotniuanilf  la  curiosité  à  voir  le  même  honmie 
briller  ainsi  dans  deux  arts  qui  exigent  de  longues 
études  et  une  vocation  spéciale.  Ou  assure  que  M.  Saint- 
Léon  est  peintre  ;  nous  sommes  forcés  de  convenir  éga- 
lement qu'il  est  poète,  puisqu'il  compose  des  ballets. 
Musicien,  danseur,  peintre,  poète,  que  lui  manque-t-il 
pour  représenter  dignement  l'ancien  dieu  des  arts,  le 
vieil  Apollo'? 

Le  Violon  du  Dialde  rentre  dans  la  calégoiie  des 
ballets  fantastiques;  Satan  y  joue  le  rôle  ])rincipal.  Il 
donne  à  un  artiste  pauvre  et  inconnu  un  violon  qui  le 
fait  aimer  d'une  grande  dame,  en  échange  de  son  âme, 
bien  entendu.  Heureusement,  quand  le  quart  d'heure 
de  Rabelais  arrive,  le  bon  génie  se  mêle  de  l'afTaire, 
et,  grâce  à  lui,  l'artiste  garde  son  âme  et  épouse  la 
grande  dame.  Pour  célébrer  cet  heureux  événement, 
on  danse  au  château  de  la  princesse  un  ballet  intitulé: 
les  Fleurs  animées,  épisode  gracieux  dont  l'idée  a  été 
puisée  dans  les  dessins  de  ce  pauvre  Grandville,  dont  la 
mort,  quelques  mois  avant  la  République,  a  laissé  un 
SI  grand  vide  dans  la  satire  au  crayon. 

Mademoiselle  Cerrito  no  joue  d'aucune  espèce  d'in- 
strument dans  ce  ballet.  Ses  jambes  lui  suffisent,  et 
elle  en  tire  de  merveilleux  effets.  Pizzicati  sur  la  pointe 
des  i)ieds,  staccati  de  pirouettes;  elle  se  joue  de  toutes 
les  diflicultés  de  son  art  difficile.  Applaudissements, 
trépignements,  rappels  redoublés,  rien  n'a  manqué  à 
son  triomphe,  que  la  présence  du  président  de  la  Ré- 
publique. 

11  paraît  que  M.  Louis-Napoléon  Bonaparte  tient  à 
donner  des  gages  aux  classiques,  et  à  ne  point  se 
brouiller  avec  le  grand  parti  de  la  tragédie.  Il  est  allé 
déjà  plusieurs  fois  au  Théâtre-Français,  et  nous  n'a- 
vons point  appris  qu'il  eût  honoré  l'Opéra  de  sa  pré- 
sence. La  salle  était  pourtant  fort  belle  à  la  premièie 
représentation  du  Violon  du  Diable,  et  il  faut  dire  que 
tout  le  monde  attendait  le  président;  la  claque  aussi 
semblait  s'attendre  à  quelque  chose,  cir  une  figure 
s'étant  montrée  dans  la  loge  présidentielle,  les  Romains 
ont  fait  mine  de  chauffer  son  entrée,  aux  grands  éclats 
de  rire  des  spectateurs.  Il  ne  s'agissait,  malheureuse- 
ment, que  du  cousin  du  président,  M.  Napoléon  Bo- 
naparte. Le  chef  de  claque  mériterait  d'être  destitué. 

Puisque  nous  en  sommes  sur  les  théâtres,  parlons 
de  la  grande  question  qui  occupe  en  ce  moment  les  di- 
recteurs. La  commission  des  théâtres  est  sur  le  point 
de  prendre  une  grave  décision.  L'industrie  dramatique 


doit-elle  ôlre  libre?  Voilà  l'affaire.  M.  Charles  Blanc, 
directeur  des  beaux-arts,  et  M.  l'idouard  .Monnais, 
commissaire  de  la  Républi(|ue  |Mès  Irs  théâtres  natio- 
naux, se  prononcent  pour  l'ariirniative.  Il  est  à  suppo- 
ser que  leur  avis  prévaudra. 

Le  Prop/iète  sera  positivement  joué  dans  les  pre- 
miers jours  d'avril.  Les  répétitions  se  succèdent  avec 
activité.  En  attendant,  et  comme  pour  faire  prendre 
patience  au  public,  l'éditeur  Grandus  donne  en-|)rirne 
aux  abonnés  de  sa  savante  et  spirituelle  Gazette  musi- 
cale, tout  un  recueil  do  mélodies  composées  parl'illustre 
auteur  de  liobevt-le- Diable. 

Le  Théâtre-Français  étudie  VAmitié  des  Femmes  et 
la  Dernière  Soubrette.  M.  Mazcres  et  M.  Alfred  de 
Musset  seront  représentés  presque  en  même  temps.  La 
vieille  et  la  jeune  comédie  se  donneront  ainsi  la  main. 
11  est  également  question  d'une  pièce  en  trois  actes,  in- 
titulée le  Pamphlet,  par  M.  Ernest  Legouvé. 

Les  Italiens  continuent  leurs  représentations  sous  la 
direction  de  Ronconi.  Ce  n'est  plus  la  même  troupe, 
disent  quelques  amateurs  d'un  ton  chagrin. 

—  On  ne  s'en  aperçoit  guères  en  entendant  Cene- 
rentola. 

—  Ce  n'est  pas  non  plus  le  même  public. 

—  C'est  toujours  du  moins  un  public  satisfait  et  en- 
thousiaste. Regardez-le  applaudir  quand  mademoiselle 
Alboni  a  chanté. 

Les  déjeuners  reviennent  de  mode  comme  sous 
l'Empire.  Le  vice-président  de  la  République  a  réuni 
dimanche  matin  une  cinquantaine  de  ses  amis  et  leur  a 
servi  des  truffes.  Il  n'y  avait  qu'un  seul  ministre  à  ce 
déjeuner. 

Il  j)araif  que  la  truffe,  aux  yeux  des  gouvernants,  a 
conservé  toute  sa  valeur  politique.  On  donne  à  dîner 
quelquefois.  Mais  les  femmes  se  plaignent  en  général 
que  les  ministres  et  les  grands  fonctionnaires  donnent 
peu  à  danser.  Le  président  de  la  République  devrait 
donner  l'exemple.  Il  attend  sans  doute  l'arrivée  de  la 
grande  duchesse  Stéphanie,  son  Égérie  badoise. 

M.  Berger  soutient  en  attendant  tout  seul  le  poids  de 
la  chorégraphie  administrative.  On  annonce  un  nou- 
veau bal  lundi  prochain  à  l'Hôtel  de  Ville. 

Parlons,  en  finissant,  d'un  scandale  auquel  nous  nous 
associons  de  tout  notre  cœur;  nous  voulons  parler  de 
l'impossibilité  où,  par  suite  de  l'attitude  des  étudiants, 
M.  Lherminier  s'est  trouvé  d'ouvrir  son  cours  au  col- 
lège de  France. 

Ce  n'est  point  la  liberté  de  la  chaire  qu'on  attaque 
dans  M.  Lherminier  ,  c'est  le  cynisme  des  apostasies. 
C'est  le  démagogue  passé  du  jour  au  lendemain  dans  le 
camp  de  l'absolutisme, c'est  le  professeur  faisant  acheter 
son  silence  au  prix  d'une  place  au  conseil  d'État,  c'est 
l'immoralité  politique,  que  la  jeunesse  ne  veut  pas 
écouter.  Les  consciences  se  révoltent,  tant  mieux  !  nous 
serons  toujours  mêlés  à  ces  émeutes-là. 


478 


REVUE  COMIQUE 


LE  DUC  DE  BORHEAl  X  ET  SA  lAMII.LE 

A    FHU  ENr^nnUlK,   PRÈS   VIENNE. 
IK1A1L5    ClRIEllX    ET    AlTHKNTIQl  ES    BËtUEILlIS    SMl    PLACE. 


Nous  croyons  qu'au  luoimnit  où  les  espérances  du 
parti  iégitiniiste  semblent  renaître,  on  lira  avec  intérêt 
les  curieux  détails  que  contient  la  note  suivante,  qui 
nous  est  comnniniquce  par  une  personne  que  nous  sa- 
vons bien  informée. 

Ces  détails,  recueillis  sur  place  par  Tauteur  même  de 
cette  note,  portent  avec  eux  un  caractère  de  vérité  qui  leur 
donne  une  valeur  réelle.  C'est  poiu-  ne  point  leur  ôter 
ce  caractère,  que  nous  laissons  à  cette  note,  qui  n'avait 
point  été  destinée  à  la  publicité,  ses  redites  et  ses  in- 
corrections, en  nous  contentant  d'eu  retrancher  quel- 
ques passages  tro])  intimes.  Que  les  gens  de  bonne  foi 
qui  pensent  qu'une  nouvelle  révolution  nieltrait  un 
terme  à  nos  maux  se  demandent  si  ce  remède  souve- 
rain peut  nous  venir  de  l'homme  et  des  gens  que  nous 
montre  ce  qui  suit. 

L'auteur  de  celte  note,  étranger  à  la  France,  tou- 
riste et  non  homme  politique,  est  d'ailleurs  dans  des 
conditions  complètes  d'imparlialité. 


NOTE  CONFIDENTIELLE. 

<c  Le  duc  de  Bordeaux  habite  le  château  de  Fronshorff,  à 
deux  lieux  de  Vienne-Neustadt,  6  raille  allemands  de  Vienne. 
—  Ce  château  est  situé  dans  un  pays  boisé  et  accidenté,  et  le 
prince  s'y  livre  aux  plaisirs  de  la  chasse  qui  abonde  dans  la 
contrée. 

Le  duc  de  Bordeaux,  à  28  ans,  étant  né  le  2!1  novembre 
4820.  — Il  boîte  légèrement  par  suite  de  l'accident  qu'il  a 
éprouvé  à  Kirchleng.  —  Sa  taille  5  pieds  1  pouce.  —  Figure 
bourbonienne,  gros  et  ventiu.  —  Petites  moustaches  blondes, 
barbe  légère.  —  Teint  coloré. 

«  Le  prince  est  traité  de  majesté  par  les  gens  qui  l'entourent. 
Chaque  matin  il  entend  la  messe  dans  la  chapelle  du  château. 

Le  service   divin  est   dit  par  l'abbé  Trabnquel.    Après  la 

messe,  (quand  il  fait  beau)  il  oliasse  jusqu'à  midi  heure  du 
déjeuner,  après  lequel  on  lui  apporte  les  journaux  français  et 
les  lettres  de  Paris.  —  Celte  lecture  faile  en  comité  le  conduit 
jusqu'au  dîner.  Le  soir  on  joue  le  whist  dans  les  apparte- 
ments. 

ÉnUCATION. 

«  Le  duc  de  Bordeaux  a  été  confié  dans  sa  première  en- 
fance et  au  sortir  des  mains  des  femmes,  à  M.  de  B.irante;  ce 
dernier  a  suivi  son  éducation  jus(|u'eH  1850.  —  Il  fut  alors 
confié  à  M.  de  Blaras,  puis  à  M.  de  Lcvi,  vieux  gentilhomme 
encroûté  et  iuilm  de  préjugés... 

o  ....  Mais  M.  l'abbé  Trebwiuet,  vendéen  et  comjiromis  dans 
les  affaires  de  1832,  créature  de  la  ihirhesse  de  Derry,  fut 
placé  près  du  prince  pour  diriger  sa  conscience  et  son  éduca- 
tion. —  PHTsiONOMiE  DE  CE  PRÊTRE.  —  Jésuite  renforcé,  ayant 


iuculqué  à  son  élève  toutes  ses  antlilpalbies  contre  les  idées 
nouvelles.  —  En  somme,  le  prince  a  reçu  une  direction  poli- 
tique, morale  cl  religieuse,  qui  serait  mieux  en  harmonie  avec 
les  cloîtres  du  15'  siècle  qu'avec  les  principes  de  la  société  mo- 
,lpi.|,o.  —  Tout,  du  reste,  dans  la  petite  cour  de  Fionshor/f, 
prirlc  l'empreinte  des  usages  du  passé.  —  Malgré  la  médiocrité 
de  la  siUiation,  on  y  voit  revivre  dans  ses  plus  ridicules  détails 
l'étiipictle  minulicuse  de  la  cour  de  Charles  dix.  » 

RELATIONS    DE    FAMILLE. 

«  La  duchesse  de  Berry,  devenue  énorme,  ayant  4  enfantsdu 
comté  de  Lucbczv.  —  Elle  vil  aU  château  de  Brunvie,  à  (> 
lieux  de  Gralz.  —  Les  relations  du  prince  avec  sa  mère  sont 
purement  poliliques.  —  Il  ne  peut  lui  pardoruicr  le  frère 
qu'elle  lui  a  donné  en  Vendée... 

«  ....  La  duchesse  â'Anf/onléine,  éniiucniment  religieuse, 
entretient  cette  animosité.  —  La  femme  du  prince  â  2  ans  de 
plus  que  lui  (50  ans).  Grande,  tnaigre,  laide,  —  ligure  dure, 
annouç.int  un  caractère  ac.iriatre,  et,  d'après  ce  que  j'ai  pu 
voir,  dominant  son  mari.  —  Assez  instruite,  du  reste,  et  de 
hautes  manières.  —  Dans  cette  cour  en  minialure,  la  cama- 
rilla  se  groupe  autour  d'elle  cl  non  autour  du  dite,  donl  on 
apprécie  la  profonde  nullité.» 

FORTUNE    Dr    PRINCE. 

.  oflO  mille  francs  de  renies  léguées  par  ChùHes  dix;  à  la 
mort  de  la  duchesse  d'Angoulème,  sa  tante,  il  hérilero  de  500 
mille  francs  de  rente  de  plus.  » 

ENTOURAGE. 

<(  Le  duc  de  Levi,  viellard,  400,000  livres  de  rentes,  pré- 
fère l'exil  et  une  sorte  de  domesticité  de  cour  à  l'indépen- 
dance dans  sa  pairie ,  pour  dominer,  surveiller,  entourer  ce 
prince  sans  valeur  morale  ni  intellectuelle,  espèce  de  Charles 
quatre  d'Espagne,  M.  de  Levi  a  accepté  celte  situation.  —  -Sa 
femme,  dit-on,  a  donné  au  prince  ses  premières  leçons.  Per- 
sonne n'est  admis  près  du  duc  sans  s'être  adressé  à  M.  de  Levi. 
«  M.  de  Montbel,  ancien  ministre  de  Charles  dix^  signataire 
des  ordonnances,  homme  d'esprit;  il  avait  eu  l'inlcntion  de 
diri'nr  l'éducation  du  prince  dans  des  voies  plus  libérales, 
mais,  homme  faible  sans  fortune,  n'ayant  aucun  ascendant,  il 
a  dû  faire  le  sacrifice  de  sa  manière  de  voir  aux  exsigeances 
de  M.  de  Levi.  —  Il  vient  de  se  marier  en  5""=  noces  il  y  a 
deux  ans.  Il  a  une  nombreuse  famille. 

«  M.  de  Nicolaï,  gendre  de  M.  de  Levi ,  M.  de  Blacas  et  sa 
femme,  M.  de  Menti,  M.  d'Oguerly,  rCprésenlénl  à  la  petite 
cour  de  FrolishorlV  le  parti  des  exagérés  qui  voulaient,  avec  la 
duchesse  de  Berri,  une  restauralion  à  main  armée.  —  Le  duc 
de  Lcvi,  par  une  manie  singulière  de  dominer  son  élève,  mo- 
dère ses  impatiences  et  le  retient  toiijiurs  en  tiitolle.  — t'oMc 
Trebuquet,  déjà  cité,  personnage  dangereix,  l'âme  damnée  de 
la  duchesse  d'Angoulème,  exerçant  un  empire  absolu  sur  le 
prince.  —  Le  duc  de  Bordeaux  est  glouton  comme  était  son 
père...  —  Le  personnel  du  château,  23  domestiques. 

(c  La  petite  cour  de  Fronshaff,  qui  .nail  perdu  tout  espoir 
naguère,  renaît  sous  l'influence  des  ciiconslances,  et  se  dis- 
tribue déjà  en  espérance  les  ministères  et  les  places  de  ta  fu- 
ture restauration.  » 


A  L'USA(;i;  i>i;s  (;i;.ns  skuikux. 


no 


Les  légitimistes  ont  de  tout  temps  pratiqué  la  politique  sentimentale, 
faute  d'autre;  ils  ont  toujours  la  larme  à  l'œil  et  des  anniversaires  tou- 
chants ou  lugubres  à  célébrer  :  c'est  le  parti  par  excellence  des  couplets 
de  noce,  baptêmes  et  enterrements. 

Tantôt  c'est  un  prince  qui  naît  et  tantôt  une  princesse  qui  se  marie; 
les  douairières  du  faubourg  Saint-Germain  brodent  de  leurs  mains  le 
voile  nuptial  et  le  trempent  de  larmes;  il  est  déjà  question  de  la  layette  : 
tiempons-la  aussi  de  larmes  fidèles;  puis  revient  l'anniversaire  de  la 
naissance  et  du  mariage  :  on   pleure  de  nouveau ,  et 
avant  que  les  mouchoirs  soient  rentrés  dans  la  poche, 
il  faut  encore  payer  un  humide  tribut  à  un  anniversaire 
de  mort  :  —  Fils  de  saint  Louis,  montez  au  ciel!  On 
célèbre  encore  dans  quelques  hôtels  bien  pensants  l'an- 
niversaire du  mariage  d'Henri  IV. 

Ce  parti  de  nourrices  larmoyantes  a  eu  enfin  le  bon- 
heur de  voir  une  Restauration  en  effigie  :  le  comte  de 
Chambord  est  rentre  dans  sa  bonne  ville  de  Paris,  avec 
la  comtesse  sa  femme,  roulés  tous  les  deux  dans  une 


Dessiné  par  Nadard. 


Gravé  par  Bavlant. 


180 


REVUE  COMIQUE. 


toile  de  quatre  pieds  carrés.  Les  originaux  sont  restés, 
il  est  vrai,  à  Corilz  ou  à  Vienne,  mais  les  porlrails  ont 
franclii  la  frontière;  ils  sont  en  France,  à  Paris;  on 
leur  a  trouvé  un  Louvre  dans  l'atelier  d'un  peintre 
quelconque.  Ah  !  c'est  là  jouer  un  bon  tour  à  la  Ré- 
publique ! 

Kntrez,  nobles  seigneurs  et  no])les  dames!  le  voilà, 
c'est  bien  lui,  l'enfant  du  miracle,  un  peu  grassouillet, 
il  est  vrai,  la  lèvre  autrichienne,  c'est-à-dire  pendante, 
l'œil  éteint  et  digne  de  la  lèvre,  le  nez  classique  de  sa 
race,  un  nez  comme  on  n'en  a  vu  qu'à  Louis  XVI II  et 
àPohcliiuelle.  Quant  à  madame  de  Chamburd,  taisons- 
nous;  elle  est  brune,  dit-on;  mais  qu'importe?  Nous 
ne  vous  connaissons  point,  belle  étrangère;  et  vrai- 
ment, si  c'était  une  raison  pour  être  reine  que  d'être 
femme  et  brune,  où  en  serions-nous?  Il  y  a,  rien 
qu'en  Italie,  six  millions  de  brunes  au  moins. 

Entrez  donc!  on  fait  queue  à  l'atelier,  depuis  dix 
heures  du  matin  jusqu'à  quatre  heures  du  soir.  C'est 
un  Louvre  un  peu  triste  qu'un  atelier  au  quatrième 
étage  ;  mais  on  a  les  Louvres  que  l'on  peut,  dans  ce 
temps  de  République.  Espérons  mieux  pour  l'avenir  ; 
à  force  d'attendrissement,  de  larmes  et  d'anniversaires, 
il  faudra  bien,  à  moins  que  le  diable  s'en  mêle,  qu'une 
bonne  Restauration  en  chair  et  en  os  succède  à  cette 
Restauration  en  peinture.  Déjà  des  confréries  s'orga- 
nisent en  l'honneur  du  trône  et  de  l'autel  ;  un  mor- 
ceau de  la  vraie  culotte  de  M.  de  Genoude  court  la  pro- 
vince, et  recueille  partout  les  hommages  des  fidèles. 
On  dit  même  que  cette  relique  fait  des  miracles  ;  es- 
pérons tout  de  la  confrérie  religieuse  et  politique  de  la 
vraie  culotte. 

En  attendant,  le  roi  et  la  reine  légitimes  trônent  sur 
un  chevalet,  en  faced'un  poëleoùbrùle  un  feu  de  charbon 
de  terre,  et  entourés  de  bustes,  de  torses,  de  pipes  tur- 
ques et  de  moulures.  Et  ce  qu'il  y  a  de  vraiment  beau, 
de  vraiment  grand,  c'est  que  cette  royauté  de  bric  à 


brac  a  nue  cour  et  des  grands  dignitaires.  Autour  du 
portrait  de  M.  de  Chambord  se  tiennent  debout  les 
écuyers,  les  grands-veneurs,  les  chambellans  et  même 
aussi,  dit-on,  un  aumônier.  Madame  de  Chambord  a, 
comme  il  convient,  ses  dames  d'honneur.  Tout  cela  lé- 
gitime, archi-légitime  et  d'un  chevaleresque  à  faire 
pâlir  Rayard. 

Mais  voici  le  délilé  qui  commence.  Vous  entendez  de 
l'atelier  les  sanglots  des  douairières  fidèles  qui  mon- 
tent l'escalier,  suivies  de  grands  laquais  portant  les  pe- 
tits chiens  sur  le  bras.  —  Par  ici,  madame,  par  ici  !  — 
Grand  Dieu!  le  voilà,  c'est  lui,  je  le  reconnais!  Ma- 
dame se  jette  à  genoux  devant  un  buste-charge  de  Mu- 
sard,  qu'elle  appelle  fils  de  saint  Louis  ,  enfant  du 
miracle,  Henri  IV -|-  I.. C'est  un  des  tours  de  force  du 
parti  d'avoir  trouvé  Henri  IV  -f-  1  pour  dire  Henri  V. 
Madame  ose  baiser  an  front  Musard  lils  de  saint  Louis; 
mais  un  des  chambellans  la  prend  par  la  main  et  la  pré- 
sente au  portrait.  0  vue,  ô  moment!  ô  bonheur!  C'en 
est  fait,  madame  de  Folle-Mèche  tombe  évanouie,  mais 
le  cas  est  prévu,  il  y  a  des  sels  dans  l'atelier. 

Puis  viennent  de  petits  vieillards  ratatinés  avec  des 
queues  en  salsifis. 

Mais  qu'est-ce  que  cela  peut  faire  à  laRépublique,  ces 
queues  en  salsilis,  ces  évanouissements  de  madame  de 
Folle-Mèche,  et  cette  légitimité  à  l'huile?  La  République 
se  moque  môme  du  morceau  delà  vraie  culotte  de  M.  de 
Genoude;  elle  tient  les  Tuileries,  elle  tient  le  Louvre, 
elle  peut  bien  laisser  s'établir  une  cour  de  garçon  dans 
un  atelier  au  quatrième.  Il  y  a  pourtant  des  gens  qui 
s'en  inquiètent;  c'est -comme  si  l'on  avait  peur  du 
culte  des  archéologues  pour  la  statue  de  Sésostris  du 
Musée  égyptien.  M.  de  Chambord  descend  en  droite 
ligne  d'Aménophis  IV -f-  I  qui  avait  succédé  à  Amé- 
nophis  IV.  Je  propose  à  la  République  de  fonder  à  la 
Ribliothèque  nationale  un  cours  d'archéologie  légi- 
timiste. 


Qualfe  ans  de  Boula;/!!!  (Bon  mot  dj  M.  U.ipMi.j 


A  l/USACK  DES  (lENS  SEIIIKUX. 


IKI 


Festin  donné  par  M.  de  Palloux  au  ministère  de  ITnstruction  publique. 


RÉAPPARITION  DU  PÈRE  BUGEAUD 

A   LA   TRIBU.NE    DE   l'aSSEMBLÉE   NATIONALE,    LE   24   JANVIER. 


—  C'est  moi,  me  voici  ;  reconnaissez-vous  le  vieux 
guerrier? 

J'étais  donc  là-bas,  à  Excideuil,  à  passer  la  revue 
(le  nos  bêtes  à  laine,  sauf  votre  respect,  quand  voilà 
Mail'  Pierre  qui  s'avance  :  —  Bonjour,  mon  empéreu, 
qu'y  m'dit.  —  Bonjour,  Maît'  Pierre,  que  je  lui  ré- 
ponds. Qu'y  a-t-il  pour  vot'  service?  —  Il  y  a,  mon 
empéreu,  que  je  n'étions  pas  content  de  r.\ssemblée 
nationale.  —  Ni  moi,  que  je  lui  dis.  —  Comme  ça  se 
rencontre  tout  d' même  !  Alors  faut  la  renvoyer.  — 
Tope-là,  Mait'  Pierre.  —  Justement  j'avions  là  un 
petit  morceau  de  papier  que  j'avons  fait  signer  par 
not'  femme  et  par  not'  petit  gardeus  de  dindons  et 
quequ's  amis;  sans  vous  commander,  une  pétition, 
quoi  !  —  Une  pétition  !  bien,  jarni  !  Je  me  chargeons 
de  la  remettre  moi-même. 


Celte  pétition,  la  voilà.  C'est  l'expression  fidèle  des 
vœnx  de  Mait'  Pierre. 

En  vous  rapportant  littéralement  ma  conversation 
avec  lui,  j'ai  voulu  vous  donner  une  idée  des  mœurs 
de  cet  homme  des  champs. 

Homme  des  champs  moi-même,  vétéran  de  la  lu- 
zerne et  du  colza,  j'étais  plus  que  tout  autre  en  état 
d'exprimer  à  celte  tribune  les  vœux  que  les  naïfs  habi- 
tants des  campagnes  ne  cessent  d'adresser  au  ciel  pour 
votre  dissolution.  Si  la  Chambre  voulait  bien  le  per- 
mettre, je  lirais  leur  pétition;  mais  il  faudrait  que 
cette  lecture  se  fit  au  son  de  la  musette  et  du  tam- 
bourin, sous  le  vieil  ormeau. 

Parmi  les  signataires,  outre  Mait'  Pierre  et  son  gar- 
deux  de  dindons,  il  se  trouve  quelques  Faunes  et  même 
des  Egypans  en  chapeaux  de  paille. 


182 


REVUE  COMIQUE 


Vous  me  rendrez  cette  justice,  que  j'apparais  ici  en 
véritable  Alcinoiis,  la  houlette  à  la  main,  et  seulement 
armé  de  nos  pipeaux  rusliques.  Stapendant,  si  l'As- 
semblée montrait  quelque  récalcitrance  à  satisfaire  au 
vœu  de  Maît'  Pierre  et  de  son  gardeux  de  dindons,  on 
retrouverait  tout  à  coup  en  moi  le  guerrier  célèbre, 
le  torrent,  l'ouragan,  la  trombe  de  feu.  [Applaudisse- 
ments à  droite.) 

Voilà  donc  le  père  Bugeaud  de  retour. 

On  Ta  trouvé  fort  peu  cbangé  depuis  février.  Il  nous 
est  seulement  revenu  avec  un  accent  périgourdin  en- 
core plus  prononcé  qu'autrefois,  ce  qui  tient  sans 
doute  à  ses  entretiens  journaliers  avec  maît'  Pierre. 
Outre  l'accent,  il  a  rapporté  du  Périgord  quelques  lo- 
cutions qu'on  ne  lui  connaissait  pas  jadis.  Ainsi,  sous 
la  monarchie,  il  disait  cependant  au  lieu  de  stapen- 
dant, mais  il  faut  liien  faire  des  concessions  à  la  Répu- 
blique. 

Heureuse  République!  Elle  a  eu  pourtant  le  bonheur 
de  compter  pendant  quelques  jours  M.  Bugeaud  au 
nombre  de  ses  meilleurs  amis.  On  se  souvient  encore  de 
sa  lettre  au  Gouvernement  provisoire,  lellrc  écrite  pro- 


bablement à  l'insu  de  maîf  Pierre  qui  ne  l'aurait  pas 
tolérée,  non  plus  que  son  petit  gardeur  de  dindons, 
élevés  tous  deux  dans  les  bons  principes  et  partisans  de 
M.  Thiers. 

Une  lidélité  de  quelques  mois  à  la  République,  c'est 
])eaucoup,  morgue  1  pour  un  homme  comme  le  père 
Bugeaud  qui  la  déteste;  mais  alors  il  n'était  pas  néces- 
saire qu'il  lui  offrît  son  bras,  son  cœur  et  sa  Durandal. 
Le  père  Bugeaud,  qui  n'a  pas  su  combattre  la  Répu- 
blique le  2.1  février,  trouve  plus  commode  de  venir  l'at- 
taquer aujourd'hui  à  la  tribune  avec  la  pétition  de 
niait'  Pierre,  et  l'appui  chaleureux  de  M.  Béchard  le 
légitimiste  qui  applaudit  sans  doute,  dans  la  personne 
de  M.  Bugeaud,  l'ancien  sage-homme  de  Blaye. 

Enfin,  p\iisque  le  voilà  revenu ,  puis?e-t-il  monter 
souvent  pour  y  donner  de  ces  représentations  bouffonnes 
auxquelles  il  nous  avait  habitués  sous  la  monarchie. 
Nous  verrons  reparaître  le  discours  en  équerre  et  les 
discussions  carrées  ;  car  si  le  père  Bugeaud  a  renié  son 
ancien  maître  le  lendemain  de  la  révolution,  et  s'il 
renie  aujourd'hui  la  République,  il  faut  espérer  du 
moins  qu'il  sera  resté  fidèle  au  groteKjue. 


J 


Ma  foi,  tant  pis!  ils  diront  ce  qu'ils  voudront,  je  vais  toujours  examiner  le  dossier  ..  de 
mon  fauteuil...  Ça  n'a  pas  l'air  bien  solide,  mais  ça  pourra  le  devenir. 


A  L'USAC.E  nr.S  r.KNS  SftUIKUX. 


185 


M.  i.iii;itMiMi:i!. 


M.  I.lii'riiiinu'i',  i|{ii  iiMiit  j'i'iKiMcr'  à  l'aiio  suti  ciiiiis 
sous  la  Miuiuiicliit',  u  l'ii  la  siiigdlic'ic  iilcc  do  tciilcr  (l(: 
lo  ii'|)ic'iiilrc  sous  la  lU'puliliqiio. 

M.  l.iuM'iiiinioi',  nous  le  (Usons  |iiiiii'  cimix  (|iii  l'au- 
niioiit  oulilii',  a  t'li5  un  Iribuii  di'  la  plus  daiigoii'use 
ospùoe.  —  Nous  l'avons  oiiUmuIu,  inlindii  de  nos  pi'o- 
pii's  oreilles,  cvaltei- Aliliaud  en  pleine  chaire  à  la  Soi'- 
lionne,  et  dire  à  des  enfants  (nous  étions  de  ces  en- 
fants), qu'il  comprenait  tout  ce  qu'avait  de  grand  un 
pareil  forfait.  —  l'n  gouvernement  fort,  ou  seulement 
lionnèlo,  eût  fermé  la  cliaire  de  M.  Mierrninier  ;  le 
gonvernemcnt  de   Louis-rliili(i|)e   crut    faire    mieux: 

—  il  aclieta  M.  I.lierniinicL'. 

ICst-ceà  dire  que  M.  I.liermuiier  conscnlit  à  se  taire? 

—  Non  ;  il  lit  |)lns  :  il  entreprit  de  se  donner  à  lui- 
même  le  plus  outrageant  do  tous  les  démentis,  et,  avec 
une  impudeur  que  la  Bébuls,  organe  principal  de  ses 
nouveaux  amis,  ne  purent  s"cm[)èclier  de  lléirir  ,  il 
prêchait  le  lendemain  le  contraire  do  ce  qu'il  a\ail  piê- 
clié  la  veille. 

La  jeunesse  des  écoles,  indignée,  fit  justice  de  cctle 
palinodie.  —  M.  Lherminier,  chassé  à  plnsieui's  repri- 
ses de  son  cours,  dut  subir  cette  tcirihie  leçon. 

Aujourd'hui,  M.  Lherminier,  fort  d'un  arrêt  de  l'As- 
semblée nationale,  qui  certes  ne  ^lensail  pas  à  lui  en 
rouvrant  les  chaires  du  collège  de  France,  M.  Lhermi- 
nier reparait,  M.  Barthélémy  Saint-llilaire  l'assiste 
dans  celle  douteuse  entreprise;  tons  deux  ccliouent; 


iM.  liiirtliclcmj  Saiiit-llilaiic  y  comproriud  son  patro- 
nage, la  jeunesse  des  écoles  lésiste,  comme  par  le 
passé,  et  qMel(|nes  journaux  s'écrient  :  «  Lsl-tc  ainsi 
ipi'on  entend  la  liberté  de  renseignement'.'  » 

(Jne  ne  demandent-ils  plutôt  à  M.  de  rallouv  m 
c'est  ainsi  qu'il  entend,  non  pas  la  liberté,  mais  l'Iioii- 
nenr  de  l'enseigneinenl,  riionnenr,  plus  précieux  en- 
core sans  doute  (pie  la  libeit(;'.' 

Que  i\L  Lherminier  ouvre  un  cours  à  se^  frais  cl 
non  à  ceux  de  l'IUat  ;  que  là,  dans  une  salle  où  il  par- 
lera en  son  nom,  rien  (ju'en  son  nom,  il  se  fasse  le  public 
(pii  lui  convient  et  auquel  il  [lent  convenir,  si  un  jiareil 
public  est  possible,  nous  le  voulons  bien.  Voilà  ce  que 
M.  Lherminier  est  libre  d'essayer,  si  bon  lui  semble. 

Mais  qu'un  gouvernement  ait  songé  à  forcer  une 
jeunesse  républicaine  ou  non,  une  jeunesse  loyale  et 
lionnèle  à  aller  entendre  des  préceptes  de  philosopiiie 
et  d'histoire  sorlifde  la  bouche  de  riiomme  qui  a  ef- 
frontément renié  dans  un  vil  intérêt  tout  son  passé  en 
un  instant,  voilà  ce  qui  n'est  pas  soutenable  ;  voilà  cequi 
est  absurde;  voilà  ce  qui  n'aurait  jamais  dû  être  essayé. 

Où  M.  Guizol  a  eu  la  pudeur  de  céder,  M.  de  Fal- 
loux  comprendra  que  son  devoir  est  de  ne  pas  insister; 
il  sentira  que  la  leçon  donnée  à  M.  Lherminier  cette 
semaine  est  de  colles  qu'un  gouvernement  honnête  peut 
tolérer,  et  que  cet  enseignement,  pour  tout  dire,  en 
vaut  un  autre,  si  ce  n'est  par  son  droit,  au  moins  par 
sa  moral  itp. 


LES    VOTES   DU   10   DÉCEMBRE.  « 

Prentz  garde,  ir.es  bons  messieurs,  si  la  corde  cassait! 


iSï 


REVUK  COMIQUK. 


LES  JOURNAUX  QUI  NE  PARAISSENT  PAS. 


Il  y  a,  comme  on  sait,  les  journaux  qui  paraissent 
peu,  les  journaux  qui  ne  paraissent  guère,  et  les  jour- 
naux qui  ne  paraissent  pas. 

Il  n'est  pas  aisé  de  comprendre  la  spéculation  de 
ces  derniers. 

Le  journal  qui  ne  parait  pas  n'existe  souvent  que 
par  un  titre  déposé  à  la  direction  de  la  lil)rairie  pour 
déconcerter  d'avance  les  contrefacteurs.  Il  en  est  de 
célèbres.  Le  Soleil,  par  exemple,  qui  n'a  jamais  lin 
pour  personne,  le  Pi-ogrcs,  VOpinion  et  tant  d'au- 
tres... On  en  connaît  qui  ont  changé  plusieurs  fois  de 
couleur  sans  avoir  jamais  paru. 

Et  parmi  les  petits  journaux,  qui  n'a  conservé  le 
souvenir  de  la  Casquette  de  Loutre?  C'était  même,  ou 
du  moins  cela  aurait  pu  être,  un  journal  quotidien 
orné  de  lithographies  à  l'instar  du  Charivari.  Cette 
feuille  fut  au  moment  de  paraître  à  l'époque  du  ma- 
riage de  la  reine  d'Angleterre.  Un  de  ses  rédacteurs 
avait  été  invité  aux  fêtes  et  cérémonies  de  la  cour.  Il 
ne  put  y  assister  faute  de  chapeau. 

Le  Pays  a  été  longtemps  au  nombre  des  journaux 
susdits.  Il  fut  tour  à  tour  libéral,  conservateur,  répu- 
blicain, bonapartiste,  selon  les  exigences  probables 
d'un  cautionnement  fugitif.  Il  vient  enfin  d'échapper 
aux  limbes  de  la  publicité.  Le  voilà  digne  de  figurer 
dans  le  catalogue  de  Deschiens,  ne  dût-il  durer  que 
cinq  jours,  comme  feu  le  Monde,  qui  ne  put  même  ac- 
complir la  durée  de  la  Genèse.  Son  créateur  s'élait  re- 
posé le  sixième  jour. 

Le  sort  de  la  Lanteiiie  fut  encore  j)lus  éphémère. 
Sa  lumière  fut,  mais  ne  brilla  qu'un  soir;  le  Lampion 
l'absorba  dans  sa  vive  clarté.  La  Lanterne  était  d'un 
autre  siècle.  Le  Lampion  lui-même  s'éteignit  aux  fa- 
tales journées  de  juin.  Mais  tout  cela  n'est  pas  encore 
le  journal  qui  ne  paraît  pas. 

Car  un  journal  qui  n'a  point  encore  paru  n'est  pas, 
à  proprement  parler,  un  journal. 

Celui  qui  n'a  paru  qu'une  fois  serait  même  à  peine 
digne  de  ce  titre  :  journal. 


A  ce  propos,  ne  poiirrait-ou  pas  citer  cet  illustre 
numéro  du  Conslitiilinnnel,  sosie  du  journal  de  ce  nom, 
(Hii  paiiit  un  matin  seulement,  il  y  a  une  quinzaine 
d'années.  La  rédaction  s'était  divisée;  il  y  avait  doute 
alors  sur  la  question  de  propriété.  Deux  Constilittion- 
?ie/«  pareils  d'aspect,  mais  différents  d'idées ,  se  pro- 
duisirent à  la  fois  dans  les  cafés.  Paris  ge  réveilla  avec 
la  stui)éfaclion  qu'il  aurait  à  voir  se  lever  deux  soleils. 

Il  existe  aussi  dans  les  collections  un  certain  nombre 
de  faux  Débats,  voici  pourquoi.  Un  grand  seigneur  de 
l'ancien  régime,  vivant  au  fond  d'une  province,  ne 
pouvait  se  figurer  que  les  Bourbons  eussent  été  chas- 
sés du  trône.  Pour  flatter  sa  manie  et  lui  conserver 
une  illusion  d'où  dépendait  sa  sauté,  sa  femme  eut 
ridée  de  faire  imprimer...  un  Journal  des  Débats  de 
fantaisie,  que  rédigeait  le  précepteur  de  la  famille. 
Quelle  belle  histoire  de  France  on  pourrait  rédiger 
d'après  ce  curieux  journal  ! 

Arrivons  à  la  spéculation  la  plus  hardie  dont  les 
lettres  aient  conservé  le  souvenir. 

Il  faut  savoir  qu'il  existe  de  braves  collectionneurs 
hollandais  qui  récoltent  aujourd'hui  des  journaux  à 
défaut  de  tulipes.  Une  bibliothèque  de  journaux  de 
l'ancienne  république  est,  pour  les  curieux,  d'un  prix 
inestimable.  On  espère  autant  de  la  nouvelle.  Mais, 
comme  on  sait,  un  seul  journal  qui  manque  dans  une 
collection  lui  ôte  beaucoup  de  sa  valeur.  On  a  donc 
imaginé  défaire  tirer  un  exemplaire  unique  d'un  jour- 
nal portant  un  titre  quelconque,  qui  non  seulement 
n'aura  pas  de  lendemain,  mais  qui  même  ne  sera  pas 
mis  en  vente.  Il  se  trouve  des  curieux  qui  offrent  2  ou 
5,000  francs  de  ce  numéro  introuvable,  dont  le  titre 
ne  se  révèle  au  public  que  par  le  bulletin  de  la  li- 
brairie. 

Nous  croyons  devoir  trahir  celte  industrie  nouvelle, 
qui  serait  fort  innocente  sans  doute,  si  le  numéro  uni- 
que ne  se  multipliait  selon  le  nombre  ou  la  bonhomie 
des  collectionneurs. 

Il  importe  que  la  presse  soit  enfin  moralisée  ! 


La  démocratie  a  eu  ses  sociétés  secrètes,  la  réaction 
veut  à  son  tour  avoir  les  siennes.  Si  nous  sommes  bien 
informés,  une  association  clandestine  s'est  constituée, 
à  la  fin  de  1848,  sous  le  titre  significatif  de  Club  des 
répuhlicophnbes.  L'une  de  ses  premières  décisions  a  été 
celle-ci  : 

0  Considérant  que  notre  but  est  de  nuire  à  la  Ré- 
publique, et  de  l'attaquer  par  tous  les  moyens  imagi- 
nables; —  Considérant  que  l'un  des  meilleurs  est  de 
mettre  obstacle  à  l'activité  du  commerce  et  à  la  circu- 
lation des  capitaux;  —  Considérant  qu'il  importe 
d'inculquer  à  nos  enfants  des  opinions  anti-répuhli- 


LES  RÉPUBLICOPHOBES. 

caines,  et  de  leur  présenter  le  nouveau  régime  comme 
la  source  de  toutes  sortes  de  calamités; 
«  Avons  décrété  et  décrétons  ce  qui  suit  : 


«  Les"  membres  du  club  s'abstiendront  de  toutes  dé- 
penses qui  ne  seront  pas  purement  jiersonnelles.  » 

«  Ainsi:  Plus  de  cadeaux  à  nos  maîtresses,  encore 
moins  à  nos  femmes;  plus  de  bonbons  à  nos  enfants, 
plus  de  spectacles,  plus  de  fêtes,  plus  de  concerts,  plus 
de  grands  dîners,  plus  de  pourboires  aux  cochers,  plus 
de  pourboires  aux  garçons,  plus  de  cigarres,  plus  d'au- 
mônes, plus  de  payements  à  nos  fournisseurs,  etc.,  etc.» 


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i  L'enseigoement  que  je  lire  de  cette  nomination,  c'est  l'invitation  de  contribuer  de  toutes 
mes  forces  à  raffermissement  de  la  République;  je  le  ferai  avec  probité,  a»ec  loyauté, 
avec  constance,  et,  s'il  le  faut,  avec  quelque  énergie.  « 


De&siné  par  Otto. 


Gravé  par  Bai  LANT. 


186 


REVUE  COMIQUE. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


Le  National  ajinl  son  iiiari|iii?,  le  Journal  des  Dé- 
bats devait  avoir  le  sien.  —  M.  le  marquis  Marrast 
vient  de  donner  naissance  à  M.  le  marquis  Saint-Marc 
Girardin.  —  Lequel  de  ces  deux  marquis  est  le  plus 
spirituel,  lequel  est  le  plus  impertinent,  lequel  est  le 
plus  marquis,  pour  tout  dire?  Est-ce  le  président  de 
l'Assemblée  nationale  ou  l'auteur  de  la  théorie  déve- 
loppée par  les  Débats,  sur  les  gens  de  peu  et  les  gens 
de  qiietf/iie  chose?  —  Ombre  du  président  Séguier,  ré- 
pondez-nous; racontez-nous  ce  que  vous  savez  sur  la 
noblesse  de  celui  que  vous  appeliez  Marc  Girardin; 
et  si  M.  Marc  Girardin  le  désire,  nous  établirons  ses 
droits  à  la  geutiUionnncrie. 

—  «  Cela  ne  nous  regarde  pas,  »  dit  le  Journal 
des  Débats.  Cela  veut-il  dire  que  vous  n'avez  aucun 
souci  à  avoir  de  ce  qui  se  passe  du  moment  où  vous 
n'êtes  plus  le  journal  du  gouvernement,  et  que  la 
patrie  peut  périr  sans  que  vous  ayez  à  vous  en  émou- 
voir? —  Si  c'est  cela,  allez-vous-en,  émigrez,  —  M.  le 
marquis,  —  ou  tout  au  moins  taisez-vous. 

—  Le  journal  des  Débats  avait  été  parfait  de  ton, 
de  mesure  et  de  bon  goût,  depuis  bientôt  un  an,  dans 
une  position  difficile  et  délicate.  Il  a  renoncé  tout  à 
coup  à  ce  beau  rôle.  A  qui  la  faute?  N'est-il  pas  tou- 
jours trop  tôt  pour  cesser  d'être  sensé,  honorable,  et 
d'avoir  raison  à  force  de  raison  ? 

LE    JOURNAL   DES    DEBATS. 

Je  n'ai  pas  fait  la  République,  dit  en  se  frottant  les 
mains  d'un  air  un  peu  plus  dégagé  que  sa  situation 
personnelle,  que  la  situation  du  pays  ne  le  comporte, 
le  Journal  des  Débats.  Pardon.  Qui  .donc  l'a  faite,  non 
pas  après,  mais  avant  les  républicains,  si  ce  n'est  vous, 
cette  république  dont  vous  vous  séparez  si  lestement  ù 
cette  heure,  et  dont  les  conséquences  pèseraient  encore 
justement  sur  vous,  alors  même  que  vous  viendriez  à 
bout  de  la  vaincre.  De  quoi  se  composent  les  éléments 
d'une  révolution,  si  ce  n'est  des  fautes  qui  l'ont  ame- 
née? Ces  fautes,  qui  les  a  faites?  Est-ce/e  Nationalou 
le  Journal  des  Débats?  —M.  Guizot,  homme  de  quel- 
que chose,  ou  M.  de  Lamartine,  homme  de  peu,  le 
glorieux  M.  Duchàtcl  ou  le  pauvre  M.  Dufaurc,  l'il- 
lustre M.  Trezel  ou  l'inconnu  qu'on  nomme  le  général 
Cavaignac,  les  hommes  de  Louis-l'hilippe,  enfin,  ces 
hommes  de  quelque  chose,  ou  les  hommes  de  la  Répu- 
blique, ces  gens  de  rien,  comme  vous  dites? 

Vous  en  parlez  trop  à  votre  aise ,  à  dix  mois 
de  distance.    Vous  vous  sentiez  la  conscience  moins 


libre;  vous  vous  sentiez  plus  coupables,  peul-èlre, 
moins  innocents,  si  vous  le  préférez,  le  25  février! 
Vous  frulliez-vous  les  mains,  ce  jour-là?  Auriez- 
vous  osé  vous  les  laver,  vos  mains,  de  ce  sang  ré- 
pandu? Non.  Vous  vous  conduisiez  décemment,  je  di- 
rais humblement,  s'il  ne  valait  mieux  vous  reprendre 
que  vous  blesser  ;  vous  reconnaissiez  vos  torts  ;  et,  de- 
vant tous  ces  désastres  amenés  par  vous,  vous  sembliez 
comprendre  que  les  coupables  ce  n'étaient  pas  les  vain- 
queurs, que  vous  aviez  forcés,  réduits  à  vaincre. 

Vos  fautes,  celte  république  pouvait  vous  en  de- 
mander compte  ;  l'a-t-elle  fait?  Non.  Elle  a  été  clé- 
mente, et  vous  ne  le  seriez  pas  pour  elle  ;  et  là  où  elle 
a  été  magnanime  avec  vous,  vous  ne  seriez  ni  indul- 
gents, ni  même  polis  !  Hélas  !  vous  êtes  incorrigibles! 

Heureusement  que  la  République  le  sera  aussi,  et 
qu'en  dépit  de  vos  efforts  pour  la  pousser  à  des  violen- 
ces, elle  gardera  ce  défaut  politique,  la  clémence,  dont 
vous  essayeriez  en  vain  de  la  faire  repentir. 

—  Jamais  temps  n'a  été  plus  fécond  en  phénomènes. 
Quelques  braves  gens  croient  que  le  nombre  des  répu- 
blicains diminue  :  erreur  !  Le  nombre  au  contraire  en 
augmente  tous  les  jours.  La  République  s'enrichit  in- 
cessamment non-seulement  d'individus  nouveaux  , 
mais  d'espèces  tout  entières,  jusque-là  inconnues. 

Nous  avions  les  républicains  rouges,  les  républicains 
modérés,  les  républicains  encore  plus  modérés  qu'on 
pourrait  appeler  les  républicains  gris-perle,  les  réjui- 
blicains  socialistes,  soit  de  la  veille  soit  du  lendemain, 
puis  enfin  les  républicains  bonapartistes. 

Nous  avons  aujourd'hui  les  républicains  impéria- 
listes, les  républicains  régentisles,  les  républicains  lé- 
gitimistes et  les  républicains  monarchistes  rouges,  c'est- 
à-dire  CCS  joueurs  intrépides  qui  prendraient  un  roi 
quelconque  dans  un  jeu  de  cartes  plutôt  que  de  s'en 
|)asser. 

La  République  n'est  pas  si  malade,  si  elle  ne  doit 
mourir  que  quand  ses  ennemis  seront  d'accord. 

—  Dans  la  discussion  relative  à  la  fixation  des  ap- 
pointements du  vice-président  de  la  Rébublique,  cha- 
cun donnait  son  chiffre  et  ses  raisons  à  l'appui.  Le 
chillVe  18  l'emporta.  —  C'est  un  bon  chiffre  pour 
un  lioulay,  dit  M.  le  procureur-général  Dupin,— 
expert  en  calembours  comme  on  sait. 

AU    «AL    DE    l'opÉHA. 

J'étais  samedi  passé  au  bal  de  l'Opéra,  j'eus  l'hon- 
neur d'y  être  pris  pour  un  représentant  du  peuple.  Je 


A  l/USAHR  DES  CENS  SERIEUX. 


187 


dirai,  pour  expliinn'i'  une  inriiiise  pour  moi  si  glo- 
rieuso,  (]u'oii  |)uuviiit  cotiiptor  environ  trois  cents  de  ces 
lionoraliles  dans  le  foyer,  sans  préjudice  Lien  entendu 
de  cenx(jui  pouvaient  se  trouver  dans  des  loges  avec  des 
t'aux-noz,  on  dans  la  salle  sous  des  costumes  de  pierrot, 
d'aricipiiii,  de  Tujc  et  autres.  «  Sacrédié,  nie  dit  un 
des  |)lus  agaçants  dominos  de  l'endroit,  à  qui  je  venais 
d'offrir,  sur  sa  demande,  un  bâton  de  sucre  de  ponime 
de  Rouen  gros  comme  un  biloii  de  maréchal,  sacrédié, 
ça  serait  pourtant  dommage  qu'on  renvoie  a  leurs 
femmes  de  province  des  amours  de  représentants 
comme  vous  tous.  Veux-tu  que  je  monte  sur  une  ban- 
quette et  que  je  le  fasse  signer  par  toutes  les  citoyen- 
nes ici  présentes  une  pétition,  une  fameuse,  qui  té- 
moigne de  vos  vertus  et  fasse  connaître  au  président 
que  vous  êtes  nécessaires  à  Parif.  Parle,  dis  un  mot,  et 
dans  trois  quarts  d'heure  tu  as  quinîo  cents  signaturos, 


et  des  crânes,  à  rhettre  sous  le  nez  du  petit  |)ére  Mar- 
rasl.  Ça  va-l-il"?  —  Je  promis  à  l'aimable  masque  qui 
tint  ce  discours  d'en  parlera  mes  collègues  à  la  première 
réunion,  et  de  lui  porter  au  prochain  bal  leur  réponse. 

—  Les  voleurs  punissent  les  transfuges.  1^  société 
les  récompense.  —  C'est  un  des  grands  malheurs  des 
rtWolulions  d'offrir  une  prime  aux  apostasies. 

—  .Madame  Sand,  à  qui  un  grand  nombre  de  ses 
admirateui's  les  plus  passionnés  avaient  grand'p'eine 
à  ()ardoniu'r  qu'elle  eût  oublié  qu'elle  était  avant  tout 
un  admirable  poète  pour  se  faire  écrivain  politique, 
publie,  dans  le  journal  le  Crédit,  un  roman  qui  lui 
obtiendra  sa  gnke  des  réactionnaires  les  plus  endurcis. 
La  petite  Fadette  renferme  des  trésors  de  poésie,  de 
simplicité  et  de  candeur,  et  pas  un  mol  de  politique. 


LE   RETOUR    DE    -M.    (.UIZOT. 


Français,  me  voici  parmi  vous; 
J"ai,  pour  cjimer  voire  courroux, 
De  l'exil  subi  le  supplice. 
Montrons-nous  généreux  et  grands, 
Eq  oubliant  nos  diOérend-', 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  elTacé; 
Embrassons-nous,  el  que  ça  finisse. 

Je  puis  sans  danger,  maintenant, 
Paraître  sur  le  continent. 
Môme  demander  .du  service. 
Depuis  que  je  fus  exilé. 
Un  siècle  entier  s'est  écoulé. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  effacé  ; 
Embrassoni-nous,  et  (pie  ça  finisse. 

Mes  bons  électeurs  de  Lisieux, 
Je  reviens;  essuyez  vos  yeux. 
Qu'à  la  Chambre  on  me  rétablisse. 
Depuis  longtemps  votre  cité 
M'a  promis  sa  docilité. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  efTacé; 
Embrassons-nous,  et  que  ça  finisse. 


kiK  de  ta  ilarquin  de  Prelinlaille. 

Les  suppôts  de  la  royauté 
Reconquièrent  l'autorité. 
Au  pouvoir  chacun  d'eux  se  glisse. 
Dans  un  assez  proche  avenir. 
Je  crois  que  mon  tour  va  venir. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  effacé; 
Embrassons-ncus,  et  que  ça  finisse. 

Barrot,  que  j'avais  méconnu, 
Au  ministère  est  parvenu  ; 
11  s'y  comporte  en  vrai  novice. 
De  lui  pourtant  je  suis  ravi, 
Car  pas  à  pas  il  m'a  suivi. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  effacé; 
Embrassons-nous,  et  que  ça  finisse.' 


Il  restaure  de  bonnes  lois; 
Il  réljblit  dans  leurs  emplois 
Les  vitiux  soldats  de  ma  milice. 
Il  en  a  même  réélu 
Dont  le  r<ji  n'aurait  pas  voulu. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  effacé; 
Embrassons-nous,  el  que  ça  finisse. 

Vraiment,  à  le  voir  diriger 
L'intérieur  et  l'étranger, 
On  dirait  qu'il  est  mon  complice. 
En  cet  homme  qui  m'insulta. 
Je  trouve  mon  duplicata. 
Que  le  passé 
Soit  en  rêve  effacé; 
Embrassons-nous,  el  que  ça  finisse. 

Puisqu'il  n'e  t  point  de  changement, 
A  rentrer  au  gi  uvernement, 
Il  se  peut  que  je  réus-isse. 
Barro!,  Guizot,  au  cabinet,' 
C'est  bonnet  blanc  et  blanc  bonnet. 
Que  le  passé 
Soit  en  rêve  effacé; 
Embrassons-nous,  el  que  ça  finisse. 


—  Il  le  gardera..*  —  11  ce  le  gardera  pas!  — 


Celle  adorable  boule  esl  celle  de  Boulay, 
Qui  ne  se  moiicliepas  dii  pied.'conime  on  le  pense. 
Quand,  [lour  lui  conférer  la  vice-yirésidence, 
Dans  la  botle  an  ftru.ln  chaque  boule  aboulail, 
Boulay  dil  bravenienl  (quoiqu'il  ne  soil  pas  nvge  )  : 
«  Képublicain,  nioibleu  !  loul  de  bon  l'esl  Boula)  1 
«  Et  si  quel  lue  j"nr,  le  royalisle  bouge, 
«  Il  sera  bel  el  bien  par  Boulay  sîboulé!  » 


Desiiné  par  FaBritzius., 


Gravé  par  LEBLANC. 


nmarvAnn  ni!ii  itai.ibni. 


80  c'oiiHiiioii)  la  lIvrnlHon. 


»ri!  mcnp.i.iFc,  K2. 


iirions  de  la  Conscription.  —  La  Revue  comioi'E  formera  un  ma<rnifu]ue  Tolumo,  grand  in-8,  publié  en  50  llvraifons  à  30  centimes, 
la  poste,  40  cent.  On  souscrit  pour  10  livraisons.  Pour  les  départements,  envoyer  un  mandat  sur  la  poste  à  l'ordie  du  directeur  de  la 
fUK.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction,  écrire   (franco)  à  M.  Lirecï,  au  bureau  de  la  Revue,  %  boulevard  des  Italiens. 


OUMIirEHAT.  ÉSITEVB,  HUE  nZCHEX.2EU,  52. 


43»  Livraison. 


AVIS 

AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  I.A  REVUE  COMIQUE. 


Pour  réi.o.ulre  au  désir  exprimé  par  uu  gran.l  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que.  pour  ne  pas  décomplétcr  la  collection  des  dessins  parus  jus.iu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  ^obli^ation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  laçon 
uniforme  loutes\>s  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  leudlet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

I  e  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-ilernière  pages  de  cliaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


Dessinateurs.  Graveurs. 

Nouvelle  Tenue Didier.         Baulant. 

Joujoux  d'uD  Enfant  terrible. Bertall.        Midderigh. 

Un  sabre » Fabritzius.  Baulant. 

Le  Satnmeil  de  M.  Ma.rast Bertall.       Midderigh. 

lioute  de  Bourges Didit  r. 


Eaulant. 


Les  Araignées 

Fresneau •  •  ■ 

Conclus  on  de  la  Semaine 
Fau.her 


Dessinateurs.  Graveurs. 
Nadard.       Leblanc. 
Fabritzius.  Louis. 
Ot.  Bara. 

Fabritzius.  Baulant. 


POOR  PARAITBE   DANS  LES  PROCHAINES  LIVRAISONS    : 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTURES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tciilalions  —  travestissements 
liypocrysics  —  passe- passe —  perfidies  —  gianilc  ciilbule  de 

MOSIEU  RÉAG 

SlITE    DE    CARICATLUES    PAIi    NADAnO. 


SOMMÂlUE  DE  LA  TREIZIÈ.ME  LIVRAISON. 


La  Semaine.  -  Un  Sabre.  -  Le  Sommeil  de  M.  Marrast.  -  Les  Arrestations.  -  Bndgel  d'un  Représentant.  -  Voyage  en 

Europe.  —  Choses  Quelconques. 


1>aril.-Tirrc  au»  presses  mécaniques  Je  Lic«A»Pi.   fils  el   r<..np.,  me  Daroielle,  î. 


i>)'j 


LA  SEMAINE. 


L'histoire  de  celte  semaine  se  résume  dans  celle 
d'une  journée.  Supprimez  les  grands  événements  de 
lundi,  que  nous  restera-t-il?  un  vaudeville  de  M.  Ro- 
zier  aux  Variétés,  la  reprise  de  la  Fêle  du  village  voisin 
à  rOpéra-comique,  un  bal  chez  le  fameux  colonel 
Thom,  qui  reparait  à  l'horizon,  il  n'y  aurait  pas  là  de 
quoi  remplir  deux  colonnes. 

Heureusement  MM.  Odilon  Barrot  et  Léon  Faucher 
sont  venus  à  notre  secours.  Les  deux  vaudevillistes  po- 
litiques ont  rédigé,  en  collaboration  avec  le  général 
Changarnier,  une  petite  conspiration  qui  décèle  de 
grandes  facultés  dramatiques,  une  entente  des  planches 
et  une  science  des  ficelles  qu'on  ne  se  serait  peut-être 
pas  attendu  à  trouver  dans  de  si  jeunes  auteurs. 

Voici  en  quelques  mots  l'analyse  de  cet  ouvrage. 

L'amour  n'est  pour  rien  dans  la  pièce  de  M.  Odilon 
Barrot,  Léon  Faucher,  Changarnier  et  Clairville  ;  car, 
pour  ne  rien  cacher,  nous  devons  dire  que  cet  illustre 
vaudevilliste  a  travaillé  à  la  journée  de  lundi;  c'est  lui 
qui  a  rédigé  la  fameuse  proclamation  finale  où  on  dé- 
clare au  public  qu'il  faut  en  finir  avec  l'anarchie  d'une 
façon  complète  et  irrévocable.  Or,  la  donnée  de  la 
pièce  a  cela  de  vraiment  comique,  que  les  principaux 
personnages  passent  tout  leur  temps  à  chercher  l'anar- 
chie qu'ils  ne  peuvent  trouver  nulle  part. 

En  renonçant  à  ce  puissant  moyen  d'émouvoir  les 
cœurs,  qui  s'appelle  l'amour ,  il  faut  convenir  que 
MM.  Odilon  Barrot,  Léon  Faucher,  Changarnier  et 
Clairville  ont  fait  preuve  de  beaucoup  d'audace.  Peut- 
on  dire  que  cette  audace  a  été  justifiée  par  le  succès? 
C'est  au  lecteur  de  répondre. 

La  scène  s'ouvre  par  un  roulement  de  tambours.  Ou 
bat  jusqu'à  dix-sept  fois  le  rappel  dans  ma  rue.  A  cha- 


que fois  un  garde  national  se  rend  à  ]'a|,pel.  Cela  fait 
juste  dix-sept  gardes  nationaux. 

—  Qu'ya-t-il,  caporal? 

—  Demandez-le  au  sergent. 

—  Que  se  passe-t-il,  sergent? 

—  Demandez-le  au  lieutenant. 

—  Qu'arrive-t-il,  lieutenant? 

—  Demandez-le  au  capitaine. 

—  Que  va-t-on  faire,  capitaine? 

—  bemandez-lc  au  commandant. 

—  De  quoi  s'agit-il,  commandant? 

—  Allons  le  demander  au  colonel. 

Les  dix-sept  hommes  se  mettent  en  marche  pour  la 
mairie,  et  nous  prenons  le  chemin  de  l'Assemblée  na- 
tionale où  se  discute  la  fameuse  proposition  Grévy. 
L'enceinte  de  la  représentation  nationale  est  envi- 
ronnée de  troupes  et  de  canons.  En  entrant,  il  nous 
seiiible  voir  le  fantôme  du  pompier  du  1 5  mai  traverser 
la  salle  des  Pas-Perdus.  Ce  n'est  qu'un  aide  de  camp 
du  général  Changarnier. 

Les  représentants  sont  en  émoi.  Pourquoi  ces  troupes? 
A  quoi  servent  ces  canons?  M.  Odilon  Barrot  monte  à 
la  tribune,  et  il  se  met  à  réciter  un  de  ces  amphigouris 
qui  étaient  autrefois  le  triomphe  du  vénérable  Odry. 
11  parle  des  éternels  ennemis  de  l'ordre,  de  la  garde 
mobile,  des  Guelfes  et  des  Gibelins,  de  la  pureté  de  ses 
intentions,  des  Capulets  et  des  Montaigus,  de  la  conspi- 
ration des  poudres,  de  la  tyrannie  des  Seize,  de  la  ma- 
chine infernale,  et  enfin  de  l'irt  d'élever  des  conspira- 
tions et  de  s'en  faire  trois  mille  francs  de  revenu.  Après 
quoi  Odry-Barrot  se  rend  majestueusement  à  sa  place. 

11  faut  maintenant  que  le  président  Marrast  s'ex- 
plique au  sujet  de  l'appareil  militaire  qui  entoure  l'as- 


190 


REVUE  COMIQUE 


semblée.  M.  Marraslse  lève  de  son  fauteuil,  et  déclare 
qu'en  se  réveillant  et  en  se  voyant  ceint  de  baionnetles, 
il  a  envoyé  demander  des  explications  au  général  C.lian- 
çaruier,  en  le  priant  poliment  de  passer  dans  son  ca- 
liinet  (style  d'avoué). 

Le  général  Cliaugai-nier  a  répondu  non  moins  po- 
liment (M.  Cliaugarnier,  après  M.  de  Coaslin,  est 
l'homme  le  plus  poli  de  France)  qu'il  avait  autre  chose 
à  faire,  et  qu'il  ne  pouvait  se  rendre  à  l'appel  du  pré- 
sident Marrast,  le(|uel  a  demandé  pourquoi  on  avait 
envoyé  tous  ces  soldats  sans  le  prévenir. 

—  Ah!  monsieur,  a  répliqué  M.  Changarnier,  pour 
qui  me  prenez-vous?  Troubler  votre  sommeil,  le  som- 
meil d'un  président;  je  suis  incapalile  d'une  telle  m- 
convenance. 

L'Assemblée  ari  de  dédain  en  entendent  M.  Marrast 
annoncer  qu'on  n'avait  point  voulu  troubler  son  som- 
meil. Les  amis  du  président  prétendent  qu'en  pronon- 
çant ces  paroles,  il  avait  eu  l'intention  de  faire  de 
l'ironie.  11  ne  s'agissait  que  de  dignité. 

Il  est  résulté  de  toutes  ces  explications  que  le  pré- 
sident de  r.\sseml)lée  nationale  n'avait  point  demandé 
à  être  entouré  d'un  camp;  mais  que  les  troupes  étant 
là,  il  fallait  ies  placer  sous  le  commandement  du  gé- 
néral Lebreton,  questeur  de  l'Assemblée.  C'est  ce  qui 
a  été  fait.  Peut-être  eùl-il  mieux  valu  renvoyer  ces 
troupes  et  déclarer  qu'on  n'avait  rien  à  redouter  du 
peuple  de  Paris  :  ce  qui  était  vrai. 

^ous  avons  remarqué  que  toutes  ces  explications  ont 
été  prononcées  par  M.  Marrast  avec  un  accent  légère- 
ment gascon,  qui  réparait  toujours  chez  lui  au  mo- 
ment des  grandes  crises. 

La  proposition  Grévy  a  été  rejetée.  Il  faut  convenir 
que  personne  ne  s'attendait  à  ce  dénoùment.  L'admi- 
rable discours  de  M.  Jules  Favre  avait  réduit  à  want 
les  arguments  de  ses  adversaires  et  pulvérisé  le  minis- 
tère. Nous  nous  servons  à  dessein  de  ces  expressions 
qui  ont  le  malheur  d'être  consacrées.  L'orateur,  et  ce 
n'est  point  ici  un  mot  de  courtoisie,  a  obtenu  un  des 
plus  beaux  triomphes  dont  la  tribune  républicaine  ait 
été  le  témoin,  et,  après  l'émotion  universelle  produite 
par  ce  discours,  nous  en  sommes  encore  à  comprendre 
le  résultat  qui  l'a  suivi.  Les  uns  l'attribuent  à  nu  mal- 
entendu, d'autres  à  la  lassitude  de  beaucoup  de  repré- 
sentants, d'autres  à  la  pression  des  moyens  dramati- 
ques employés  par  MM.  Odilon  lîarrot,  Léon  Faucher, 
Changarnier  et  Clairville. 

Onze  voix  de  majorité,  voilà  tout  ce  que  le  minis- 
tère a  obtenu  dans  une  question  pareille  et  après  de 
lels  efforts.  Les  indécis,  les  républicains  de  nuance  ont 
de  bien  graves  reproches  à  se  faire.  C'est  le  parti  Pa- 
gnerre  qui  a  décidé  le  vote  en  faveurde  la  réaction.  Nous 
avons  décidément  un  parti  Pagnerre.  O  mon  pays!... 
Pour  célébrer  une  victoire  que  l'éloquente  indigna- 
lion  de  Cuinard  devait  lui  faire  expiei'  le  lendemain, 
M.  Léon  Faucher  s'est  donné  le  plaisir  de  faire  arrê- 


ter le  brave  colonel  de  la  sixième  légion.  Forestier,  les 
membres  de  la  Solidarité  républicaine,  M.  D'Alton- 
Sbée,  sans  compter  tous  ceux  dont  nous  ne  savons  pas 
les  noms.  M.  Léon  Faucher  tient  à  épuiser  toutes  les 
|ouissances  du  pouvoir. 

Une  demande  d'enquête  sur  ces  événements  sombres 
et  formiilables,  comme  dirait  M.  Hugo,  est  déposée  à 
l'Assemblée  nationale  et  suit  la  iilière  des  bureaux. 
Nous  saurons  enhii  peut-être  de  quel  danger  la  société 
était  menacée,  et  pourquoi,  dans  ce  péril  pressant,  on 
n'a  convoqué  que  deux  ou  trois  légions  de  la  garde 
nationale,  laissant  les  autres  se  livrer  à  leurs  affaires 
respectives,  y  compris  l'artillerie,  qui  a  cru  devoir  se 
réunir  poyr  voler  au  secours  de  M.  Léon  Faucher. 

Cette  journée  nous  a  du  moins  valu  l'avantage  d'a- 
percevoir notre  président  à  cheval  dans  la  rue  de  la 
Paix,  et  de  le  saluer  comme  tous  les  citoyens  présents 
sur  son  passage  aux  cris  de  Vive  la  République!  à  bas 
le  ministère!  .M.  Louis  Bonaparte  portait  son  costume 
de  Jeune  officier  de  l'ancien  opéra-comique. 

Lundi  matin,  MM.  Clément  Thomas  et  de  Coétlogon, 
la  Uépublique  et  lalégitimité, échangeaient  nu  loyal  coup 
d'épéeau  bois  de  Boulogne;  lesoir,  M.  Thiers  .serrait  sur 
son  sein  le  jeune  Faucher,  et  lui  disait  jnrWe  cmimo,  gene- 
rose  puer,  persévère  dans  la  grande  tradition  polilupie, 
le  sac  de  Scapin  estje  vrai  manteau  du  pouvoir.  On  ne  fait 
quelque  chose  que  par  l'intrigue  et  la  haute  comédie. 
Que  signitie  ce  quelque  chose  de  M.  Thiers.  Nous  le 
saurons  peut-être  plus  tard.  En  attendant,  nous  en 
sommes  encore  à  répéter  ce  mot  qui  était  hindi  der- 
nier dans  toutes  les  bouches.  Qui  trompe-ton  ici? 

On  pourrait  bien  dire  :  Qui  se  trompe?  car  nous 
croyons  que  MM.  Odilon  Barrot ,  Léon  Faucher, 
Changarnier  et  Clairville  sont  dans  l'erreur  s'ils  comp- 
tent sur  le  succès  de  leur  ouvrage.  L'intrigue  est  per- 
cée à  jour,  ils  tomberont  sous  les  sifllets. 


Une  nouvelle  tenue. 


LES   JOUJULX    D  LN    ENFAXT    TERRIBLE. 


Dessiné  par  Bertall. 


Gravé  par  Midderigh. 


REVUE  COMIQUE 


UN    SABRE. 


«  Avez  -  vous 
vu,  lundi,  le  gé- 
néral Cliangar- 
nii'i'  sur  son  che- 
val blanc? 

—  Oui,  le  che- 
val était  eruUé 
plus  qu'il  ne  con- 
venait à  sa  cou- 
leur. 

—  C'est  vrai, 
mais  M.  Chan- 
garuier  était  su- 
perbe; il  avait  un 
(aux  air  du  uia- 
réciial  Hadetski. 

—  Du  maré- 
chal Radct.ki  et 
de  Franconi. 

—  Il  rappelait,  il  est  vrai,  Franconi  pour  son  ta- 
lent d'équitation  et  par  la  mise  en  scène  de  la  journée  ; 
mais  sa  véritable  ressemblance  était  empruntée  à  Ra- 
de tbki. 

—  Moi,  je  tiens  pour  Franconi,  d'abord  à  cause  du 
cheval  blanc,  quoiqu'il  fût  crotté  jusqu'au  cou. 

—  Le  cheval  blanc  aurait  plutôt  rappelé  Lafayette. 

—  Préjugé!  lafayette  avait  des  cheveux  blancs,  et 
non  pas  un  cheval  blanc.  M.  Changarnier  est  le  seul 
général  qui  ait  jamais  monté  un  cheval  blanc  :  cette 
couleur  voyante  ne  convient  qu'aux  exercices  du  Cu-- 
que  ;  les  chevaux  de  cette  couleur  ont  été  inventés  par 
Franconi  et  ses  écuyers. 

Soit,  mais  les  moulinets  du  sabre  de  M.  Chan- 
garnier sont  du  Radetïki  tout  pur. 

C'est  encore  du  Franconi.  Dans  les  pièces  mili- 
taires du  Cirque,  les  généraux  ont  toujours  le  sabre  à 
la  main  pour  faire  des  moulinets. 

—  11  me  semble  (jue  Radelski  ne  l'ait  guèi'e  autre 
chose  à  Milan. 

—  Je  l'avoue,  mais  Radetski  est  un  guerrier  de  la 
haute  école  qui  possède  les  traditions.  Ces  traditions 
seinblaieht  devoir  se  perdre  :  M.  Changarnier  les  remet 
en  vigueur.  Il  essaie  eu  ce  moment,  dans  l'art  mili- 
taire, une  réaction  classiijue  semblable  à  celle  qu'on 
a  tentée  pour  la  tragédie,  et  qui  n'a  pas  eu  de  succès. 

—  Voulez-vous  dire  par-là  que  W.  Changarnier  ne 
doit  pas  réussir? 

—  C'est  selon.  M.  Changarnier  réussirait  beaucoup 
en  Russie  ou  en  Autriche.  Ce  n'est  pas  un  général 
français,     c'est   un    feld-maréchul    austro-I\usse,    un 


lionmie  de  première  force  pour  sabrer  des  populations 
vouées  au  knout  ou  à  la  schlague.  11  n'y  a,  pour  s'en 
convaincre,  qu'à  l'entendre  conjuguer  le  verbe  sabrer. 
Je  sabre,  j'ai  sabré,  je  sabrerai,  sabrons  !  Eh  quoi  !  la 
garde  mobile  se  mutine  !  on  la  sabrera.  La  garde  na- 
tionale murmure  !  On  saura  la  sabrer.  Qui  est-ce  qui 
bouge?  Apportez- moi  mon  sabre  !  En  Autriche  et  en 
Russie,  on  se  fait  des  milliers  de  roubles  de  rentes  avec 
l'art  d'élever  des  sabres.  En  France,  cet  art  est  encore 
moins  productif  et  moins  sûr  que  l'art  d'élever  des  la- 
[,ius. 

—  Rah  !  l'art  d'élever  des  lapins,  qu'est-ce  que  cela 
rapporte?  5,000  francs  de  rentes  au  plus  ;  il  n'y  a  pas 
seulement  de  quoi  avoir  un  cheval  blanc. 

—  On  s'en  passe.  Mais  pour  en  revenir  à  M.  Chan- 
o-arnier,  savcz-vous  ([u'il  est  un  peu  bien  ridicule  en 
ce  moment? 

—  Ridicule  !  ce  brillant  militaire  tout  imprégné 
d'eaux  de  senteur  ! 

—  Les  eaux  de  senteur  ne  prouvent  rien;  c'est 
même  ce  que  l'on  considère  à  l'étranger  comme  une 
marque  de  la  légèreté  française.  Un  sabre  a  beau  être 
parfumé  à  l'eau  de  Portugal,  c'est  toujours  un  sabre. 
Quand  M.  Barrot  monte  à  la  tribune  pour  y  débiter  ses 
pompeuses  niaiseries,  il  me  semble  toujours  voir 
M.  Changarnier  debout  près  de  l'orateur,  le  sabre  à  la 
nuiin,  pour  forcer  les  applaudissements.  Grâces  à  lui, 
nous  avons  vu  une  chose  assez  rare  dans  les  annales 
d'une  république  :  cent  mille  hommes  sous  les  armes, 
et  l'artillerie  stationnant  mèche  allumée  pour  appuyer 
les  vessies  gonflées  de  vent  que  devait  lâcher  M.  Bar- 
rot.  Si  M.  Barrot  avait  un  lils  de  dix  ans  qui  s'amusât 
à  lancer  des  cerfs-volants,  M.  Barrot  ferait  escorter  le 
cerf-volant  de  son  lils  par  un  régiment  de  cavalerie, 
une  division  de  ligne  et  deux  légions  de  la  garde  na- 
tionale, pour  lesquelles  on  battrait  le  rappel  à  sept 
heures  du  matin  ;  et  M.  Changarnier  viendrait  en  per- 
sonne, sur  son  cheval  blanc,  se  mettre  à  la  tète  de  ces 
forces  imposantes. 

Voilà  où  l'on  arrive  en  voulant  j(uier  nu  rôle  poli- 
tiqueàtout  i)ri\, — àservirde  CosaqueàM.  lîarrot  lors- 
qu'il a  besoin  d'imposer  au  pays  la  re^tauratlon  de  sa 
vieille  éloquence.  Au  moins  Radetski  prononce  lui- 
même  les  discours  et  rédige  les  proclamations  qu'il  es- 
corte ensuite  avec  ses  baïonnettes  dans  les  rues  de 
Milan.  Il  est  vrai  que  M.  Changarnier  a  déjà  prouvé, 
notamment  dans  son  entretien  avec  les  chefs  de  la  garde 
mobile,  que  l'éloquence  d'un  feld-maréchal  lui  serait 
facile  au  besoin  ;  quel  malheur  (lue  M.  Changarnier  ne 
soit  pas  Autrichien  1 


J 


A  i;iISACE  DKS  GENS  SEIUKUX. 


193 


1,K  SOMMF.II,  I)i:  M.   MAUliAST. 


S'il  y  a  iiiio  iliose  sacn'c  au  iiuhuIi',  c'est,  à  coup  sûr, 
le  :>oiiiiiicil  de  M.  iManast. 

Quand  M.  Mariasl  dml,  les  vonls  s'apaisciil,  les 
(louves  sus|ieudciit  leur  euurs,  les  passants  luarclieiilsur 
la  pointe  tlu  jiied,  la  nature  entière  craint  de  le  ré- 
veiller. 

Son  valet  de  clianilire  nous  a  assuré  qu'il  avait  vu 
plus  d'une  l'ois  des  l'ées  entrer  par  la  fenêtre,  avec  leur 
cortège  d'esprits  aériens,  dans  laeliainlirede  son  niailrc. 
Titania  eilc-inènie  serait  venue  dans  sa  coquille  de  noix, 
traînée  par  des  papillons.  Quand  ces  visites  arrivent, 
ajoutait  le  valet  de  chambre,  je  les  annonce  à  haute 
voix,  car  la  moindre  infiaction  aux  règles  de  l'éliquetle 
serait  punie  sévèrement  par  M.  Marrast. 

—  Et  après'/ 

—  Après,  je  me  hâte  de  soi  tir  delà  chambre  ;  un  soir 
que  la  curiosité  m'avait  porté  à  rester,  Titania  changea 
ma  tète  en  une  tête  d'âne  qui  resta  sur  mes  épaules 
jusqu'au  lendemain.  N'osant  pas  rentrer  chez  moi  et 
me  montrer  à  ma  femme  avec  cette  tète,  et  me  voyant 
condamné  à  passer  la  nuit  derrière  la  porte,  je  me  per- 
mis de  regarder  par  le  trou  de  la  serrure, 

—  Et  vous  vîtes'? 

—  Je  vis  les  fées  entourer  la  couche  de  M.  Mar- 
rast.  Les  unes  le  berçaient,  les  autres  agitaient  sur  son 
visage  des  éventails  |)arfumés  et  semaient  des  feuilles 
de  rose  sur  son  lit.  Titania  lui  disait  d'une  voix  douce 
comme  le  murmure  d'une  nuit  d'été  :  «  Dors,  bel  ami, 
fais  des  rêves  charmants,  je  t'en  conjure.  » 

Et  un  sourire  divin  venait  épanouir  les  traits  de 
M.  Marrast. 


—  Il  rêve!  s'écriaient  en  chœur  les  autres  fées;  il 
rêve  !  ne  l'éveillons  pas  et  dansons  sans  bruit. 

Ebloui  de  ce  spectacle,  je  finis  peu  à  peu  par  m'en- 
dormir. 

—  Et  (juaiid  les  fées  ne  viennent  pas? 

—  Alors  on  vu  chercher  l'uullier  qui  chante  l'air  du 
sommeil. 

Ainsi  parlait  ce  bon  valet  de  chambre,  et  l'on  com- 
prend après  cela  pourquoi  le  sommeil  de  .M.  Marrast 
est  entouré  de  tant  de  resi)ects  à  l'hôtel  de  la  Pré- 
sidence. 

M.  Marrast  lui-même  l'a  dit  l'autrejour  à  l'As- 
semblée, quand  on  lui  demandait  s'il  n'avait  pas  été 
prévenu  de  la  prise  d'armes  du  général  Changnrnier. 

—  J'ai  été  prévenu,  en  effet,  mais  très-lard,  parce 
qu'on  n'avait  pas  voulu  troubler  mon  sommeil. 

—  Et  pourquoi  n'avait-on  pas  voulu  troubler  votre 
sommeil'? 

—  Parce  que  c'était  le  moment  où  Titania  venait 
d'entrer  dans  ma  chambre  avec  son  cortège;  elle  com- 
mençait justement  l'air  :  <x  Dors,  bel  ami,  etc.  a 

—  11  nous  semble  pourtant  qu'un  domestique  aurait 
pu... 

—  Erreur;  d'abord  Titania  aurait  donné  à  ce  ma- 
raud une  tète  d'âne,  et  puis  je  l'aurais  fait  mourir  sous 
le  bâton. 

—  En  ce  cas,  mettons  que  nous  n'ayons  rien  dit.  Nos 
compliments,  s'il  vous  plaît,  à  Titania,  à  sa  prochaine 
visite. 

—  Je  n'y  manquerai  pas.  Maintenant  la  séance  est 
ouverte  ;  je  donne  la  parole  au  jeune  Fresneau. 


^^%^\f.l,^^'?^^^ 


Dormez  votre  Eommeil,  grauds  de  ia  terre.  »  (Bosst.et.) 


\n 


REVUE  COMIQUE 


LES  AUUESTATIOISS. 


Au  lion  li'inps  des  leltres de  cadiol,  lorsqu'un  homme 
était  coiuluit  il  la  Bastille,  et  qu'uu  parent  ou  un  ami 
allait  demander  la  cause  de  son  arrestation,  le  ministre 
répondait  avec  une  grâce  charmante  :  —  Raison  d'Etat, 
mon  cher  monsieur  ;  au  reste,  la  justice  suit  son  cours. 
C'est  à  peu  près  ce  qu'en  l'an  1"^  de  la  Uépuhlique 
répond  M.  Léon  Faucher  à  propos  des  arrestations  qui 
étonnent  Paris  depuis  lundi  dernier.  11  n'y  manque  que 
la  grâce  charmante. 

La  justice  suit  son  cours,  assure  JL  Faucher  ;  nous 
n'avons  pourtant  pas  entendu  dire  que  la  proposition, 
de  mise  en  accusation  du  ministère  ait  été  adoptée  par 
la  Ciiambre. 

Il  parait,  du  reste,  probable  que  les  ministres  seuls 
n'auront  point  leur  part  des  mandats  d'arrêt  qui  se 
sont  signés  et  qui  se  signent  actuellement.  On  arrête 
tout  le  monde,  hors  les  ministres. 

Pourquoi?  C'est  un  mystère  d'Etat.  Au  reste,  la 
justice  suit  son  cours,  comme  disait  M.  Léon  Faucher. 
Si,  pendant  qu'ils  sont  en  train,  les  ministres  avaient 
l'énergie  de  s'arrêter  eux-mêmes,  la  majorité  de  la  po- 
pulation \errait  là  une  victoire  remportée  sur  l'anar- 
chie, et  ce  serait  peut-être  un  moyen  de  consolider  le 
ministère.  Nous  soumettons  humblement  cet  avis  à 
M.  OJilon  Barrot. 

On  se  perd  en  conjectures  sur  les  crimes  commis 
par  les  malheureux  que  l'on  entraîne  tous  les  jours  à 
la  Conciergerie  ou  dans  les  forts.  Il  paraît  seulement 
qu'il  s'agissait  d'un  vaste  complot  organisé  sous  main 
puur  la  défense  et  le  maintien  de  la  République.  Les 
coquins  qui  en  faisaient  partie  avaient,  dit  on,  juré  sur 
un  fusil  de  Février,  de  défendre  l'Assemblée  natio- 
nale jusqu'à  la  mort. 

Plusieurs  faits  viennent  à  l'appui  de  cette  opinion. 
Nous  avons  vu  arrêter  dans  le  faubourg  Montmartre  un 
garde  mobile  qui,  sur  le  passage  d'une  patrouille  de  la 
2°  légion,  avait  crié  :  Vive  la  République  !  —  Messieurs, 
disait  le  garde  mobile  aux  gardes  nationaux  qui  lui 
serraient  le  collet  :  Arrêtez-moi,  mais  ne  m'étranglez 
pas.  Vive  la  République  1 

Nous  ne  savons  pas  s'il  a  été  tout  à  fait  étranglé. 
Le  colonel  de  la  sixième  légion,  M.  Forestier,  a  été 
conduit  à  la  Conciergerie  et  mis  au  dépôt  avec  des  vo- 


leurs. Il  est  vrai  que  M.  Forestier  a  des  charges  acca- 
blantes contre  lui ,  paiticulièrenient  la  lettre  qu'il  a 
écrite  au  président  de  l'Assemblée  nationale  pour  l'as- 
surer de  son  dévouement. 

Où  en  serions-nous  si  la  justice  ne  suivait  pas  son 
couis? 

Avouons-le  cependant,  le  grand  complot  trouve  quel- 
ques incrédules  pour  lesiiuels  nous  demandons  des 
mandats  d'arrêt.  Que  deviendra,  en  effet,  la  société  si 
l'on  se  permet  de  douter  des  afiirmations  du  ministère? 
Mais,  disent  ces  incrédules,  M.  Barrot  et  JL  Faucher 
prétendent  qu'il  y  a  un  complot,  tandis  que  M.  Chan- 
garnier  laisse  entendre  le  contraire.  Connnent  rnettrez- 
vous  d'accord  ces  trois  autorités? 

D'abord  il  ne  s'agit  pas  de  les  mettre  d'accord  ;  il 
s'agit  de  soumettre  sa  propre  raison  aux  décisions  de 
M.  Barrot.  Voyez  plutôt  ce  qui  se  passe  dans  les  pays 
d'ordre  et  de  dis  ipline,  en  Russie,  par  exemple. Quel- 
qu'un s'y  est-il  jamais  avisé  de  révoquer  en  doute  tes 
affirmations  de  l'autorité?  Cependant  si  l'on  y  tient,  il 
ne  serait  pas  impossible  d'expliquer  les  prétendues 
contradictions  de  M.  Barrot. 

Personne  n'ignore,  en  effet,  que  M.  Barrot,  par 
suite  de  ses  anciens  discours  d'opposition  dynastique, 
est  sujet  à  des  hallucinations  pendant  lesquelles  il  est 
fermement  convaincu  que  Louis -Philippe  règne  tou- 
jours aux  Tuileries.  De  là  l'erreur  bien  excusable  qui 
lui  fait  prendre  le  cri  de  vive  la  République!  pour  un 
cri  séditieux.  11  y  a  donc  eu  complot,  sans  complot,  si 
l'on  peut  s'exprimer  ainsi.  11  y  a  eu  complot  répu- 
blicain contre  la  monarchie,  et  ce  bon  M.  Darrot , 
qui,  ordinairement,  n'est  pas  très-fort,  mais  qui  l'est 
encore  moins  quand  il  se  trouve  plongé  dans  ses  hallu- 
cinations, ne  s'est  pas  rappelé  que  la  révolution  de  Fé- 
v,ner  avait  eu  lieu,  et  il  a  songé  naturellement  à  répii- 
mer  un  attentat  contre  la  royauté. 

Un  roi  de  Macédoine,  sujet,  lui  aussi,  à  deshallucina- 
fions,  avait  auprès  de  lui  un  secrétaire  qui  ne  le  quit- 
tait jamais  et  qui  lui  répétait  d'heure  en  heure  :  «  0 
roi,  souviens-toi  que  tu  es  homme!»  Nous  deman- 
dons que  la  Chambre  délègue  un  de  ses  membres  pour 
résider  auprès  de  M.  Barrot,  et  lui  crier  à  chaque  mi- 
nute :  «  0  Barrot,  souviens-toi  que  tu  es  républicain  !  » 


LE  BUDGP:!  D'UN  REPRÉSENTANT. 


Nous  avions,  il  y  a  un  an,  des  députés  qui  ne  nous 
coûtaient  rien. 

Nous  avons  à  présent  des  représentants  qui  nous 
coûtent  fort  cher,  —  et  qu'on  a  baptisés  récemment  du 
nom  de  vingt-cinq-francs-jowiens,  adjectif  un  peu 
long,  mais  signilicatif. 

Les  députés  nous  coûtaient  sim|)leinent  des  ministè- 


res, des  places  de  toutes  sortes,  des  bureau  v  de  tabac,  des 
recettes,  des  bourses,  des  brevets  de  gardes  champêtres, 
des  missions,  des  inspections  et  une  foule  dépositions. 
Les  représentants  nous  coûtent  chacun  vingt-cinq 
francs,  c'est-à-dire  la  valeur  d'un  souverain  d'Angle- 
terre, attendu  que  chacun  d'eux  est  le  diminutif  d'un 
suuverain. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


^95 


Viiigl-cinij  fruiics  par  jour,  c'cvt  un  sm  l. 

Il  n'y  a  pus  sans  doiile  do  (iiiui  aclicliT  lui  r(|uipa;;i', 
pas  (nome  une  maison  do  campagne,  —  oommo  disent 
les  lialelouis  on  parlant  de  la  i'aiblo  somme  de  ciiiq 
cenliincs.  Cependant,  il  ne  faut  pas  non  |)lus  oracher 
sur  ce  capital.  —  Vingt-cinq  francs,  c'est  tout  si  l'on 
veut,  et  si  l'on  ne  veut  pas,  ce  n'est  rien. 

Vingt-cinq  francs,  c'est  un  louis  plus  onze  suis  (vieux 

siyli;). 

Vingt-cinq  francs,  c'est  un  Tiapi)l('iin:uif:iru'iito  de  ce 
que  le  vulgaire  appelle  un  ti(j}-e  àciiu/  yriffcs. 

Cela  représente  vingt-cinq  bulles,  au  point  de  vue 
populaire.  Il  y  a  même  quelques-unes  de  ces  dernières  à 
recevoir  en  |)lus,  par  les  représentants,  dans  les  émoules 
ou  ailleurs, — cola  s'est  vu. 

Et  pourtant  vingt-ciiui  '''ancs,  ce  n'osl  ]ias  wuw  plus 
le  Pérou,  ce  n'est  même  qu'une  légère  IVactiun  des  ri- 
chesses minières  de  la  Californie. 

Su|)posez  seulement  que  vous  vous  réveillez  nanti 
d'un  semblable  capital  ;  —  qu'en  ferez-vousV 

Il  y  en  a  qui  disent  :  Je  n'en  serais  pas  embarrassé  ; 
j'irais  d'abord  déjeuner  à  Torloni. 


—  MnMiilu'.' 

—  Ijisuile  je  prendrais  un  cabriolet  cl  j'irais  faire 
deux  ou  trois  visites. 

—  Après? 

—  A|nès,  c'est-à-dire  avant,  je  sentirai»  le  besoin  de 
qMel(|iicscigarrcs  à  vingt-cinq  centimes  (vraie  régie). 

—  VX  puis? 

—  Je  m'accorderais  un  tciii|is  m(jral  jiour  me  faire 
coiiïi'i'  et  pour  faii'e  ma  cour  aux  damejj. 

—  l'inlin  ï 

—  Je  me  rendrais  à  l'Assemblée  vers  une  heure, 
dans  le  cas  où  la  séance  présenterait  de  l'inlérot;  si 
non  j'iiais  lire  les  journaux  et  prendre  un  grog  au  café 
d'Orsay. 

—  Je  vous  permets  encore  une  partie  de  billard,  et 
vous  allez  voir  que  vous  venez  de  dépenser  au  moins 
dix  francs, 

—  A  peu  ]irès. 

—  I'.emar(iue7,  que  nous  ne  comptons  ici  ni  le  loge- 
mont,  ni  le  costume,  ni  les  menues  dépenses  qui  s'y 
rapportent,  et  qu'il  n'est  pas  injuste  d'évaluer  à  envi- 
ron cinq  francs,  — surtout  pour  un  provincial  qui  gé- 


Route  de  Bjurges 


196 


REVUE  COMIQUE 


néralement  luibito  un  hùtol  et  prend  un  tailleur  à 
douze  mois  de  crédit. 

11  reste  dix   francs   encore  à  employer  pour  la 

soirée. 

Vous  ne  comptez  pas  la  buvette? 

On  pourrait  à  la  rigueur  se  contenter  du  verre 

d'eau  sucrée  de  la  tribune,  —  dontl'atlrait  pousse  quel- 
quefois des  représentants  économes  à  demander  la  pa- 
role;—  mais  un  consommé,  un  verre  de  bordeaux  ne 
nuisent  pas  à  Téloquence;  consacrons-y  deux  francs  en 
moyenne  ;  il  nous  reste  encore  huit  francs. 

—  Nous  n'avons  compté  jusqu'ici  ni  les  ports  de 
lettres,  ni  les  quêtes'? 

—  Ajoutons  un  franc  cinquante. 

—  Où  dinez-vous? 

—  Je  m'abstiendrai  prudemment  de  Yéry,  j'irai  dîner 
chez  Lucas,  ou  chez  la  mère  Morel. 

Vous  commencez  à  vous  modérer  ;  mais  il  est  dif- 

licile  d'y  dépenser  moins  de  trois  francs. 

—  Vous  prendrez  bien  votre  demi-tasse. 

—  Soixante-cinq  centimes. 

—  Je  ne  songe  plus  à  compter  les  voitures  ou  omni- 
bus, qui  dans  les  mauvais  temps  vous  seraient  néces- 
saires pour  regagner,  en  sortant  de  l'Assemblée,  des 
quartiers  plus  civilisés.  Mais  que  ferez-vous  le  soir? 
Irez-vous  dans  le  monde? 

—  Selon  les  circonstances.  J'v  regarderais  à  deux 


fois,  sans  doute,  pour  prendre  une  voiture  et  acheter 
une  paire  de  gants. 

—  Nous  n'avons  point  parlé  du  chapitre  des  pas- 
sions. 

—  N'en  parlons  jamais  ! 

—  Et  que  vous  reste-t-il  pour  aller  au  spectacle, 
pour  jouer  au  lansquenet  ou  même  au  wlnst,  pour 
acheter  des  livres,  pour  encourager  les  arts?... 

—  Kien  !  rien  !  rien  ! 

—  11  ne  vous  reste  pas  même  de  quoi  donner  cin- 
quante centimes  à  votre  concierge  si  vous  rentrez 
après  minuit.  Surtout  n'ayez  pas  de  famille  ;  ceux  qui 
sont  dans  ce  cas  ne  se  livrent  pas,  certes,  aux  dépenses 
bourgeoises  que  nous  venons  d'énnmérer.  —  Ils  dî- 
nent chez  Katcombe  ou  chez  les  rôtisseurs  de  ia  rue 
du  Route  ;  ils  fument  des  bouts-coupés  et  vont  prendre 
leur  demi-tasse  au  café  Momus.  Ils  ne  portent  ni  drops 
fins  ni  bottes  vernies;  on  en  connaît  même  qui  portent 
des  sabots.  Comptez  maintenant  les  séances,  les  com- 
missions, les  réunions,  les  rapports...  Croyez-vous  que 
chacun  d'eux  ne  gagnerait  pas  plus  à  faire  un  autre 
état  ou  à  continuer  celui  qu'il  a  quitté? 

—  Allons!  je  renonce  à  la  perspective  des  vingt- 
cinq  francs  représentatifs  ;  —  je  pars  pour  la  Califor- 
nie, oii  chaque  travailleur  gagne  par  jour  quatre-vingts 
dollars. 

—  Allez  ,  et  ne  revenez  plus  ! 


VOYAGE  EN  EUROPE. 


En  ce  moment  on  vote  en  Prusse,  on  vote  en  Pié- 
mont, on  voteàRome.  Depuis  Février.chaque  peuple, 
à  son  tour,  dresse  des  hustings,  et  se  donne  le  diver- 
tissement du  poU  et  du  ballot.  Après  l'un  vient  l'autre  ; 
il  en  est  même  qui  répètent  le  morceau.  Voilà  le  scru- 
tin installé  en  permanence  en  Europe.  Ce  serait  le  cas 
d'appliquer  en  grand  l'invention  de  l'urne  roulante 
que  chacun  voulait  promener  en  poste  à  travers  les 
trente-six  mille  communes  de  France. 

Devant  les  chances  aléatoires  de  ces  dés  jetés  à  la  fois 
d'un  coin  à  l'autre  du  tapis,  on  comprend  que  la  poli- 
tique devient  plus  que  jamais  un  calcul  de  probabili- 
tés. Autrefois  on  pouvait,  jusqu'à  un  certain  point, 
conjecturer  et  dire  •  La  reine  Anne  est  jalouse  de  la 
duchesse  de  Marlborough,  nous  aurons  la  paix  ;  le  roi 
de  Prusse  a  fait  une  épigraïunie  sur  madame  de  Poni- 
padour,  nous  aurons  la  guerre.  Mais  à  présent  il  faut 
vivre  au  jour  le  jour,  attendre,  en  se  croisant  les  bras, 
ce  qui  sortira  de  l'urne  aux  mystères.  La  solution  des 
affaires  est  une  question  de  loto. 

La  plus  grave  en  ce  moment,  la  paix  et  l'avenir  du 
monde,  est  entre  les  mains  de  M.M.  les  électeurs  de  la 
Savoie  et  du  Piémont  :  M .  Gioberti  aura-t-il  une  chambre 
démocratique,  ou  bien  les  codini  (perruques,  ganaches, 
marquisde  Carabas),  seront-ils  en  majorité?  Tliast  in  tlw 
question.  Dans  le  premier  cas,  S.  M.  Charles-Albert  en- 


fourche son  cheval  et  s'en  va-t'en  guerre,  et  alors 

gare  à  Radetzki  !  Dans  la  seconde  hypothèse,  chacun 
reste  tranquillement  chez  soi,  sauf  le  belliqueux  abbé, 
qui  déménagerait  en  secouant  la  poussière  de  ses  squ- 
liers  et  prophétisant  contre  Israël. 

On  prétend  néanmoins,  mais  ce  sont  certainement 
des  jésuites,  des  codini  qui  répandent  ce  bruit,  que 
depuis  qu'il  est  entré  aux  affaires,  à  grand  bruit  de  fan- 
fares et  de  trompettes  guerrières,  M.  Gioberti  s'est 
aperçu  bien  vite  qu'on  ne  fait  pas,  à  beaucoup  près,  la 
guerre  aussi  facilemtnt  qu'on  le  dit  à  la  tribune  ou 
qu'on  l'écrit  dans  des  livres  ;  il  se  serait  même  con- 
vaincu de  l'impossibilité  absolue  oii  se  trouve  le  Pié- 
mont de  luttera  lui  tout  seul  contre  la  bonne  armée 
de  Radetzki.  Grand  embarras  pour  le  nouveau  mi- 
nistre. Comment  se  dédire,  lui  qui  était  venu  tout  ex- 
piés pour  sonner  le  boule-selle?  Un  seul  moyen  res- 
tait: il  a  dissous  la  chambre  et  travaillé  de  toutes  ses 
forces  les  élections  pour   faire  arriver  une  majorité 

de libéraux,  allez-vous  dire?  Non  .  de  rétrogrades 

(|ui,  en  refusant  au  cabinet  de  s'associer  à  sa  politique 
belliqueuse,  lui  fourniraient  le  moyen  de  sortir  de  l'im- 
passe où  il  s'est  fourvoyé,  de  sauver  sa  popularité  et  de 
tonner  de  nouveau  dans  l'opposition  contre  les  codini. 
Pour  un  ennemi  des  jésuites,  que  vous  en  semble? 
Cette  invention-là  sent  un  peu  son  casuiste. 


A  L'USAGE  DES  CENS  SÉRIEUX. 


197 


A  Koiiic,  rcdiicalioii  oiicore  arriérde  des  électeurs  se 
fait  par  les  grands  moyi'iis.  Mst-il  une  situation  plus 
ciili(iue  que  celle  do  ces  niulheureux  ciccroni,  ténor, 
et  marchands  de  nuisaï(|nes,  qui,  avec  les  Iransleverius, 
ci>ni[)usent  la  |)(i[)iiIalion(le  la  ville  éliMuelle?  D'un  coté, 
le  |)a[ie  leur  dclend  de  voler,  sous  peine  d'exconimuni- 
calion  ;  de  Taulre,  M.  Sterhini,  une  manière  de  Rienzi, 
puële,  journaliste,  dictateur,  qui  ne  sort  jamais  qu'équipé 
en  Fm  Diavulo,  M.  Sterhini,  disent  les  amis  du  pa|)e, 
leur  met  le  pistolet  sur  la  gorge  et  les  menace  de  la 
mort  s'ils  ne  vont  déposer  leur  houle.  Entre  la  vie  de 
l'âme  et  la  vie  du  coi'ps,  pas  de  milieu,  il  faut  choisir. 
Alternative  emharrassante  !  Plus  d'un  de  ces  électeurss 
malgré  lui,  et  en  cela  je  l'approuve,  voudrait  hien  s'en 
aller.  \\  est  à  Laricia,  et  sur  les  liords  paisihies  du  lim- 
piiie  lac  du  Nemi,  tant  de  recoins  silencieux  où  il  se- 
rait doux  de  humer  les  lièdes  rayons  de  février  à  l'abri 
de  l'âpre  hise  de  l'Apennin  et  des  proclamations  désa- 
gréables de  messieurs  du  Cercle  populaire  !  La  politique 
a-t-elle  été  inventée  pour  ces  pays  du  soleil  et  du  far 
nientel  Que  ne  la  laissent-ils  à  nous  autres  infortu- 
nés, qui  pour  nous  dédonmiager  de  l'affreux  gâchis 
auquel  le  ciel  nouscondamne  pendant  six  mois,  avonsdû 
inventer  les  omnibus,  les  socs  articulés,  les  calorifères, 
les  revues,  les  prises  d'armes,  les  factions,  les'patrouil- 
les,  les  arrestations,  les  proclamations  et  antres  récréa- 
tions protilabies  ,    dit-on,    au   gouvcrnemcnt-Barrol. 

En  Allemagne,  on  a  compliqué  la  chose.  L'esprit  alle- 
mand n'aime  pas  les  voies  droites  et  les  procédés  sim- 


ples. S.  M.  Frdddric  Guillaume  a  octroyé  à  ses  ornés 
sujets  le  vote  à  deux  degrés.  Grand  triomphe  pour  l'abbé 
de  Genoude.  O'est  un  roi  quelque  peu  bizarre,  que  ce 
roi  Guillaume.  Ne  voilà-t-il  pas  qu'il  l'emercie  de  tou- 
tes ses  forces  l'assenitilée  de  Francfort,  et  s'excuse  de  ne 
point  accepter  la  couronne  impériale  que  celle-ci  était 
disposée  à  lui  offrir  ?  Après  cela,  il  a  peut-être  des  rai- 
sons particulières.  Et  M.  de  Gagern,  qui  avait  brûlé 
ses  vaisseaux  pour  le  monarque  inconstant?  et  l'unité 
allemande?  L'unité  allemande,  ma  foi,  nous  en  voici 
hien  loin  aujourd'hui.  Elle  est  allée  où  sont  les  neiges 
d'Autan,  où  sont  allées  tant  de  choses  depuis  dix  mois, 
en  Allemagne  et  ailleurs. 

Aujourd'hui,  l'Autriche  est  maîtresse  de  la  Hongrie, 
maîtresse  de  la  Lombardie  ;  comment  parlera-t-elle  à 
ce  fameux  congrès  de  Bruxelles?  Derrière  elle,  l'em- 
pereur de  Russie  se  donnerait  les  airs  de  ne  demander 
que  horions  à  donner  et  à  recevoir  ;  c'est  son  métier 
d'autocrate  et  de  Scythe.  D'autre  part,  la  politique 
des  whigs  court  grand  risque  d'être  culbutée  dès  les 
premiers  jours  de  la  session  du  parlement.  Nous  ver- 
rons peut-être  avant  peu  arriver  les  torys  ;  combien 
espèrent  voir,  à  la  première  fonte  des  neiges,  pour 
l'anniversaire  de  la  République,  torys.  Moujiks  et  Kai- 
scrliks  se  donnant  la  main,  organiser  une  ronde  de  mai 
fâcheuse  autour  de  l'arbre  de  la  liberté. 

Qui  eût  dit  cela  il  y  a  dix  mois,  quand  nous  l'avons 
planté?  Heureusement  qu'il  en  a  vu  bien  d'autres 
sans  succomber. 


Deux  insectes  hideux  oubliant  leur  proie  pour  s'entiedévorer. 


198 


REVUE  COMIQUE 


AVIS  Al'X  JOURNAUX  liSDÉ PENDANTS. 

On  proie  au  gaiivenieinont,  et,  mallieiirou-eiiunit,  c'est  par  (-luehiues-uus  Je  ses  uiius  et  de  ses  délonseurs 
iiièine  que  le  bniit  se  serait  éventé,  un  projet  lelleineiit  monstrueux,  que  nous  le  répétons  pour  mettre  le  gou- 
vernement en  étal  de  le  désavouer. 

La  démonstration  de  lundi  n'aurait  été  qu'une  ré|iétition  :  Paris  verrait  la  pièce  même  se  jouer  au  premier 
jour.  La  ville  tout  entière  serait  occupée  militairement  et  silencieusement  pendant  la  nuit.  Los  départements, 
avertis  la  veille,  et  sous  le  prétexte  qu'une  révolution  aurait  éclaté  à  Paris,  seraient  appelés  dans  cette  ville. 
Deux  mille  arrestations,  comprenant  en  tète  les  noms  des  chefs  les  plus  honorables  du  parti  républicain  modéré, 
les  anciens  membres  du  gouvernement  et  Je  l'adminislralion  du  général  Cavaignac,  les  écrivains  les  plus  dé- 
voués au  principe  républicain,  etc. ,  etc.  ,  auraient  lieu  à  la  faveur  des  ténèbres. 

Si  nous  ne  tenions  cet  avertissement  de  personnes  honorables  et  convaincues,  s'il  n'était  plus  utile  au 
pouvoir  actuel  qu'au  pouvoir  passé,  à  l'ordre,  à  la  société,  plus  encore  qu'à  la  République  elle-même,  qu'un 
pareil  bruit  soit  promptement,  nettement  et  énergiquemeut  démenti,  nous  nous  serions  abstenus  de  nous  en 
faire  l'écho.— Nous  devons  à  la  vérité  de  déclarer  qu'on  nous  a  assuré  que  quelques  membres  du  gouvernement, 
et  notamment  M.  Rarrot,  n'étaient  pas  dans  le  secret  de  ce  plan  insensé. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


Nous  ne  sommes  pas  légitimistes,  il  s'en  faut  de  tout. 
Nous  n'avons  jamais  cru  qu'il  pût  s'ensuivre,  de  ce 
qu'Henri  IV  est  achevai  sur  le  pont  Neuf,  que  Henri  V 
fût  indispensable  à  la  France  ;  mais  nous  croyons  pour- 
tant qu'il  y  a  de  braves  gens  dans  ce  parti  comme  dans 
tout  autre.  —  Or,  comment  les  braves  gens  de  ce  parti 
s'expliquent-ils  l'alliance  de  MM.  Rerryer,  Tliiers  et 
Rugeaud'? 

Celte  alliance  monstrueuse  ne  les  révolte-l-elle  pas'.' 
Quoi!  le  duc  de  Rordeaiix  accepterait  le  concours  de 
l'homme  d'État  qui  a  déshonoré  sa  mère,  et  du  général 
qui  s'est  fait  son  geôlier!  —  Mais  si  cela  était,  ce  serait 
tout  bonnement  ignoble.  — 11  n'est  pas  de  simple  ci- 
toyen, il  n'est  pas  de  bourgeois,  il  n'est  pas  de  famille  de 
domestiques  où  un  pareil  fait  puisse  s'acccomplir  sans 
soulever  le  mépris  des  voisins,  du  quartier,  de  la  ville 
ou  du  village  ;  et  ce  seraient  des  gens  qui  se  piquent 
d'être  des  chevaliers  qui  donneraient  de  pareils  exem- 
ples ;  nous  n'y  voulons  pas  croire,  nous  aimons  mieux 
penser,  ou  que  M.  Rerryer  et  M.  Thiers  se  trompent 
l'un  l'autre,  ou  qu'ils  seront,  à  la  première  occasion, 
désavoués  par  leur  parti. 

Que  ceux  qui  croient  possible  l'union  de  ces  riv  aux 
y  pensent  donc;  d'accord  la  veille,  ils  ne  peuvent  être 
qu'ennemis  et  ennemis  acharnés  le  lendemain.  —  De- 
fiez-vous  de  ces  trompeuses  transactions.— Chacune  des 
parties  a  dans  sa  poche  une  contre-lettre  frauduleuse, 
qui  les  annulera  dès  que  leur  but,  qui  es!  de  vous 
tromper  d'abord,  sera  rempli. 

—  Il  y  a  plus  d'une  manière  de  faire  parler  de  soi. 
H  y  en  a  au  moins  deux  :  la  bonne  et  la  mauvaise. 

Pour  l'une,  il  faut  faire  une  belle  action  devant  lé- 
moins,  pour  l'autre,  une  sottise  éclatante. 

Érostrate  est  aussi  célèbre  qu'Alexandre  le  Crand.  H 


dépend  de  M.  Râteau  de  se  croire  un  aussi  grand  por- 
soiinuge  que  cet  illustre  incendiaire,  et  pourtant  il  n'est 
à  la  proposition  qui  porte  son  nom  que  ce  qu'est  un 
simple  artilleur  à  la  poudre  contenue  dans  un  canon, 
un  porle-mèclie. 

—  On  assure  que  M.  Denjoy  est  pour  quelque  chose 
dans  la  rédaction  du  fameux  Courrier  de  la  Gironde. 
M.  Denjoy  serait  resté  toute  sa  vie  à  l'élal  de  violette 
parlementaire  s'il  ne  lui  fût  arrivé  de  monter  un  jour  à 
la  tribune  et  d'y  demeurer  crânement  envers  et  contre 
tous.  Depuis  cette  époque,  M.  Denjoy  ne  se  fait  pas 
faute  d'interruptions  ;  il  est  clair  qu'il  brûle  de  donner 
une  seconde  représentation  d'une  scène  qui  lui  a  réussi, 
et  de  déployer  de  nouveau  son  invincible  courage. 

Ce  courage  est  fort  louable,  assurément,  mais  il  ne 
saurait  tenir  lieu  de  tout,  et  si  M.  Denjoy  est  vraiment 
l'auteur  de  certains  articles  du  Courrier  de  la  Gi- 
ronde, où  il  maltraite  un  peu  plus  que  le  bon  goût 
ne  le  permet  ses  collègues  de  l'Asseniblée,  il  ferait  bien 
de  les  signer. 

— S.  M.  la  reine  d'Angleterre  mit,  il  y  a  peu  de  jours, 
avant-hier,  si  nous  sommes  bien  renseignés,  le  nez,  son 
nez  royal  et  retroussé,  dans  un  journal  français. 

—  Qu'est-ce  que  c'esl  que  ce  M.  Râteau,  dont  le  nom 
est  partout,  dit-elle  aux  personnes  qui  l'entouraient. 

—  C'esl  un  représentant  du  peuple,  lui  répondit-on. 

—  Ils  sont  neuf  cents  ;  vou  s  ne  m'apprenez  rien,  le- 
prit  Sa  Majesté  ;  dites-moi  ce  que  ce  Français  a  lait  pour 
que  tout  le  inonde  parle  de  lui;  c'est  sans  doule  un 
homme  important  dans  son  [lays,  le  Robert  Peel  ou  le 
Rqssel  de  son  [larti? 

Et  comme  chacun  se  regai'dait  sans  répondre,  bien 
empêché  de  dire  ce  que  pouvait  être  un  inconnu  si 


Voici  Fresneaii  le  rojallste; 

(  Que  sainl  Falloiix  toujours  l'assijte!  ) 

Dd  l'église  légitimiste 

C'est  le  premier  enfant  de  chœur. 

Aux  succès  de  tribune  il  \i>e; 

Mais  il  prouve,  quoi  qu'on  en  dise, 

Par  les  discours  qu'il  improvise, 

Plus  de  mémoire  que  de  caur. 


Dessiné  par  Faeritzics 


Gravé  par  Lovts. 


200 


REVUE  COMIQUE 


illustre,  une  Française  un  peu  étourdie,  qui  avait  eu 
l'honneur  dï'tre  présentée  à  la  reine,  étant  interpellée 
à  son  tour  :  «  M.  Râteau  n'est  rien  du  tout,  dit-elle; 
il  est  le  mari  de  sa  proposition.  » 

On  assure  que  le  prince  Albert  cul  l'espiit  d'ac- 
cueillir en  souriant  cette  véridique  e\plicalion. 

Je  veux  vous  dire  ma  pensée  tout  entière,  s'é- 
criait le  lu-ave  petit  M.  Fresneau  l'autre  jour  à  la  tri- 
bune de  l'Assemblée  nationale  :  «  Si  l'élection  du 
m  décembreeùt  tourné  diiréremment,  nousaurions  eu 
d'autres  difficultés,  mais  ce  ne  seraient  pas  les  mêmes.» 

M.  de  La  Palisse  a  déjà  dit  ça,  lui  répondit-on  de 
tous  côtés. 

Le  petit  Fresneau,  disait  un  représentant,  est  le 

troisième  ténor  de  la  réaction  ;  le  jeune  M.  Bérard  en 
est  la  quatrième  basse. 

—  Un  représentant  du  peuple  faisant  allusion  à  la 
roideur,  au  sec,  au  croquant  de  la  tenue  de  l'ex-enfant 
prodige  de  la  réaction,  M.  Fresneau  déjà  nommé, 
a  Notre  petit  collègue,  disait-il,  a  toujours  l'air  d'être 
tombé  dans  une  poêle  à  frire.  » 

—  M.  Chambùllc,  rédacteur  en  chef  du  Siècle  et 
membre  de  l'Assemblée  nationale,  est  à  coup  sûr  l'un 
des  écrivains  dont  la  presse  peut  le  plus  justement  s'ho- 
norer. Il  n'a  qu'un  défaut,  défaut  d'honnête  homme 
d'ailleurs  :  il  est  crédule. 

Où  a-t-il  vu  SU7-  quelques  points,  dans  la  rue,  les 
partis  tout  frémissants?  Où  a-t-il  vu  l'ènotion  ex- 
traordinaire de  Paris,  le  jour  de  la  discussion  de  la 
proposition  Râteau,  ou  plutôt,  comment  n'd-t-il  pas 
vu  que  cette  émotion,  si  elle  a  existé,  n'avait  qu'une 
cause,  le  déploiement  imprudent,  téméraire,  coupable 
peut-être,  des  forces,  qui  ont  été  jetées  dans  Paris 
sans  raisons  suffisantes? 

Nous  soumettons  à  la  bonne  foi  de  M.  Chauibolle 
cette  proposition  :  —  «  Si  le  gouvernement  envoyait 
demain  matin  cinquante  mille  hommes  dans  la  ville  de 
Pontoise  ;  s'il  y  ajoutait  soixante  canons,  croit-il  que  les 
paisibles  habitants  de  cette  ville  ne  se  rassembleraient 
pas  sur  les  places  et  dans  les  rues  pour  se  demander 
de  quoi  il  s'agit?  »  —  Ces  rassemblements,  si  légiti- 
mes, pourraient-ils  justifier  un  fait  dont  ils  ne  seraient 
que  les  conséquences;  l'honnête  ville  de  Pontoise  serait- 
elle  pour  cela  un  foyer  d'anarchie?  M.  Chambolle  a 
pris  l'effet  pour  la  cause. 

—  Si  M.  Barrot  est  un  honnête  honune,  s'il  a  cédé 
à  une  panique  quand  il  a  couvert  de  troupes  Paris  tout 
entier,  et  retardé  ainsi  toutes  les  transactions  commer- 
ciales, qu'il  ait  la  probité  d'en  convenir.  —  Mais  qu'il 
recule  devant  l'idée  de  chercher  des  coupables  et  d'en 
inventer  au  besoin,  pour  expliquer  ce  qui  n'est  qu'une 


faute  encore,  ce  qui  serait  un  crime,  si  des  innocents 

devaient  en  i>orter  la  peine. 

Ce   ipii    prouve  que  le  gouvernement  était  de 

bunuc  foi  quand  il  a  cru  à  un  complot,  c'est,  disait 
une  dame  amie  de  madame  Léon  Faucher,  que  ma- 
dame Faucher  a  passé  la  nuit  tout  entière  au  ministère 
à  travailler  avec  son  mari. —  Madame  Faucher  serait- 
elle  le  chef  de  cabinet  de  M.  le  ministre  de  l'intérieur? 

—  M.  Favreest  un  ambitieux,  disait  lundi,  dans  un 
groupe  à  la  salle  des  Pas-Perdus,  un  de  ses  collègues 
qu'irritaient  les  éloges  qu'on  donnait  à  l'excellent  dis- 
cours qu'il  venait  de  prononcer. 

«  Ambitieux  !  lui  répondit  un  autre  représentant  ; 
ce  n'est  guère  croyable  :  M.  Favre  a  été  sous-secrétaire 
d'État  de  l'intérieur  ;  il  a  donné  sa  démission.  11  a  été 
sous-secrétaire  d'État  aux  affaires  étrangères  ;  il  a 
donné  sa  démission  au  bout  de  quinze  jours.  11  a  pu 
être  ministre,  il  a  refusé;  il  a  pu  obtenir  dans  la  ma- 
gistrature des  positions  éminentes,  il  a  voulu  rester 
simple  représentant. 

—  C'est  égal,  repartit  M.  B...  ,  c'est  un  ambitieux. 

—  Je  savais  bien,  dit  M.  T... ,  qu'il  y  a  beaucoup 
de  mulets  en  France  ;  mais  j'ignorais  qu'ils  eussent 
parmi  nous  un  représentant  aussi  semblable  à  eux- 
mêmes.  B 

—  MM.  les  représentants  ne  se  sont  jamais  fait  faute 
d  ,iM  r  galamment  des  cartes  d'entrée  qui  sont  mises  à 
leur  disposition  par  la  questure.  Toutes  ces '.cartes  ne 
sont  pas  distribuées  à  des  mères  de  famille;  quelques- 
unes  vont  s'égarer  avec  une  certaine  régularité  entre 
les  mains  de  quelques  actrices,  qui  pourraient  bien 
avvir  des  droits  sur  l'Assemblée  nationale. 

«  Pour  que  M.  Marrast  se  contente  de  l'excuse  que 
lui  donne  M.  Changarnier,  qu'il  n'a  pas  voulu  trou- 
bler son  sommeil,  disait  mademoiselle  N...,  placée 
devant  nous  le  jour  où  cette  fameuse  explication  fut 
donnée  par  le  marquis-président,  il  faut  que  M.  Mar- 
rast... n'ait  pas  couché  chez  lui  !  » 

Avis   aux  représentants  :    «M.  Marrast  n'étant 

qu'un  président  de  jour,  nous  leur  conseillons  de  pro- 
céder à  l'élection  d'un  président  de  nuit.  » 

Nous  engageons  M.  le  ministre  de  l'intérieur  à 

prendre  un  rédacteur  moins  candide  pour  les  faits 
communiqués  dont  il  inonde  le  Moniteur  et  la  Pairie. 
Un  gouvernement  ne  parle  pas  comme  le  premier 
venu;  il  ne  doit  pas  répondre  à  tout,  comme  un  en- 
fant vaniteux  et  indocile  ;  son  langage  doit  être  digne, 
et  surtout  laconique.  Qui  croira,  avec  l'article  com- 
muniqué de  la  Patrie,  du  30  de  ce  mois,  que  la  foule 
criait  au  président  de  la  République  :  «Vous  pouvez 
compter  sur  nous  ;  courage!  nous  vous  soutiendrons.» 


A  L'USACR  DKS  C.mS  SIÎFIIKHX. 


201 


Que  le  seiiliiiiciit  coiiIlmiii  dans  celle  ]iliruse  ait  été 
dans  le  eœiir  de  la  foule,  nous  le  souhaitons;  mais 
l'st-ie  ainsi,  est-ie  par  des  phrases  tcut  entières  que  se 
traduit  l'adliésiiin  du  peu[)ie  dans  la  rue?  Ce  qui  nous 
porterait  à  croire  que  l'auteur  ingénu  de  cette  note  a 
été  mal  informé,  c'est  iju'il  nie(]iron  ait  crié  :  Abasle 
ministère '.Or,  ce  cri  a  été  proféré,  non  accidentellement, 
mais  sur  tous  les  |)oinls.  L'anleur  de  ces  quelques  li- 
gnes en  sait  queli|ue  chose;  il  l'a  crié  pour  sa  part 
avec  un  grand  nombre  de  gardes  nationaux  de  sa  lé- 
gion, ainsi  que  celui  de  vive  le  président  I  vive  la  Ré- 
publique !  " 

lùicoie  un  peu,  et  la  l'atrii;  de  M.  Delainarie  et  de 
M.  Faucher  nous  racontera  que  la  foule  a  crié  vive 
Faucher!  vive  le  ministère! 

—  Vive  le  ministère!  Kntre  nous,  c'est  un  cri  qui 
n'a  encore  enroué  personne  en  France. 

—  Nous  signalons  à  l'iiidignalion  dts  honnêtes  gens 
de  tous  les  partis  un  article  de  la  Gazette  des  Tribu- 
naux, reproduit  imprudemment  par  plusieurs  jour- 
naux. Quel  est  l'auteur  de  cet  article?  Est-ce  M.  Baro- 
che?  est-ce  M.  Faucher?  est-ce  un  juge  d'instruction 
inliJc'le,  ou  tout  au  moins  indiscret? 

Si  cet  article  émane  du  gouvernement,  pourquoi  cette 
forme  dubitative?  C'est  trop|ou  trop  peu  :  ces  pièces 
que  vous  citez,  et  qui  ne  prouvent  rien,  si  ce  n'est  ce 
([ue  chacun  sait,  c'est  qu'il  y  a  des  partis  en  France  qui 
rêvent  des  folies  :  elles  existent  ou  n'existent  pas.  Ce 
n'est  pas  sur  des  on  dit  que  les  textes  que  vous  donnez 
vous  sont  venus;  c'est  une  main  qui  veus  les  a  livrés. 
Quelle  est  cette  main?  Quelle  qu'elle  soit,  elle  est  cou- 
pable si  ce  n'est  pas  la  vôtre  ;  si  c'est  la  votre,  pour- 
quoi se  cache-t-elle? 

Le    gouvernement   est    engngé  ,  dites-vous;   il    ne 


peut  pas  reculer  :  il  faut  à  M.  Léon  Faucher  des  cou- 
pables, sinon  il  est  déshonoré. 

C'est  précisément  cette  alternative  qui  nous  effraie  ; 
elle  nous  effraie  et  pour  le  |)rincipe  d'autorité  que  nous 
voudrions  respecter,  et  pour  les  malheureux  qui  |)ayenl 
cher  imc  démonstration  absurde  qu'on  voudra  justifier 
à  tout  prix.  —  Ainsi  on  assure  que  M.  Forestier  est 
rclikhé.  Si  cela  est,  comment  appelez-vous  l'acte  de 
folie  qui   l'a  fait  arrêter? 

La  prévention,  vous  .l'admirez!  Si  on  vous  l'avait 
appliquée,  si  on  l'appliquait  à  tout  ce  qui  rêve  des  révo- 
lutions, où  seriez-vons,  MM.Thiers,  Herryer  et  autres? 

—  On  lit  dans  tous  les  journaux  : 

«  Hier,  à  trois  heures,  les  portraits  du  duc  et  de  la 
duchesse  de  Bordeaux  ont  été  saisis  et  enlevés  du  do- 

j   micile  de  M.  Pérignon,  peintre  d'histoire.» 

11  est  heureux   que  la  lievue  comique,  en  copiant 

j  avec  fidélité  les   deux  portraits  incriminés,  ait  laissé 

I  nue  ressource  àla  dévotion  de  messieurs  les  légitimistes. 

1   Les  hureaux  de  la  lievue  comique  sont  ouverts.    La 
procession  commencera  quand  on  voudra.   11  faudrait 

;   n'avoir  pas  six  sous  dans  ses  poches  pour  se  refuser  lasa- 
lisrartion  de  voir  et  d'emporter  l'image  de  nos  proscrits. 

—  Si  le  général  Chaiigarnier  est  un  militaire  sé- 
rieuï,  et  nous  n'avons  aucune  raison  d'en  douter 
quelle  ne  doit  pas  être  sa  confusion  devant  les  éloges 
qui  sont  donnés  par  MM.  Véron  et  Mcrruault  à  ce  qu'ils 
appellent  son  admirable  stratégie  préventive.  —  Des 
lauriers  préventifs!  Voilà  ce  qu'invente  le  Constitu- 
tionnel pour  le  général  de  son  choix.  —  C'est  sans 
doute  dans  le  laboratoire  du  pharmacien  Véron  que 
M.  Merruault,  son  premier  commis,  a  découvert  cette 
plante  nouvelle. 


Conclusion  de  la 


Ce  ministre  du  lendemain, 
Des  préfets  réfornianl  les  lisle?, 
Srme  des  af;enls  royalistes 
Sur  notre  sol  répul)li('ain. 
Mais,  n'importe!  point  de  murmure 
Jusqu'au  bout  laissons-le  marclier. 
Lorsque  la  moisson  sera  mûre 
Nous  recollerons  sans/anWicr. 


Desainé  par  Fabritzii;». 


Gravé  par  Baulant. 


■',  iwiur.i VAnn  nns  itaiikns. 


ilO  «•ciiniiicH  la  livriiiNon. 


R\  r.  niciiF.iiP.i',  'li. 


PÏJjlîiJ}^^ 


nditions  «le  la  Sonscrlplion.  —  Lfi  Revde  comique  formera  un  magnifique  volume,  gr^ind  in-8,  publié  en  SO  livraisons  à  50  centimes, 
parla  poste,  -40  cent.  On  souscrit  pour  10  livraisons.  Pour  les  départements,  envoyer  un  mandat  sur  la  poste  à  l'ordre  du  directeur  de  la 
Hevi  E.  —  Pour  tout  ce  qui   concerne  la  rédaction,  écrire   {franco)  à  M.  LinEux,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des  Italiens. 


DUMINEnAT.  EDITEUR,  KDE  RICHELIEU,  52. 


i  l""  Livraison. 


AVIS   AIX    JOrit^AlX    »K    PAIIIS    ET    UC«    DËPARTEnEÎV'l'S. 

Nous  aiilorisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  /tevue  comique,  à  la  coiuliliuii  : 
I"  De  citer  la  fievue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
2"  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  rcprodiiclion  au  tiers  des  matières  contenues  diuis  clia(|ut'  numéro. 


AVIS 

AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  XiA  REVUE  COMIQUE 

Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  décom|)léter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  robligation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  cette  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  celte  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  giavures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverlnre,  formant  la  dernièie  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  QUATORZIÈME  LIVRAISON. 

»  TEXTE, 

La  Semaine.  —  Violelles  parlementaires;  Esquisses  non  Politiques;  première  Violclle,  M.  Huré.  —  Deux  grands  Matamores 
—  L'Assemblée  et  le  Président.  —  La  Poule  aux  Œufs  d'Or.  —  Une  Visite  à  Bourges.  —  Les  Patrouilles  avec  Canon.  — 
Lettre  d'un  Toleur  à  M.  de  Heckeren.  —  Choses  Quelconques. 


DESSINS. 
Deisinaleurs.  Grateurj. 


Ne  réveillez  pas  le  chat  qui  dort Bertall.        Midderigb. 

Les  budgets,  système  monarchique Bertall.        Jaliot. 

Les  budgets,  système  républicain Bertall.        Boudeville. 

Un  mauvais  bulletin Fabritzius.  Baulaot. 

Amende  honorable Fabritzius.  Boulant. 

Monument  à  Oiilon  Barrot Fabr.tiius.  Biiula:.!. 


Des-sinateurs.  Graveurs. 

L'œil  du  rnavichal  Bugi-aud    Fabritzius.  Gauchard. 

Le  premier  club  à  dissoudre Nadard.       Baulant. 

Pharmacie  conslttuiionnellc Nadard.      Moniigneul. 

Avis  officiel Bertall.         Midderigh. 

Dunin   Fabritzius.  Eaulant. 


POUR  PARAITBE   DANS  LES  PHOCBAINES  LIVRAISONS 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTURES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tentations  —  travestissements 
hypocrysies  —  passe-passe  —  perfidies  —  grande  culbute  de 

MOSIEU  RÉAG 

SUITE    DE    CAHICAICRES    PAR    >ADARD. 


Pirii.— Tirée  tut  pretMS  raécaniquei  de  LicniMPE  Tila  cl  Comp.,  me  Damielte,  i. 


LA  SEMAINE. 


Enfin,  le  bal  de  l'hôtel  de  ville  a  pu  avoir  lieu  ;  cette 
fois,  le  roulement  des  tambours  n'a  point  fait  contre- 
mander  les  toilettes.  M.  Léon  Faucher  n'a  point 
éprouvé  le  besoin  de  sauver  la  patrie,  et  Paris,  enfin, 
rassuré  et  confiant  d'ailleurs  dans  la  vigilance  du  mi- 
nistre de  l'intérieur,  a  pu  se  livrer  à  tous  les  plaisirs 
de  la  danse  aux  sons  joyeux  de  l'orchestre  municipal. 

M.  Léon  Faucher  ne  sait  point  quelles  colères  il  a 
amassées  sur  sa  tète  par  son  rappel  intempestif.  Ne 
pouvait-il,  disent  partout  les  femmes  du  monde,  sau- 
ver la  patrie  un  jour  plus  tard,  et  nous  laisser  danser? 
Les  bals  ne  sont  pas  déjà  si  nombreux  aujourd'hui 
qu'on  doive  nous  en  priver  sur  le  premier  prétexte 
venu  ;  mais  M.  Léon  Faucher  est  disposé  à  braver  tou- 
tes les  impopularités,  même  celle  du  beau  sexe.  Le  ga- 
lant et  pommadé  Changarnier,  son  partner  dans  la 
partie  jouée  lundi  dernier,  n'en  prendra  pas  peut-être 
si  aisément  son  parti.  11  est  si  dur  d'être  haï  des  belles 
quand  on  exhale  de  si  suaves  parfums  et  qu'on  porte 
une  si  belle  aigrette  de  paon  à  son  chapeau  ! 

On  a  remarqué  cependant  l'absence  du  ministre  de 
l'intérieur  au  bal  de  M.  Berger.  JL  Léon  Faucher  au- 
rait-il redouté  les  reproches  des  polkeuses?  aurait-il 
craint  qu'elles  ne  lui  fissent  expier,  par  une  valse 
poussée  jusqu'à  la  mort,  sa  conduite  plus  politique  que 
galante?  Aurait-il  reculé  devant  la  vengeance  desWillis 
de  la  finance,  du  barreau,  du  notariat  et  de  la  ban- 
que? Si  M.  Léon  Faucher  faiblit,  sur  quoi  reposera 
désormais  le  salut  de  la  société? 

Les  dames  parisiennes  attendent  avec  impatience 
que  le  président  de  la  République  donne  le  bal  qu'il 


a  juré.  Outre  l'abolition  de  l'impôt  des  45  centimes, 
l'anmistie,  la  diminution  de  l'armée,  etc.,  etc.,  les 
partisans  du  citoyen  Bonaparte,  comprenant  toute 
l'importance  de  l'appui  du  beau  sexe,  ont  promis  for- 
mellement qu'il  inaugurerait  sa  présidence  par  un  ma- 
gnifique bal.  Or,  jusqu'à  ce  jour,  aucune  invitation  n'a 
paru  avec  la  bienheureuse  formule  :  On  dansera  ;  et  le 
président  se  contente  de  donner  des  dîners. 

Or,  puisqu'il  en  donne,  il  est  forcé  d'en  recevoir,  et 
jusqu'à  présent  notre  président  ne  s'est  guère  montré 
qu'à  table.  On  dit  qu'il  y  fonctionne  très-bien,  et  les 
gastronomes  se  montrent  en  général  satisfaits  de  lui. 
Quoique  l'Empereurmangeàt  très-sobrement,  l'Empire 
fut  l'âge  d'or  de  la  gastronomie,  elles  vieilles  gloires  de 
cette  branche  de  l'art  proclament  avec  une  noble  fierté 
que  de  ce  côté  du  moins  le  neveu  n'a  point  hérité  des 
défauts  de  l'oncle.  C'est  consolant  pour  l'avenir  de  la 
cuisine  française. 

On  raconte  que  le  président  de  r.\ssemblée  nationale 
ayant  invité  à  dîner  le  président  de  la  République,  ce 
dernier  n'a  pas  cru  devoir  accepter  l'invitation  C'est 
un  outrage  fait  à  la  dignité  de  l'Assemblée,  disent  quel- 
ques personnes,  et  elle  ne  devrait  pas  tolérer  le  mépris 
que  l'on  fait  de  ses  fourneaux.  Hélas!  les  représentants 
tolèrent  des  choses  bien  plus  graves,  et  ils  auraient 
bien  tort  de  se  lâcher  pour  un  dîner  refusé.  D'ailleurs, 
si  l'on  en  croit  les  on  dit,  le  président  se  serait  excusé 
sans  façon  sur  ce  qu'il  avait  été  saisi  d'un  dérange- 
ment subit. 

Un  incident  qui  pouvait  avoir  les  suites  les  plus  ter- 
ribles a  assombri  un  instant  le  dernier  dîner  donné  par 


204 


REVUE  COMIQUE 


M.  Banot,  auquel  assistaient  le  président  de  l'Assem- 
blée nationale  et  le  président  de  la  Képuhiique  ;  la  maî- 
tresse de  la  maison  jugeant  avec  raison  que  la  place 
d'honneur  appartient  à  ces  hauts  dignitaires,  les  met 
un  à  sa  gauche,  l'autre  à  sa  droite.  Aussitôt  que  ce 
placement  ofliciel  est  connu,  on  entend  l'ambassadeur 
d'Kspagne  qui  murmure  au  milieu  d'un  groupe  de 
diplomates. 

—  Que  la  droite  à  coté  de  la  mailresse  de  la  maison 
appartienne  au  chef  de  TKtat,  au  Pouvoir  exécutif,  je 
l'admets  volouliers  ;  mais  je  ne  saurais  céder  le  pas  au 
Pouvoir  législatif,  l'étiquette  du   royaume  s'y  oppose. 

—  Mais  il  n'y  a  plus  de  royaume. 

—  Je  représente  une  puissance  alliée  dos  Bourbons. 

—  Il  n'y  a  plus  de  Bourbons. 

—  l.e  pacte  de  famille  m'assure  la  gauche. 

—  Il  n'y  a  plus  de  pacte  de  famille. 

—  Louis  XIV  l'a  réglé  ainsi. 

—  Louis  XIV  est  mort. 

Après  bien  des  pourparlers,  et  grâce  à  la  médiation 
officieuse  de  l'Angleterre,  l'Espagne  a  enliu  consenti 
à  s'asseoir  à  côté  du  pouvoir  législatif,  mais  pendant 
tout  le  repas  l'ambassadeur  n'a  cessé  de  gémir. 

—  Hélas,  disait-il  à  M.  Marrast,  quand  ma  souve- 
raine va  apprendre  que  j'ai  violé  le  pacle  de  fariiille, 
je  serai  destitué. 

—  Rassurez-vous,  lui  a  répondu  M.  Marrast,  la 
reine  d'Espagne  a  bien  autre  chose  dans  la  tète  que  le 
pacte  de  famille. 

—  Narvaëz  m'enverra  aux  présides. 

—  Nous  ne  le  souffrirons  pas. 

—  Et  s'il  demande  mon  e.xtradition'? 

—  Elle  ne  lui  sera  point  accordée. 

Prenez  garde  qu'il  ne  vous  déclare  la  guerre. 

—  Laissez  donc,  il  a  trop  à  faire  à  réprimer  les  li- 
béraux e-pagnols.  D'ailleurs  ,  notre  armée  n'est-elle 
pas  là"; 

L'ambassadeur,  grâce  à  la  fermeté  de  ce  langage,  a 
Uni  par  se  calmer.  Ou  assure  qu'il  était  entièrement 
rassuré  au  dessert;  cependant  il  n'attend  pas  sans  une 
certaine  impatience  la  prochaine  dépêche  de  Narvaèz. 
Si  la  guerre  universelle  allait  s'allumer  à  la  suite  d'un 
diner  de  M.  OdilonBarrot? 

Mais  toutes  ces  querelles  diploinalico  gastrunouu- 
ques  me  fout  oublier  un  plus  grave  événement.  Voici 
le  citoyen  Murât,  cx-dauphin  des  Deux  Siciles,  qui  de- 
mande à  intenter  une  action  à  l'État  en  restitution  de 
biens  appartenant  à  son  père.  Il  s'agit  tout  siuiplemeiit 
d'une  douzaine  de  millions,  ce  qui,  dans  ces  temps  de 
crise,  ne  Lisse  pas  de  faire  une  somme  assez  ronde. 
Vous  pensiz  peut-être  que  le  citoyen  .Minat  s'est 
adressé  aux  ti  ibuiiaux  mdinaires.  Le  tribunal  de  pre- 
mière instance  Cit  bon  pour  les  croquants,  les  prin- 
cus  du  sang  royal  ont  le  privilège  de  convertir  l'As- 


semblée en  chambre  de  droit  civil.  C'est  à  elle  (|iie  le 
dauphin  Mural  a  remis  la  connaissance  de  sou  procès. 
L'Assemblée  nationale  a  trop  le  respect  d'elle-même 
et  de  ceux  qui  l'ont^nommée  pour  ne'passe  déclarer  in- 
compétente; mais  comment  trouvez- vous  ce  fils  qui 
vient,  à  propos  d'une  question  d'argent,  réveiller  les  sou- 
venirs désastreux  de  la  conduite  de  son  père  lors  de  la 
chute  de  l'Empire!  La  France  ne  demandait  pas 
mieux  que  d'oublier  les  erreurs  d'un  des  lieutenants 
de  l'Empereur.  Ce  n'est  pas  sa  faute  si  on  les  lui  rap- 
pelle. L'opinion  publique  a  jugé  la  réclamation  de 
M.  Lucien  Murât  avant  l'Assemblée  nationale,  avant 
les  tribunaux.  Ce  n'est  pas  en  comptant  des  écus  que 
vous  empêcherez  d'entendre  le  bruit  des  coups  de 
canon  que  votre  père  a  tirés  contre  l'armée  française. 

Douze  millions!  ce  serait  une  compensation  suffi- 
sante à  l'échec  que  M.  Murât  a  subi  pour  le  grade  de 
colone'l  de  la  première  légion.  Ce  n'est  point  faute  de 
bon  vouloir  cependant  de  la  part  des  électeurs;  mais, 
au  premier  appel  fait  à  son  éloquence,  le  candidat  n'a 
su  que  balbutier  des  phrases  entrecoupées  dans  le  genre 
de  celles-ci  :  «  Je  n'ai  rien  fait...  j'arrive  de  l'exil...  je 
me  conformerai  à  la  tradition  de  ma  famille...»  Voilà 
donc  la  famille  Murât  qui  a,  elle  aussi,  une  tradition. 
Nous  sommes  plus  indulgents  que  vous,  citoyen  Mu- 
rat,  pour  le  passé  de  votre  famille,  et  nous  voulons 
croire  qu'en  demandant  de  l'argent  à  la  France  en  un 
pareil  moment,  vous  n'obéissez  point  à  la  tradition  pa- 
ternelle. 

Nous  avons  à  signaler  au  monde  l'appparition  de 
M.  Râteau  à  la  tribune  de  l'Assemblée  nationale. 
Quelques  personnes  paraissaient  douter  de  son  exis- 
tence ;  il  l'a  constatée  par  une  mort  éclalaule  :  M.  Ba- 
teau s'est  fait  sauter  la  cervelle  avec  un  amendement 
emprunté  à  M.  Lanjuinais;  il  est  descendu  dans  la 
tombe,  enveloppé  de  sa  proposition.  L'Assemblée  na- 
tionale semble  vouloir  imiter  M.  Bateau  ;  elle  se  sui- 
cide à  petits  coups  de  démentis  :  républicaine  au  scru- 
tin secret,  royaliste  au  scrutin  de  division,  elle  ne  fait 
plus  que  donner  à  la  France  le  triste  spectacle  de  ses 
incertitudes,  et  perdre  chaque  jour  un  peu  plus  de 
terrain.  Elle  aurait  pu  pourtant,  si  elle  l'eût  voulu, 
rester  maîtresse  de  la  position.  Qui  l'eût  pensé,  que  le 
suffrage  universel  aurait  pour  fanatiques  ceux-là  mê- 
mes qui  reculaient  devant  l'adjonction  des  capacités? 
Bira  bien  qui  rira  le  dernier. 

Bien  de  nouveau  en  littérature  :  au  théâtre  nous 
avons  eu  un  vaudeville  charmant  de  M.  Bnzier,  lu 
Pension  ulimenlcdre,  et  un  vaudeville  détestable  de 
M.  Bajard,  le  lierijer  de  Saudijiii/. 

A  propos,  vous  savez  que  la  déiuis.siuii  de  -M.  Llier- 
minierestdélinitivement  acceptée.  Le  prufesseur  nous 
quitte,  et  transporte  son  enseignement  en  Suisse.  Bon 
voyage  au  libre  penseur. 


.NE    REVEILLEZ    TAS    LE    CHAI    QUI    DORT. 


Dessiné  par  BtHTALL 


Gravé   par   MlDDERlGH. 


206 


REVUE  COMIQUE 


VIOLETTES  PARLEMENTAIRES. 

ESQUISSES    NON    POLITIOUES. 
rnEMlKUE    VIOLETTE   :    M.    IIURK. 


Tous  les  biographes,  tons  les  journalistes,  tous  les 
chroniqueurs,  les  dessinateurs  à  la  plume  et  au  crayon 
n'ont  jamais  manqué  d'offrir  au  public  les  portraits 
plus  ou    moins   flattés  des  hommes  célèbres.  On  ne 
cesse  de   répéter  que  M.  de  Lamartine  est  un  grand 
orateur,  on  donne  la  mesure  exacte  de  sa  taille,  on  dit 
la  couleur  de  ses  cheveux,  la  coupe  de  son  habit  ;  il  a 
des  guêtres  jaunes  et  un  nez  à  tabac;  on  refait  dix  fois 
le  même   portrait  l'un  copiant   l'autre.  M.  Crémieux 
est  un  nègre  imparfait,  c'est  connu;  M.  Hugo  est  une 
cathédrale  ;  qui  l'ignore?  M.  Jules  Favre  a  des  lunettes 
vertes,  c'est  un  fait  acquis  à  l'histoire;  M.  Murât  res- 
semble à  M.  Caussidière,  M.  Caussidière  ressemble  à 
M.  Murât,    M.    Léon  Faucher  ressemble  à   un  tire- 
bouchon,  le  petit  Bérard  à  un  Auvergnat,  le  joli  Fres- 
neau  à  un  éperlan  frit,  chacun  sait  ça.  Mais  ce  que  le 
public  ne  connaît  pas,  et  ce  qu'il  veut  absolument  con- 
naître, c'est  Bourhousson,  c'est  Vignerte,  c'est  Gasionde, 
c'est  vous  encore,  sémillant  Dupont,  truffe  inodore  du 
beau  pays  de  la  Dordogne,  c'est  toi  aussi,  Cbarentais 
ignoré,  doux  et  politique  Babaud-Laribière,  et  Ollivier, 
qui  s'appelle  Oémosthènes,  et  Saint-Albin,  qui  se  nomme 
Hortensias,  et  celui-ci  et  celui-là ,  modestes  violettes 
oubliées  dans  le  parterre  des  amendements  et  dans  les 
plates-bandes  des  propositions  rejetées;  Avond,  Ma- 
thieu, Choque,  Callet,  Barbançon ,  Bodet,  Lasleyras, 
Vezin  et  Mispoulet. 

Oui,  le  temps  est  venu  d'aller  au  bois;  déjà  la  na- 
ture se  réveille,  le  soleil  brille  et  eflleure  de  ses  rayons 
les  vitraux  législatifs;  la  serre-chaude  parlementaire 
resplendit  d'un  éclat  printannier;  le  tournesol  Barrot 
se  balance  sur  sa  tige  majestueuse,  la  Pivoine  Rhuil- 


lièrcs  sourit  au  lys  Falloux  et  au  réséda  Changarnicr, 
mollement  caressés  par  la  brise  présidentielle;  il  n'est 
pas  jusqu'au  pissenlit  Faucher  qui  ne  charme  les  re- 
gards. Allez,  allez,  ô  jeunes  iilles  !  cueillir  desbluets 
dans  les  blés. 

Nous  allons  donc  cueillir  aujourd'hui,  avec  le  plus 
de  précaution  possible  et  de  manière  à  ne  pas  froisser 
cette  fleur  tendre  et  mélancolique,  la  violette  Huré. 

Fleur  et  simple  et  modeste,  tu  as  longtems  brillé 
sur  les  bords  fabuleux  de  la  Scarpe,  aux  ondes  poisson- 
neuses. Douai  t'a  vue.  Douai  t'a  respirée.  Douai  t'a 
chantée,  te  veniente  die,  te  descendente  canebat.  Huré 
était  l'aigle  de  tous  les  barreaux  du  Nord,  depuis  le 
barreau  de  Lillejusqu'à  celui  d'Aïuienscxcliisivement. 
Il  avait  obtenu  des  succès  foudroyants  à  Valenciennes  ; 
Arras  citait  ses  prosopopées  ;  Cambrai  l'estimait  pour 
la  hardiesse  de  ses  tropes  ;  sa  phrase  à  quatre  membres 
avait  séduit  Dunkerque,  et  llazebrouk  avait  frappé  en 
son  honneur  une  médaille,  sur  laquelle  on  lisait  cette 
inscription  flatteuse  :  Berryero  departemerifi,  Au  Ber- 
RVEU  DU  nÉPARTEMEiNT.  Si  l'ou  nous  demande  comment 
l'aigle  douaisien  s'est  transformé  tout  à  coup  en  mo- 
deste violette  parisienne,  nous  dirons  que  c'est  par  un 
de  ces  effets,  hélas  !  trop  ordinaires,  de  la  métempsycose 
politique. 

Huré  est  un  homme  de  mœurs  douces  et  simples;  sa 
redingote  noisette  atteste  l'aménité  de  son  caractère; 
il  a  un  chapeau  douteux,  des  lunettes  d'or,  une  parole 
facile  et  un  gilet  trop  court;  ce  gilet  intelligent  fait 
des  efforts  désespérés  pour  rejoindre  un  pantalon  fugi- 
tif; mais  hélas!  comme  Léandre,  il  expire  avant  de 
toucher  au  rivage. 


Soumisà  ce  régim..leBt-r,CETMsDÉfENSEScourt  inutilement  après  IcBcDCET  DES  KECETTES,neBttouiour.distancé.  Sur  Fa  rout.,^^ 

Tmpn.nJ,deTt..  flottantes,  a.nort,..en,ents  qu'.l  rencontre  ;  n>ais  cet  ordina.re  engendre  le  Déiicit  et  le  conduit  rap.dement  a  la  Banqueroute. 


A  L'IISACi;  I)i;s  GENS  SIÎRIEUX. 


207 


Ilurd  sidge  h  gaiiclie  à  lu  première  place  de  la  Iroi- 
sièine  iiaiiqnette  de  la  première  travée  ;  il  enire  dans  la 
salle  à  riuMire  juste  où  lasiîaiice  s'ouvre  ;  il  fuit  uii  pe- 
tit tour  dans  le  couloir  central  avec  la  satisfaction  inté- 
rieure d'un  homme  qui  a  déjeuné  à  52  sous  ,  dit  quel- 
ques mots  à  ses  deux  com|)atriotes  Mouton  et  Tarez, 
monte  ensuite  lentement  les  gradins,  donne  une  poi- 
gnée de  main  en  passant  à  son  ami  Conie,  et  s'asseoit 
tranquillement  à  sa  place. 

Une  fois  installé  dans  sa  stalle,  Iluré,  en  speetxleiir 
qui  sait  vivre,  ne  trouble  en  rien  la  représentation. 
L'acteur,  je  voulais  dire  l'orateur,  n'a  pas  d'auditeur 
plus  attentif.  Il  ne  se  montre  pas  à  toutes  les  issues 
couin)e  M.  Emmanuel  Arago,  qui  depuis...  mais  alors 
il  siégeait  au  sommet  de  la  Montagne  ;  il  ne  voltige 
pas  de  violette  en  violette,  ainsi  que  ce  papillon  de  Dur- 
neu;  il  ne  lorgne  pas  insolemment  les  tribunes  comme 
M.  Napoléon  Bonaparte,  qui  ressemble  de  face  à  son 
oncle  et  de  profil  à  Polichinelle;  il  ne  gesticule  jias 
comme  M.  Tliiers  ;  il  ne  dort  pas  comme  M.  Quinet; 
il  n'interpelle  pas  continuellement  le  président  comme 
MM.  Denjoy  et  Taschereaii;  il  ne  dit  pas  très-bien 
comme  M.  Baze,  ni  très-mal  comme  M.  Buvignier  ; 
il  ne  fait  pas  de  carricatures  comme  MM.  de  Luynes, 
Ferdinand  Lasteyrie  ,  Eugène  Raspail ,  fournisseurs 
extraordinaires  de  la  Berne  comique,  des  calembourgs 
comme  M.  Dupin,  et  des  fautes  de  français  comme 
M.  Fresneau  ;  il  ne  se  peigne  pas  continuellement  la  barbe 
comme  M.  Heckeren  ;  non  :  Huré  est  incrusté  dans  sa 
stalle;  il  fait  partie  intégrante  de  sa  banquette,  et  il 
serait  à  la  Chambre  comme  s'il  n'existait  pas,  s'il  n'a- 
vait pas  été  séduit  par  la  futile  ambition  de  continuer 
sur  les  bancs  de  l'Assemblée  nationale  les  traditions 
parlementaires  de  M.  Villemain. 

On  sait  que  l'ex-noble  pair  était  légèrement  bossu  ; 
il  avait  en  conséquence  des  bras  démesurément  longs 
qui  traînaient  jusqu'à  terre  quand  il  était  assis  :  pour 


occuper  ses  loisirs  et  ses  mains,  M.  Villemain  jouait 
continuellement  avec  ses  souliers  ;  son  plus  grand 
bonheur  consistait  à  glisser  ses  doigts,  pouce,  in- 
dex, médius,  annulaire  et  auriculaire,  entre  ses  bas 
et  le  cuir  de  sa  chaussure.  I^ouis-Philippc  lui  disait 
souvent  au  conseil  des  ministres  :  Mon  cher  Villemain, 
vous  feriez  mieux  d'acheter  un  polichinelle  ou  de 
juendre  du  tabac  comme  Lacave-Laplagne.  M.  Vatout, 
ce  gros  esprit  de  la  cour  citoyenne,  ne  tarissait  pas  en 
bons  mots  sur  ce  laisser-aller  du  ministre  de  l'instruc- 
tion publique  ;  Cuvillier-Fleury  s'en  indignait  ;  Trognon 
le  citait  à  son  élève  comme  un  modèle  à  éviter  ;  Huré  a 
emprunté  à  l'ancien  pair  de  France  cette  innocente  oc- 
cupation législative;  il  tient  invariablement  sa  jambe 
gauche  sur  sa  jambe  droite,  et,  pendant  tout  le  temps 
que  dure  la  séance,  ses  mains  folâtrent  avec  sa  chaus- 
sure. 

Mais  quatre  heures  sonnent,  Huré  quitte  son  banc 
Où  va  Huré?  Pourquoi  cette  fugue  à  heure  fixe?  Va-t-il 
se  promener  dans  les  couloirs  pour  deviser  turfel  sport, 
avec  l'intrépide  ridder  M.  de  Laussat?  Tramc-t-il  une 
conspiration  contre  le  ministère?  Recueille-t-il  les  bons 
mots  de  M.  Thiers?  Non,  Huré  se  rend  tout  simplement 
au  café  Janniot,  ce  divan  représentatif.  Huré,  altéré  par 
les  nombreux  discours  qu'il  a  religieusement  écoutés, 
va  boire  une  choppe  de  bierre.  Quand  il  le  voit  entrer, 
le  garçon  s'empresse  de  lui  bourrer  une  pipe.  Là,  Huré 
rencontre  ordinairement  M.  Lagrange,  M.  Mathieu  (de 
la  Drôme),  M.  Toussaint-Bravard,  et  un  domino  à 
quatre  vient  alors  agréablement  tempérer  les  fatigues 
d'une  discussion  trop  prolontrée. 

Huré  est  monté  une  fois  à  la  tribune,  c'était  dans  la 
discussion  relative  au  projet  de  Constitution  le  pré 
texte  de  cette  audacieuse  tentative  était  la  présentation 
d'un  amendement;  le  motif  réel  était  celui-ci  •  Huré 
avait  chaud  et  soif,  il  voulait  tout  simplement  boire  un 
verre  d'eau  sucrée. 


^"'ItT"  ''  "  ?'""•"  "  y^^^  '"'  '""""  '""'  '"'  ="  '''"'"  ""  ^""^'^^^  "='  '>"  -'"W""'e  les  ^vres  inufles.  Celui-ci,  privé  des 
emprunts,  pr.mes  et  autres  .,.,.eUs  .nsa.ubres,  perdra  bie»,6t  .00  .,.lo.,oiot  gé»,»,.  et  n>a,che,a  d-scco,d.vec  le  Budget  des  He««èl 


DEUX  GRANDS 


La  France  n'est  pns  encore  revenue  de  son  ad- 
miration pour  la  grande  victoire  de  M.  Changarnier 
sur  l'hydre  de  l'anarcliie,  et  les  gens  du  métier  ren- 
dent les  armes  à  son  nouveau  système  de  guerre,  ce 
sjstème  préventif  et  d'éparpillement  qui  fera  l'éton- 
nement  des  Césars  futurs.  Le  système  répressif  était 
bien  décidément  l'enfance  de  l'art,  un  système  rococo 
et  digne  du  moyen  âge;  en  efîet,  n'était-il  pas  pro- 
fondément ridicule  d'attendre  qu'il  y  eut  une  émeute 
et  des  émeutiers  pour  les  réprimer?  Avec  le  système 
préventif,  c'est  bien  différent  :  avant  que  l'émeute  et 
les  émeutiers  non-seulement  soient  ués,  mais  aient 
son^é  à  naître,  nous  descendons  dans  la  rue  avec  cent 
mille  hommes  ;  nous  battons  partout  le  rappel,  nous 
promenons  partout  nos  canons,  nous  mettons  partout, 
à  chaque  maison,  à  chaque  porte  un  ou  deux  soldats, 
et  nous  attendons  fièrement  !  Puis,  quand  les  habitants 
clonnés  mettent  le  nez  à  la  fenêtre  et  demandent  le 
pourquoi  de  tout  ce  tapage  :  «  Voyez  les  scélérats,  dit 
e  "encrai  de  l'armée   préventive;  ils  sont  déjoués!  ils 


MATAMORES. 

n'osent  accepter  le  combat'.  La  victoire  est  à  nous. 
Rentrons  !  Soldats,  je  suis  content  de  vous  :  vous  vous 
êtes  couverts  de  gloire  sur  toute  la  ligne...  des  boule- 
vards! »  Vive  le  système  préventif!  Enfoncé  Cavai- 
gnac  et  les  journées  de  juin  ! 

Le  succès  de  M.  Changarnier  a  été  tel  que  le  maré- 
chal Bugoaud  en  crève,  dit-on,  d'envie;  aussi  a-t-il 
fait  aux  braves  Berrichons  un  speech  périgourdin  qui 
vaut  son  picotin  d'avoine.  Que  les  Parisiens  se  le  tien- 
nent pour  dit  :  avec  les  Arabes,  le  vainqueur  d'Isly 
pouvait  garder  quelques  ménagements,  mais  avec  les 
républicains,  point  de  pitié,  point  de  quartier!  Il  pro- 
voque les  départements  à  la  guerre  contre  la  capitale! 
Raillerie  à  part,  il  n'est  pas  d'exemple,  dans  les  plus 
mauvais  jours  de  notre  révolution,  d'un  langage  aussi 
hideux,  aussi  brutal,  aussi  sauvage!  Radelski,  Jella- 
chich ,  VVindischgraetz  sont  dépassés  !  Est-ce  que  les 
lauriers  de  ces  bombardeurs  empêchent  M.  Bugeaud 
de  dormir?  Et  voilà  les  gens  qui  sont  à  la  tête  du  parti 
modéré  ! 


L'ASSEMBLÉE  ET  LE  PRÉSIDENT. 


L' .assemblée  nationale  fait  décidément  la  coquette; 
tantôt  elle  dit  non,  tautot  elle  dit  oui;  hier  elle  faisait 
fi  de  M.  Barrot,  aujourd'hui  elle  l'accable  de  sa  ten- 
dresse; samedi  dernier  elle  lui  jetait  sur  les  épaules  la 
plus  grave  des  accusations,  et  lundi,  contente  de  la 
leçon,  de  la  peur  qu'elle  lui  a  faite,  elle  lui  promet  gé  - 
néreusement  son  concours.  Ces  voles  si  différents,  celle 
mobilité  d'opinions,  ce  passage  subit  de  la  colère  à  la 
confiance,   doivent  dérouler  bien  des  combinaisons, 


bien  des  calculs;  ce  n'est  pas,  à  coup  sur,  de  la  pub- 
lique ferme  et  constante;  mais  cela  prouve  au  moins, 
contre  le  dire  des  royalistes,  que  r.\ssemblée  n'est 
point  systématiquement  hostile  au  ministère  et  qu'elle 
ne  veut  que  la  conciliation.  Nous  verrons  comment  se- 
ront reçues  ses  avances;  mais  nous  gagerions  qu'elles 
n'éprouveront  que  de  la  répulsion;  l'ingralitiule  est  la 
verlu  presque  unique  que  la  France  a  prati(iuée  depuis 
qu'elle  est  en  République. 


A  i;iISAGE  DRS  GKNS  SI^RirUX. 


200 


I.cs  explications  et  les  excuses  du  ministère,  soit  sur 
rarri'stalion  dti  colonel  île  la  (>•  légion,  soit  sur  le  linl- 
letindu  ministère  de  l'intérieur,  soit  sur  les  ci>in|ilols<les 
chibs,  ont  paru  bien  cliétives  et  bien  inesi|iiiiies  ;  tuais 
ce  qui  ne  l'est  pis,  ce  sont  les  doctrines  que  M.  Barrola 
eu  l'audace  de  metlie  en  avant  sur  le  pouvoir  du  pré- 
sident,et  qui  révèlentles  arrières-pensées  de  la  réaction. 

Vous  souvient-il  de  ces  discussions  niéla|)livsiques 
de  la  Chambre  des  dé[)ntés  sur  la  transparence  ou  la 
non-transparence  de  la  royauté,  sur  le  ministère  qui 
couvrait  ou  ne  couvrait  pas  suCfisanimeut  la  couronne; 
de  ces  théories  si  alambitiuées,  si  peu  compréhensibles 
sur  le  roi  qui  règne  et  ne 
gouverne  pas?  On  se  se- 
rait cru  à  celte  belle  épo- 
que du  Bas-Empire  où 
l'on  se  battait  pour  savoir 
si  la  lumière  du  Mont- 
Thabor  était  créée  ou  in- 
créée. ISos  grands  hom- 
mes d'aujourd'hui,  MM. 
Barrol  ,  Thiers  ,  etc.  , 
étaient  passés  maîtres  en 
ces  théories  à  l'aide  des- 
quelles se  jouaient  de  si 
bons  tours.  Eh  bien!  on 
nous  ramène  à  cela  ;  que 
dis-je?à  mieux  que  cela. 
Vous  aviez  cru  faire  une 
république  pour  en  finir 
avec  cette  autorité  d'un 
homme  contrariant,  an- 
nulant la  volonté  de  la  na- 
tion, avec  cette  confusion 
de  pouvoir  exécutif  ayant 
part  au  pouvoir  législatif, 
aveccet  antagonisme  in- 
terminable de  la  repré- 
sentation nationale  et  du 
premier  commis  de  la  na- 
tion ;  et  pour  cela,  vous 
aviez  fait  \ine  chambre 
unique  qui  formule  les 
volontésdu  peuple,  et  un 
président  qui  les  exécute. 


MONUMENT   EN    L  HONNEUR    Dt"    CR.' 

La  souscription  e  t  ouverte  dans  les  bure 


une  Assemblée  qui  est  la  tête,  un  premier  fonction- 
naire qui  est  le  bras;  aussi  aviez -vous  rendu  ce  ci- 
toyen responsable,  responsable  devant  l'Assemblée  qui 
est  l'expression  permanente  de  la  volonté  nationale. 
Tout  cela  était  une  erreur:  les  docteurs  de  Louis-Phi- 
lippe, les  théoriciens  politiques  de  l'autre  Chambre, 
les  malins  de  la  monarchie  constitutionnelle,  ont  dé- 
couvert que  le  président  est  le  véritable  représentant 
de  la  nation  ;  que  son  pouvoir  ayant  même  origine  que 
celui  de  l'Assemblée  est  supérieure  celui  des  députés 
du  peuple,  et  que  dans  le  cas  de  conQit  entre  eux  et 


lui,  ce  Sont  les  ili'>puli''s  qui  doivent  céder.  Kn  vérité,  on 
pouvait  concevoir  que  Charles  X  et  I.ouis-l'hili|)pc  se 
soient  égarés  dans  de  telles  prétentions;  au  moins  avaient- 
ils  une  idée  politi(|ue,  un  système  de  gouvernement,  une 
théorie,  fausse  ou  vraie  ,  sur  la  nature  et  l'étendue  de 
leur  j)Ouvoir  !  Cela  méritait  (|uel()ue  considération,  était 
dignedc  quelque  controverse.  Maisde  la  partde  .M.  Louis 
Bonaparte  !  les  cinq  à  six  millions  de  voix  du  10  décem- 
iire  lui  ont  donc  tourné  la  tète?  F^st-ce  que  personne  ne 
les  lui  a  décomposées,  ne  lui  en  a  estimé  la  valeur? 
Je  ne  serais  pas  étonné  que  M.  Bonaparte,  qui  doit 
tout  h  son  oncle,  et  qui,  ainsi  que  M.  de  Cirardin  nous 
l'a  révélé,  va  chercher 
près  de  son  tombeau  des 
inspirations  politiques, 
n'eût  conçu  des  idées  si 
étranges  sur  la  nature  de 
son  pouvoir  éphémère 
dans  l'histoire  de  Napo- 
léon. Endécembre  1813, 
le  corps  législatif,  sortant 
de  son  mutisme  de  dix 
ans,  s'avisa  d'adresser  de 
très-humbles  remontran- 
ces à  l'Empereur  sur  la 
guerre,  de  très-humbles 
supplicationssur  le  main- 
lien  des  droits  politiques 
de  la  France.  On  sait  la 
sortie  furibonde  que  fit 
Na[ioléonàcetle  réclama- 
tion courageuse,  mais 
intempestive  :  «  Au  nom 
de  qui  parlez-vous,  dit- 
il.  C'est  moi  qui  suis  le 
seul,  le  vrai  représen- 
tant du  peuple  ;  quatre 
fois  j'ai  eu  le  vote  de 
cinq  millions  de  citoyens. 
M'aftaquer  ,  c'est  atta- 
quer la  nation  !  »  Et  il 
lit  fermer  le  corps  légis- 
latif. 

Je  ne  serais  pas  étonné, 
dis- je,  que  M.  Bona- 
parte, dans  son  intimité,  à  l'ombre  du  grand  sabre  de 
M.' Changarnier,  n'eût  répété  ces  paroles,  dont  cer- 
taine allocution  de  M.  Bariot  à  r.\ssemblée  a  semblé 
la  paraphrase  tant  soit  peu  déteinte.  Mais  M.  Thiers, 
qui  écrit  l'histoire  de  l'Empire,  devrait  bien  dire  à  son 
illustre  protégé  que,  lorsque  Napoléon  prononçait  ces 
malheureuses  paroles,  il  venait  de  gagner  les  batailles 
de  Dresde  et  de  Hanau  et  s'apprêtait  à  faire  son  im- 
mortelle campagne  de  France.  Et  cependant,  il  les 
expia  cruellement,  car,  à  trois  mois  de  là,  ce  même 
corps  législatif  prononçait  sa  déchéance. 


SD   or>lLON   BABROT. 

ux  de  la  Reçue  comi' 


210 


REVUE  COMIQUE 


LA  POULE  AUX  ŒUFS  D'OH. 


—  Ilélas!  Iiélas! 

—  Qu'y  ii-t-il?  do  quoi  gémissez-vous? 

—  Comment  vous  dire  ce  qui  arrive  à  M.  de  Co- 
noude? 

—  Dites  toujours;  de  la  part  de  M.  de  Geuoude  rien 
ne  urétoniie.  Aurait-il  inventé,  par  hasard,  la  messe  à 
deux  degrés  ? 

—  1!  a  fait  bien  pis  :  il  s'est  figuré  qu'on  l'avait  mé- 
tamorpliosé  en  poule. 

—  Ah  bah  ! 

—  Et  qu'étant  changé  en  poule,  il  allait  pondre  un 
œuf. 

—  Un  œuf,  juste  ciel  ! 

—  Un  œuf,  et,  qui  plus  est,  uvi  œuf  d'or.  Il  se  croit 
devenu  la  poule  aux  œufs  d'or. 

—  Mais  qu'en  dit  le  docteur  Blanche? 

—  Que  voulez-vous  qu'il  en  dise?  il  est  consterné. 

—  11  y  a  de  quoi.  At-il  ordonné  des  douches? 

—  I.e  malade  refuse  d'en  prendre.  «  Jamais,  dit-il,  on 
n'a  donné  des  douches  à  une  poule  ;  les  douches  m'em- 
pêcheraient de  pondre,  et  si  je  ne  pondais  pas,  que  de- 
viendrait la  France,  puisque  je  vais  pondre  un  œuf 
d'or  et  que  dans  cet  œuf  seront  renfermées  la  richesse 
et  la  prospérité  du  pays?  » 

—  O  douleur!  voir  ce  grand  homme  dans  un  si 
triste  étal!  Mais  ètes-vous  bien  sûr  de  ce  que  vous 
dites? 

—  Parbleu!  lisez  plutôt  la  Gazette,  vous  n'y  trou- 
verez que  des  dissertations  sur  l'œuf  d'or  qui  sera  pro- 
chainement pondu  par  son  rédacteur  en  chef. 

—  Voilà,  monsieur,  qui  prouve  bien  le  néant  de 
l'homme.  Le  grand  Pascal  voyait  toujours  un  gouffre 
béant  à  ses  pieds,  et  M.  de  Genoude,  le  plus  grand 
génie  sans  contredit  qui  ait  paru  après  Pascal,  se  croit 
changé  en  poule.  Ce  que  c'est  que  de  nous!  Mais  conti- 
nuez de  me  donner  sur  cette  manie  bizarre  des  détails 
qui  m'intéressent,  tout  en  me  navrant  le  cœur. 

—  Que  vous  dirai-je!  Depuis  qu'il  se  croit  poule, 
M.  de  Genoude  ne  veut  plus  se  coucher,  et  passe  les 
nuits  debout  sur  une  chaise,  sous  prétexte  que  les 
poules  perchent  et  ne  se  couchent  pas.  On  a  même  été 
obligé,  pour  flatter  sa  manie,  de  garnir  son  apparte- 
ment de  bari'caux  pour  lui  donnei'  Pair  d'un  pou- 
lailler. l)è^  que  le  jour  paraît,  il  pousse  d'une  voix  forte 
deux  ou  trois  coquerico!  et  s'élance  en  agitant  ses  bras 
comme  des  ailes,  dans  sa  basse-cour  où  se  trouvent 
d'autres  poules.  Il  se  mêle  à  leur  troupe,  gratte  la  terre, 
se  tapit  au  soleil  et  cherche  à  imiter  tous  les  mouve- 
ments de  ses  prétendues  compagnes. 

—  Continuez;  vous  me  faites  riie  et  pleurera  la 
fois. 

—  Hélas!  les  larmes  duivent  remporter  sur  le  rire. 
Quand  la  cuisinière  arrive  pour  donner  il  manger  aux 


poules,  M.  de  Genoude  leur  dispute  les  grains  de  millet  qui 
tombent  à  terre,  et  ce  n'est  qu'au  moyen  de  mille  ruses 
que  ses  amis  parviennent  de  temps  en  temps  à  lui  faire 
manger  un  heefsleack.  Ensuite  il  dit  :  «  Bon  !  je  crois  que 
l'instant  arrive  de  pondre  mon  œuf  d'or,»  et  il  va  s'asr 
seoir  en  criant  coquerico  !  dans  une  grande  corbeille  pré- 
parée à  cet  effet.  Sa  seule  préoccupation,  c'est  qu'on 
ne  veuille  l'inunoler  pour  lui  tirer  d'un  coup  du  ventre 
tons  les  œufs  qui  s'y  trouvent  renfermés.  Celte  crainte 
lui  a  fait  prendre  la  cuisinière  en  horreur,  et,  dès 
qu'il  la  voit,  il  s'élance  pour  lui  donner  des  coups 
de  bec. 

—  Pauvi-e  femme!  je  suis  sûr  qu'elle  est  profondé- 
ment affligée  de  l'état  de  son  maître. 

—  Elle  en  pleure  toute  la  journée  ;  elle  en  a  les  yeux 
rouges:  la  malheureuse  fait  pitié!  Mais  ce  n'est  pas 
tout.  Témoin  des  efforts  que  faisait  son  maître  pour 
pondre  son  œuf  d'or,  elle  a  eu  l'imprudence  de  mettre 
en  cachette  un  œuf  de  poule  dans  la  corbeille,  pensant 
que  M.  de  Genoude  croirait  l'avoir  jjondu,  et  guérirait 
ainsi  de  sa  manie. 

■ —  La  ruse  était  bonne. 

—  Au  contraire  :  M.  de  Genoude  a  cru,  à  la  vérité, 
avoir  pondu  l'œuf;  mais,  changeant  de  marotte,  il 
s'est  mis  aussitôt  en  tète  de  le  couvei'. 

—  Juste  ciel  ! 

—  Depuis  quelques  jours,  on  le  voyait  tourner  et 
gratter  autour  de  sa  corbeille  d'un  air  languissant, 
comme  font  les  véritables  poules  quand  l'époque  de 
l'incubation  approche  :  les  alarmes  que  donnaient  ces 
symptômes  n'ont  été  que  trop  justifiées,  hélas!  par  un 
article  de  la  Gazette  d'hier,  où  M.  de  Genoude  annon- 
çait à  la  France  que  le  moment  était  venu  de  cou- 
ver l'œuf  d'or.  «  L'incubation  ne  sera  pas  longue  » , 
ajoutait  M.  de  Genoude. 

—  Et  vous  pensez  qu'il  finira  par  s'asseoir  dans  la 
corbeille  sur  l'œuf  qu'y  a  jilacé  la  cuisinière? 

—  Je  le  crains. 

—  Mais  que  s'attend-il  à  faire  éclore  de  son  œuf? 

—  Il  compte  en  voir  sortir  Henri  V.  Ce  qui  est  po- 
sitif, c'est  que  l'ceuf  va  être  juliment  écrasé.  Quelle 
omelette  ! 

—  Ne  m'en  parlez  pas.  Mais,  après  tout,  un  œuf 
n'est  qu'un  œuf;  et  quand  M.  de  Genoude  couverait 
celui-là,  ce  ne  serait  pas  un  fait  sans  exemple.  On  ra- 
conte qu'un  naturaliste,  tombé  entre  les  mains  des 
sauvages  d'Afrique,  fut  contraint  de  couver  un  œuf 
d'autruche,  et  il  ne  s'en  porta  pas  plus  mal.  Peut-être 
l'état  de  M.  de  Genoude  n'esl-il  pas  tout  à  fait  dé- 
sespéré. Les  poules  elles-mêmes  guérissent  de  leurs 
maladies,  avec  le  temps;  M.  de  Genoude  peut  donc 
guérir  aussi,  lui  qui  n'est  poule  que  dans  son  ima- 
gination. 


A  i,i'sA(.r,  in;s  c.KNs  sfjuixx. 


ÎH 


M.  mT.F.Arr»  faisant  (onnmssanci:  avec  la  ville  nr;  Rornr.rs. 


La  Conslilulion  a  eu  le  lurl  de  ne  pas  inéciser  la 
position  que  doit  occuper  le  maréchal  Itugeaud  eous  la 
République.  F.sl-il  roi,  empereur,  pape,  généralissime? 
On  iillMid  pour  savoir  de  quelle  façon  il  convient  de  lui 
rendre  hommage. 

Des  personnes  bien  inf<irmées  assurent  que  .M.  lîu- 
geaud  est  seulement  commandant  de  l'armée  des  .Mpes,   ! 
et  que  le  quartier- général  est  à  Lyon.  Alors  comment  ■ 
se  fait-il  qu'on  le  trouve  à  Botn-ges  se  livrant  à  ses 
excentricités  hahiluellcs? 

Avant  lui,  c'était  le  général  (Hidinot  qui  comman- 
dait l'armée  des  .Vlpes,  mais  M.  Oudinol  ne  s'occupait 
que  des  troupes  placées  sous  ses  ordres.  Le  maréchal  Bu- 
geaud  veut  bien  nous 
apprendre  que  de 
son  quartier-général 
il  a  toujours  les  yeux 
fixés  sur  Pai'is.  Ceci 
prouverait  que  M.  Bu- 
geaud  est  indépendant 
du  ministre  delà  guer- 
re et  du  gouverne- 
ment de  la  Républi- 
que. Peut-être  consi- 
dére-t-il  les  régiments 
des  Alpes  comme  dos 
compagnies  franches 
dont  il  a  la  propriété. 
Un  de  ces  jours,  nous 
entendrons  dire  que 
M  Bugeand  ist  allé 
avec  ses  bandes  con- 
quérir la  Sicile  et  y 
fonder  un  royaume 
périgourdin,  ou  bien 
qu'il  marche  sur  Paris  pour  faire  valoir  ses  droits  au 
trône. 

Le  t'ait  est  qu'il  devient  assez  diflicile  de  comprendre 
la  réception  qui  lui  a  été  faite  à  Bourges.  Toutes  les 
autorités,  y  compris  le  parquet,  sont  allées  en  corps  lui 
rendre  une  visite  officielle.  A  quel  titre,  s'il  vous  plaît? 
M.  Bugeaud  est-il  drnc  président  de  la  République?  On 
ne  sait  qu'en  penser,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'une 
mystification. 

Se  voyant  entouré  et  fêté  par  les  autorités  berri- 
chonnes, M.  Bugeaud  a  retrouvé  fout  à  coup  ses  van- 
teries  gasconnes  un  peu  compromises,  il  est  vrai,  par 
la  révolution  de  Février. 

Dans  le  discours  prononcé  à  celte  occasion,  M.  Bu- 
geaud commence  par  se  féliciter  «  de  faire  connais- 
sance avec  la  ville  de  Bourges.  »  Ici  nous  retrouvons 
l'ancien  Poinsinet  parlementaire  qui  égayait  la  Chambre 
sous  la  monarchie.    Vovez-vous  un   homme  «  faisant 


Le  maréchal  Bugeaud  e-sayant  uni 
toujours  l'œil 


connaissance  n  avec  une  ville!  — Lst-cc  bien  ù  la  ville 
de  Bourges  que  j'ai  l'honneur  de  parler?  —  A  elle- 
nu^me,  monsieur.  —  Knchanté  de  faire  votre  con- 
naissance ,  madame.  —  .Monsieur ,  vous  êtes  bien 
bon. 

La  conversation  engagée  dans  ces  termes,  M.  Bu- 
geaud adresse  quelques  compliments  à  sa  nouvelle 
connaissance. 

H  Vous  êtes  une  noble  et  antique  cité.  Madame. 

—  Vous  êtes  trop  honnête. 

—  Je  me  suis  laissé  dire  que  vous  aviez  de  beaux 
souvenirs  dans  l'histoire. 

—  Quoi!  vous  avez  la  bonté  de  rappeler... 

—  Certainement. 

—  Ah!  Madame, 
que  de  révolulious 
nous  avons  traver- 
sées! 

—  A  qui  le  dites-- 
vous  ! 

—  Ce  qui  me  char- 
me, c'est  qu'à  tra- 
vers toutes  ces  ré- 
volutions vous  avez 
conservé  vos  mœurs. 

— Les  mœurs  avant 
tout  ,  c'est  ma  de- 
vise. 

—  Vos  traditions. 

—  Le?  bonnes,  les 
saines  traditions. 

—  C'est  bien  ainsi 
que  je  l'entends.  Vous 
avez  aussi  conservé 
vos  vertus. 

—  \\i  !  Monsieur,  vous  me  comblez  ! 

—  Je  vous  rends  ,  Madame,  un  légitime  hom- 
mage. 

—  Vous  m'en  voyez  toute  confuse. 

—  On  ne  saurait  vous  montrer  trop  de  respect.  » 
La  connaissance  faite,  M.  Bugeaud  quitte  le  genre 

galant  et  troubadour  pour  prendre  ce  ton  tranchant  qui 
subjugue  les  belles;  il  s'exalte,  il  brandit  son  sabre,  il 
accumule  les  hâbleries  et  les  gasconnades.  C'est  alors 
qu'il  annonce  son  intention  d'avoir  l'œil  sur  Paris. 
(La  ville  de  Bourges  admire.  )  a.  Qu'est-ce  que  je  de- 
mande, s'écrie  M.  Bugeaud,  pour  mettre  les  factieux 
à  la  raison?  quatre  hommes  et  un  caporal.  Il  faut  dé- 
truire Paris,  ce  foyer  d'anarchie  ;  Paris  ne  fera  plus  la 
loi  au  reste  de  la  France.  C'est  Bourges  qui  doit  de- 
venir notre  capitale.  (Bourges  baisse  modestement  les 
yeux.)  \ji.  prif^ince ,  c'est  moi  avec  mon  armée  des 
Alpes,  broum  !  broum  !  ayons  l'œil  ouvert.  On  a  vu  le 


ï  queue  fourrierîste  afin  d'avoii 
sur  Paris. 


213 


HKVUK  COMiyilK 


24  février  ce  que  je  savais  faire  de  mon  sahie;  je  suis 
prêt  il  reciimniencer.  l.a  République,  c'est  le  goiivei- 
neuieiU  des  Caliliiias.  {Conwie  il  est  firrc  sur  t'/iis- 
toire  ancienne  !  murmure  la  ville  de  Ilourges.)  Sa- 
brons les  Caliiinas  parisiens  !  Cent  mille  boudjoux!  je 


IJiétcnds  prendre  ma  revanche  du  -2i  février,  et  entrer 
à  Paris  à  la  tète  des  gardes  nationales  de  province.  Sa- 
brons, pendons,  fusillons;  il  faut  rétablir  l'ordre  pour 
toujours.  Vive  le 'roi  !  »  [La  ville  de  Bourges  s'éva- 
nouit d'admiration  en  lui  demandant  ;  «  Lequel?  ») 


LES  PAinOUlLLRS  AYKC  (;A^()^'. 


«  Il  n'en  t.uil  pas  doulci-,  dit  le  Constitutionnel ,  la 
patrie  \ienl  d'éclinppcr  à  un  grand  danger,  grâce  à  la 
vigoureuse  initiative  du  gouvernement.  Ou  veut  l>ien 
reconnaître,  ajonte-t-il,  que  mon  altitude  énergique  a 
clé  aussi  pour  quelcjiie  chose  dans  cet  heureux  lé- 
sullal.  » 

Qu'est-ce  qui  en  doute?  Il  sufiit  d'avoir  vu  le  Cons- 
titutionnel combattre  pour  la  cause  royale  le  2-i  fé- 
vrier ;  on  se  rappelle,  en  effet,  que  ce  fut  l'héroïque  ré- 
sistance d'un  bataillon  sacré  composé  de  MM.  Thiers, 
Merruau  et  du  pharmacien  Véron,  qui  retarda  l'envahis- 
sement des  Tuileries  et  donna  à  Louis-Philippe  le 
temps  de  monter  en  voiture. 

Depuis  lors  le  Constitutionnel  s'est  toujours  fait  re- 
marquer par  son  courage  au  premier  rang  des  amis  de 
Tordre  ;  c'est  ainsi  qu'on  l'a  vu  dans  la  nuit  du  28  au 
29  janvier  parcourir  (ièrement  les  rues  pour  recon- 
naître les  dispositions  des  insurgés,  et  c'est  sans  doute 
dans  le  cours  de  cette  dangereuse  promenade  qu'il  a 
rencontré  ces  fameuses  patrouilles  avec  canon  faites 
par  le  général  Changarnior  en  personne. 

Le  journal  du  pharmacien  Véron  ne  dit  pas,  mais  il 
laisse  entendre  que  ses  patrouilles  à  lui  étaient  faites 
avec  seringues;  c'est  du  moins  le  sens  qu'on  peut  don- 
ner à  un  passage  assez  obscur  de  son  premier-émeute 
d'hier.  Nous  l'avons  vu  du  reste  en  juin  s'élancer  sous 


le  feu  des  barricades  et  au  Tuilieu  d'une  grêle  de  balles 
pour  donner  des  lavements  aux  blessés. 

On  comprend  après  cela  que  la  fumée  de  l'eau 
chaude  lui  moule  à  la  lèle,  et  qu'il  discute  avec  une 
inciuileslable  compétence  les  dis])ositions  stratégiques 
du  général  Changarnier.  (le  qu'il  trouve  au-dessus  de 
tout  éloge,  ce  sont  les  patrouilles  avec  canon  comman- 
dées par  le  général.  Vivent  les  patrouilles  avec  canon! 
s'écrie  le  Constitutionnel.  Vivent  l'artillerie  et  le  train 
d'équipages  !  Le  Constitutionnel  s'exalte  et  se  laisse  al- 
ler peu  à  peu  à  raconter  quelques  détails  de  la  bataille 
qui  n'a  ]>as  eu  lieu,  mais  qui  aurait  été  terrible  sans 
les  patrouilles  avec  canon. 

«  Jamais,  dit  le  pharmacien  Véron,  on  n'a  rien  vu 
de  plus  formidable  que  la  barricade  qui  a  failli  cire 
élevée  à  la  Bastille,  quoique  pourtant  celle  qui  aurait 
pu  être  construite  au  Panthéon  ne  lui  cède  en  rien. 
Dans  la  rue  Montmartre  ,  l'attitude  énergique  du 
Constitutionnel  a  empêché  les  fauteurs  de  troubles  de 
déplacer  les  pavés.  Mais  c'est  surtout  dans  la  rue  Saint- 
Houoré  que  l'audace  des  insurgés  n'aurait  plus  connu 
de  bornes  s'ils  eussent  osé  se  montrer.  Ce  n'est  point 
une  barricade,  mais  une  véritable  forteresse  qu'ils 
n'ont  pas  élevée  en  cet  endroit,  une  forteresse  avec  cré- 
neaux, meurtrières,  pièces  de  24,  pièces  de  36,  pièces 
de  campagne,  obusiers  et  le  reste  ;  heureusement  ils 


A  L'USAGE  DES  GENS  SIÎRIEUX. 


3<3 


nvaiciit  cniiii)!,'  s.iiis  li's  |):itiiiiuilcs  avi-c  cniioti  cl  Mir- 
loiil  sans  r.iltitiiiK'  licllM|ii('iisf  ilii  f'fiiisfitutioimrl. 

a  Dans  ci'llo  nn'iiiinalili'  jnniih'ciln  'i'.t  janvior,  ajuiilo 
la  ft'iiillii  VV'iMii,  niilli-  liails  du  plus  lnillnnt  cuniaL'i' 
ont  illiislré  les  tlol'ensours  dtî  runlic,  |iic><|iii'  Imi.,  du 
ivslo,   aimiitu's   dn   ('nnuliliilidiiiicl.   C'csl    un    de    nu- 

Sousci-i|)U'ni-s,  dunt    l'ai u'nnMil,  s.ul  dit  en  |)as-anl, 

expire  dans  (jui  li|ii('s  jonrs,  ipii  >\sl  (Mancé  Unil  seni 
sur  lin  groupe  (\\n  n'exislait  pas,  et  l'a  dispersé.  Un 
aiilre,  auquel  nmis  leeoinmauddiis,  entre  parenthèses, 
Je  renouveler  son  aboniienieut  s'il  ne  veut  pas  épinn- 
ver  (rinlerriiplion  dans  l'envoi  du  journal,  un  autre, 
disons-nous,  sans  se  laisser  effrayer  par  les  décharges 
de  niousqueterie  qui  ne  parlaient  pas  d'une  harricade 
qui  n'avait  point  été  élevée,  l'a  escaladée  le  premier  et 
a  planté  dessus  un  drapeau  qu'il  ne  portait  pas  à  la 
main.  Nous  demandons  la  croix  pour  ce  brave.  » 

Ces  détails,  peut-être  liasardés,  sont  accompagnés 
d'antres  détails  tout  à  fait  épouvantal)les  sur  les  atro- 
cités que  les  insurgés  se  seraient  permises,  s'il  y  avait 
eu  des  insurgés.  Ainsi  un  abonné  dn  Cnnstilutionnel, 
auquel  on  recommande  d'ailleurs  d'écrire  lisiblement 
son  adresse,  à  son  prochain  renouvellement,  ou  mieux 
de  renvoyer  une  des  dernières  bandes  imprimées,  cet 
abonné  donc  aurait  pu  être  scié  entre  deux  planches 
par  une  femme  d'insurgé,  s'il  y  avait  eu  des  insurgés, 
des  planches  et  une  scie.  Horrible  mégère!  s'écrie  le 
Constitutionnel,  avec  une  horreur  bien  naturelle.  De- 
puis le  mois  de  juin,  le  Conslitutio}inel  en  veut  sur- 
tout aux  mégères.  Mais  passons  à  de  nouvelles  atro- 
cités. Un  autre  abonné,  qui  n'a  pas  été  suspendu  par 
les  pieds  au-dessus  d'un  large  brasier,  ne  le  doit  qu'à 
ce  qu'il  n'y  avait  ni  large  brasier,  ni  corde,  ni  per- 
sonne, pas  même  une  mégère  pour  le  suspendre,  et 
à   ce   que   d'ailleurs  il   n'était  pas  sorti   de  chez  lui. 


<tn  prolite  néanmoins  de  cette  occasion  pour  le  prier 
d'envojei-  'i  francs  .'10  centimes  en  sus  du  prix  de 
son  abonnement  s'il  veut  recevoir  lu  Hihliothique 
r/iiiisii-. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  à  l'aris  que  l'on  aurait 
eu  à  s'indigner  de  ces  abominations  si  elles  avaient  eu 
lieu.  La  province  aussi  a  fourni  son  contingent  d'é- 
ineuliers  absents,  de  barricades  qui  n'ont  pas  été  cons- 
truites et  d'horribles  mégères.  Il  n'y  a  qu'à  voir,  par 
exemple,  ce  qui  s'est  passé  à  Sarrcguemincs.  A  Sar- 
regui  iMiiies,  il  s'est  passé  qu'il  se  serait  passé  des 
horreurs  s'il  s'était  passé  n'importe  quoi,  ce  qui  fait 
qu'il  ne  s'est  rien  passé  du  tout,  faute  qu'il  se  soit 
passé  quelque  chose.  Kt  ce  n'est  pas  seulement  à  Sar- 
legueniines  que  ces  choses-là  se  sont  passées  :  les  cor- 
respondances du  Constitutionnet  lui  apprennent  qu'il 
s'en  est  passé  autant  sur  tous  les  points  de  la  France, 
car  partout,  comme  le  fait  très-bien  observer  .Merruau, 
les  mégères  se  ressemblent,  ainsi  que  les  [latrouilles 
avec  canon. 

Imi  terminant,  le  journal  du  pharmacien  Véron  an- 
nonce que  désormais  il  n'aura  aucun  ménagement 
pour  ces  émeutiers  incorrigibles.  On  l'a  vu  en  juin,  la 
seringue  en  bandonillère,  aller  sous  le  feu,  porter  le 
secours  de  son  instrument  aux  blessés,  sans  distinction 
de  parti;  il  ne  se  piquera  plus  de  tant  de  générosité. 
Certes,  il  continuera  de  faire  son  devoir;  ou  le  verra, 
comme  par  le  passé,  s'élancer  dans  la  mêlée,  son  in- 
strument à  la  main,  mais  ses  bons  offices  seront  exclu- 
sivement réservés  aux  blessés  du  parti  de  l'ordre;  les 
insurgés  le  supplieront  en  vain  ;  rien  (lour  les  insurgés, 
pas  même  quatre  gouttes  d'eau  chaude  ;  les  mégères 
elles-mêmes  ne  parviendront  pas  à  l'attendrir;  le  Cons- 
titutionnel déclare  que,  par  leur  férocité,  les  mégères 
ont  cessé  de  faire  partie  de  leur  sexe. 


214 


REVUE  COMIQUE 


LETTRE  D'UN  VOLEUR  A  MONSIEUR   DE  HECKEREN. 


On  lisait  dans  un  des  Joniiors  miinoros  de  la  Paine 
le  fait  suivant  : 

«  Du  de  nos  luuioiables  reprosentanis,  connu  par  l'aménité 
de  son  caractère  non  niciins  que  par  sa  s'''>"dc  inlluenre  poli- 
tique, se  reposait  l'auti-e  soir  de  ses  fatigues  législatives,  en 
se  promenant  avec  quelques-uns  de  ses  collègues  sur  l'asplialte 
des  boulevards.  11  se  délectait  à  savourer  le  parfum  d'un  pa- 
natellas.  quand  un  homme  vêtu  d'une  blouse  l'aborda,  la  main 
armée  d'un  cigare  encore  vierge  :  «  Citoyen,  du  feu,  s'il  vous 
plait?  »  dit-iL  Le  représentant  laisse  ses  collègues  continuer 
leur  promenade,  cl  offre  du  feu  à  son  inlerlocntcur.  Ce  der- 
nier alluma  son  cigare,  et  rendit  le  sien  à  son  officieux  repré- 
sentant, en  lui  disant  :  «  Tenez,  citoyen,  ça  me  fait  plaisir. 
-Vous  n'êtes  pas  fier.  Vous  êtes,  j'en  suis  sûr,  un  bon  républi- 
cain     Je  le  pense,  du  moins,  répondit  le  représentant.  — 

Eh  bien!  en  ce  cas,  vive  la  Rèpubliittie  démocralique!  —  Eh 
bien!  oui,  citoyen,  vive  la  République  démocratique!  —  Et    i 
sociale!  ajoute  î'incouuu.  —  Pour  celle-là,  je  n'en  suis  pas.  » 

«Quelques  mois  furent  encore  échangés  entre  le  représentant  I 
et  l'inconnu,  qui  s'éloigna  ensuite  eu  lui  disant  :  «  Nous  fini- 
rons par  nous  entendre.  »  Le  représentant  hàla  le  pas  pour 
rejoindre  ses  collègues  :  il  était  tard,  il  voulut  tirer  sa  montre 
pour  savoir  l'heure  qu'il  était;  hélas!  la  montre  avait  disparu, 
et  l'industriel  ne  lui  avait  laissé  que  la  chaîne  de  sûreté,  sans 
doute  comme  un  témoignage  de  la  fragilité  des  choses  hu- 
maines et  des  chaînes  de  sûreté.  » 

N.  B.  Nous  trouvons  dans  la  boîte  de  la  Revue  co- 
mique la  lettre  que  voici  à  l'adresse  de  l'honorable 
M.  de  Heckeren,  qui,  s'il  faut  en  croire  notre  singu- 
lier correspondant,  serait  le  représentant  désigné  dans 
la  note  qu'on  vient  de  lire  : 

«  A  Monsieur  de  Heckeren,  représentant  du  Haut-Rhin. 
«  Monsieur, 
«  C'est  dans  l'intérêt  de  la  vérité,  et  pour  ne  pas 
laisser  d'ailleurs  peser  sur  une  opinion  qui  ne  m'a  ja- 
mais rien  fait  et  avec  laquelle  je  n'ai  aucune  espèce  de 
rapport,  une  accusation  injuste,  que  je  prends  la  li- 
berté de  rectifier,  par  la  voie  de  la  presse,  le  récit  peu 


véridique  que  vous  avez  cru  devoir  faire  de  l'incident 
qui  vous  a  privé  de  votre  montre.  Quand  l'idée  m'est 
venue  de  remplacer  ma  montre  que  je  venais  de  per- 
dre par  celle  qui  était  dans  le  gousset  de  votre  panta- 
lon, je  me  suis  demandé  par  quel  moyen  je  pouvais 
m'attirer  votre  conliance,  et  comment  pouvait  s'opérer 
entre  nous  un  rapprochement  nécessaire  à  mon  projet. 
Ma  première  idée  fut  de  crier  eu  vous  demandant  du 
feu  :  «Vive  Henri  V!  »  Ce  cri  l'attendrira,  pensai-je 
d'abord.  Un  républicain  légitimiste  n'y  saurait  être  in- 
sensible. Mais  je  ne  m'arrôlai  point  à  cette  pensée.  Sous 
une  apparente  étourderie,  je  vous  sais  lin  et  rusé  ;  ce 
cri  vous  eût  mis  en  défiance,  et,  ma  foi,  toute  réQe.xion 
faite,  je  me  dis  :  «Ce  n'est  pas  là  un  coup  de  politi- 
que, c'est  une  affaire  de  sympathie  à  établir;  crions 
Vive  Lafayette  !  soyons  gris,  soyons  ronds  ;  Heckeren 
est  un  bon  vivant,  la  candeur  d'un  pareil  cri  n'éveil- 
lera pas  ses  soupçons,  il  se  laissera  toucher.  »  Qui  fut 
dit  fut  fait,  et  c'est  au  cri  de  Vive  Lafayette,  souve- 
nez-vous-en, et  non  au  cri  de  Vive  la  République, 
pas  plus  de  la  république  démocratique  que  de  la  ré- 
publique sociale,  que  s'accomplit  mon  dessein. 

«  Pourquoi,  Monsieur,  avoir  fait  de  celte  affaire  une 
affaire  politique?  pourquoi  avez-vous  cru  devoir  vous 
prêter  à  vous-même  un  bon  mot  que  vous  n'avez  point 
eu  à  prononcer?  avez-vous  donc  besoin  de  prouver 
que  vous  n'êtes  pas  socialiste,  vous,  qui,  au  fond,  ne 
tenez  pas  même  à  prouver  que  vous  soyez  républi- 
cain. 

«  H  faut  de  la  conscience  en  tout,  M.  de  Heckeren, 
dans  les  petites  choses  comme  dans  les  grandes  ;  il  ne 
suffit  pas  d'être  volé  pour  avoir  le  droit  d'attribuer  à 
son  voleur  des  paroles  qu'il  n'a  pas  prononcées.  —  Te- 
nez-vous-le  pour  dit,  je  vous  ai  laissé  la  chaîne  de  votre 
montre,  cela  méritait  plus  d'égards. 

«  Votre  Volelr.  » 


CHOSES  QUELCONQUES. 


On  assure  que  M.  Berryer  a  été  fort  mal  reçu  au 

fameux  congrès  de  la  rue  Duphot.  —De  son  côté, 
M.  de  Larochejacquelein  y  aurait  été  traité  d'éteignoir. 
M.  de  l'astoret  n'y  serait  pas  loléré.  M.  de  Genoude  y 
est  peut-être  écouté,  mais  un  peu  à  la  façon  de  Cas- 
sandre.  —  Voilà  pourtant  un  parti  qui  se  vante  de 
pouvoir  réconcilier  toute  la  France.  Réconciliez-vous 
d'abord,  messieurs,  si  vous  pouvez;  —  et  quand  la 
chose  sera  faite,  faites-nous  le  savoir. 

—  On  répétait  dans  un  salon  ce  mot  fameux  mais 
trop  répété  de  Napoléon  :  «  Dans  cinquante  ans,  l'Eu- 
rope sera  républicaine  ou  Cosaque.  »  —  Qu'elle  soit 
Cosaque,  s'écria  la  jeune  et  belle  marquise  de  1'"*  dont 


le  mari  est  sexagénaire  ;  notre  sang  corrompu  par  la  ci- 
vilisation ne  peut  que  gagner  à  se  croiser  un  peu.  » 
Avis  à  M.  le  marquis  de  P"*'. 

—  Sous  ce  titre  Violettes  parlementaires,  nous  nous 
proposons  de  faire  l'éloge  de  quelques  membres  de  l'As- 
semblée qui  ont  un  grand  mérite,  et  sont  parfaitement 
inconnus. 

Dans  une  réunion  oii  il  suffit  pour  s'illustrer  d'un 
peu  d'outrecuidance  et  de  fatuité,  ce  serait  de  l'ingra- 
titude de  ne  point  aller  chercher,  sous  les  feuilles  où 
elles  se  cachent  avec  tant  d'abnégation,  ces  modestes 
fleurs  que  les  départements  nous  ont  envoyées.  Qu'on 
y  songe,  pour  être  inconnu,  il  faut  n'avoir  ni  fait  m 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


prononce  la  moindre  sollise  depuis  dix  mois.  Les 
liommos  de  l'Iulannic  poiiiraionl-ils  i)iL'lc'ndro  à  un 
j)lus  rare  nuTitc .' 

—  Savi'z-vuus,  mon  clicr  duc,  pourquoi  la  Répu- 
blique a  |)!us  d'avenir  (|ne  la  monarchie,  disait  le  vieux 
comte  de  C...  an  vieux  duc  de  *".  (l'est  parce  que 
nous  sommes  vieux  et  que  la  Hoijuhliiiue  est  jeune. 

—  /'lus  de  révolutions! /y,ùmti  mieux  la  lîépu- 
l)li(iue  à  perpétuité,  disait  hier  un  de  nos  plus  li- 
ches  manufacturiers.  La  meilleure  révolution  ne 
vaut  rien.  La  République  n'est  pas  de  mon  goût, 
mais  elle  a  pour  elle  qu'elle  exclut  toutes  les  au- 
tres prétentions,  tandis  que  toute  autre  l'orme  les 
ferait  renaître.  Henri  V  nous  amènerait  le  comte  de 
Pans,  le  comte  de  Paris  nous  ramènerait  des  tentatives 
impériales.  Restons  tranquilles;  faisons  notre  lit.  La 
moindre  entreprise  commerciale  a  besoin  du  temps 
pour  se  fonder  et  d'une  mise  de  fonds  ;  que  la  mise  de 
fonds,  que  le  temps  donné  à  la  République  ne  soient 
perdus  ni  [jour  la  France,  ni  pour  nous.  Un  nouveau 
changement  demanderait  des  frais  entièrement  nou- 
veaux. C'est  assez  comme  cela.  Je  me  déclare  républi- 
cain, parce  que  j'ai  été  conservateur,  parce  que  je  le 
suis,  parce  que  je  prétends  l'être  non-seulement  de  [la- 
rôles,  mais  de  fait. 

—  M.  de  Lamartine  n'a  jamais  fait  un  discours  plus 
vide  que  celui  de  mardi  :  flatteries  au  président  de  la 
République,  flatteries  au  suffrage  universel,  flatteries 
à  la  majorité  en  injuriant  sans  raison  la  partie  extrême 
de  l'Assemblée,  autrefois  son  amie,  —  total  :  demande 
formelle  du  portefeuille  des  affaires  étrangères  ;  tel  est 
le  résumé  de  ce  triste  discoui-s. — .V.  B.  M.  de  Girardin 
l'a  loué. 

—  .\prè3  les  journées  de  juin,  un  grand  nombre  de 
citoyens  eurent  la  pensée  d'offrir  une  épée  d'honneur 
au  général  Cavaignac  ;  le  brave  général,  informé  de  ce 
j)rojet,  pria  ses  auteurs  d'y  renoncer  et  refusa  ce  té- 
moignage bien  mérité  d'ailleurs,  de  l'estime  du  pays. — 
A  propos  de  la  ridicule  journée  du  29  janvier,  qui  l'eût 
cru  ?  il  est  question  d'offrir  au  général  Changarnier  une 
épée  d'honneur;  en  vérité,  n'est-ce  pas  une  amève  cri- 
tique, une  satire  de  cette  équipée,  et  le  brave  général 
n'cst-il  pas  honteux  qu'on  fasse  pour  ce  triomphe  ima- 
ginaire ce  qu'on  n'a  pas  fait  pour  les  combats  réels 
qu'il  a  livrés  aux  Bédouins? 

—  Après  la  discussion  de  mardi,  le  repi'ésenlant 
Pory-Papy  était  tout  triste.  —  Il  voit  toujours  tout  en 
noir,  disait  un  représentant  de  Colmar,  —  émule  de 
M.  Dupin. 

—  C'est  une  chose  digne  de  remarque,  que  les  aca- 
démies n'ont  jamais  perdu  une  occasion  de  faire  acte 
de  servilité.  —  M.  Faucher,  ministre  de  l'intérieur, 
vient  d'ètie  élu  membre  de  l'Académie  des  sciences 


morales  et  politiques  en  concurrence  avec  M.  Michel 
Chevallier. —  Si  M.  Michel  Chevallier  eut  été  ministre, 
l'est  lui  qu'on  eût  élu  à  la  place  de  M.  Faucher. 

—  .M.  le  maréchal  Bugeaud  se  souvient  de  son  mé- 
tier de  geôlier.  —  Il  traite  la  France  républicaine 
connue  il  traitait  nagui-re  la  duchesse  de  Berry.  — 
«  Uiialre  hommes  et  un  caporal,  dit-il,  suffiraient  pour 
la  réduire.  » 

i\ous  lui  conseillons  pourtant  de  s'adjoindre  quel- 
ques hommes  de  plus. 

—  M.  Giiizol  dirait  de  M.  Bugeaud,  que  sa  place 
était  à  Alger,  et  (|u'il  mettait  un  gouvernement  quel- 
conque au  déli  de  faire  de  lui  autre  chose  qu'un  gou- 
verneur algérien. 

—  M.  lit  [M'ésident  de  la  République  ne  donne  pas 
de  bals  :  la  France  ne  veut  pas  payer  les  violons. 

—  La  France  n'est  pas  tout  entière  dans  le  chapeau 
de  l'Lmpereur  ;  elle  est  moins  encore  avec  Henri  IV 
sur  le  Pont-lNeuf  ;  elle  n'a  pas  suivi  non  plus  Louis- 
Philippe  en  exil...  Où  donc  est-elle? 

—  Vous  ne  croyez  pas  à  la  République  ;  vous  n'avez 
pas  cru  à  la  monarchie;  vous  ne  croyez  à  rien,  et  vous 
vous  croyez  de  force  à  renverser  ou  à  construire  quel- 
que chose. 

11  n'y  a  que  la  foi  qui  transporte  les  montagnes; 
allez  où  est  la  foi  ,  —  vous  y  trouverez  la  force. 
Or,  la  foi,  ce  n'est  pas  vous  qui  l'avez;  ce  n'est  donc 
pas  vous  qui  avez  la  force;  ce  que  vous  détruiriez  un 
jour,  la  foi  le  rétablirait  le  lendemain. 


L  doit  S'introduire  chez  tous  pour  voler 


—  Monsieur,  méfîez-T 
tous  vos  effets. 

—  Monsieur,  je  ue  crains  rien  :  tous  mes  effets  sont  protestés. 


Cflètre  si  mal  fail,  si  toiUi,  si  vilain, 

r/est  nions  Dupin  (Laid-Nez),  uiaUre  en  fait  de  chicane 

Prince  des  procureurs,  ami  du  coq-à-l"ane, 

I,a  veille  démoli,  debonl  le  lendemain  .' 

Contre  la  République,  à  tout  propos,  il  hnce 

De  ces  bzzis  poinlus  qui  lui  sont  familiers. 

Insinuant  (pi'un  roi  cliausscrait  mieux  la  France; 

Mais  on  le  voit  venir,  avec  ses  gros  sou'iers!... 


Dessioé  par  FabritzIiS. 


Gravé  par  Baulant. 


11(111.    VAFIII    lits    ITAIIINS. 


HO  cTiiliiiicH  la  livrnlHoii. 


I.   Ml.lltl,    .'.2. 


iSiiiiM^^ 


idilions  de  la  Koiiscriplion.  —  La  Revde  comiqle  formera  un  magnifujue  volume,  grinJ  iu-8,  publié  en  50  livraisons  à  ÔO  centimes, 
pnrh  posle,  iO  cent.  On  sous,  rit  pour  10  livraisons.  Pour  les  iléparlemenls,  envoyer  un  mandat  sur  la  poste  à  Tordre  du  directeur  de  la 
Uevi  E.  —  Pour  lùul  ce  qui   concerne  la  rédaction,  écrire   [franco)  à  M.  Lir.Eis,  au  bureau  de  la  Revle,  2,  boulevard  des  Italiens. 

DumiNSHAv,  ÉDiTEun,  RUE  RICHELIEU,  52.  1  o""  Liviaison. 


AVIS    AIX    JODRIV'Al'X    Ui:    l'AItlS    ET    DE«i    DÉIMKTEMENTS. 

Kolis  autorisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  Revue  comique,  à  la  condition  : 
I"  De  citer  la  Uevue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
5"  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  cIkkiuc  numéro. 


AVIS 


AUX  SOUSCRIPTEURS  BE  X.A  REVUE  COMIQUE. 

Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  décompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  join-,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  i\\\ 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  eu  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  QUINZIÈME  LIVRAISON. 


La  Semaine.  —  Du  Succès  de  M.  Râteau.  —  Oraisons  périgourJiues  do  M.  Bugeaud.  —  Comment  M.  Tliiers  défend  M.  Léon 
Faucher.  —  DovouemenI  et  colique.  —  M  Bugeaud  et  le  Journal  des  Débals.  —  Nouveaux  détuils  sur  le  duc  do  Bordeaux 
et  sur  la  duchesse  de  Berry  ;  la  ticvue  romique  et  les  journaux  Icgiliuiislof.  —  Proposilion.  —  Diidogup  des  morts,  par  un 
visionnaire.  —  Choses  quelconques.  —  Correspondance. 


Dcâsinalcura.  Graveurs. 

Le*  deux  marquis Otto.  Baulant. 

La  fièvre  de  Tor Punch  et  FabrUzius.  Eaulant. 

Apparition  des  naturels Punch  et  Nadard.  Baulant. 

L'enfant  savant Xadard.  Bju'an*. 

Le  saut  de  carpe Nadard.  Baulant. 

L'étincelle  électrique Nadard.  Jaliot. 

Le  tour  des  forts Nndard.  Baulant. 

Grande  jonglerie Nadarii.  Louis. 


Do-.sinalcurs.  Graveurs. 

Le  tour  du  bâton Nadard.  Baulant. 

Le  tour  des  gobelet? Nadard.  Baulaui. 

La  carte  pensée Nadard.  Louis. 

Haute  banque Nadard.  Louis. 

Il  s'escanaole  lui-mûme Nadard.  Montigncul. 

La  pyramide  huma  n.-.  ...  Nadard.  Baular.t. 

Latnartinc ...  Fabritïius.  Baulant. 


POnn  PARAITBE   D&NS  LES  PROCHAINES  LIVRAISONS 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTURES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tentations  —  travestissements 
hypocrysies  —  passe- passe  —  perfidies  —  grande  culbute  de 

MOSIEU  RÉAG 

SUITE    DE    CAniCATCBES    PAU    NADARD. 


Parii.— Tiivfl  aux  prenKS  mécaniques  de  LiCHAMPB  (lU  cl   Comp.^  nie  Damiclte,  2. 


LA   SEMAINE. 


La  politique  se  traîne  dans  le  marasme  qui  succède 
aux  grandes  crises,  les  partis  se  font  une  petite  guerre 
d'amendements.  Odilon  Barrot  et  Faucher  le  Grand  se 
reposent  sur  leurs  lauriers.  Pour  égayer  un  peu  la  si- 
tuation, nous  n'avons  eu  que  les  discours  de  xM.  Bu- 
gcaud  aux  autorités  lyonnaises,  charmante  alla  pn- 
prida  où  la  politique,  la  morale,  la  législation,  la 
stratégie,  les  circonstances  atténuantes,  la  guerre  des 
rues,  l'intervention  en  Italie,  se  trouvent  mêlées  et 
assaisonnées  d'une  pointe  d'ail  périgourdin  qui  n'est 
pas  inférieur  aux  meilleures  rémoulades  servies  par  le 
facétieux  maréchal  à  ses  anciens  convives  les  fonc- 
tionnaires de  la  monarchie. 

Le  reste  du  temps  on  a  dansé.  Le  dernier  bal  de 
l'Opéra  a  été  plein  d'animation  et  de  gaieté.  On  n'en 
dit  pas  autant  du  bal  qui  a  eu  lieu  vendredi  _chez  le 
président  de  la  République  ;  mais  les  détails  nous  man- 
quent pour  en  parler  savamment.  Nous  y  reviendrons 
à  notre  prochaine  Revue. 

Nous  avons  eu  une  restauration  au  Théâtre-Français. 
M.  Mazères  a  reparu  traînant  après  lui  l'ombre  de 
Picard,  h' Amitié  des  Feynmes  est  une  innocente  petite 
comédie  qui  date  de  1826;  elle  portait  les  cheveux  à 
lachmoise,  les  manches  à  gigot,  un  ridicule  d'acier  et 
une  robe  à  la  Dame  blanche.  On  lui  a  refait  à  la  hâte 
une  toilette  selon  les  modes  actuelles;  mais  la  pauvre 
enfant  était  empruntée  sous  ce  costume,  et  malgré 
quelques  mots  d'actualité  semés  çà  et  là  dans  le  dia- 
logue, Fauteur  n'a  pu  parvenir  à  cacher  la  date  véri- 
table de  sa  prose,  l'âge  de  sa  comédie  à  la  Jocko. 

On  parle  beaucoup  depuis  quelque  temps  de  réor- 
ganiser le  Théâtre-Français.  Une  des  mesures  les  plus 
importantes  à  prendre,  serait  la  réinstallation  de 
M.  Mazères  dans  une  préfecture  quelconque.  11  faut 
l'exiler  à  au  moins  soixante  lieues  du  comité.  Espé- 


rons que  M.  Léon  Faucher  comprendra  celte  nécessité. 

Constatons  à  l'Opéra  une  chute  qui  a  été,  chose  bi- 
zarre, l'occasion  d'un  triomphe  pour  la  danseuse  qui  l'a 
faite.  Mademoiselle  Maria,  emportée  par  son  ardeur, 
s'est  jetée  de  la  scène  dans  l'orchestre  ;  elle  est  tombée 
fort  adroitement  sur  un  second  violon,  M.  Tolbèque: 
elle  pouvait  se  tuer,  et  en  a  été  quitte  pour  la  peur. 
Une  pluie  de  bouquets  a  témoigné  de  l'intérêt  que  le 
public  avait  jiris  à  son  saut  périlleux. 

Lisez-vous  la  Mode?  A  l'entendre,  nous  avons  com- 
mis un  crime.  Nous  l'avons  dit,  le  duc  de  Bordeaux 
boite  légèrement  par  suite  de  l'accident  qu'il  a  éprouvé 
à  Kirchleng-Kircberg.  Messieurs  les  compositeurs,  pou- 
vez-vous  vous  tromper  sur  l'orthographe  des  lieux  il- 
lustrés par  d'aussi  grands  événements? Savez-vous  ijuc 
dans  tous  les  dictionnaires  de  géographie  de  l'avenir, 
on  lira  :  Kirchberg,  champ  de  bataille  fameux  où  le 
duc  de  Bordeaux  fit  une  chute  de  cheval  en  combat- 
tant les  lièvres  et  les  perdrix. 

Il  boite  !  c'est  un  crime  irrémissible  de  le  dire, 
aux  yeux  de  certaines  gens,  et  le  correctif  légère- 
ment ne  fait  qu'ajouter  à  la  grandeur  du  forfait.  L'en- 
fant du  miracle  ne  peut  pas,  ne  doit  pas  boiter.  Il 
faut  avoir  tout  foulé  aux  pieds  ,  urbanité  française, 
sentiment  des  convenances,  respect  dû  au  malheur, 
pour  soutenir  de  telles  énormités. 

Quoi  !  ce  prince  qui  frappe  par  son  air  de  prédesti- 
nation (comte  de  Flahaul),  qui  serait  le  roi  des priti- 
ces  (le  sculpteur  Bartolini),  qui  semble  avoir  été  taillé 
par  Dieu  pour  la  royauté  (Chateaubriand),  qui  ne  dit 
pas  une  parole  qui  ne  doive  être  dite,  qui  ne  fait  pas  un 
acte  qui  ne  doive  être  fait  (.M.  de  Metlernich),  qui  ne 
parle  pas  sans  qu'on  croie  voir  la  Dtain  de  Dieu  sur  sa 
tète  un  archiduc  d'Autriche],  ce  prince  merveilleux, 
ce  prince  charmant,  nous  avons  osé  dire  que  sa  dé- 


218 


REVUE  COMlQliK 


maiclie  était  incertaine,  et  qu'il  inenait  (în  ventre: 
profanation'.!!  Mais  à  quoi  voulez-vous  donc  ([uc  nous 
reconnaissions  les  lîourbons  désormais'? 

Il  faut  être  républicain  et  sorti  de  la  buiie,  comme 
dit  avec  tant  de  grâce  gentilhommière  le  journal  {a 
Mode,  auquel  nous  empruntons  les  diverses  citations 
que  l'on  vient  de  lire  au  sujet  du  comte  de  Chambord, 
pour  prétendre  que  le  lils  de  tant  de  rois  s'appuie  sur 
des  jambes  inégales.  Allons  donc  !  est-ce  que  Henri  IV 
boitait?   Il  est  vrai  qu'ils  ne  sont  pas  Français,  ajoute 
la  Mode ,  ceux  qui  insultent  au  malheur.  Eh  bien! 
nous  prenons  acte  de  vos  paroles.  Ètcs-vous  Français, 
messieurs  de  l'ancien  régime,  messieurs  de  la  grâce, 
de  l'urbanité,  de  la  générosité,  messieurs  de  l'Œil  de 
Bœuf  et  de  Fontenoy,  lorsque,  parlant  d'un  homme 
politique  aujourd'hui  en  hutte  aux  rigueurs  du  pou- 
voir, et  que  vous  nommez  en  tontes  lettres,  vous  dites 
en  parlant  d'une  fête  où  il  assistait  :  «  Il  tomba  ivre- 
mort  sur  le  parquet,  laissant  sur  le  trajet  de  son  en 
avant  deux   les  traces  les  plus  démocratiques  de  son 
passage!»  Quels  charmants  détails  (et  nous  suppri- 
mons les  enjolivements  de  l'article)  pour  vos  lecteurs 
si  lins,  si  délicats,  et  quel  rôle  pour  des  paladins  que 
de  "lisser  sous   le  guicîut  d'une  prison  des  chroniques 
diffamatoires,  et  découdre  des  pamphlets  aux  réquisi- 
toires du  ministère  public!  Allez,  hirondelles  du  scan- 
dale, allez  gazouiller  la  médisance  et  la  calomnie  sous 
les  fenêtres  du  prisonnier  ! 

Ah!  qu'on  voit  bien  que  vous  n'êtes  pas  républi- 
cains et  sortis  de  la  boue,  lorsque  d'une  plume  élé- 
■rante  et  chaste,  de  cette  plume  qui  écrit  pour  la  du- 
chesse d'Angoulême  (une  sainte  !)  et  pour  la  duchesse 
de  Berry  (une  si  grande  dame!  nne  sainte  aussi,  sans 
doute)  vous  nous  décrivez  le  président  do  la  République 
se  plaçant  à  table  à  côté  de  madame  M  ..  sans  corset. 


M.  et  madame  F...  dansant  nne  sarabande  de  la  Chau- 
mière, madame  F...  exécutant  une  cachucha  vêtue  du 
costume  andaloux  tel  (lu'il  est  décrit  dans  le  livre  I"  de 
la  C.enèse.  Nous  bornerons  là  nos  citations,  et,  en  vé- 
rité, nous  ne  saurions  aller  plus  loin  ;  la  rougeur  et  la 
honte  nous  montent  au  front.  Ces  gentilshommes,  ces 
chevaliers,  ces  paladins,  ces  gens-là  oublient  tout  ;  ne 
craignez-vous  pas  que  ce  prince,  qui,  selon  M.  de  Met- 
ternich,  ne  dit  pas  une  parole  qui  ne  doive  être  dite, 
ne  vous  écrive  :  «  Messieurs,  vous  allez  trop  loin  ;  mes- 
dames M...  F...  sont,  après  tout,  les  femmes  de  mes 
sujets,  et  je  veux  qu'on  les  respecte.  » 

Que  vous  accusiez  celui-ci  d'être  un  fat,  celui-là  un 
traître,  celui-là  un  voleur,  (jui  a  mis  dans  sa  poche  les 
diamants  de  la  couronne,  ceux-là  encore  des  fous,  peu 
nous  importe  !  Nous  avons  eu  le  malheur  de  dire  que 
le  comte  de  Chambord  boitait,  il  fallait  bien  user  de 
représailles;  mais  du  moins,  lils  des  croisés,  respectez 
le  beau  sexe,  si  cela  vous  est  encore  possible  après 
avoir  oublié  Blaje  et  tendu  la  main  à  celui  qui  vous 
déshonora  tous  dans  le  déshonneur  d'une  femme. 

La  République  n'a  pas  touché  à  un  cheveu  de  vos 
têtes;  elle  ne  s'en  repent  pas.  Dieu  merci.  Qu'en  eût- 
elle  fait?  Mais,  constatons-le  pourtant,  et  mettons  en 
re<jard  de  cette  clémence  vos  promesses  pour  l'avenir. 
Nous  les  empruntons  à  l'a  Gazette  de  France,  faisant, 
dans  son  numéro  du  l.'i,  l'apologie  de  M.  Bugeaud  ; 
c'est  à  la  République  qu'elle  parle  :  uNon,  pas  de  (jrûce! 
Il  faut  que  celui  qui  règne  ou  qui  a  régné  parla  violence, 
le  sa?ig  et  la  révolution,  finisse  par  la  violence,  le  sang 
et  la  révolution. 

Us  tomberont.  La  France  seule  vivra! 
Pas  de  grâce!  M.  l'abbé,  pas  de  grâce!  c'est  vous 
qui  prononcez  ce  mot.  Si  le  peuple  allait  s'en  souve- 
nir! si  le  peuple  lisait  la  Gazette  ! 


Décidément  nous  nous  amoindrissons,  nous  nous 
cmiettons,  nous  nous  en  allons  en  poussière,  et  il  n'y 
a  pas  dans  l'histoire  de  notre  révolution  de  spectacle 
plus  affligeant  que  celui  qu'offre  l'Assemblée  nationale 
dans  ses  derniers  jours.  On  sent  qu'il  lui  manque  le 
souffle  inspirateur,  la  chaleur  divine,  la  foi  !  Au  heu 
de  prendre  une  de  ces  grandes  résolutions,  un  de  ces 
partis  énergiques  qui  sauvent  les  nations  et  immorta- 
lisent une  réunion  d'hommes,  elle  dispute  à  la  réaction 
qui  la  presse,  la  somme,  l'insulte,  un  décret,  un  jour, 
une  heure! 

Quelle  différence  avec  l'Assemblée  de  l"8U,  la 
grande  Constituante,  qui  sut  non-seulement  faire  une 
constitution  complète,  mais  asseoir  la  révolution,  qui, 
|)endant  trois  ans  et  demi,  résista  à  toutes  les  attaques, 
à  toutes  les  violences,  à  toutes  les  ruses  de  l'ancien  ré- 
gime, et  s'en  alla  librement,  à  son  temps,  à  son  heuie, 
en  «'excluant  de  l'Assemblée  législative,  par  un  élan 


DU  SUCCÈS  DE  M.  RATEAU. 

mprudent  de  désintéressement  excessif!  Quelle  difft 


rence  avec  la  Convention!  Elle  aussi,  vers  la  fin  de  sa 
glorieuse  dictature,  était  sommée  par  la  réaction  roya- 
liste de  s'en  aller  et  de  lui  laisser  la  place  libre  :  la 
Constitution  de  l'an  III  était  faite,  disait-on  ;  qu'avait- 
elle  à  durer  plus  longtemiis?  Elle  répondit  à  ces  cla- 
meurs par  le  décret  du  12  thermidor,  qui  portait  que 
les  deux  tiers  du  nouveau  Corps  législatif  seraient  néces- 
sairement pris  dans  la  Convention.  On  sait  comment 
les  royalistes  essayèrent  d'annuler  ce  décret  salutaire 
par  une  insurrection;  on  sait  comment,  au  15  vendé- 
miaire, les  sections  aristocrates  de  Paris  attaquèrent  la 
Convention  et  furent  battues.  Il  est  vrai  que  du  côté  de  la 
Convention  était  Napoléon,  qui  scntaitbien  que  l'avenir 
était  dans  le  parti  de  la  révolution,  qui  se  gardait  bien 
de  chercher  ses  destinées  dans  la  réaction  et  de  ce  faire 
palroner  par  le  royalisme.  Les  temps  et  les  hommes 
sont  bien  changés!  Autres  temps,  autres  Napoléons! 


Ai'' 


///.  .f 


Palsaniblcu,  cher,  ce  jeune  drôle  se  dnmxe  des  airs  de  se  fortifier  à  son  piste. 
■  Serions-nous  joués,  mirquisf 


Dessiné  par  Otto. 


irave  par  Bai  last. 


La  fi-vre  de  Tor  s'empare  de  toules  les  nations  et  de  toutes  les  classes  de  la  société  ;  chacun  s'embarque  au  plus  »ite  ponr  la  Californie. 


OUAISO.NS  PÉP.IGOURDINtS  DE   M.   DUGEAUD. 


La  France  s'imagine  avoir  nommé  pour  chef  du 
pouvoir  exécutif  M.  Louis  Bonaparte;  elle  s'imagine 
avoir  une  constitution  et  être,  bon  gré,  mal  gré,  en  ré- 
publique. Ce  sont  des  illusions,  des  erreurs  que  nous 
devons  dissiper,  car,  sans  qu'elle  sans  doute,  elle  a  Je 
bonheur  de  virre  sous  le  régime  absolu,  d'avoir  un 
maître,  un  monarque,  que  dis-je?  un  autocrate,  et  ce 
maître  n'est  pas  l'élu  de  sou  choix.  En  doulez-vous? 
Lisez  les  discours  de  M.  Bugeaud  à  Lyon. 

M.  Bugeaud,  parce  qu'il  est  général  de  l'armée  des 
Alpes,  appelle  à  son  prétoire  officiers,  magistrats,  au- 
torités de  tout  genre,  et  il  les  prêche,  et  il  les  excite, 
et  il  les  gourmande,  non  comnHi  pouvait  faire  Napo- 
léon, ce  serait  injurier  le  grand  homme,  mais  comme 
ont  dû  faire  Attila,  Tamerlan  et  les  autres  fléaux  de 
Dieu. 

a  Ne  comptez  pas,  dit-il  aux  ofliciers,  que  nous 
ferons  la  guerre  au  delà  des  Alpes.  Nous  !  nous  sou- 
tiendrions ces  anarchistes  de  la  Loiiibardie  contre  nos 
amis  les  Autrichiens,  contre  cette  année  modèle  qui 
vient  de  restaurer  la  puissance  impériale!  Allons 
donc!  on  nous  prendrait  pour  des  républicains  !  D'ail- 
leurs, nous  avons  bien  autre  chose  à  faire  :  l'armée 
des  Alpes  est  la  réserve  de  l'armée  de  l'aris  contre  les 
socialistes,  les  perturbateurs,   les  démocrates;  nous 


n'attendons  qu'une  circonstance  pour  les  meltie  à  la 
raison.  Aussi  toute  la  science  militaire  dont  vous  de- 
vez vous  pénétrer  est  celle  de  la  guerre  des  rues,  et  je 
m'en  vais  vous  donner  une  leçon  à  ce  sujet.  »  Puis  il 
se  tourne  vers  les  magistrats  et  leur  dit:  «Vous  vien- 
drez avec  nous,  messieurs,  combattre  à  Paris.  En  at- 
tendant, formez  donc  de  bons  jurés  et  débarrassez- 
nous  de  l'abus  des  circonstances  atténuantes.  »  Puis  il 
s'adresse  aux  conseillers  municipaux,  aux  ofliciers  de 
garde  nationale,  et  chacun  a  sou  mot,  son  instruction, 
son  coup  de  boutoir.  Quant  aux  lois,  à  la  constitution, 
à  l'Asserablée  nationale,  au  président  de  la  Républi- 
ijiie,  est-ce  que  cela  existe?  est-ce  qu'il  y  a  une  autre 
puissance  en  France  que  celle  de  M.  Bugeaud  de  la 
Piconnerie,  duc  d'isly'/ 

Nous  ne  comprenons  pas  comment  des  niagisirats, 
des  autorités  municipales,  des  officiers  de  garde  natio- 
nale, des  corps  constitués,  ont  cru  nécessaire  et  utile 
d'aller  faire  la  cour  au  général  de  l'armée  des  Alpes, 
qui  n'a  ni  ordre,  ni  avis,  ni  instruction  à  leur  don- 
ner; nous  comprenons  encore  moins  tju'aucun  de  ces 
citoyens  n'ait  répondu  aux  speechs  excentrique  de  l'é- 
trange dictateur  qui  se  révèle  à  la  France,  mais  ce 
que  nous  ne  comprenons  pas  du  tout,  c'est  que  l'As- 
semblée nationale  n'ait  pas  UaJuit  à  sa  barre,  pour 


Appar.tirn  des  naturels  sur  les  rives  du  Sacramenlo  (Californie). 


ses  discours  séditieux,  M.  le  maréchal  Bugeaud,  c'est  '  voirs,  il  aurait  commis  le  plus  stupide  contre-sens,  il 

que  le  minislcre  et  lepi-ésideut  ne  destituent  pas  ce  pro-  |  se  serait  destitué  lui-même.  Mais  riionnèle  M.  Barrot 
lecteur,  qui  semble  leur  faire  grâce  en  ne  les  mettant      est-il  bien  dans  le  secret  de  la  comédie? 

pas  dans  le  fourreau  do  son  épée.  M.  Barrot  a  bien  dit  |  Nota  benè.  Dix  mille  francs  de  récompense  à  qui 
qu'il  désavouait  les  paroles  prêtées  à  SI.  Bugeaud;  trouvera  le  mot  de  repaé/f'^-w  dans  les  discours,  lettres, 
que  si  le  maréchal  eût  tenu  les^propos  que  racontent  conversations  publiques  de  l'illustre  maréchal.  C'est 
les  journaux  de  Lyon,  il  aurait  manqué  à  tous  ses  de-      un  mot  qui  ne  ligure  pas  dans  le  patois  périgourdin. 


COMMENT  M.  THlEllS  DÉFEM)  M.  LÉON  FAUCHER. 


Le  véritable  homme  d'Etat  du  cabinet,  ce  n'est  ni 
M.  Barrot,  qui  n'en  est  que  le  marguiller,  ni  M.  de 
Falloux,  qui  en  est  le  sous-diacre  ;  c'est  M.  Léon  Fau- 
cher. Ce  célèbre  ministre  a  été  le  premier  à  com- 
prendre toute  sa  valeur  et  à  reconnaître  sa  propre 
importance.  Aussi  s'est-il  empressé  de  se  conduire, 
soit  envers  lui-même,  soit  avec  les  autres,  en  homme 
qui  sait  son  poids,  qui  n'ignore  aucun  de  ses  mérites, 
et  qui  se  respecte  pour  ce  qu'il  vaut.  Tout  en  lui  a 
re\ètu  une  forme  digne  de  lui-même  :  son  atti- 
tude est  conforme  aux  sentiments  qui  agitent  sa 
grande  àme.  11  marchait  obliquement  ;  il  tenait  du  Z 
et  du  tire-bouchon  ;  il  va  aujourd'hui  droit  comme 
un  I  :  c'est  un  irréprochable  manche  à  balai  ;  rien 
n'y   manque.   Ses  cheveux  -ont  une  tenue  que   des 


crins  ne  désavoueraient  pas ,  ils  font  tête  de  loup. 
Quand  Faucher  ne  parle  pas  ,  il  médite  ;  quand 
il  parle,  il  prononce,  il  juge,  il  décide.  Ses  phrases 
sont  devenues  brèves,  courtes,  sentencieuses;  chaque 
mot  est  une  maxime  d'État.  Hier,  il  essayait  humble- 
ment de  parler  à  tout  le  monde  ;  aujourd'hui,  il  dai- 
gne s'entretenir  avec  quelques-uns  ;  il  n'est  pas  jus- 
qu'à ses  anciens  protecteurs  sur  lesquels  sa  condescen- 
dance ne  s'étende. 

«  Allons,  allons,  disait  M.  Thiers,  un  jour  qu'on 
parlait  devant  lui  des  changements  heureux  survenus 
dans  la  personne  de  ce  ministre  de  son  choix,  ne  l'at- 
taquez pas  ;  ne  dites  rien  de  Faucher,  mon  devoir 
serait  de  le  défendre  :  il  est  très-bon  ;  il  me  pro- 
tège !  » 


REVUE  COMIQUE 


DÉVOUEMENT  ET  COLIQUE. 


LES    JONf.l.EnlES    d'l-N    S.U.TIMBANQI-E. 


L°étiDceU«  électrique  de  1810< 


Ceci  se  puFsail  à  Aiios,  il  y  a  huit,  jniirs. 

—  Mcssifurs,  (lit  un  des  convives,  à  la  santé  de 
'exilé  do  Fi'oslidoill! 

—  Cela  va  sans  dire. 

—  A  la  santé  de  saint  Louis. 

—  Bravo!  buvons  à  Henri  IV! 

—  N'oublions  pas  Hugues  Capet,  je  vous  prie,  car 
il  s'agit  de  vexer  les  républicains. 

—  Il  nous  manque  un  portrait  de  l'exilé.  Qu'est-ce 
qui  a  un  portrait  de  l'exilé  dans  sa  poche? 

—  Il  n'y  a  ici  que  la  gravure  du  .luif-Errant. 

—  On  pourrait  la  faire  passer  pour  le  portrait  de 
Hiigries  Capot.  Légitimité,  hérédité,  ou  la  mort! 

—  Holà,  les  marmitons!  avez-vous  ici  un  portrait, 
un  buste,  la  moindre  des  choses,  susceptible  de  vexer 
les  républicains,  ventre  saint-gris! 

Un  marmiton  légitimiste  et  héréditaire  apporte  mys- 
térieusement un  petit  buste  peint  en  vert. 

—  llurra  !  voilà  l'enl'ant  du  miracle  !  Genou  à  terre, 
messieurs  ;  suivez  son  panache  blanc!  Il  n'y  arien  de 
ch»ngé  à  Avignon,  il  n'y  a  qu'un  Français  de  plus. 
Pends-toi,  brave  Crillon  ! 

—  Dieux!  comme  il  ressemble  à  Hugues  Capet? 

—  C'est  le  cas,  je  crois,  de  vexer  de  plus  en  plus  les 
républicains. 

—  Vexons-les. 

—  Messieurs,  il  faut  avaler  ce  buste. 

—  Comment? 

—  D'après  le  procédé  de  la  reine  Artémise  ,  grat- 
tons dans  nos  verres  le  buste  du  fils  de  la  cape,  et 
buvons  ! 

—  Buvons-le  à  la  santé  d'Henri  IV.  Los  républi- 
cains ne  s'attendent  pas  à  ce  bon  tour. 

—  Légitimité,  hérédité,  ou  la  mort!  Ah!  si  le 
brave  (Grillon  était  ici  ! 

—  Il  s'est  pendu  il  y  a  longtemps. 

—  Grattons  le  buste! 

—  Eh  doucement,  vous  là-bas  ;  vous  en  prenez  plus 
(|ue  votre  part.  Tout  une  joue  du  lils  de  saint  Louis 
y  a  passé. 

—  Moi  je  demande  le  nez  de  l'exilé.  Qu'on  me 
racle  le  nez  de  l'exilé  ! 

—  Procédons  avec  ordre.  Je  retiens  les  deux  oreilles 
de  l'héritier  d'une  monarchie  de  quatorze  siècles. 

—  Ventre-saint  gris!  comme  vous  y  allez!  que  me 
restera- t-il? 

—  Le  menton.  Ce  n'est  pas  un  morceau  à  dédai- 
gner que  le  menton  de  l'auguste  lils  des  rois! 

—  J'aurais  préféré  le  nez  ;  mais  buvons  chacun 
notre  part  dans  un  verre  de  Champagne.  J'aime  à 
croire  que  le  Champagne  est  un  vin  bien  pensant. 

—  Parbleu  1  le  panier  qu'on  nous  a  servi  a  été  à  la 
croisade. 

—  A  la  santé  d'Henri  IV  ut  Je  Hugues  Capet! 


A  i.rs\(.i;  m.s  (;i,ns  skuiiiux. 


223 


Les  convives  luirent,  mais  iU  avaiciil  cmiiplc  ^an^ 
la  couche  de  vcil  <|iii  coloriait  U'.  Iiiisto.  L'ii  (juait 
d'heure  après,  ils  se  serraient  le  ventre.  Pends-toi, 
Conslittilioniicl ,  tn  n'étais  pas  là  avec  la  seringue 
royaliste  !  La  présence  du  Constihitionncl  aurait  été 
plus  utile  en  ce  moment  que  celle  de  Grillon.  On  as- 
sure que  l'un  des  buveurs  en  a  encore  la  colique;  mais 
quel  bon  tour  joué  aux  républicains  ! 


M.  BUGEAUD  ET  LE  JOlItSM.  DES  DÉBATS. 

Nous  aimons  qu'on  soit  gouvernemental ,  mais  en- 
core faut-il  l'être  avec  discernement,  avec  raison,  avec 
esprit,  ou  tout  au  moins  avec  bonne  foi.  Ce  que  nous 
voudrions  le  moins  contester  à  nos  adversaires,  à  cer- 
tains d'entre  eux  surtout,  au  Journal  des  Drbats,  pas- 
exemple,  ce  serait  la  bonne  foi.  II  faut  pourtant  choi 
sir  :  ou  le  Journal  des  Dfbats  n'est  pas  de  bonne  foi, 
ou  il  perd  le  sens  quand  il  croit  que  les  ridicules  for- 
fanteries du  maréchal  Bugoaud  peuvent  être  utiles  à 
un  gouvernement  quelconque,  et  qu'elles  sont,  pour 
celui  que  nous  avons  le  bonheur  de  posséder,  une  ga- 
rantie, et  non  un  danger.  Que  le  Journal  des  Débats 
se  reporte  à  une  autre  époque,  c'est  lui  faire  une  vio- 
lence assez  douce  ;  qu'il  se  rappelle  quelles  impatiences 
causait  à  .M.  Guizot  la  faconde  de  M.  Biigeaud  quand 
il  était  à  Alger,  et  qu'il  nous  explique  pourquoi  les 
grotesques  lazzis  qui  lui  paraissaient  souverainement 
ridicules  et  fâcheux  quand  .AI.  Bugeaud  trônait  en 
Afrique,  lui  semblent  acceptables  et  défendables  au- 
jourd'hui qu'il  fait  l'empereur  h  Lyon.  Serail-ce  parce 
que  le  Journal  des  Débats  aime  moins  sincèrement  le 
gouvernement  de  .M.  Barrot  que  celui  de  M.  Guizot? 
Qu'il  le  dise,  cela  n'étonnera  personne  ;  mais  qu'il  ne 
trouve  pas  bonnes  pour  la  République,  une  République 
dont  il  déplore  tous  les  jours  la  faiblesse,  des  excentri- 
cités qui  l'inquiétaient  pour  un  trùne  qu'il  semblait 
croire  pourtant  inébranlable. 

M.  Bugeaud  est  un  grand  militaire,  nous  le  voulons 
bien  ;  nous  n'en  savons  rien  ;  nousn'en  sommes  pas  juges, 
ni  le  Journal  des  Débats  non  plus  ;  mais  il  est  en  même 
temps  le  plus  absurde  des  hommes  politiques  qui  soit  en 
France.  Le  directeur  et  les  rédacteurs  rfes/^eôfl/s  le  sa  vent 
comme  et  mieux  que  tout  le  monde  ;  qu'ils  aient  donc 
la  probité  d'en  convenir  :  leur  cause  n'y  saurait  pf  rdre, 
et  le  gouvernement  un  peu  naïf  de  M.  Barrot  ne  s'au- 
toriserait pas  de  leur  appui,  qui  ne  saurait  être  sincère 
dans  une  question  de  ce  genre. 

S'il  faut  croire  que  la  guerre  soit  une  spécialité 
comme  la  musique,  comme  la  peinture,  comme  la 
littérature,  faites  de  M.  Bugeaud  un  illustre  guerrier  ; 
comparez-le  à  Napoléon-Ze-Érranrf,  qui  avait,  il  est 
vrai  ,  battu  autre  chose  que  des  Bédouins  ;  mais 
mettez-le,  pour  sa  tenue  politique,  à  côté  du  bon  La- 
grange;  dites  qu'il  est  fou.  C'est  la  seule  excuse  qu'on 
puisse  lui  trouver. 


I  Es    JOM.I.KillK'    Il  CN    SALTIMBA   .  ,IE. 


Le  tour  des  forts. 


L-?  tour  du  bâton. 


224 


REVUE  COMIQUE 


NOrVF.AUX  DÉTAILS  SUR  LE  DUC  DE  BORDEAUX  ET  SUR  LA  DUCHESSE  DE  BERRY. 

LA.  REVUE  COMIQUE  ET  LES  JOURNAUX  LÉGITIMISTES. 


Nous  avions  donne,  nos  leL-leurs  ne  l'ont  pas  onl)lié, 
dans  une  note  publiée  par  nous  dernièrement,  quelques 
détails  curieux  sut-  l'éducation  du  duc  de  Bordeau.x, 
sur  sa  personne,  sur  son  entourage.  Cette  note,  écrite, 
nous  l'avons  dit,  en  dehors  de  tout  esprit  de  parti,  par 
un  étranger,  a  éveillé  les  susceplibililés  des  journaux 
légitimistes.  Chacun  y  a  repris,  ce  qu'il  y  trouvait  à  re- 
prendre. —  Qui,  une  faute  d'orthograhe ,  qui,  une 
erreur  dans  l'âge  de  M.  de  Levi.  — On  écrit  Froshdorff 
et  non  Fronshorff,  s'écrie  l'un;  M.  de  Levi  n'est  pas 
un  vieillard,  s'écrie  l'autre,  il  n'a  pas  tout  à  fait 
soixante  ans!  Nous  pourrions  nous  contenter  de  ré- 
pondre aux  journaux  que  nos  renseignements  ont  pi- 
qué, que  les  critiques  qu'ils  ont  faites  de  ces  rensei- 
gnements ne  prouvent  qu'une  chose,  tant  elles  sont 
insignifiantes,  c'est  qu'ils  portent  juste.  —  Quel  âge  a 
donc  M.  Lubis,  rédacteur  en  chef  de  l'i-'/iion,  pour 
trouver  qu'un  homme  n'est  pas  vieux  à  cinquante-huit 
ans?  Ne  serait-il  lui-même  qu'un  agréable  vieillard 
assez  bien  conservé,  essayant  de  cacher,  sous^une  a[)- 
parenle  jeunesse,  son  âge  véritable?  Quelle  terrible 
connaissance  a-t-il,  ce  bon  M.  Lubis,  delà  langue  alle- 
mande, pour  qu'il  s'étonne  qu'un  homme,  que  nous 
lui  avons  dit  n'être  ni  Français  ni  Allemand,  ait  mal 
orthogra])hié  le  mot  de  Froshdorff. 

Henri  V,  un  homme  nul!  Quel  blasphème  chantent 
en  chœur  tous  les  chevaliers  du  Lys.  Eh  !  messieurs, 
pourquoi  Henri  V  ne  serait-il  pas  un  homme  médiocre 
comme  beaucoup  d'entre  vous?  Serait-ce  sa  faute, 
serail-ce  un  crime? Le  hasard  qui  fait  les  rois  fait  aussi 
les  idiots  et  les  imbéciles.  Pourquoi  ce  jeune  homme, 
qui  était  né  pour  être  parmi  les  uns,  ne  serait-il  pas 
aussi  parmi  les  autres?  pourquoi  serait-il  un  aigle?  les 
aigles  étaient  rares  dans  sa  famille.  Vous  croyez  à  l'hé- 
rédité, au  droit  divin,  etc.;  d'où  lui  serait  venu  son 
génie,  de  son  père,  de  son  grand -père,  ou  de  son 
oncle? 

Lu  meilleure  réponse  que  nous  puissions  faire  à  ces 
messieurs,  c'est  d'ajouter  queliiues  renseignements  nou- 
veaux à  ceux  que  nous  avons  déjà  donnés.  La  précision 
de  ces  renseigncmenls  convaincra  les  plus  incrédules 
que,  si  nous  n'en  disons  pas  davantage,  c'est  [jar  pure 
discrétion.  Si  nous  sommes  ]>ien  informés,  on  a  su  peu 
de  gré,  à  Froshdorlf,  à  ces  imprudents  amis,  de  leur 
croisade  contre  la  noie  de  la  Revue  comique.  Les  che- 
valiers de  Froshdorff  savent  mieux  que  les  chevaliers  de 
Paris  oii  le  bât  les  blesse  ;  le  silence ,  le  silence  qui  a 
servi  à  un  autre,  c'est  ce  qu'ils  recommandent  à  leur 
noble  élève  et  à  ses  défenseurs.  —  Que  ceux-ci  fassent 
leur  prolit  de  ce  petit  avis. 

Nous  donnons,  comme  dans  la  première  note,  le 
texte  même  qui  nous  a  été  communiqué,  en  lui  lais- 


sant ses  négligences,  ses  incorrections,  ses  fautes,  si 
l'on  veut;  quant  à  ses  erreurs,  s'il  s'en  trouve,  nous 
trouverons  bon,  nous  trouverons  juste  qu'on  les  si- 
gnale, et  nous  serions  les  premiers  à  les  reconnaître, 
s'il  y  avait  lieu. 

«  Los  porlrails  du  duc  de  Bordeaux  ne  lui  ressemblent  pas 
(lu  loul.  La  (Igure  de  M.  le  duc  de  Bordeaux  est  celle  d'un 
gros  enfant ,  bouffi,  colore;  ses  clieveux  sont  blonds;  il  les 
porte  courts,  sa  voix  n'a  rien  de  viril,  pas  plus  que  son  as- 
pect. C'est  un  chanteur  agréable.  Il  est  très-loin  de  paraître 
son  âge.  M.  de  Levi  ne  le  quitte  pas  dans  les  réceptions.  Le 
prince  se  lient  invariablement  les  mains  croisées  derrière  le 
dos  sur  les  basques  d'un  babil  bleu  à  boulons  brillants.  Ses 
réponses  sont  stéréotypées  quand  il  parle  à  un  étranger  de  la 
France  et  de  son  peuple.  M.  de  Levi  guide  la  conversation  et 
la  ramène  dès  qu'elle  devient  embarrassante  pour  le  jeune 
prince. 

«  M.  do  Levi  est  un  homme  de  cinq  pieds  deux  pouce.<  en- 
viron, assez  gros,  barbe  grise,  cheveux  gris  ;  il  a  près  de 
soixante  ans  et  porte  au  moins  cet  âge.  Son  costume  :  habit 
noir,  cravate  blanche  ;  l'air  d'un  vieux  gentilhomme,  d'une 
grande  politesse,  d'une  incroy:d)le  minutie  pour  loul  ce  qui 
est  éliqnctlc.  Madame  de  Levi  parait  avoir  cinquante  ans  ;  elle 
est  plus  grande  que  son  mari  ;  ses  cheveux  commencent  à 
blanchir. 

«  M.  de  Montbcl  est  plus  gros  que  M.  de  Levi.  Il  s'est  ma- 
rié il  y  a  deux  ans  en  troisièmes  noces,  et,  malgré  son  âge, 
il  a  un  enfant,  au  grand  chagrin  du  duc  et  de  la  duchesse  de 
Bordeaux,  qui,  dans  leur  jeune  ménage  n'ont  pu  encore  avoir 
ce  bonheur. 

«  M.  le  duc  de  Bordeaux  va  rarement  a.  Vienne  ;  il  n'y 
couche  pas.  Depuis  les  événements  de  Février,  je  ne  crois 
pas  qu'il  y  ait  mis  les  pieds.  MM.  de  Montbel  et  de  Monti 
\  vont  faire  ses  commissions.  Le  duc  de  Bordeaux  et  la  mai- 
son d'Autriche  sont  plus  que  froids  l'un  pour  l'autre;  il  y  a  eu 
jusqu'à  de  l'inimitié.  La  politique  de  Louis-Philippe  était  par- 
venue à  faire  mettre  le  duc  tout  à  fait  de  côlé.  Il  était  gardé, 
en  quelque  sorte,  comme  un  otage  par  la  maison  d'Autriche. 
Une  preuve,  c'est  que,  quand  il  a  quitté  GraeU  pour  aller  en 
Italie  en  1859,  il  a  été  obligé  de  se  sauver  avec  le  passepoil 
de  M.  de  Levi. 

«  La  duchesse  de  Bcrry  demeure  à  6  milles  allemands  de 
Graelz;  elle  y  vil  avec  son  mari,  dont  elle  a  quatre  enfants. 
Le  comte  de  Lucchczy  est  un  homme  superbe,  assez  grand, 
type  napolitain  ;  c'était  un  ol'licler  subalterne  de  l'armée  napo- 
litaine. La  duchesse  étant  demoiselle  l'avait  distingué  ;  c'est 
ce  qui  fit  que,  quand  la  famille  décida  qu'elle  devait  se  re- 
marier, elle  pensa  ii  lui.  Malgré  son  apparence  de  santé,  le 
comte  de  Lucchczy  ne  se  porte  pas  très-bien  ;  il  éprouve  de 
fréquents  dérangements  qui  contrarient  beaucoup  la  duchesse. 

«  La  duchesse  est  charitable  et  aimée  des  pauvres  dans  le 
pays.  Il  y  a  quatre  ou  cinq  ans,  elle  avait  continuellement  de.', 
visiteurs  qui  venaient  à  Graelz  et  à  Gorilz.  Depuis  la  mort  de 
Charics  X,  elle  vit  très-délaissée;  elle  reste  l'hiver  et  l'été  à 
la  campagne  et  ne  reçoit  personne;  son  (ils  la  visite  à  peine 
une  ou  deux  fois  par  au.  Une  des  dernières  visites  polili(pies 
qu'elle  ait  reçues,  c'est  celle  d'un  M.  Walsh  ,  réilacteur  du 
journal  11  Mode,  qui  a  été,  il  y  a  deux  ans  environ,  l'occuper 
des  intérêts  de  son  journal.  Ce  journal  n'est  |)oinl  en  faveur  à 
Froshdorff:  on  le  trouve  trop  grossier,  et  on  a  peur  qu'il  n'y 
fasse  plus  de  mal  que  de  bien. 


A  L'USAci:  i)i;s  (ii:.\s  m  iui;r\. 


225 


«  M.  (Je  (iciioudc  n  pnssé  toujours  ù  FrosliduiH'  pour  un  ulo- 
pislu.  On  n'aime  pas  les  ilcvoueiiieiils  ipii  ue  sont  pus  restés 
oxacleiiiciil  dans  lu  ligne  du  pis^;.  A  ce  dernier  (ilre,  l'I'iiwn 
leur  est  assez  a|;réablc.  On  parle  souvent  cependant  à  Frosli- 
dorlï  de  l'utililé  qu'il  >  aurait  à  fonder  de  nouveaux  organes, 
mais  on  re},'retle  ([uc  les  écrivains  de  talent  niaiir|ueiil  dans  le 
parti. 

«  La  Hépul)li(pie  a  été  rci;uo  par  les  lu'iles  de  Froslidorll' 
avec  la  plus  grande  joie;  il  semblait  que  la  cliule  de  Liuiis- 
Pliilippc  les  laissât  sans  désirs.  Tout  ce  i|ui  a  soulenu  Louis- 
Pliilippe  leur  est  odieux  ;  ils  ont  M.  Tliirrs  en  horreur;  il 
n'est  pas  d'expression  inMillanlc  ipie  la  duclicssc  de  Iterrv 
n'emploie  pour  le  qualiliei'.  I.e  duc  de  Bordeaux  parlajjc  en 
cela  les  idées  de  sa  mère.  M.  liugeaud  est  leur  licte  noire.  Ce 
n'est  pas  seulement  le  geôlier  de  Blaye  qu'ils  l'appellent ,  ce 
nom  leur  paraîtrait  trop  doux  ;  on  ne  parle  de  lui  chez  la  du- 
chesse de  Berry  et  à  la  cour  de  Froslulorll'  que  sous  le  nom 
de  SaiiUion,  en  souvenir  du  bourreau  de  Louis  XVI.  La  du- 
chesse de  Berry  et  son  lils  le  regardent  ronmie  l'Iiomme  qui 
les  a  le  plus  déshonorés.  Si  on  dll  qu'ils  s'allient  eu  Franco 
avec  eux,  c'est  à  lorl  :  l'honneur  de  femme  de  la  duchesse  de 
Berry  y  est  engagé.  » 


Nous  nous  en  tenons  à  ces  citations,  les  plu»  inno- 
centes, (lu'on  nous  en  croie,  parmi  celles  que  nous 
aurions  pu  faire.  Nousaucions  pu  suivre  les  demi-dieux 
de  l(t  liazettc  dans  les  voyages  qu'ils  daignent  faire 
quelquefois  sur  la  terre;  nous  aurions  pu  aller  avec  le 
duc  de  Iîoideau.\  à  Venise,  et  retrouver  les  défauts  du 
père  dans  le  lils;  nous  ne  le  ferons  pas  :  nous  n'avons 
voulu  que  mettre  la  réalité  à  la  place  de  la  fiction  ;  c'est 
moins  puéticiue,  mais  c'est  plus  vrai,  cela  vit  davan- 
tage, (le  n'est  pas  notre  faute  si  la  moindre  vérité  suffit 
à  crever  le  transparent  d'opéra-comique  dont  les  joiir- 
nau.v  légitimisles  entourent  leurs  singulières  idoles. 
Tant  que  saint  lîtirii  ne  nous  aura  pas  apporté  de  nou- 
velle sainte-ampoule,  il  sera  permis  aux  gens  de  bon 
sens  de  parler  de  .M.  le  comte  de  Chainhord,  qui  n'a 
rion  fait  pour  la  France,  avec  la  liberté  dont  l'on  use 
journellement  envers  des  gens  qui  ont,  certes,  d'autres 
droits  que  les  siens  à  la  reconnaissance  du  |)ays. 


PROPO 

Les  légitimistes  semblent  cTaindre  de  n'avoir  pus  la 
majorité  aux  prochaines  élections,  malgré  les  l)ustcs, 
les  portraits  exposés  dans  les  passages  et  la  brochure  de 
iM.  d'Arlincourt. 

—  11  me  vient  une  idée  !  s'écrie  h  ce  sujet  .M.  de  Gc-  | 
noude.  Le  moment  approche  de  nommer  u::e  nouvelle  1 
chambre;  si  nous  nous  abstenions  tous  de  voter!  La 
plaisanterie  serait  bonne,  ventre  saint-gris!  Électeurs 
qui  m'honorez  de  votre  confiance,  cultivons  ensemble 
l'art  de  négliger  le  scrutin  et  Je  s'en  faire  un  Henri  V 
de  revenu  ! 

—  Vous  nous  l'aviez  déjà  proposé  au  moment  de 
l'élection  du  président. 

—  C'est  vrai,  et  vous  n'avez  pas  voulu  m'écouler, 
vous  avez  eu  tort;  mais  il  est  temps  encore  de  réparer 
celte  faute. 

—  Nous  ne  comprenons  pas. 

—  C'est  pourtant  bien  simple.  Vous  restez  chez  vous 
le  jour  du  vote. 

—  Bien,  après? 

—  N'ayant  pas  voté,  vous  avez  le  droit  de  dire  par- 
tout que  vous  êtes  restés  complètement  étrangers  à  la 
composition  de  l'Assemblée  nationale. 

—  Oui,  mais  d'autres  électeurs  voleront,  et  la  nou- 
velle Chambre  sera  constituée  tout  de  même. 

—  Tant  mieux. 

—  Nous  comprenons  moins  que  jamais. 

—  Suivez  bien  mon  raisonnement.  Aussitôt  la  Cham- 
bre constituée,  vous  faites  une  protestation  sous  prétexte 
que  les  députés  ne  sont  pas  les  hommes  de  votre  choix. 

—  Fort  bien  ;  alors  les  élecleurs  qui  ont  voté  répon- 
dent que  le  scrutin  était  ouvert  pour  nous  comme  pour 
eux,  que  personne  ne  nous  a  empêchés  d'apporter  notre 
bulletin,  et  que  notre  protestation,  par  conséquent,  n'a 
pas  le  sens  commun. 


S  m  ON. 

;        —  A  merveille.  Vous  riposlez  aussitôt  par  une  pro- 
!    lesialion  nouvelle. 

—  On  nous  dit  avec  juste  raison  que  nous  sommes 
des  brouillons. 

—  Vous  répondez  :  Brouillons  vous-i7ièmcs  ! 

—  La  dispute  s'envenime,  les  esprits  s'aigrissent. 

—  Bravo!  on  échange  des  calottes.  Vlan  ! 

—  Le  pays  est  eu  feu  ! 

—  Très-bien  !  ça  marche,  les  coups  de  fusil  s'en 
mêlent  ;  on  se  tue,  on  s'égorge,  on  se  brijle;  le  com- 
merce est  anéanti,  les  ouvriers  restent  sans  ouvrage, 
la  ruine  est  générale,  les  ateliers  se  ferment,  et  l'on 
s'arrache  les  vieilles  bottes  pour  les  manger. 

—  Parfait!  nous  sommes  dans  le  branle-bas,  dans 
les  coups, dans  le  tapage,  dans  le  tremblement;  des  cas 
d'hydropbobie  se  déclarent,  et  c'est  alors  que  quelqu'un 
propose  une  restauration  monarchique  avec  Henri  V. 

—  Je  vois  que  vous  m'avez  compris. 

—  Et  c'est  sérieusement  que  vous  faites  celte  pro- 
position'? 

—  Parbleu! 

—  Ah  ça,  êtes-vous  fou,  brave  homme,  ou  bien  si 
vous  nous  prenez  pour  des  imbéciles?  H  n'y  a  donc 
aucun  moyen  de  vous  faire  rougir  de  tant  d'extrava- 
gance? Est-ce  que  vous  croyez  que  c'est  beau  pour  un 
prêtre,  ce  rôle  de  boute-feu,  de  tiompelte  de  sédition? 

—  Pourquoi  pas?  Saint  Pierre  coupa  bien  d'un  coup 
de  sabre  l'oreille  à  .Malchus. 

—  Si  l'on  coupait  les  oreilles  à  tous  ceux  qui  le  mé- 
ritent, les  oreilles  seraient  beaucoup  plus  rares.  Gar- 
dez les  vôtres,  mais  retirez-vous  quelque  part  oit  vous 
puissiez  faire  pénitence ,  à  la  Trappe,  par  exemple, 
mettez-vous  au  pain  et  à  l'eau  ;  jeûnez,  portez  un  ci- 
lice,  donnez-vous  le  fouet,  et  laissez-nous  en  paix. 
Allons,  à  la  Trappe,  à  la  Trappe,  à  la  Trappe!!! 


226 


niLVUE  COMIQUE 


l.i:S    JONGl,EUir.>    D  IN    #.M.Tnill\Nnl  F.. 

1^ 


Le  tour  des  gobe'.els. 


DlALOr.UE  DES  MOUTS, 


l'\U    IN   VISIONNAIRE. 


Une  de  CCS  dernières  miils,  j'avais  peine  à  m'eii- 
ddiniir  ;  j'eus  ridée  de  lalhiiner  ma  bougie  et  de  par- 
courir quelqîios  numéros  de  7a  Presse  qui  s'étaient 
entassés  sur  ma  table  de  nuit."  Les  sables  du  sommeil 
ne  tardèrent  pas  alourdir  mes  paupières,  et  je  m'é- 
lançai bientôt  dans  le  pays  dos  rêves. 

On  ne  raconte  guère  ses  rêves  que  dans  les  tragé- 
dies, mais  c'était  sans  doute  une  vision. 

Cela  se  passait  dans  un  pays...  Est-ce  bien  un  pnys?... 

dans  une  région?,..  Mais  élait-ce  même  une  région?... 
_  Je  n'ai  rien  vu;  je  n'ai  entendu  que  deux  voix.  — 
Le  son  de  l'une  ressemblait  au  bruit  cadencé  de  la 
Irompclle...  marine;  celui  de  l'autre  imitait  le  sou  de 
la  flûte  champêtre,  ou  parfois  celui  d'une  clarinclle 
en  la,    résonnant  avec   grâce  dans  un   oicheslre  de 

salon. 

Mes  yeux  s' accoutumant  à  l'étrange  atmosphère  où 
j'étais  plongé,  il  me  sembla  que  l'une  des  voix  sortait 
du  séjour  des  ombres  et  l'autre  du  sein  des  brouil- 
lards. 

Voici    quelques    IVagments    de    leur    conversation 

d'ontre-monde: 

PUEMiÈKE  VOIX.  -  Oui-!  il  est  bien  ennuyeux  de  n  en- 
tendre ici  que  le  b.u.t  do  la  mer  qui  monte  et  le  bruit 
de  la  mer  qui  se  retire,  en  roulant  ses  galets.  Les  hé- 
ros d'Ossian  avaient  du  moins  des  palais  de  nuages  co- 
lorés par  les  lueurs  d'un  soleil  aulomiial. 

DEL-xiÈ,iE  voix.  -  Le  soleil  des  vivants  n'éclaire  pas 
les  morts  !... 

—  Âqui  le  dis-tu!... 

—  Pour  mûi,5e  suis  semblable  à  la  lemlle  lletne. 
Tu  n'es  encore  qu'un  feuilleton. 


HAUTE    BASgi  E. 

SauvoDî  le  systcrac,  les  emprunts,  primes,  amorti-feienu 
c(  ;nTei  pot»  de  vin  monirchiques. 


A  1,'iisAr.r,  r)F,s  gkns  si:;hikijx 


—  Je  suis  le  rcuillclnn  (lu  Iriiilcniain,  ((HiiMic  li)i 
(vliil  ,l,'   Il  Nrill,'. 

—  (hii'  ilit  le  lii'ii  '.'  je  iif  pins  11'  lui'. 

—  Kl   II'    lU'M?    jr   llf   l'ili    |US  lu. 

—  l'iii  l's-lu  liicn  m'ii? 

—  Jo  lu'  lis  ([lie  iiini-ini'iiii',  l'I  l'iH'iirc  je  ni'  riii' 
relis  |i,is. 

—  C.iiiiiiiiciKMiis.  ,1,.  |i,uli'  l('i;i'ii'iiiiMil  sur  les  avcii- 
tuii's  ili'  iiKi  Mf  i|iii  |ii  [■•ic'ili'ii'iil  ma  ii;uss:ui(i'...  .l'Iia- 
bilais  lo  sein  lio  in.i  inèii',  el  jetais  ilc''|iiuiivii  ili'  loiil 
moyen  de  nre\|)riiTU'r  ..  .Ii'  nsidais  à  Saiiil-.Mali). 

—  C'est  un  pays  que  je  n'ai  jamais  fréquenli'.  J'aiinr 
beaucoup  la  race  canine,  mais  j'aurais  craint  iK'  miii- 
pronu'tlre  mes  tihias. 

—  Les  chiens  Je  Saint-Malo  en  aiiraioiil  respi'ili'  la 
lluette  élégance. 

—  Passons.  Je  pouriais,  comme  loi,  raconter  les 
préaml)ules  de  ma  vie;  je  pourrais  même  remonter 
plus  liant  el  décrire  les  impressions  vagues  de  celle 
époque  liml)ii|iie  où  je  m'agitais  encore  dans  les  veines 
de  mon  père. 

—  Il  est  inutile  de  s'appesantir  sur  cette  idée...  .Ma 
mère  me  donna  le  jour  en  présence  de  la  mer. 

—  Kt  moi  en  vue  des  cimes  Alpestres  .. 

"  Je  suis  l'onlnnl  do  \.\  ninnlngnc; 

«  C'est  la  iniiiilagne...  où  je  suis  né!  i) 

—  J'ai  été,  dit-on,  mis  au  momie  dans  une  cui- 
sine... mais  aussi  quelle  cuisine!... 

—  Pas  si  belle  que  celle  de  mon  père,  qui  lui  ser- 
vait en  même  temps  de  salon. 

—  Mon  enfance  fut  orageuse  comme  les  flots  qui 
battent  éternellement  les  cotes  Malouines  et  les  îlots  de 
Saint-Malo. 

—  Je  renonce  ci  peindre  les  balancements  de  ma  bai- 
celonnette,  qui  me  préparaient  d'avance  aux   ondiila- 

LA   PYRAMIDE   HUIVIAINE 

EXECUTEE    PAR    TOCS    LES    ARTISTES    DE    LA    FAMILLE    DELOYALE. 

Les  brillants    exercices    des  saltimbanques   seront  terminés   par  la 
GRRRANDE  PYRAMIDE  HUMAINE,  OÙ  l'on  verra  le  Ce  èbre  Odilon-IUr- 
ROT  dit  THehcule  de  L'Aisne,  surmonté  du  bouillant  Changarnier- 
Uekgamoite  et  du  redout^tble  Bcgeaud,  dont  le  pareil  est  à  rencon- 
trer- Assis  sur  les  épaules  de  ces  deux  bocrreacx  ues  crânes,  le  forr 
BouLAY  porîe  à  bras  tendus  Falloux,  si  renommé  pour  ses  ruses  rem- 
plies de  malices.  —  Mais,  me  drrz  vous,  toi  qui  nous  parles,  nous  Te- 
ras-tu  app  écier  et  connaître  les  troi: 
pourquoi  non,  messieurs  et  mesdames  î 
présente   DlVERGIUR  DE  Havran.ne, 
RaTEAC,  le  JARDINIER    V.CILANT;    pu 

surnomu.é  le  vice-Rateau.  Ces  tioiî 

LÉON  Faucher,  maigre  mais  nerveux,  sur  la  tête  duquel   s'élè 
PETIT  Thiers,  dit  Adolpiie-le-Lapon,  descenlantde  Bébé,  le 
du  roi  de  Pologne  et  rival  de  mademoiselle  Maria,  la  petite  Laponne 
qui  a  excité  et  qui  excite  encore  l'enthousiasme  sur  divers  tlicatn-s. 

lîrrnmarqcez,  s'il  vous  plaît,  à  gauch».  de  Barto-  (  'Hrrcu'e  d. 
l'Aisne!  Vêhon  dil  te  pharmacien,  b  ittant  la  caisse  avec  aisanre  et  vi- 
gueur. Ran  plan  ,  ran  plan ,  ran  !  A  droite  de  notre  ctlèbrc  Hercule 
vous  appcrcevez,  in  y  jettantles  yeux,  Dl'PIS  l'ainé  en  ciand  costume 
Alteation,  messieurs  et  mesdames,  la  main  a  la  poche,  du  courage  à  1; 
bourse,  U  plat  est  déposé  à  terre  pour  recevoir  la  mor.naie;  mais  noui 
accepterons  égaltme  t  les  pièces  d'or  et  même  k  s  pièces  de  cinqcï 
francs  !  ■  Un-*,  deux  '.  F.n  avant  le  tambour,  ran  plan,  ran  plan,  ran  ! 


isii'ur  de  gauche  vous  re 
NT  terrible,  à  cûte  d 
voyez  à  droite  Denjoy 
nnaget  sont  surmontés  d 


228 


REVUE  COMIQUE 


lions  Je  la  vagiio,  borçaiU  ma  nacelle  de  poëtc  laïkiste 
de  Ni:;:la  vers  Isciiia. 

—  Ma  première  édncalion  fut  ncgligée,  par  suite  de 
la  tendresse  indifférente  de  mes  parents,  qni  me  lais- 
saient courir  les  rues  avec  les  polissons  de  la  ville,  et 
les  champs  avec  ceux  de  la  campagne;  ma  cliemise_ 
passait  souvent  aux  coulures  de  ma  culotte,  en  raison 
d'un  raccommodage  négligé. 

Pour  moi,  j'étais  à  dix  ans  le   plus  charmant 

enfant  de  la  contrée  :  beau  de  visage,  irréprochahle  de 
tenue,  aimant  beaucoup  papa  et  maman.  Pins  heureux 
que  Dodofe,  il  ne  me  fut  jamais  prédit  par  ma  fa- 
mille que  je  finirais  sur  un  échafaiul. 

—  Nous.qnittons  Saint-Malo.  Je  te  passe  la  descrip- 
tion du  château  de  Combouig,  de  la  tourelle  oii  je  re- 
posais durant  les  nuits,  de  ma  jeune  sœur  dont  je  lis 
plus  tard  l'héroïne  d'un  roman,  des  promenades  silen- 
cieuses de  mon  père,  en  robe  de  chambre  de  basin 
blanc,  et  de  la  voix  attendrie  avec  laquelle  ma  pauvre 
mère  chantait  la  chanson  de  la  Cane. 

—  Et  moi  je  ne  parlerai  ni  de  la  captivité  de  mon 
père  pendant  la  Terreur,  ni  de  s£S  évasions  nocturnes 
qui  lui  perniellaient  toutes  les  nuits  d'aller  embras- 
ser sa  famille  au  moyen  d'une  corde  à  nœuds,  et  de 


se  retrouver  le  malin  à  l'appel  des  dortoirs  pour  man- 
ger la  soupe  du  malheur. 

—  Laissons  en  paix  ce  cha|)itre  des  (Uroiulins.  Si  ton 
père  n'a  pas  été  guillotiné  autant  de  fois  que  Charles 
Nodier,  il  est  inutile  d'en  reparler. 

—  C'est  qu'il  faudrait  passer  tout  de  suite  an  premier 
épisode  de  mes  amours...  Elle  habitait  une  tourelle 
d'où  sa  lampe  nocturne  incendiait  mes  nuits  sidilaires. 

—  Allons,  j'ai  dit  cela  quelque  part  et  partout  ail- 
leius.  Je  me  tais  sur  mes  premières  amours.  Le  public 
est  libre  de  voir  en  moi  le  vaporeux  René.  Je  me  suis 
peint  aussi  plus  lard  sons  le  pseudonyme  de  Chactas. 

—  Cette  peau  rouge  m'a  beaucoup  plu.  Je  te  de- 
manderai maintenant  de  m'accorder  trois  ans  de  discré- 
tion sur  une  certaine  période  consacrée  aux  erreurs  de 
ma  jeunesse... 

—  Je  vais  prendre  ce  tenipj  pour  me  iv'inémorer  mes 
campagnes  d'Amérique. 

Et  moi  pour  publier  un  in-8°  intitulé  :  Hnphuvl, 

pages  de  la  vingtième  année. 

—  Nous  reprendrons  cet  entretien  qiiel(|ue  jour. 

Lt  les  deux  voix  s'éteignirent  momeiilanément  , 
l'une  au  séjour  des  ombres,  et  l'autre  au  sein  des 
brouillards. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


M.  Thiers  a  peur.  Uegardez-le  sur  son  banc,  re- 

cardez-le  derrière  ses  lunettes  ,  quand  il  se  tait,  quand 
n  parle,  quand  il  rit,  quand  il  piétine,  quand  il  s'agite. 
—  Il  a  peur.—  C'est  qu'il  sait  que  tout  le  monde  est 
responsable;  Louis-Philippe,  qui  ne  l'était  pas,   l'est 
devenu.  —  M.  Thiers  a  donc  peur.  —  M.    Barrot  le 
couvre  mal,  la  législative  le  découvrira  tout  à  fait.  C'est 
ce  triomphe  qui  effraie  M.  Thiers.  Qu'en  fera-t-il?  Il 
fera  de  la  république,  ce  sera  sa  punition.  Oui,  cette 
chambre  future,  fût-elle  composée  entièrement  de  lé- 
gitimistes et  d'orléanistes  ,  c'est  à  faire,  à  continuer,  à 
affermir  la  République  qu'elle  est  condamnée.  Ce  phé- 
nomène, nous  le  verrons  se  réaliser.  On  mettrait  en 
Russie  dis  millions  de  républicains  qu'on  n'y  implan- 
terait pas  la  république,  vous  ôteriez  de  France  tous 
les  républicains  que  la  république  y  reslerait.  Elle  est 
dans  la  nécessité,  dans  la  force  des  choses;  — arrangez- 
vous-en  donc  au  lieu  de  la  combattre.  Sans  doute  elle 
n'est  encore  qu'à  son  berceau,  elle  commence,  elle  naît, 
elle  bégaye,  mais  la  monarchie  est  dans  sa  tombe. 

—  Le  président  de  la  République  a  trouve  que  sa 
présence  ferait  bon  effet  à  la  Bourse.  Il  s'y  est  rendu 
en  calèche  découverte.  Une  petite  hausse  de  circon- 
stance avait  été  préparée  à  cet  effet  pour  lui  fournir 
l'occasion  de  dire  aux  agents  de  change  :  «  Je  suis  bien 
aise,  messieurs,  de  voir  notre  crédit  renaître  en 
France.  »  Nous  n'examinerons  pas  s'il  y  avait  urgence 


à  ce  qu'une  aussi  singulière  préférence  fût  accordée  au 
temple  d£  l'agiotage,  et  si  le  président  de  la  Répu- 
blique a  bien  fait  de  faire  ce  que  Louis-Philippe  lui- 
même,  cet  adorateur  de  l'argent,  n'a  jamais  fait;  mais 
nous  demanderons  au  président  de  la  République  ce 
qu'il  a  pensé  d'un  cri,  un  seul  cri,  il  est  vrai,  qui  s'est 
fait  entendre  derrière  lui  au  moment  oii  il  entrait  dans 
le  cerceau  où  MM.  les  agents  de  change  font  tous  les 
jimrs  leur  petit  commerce.  Ce  cri,  parti  d'une  seule 
bouche  :  «  A  bas  la  Républicpie!  »  c'est  une  insulte 
qu'il  a  reçue;  s'il  ne  la  punit  pas,  on  croira  qu'il  l'a 
pris  pour  une  flatterie. 

—  Des  personnes  dignes  de  foi  nous  affirment  avoir 
entendu  sortir  de  la  bouche  de  M.  de  Chateaubriand 
l'opinion  que  voici  sur  l'éducation  qu'aurait  reçue  M.  le 
duc  de  Bordeaux.— L'illustre  écrivain  pouvait  avoir  ses 
rancunes,  ses  exagérations,  ses  colères. — Nous  répétons 
donc  ses  pandes  pour  ce  qu'elles  valent,  nous  contentant 
d'affirmer  que  les  personnes  devant  qni  elles  ont  été 
prononcées  méritent  toute  confiance  :  —  «  Je  ne  sais 
pas  ce  que  la  nature  en  avait  fait,  mais  ce  que  je  puis 
vous  garantir,  c'est  qu'ils  en  ont  fait  un  crétin.  » 

—  Savez-vous  sur  quoi  M.  Mole  appuie  le  conseil  qu'il 
donne  à  son  parti  de  se  coaliser  avec  les  légitimistes  : 
«  Le  duc  de  Bordeaux  n'aura  jamais  d'enfants,  dit-il, 
j'en  suis  sûr,  j'en  réponds  ;  sa  femme  n'en  aura  pas  plus 
que  lui.  Mes  informations  sont  certaines.  »  Voilà  donc  à 


A  L'USAGE  DES  GENS  SIÎRIEUX, 


229 


(pioi  seiMiiiit  allaclides  les  desliii(5cs de  la  France!  Est-il 
hoboiii  (le  (lualilior  celte  |io!ili.nie  de  vieille  niainuie! 

—  IHeu  /e  l'ciit  !  s'écrie  M.  d'Ailiinuiiil.  ^^u'en  sait 
M.  d'Arliiicouit'.' 

—  La  mise  en  liheilê  de  M.  Aladenize,  après  celle 
de  M.  Forestier,  celle  a  peu  près  certaine  de  M.  d'AI- 
ton-Shée,  que  de  |)reuves  en  laveur  .lu  cun)ploldu  2'J! 
—  Pends-toi,  Faucher. 

—  M.  Jérôme  Bonaparte  ayant  passé  la  nuit  au  bal 
nias(|ué  samedi,  a  été  obligé  d'assister  en  voiture,  di- 
manche nialin,  à  la  revue  de  la  lésion  dont  il  a  l'hon- 
neur d  être  le  colonel  ;  —  la  fatjgue  d'une  nuit  sans 
sommeil  ne  hii  avait  |)as  permis  l'exercice  du  cheval. 

On  dit  que  des  gamins  l'ont  fort  embarrassé  en  criant, 
les  uns  Vive,  les  autres  .1  bas  Poléon! 

—  .Nous  engageons  les  gens  qui  se  plaignent  de  M.  de 
Lamartine,  et  qui  croient  avoir  des  torts  sérieux  à  lui 
reprocher,  ceux  à  qui  il  a  refusé  justice,  ou  ceux,  et 
ils  sont  nombreux,  à  qui  il  a  tout  promis  et  rien  donné, 
à  lire  l'incrojable  prospectus  qu'il  vient  de  faire  de  ses 
œuvres,  publiées  par  lui-même  ;  si  après  cette  triste  lec- 
ture ils  n'ont  pas  pardonne,  c'est  qu'ils  n'ont  dans  le 
cœur  aucune  pitié  pour  le  génie  qui  s'égare.  Quand  un 
homme  est  capable  de  commettre  de  pareilles  fautes 
envers  lui-même,  qui  donc  pourrait  s'étouner  qu'il  en 
ait  pu  commettre  envers  d'autres? 

—  On  disait  au  passage  de  l'Opéra,  où  se  débitent  et 
s'accréditent  chaque  soir  toutes  les  sottises  qui  dé- 
frayent Paris  le  lendemain,  que  des  maisons  avaient  été 
mnrcjuéesde  rouge,  et  que  ces  maisons  étaientdésignées 
ainsi  au  pillage  par  les  socialistes,  etc.,  etc.  Ces  marques 
rouges  avaient  tout  bonnement  été  faites  par  ordre  du 
préfet  de  police,  et  servaient  à  désigner  la  place  du  nou- 
veau numérotage  des  maisons  de  Paris.  —  On  a  baissé 
à  l'Opéra  sur  ce  rouge. 

—  Tous  les  gouvernements  du  monde  s'appliquent 
à  dissimuler  leurs  faiblesses  et  à  cacher  les  forces  vé- 
ritables de  leurs  ennemis.  Qu'on  nous  explique  par 
quel  singulier  contresens  M.  Faucher  et  M.  Barrotont 
cru  devoir  grossir  outre  mesure  le  nombre  des  mou- 
lins à  vent  qu'ils  croyaient  avoir  à  combattre. 

Si  le  danger  avait  été  sérieux,  s'il  avait  été  réel, 
croyez-le  bien,  bonnes  gens  qu'on  voudrait  alarmer, 
on  se  serait  bien  gardé  de  crier  si  haut. 

—  M.  Liadièrcs  a  fait  une  brochure,  M.  Guizot 
avait  fait  la  sienne;  quoi  de  plus  juste!  Mais,  pouf 
Dieu,  pourquoi  le  Journal  des  Débats  se  croit-il  obligé 
de  louer  ces  sortes  de  choses-là?  Le  maître,  bon! 
mais  le  sintte... 


—  .\L  Loeve  Weimar,  ancien  consul  &  Bagdad, 
avait  scandalisé  les  Turcs  par  ses  mœurs  excentriques, 
et  son  ra|)pel  a  dû  être  prononcé.  Il  aimait  une 
femme  maigre. 

—  «  La  républi([ue  rouge  m'eflVaie  moins  que  vous, 
dishit  un  républicain  modéré  à  un  réactionnaire;  savez- 
vous  pour(|uoi?Cc  n'est  pas  parce  qu'elle  sera  plus 
douce  pour  moi  que  pour  vous,  c'est  parce  que  je 
suis  moins  poltron.  » 


COlll'.FSPO.NDA.NCF. 

Au  direcleur  de  la  Revue  coiiii!|iie. 

Je  vous  conjure,  Monsieur,  par  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  sa- 
cré, (le  ne  plus  ni'ciivoyei-  votre  ReLue. 

Oseral-je  vous  dlie  pourrpioi?  Fermez  voire  porte,  et  assu- 
rez-vous bien  que  personne  ne  peut  lire  m.i  Icltre  par-dctsus 
votre  épaule. 

Il  f.ml  que  vous  sacliicz,  Monsieur,  tpic  dans  le  canton  que 
j'habite,  il  n'est  pas  permis  de  se  dire  républicain;  qiioiipie 
nous  soyons  en  république.  Le  maire  ne  le  veut  pas,  le  curé 
non  plus,  le  maître  d'école  encore  moins,  quoique  ce  soil  au 
fond  un  brave  liomme,  sincèrement  républicain;  mais  il  espère 
une  augmenlalion  de  cent  francs  sur  le  budget  de  la  com- 
mune, et  lorsqu'on  gagne  à  peine  cent  ccus  dans  son  année, 
et  qu'on  a  une  femme  et  des  enfants  à  nourrir,  on  renierait 
la  monarchie  elle-même  pour  cent  francs.  C'est  pour  bien 
moins  tpie  saint  Pierre  renia  son  mailre,  qui  était  un  Dieu. 

J'ai  donc  été  atteint  et  convaincu  de  recevoir  la  Revue  co- 
mique, ce  qui  m'a  valu  un  renom  do  terroriste  dans  le  pays. 
Il  paraît,  Monsieur,  que,  vous  et  vos  collaborateurs,  vous  guil- 
lotinez (les  gens  par  manière  de  passe-temps,  du  moins  le 
maire  et  le  curé  l'assurent,  et  le  maître  d'école,  brochant  sur 
le  fout,  vous  compare  eu  latin  à  Cacus.  Votre  bureau  serait 
une  caverne. 

Qtie  dois-je  penser  de  tout  cela?  l'n  fait  trop  cerlain;  c'est 
que  voire  réputation  a  déteint  sur  moi.  On  me  considère, 
moi  aussi,  comme  un  terroriste.  J'étais  sur  le  point  de  me 
marier  ;  mon  futur  beau-père  m'a  fermé  sa  porte,  sous  pré- 
texte que  je  nourrissais  en  secret  l'inlenlion  de  le  guillotiner 
un  jour.  Le  maire  assure  quej'atleuds  le  moment  de  procéder 
au  parliige  des  terres,  et  le  curé  dit  tout  haut  que,  s'il  ne 
m'a  point  encore  excommunié,  c'est  par  pure  charité  cliré- 
tienne,  mais  qu'en  tout  cas  il  esl  prêt  à  me  refuser  la  sépul- 
ture, à  moins  que  je  ne  fasse  abjuration  entre  ses  mains. 
Inutile  d'ajouler  que  les  dévotes  m'ont  en  horreur;  elles  se  si- 
gnent à  mon  approche,  et  j'ai  été  obligé  de  renvoyer  ma  scr- 
vanle ,  parce  que,  sous  prétexte  que  je  suis  un  véritable 
excommunié,  ,i  qui  l'eau  et  le  sel  soni  interdits,  elle  refusait 
d'en  raelire  dans  mes  ragoûts. 

Telle  est  ma  position.  Que  feriez-vous  à  ma  place?  Mon 
beau-père  est  un  crélin,  mais  ma  future  esl  très-jolie,  et  je 
dois  avouer  que  vos  caricalures  l'amusent  beaucoup  ;  je  crois 
même  que  c'est  ce  qui  m'a  gagné  son  cœur.  Je  me  vois  pour- 
tant dans  l'alternative  de  me  désabonner  à  voire  Revue  ou  de 
ne  pouvoir  contracter  un  .ibonnenicut  perpétuel  à  ma  future. 
L'amour  doit  l'emporter.  Suspendez  l'envoi  de  la  iîet;ue.jus- 
qu'à  la  célébration  de  mon  mariage.  Je  reprendrai  ensuite 
mon  abonnement,  et  je  vous  enverrai  pour  cadeau  de  noces 
le  périrait  de  mou  beau-père  et  de  M.  le  maire  de  mu  com- 
mune. Mon  heau-pcre  ressemble  à  Louis  XYllL 
-Agréez,  etc.,  etc. 

L  X  DE  vos  ABONNES  DE  PH0VINCE. 


130 


Vous  avoz  reconnu,  snn^  ce  lisible  aspect, 
Un  homme  cini  (J'aliord  commande  le  respect; 
On  se  (lit,  en  pensant  à  des  jonrs  de  lemiiMes 
C'esl  nn  paralonnrrrc;  il  a  sauvé  no-;  iCtes!... 
Oui    Mais  lorsqu'on  le  voit  cipricieiisemenl 
V(  rs  l'un  ou  l'aiilre  pftle  incliner  son  aimant, 
Osciller  de  la  dioiie  à  la  gauche,  on  répète  : 
Est-ce  un  paratonnerre?  esl-cc  une  girouetle^ 


l  ayt^^-  dVL  w^uf- 


Gravé  par  BaulaNT. 


nul  I.    VAni>    IlES   ITAI  IKN» 


311  (•4'iifiiiK'H  la  livriilNon. 


Ri'K  lii<:iiEi.iP.r,  'li. 


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(HiMÉÉitaBaÉiiÉÉiÉiiiÉHriKàsaaÉanEBBBeaKai 

m  do  la  Soiisrnpiion    — L    R  i      E  i  m    n   i    n         I  [      Mihinio,  ffruid  in-S,  publié  en  oO  livraisons  à  30  centimes, 

-,  ,  -ile.  M)  cent.  Ou      u       t  i    ur  10  I  >ri      n      l    ar  1       I  prt        iit         \     er  un    mandat  sur  la  poste  à  l'ordre  du  directeur    de    la 
EViE.  —  Pour  tout  ce  pu   cou    rne  la  re  la  tioD   e  rire    if  anco)  a  M    Lireix    au  bureau  de  la  REvrE,  2,  boulevard  des  Italiens. 

STTMIMEaAT    EDITEUR,  RUE  RICHEI.IEU.  52.  10''    LivraisOH. 


AVIS  AUX  JOrRKAUX  DE  PAUIS  ET  DE«i  DÉPARTEMENTS. 

Nous  aiiliirisons  la  roprodiiction  des  articles  Cdiiteiuis  dans  la  Revue  cui/iiqnc,  a  lu  euiiililioii  : 
1"  De  citer  la  Revue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
2°  De  limiter,  parcliaqne  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  conleiuies  dans  cliiniue  numéi-o. 


AVIS 

AVX  SOUSCRIFTE1TB.S  DE  X.A  REVUE  COMIQUE 

Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripleiirs,  qui  trouvaient 
fàclieiix  que,  pour  ne  pas  décompléler  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dsns  l'obligation  de  faire  brocber  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celle  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broche  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  celte  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  SEIZIÈME  LIVRAISON. 

TEXTE 


La  Semaine.  —  Mieux  viul  prévenir  que  réprimer.  — VLoleltes  parlementaires  :  Esquisses  non  politiques  ;  II.  —  M.  Avond.  — 
Séance  du  19  février.  —  Le  nouveau  Cheval  de  hois.  —  Encore  le  Bœuf  gnis.  —  Révélation  du  système  politique  de 
M  Barrot,  .'i  propos  du  Boeuf  gras.  —  A  propos  d'une  Loi  trop  favorable  aux  Miris.  —  M.  le  comte  Mortier.  —  A  M.  le 
vicomte  de  Falloux.  — Choses  quelconques.   —  Le  21  Février.  —  Souveiiiis  du  2i  Février. 


De3jinaleuri.  Grarturs. 

Le  comte  dd  Monte-Cristo  en  Californie.  . .  Bertall.       Midderigh. 

De'ix  républicaiDS  do  parti  modéré   Lorentz.      Rouget. 

Quelques  masques  de  1S49 Fabritzius.  Baillant. 

M.  Coqueret Fabritzius.  Montigneul. 

M.  Poujo.ilat Fabritzius.  Jatiot. 

Distribution  des  prix  du  Con£/ifu£ir'nric/. ...  Kadard.       Bau'ant. 


Dessiiialeiirs.  Orateurs. 

Le  nouveau  Cheval  de  Troie Bertall          Baulant. 

Buste  d'honneur  du  général  Bergamotte    .. .  Fabritzius.  Baulant. 

MaladroilsBûcherois N.idard.         Eaulant. 

Réjouissancei. —Système  Faucher Niidard.         Baulant. 

Encadrement Nadard.         Bnu'ani. 

M.  ds  Mon'aipnibert Fabritzius.  Leblanc. 


POUR  PARAITBE   DANS  LES  PROCHAINES   LIVRAISONS 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTURES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tentations  —  travestissements 
liypocrysies  —  passe  passe  —  perfidies  —  grande  cidbule  de 

MOSIEU  RÉAC 

SI  ITE    DE    CAniCATl'KES    PAP.    NAUAIllJ. 


Parii,— Tiré»  «nj  preatei  mCeaniqiiet  de  Licnmps  fllj  el  Comp.,  me  Damtetle,  i. 


>>3/ 


F. A   SEMAINE. 


«  De  quoi  me  parlerez-vous?  demande  le  lectuur  à 
la  Semaine. 

—  Parbleu,  du  carnaval.  A-l-il  été  triste,  a-t-il  été 
gai?  Les  uns  disent  oui,  les  autres  disent  non,  la  chose 
vaut  bien  la  peine  qu'on  Téclaircisse. 

—  Lclaircissons-la. 

—  Eh  bien,  le  carnaval  a  été  triste,  et  je  crois  que 
la  politique  n'y  est  pour  rien.  Le  carnaval  dure  de- 
puis trop  longtemps,  on  en  a  par-dessus  la  tète.  Il 
faudrait  trouver  autre  chose.  Inventer,  par  exenij)le, 
un  carnaval  d'été,  et  encore  je  ne  sais  pas  si  ce  car- 
naval réussirait. 

J'ai  lu  dans  les  journaux  d'hypocrites  lamentations 
sur  la  suppression  du  bœuf  gras.  M.  Jules  Janin  lui  a 
consacré  une  élégie  dans  les  Débats,  M.  Eugène  Gui- 
not  une  oraison  funèbre  dans  le  Siècle.  Je  ne  suis  pas 
bien  sûr  que  le  Constitutionnel  n'ait  point  trouvé  à  ce 
sujet  quelques  phrases  touchantes  et  bien  senties.  Le 
Charivari  s'est  associé  à  la  douleur  générale  ;  enlin  la 
Revue  comique  s'en  occupe  aujourd'hui.  Le  bœuf 
gras  n'a  jamais  eu  plus  de  succès  que  cette  année  où 
il  n'existait  pas.  Ce  que  c'est  que  de  passer  à  l'état  de 
sujet  d'article. 

La  vérité  est  que  personne  ne  s'est  aperçu  de  l'ab- 
sence du  bœuf  gras.  C'était  une  institution  usée,  finie 
comme  la  monarchie. 

Autre  symptôme  grave.  Au  dernier  bal  de  l'Opéra, 
celui  du  mardi  gras  ,  Musard  n'a  pas  été  porte  en 
triomphe.  On  a  laissé  Musard  rentrer  chez  lui  à  six 
heures  du  matin  comme  un  mortel  ordinaire. 

Du  reste,  pas  un  masque  sur  les  boulevards  pen- 
dant les  jours  consacrés,  et  à  peine  quelques  bandes  de 
pierrots  déguenillés  à  la  descente  de  la  Courtille.  Dé- 
cidément, le  carnaval  s'en  va  ! 

Dans  le  monde,  ou  a  remarqué  le  petit  nombre  de 


bals  déguisés,  les  bals  parés  ont  été  fort  nombreux  au 
contiaire.  Le  bal  du  Président  de  la  Hépublique  a  été 
surtout  remarquable  par  la  quantité  d'étrangers  et 
d'étrangères,  Anglais  et  Anglaises  surtout.  Les  invi- 
tations aux  Français  avaient  été  distribuées  avec  une 
grande  parcimonie,  toujours  à  cause  de  l'exiguité  du 
local.  C'est  sans  doute  aussi  par  ce  motif  que  le  Pré- 
sident de  la  République  n'a  pas  cru  devoir  inviter  le 
colonel  Forestier.  Un  colonel  de  la  garde  nationale 
tient  en  effet  beaucoup  de  place  dans  un  salon  quand 
il  sort  de  prison,  après  s'être  conduit  comme  le  brave 
colonel  de  la  sixième  légion. 

M.  Louis  Donaparte  avait  fait  dans  cette  fête  les 
avances  les  plus  directes  au  faubourg  Saint-Germain. 
Nous  devons  convenir  que  la  République  est  plus  heu- 
reuse que  la  monarchie,  et  que  la  légitimité  se  con- 
d'.' d'une  façon  vraiment  charmante  pour  le  neveu 
de  l'exécuteur  du  duc  d'Enghein,  pour  l'héritier  de 
Vogre  de  Corse.  Nous  en  félicitons  sincèrement  notre 
Président. 

En  entendant  prononcer  tous  ces  noms  de  l'ancien 
régime  précédés  de  leurs  titres  (il  est  bon  que  le  Pré- 
sident donne  l'exemple  du  respect  à  la  Constitution), 
en  voyant  défiler  cette  longue  kyrielle  de  blasons  am- 
bulants, un  de  nos  amis  se  récriait  sur  l'absence  de  la 
plupart  des  notabilités  de  la  révolution  : 

«  Louis-Philippe  était  trop  bourgeois,  lui  a  répondu 
un  aide  de  camp  du  prince,  c'est  ce  qui  l'a  perdu.  » 

Gardons-nous  dune  d'être  trop  b  lurgeois. 

Après  les  bals,  il  est  bien  naturel  que  nous  vous 
parlions  théâtres;  la  politique  viendra  en  dernière  ligne 
celte  fois.  Nous  n'avons,  en  fait  de  théâtre,  que  d'heu- 
reuses nouvelles  à  vous  apprendre. 

Les  répétitions  du  Prophète  ont  commencé  sur  le 
théâtre.  Les  débuts  de  Masset  confirment  de  plus  en 


REVUE  COMIQUE 


plus  son  éclalanl  succès.  Après  7m(sa/ejn,  nous  lui  en- 
tendrons ilianler  la  Favorite  et  le  Comte  Ory. 

Le  Thcàlre  Français  joue  ce  soir  la  comédie  très- 
attendue  de  M.  Alfred  de  Musset,  qui  prendra  défi- 
nitivement le  titre  de  Lonison.  C'est  le  dernier  rôle 
que  doit  créer  mademoiselle  Anaïs  avant  de  prendre  sa 
retraite  ;  puis  viendra  le  Testament  de  César,  tragédie 
dont  l'auteur  est  M.  Paul-Dumas-Alexandre-I.acroix. 

Les  Monténégrins  vont  passer  prochainement  à  l'O- 
péra-Comique  eu  même  toinps  que  la  reprise  de  3fa 
Tante  Aurore. 

La  Gazza  Ladra  fait  fureur  aux  Italiens  avec  ma- 
demoiselle Alboni  dans  Minelln,  el  mademoiselk'  de 
Méric  dans  Iîe|)po. 


Le  Gymnase  prépare  un  vaudeville  en  trois  actes,  le 
Douqnet  dp  violettes,  pour  mademoiselle  Rose  Chéri. 

Voilà  maintenant  que  les  théâtres  se  mettent  à  faire 
concurrence  aux  journaux.  Le  vaudeville  puhiie  un 
journal  mensuel,  les  Variétés  ont  fait  paraître  mardi  le 
premier  numéro  d'une  feuille  quotidienne  intitulée 
le  Cnars  de  la  Bourse.  Les  couplets  de  ce  journal  sont 
thaiités  par  Hofiiiann  auquel  ou  adjoindra  des  colla- 
borateurs suivant  les  besoins  de  la  rédaction.  Cette 
revue  de  la  journée,  avec  accompagnement  d'orchestre 
et  de  calembourgs,  est  un  empiétement  sur  les  droits 
de  la  presse  ;  mais  nous  sommes  en  république,  el  le 
succès  n'est  plus  un  monopole  que  pour  les  gens  d'es- 
prit. 


MIF.UX  VAUT  PRKVKMU  Ql  i:   iU-l'llIMIP.. 


Un  des  plus  grands  malheurs,  une  des  plus  grandes 
hontes  de  ce  pays,  c'est  qu'il  déshonore  chacune  des 
libertés  auxquelles  il  aspire  par  l'abus  qu'il  eu  fait. 
La  calomnie,  cette  arme  empoisonnée,  qui  était  aban- 
donnée autrefois  à  quelques  Baziles  de  bas  étage,  est 
devenue  l'arme  commune  des  partis.  11  semble  qu'elle 
soit  l'enfant  gâtée  de  la  presse.  Comme  s'il  ne  suflisait 
pas  des  armes  malheureusement  terribles  que  la  vérité 
pourrait  mettre  aux  mains  de  tout  parti  contre  ses  ri- 
vaux, c'est  au  mensonge  que  chacun  croit  pouvoir  de- 
mander des  forces  nouvelles  contre  ses  adversaires. 

Certes,  si  les  partis  sont  coupables  d'eu  agir  ainsi,  on 
conviendra  que  les  gouvernements  qui  se  laissent  en- 
traîner dans  cette  voie  odieuse  le  sont  cent  fois  davan- 
tage. C'est  cependant  ce  qui  arrive  de  nos  jours  Quand 
donc  MM.  Faucher,  Changarnier,  Rngeaud  et  aulres, 
comprendront-ils  qu'il  n'est  pas  permis  à  un  gouver- 
nement de  relever  toutes  les  armes  dont  on  use  contre 
lui,  qu'un  gouvernement  qui  se  respecte  a  pour  de- 
voir de  se  défendre,  mais  non  d'attaquer,  et  que  si  un 
parti  est  inexcusable  d'user  d'armes  déloyales,  quoi- 
qu'il s'en  serve  à  ses  risques  et  périls,  contre  un  gou- 
vernement qui  lui  est  contraire,  il  n'est  pas  permis  à 
ce  gouvernement  d'oublier  quand  il  veut  se  défendre 
qu'imiter  ses  adversaires  c'est  autoriser  leur  conduite, 
et  que,  quand  on  a  derrière  soi  une  armée,  des  procu- 
reurs généraux,  la  justice,  la  prison,  le  bagne,  on  n'a 
pas  le  droit  de  faire,  eu  outre,  une  guerre  de  parti- 
san à  ses  ennemis. 

La  fameuse  nin\\mc  prévenir  vaut  mieux  que  ré- 
primer est  une  des  pins  dangereuses  que  puisse  invo- 
quer nn  gouvernement.  Prévenir,  c'est-à-dire  frapper 
avant  la  faute,  n'est-ce  pas  s'exposer  à  supjioser  cette 
faute  et  au  besoin  à  paraître  l'inventer. 

M.  Faucher  se  lève  un  malin.  «  Nous  faisons  pas 
mal  de  sottises,  se  dit-il  à  part  lui,  nous  devons  avoir 
exaspéré  une  partie  notablt!  (le  la  population  pari- 
sienne; il  se  pourrait  que  l'idée  vint  à  celte  popula- 
tion de  s'insurger  contre  nous.  »   Dans  le  doute,  un 


ininislrc  sensé  s'absliendrait,  se  contentant  de  se  tenir 
sur  ses  gardes.  M.  Faucher,  loin  de  s'abstenir,  part 
de  sa  supposition  comme  un  autre  partirait  d'une 
vérité,  et  Paris  est  en  un  instant  sillonné  de  patrouilles 
et  de  canons.  Le  mal  eût-il  existé,  un  remède  de  ce 
genre  eût  été  pire  que  lui  ;  qu'importe! 

«  Le  général  Cavaignac,  se  dit  un  matin  le  général 
Changarnier,  doit  trouver  odieux  le  ton  que  prend 
Bugcaud  et  celui  que  je  prends  moi-même  en  ce  mo- 
ment. A  sa  place,  je  penserais  peut-être  à  exercer 
quelque  influence  sur  l'armée.  »  Donc,  le  général  Ca- 
vaignac a  cette  coupable  pensée,  et  dans  un  journal 
qu'on  peut  désavouer,  on  insinue  cette  odieuse  accu- 
sation. De  quoi  vous  plaignez  vous?  Prévenir  vaut 
mieux  que  réprimer.  Que  résuUe-t-il  de  tout  cela? 
C'est  que  la  liberté  de  la  presse  devient,  aux  yeux  des 
gens  sensés,  responsable  de  l'abus  qu'on  en  fait,  c'est 
qu'elle  perd  son  prestige ,  et  que,  ne  la  connaissant 
(pie  par  ses  excès,  les  honnêtes  gens  s'en   fatiguent. 

Que  dire  d'ailleurs  des  journaux  qui  se  condamnent 
sciemment  à  se  démentir  au  profit  d'un  gouvernement 
(piclconque.  Que  pense  M.  Lubis  de  sa  campagne 
contie  le  général  Cavaignac?  L'auteur  de  sa  note  est- 
il  bien  lier? 


Le  com*e  de  Monle-Cri«!o,  ayant  retrouvé,  dans  lc«  descriptions  de  la 
Cali/ornie.  le  sigtalemcnt  de  son  ile  égarée,  s'y  rend  &  la  hàle,  aQn 
d'en  revendiquer  la  propriété. 


De' sine  par  Louknt^ 


ENTRE    DEUX    HÉl'lBLICAINS    DU    PARTI    HONNÊTE,    DIT    DE    CONCILIATION. 

—  T'fs-t-uii  Louispliilis  ! 

—  Et  toi,  t"es-t-im  Henriiiiiirii|iii'l  ! 


Gravé  par  Rouget. 


23-i 


REVUE  COMIQUE 


VIOLETTES  PARLEMENTAIRES. 

ESOnSSES  NON   POLITIQUES. 
II.     —   M.    AVOND. 


J'entie  en  malièi-c  à  la  f^içon  .le  riiitarque  :  Avond 
est  iiéàPaulhagnet. 

Houreux  Avond  !  il  aurait  pu  naîlio  à  Elbcuf  comme 
M.  C.randin,  à  Cognac  comnic  M.  Râteau  ou  à  Palai- 
scau  comme  la  Pie  voleuse  ;  mais  la  Providence,  pour 
le  marquer  aux  yeux  de  tous  d'un  signe  falidiquo,  lui 
donna  Paulhagnet  pour  berceau. 

A  Paulhagnet,  Avond  était  l'ami  de  Callet,  qui  siège 
à  côté  d'Avond  à  l'Assemblée  nationale,  premier  banc 
de  la  quatrième  travée  de  droite.  Les  érudits  de  Paul- 
baguet  épuisaient,  en  faveur  de  ces  deux  futures  vio- 
lettes liées  par  une  étroite  amitié,  les  comparaisons 
les  plus  mythologiques.  Nisus  et  Enryale,  Damon  et 
Pythias,  Castor  et  Pollux,  Thésée  et  PirilhoCis  ;  tels 
étaient  les  types  un  peu  audacieux  que  représentaient 
à  l'imagination  complaisante  de  leurs  compatriotes  les 
deux  aspirants  hommes  d'Etat. 

Insensiblement,  ils  abandonnèrent  Paulhagnet  pour 
venir  à  Paris.  Callet  se  lia  un  jour  très-intimement 
avec  Pagnon,  qui  fit  la  connaissance  de  Pourrat. 

Vers  cette  époque,  Pourrat  eut  une  idée  :  il  rassem- 
bla ses  amis  et  leur  déclara  que  son  intention  inébran- 
lable, était  de  fonder  r£'ssor,  études  politiques,  pliilo- 
sophiques,  palingénésiques  et  légèrement  sociales. 
Comme  Pourrat  était  un  homme  d'une  volonté  éner- 
gique, il  fit  paraître  dix  numéros  de  sa  publication,  qui 
n'obtint  pas  le  moindre  succès. 

Celui  qui  s'était  fait  le  moins  remarquer  parmi  les 
rédacteurs  inconnus  de  l'Essor,  c'était  Avond.  Au- 
jourd'hui encore.  Pourrai,  qui  travaille  depuis  dix  ans 
à  un  grand  ouvrage,  se  plaît  à  lui  rendre  cette  justice. 
Callet  avait  publié  trois  articles  de  haute  critique 
sur  la  funeste  tendance  du  théâtre  du  Panthéon  à  re- 
fuser ses  pièces.  Pourrat  s'en  souvient  encore  et  Pa- 
gnon aussi. 

Après  des  débuts  si  extraordinaires,  Avond  se  lança 
avec  confiance  vers  l'azur  de  l'avenir.  Il  se  lit  recevoir 
avocat  pour  la  forme  ;  au  fond  il  était  sténographe. 

Avond  faisait  le  compte-rendu  des  Chambres  pour 
la  Gazette  de  France  ;  personne  mieux  que  lui  ne  sa- 
vait entrelarder  les  discours  de  M.  de  Genoude  de  très- 
bien!  très-bien!  il  excellait  dans  les  sensations prnlon- 
f/ées,  et  on  le  citait  pour  la  façon  vraiment  remarqua- 
ble dont  il  plaçait  les  applnudissemcnts  à  gauche  ci  les 
murmures  à.  droite.  Les  sténogra[ihcs  se  souviennent 
encore  de  ce  célèbre  truc  inventé  par  Avond,  et  dont 
ils  ont  tant  abusé  depuis.  Quand  .\vond  ne  compre- 
nait pas  le  sens  du  discours  d'un  orateur,  il  y  suppléait 
dans  son  compte-rendu  par  ce  subterfuge  ingénieux  : 
Les  murmures  qui  régnent  dans  t' Assemblée  ne  permet- 


tinit  pas  à  la  voix  df  l'onifciir  'de  parvenir  jusqu'à 


Aussi  M.  de  Genoude  avait-il  riiabilmle  de  dire,  en 
lisant  les  séances  sténographiées  d'Avond  ;  Voilà  un 
garçon  qui  ira  loin. 

En  effet,  le  lendemain  de  la  révolution  de  Février, 
Avond  alla  à  l'hôtel  de  ville.  A  cette  époque,  Avond 
était  républicain  de  la  veille  comme  tout  le  monde,  li 
rencontra  dans  un  corridor  M.  Crémieux,  qui,  en  sa 
qualité  d'Israélite,  ne  fut  pas  fâché  de  s'attacher  un 
rédacteur  catholi([iie  de  In  Gazette,  et  le  ramena  au 
ministère  de  la  justice  pour  en  faire  un  chef  de  ca- 
binet. 

Vinrent  les  élections.  Avond,  qui  avait  eu  soin  d'en- 
voyer depuis  plusieurs  années  la  Gazette  de  France  à 
Paulhaguet,  fut  naturellement  élu  par  ses  comjiatrio- 
tes,  qui  se  firent  ce  raisonnement  plein- de  simplicité  : 
«  Puisqu'Avond  sténographie  les  discours  des  dé- 
putés depuis  dix  ans,  il  doit  en  avoir  retenu  quelques- 
uns  ;  il  les  récitera  tout  d'un  trait.  Cela  fera  honneur 
au  pays.  » 

Callet,  lui,  fut  élu  par-dessus  le  marché. 
Nous  avons  cité  les  qualités  d'Avond,  parlons  un 
peu  de  ses  défauts. 

Avond  est  beau,  et  il  le  sait.  Avond  a  un  gros  ventre 
et  des  jambes  courtes;  sa  figure  paraît  insignifiante  à 
la  première  vue,  mais  on  assure  qu'elle  s'anime  dans 
le  tète  à  tète.  Avond  est  adoré,  et  il  en  abuse.  C'est  le 
cœur  de  don  Juan  dans  la  peau  d'un  notaire;  il  a  la 
funeste  habitude  d'oublier  ses  bretelles  et  ses  paletots 
chez  les  dames  qui  veulent  bien  l'honorer  de  leur  con- 
fiance; de  sorte  que  le  mari,  revenant  de  voyage,  est 
tout  étonné  de  trouver  dans  sa  garde-robe  des  gilets  de 
llanellc  exotiques  et  des  pantalons  étrangers.  Alors, 
voilà  tout  un  drame  qui  se  déroule  ;  des  fiots  d'encre 
sont  répandus....  0  Avond!  est-ce  contre  vous  qu'a 
été  dirigé  l'amendement  moral  de  Pierre  Leroux? 

A  rAsscmblée,  Avond  est  triste  ;  il  a  cet  air  profon- 
dément ennuyé  des  intelligences  supérieures.  Quand 
il  fait  son  entrée  dans  la  salle  des  séances,  il  traverse 
le  couloir  central  en  portant  les  deux  mains  à  sou  gi- 
let ;  quelipiefois  il  mâchonne  un  cure-dents,  cela  a 
bon  air  ;  il  se  laisse  tomber  à  sa  place  après  avoir  ac- 
cordé une  poignée  de  main  à  Callet;  tousse  un  peu 
pour  se  faire  remarquer,  promène  ses  doigts  distraits 
dans  SCS  cheveux  en  braquant  son  binocle  sur  les  tri- 
bunes peuplées  de  femmes,  et  prend  une  de  ces  poses 
nonchalantes  qui  rappellent  vaguement  Eudymion  en- 
dormi. 

11  ne  sort  ordinairement  de  cette  belle  indolence  que 


A  I.IISACK  DES  r.FNS  SI'IUKUX. 


235 


poiirallt'i-  ii'iili'i-  ilaiis  les  iMivinins  ilii  Iciiir  riiiiii-lcM  ici. 
Je  iltiis  rendi-i'  ci'tlo  jiislico  à  Avdiul,  (|iril  .i  iiiii'  li\il(' 
(l'()|)iiii(iii  iiiL'lx-aiilahlc.  Je  lu!  l'ai  vu  m  aiu nu  liiiips 
se  glisser  sur  les  Ijuius  de  I'()|)|)osili(iu.  ne  fùl-ie 
i|u'uue  seconde,  pour  causer  avec  un  collègue.  Avond 
ne  connaît  que  le  pouvoir.  Les  lioninics  passent,  le 
principe  reste.  .\vou(l  est  pour  le  principe.  C'est  ainsi 
(]ii'i!  a  successivement  olitenii  des  poignées  de  main  de 
Lamartine,  de  l^edru-Rolliu,  de  Flocon,  de  Séuard, 
de  Rectirt  et  de  Lieu  d'autres  ;  Vaulabelle  lui-niènie 
y  a  passt!.  Aujourd'hui,  Avond,  pour  montrer  i[u'il  est 
toujours  le  même,  continueà  solliciter  des  poignées  de 
main  de  M.  de  Faucher  et  de  M.  de  Falloux.  On  prétend 
même  qu'il  se  rencontre  souvent  sur  le  passage  d'O- 
dilon  pour  saisir  un  sourire  au  vol.  Fntre  nous,  Avond 
abuse  un  peu  de  l'inlk'xihilité  de  son  caractère.  Il  de- 
vrait ajjporler  moins  de  ténacité  dans  ses  manifesta- 
tions amicales,  ne  fût-ce  ijue  pour  ne  pas  trop  liumi- 
lier  ceux  de  ses  collègius  qui  ont  déserté  le  banc  mi- 
nistériel le  lendemain  du  jour  où  leurs  amis  n'étaient 
plus  ministres. 

Avond  fuit  la  tribune.  En  sa  qualité  d'ancien  sténo- 
graphe, il  sait  les  dangers  qu'elle  recèle.  Latet  auguis 
in  herbu,  comme  disait  M.  Ihipin  à  l'époque  où  le  père 
Auguis  était  député.  La  tribune  est  le  cap  des  tempê- 
tes des  journalistes.  C'est  là  que  j'ai  vu  se  briser  l'es- 
quif  Bouvet,   le   brigantin   Degeorge   et   la  felouque 


f.MiiiHl.  Hélas!  j'ai  recueilli  les  débris  du  naufrage 
du  beau  lrois-nu\ls  le  Diirrieu,  en  partance  pour  nu 
amendement;  et  la  tartane  Lnnglet,  et  la  gondole  Du- 
pont (de  la  Dordogne),  et  tant  d'autres  embarcations 
doublées  et  chevillées  en  articles  de  fond.  La  galère 
capitane  Victor  Hugo,  qui  avait  lilé  un  assez  joli  noMid 
sur  la  mer  pacidque  de  rh'vénement,  n'a  doublé  le 
cap  parlementaire,  après  bien  des  avaries,  que  [jarce 
qu'elle  était  favorisée -par  une  forte  brise  d'antithèses. 
Avond,  qui  n'a  pas  le  pied  marin,  préfère  la  discussion 
dans  les  bureaux  aux  discours  à  la  tribune.  La  discus- 
sion dans  les  bureaux  est,  pour  la  violette  inexpéri- 
mentée, ce  qu'est  le  plancher  des  vaches  pour  le  Parisien. 
L'homme  est  double,  a  dit  un  philosophe.  Cela  est 
vrai,  surtout  pour  Avond.  Il  est  des  jours  où,  déser- 
tant Callet  et  sa  mélancolie,  Avond  vole  comme  un 
gros  papillon  à  travers  les  fleurs  représentatives.  Ces 
jours-là,  il  écrase  M.  Mole,  enjambe  M.  Thiers,  apla- 
tit M.  Duvergier  de  Hauranne  et  fait  voler  l'abat-jour 
de  M.  Jules  de  Lasteyrie.  A  une  séance  où  Avond  avait 
endommagé  l'orteil  du  joli  M.  Fresneau,  celui-ci  dit  à 
son  voisin  :  «  Voilà  un  gaillard  qui  se  comporte  parmi 
nous  comme  un  éléphant  dans  un  magasin  de  porce- 
laines... »  Mais  il  faut  excuser  Avond  quand  il  se  livre 
à  cette  course  folâtre  :  Avond  va  porter  à  des  dames 
des  billets  de  tribune  qu'il  vient  d'obtenu'  de  la  muni- 
ficence du  chef  des  huissiers,  M.  Brancas-Duponceau. 


SjÉaNXE   du    19   FÉVRIER.    A    PROPOS    DES    AFFAIRES    d'iTALIE. 

Cette  discussion,  qui  devient  géLérale, 
N'est  pourtant  que  grammaticale  ; 
Les  uns   pour    la  papauté. 
Les  autres  pour  le  pape  6té. 


COQUEREL,  qui  crie  et  qui  jappe, 
Dit  aux  rieurs  qui  pouvaient  s'en  donner  : 
a  Vous  ne  parviendrez  pas  à  me  désarçonner 
Pourtant  il  est  tombé  de  la  mule  du  pape. 


Po'JotiLAT,  qui  courut  l'Egypte  avec  Michand, 
Parle,  avec  Coquerel,  en  un  style  mi-chaud; 
Mais,  à  propos  de  ce  neuvième  Pie, 
11  raisonne  comme  une  pie. 


236 


REVUE  COMIQUE 


DISTRIBUTION    SOLENNELLE   DITS   PRIX   DU   CONSTITUTIONNEL. 


Le  tableau  représente  le  moment  où  le  pharmacien  Véron,  assisté  de  Thiers  et  de  Mole,  dépose  une  couronne  civique  sur  la  tête  du  jeune  Odi'.on 
il  va  lui  remettre  le  <Tand  prix  de  sagesse  politique  que  lui  passe  le  fidèle  Merruault.  Parmi  les  élèves  couronnés,  on  remarque  les  jeunes  Du- 
verg.erde  Hauranne  Falloux,  Léon  Faucher,  Denjoy,  Drouj-n  de  THuis,  Berryer,  Râteau,  deTracy,  Buffet,  Bugeaud,  Changarnier,  etc.,  etc. 


LE  NOUVEAU  CHEVAL  DE  BOIS. 


Nous  avons  entendu  de  bons  bourgeois  se  plaindre 
de  ce  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  bœuf  cette  année.  Pas  de 
liœuf  gras!  disaient-ils  dimanche  et  mardi,  en  remar- 
quant tristement  la  solitude  des  boulevards;  oîi  allons- 
nous?  A  quoi  nous  sert  d'avoir  un  ministère  d'ordre, 
un  pouvoir  fort,  un  gouvernement  conservateur , 'et 
l'épée  du  maréchal  Bugeaud  suspendue  par  un  iil 
sur  la  tète  de  l'anarchie,  si  on  laisse  dépérir  les  an- 
ciens usages,  s'i!  n'est  plus  permis  de  suivre  de  la  Bas- 
tille à  la  Madeleine  et  tout  le  long  des  rues,  le  bœuf 
aux  cornes  dorées,  avec  son  cortège  de  sauvages  à  che- 
val? C'est  instructif,  agréable  à  voir,  et  même  on  re- 
çoit des  coups  de  pied  des  chevaux  du  cortège.  Est-ce 
que  par  liasard  nous  n'aurions  pas  un  gouvernement 
aussi  conservateur  qu'on  l'avait  cru  jusqu'à  présent? 

Ainsi  parlent  ces  bonnes  gens,  et  depuis  mardi, 
puisqu'il  faut  l'avouer,  M.  Barrot  est  l'objet  de  graves 
soupçons.  La  confiance  qu'une  partie  de  la  population 
avait  placée  en  lui  est  altérée;  on  l'accuse  tout  bas 
d'être  sur  le  point  de  faire  allianceavec  M.Ledru-Rollin. 
Soyez  donc  un  ministère  d'ordre  pour  qu'on  vous 
soupçonne  de  terrorisme  ! 

La  population  parisienne  est  bien  indigne,  en  vérité, 
de  l'intérêt  qu'elle  inspire  au  gouvernement.  Sauvez- 
la  aujourd'hui,  elle  vous  accuse  demain,  et  les  calom- 
nies les  plus  atroces  circulent  sur  votre  compte.  Mardi, 
dans  les  groupes,  on  prêtait  ce  mot  à  M.  Barrot  :  «  Si 
le  bœuf  gras  ose  se  montrer,  je  le  fais  guillotiner  à  l'in- 


stant !  »  Ce  serait  bien  odieux,  si  c'était  moins  absurde. 

Encore  si  ce  propos  avait  été  attribué  à  M.  Ledru- 
RoUin! 

H  faut  pourtant  que  le  peuple  de  Paris,  que  la  France 
entière  connaissent  la  vérité  ;  il  faut  qu'ils  sachent 
d'abord  que  le  mot  prêté  à  M.  Barrot  est  controuvé,  et 
que  s'il  n'y  a  pas  eu  de  bœuf  gras  cette  année,  cela 
lient  à  des  considérations  politiques  de  la  plus  haute 
importance. 

La  France  veut-elle  être  sauvée  de  l'anarchie?  Voilà 
la  questirn. 

Oui,  elle  veut  être  sauvée;  alors  qu'elle  laisse  agir 
les  gouvernements  forts  et  le  vigilant  père  Carlicr. 

Le  vigilant  père  Carlier  alla  donc  trouver  M.  Barrot. 

«  Monsieur,  lui  dit-il,  l'anarchie  est  aux  abois. 

—  Je  le  sais. 

—  Mais  tellement  aux  abois,  qu'elle  vient  d'avoir 
une  de  ces  idées  biscornues  et  extravagantes  qui  accu- 
sent un  dérangement  dans  le  cerveau, 

—  Je  n'en  suis  pas  étonné. 

—  Vaincue  le  29  janvier,  l'anarchie  veut  prendre 
sa  revanche  le  dimanche  18  ou  le  mardi  20  février. 

—  Conspiration  grasse,  hi,  hi,  hi. 

—  Votre  Excellence  a  toujours  le  mot  pour  rire. 

—  Mon  Dieu,  oui;  c'est  la  pureté  de  mes  intentions 
qui  me  conserve  la  gaieté,  ce  don  du  ciel.  Mais  ache- 
vez, vertueux  père  Carlier,  achevez.  Quels  sont  les 
projets  de  l'anarchie? 


A  LUSACE  DKS  GENS  SÉRIEUX. 


257 


—  L'anarchie  prt'leiid  proliler  de  la  licence  des  der- 
niers jours  du  carnaval.  Si  vous  m'en  croyez,  vous 
su|)|)riinercz  le  IxiMif  j,'ras. 

—  I,c  bœuf  gras,  père  Carlici-,  y  penso/.-voiis  ! 
Qu'en  dira  la  population  parisieniu'.' 

—  Elle  en  dira  ce  qu'elle  voudra.  Mais  savoz-vous 
ce  que  doit  être  le  hœuf  gras  de  celle  année? 

—  Non;  sera-ce  un  cheval,  un  chien,  un  lin'iif 
maigre,  une  chèvre?  Achevez,  vous  me  faites  IVèinir. 

—  Vous  connaissez  l'hisloire  du  cheval  de  hois  (pii 
porln  les  Grecs  dans  les  murs  d'illiou,  par  la  faule  du 
chef  de  la  police  de  celle  ville,  qui,  j'ose  le  dire,  ne 
valait  pas  le  pèi'e  Gariier. 

—  Je  connais  cette  histoire  ;  j'ai  fait  mes  classes  , 
monsieur  ! 

—  Eh  bien;  il  s'agit  de  renouveler  celle  mauvaise 
plaisanterie.  I.e  bœuf  gras  de  celle  année  serait  à  la 
vérité  un  bœuf  gras,  mais  un  bœuf  en  bois. 

—  Grands  dieux  ! 

—  Dans  les  flancs  de  ce  bœuf  en  bois  se  cacheraient 


les  chefs  montagnards  et  socialistes,  Proudhon,  Gonsi- 
déranl,  Gabet,  l.edru-llollin ,  Gaussidièrc  et  l-ouis 
nianc,  avec  leurs  satellites  armés.  Puis,  sous  prétexte 
<le  la  visite  d'usage  à  l'hùtel  de  ville,  ce  monument 
tomberait  par  surprise  entre  les  mains  d(!s  anarchistes 
qui  s'y  établiraient  en  qualité  de  gouvernement  pro- 
\isone. 

—  Vous  me  failes  frémir.  Mais  \ulre  rapport  e^t-il 
bien  positif,  vigdant  Garlier? 

—  Que  trop!  Je  vous  dirai  même  ipie  les  souscrip- 
tions pour  la  prétendue  l?an(|ue  du  l'eii|)le  doivent 
servir  à  payer  la  coiislructiou  du  bœuf  de  bois. 

—  0  mon  pays!  s'écria  M.  Barrol,  j'aurai  donc  pu 
te  sauver  une  fois  encore!  » 

G'est  à  la  suite  de  cet  entrelien  que  l'entrée  de  l*aris 
a  été  interdite  au  bœuf  gras.  Et  maintenant,  bour- 
geois naïfs,  qui  sonj'çonniez  les  intentions  de  M.  Bar- 
rol, demandez  pardon  à  cet  homme  d'État,  et 
félicitez-vous  d'avoir  un  gouvernement  (|ui  a  lu 
l'Enéide. 


238 


REVUE  COMIQUE 


ENCORE  LE  BCEUF  GRAS. 


RKVÉLATION   nu    SYSTEME    POLITIQVE    DE    M.     BARKOT    A    mOl'OS    PU    BOEIF    GRAS. 


Nous  le  (lisions  tout  à  Phoiire,  tout  le  niomlc  s'est 
demandé  avec  une  profonde  inquiétude  les  raisons  qui 
cvaient  privé  le  carnaval  de  sa  promenade  du  bœuf  gras. 
On  s'attendait  à  une  explication  du  ministère  sur  nue 
si  grave  innovation  ;  mais  le  Moniteur  s'est  lu  ;  la  Pa- 
trie n'a  pas  une  ligne  communiquée  sur  ce  sujet;  pas 
«ne  interpellation  n'est  descendue  de  la  tribune;  et 
M.  Faucher  est  resté  dans  son  majestueux  silence. 
Aussi  les  boulevards ,  pendant  les  trois  jours  gras, 
n'étaienl-ils  remplis  que  de  gens  qui  se  question- 
naient, s'interrogeaient,  se  disaient  mutuellement: 
«  Pouniuoi  n'ont-ils  pas  fait  de  bœuf  gras?  Y  aurait-il 
encore  là  dessous  de  la  politi(iue?  Est-ce  que  les  cornes 
dorées  du  moderne  Apis  recelaient  quelque  nouvelle 
conjuration?  Est-ce  que  les  mangeurs  de  veau  froid 
poussent  l'amour  de  ce  mets  socialiste  jusqu'à  conspirer 
contre  le  bœuf?  Est-ce  que  M.  Changarnier,  au  lieu  de 
profiler,  comme  tous  les  jeunes  gens,  deces  joyeux  jours 
]iour  aller  voir  un  bœuf  qui  est  certainement  moins  à 
la  mode  que  lui,  aurait  encore  couru  le  risque  de  se 
couvrir  de  gloire  en  exterminant  l'anarchie?  Est-ce  que 
le  char  qui  contenait  les  divinités  de  l'Olympe  aurait  pu 
être,  comme  lecbeval  de  Troie,  une  machine  de  guerre 
avec  laquelle  Proudhon-Ulysse  aurait  incendié  Paris? 
Est-ce  une  concession  nouvelle  de  M.  Falloux  au  clergé? 
Est-ce  que  les  pour-boires  donnés  aux  conducteurs  du 
bœuf  ont  paru  une  économie  réalisable  au  président, 
ministres,  préfet,  dont  les  traitements  sont  si  ré- 
duits?» 

Eh  bien!  non.  Rien  n'est  vrai  dans  toutes  ces  con- 


tf'^.LPl 


Au  célèbre  général  Bergamotte.  —  Buste  d'honneur 


jeclures,  malgré  les  renseignements  du  père  (larlier  ; 
le  gouvernement  voit  la  chose  de  plus  haut,  et  M.  Bar- 
rot  a  maintenu  sa  première  prohibition.  C'est  dans 
la  conduite  des  détails  ipie  se  reconnaissent  les  grands 
hommes,  et  nul  ne  pourra  dire  que  la  politique  de 
M.  Barrot,  à  l'endroit  du  bœuf  gras,  est  une  maigre  po- 
litique, uuepolitiquede  pot-au-feu,  une  politique  entre 
cuir  et  chair,  ainsi  que  tant  de  gens  de  mauvais  goût 
l'ont  prétendu.  En  effet,  le  ministère  qtie  les  factieux 
accusent  de  pensées  réactionnaires  et  d'intentions  mo- 
narchiques, a  voulu  tout  simplement  donner  une 
preuve  éclatante  de  ses  sentiments  républicains,  de  son 
intelligence  de  la  situation,  de  la  profondeur  et  de  la 
sévérité  de  ses  principes  démocratiques;  il  a  voulu  re- 
nouer la  chaîne  des  traditions  révolutionnaires  et  mon- 
trer que  1818  est  le  dernier  terme  de  1789;  c'est  une 
profession  de  foi,  c'est  un  manifeste,  c'est  tout  un  sys- 
tème politique  qui  se  révèle  à  propos  de  bœuf. 

Donc  le  gouvernement  trouve  les  folies  carnava- 
lesques indignes  d'un  peuple  libre.  Il  s'est  souvenu 
qu'après  la  révolution  de  1789,  les  Parisiens  avaient 
d'eux-mêmes,  sans  le  conseil  des  Berger  et  des  Rcbillot 
de  l'époque,  aboli  ces  cérémonies  de  l'ancien  régime, 
et  qu'elles  ne  furent  reprises  qu'en  1805,  c'est-à-dire 
quand  la  liberté  avaitété  ensevelie  par  la  gloire.  En  effet, 
M.  Faucher,  le  savantde  l'endroit,  aenlevé  les  suffrages 
de  tout  le  conseil  des  ministres  et  déterminé  si  résolu- 
tion en  lisant  celte  phrase  du  Journal  de  Prudhomme 
du  13  février  1790  {Révolutions  de  Paris,  n"  32)  : 

«  Nul  n'a  paru  penser  aux  mascarades,  aux  orgies, 
«  aux  folies  qui  avaient  lieu  à  pareil  jour,  les  années 
«  précédentes.  Il  n'y  a  point  eu  de  course  de  masques 
«  le  lundi  ni  le  mardi,  et  le  peuple  n'a  pas  paru  les  re- 
«  gretter.  Il  a  senti  toute  l'absurdité  de  cette  mon- 
«  strueuse  coutume,  et  il  faut  espérer,  pour  notre  hon- 
«  neur,  qu'elle  ne  se  reproduira  plus.  Ce  sera  encore 
«  un  des  fruits  de  la  révolution.  » 

Et  voilà  comment  le  Californien ,  le  bœuf  gras 
de  1849,  dépouillé  de  sa  royauté  parisienne,  s'est 
trouvé  réduit  à  promener  sa  majesté  exilée  dans  les 
rues  désertes  du  pompeux  Versailles,  sous  les  yeux  dé- 
daigneux des  douairières  de  l'endroit!  Quelle  chute! 
mais  aussi  quel  enseignement  philosoplii(|ue!  Le  bœuf 
jetai  ides  regards  mélancoliques  sur  la  ville  de  Louis  XIV; 
la  ville  dont  toutes  les  passions,  les  affections,  les  sou- 
venirs sont  au  delà  de  notre  frontière,  regardait  avec 
une  ijnrl'nile  indifférence  le  Californien.  Marins  et 
Cartilage  revenaient  naliuellement  à  la  pensée  ;  mais,  à 
la  différence  de  Cartilage  et  de  Marins,  ces  deux  grands 
débris  ne  se  consolaient  [las  du  t::ut  entre  eux. 

On  dit  ([ue  l'année  prochaine  les  déguisements  seront 
interdits,  y  compris  les  costumes  Lafayette. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


239 


\  l'iîoi'os  i»im:  loi  thôp  F.woRAni.r,  ai  \  \i\i;is. 


On  se  plaint  tons  les  jouis  iliî  i'iiiimoraliU'  des  ic- 
IH-Liscnlauls  ilc  la  niontagno  cl  de  la  piufonde  peiver- 
silé  dos  ri'présenlaiils  du  soiialisino.  I.a  iiioiitague  et 
le  socialisme  vienneul  de  se  r.  liiliililer  gloiieusemenl. 
Berquin,  V Ami  des  enfants,  et  M.  de  lUiuilly,  le  célèlire 
auteur  des  Coiisals  à  ma  file,  ne  sont  plus  que  des 
éeoliers  dans  les  questions  do  nature  à  intéresser  la  fa- 
mille, si  on  les  compare  au  citoyen  Pierre  IjCroiiv. 

11  vient  d'être  décidé,  sur  sa  proposition,  (jne  tout 
homme  condamné  pour  s'ôlre  laissé  distinguer,  tran- 
chons le  mot,  adorer,  par  la  femme  de  son  prochain, 
perdrait  son  droit  d'éligihiiité. 

Nous  le  disons  tout  net,  et  nous  croyons  n'èlre 
pas  plus  que  l'Aseemblée  nationale,  les  ennemis  de  la 
morale  et  du  mariage,  cette  loi  est  ce  qu'on  peut  ap- 
peler une  bête  de  loi.  L'Assemblée  nationale,  en  la  vo- 
tant, s'est  conduit  comme  ces  grandes  sottes  qu'on 
nomme  des  prudes  parce  qu'elles  affectent  des  airs  de 
vertu  liors  de  toute  proportion  avec  leur  âge  et  leur 
expérience  bien  connue. 

Ce  pays-ci,  quoi  qu'on  di^c,  est  un  pays  moral,  sa 
moralité,  surtout  dans  les  questions  de  ce  genre,  n'a 
pus  besoin  de  s'appuyer  sur  la  loi.  L'opinion  publique 
sait  distinguer  mieux  que  la  loi,  qui  est,  qui  doit 
cire  brutale  et  qui  ne  juge  que  le  fuit,  ceux,  parmi  les 
délits  de  ce  genre,  qui  touchent  à  l'honnenr  de  l'homme 
qui  s'en  est  rendu  coupable. 

Cette  loi  est  contraire  à  l'esprit  de  la  France  depuis 
Montaigne  jusqu'à  >L  Thiers,  comme  le  serait  une  loi 
sur  le  duel.  Si  Molière  eût  été  représentant,  quel  que 
droit  qu'il  eût, ce  pauvre  homme,de  voter  pour  l'amen- 
dement du  citoyen  Pierre  Leroux,  croit-on  qu'il  l'eût 
aidé  de  son  vole? 

Nous  relevons,  dans  le  compte-rendu  de  la  Patrie, 
une  phrase  qui  nous  a  paru  naïve.  «  M.  Pierre  Leroux, 
dit  le  rédacteur  de  cet  honnête  article  (nous  ne  le  nom- 
merons pas),  M.  Pierre  Leroux  a  eu  pitié  de  nous.  » 
Que  pensent  de  la  candeur  de  cette  ligne  les  collabo- 
rateurs de  l'écrivain  dont  elle  émane?  L'accepleut-ils 
avec  toutes  les  conséquences  qu'elle  semble  indiquer? 
s'enrégimentenl-ils  avec  leur  confrère  sous  la  bannière 
de  ce  nous,  dont  il  semble,  par  une  erreur  de  plume, 
nous  aimons  à  le  penser,  invoquer  le  bénéfice. 

La  liste  des  noms  des  volants,  dans  cette  circonstance, 
serait  curieuse  à  consulter. 

«  Comment  ont  voté  MM.  Thiers,  Hugo,  de  Lamar- 
tine, de  Heckeren,  Avond?  se  disaient  les  dames  dans 
les  tribunes.  —  Et  MM.  A.,  /..,  C,  V.,  L,  etc.,  etc., 
sait-on  leur  vole? 

—  Tout  homme  ayant  une  faute  de  ce  genre  sur  la 
conscience,  faute  connue  ou  non,  s'il  a  voté  celte  loi, 
est  un  hypocrite,  disait  madame  de  C.  dans  la  tribune 
du  conseil  d'État.— Un  lâche,  ajoutait  madamede  V.  » 


A  ce  compte,  combien  y  a-t-il  d'hypocrites  à  l'Assem- 
blée  nationale? 

Mais  ceux  qui  ne  sont  jias  hypocrites,  ceux  qui  ont 
voté/>o/«-en  conscience,  que  sont-ils  donc,  s'ils  noiit  ma- 
riés? Voilà  ce  qui  nous  inquiète.  Et  s'ils  sont  garçons, 
i|uc  faut-il  penser  d'eux?  Que  île  paletots  ont  dû  être 
laissés  par  ces  messieurs  entre  les  mains  des  Pntiphar 
de  leur  province.  Heureux  les  tailleurs  de  ces  Jo.seph. 

Celle  loi,  je  voudrais  que  Rabelais  pût  me  dire  ce 
qu'il  en  pense.  —  N'est-ce  pas  une  ]u-ime  donnée  à  la 
publicité  des  délits  de  cette  nature?  Cela  ne  fait-il  pas 
de  l'adultère  nn  moyen  politique?  Dix  femmes  comme 
on  en  comptait  plus  de  vingt  dans  l'ancien  grand  monde 
politique,  ayant  pour  maris  des  Décius  décidés  à  tout 
soulfiir  pour  la  bonne  cause  ;  oui,  dix  femmes,  intré- 
pides, résolues,  prêtes  à  tout,  spirituelles  et  jolies,  siif- 
iiiaient,  à  l'aide  de  cette  loi,  à  désorganiser  tout  espèce 
de  parti  politique. 

«  Mais  il  n'y  a  donc  pas  un  homme  d'esprit  dans  celte 
Chambre  ;  il  ne  s'y  trouve  donc  que  des  pères  de  fa- 
mille malheureux,  »  s'écriait  mademoiselle  B,  en  regar- 
dant d'un  œil  plein  de  compassion  cette  vaste  enceinte 
où  abondent  les  crânes  dénudés. 

Beaumarchais,  où  es-tu? 

Vous  me  direz,  après  cela  qu'en  .Amérique  c'est  bien 
pis,  et  que  mieux  vaut  encore  priver  un  homme  du 
devoir  qu'ont  les  représentants  de  se  regarder  sans  rire 
six  heures  durant,  quand  ils  font  de  ces  belles  be- 
sognes, que  de  l'envoyer  scier  du  marbre  dans  les  car- 
rières, comme  cela  se  pratique  dans  les  États  de  l'Union. 


240 


REVUE  COMIQUE 


REJoiisSANCES  rATBloTlQUE-.  —  Système  Léon  Fauclu 


UN  MOT  SUR  M.   LE  COMTE  MORTIER. 


RI.  le  comte  Mortier,  qui,  i  l'occasion  de  son  procès  avec  sa 
femme,  «oulient  avec  tant  d'esprit  el  une  si  extraordinaire  lu- 
cidité, la  Inlle  désespérée  qu'il  a  engagée  contre  ses  adversai- 
res, et  qui,  dans  sa  défense,  a  trace,  des  hommes  el  des  clioscs 
qui  ont  passé  sous  ses  yeux,  de  si  curieux  portraits,  qu'on  est 
presque  forcé  de  les  croire  rcssemblanis,  était  chargé  d'afl'aircs 
à  Berlin,  en  1830,  quand  éclata  la  révolution  de  Juillet. 

On  sait  (jue  l'annonce  de  ce  grand  événement  mit  en  émoi 
loulesles  cours  européennes.  Il  n'y  avait  qu'une  coalition,  se- 
lon les  diplomates  du  temps,  qui  pût  écraser  la  lête  de  la  révo- 
lution qui  se  redressait  si  inopinément  au-dessus  des  troues 
européens.  Toutes  les  frontières  des  États  voisins  de  la  France, 
et  notamment  les  fiontières  prussiennes,  se  couvrirent  simul- 
tancmenl  de  troupes  prèles  à  entrer  en  campagne  contre  nous. 
Il  n'y  avait  donc  pas  une  minute  à  perdre  :  le  sort  de  la  France 
pouvait  dépendre  de  la  fermeté  de  son  attitude  dans  ce  mo- 
ment suprême.  M.  le  comlc  Mortier,  abandonné  à  ses  propres 
inspirations,  sans  instruclions  pour  un  cas  aussi  peu  prévu,  dut 
alors  prendre  conseil  de  lui-même  et  de  son  seul  patriolisme. 

Sur  son  ordre,  un  des  altachés  de  la  légation  de  Berlin  se 
déguisa  en  courrier  d'ambassade  et  quitta  la  ville  à  franc  élrier, 
comme  s'il  était  chargé  do  dépêches  pressées  pour  la  France; 


mais,  arrivé  à  di,\  lieues  de  cette  ville,  il  (|uilla,  conformément 
aux  instructions  secrète?  de  M.  Mortier,  son  déguisement,  prit 
une  chaise  de  poste,  et,  revenant  à  Berlin  au  galop,  y  (it  une 
entrée  bruyante.  Descendu  à  l'ambassade,  il  y  remit  à  M.  Mor- 
tier des  instructions  qui  semblaient  venir  de  France.  Ces  ins- 
tructions, très-nettes,  très- franches,  Irès-vigoureuses ,  furent 
lues  par  M.  le  comte  Mortier  au  ministre  des  affaires  étran- 
gères du  cabinet  prussien.  Elles  porlaienl  en  substance  que,  si 
la  Prusse  ne  rappelait  pas  sur-lc-cliamp  ses  troupes,  la  France 
ferait  entrer  immédialemenl  sur  le  territoire  allemand  une 
armée  de  cent  cinquante  mille  hommes;  elles  prolcstaienl,  par 
contie,  des  intentions  paciliqucs  du  gouvernement  fran(;ais 
pour  le  cas  où  les  troupes  prussiennes  se  retireraient.  Le  ca- 
binet prussien  délibéra,  et  le  résultat  de  la  délibération  fut 
qu'il  serait  obtempéré  au  désir  de  la  France. 

M.  Mortier  écrivit  alors  immédialement  au  gouvernement 
français.  «  Si  j'ai  eu  tort,  dit-il,  destituez-moi,  désavouez- 
moi  ;  il  n'y  aura  que  moi  de  compromis.  » 

Lo  cabinet  français,  loin  de  desliluer  M.  le  comte  Mortier, 
reconnaissant  l'immense  service  qu'il  .venait  de  rendre,  le 
nomma  presque  immédiatement  ambassadeur  ou  Espagne, 
pour   récompenser   sa  présence  d'esprit  et  sa  résolution. 


A   M.   LE  VICOMT 

Monsieur, 

Malgré  votre  horreur  pour  l'esprit  de  libre  cxaiuen,  vous 
n'êtes  pas,  je  suppose,  dans  la  situation  du  Président  de  la 
République,  à  qui  ses  ministres  ont  interdit  la  lecture  des 
journaux  de  l'opposition. 

Peut-être  même  lisez-vous  le  Nalional.  En  tout  eus,  il  est 
bon  que  l'on  vous  informe  d'un  article  qui  a  paru  dans  ce 
journal,  et  dont  l'cflet  a  été  très -grand.  C'est,  à  [iroprement 
parler,  un  scandale  dont  vous  faites  les  frais. 

Vous  souvient-il,  Monsieur,  d'avoir  publié  VHisloire  de 
Pie  V  et  l'Histoire  de  Loitis  XVI,  deux  livres  un  peu  trop 
compromettants  pour  un  ministre  de  la  République?  Dans  le 
premier,  vous  exaltez  l'inquisition;  dans  le  second,  vous  faites 
le  procès  à  la  Révolution  française,  ou  plutôt  vous  la  tra  lez 
en  véritabe  inquisiteur  du  i)on  temps.  Le  National  a  pris  la 
peine  de  publier  deux  colonnes  de  citations  extraites  do  ces 


E  DE  FALLOUX. 

doux  ouvrages,  et  ces  citations  vous  placent  dans  une  situa- 
tion quelque  peu  difficile,  il  faut  l'avcuier. 

Il  ressort  de  vos  livres,  sur  lesquels  l'attention  a  êlé  appelée 
par  le  National,  que  vous  êtes  un  des  plus  méritants  élèves 
de  l'école  philosophique  et  politique  du  comte  de  Maistre. 
L'exercice  de  la  raison  humaine  vus  send)le  une  monslruo- 
sité  ;  la  Révolution  française  est  l'uruvrc  du  diable;  tous  les 
hommes  qui  ont  joué  un  rôle  dans  celle  magnifique  épopée 
sont  des  misérables  dignes  de  figurer  dans  un  auto-da-fé  ;  le 
dernier  terme  de  la  civilisation,  c'est  le  pouvoir  absolu  et  la 
monarchie  du  droit  divin. 

C'est  là  ce  que  vous  avci  écrit  il  y  a  trois  ans. 

Maintenant  on  peut  vous  adresser  les  questions  suivanles  : 

Qu'est-ce  que  la  révolution  de  Février,  sinon  la  conséquence 
de  la  première  révolution  de  89?  Haïssant  l'une,  ainsi   que 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉIUEUX. 


241 


vous  1  iivei  cléclaié  dans  l'Histoire  de  Louis  XVI,  vous  dcvri 
«voir  l'autre  en  liorr. iir.  l'ouiquoi  diine  nvei-vous  ncceplé  le 
niaiulul  niiiiislirii!  iiiiillc  vous  a  cniilu? 

Connu,,  niinisln-,  vous  avci   pris  reug.ip.nionl  de  servir  et 

de    défendre     une     llé|.ul>li(|ue    <|iie    vous    détesIcA     eo ic 

lioninie.  L'amhrlion  du  pouvoir  vous  a  donc  fuit  contracter  un 
enpa);enienl  contraire  à  voire  conscience? 

Direz-vous  qu'en  acceptant  un  portefeuille  sous  la  Hépu- 
liliipie,  vous  n'en  êtes  pas  moins  icsié  lidele  à  vos  anciennes 
opinions?  En  ce  cas,  je  vous  répondrai  avec  l'Évanyile 
qu'on  ne  peut  pas  servir  deux  maîtres  à  la  fois.  Ou  vous  re- 
nierei  l'esprit  cpii  a  inspiré  vos  livn-s,  ou  vous  trahirez  la  Hé- 
pul>li(|ue. 


Nous  donnons  ici  ipu'lques  citalicuis  des  deux  livres  de 
M.  de  Falloux  : 

Jugement  de  M.  de  Faltunx  sur  lu  dvilisiilion  moderne. 
—  "  Le  monde  a  reculé  (depuis  la  suppression  de  l'inquisi- 
«  lion);  il  est  descendu  graduellement  de  splière  en  sphère 
«  pour  venir  ahoutir  aux  abîmes  du  dernier  siècle.  » 

L'inquisition  jusii/iee.  —  u  La  toléianee  n'était  pas  connue 
«  des  siècles  de  foi,  et  le  sentiment  que  ce  mot  nouveau  lo- 
«  pnîsenle  ne  peut  être  raii;;é  parmi  les  vertus  que  dans  un 
«  siècle  de  doute...  .autrefois,  il  y  avait,  en  immolant  l'Iiomnie 
»  endurci  dans  son  erreur,  toute  chance  pour  que  cette  erreur 
«  périt  avec  lui,  et  que  les  peuples  demeurassent  dans  la  paix 

«  de  l'ortiiodoxic.  »  «  Le  sang  répandu  ne   l'était  qu'a- 

«  vec  la  plus  vigilante  sollicitude  pour  r.'iuie  du  coupahie, 
«  i|uc  l'Eglise  s'efforçait  jusqu'au  bout  d'éclairer  et  de  re- 
o  conquérir.  » 

Opinion  de  }f.  de  Falluux  sur  l'abominable  Philippe  //, 
meurtrier  de  son  Y>r()pre  fils.  —  «  Les  haines  qui  le  poursui- 
«  vent...  n'étaient  et  ne  sont  encore  aujourd'hui  que  les  re- 
«  présailles  du  fanatisme  anti  religieux.  Il  baisait  la  jnain  du 
»  prêtre  qui  venait  de  lui  dire  la  messe!  Il  n'épargnait  ni 
«  soins  ni  dépenses  pour  recueillir  ces  reliques  foulées  aux 
«  pieds  et  pour  transporter  en  Espagne  ces  trésors  de  la  foi.» 

Voltaire  et  son  école  philosophique  Jugés  par  M.  de  Fal- 
loux. —  «  Que  représentait  donc  Voltaire'.'  Quel  piinci|)e  li- 
«  béral  et  généreux  la  société  venait-elle  saluer  dans  le 
«  chantre  infâme  de  la  Pucelle,  adulateur  de  madame  de 
n  Pompadour.  de  Frédéric  et  de  Catherine?  Hélas!  il  faut 
«  bien  reconnaître  l'esprit  de  vertige  et  d'erreur  qui  signale 
«  aussi  le  règne  des  peuples.  C'en  est  fait!  Volt:;ire  peut 
«  disparaître  maintenant  :  on  ne  croit  plus  à  rien  :  la  moquerie 
(I   universelle    viinl    d'être    couronnée    sous    son    masiiue.  » 


Il  est  moralement  impossible  iiur  v.,ii,  i,  stiei  dans  celle 
position  ambiguë,  et  il  n'y  a  (|ue  deux  manières  d'en  sortir  : 

Désavouer  ces   deux  livres  signés  de  votre  nom,  les  dé.>.3- 

vouer  oflicielh ni,  pleinenniit,  depuis  le  premier  mot  jus- 

ipi'au  dernier;  —  ou  bien  donner  votre  démisHon  et  c|uiller 
le  pouvoir.  Conune  homme  privé,  vos  opinions  vous  appar- 
tiennent sans  que  personne  ait  le  droit  de  vous  en  demander 
compte;  comme  ministre  républicain,  vous  en  devez  compte 
au  pays.  Pas    de  trahison,  c'est  le  cri    de    l<uis    le»   honnêtes 


On   vous  dit 
drez-vous? 

La  llépobliijue  atl.iol  votre  réponse. 


nèle  homme,  monsieur;  quel   parti  prcn- 


"  Tous  les    vieux  cultes   de    la  France  avaient   eu  leurs 

«  blasphémateurs,  l'avéuemcnt  des  impies  était  proche.  » 

La  théorie  monarchique  du  droit  divin  jugée  par  .M.  de 
Falluux.  —  «  On  rangeait  le  sacre  parmi  les  traditions  de  la 
i(  servitude.  Mais  que  faisait-on  en  proposant  à  Louis  XVI  la 
(1  saïution  piqiulaire  au  lieu  de  la  consécration  religieuse? 
"  .N'etait-te  pas  llalter  le  principe  aux  dépens  de  la  rovaulc, 
Il  et  mettre  un  arridenl  lœureux  à  la  place  d'une  institution 
(I  iumiu.ible?  » 

Opinion  de  M.  de  Falloux  sur  les  privilèges  de  la  noblesse. 
—  (I  La  noblesse  alléguait  en  outre  de  glorieuses  raisons  pour 
Il  justifier  .ses  privilèges.  Nous  ne  recevons,  murmurait-on 
«  dans  ses  rangs,  que  le  prix  légitime  de  no'.rc  sang  versé  à 
"  Ilots  pour  ragramlisscment  et  l'unité  du  royaume.  Nous 
«  avons  abandonné  sans  partage  les  carrières  et  les  professions 
«  lucratives  à  la  classe  qui  se  plaint  aujourd'hui.  N'esl-il  pas 
Il  naturel  que  les  besoins  pécuniaires  de  l'Étal  pèsent  sur  les 
«  fortunes  acquises  à  l'abri  de  nos  armes?...  » 

L'inviolabilité  des  assemblées  représentatives  condamnée 
par  M-  de  Falluux.  —  «  L'Assemblée  se  déclare  inviolable, 
n  A  partir  de  ce  jour...,  c'en  est  fait  des  modifications  mudé- 
«  rées,  des  améliorations  progressives.  La  royauté  vient  d'ou- 
«  vrir  ses  mains  généreuses;  la  révolution  rejette  la  paix  et 
«  Mirabeau  montre  le  poing.  Les  députés  décrètent  à  la  fois 
«  leur  omnipotence  et  leur  iuviolabililé,  déchirent  leurs  man- 
«  dais  et  plantent  fièrenniil  l'étendard  de  leur  usurpation. 
«  Cette  usurpation,  transmise  de  main  en  main,  d'assemblée 
«  en  assemblée,  comme  le  talisman  de  la  révolution,  ne  s'ar- 
«  rètera  plus  que  par  l'épuisement  de  ses  propres  excès.  » 

Notre  cadre  trop  resireint  nous  empêche  de  pousser  plus 
loin  les  citations.  Il  faut  lire  les  deux  ouvrages  de  .M.  de  Fal- 
loux; il  faudrait  les  citi'r  en  entier. 


GHÔSES  QUELCONQUES. 


Nous  trouvons  plaisant  que  dans  un  temps  comme 
le  nôtre  il  y  ait  un  parti  qui  ose  jeter  comme  un  re- 
proche et  une  injure  à  la  face  de  l'autre,  qu'il  ait  cons- 
piré.—  Qu'était  Louis- Philippe  duc  d'Orléans?  — 
Un  conspiiatenr.  —  Qui  l'a  porté  au  Iione? —  l'wn 
conspiration.  —  Que  sont  les  légitimistes?  qu'étaient- 
ils  sous  Napoléon,  en  1815?  qu'élaient-ils  sous  Louis- 
Philippe?  —  Des  conspirateurs  et  des  conspirateurs  de 
la  pire  espèce  de  ceux  que  l'étranger  ramène.  —  Que 
sont  enlin  les  bonapartistes? —  Encore  des  conspira- 
teurs. Si  Jonc  les  républicains  ont  été  à  leur  tonr  des 


conspirateurs,  qui,   parmi  tous  ces  bcaux-fiis,  pour- 
rait leur  jeter  la  première  pierre? 

—  Celte  république  qu'ils  n'aiment  pas,  elle  les  a 
rendus  possibles,  elle  les  a  faits  ce  qu'ils  sont.  —  Où 
serait  M.  Falloux,  M.  Faucher,  M.  Buffet,  sans  la  Ré- 
publique? Quel  roi  eût  été  chercher  ])armi  eux  des 
ministres? —  Si  c'est  là  le  tort  qu'a  la  République  à 
leurs  yeux,  nous  sommes  d'accord  avec  eux. 

—  La  future  législation  n'inquiète  pas  seulement 
les  républicains,  elle  inquiète  jusqu'aux  chefs  du  parti 


rdaclionnaire.  -  A  q-.elle  place  siégercz-vous,  disail- 
on  à  M.  Thiois-;  -  Mu  loi,  lopoiidil-il.  si  cela  conti- 
nue, à  la  Montagne. 

_  Ce  mot  trouverait  sou  explication  dans  le  fait 

suivant  : 

Plusieurs  candidatures  ont  été  oflertes  à  M.  C.uizot, 
celle  du  C.ard  notamment  pour  les  prochaines  élec- 
tions. ISous  dirons  tout  net  que  nous  ne  voyons  aucun 
inconvénient  à  ce  que  M.  Guizot  fasse  partie  de  la  Lé- 
gislative ,  quand  M.M.  Tliicrs,  Mole  et  Barrol  font 
partie  de  la  Constituante.  Mais  ce  qui  est  bon  à  re- 
marquer, c'est  que  cette  candidature  a  pour  ennemis 
acharnés,  d'une  part,  le  vieu-v  M.  Mole  avec  ses  jalou- 
sies éternelles,  de  l'autre  M.  Thiers,  moins  vieux,  mais 
non  moins  jaloux.  Nous  espérons  que  la  présence  de 
M.  Guizot  dans  la  Chambre ,  remettrait  le  parti  con- 
servateur dans  sa  véritable  voie,  et  que  M.  Thiers 
apparaîtrait  bientôt  à  tous,  ce  qu'il  est  :  un  brouillon, 
un  révolutionnaire  en  arrière,  c'est-à-dire  un  révo- 
lutionnaire de  la  pire  esiièce. 

Ennemi  pour  ennemi,  nous  préférons  M.  Guizot  : 
c'est  un  ennemi  plus  sérieux. 

_  Le  président  fait  de  son  mieux  pour  remplir 
convenablement  les  hautes  fonctions  auxquelles  il  a 
été  appelé.  U  monte  à  cheval  tous  les  jours,  et  se 
montre  toutes  les  fois  qu'il  le  peut,  aux  parisiens,  dans 
son  costume  de  général  en  chef  de  la  garde  nationale 
de  Paris.  —  On  trouve  que  ce  costume  est  celui  qui 
lui  sied  le  mieux.  —  On  avait  pensé  à  ajouter  à  son 
chapeau  un  beau  plumet  retombant  gracieusement 
sur  ta  gauche,  il  estregrettable  qu'on  ait  reculé  devant 
une  aussi  heureuse  idée. 

—  Cambacérès,  prince  de  l'Empire,  se  promenait 
toujours  seul  et  à  pied.  Comme  on  lui  représentait 
qu'il  s'exposait  à  quelque  avanie  :  «  Laissez,  laissez, 
répondait-il;  le  peuple  aime  à  voir  de  près  ses  princes.» 

—  La  Patrie,  journal  ofliciel,  ment  officieusement, 
quand  elle  n'a  rien  à  faire  pour  le  compte  du  gouver- 
nement. Elle  avait  jugé  à  propos  d  inventer  que  le  gé- 
néral Cavaignac  assistait  au  dernier  bal  du  président 
de  la  République. 

_  Un  mauvais  plaisant  se  présenta  dernièrement 
chez  le  concierge  de  M.  Véron,  et  y  déposa  une  carte 
ornée  d'une  corne.  «  Vous  direz  ,  dit-il  au  con- 
cierge, vous  direz  à  M.  Véron  que  je  suis  venu  moi- 
mcine  apporter  cette  carte,  et  que  je  regrette  de  n'a- 
voir point  eu  l'honneur  de  le  rencontrer. 

C'était  la  carte  du  général  Cavaignac.  Il  faut  être 
juste:  M.  Véron  eut  un  instant  d'étonnement  en  ap- 
prenant l'honneur  qui  venait  de  lui  être  fait;  mais  le 
sentinient  de  son  importance  reprenant  bientôt  le  des- 
sus; «  Au  fait,  dit-il  en  se  rengorgeant,   Merruault, 


sur  mon  ordre,  avait  dit  quelques  mots  agréables  du 
général  dans  un  des  derniers  numéros  du  Constitu- 
tionnel, ce  n'est  que  justice  que  le  général  m'en  ait 
témoigné  sa  gratitude. 

Pendant  vingt-quatre  heures,  M.  Véron  parla  fort 
doucement  du  général  Cavaignac. 

Un  journal  légitimiste  assurait  que  Louis-Napo- 
léon devait  donner  son  bal  le  lô,  mais  qu'il  avait  jugé 
à  propos  de  le  retarder,  parce  que  le  13  février  est 
l'anniversaire  de  la  mort  du  duc  de  Berry. 

—  Nous  ne  comprenons  pas  que  les  véritables  ca- 
tholiques puissent  désirer  que  le  pape  soit  rétabli  dans 
son  pouvoir  temporel  à  Home.  Le  souverain  temporel 
fera  toujours  tort  au  chef  spirituel  de  l'Église.  Séparer 
ces  deux  éléments  contradictoires,  était  un  véritable 
bénéfice  pour  la  religion  catholique  et  pour  la  papauté. 
La  politique  française  se  fourvoyé  donc  dans  cette  cir- 
C(mstance  et  se  sépare,  sur  ce  point,  il  est  bon  de  le 
dire,  de  la  politique  suivie  par  le  gouvernement  du 
général  Cavaignac. 

—  Au  dernier  concert  du  Conservatoire,  un  des  plus 
beaux  et  des  plus  complets  de  la  saison,  après  l'exécu- 
tion d'un  passage  admirable  de  la  Vestale,  l'auteur  de 
cette  magnifique  musique,  M.  Spontini,  présent  dans 
la  salle,  a  été  l'ohjet  d'une  véritable  ovation. 

L'ex-loge  des  princes  est  toujours  vide  ;  est-ce  qu'on 
ne  peut  donc  pas  aller  à  cheval  au  Conservatoire? 

—  On  ne  devrait  plus  dire  :  jaloux  comme  un  tigre, 
mais  jaloux  comme  un  vieux  général.  M.  Lebreton  ne 
peut  pas  pardonner  au  général  Lamoriciôre  d'être  plus 
jeune  que  lui,  et  cependant  plus  avancé  dans  sa  car- 
rière ;  le  général  Changarnier  ne  pardonne  jias  au  gé- 
néral Cavaignac,  qui  a  servi  sous  lui  en  Afrique,  de  s'ê- 
tre trouvé,  depuis  la  Révolution,  en  situation  de  lui 
donner  le  commandement  de  lagarde  nationale  de  Paris. 

—  Un  brave  homme,  électeur  de  M.  Thiers,  se  pré- 
sente naïvement  à  lui.  «  Monsieur,  lui  dit-il,  je  vou- 
drais avoir  de  vous  la  promesse  que  vous  m'appuie- 
rez quand  la  législative  sera  réunie  pour  une  pétition 
que  j'auiai  à  lui  adresser  aux  termes  de  la  Consti- 
tution. » 

M.  Thiers  n'avait  jamais  vu  son  interlocuteur.  Avec 
son  tact  ordinaire,  il  lui  répond  cependant  :  «  La 
Constitution,  la  Constitution,  c'est  un  chiffon  de  pa- 
pier. Ne  me  parlez  de  rien  au  nom  de  la  Constitution.» 

Que  M.  Thiers  veuille  bien  se  rappeler  ces  paroles 
le  jour  où  il  lui  arrivera,  ce  qui  ne  peut  manquer, 
de  s'appuyer  sur  cette  Constitution  et  de  s'abriter 
derrière  ce  chiffon  de  papier,  la  seule  garantie  que 
le  pays  ait  contre  des  gens  de  sa  sorte,  et  que  des  gens 
de  sa  sorte  puissent  en  revanche  invoquer  un  jour  de- 
vant le  pays  lui-même. 


1         ""  "" 

-      -    .     -                             

'21  FKVRIRR. 

L'ii  an  (U'j  1  nous  scpare  de  1  erc 

Dès  qu'ils  n'ont  plus  «cnli  trembler  la  terre,        i 

Qui  sur  le  trdnc  assit  l'Égalité. 

Ciu'il»  n'oot  plus  vu  les  laves  ondoyer. 

Tous,  exaltant  la  vertu  popula-re. 

II»  ont  rampé  jusqu'au  bord  du  cratère. 

Criaient  alors  :  •  V  bas  la  royauté  !  i> 

Comme  ils  sont  loin,  les  jours  de  Février  ! 

Dans  notre  ciel,  de  la  démocratie 

Les  rayons  purs  conrimeDçaient  à  briller. 

Lei  champions  des  gothiques  idées                       | 

Bient't,  hélas  1  l'aube  Tut  obscurcie: 

Pour  les  vieux  rois  tr  ivailknt  sourdement. 

Comme  ilssontloin,  les  jours  deFérrirr! 

Des  Uberiét,  par  Kurs  coupi  lézardées. 

Le  vain  rempa't  s'écroule  à  lojt  moment 

•  Gloire!  disait  la  foule  frémissante. 

Maître  Barrot,  fougueux  retardataire. 

Les  préjugéi  n'ont  plusde  lendemain; 

S'accroche  au  char  et  cherche  à  l'enrayer;            1 

Dupeujlc-roi  laman  toute-puissante 

Vers  le  passé  m-irche  le  minis'èrc  :                       1 

Aux  nations  ouvre  un  lar^c  cbemio. 

Comme  ils  sont  loin,  les  jours  de  Fév-ierl            ; 

Dans  la  mans^arde  éveillant  l'espérance. 

Séchons  enfin  Us  pl-urs  de  l'ouvrier: 

On  voudrait  bien  effacer  tout  vestige 

Par  un  décret  supprimons  la  soufFrance.  • 

De  ce  comhal  fatal  aux  rois  pervers; 

Comme  Us  sont  loin,  les  jours  de  Février  I 

Mais,  comme  un  arbre  à  l'immortelle  tige, 

L^l  Républiq-Je  cend  ses  rameaux  verts. 

Quand  du  volcan  étïnce'aîent  les  flamme^j 

Rappelons-nous  avec  reconnaissance 

Où  fuyaient-ils,  les  Tbiers  et  le-  Vérons! 

Nos  frères  morts,  que  l'on  semble  oublier; 

Quelle  terreur  avait  glacé  les  âmes 

Et  des  partis  méprisant  l'impuissance, 

Des  courtisans,  jadis  si  fanfarons! 

Fêtons,  amis,  les  jours  de  Février. 

E.  B. 

SOUVENIRS  E 

>E  FÉVRIER. 

AIR  :  TeR  1 

«uvi,ns-,u, 

Ami,  c'est  moi,  ton  compagnon  de  gloirs. 

Paris,  le  soir,  éclatant  de  lumière. 

En  Février  noosncus  rimes  jadis; 

Fêtait  sa  gloire  et  son  peuple  vainqueur  ; 

Te  souTiens-tu  de  ce  jour  de  victoire 

Foyer  brû  ant  dont  la  France  était  fière  ! 

Que  nous  fêtions  ensemble  dans  Paris  ! 

Sbn  sem  a'orsfaatuit  tout  d'un  ?eil  cœur. 

Chacun  alors  chantait  nntre  1  uange. 

Et  tout  Français,  heureux  par  la  victoire, 

Chacun  alors  chantait  notre  vertu  ; 

S*U  fut  Irnp  loin  pour  avoir  combattJ, 

La  royauté  trébuchait  dans  la  fange. 

Fier  de  son  nom,  prenait  sa  part  de  gloire  ; 

De  Février,  ami,  te  souviens-luî 

De  Février,  ami,  te  souviens-tu  ! 

Te  souviens-tu  de  ces  chants  héroïques 

Un  jour,  am',  de  no'.re  République 

Que  dans  Paris  nous  répétions  en  chœurs! 

L'astre  radieux  semble  s'être  voilé  ;                       i 

Par  ses  vieux  a  rs,  la  vieille  République 

C'est  que  d'un  nom  le  prestige  magique                j 

Pour  la  nouvelle  échauffait  tous  les  cœurs. 

Pour  un  in-ta't  a  le  peuple  aveuglé;                     ' 

Le  peup'e  alors,  sous  son  pis  énergique 

Mais  l'ombre  cesse  et  le  peup'e  regarJe 

Foulant  le  trône  à  ses  pied-  abattu. 

Où  le  conduit  un  sentier  trop  battu.... 

D'un  mâle  accent  criait  ■  la  République  ! 

—  Toi  qu'il  a  mis  à  sa  tête  prends  garde  ! 

De  Février,  ami,  te  souviens-tu  t 

D;  Février,  ami,  te  souviens  tu!                            , 

Fraternité,  mot  oubl  é  du  monde, 

S-,  de  nos  droits  les  gardiens  infidèles                   1 

Ton  nom  sortait  de  tous  nos  cœurs  joyeux. 

Laissaient  violer  ce  dépôt  précie:ix. 

La  Liberté,  l'Égalilé  féconde 

Élus  du  peuple,  à  son  poivoir  rebetl-s, 

A  les  côtés  rayonnaient  dans  nos  cieux. 

S'iU  gouvernaient  non  pour  lui,  mais  pour  eux; 

11  n'était  plus  ni  douleurs,  ni  misères. 

Sur  les  débris  de  no'^re  République 

Et  le  p'us  pauvre  était  le  mieux  venu  : 

S'ils  élevaient  un  pouvoir  ab  oïu. 

Un  peuple  libre  est  un  peuple  de  frères  1 

Nous  crierions  tous  à  ce  peup'e  hérol-ine  : 

De  Février,  ami,  te  souviens-tu  î 

D^  Fé/rier,  peuple,  te  souviens  lu  * 

V    n 

^B 


Coslunie  monacal,  œil  vitreux,  Uiiil  lilafaici. 

Sourire  liéal  peint  sur  un  masque  de  plaire, 

Du  pair  MoniaUmbcrt  tel  est  raspecl  cafard. 

On  dit  qu'au  fond  il  est  d'humeur  assez  folàlre. 

Il  déteste  Volt.iire,  il  liait  quairevinyl-neuf, 

El  si  jamais  tu  suis  les  conseils,  noble  France, 

De  ce  (ils  des  croises  sorti  de  Vœil-debœuf, 

Tes  jours  ne  seront  pins  (|ue  des  jours  Je  souffrance. 


Dessiné  par  Fabritzics. 


Gravé  par  Baulant. 


nom.    VAIII)    ttV.H   ITAI.IRNA. 


30  eeiitliiit'iii  la  IKi'uIhoii. 


m  p.  nicnp.i  ip.ir,  '.ri. 


IM,\M:\'UH;.\,l,t.,. 


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Œil 

s  de  la  SonsorJ|>lîon.  —  Lii  Revue  comioie  fornifra  un  mAi;nirH(ne  volume,  snnd  in-8,  pulilic  en  50  livraisons  à  ÔO  ceiilinies, 
le,  iO  cent.  On  sousi  rit  pour  10  livraisons.  Pour  les  iléparlenients,  envoyer  un    niiindit  sur  la  poste  à  l'ordre  du  directeur    de    k 
Ievie.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédactioa,  écrire   (franco)  à  M.  LinEix,  au  bureau  de  la  Revue,  '2,  boulevard  des  Italiens. 

DUMIMXaA'X'.  ÉDITEUR,  RU£  KICH£I.I£Ç,  52.  1  T*"    Liviainon. 


4kTIS   AVX  JOVRIVACX   DE   PARIS   ET   DES   DÉPiiRTEiYlEKTS. 

Nous  autorisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  Ih'vue  comique,  à  la  condition  : 
■1"  De  citer  la  lievue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
2°  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  chaiine  numéro. 


AVIS 

AirX  SOUSCRIPTEURS  DE  I.A  REVUE  COMIQUE. 

Pour  répondre  au  tlésir  exprimé  pnr  un  graud  nombre  de  souscripteurs,  (pii  liouvaient 
fôclieux  que,  pour  ne  pas  déeompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  luire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  fîiçon 
unilbrnie  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  comj)let,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  celle  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  celte  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  el  l'avanl-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIP.i:  [)E  LA  DIXSEPTIÈML  LIVRAISON. 


TEXTE 


Leroux. 


La  Semaine.  —  Confession  dn  Conslitntionnel.  —  M.  Morlier  et  M.  DanJré.  —  Les  Prûcaulions  de  M.   Pierre  Le 

Saint  Falloux.  —  Comme  quoi  le  Président  de  la  République  est  une   Mine  de  Calil'ojjile.  —  Quelques  Mots  ;i  propos  du 
dernier  Livre  de  M.  de  Lamartine  :  Raphaël.  —  Choses  quelconques. 


DIFFERENTS    POINTS    DÉ   VUE    SOUS    LESQUELS    0>-    VOIT    M.    P.    J.    PROODHON. 

Au  point  de  vue  des  gens  qui  ont  quelque  chose — Des  gens  qui  n'ont  rien.  —  Du  premitt  passant  venu.  —  Des  vaulevillisles  et  autres  fanlaisi^tes. 
—  D'un  antagoniste.  —  Des  acrob.-îtes.  —  De  bien  des  gens.  —  Dj  la  portière,  70,  rue  Maxariae. 
Série  de  Luit  dessins  par  Bebtall,  gravés  pur  MM.  Jaliot,  Baulant,  Midderigli  et  Leblanc. 


LA    VIE    PUBLIQUE    ET    PRIVEE    DE    .«OSSIEU    REAC. 

Inlrnihiclion.  —  Comme  quoi  mossieu  Réao  a  toujours  er-s'é.  —  Chap'irc  fr.  -  Naisfanee  e!  pw^rililés 

Feuilleton  au  trayon  par  Nadaru,  gravé  par  Baulanl,  Jaliol,  f)iolol  el  Gaufliard. 

Ce  premier  numéro  contient  vinçt-quatre  gravures.  —  La  suite  paraitra  dans  les  procliains  numéros. 


Dessiiulciiri.  Graveurs. 

Ta.  de  r.'jouissancc B„l„l,_        ca.ilant. 

Réveil  de  Pi,Trc  Leroux -. „,,(„„,       Midde.ijh. 

Dnvergier  de  Huurannc , N.-dard.      Baulant. 


Avis.  —  Nous  apprenons  que  des  courtiers  d'abonnement  se  sont  pré.<eiitcs  chez  plusieurs  représentants  en 
se  disant  envoyés  par  M.  Lircux,  el  même  en  exhibant  de  prétendues  lettres  signées  de  lui. 

Nous  désavouons  formellement,  au  nom  de  M.  Lireux  et  au  nom  des  administrateurs  de  notre  publication, 
l'indigne  abus  qui  a  été  fait  et  qui  pourrait  être  f:iit  du  nom  de  M.  Lireiix. 


liques  i]c  LicKAMPB  M.,  et  fomp., 


LA   SEMAINE. 


Nous  avons  célébré  le  premier  anniversaire  de  la 
révolution  de  Février  d'une  façon  un  peu  triste,  mais 
enlin  nous  l'avons  célébré.  Pour  bien  des  gens,  cette  cé- 
lébration faisait  question.  MM.  Odilon  Barrot  et  Léon 
Faucher  se  sont  cependant  décidés  à  prier  pour  la  Ré- 
publique. Sachons-leur  gré  de  cette  concession. 

Les  choses  se  sont,  du  reste,  passées  fort  convena- 
blement entre  deux  haies  de  troupes.  On  avait  seule- 
ment oublié  d'inviter  le  corps  diplomatique  à  la  céré- 
monie de  la  Madeleine.  En  tout,  excepté  en  politique, 
le  ministère  actuel  pourrait  s'appeler  le  minis/ère  de 
l'oubli.  Il  oublie  d'inviter  une  partie  du  bureau  de 
l'Assemblée  nationale  au  bal  du  président  ;  il  oublie 
de  faire  parvenir  au  corps  diplomatique  des  lettres 
d'invitation  pour  l'anniversaire  du  24  février;  l'autre 
jour,  le  ministre  de  la  guerre,  M.  Hhuillères,  oublie 
de  se  rendre  à  la  séance  de  r.\ssemblée  le  jour  oii  l'on 
discute  l'admission  des  officiers  aux  fonctions  repré- 
sentatives. Du  reste,  cet  excellent  M.  Barrot  et  ces  bons 
MM.  de  Falloux  et  Léon  Faucher  que  n'ont-ils  pas 
oublié? 

Les  républicains  de  toutes  les  nuances  ont  fêté  l'an- 
niversaire du  24  février  par  des  banquets.  Aucune 
manifestation  publique  n'a  eu  lieu.  Les  journaux  or- 
ganes des  diverses  fractions  du  parti  démocratique 
avaient  engagé  les  bons  citoyens  à  s'abstenir.  On  s'est 
contenté  de  porter  à  la  colonne  de  la  Bastille  des  cou- 
ronnes d'immortelles. 

L'année  dernière,  à  peu  près  à  pareille  époque,  je 
rencontrai  sur  le  boulevard  un  journaliste  de  ma  con- 
naissance ,  pensionné  de  M.  de  Salvandy,  chevalier  de 
la  Légion  d'honneur  par  la  grâce  de  \\.  Duchâtel,  ami 
des  princes,  cité  pour  la  vivacité  de  son  dévouement  à 
la  dynastie  d'Orléans. 


«  Il  faut  en  convenir,  me  dit-il,  je  me  suis  trompé; 
je  reconnais  franchement  mon  erreur. 

—  Laquelle? 

—  La  Ilépublique  était  possible  en  France.  Ce  qui 
se  passe  sous  nos  yeux  le  prouve  parfaitement. 
Je  m'abusais  également  sur  les  républicains.  Point 
de  représailles ,  la  confiance  et  la  modération  par- 
tout. Le  peuple  de  Paris  a  été  vraiment  admira- 
ble ;  je  me  rallie  décidément  à  des  institutions  qui 
produisent  de  tels  caractères.  D'ailleurs,  à  quelle  bran- 
che nous  raccrocher  désormais?  Il  n'y  a  que  la  Répu- 
blique qui  puisse  nous  sauver.  Je  vais  porter  mon 
adhésion  à  l'hôtel-de-ville.  o 

Je  me  trouvai  samedi  dernier  face  à  face  avec  le 
même  individu. 

«  Où  allez-vous,  me  donianda-t-il  en  m'abordant 
sur  le  boulevard. 

—  A  la  cérémonie  funèbre,  lui  réponJis-je,  pour 
les  victimes  de  Février. 

—  Vous  êtes  donc  incorrigible? 

—  Comment,  incorrigible? 

—  Je  veux  dire  républicain. 

—  Vous  ne  l'êtes  donc  plus? 

—  Moi,  républicain!  Est-ce  que  je  l'ai  jamais  été? 
Fi  donc!  La  République  n'est  bonne  qu'aux  États- 
Unis,  elle  ne  saurait  convenir  à  un  grand  pays  comme 
la  France;  voyez  plutôt  :  partout  la  méliance,  le  dés- 
ordre. Il  n'y  a  qu'un  retour  à  la  monarchie  qui  puisse 
nous  sauver. 

—  Vous  ne  pensiez  pas  ainsi  il  y  a  un  an. 

—  Voudriez-vous  me  faire  passer  pour  un  républi- 
cain de  la  veille?  moi  le  bouc  émissaire  de  toutes  les 
iniquités  ministérielles  aux  yeux  de  la  presse  de  l'an- 
cienne opposition.  Vous  auriez  de  la  peine  à  réussir. 


24G 


nKvuK  (:o.Mioui<: 


Adieu,  il  faut  que  je  vous  quitte  paur  portor  un  :u'- 
licle  a»  Coiistilutiotiucl.  » 

Le  royaliste  était  reveuu  à  ses  anciennes  symjiatliies. 
Quoi  d'étonnant?  il  n'avait  ])lus  peur.  Je  suis  sûr  que 
le  21  février  M.  Véron  aurait  exécuté,  sans  trop  se 
faire  prier,  un  pas  devant  l'arbre  de  la  liberté  planté  dans 
la  cour  de  l'Opéra.  David  dansait  bien  devant  l'arciie. 

11  faut  rendre  justice  aux  légitimistes  :  eux  seuls  ont 
])ersévéré  dans  leur  conviction  et  sont  restés  franciie- 
ment  républicains.  On  se  rappelle  que  M.  de  Laroclie- 
jacquelin,  non  content  de  déclarer  qu'il  consentirait 
à  être  ambassadeur  de  la  République,  déclarait  (ju'il 
acceptait  la  déclaration  des  droits  de  l'homme  de  \\o- 
bespierre.  Ceci  se  jiassaitdans  une  réunion  électorale, 
car  M.  de  Larocliejacquelin  se  portait  candidat  à  la  dé- 
putation  de  Paris.  Depuis  cette  é]ioque,  le  candidat 
robespierriste  a  mis  sans  doute  pas  mal  d'eau  dans  son 
vin,  mais  il  est  toujours  resté  fidèle  ainsi  que  son  paiti 
au  gouvernement  démocratique.  Nous  n'en  vouions 
jiour  preuve  que  l'empressement  avec  lequel  les  légi- 
timistes entourent  la  personne  et  ornent  les  fêtes  du 
président  de  la  République. 

Le  faubourg  Saint-Germain  boudait  Louis-Philippe, 
qui  cependant  était  un  assez  bon  gentilhomme,  et  il  se 
])récipite  dans  les  salons  de  M.  Louis  Bonaparte.  On  y 
a  vu  paraître  dernièrement  la  duchesse  de  Poix.  11 
paraît  quec'est  tout  à  fait  la  liiie  fleur  de  l'aristoci'atie, 
et  qu'en  ne  pouvait  souhaiter  pour  la  République  une 
adhésion  plus  éclatante. 

11  y  a  des  gens  soupçonneux  et  défiants  qui  ne  se 
rendent  pas  bien  compte  de  ces  adhésions,  et  qui  pré- 
tendent qu'elles  cachent  une  arriére-pensée.  Soup- 
çonner le  parti  légitimiste  !  des  gens  si  religieux,  allons 
donc  ! 

«  Qu'y  a-t-il  d'extraordinaire  après  tout,  me  disait 
un  membre  du  congrès  de  la  rue  Dupliot,  dans  la  con- 
duite des  légitimistes  à  l'égard  du  président?  N'est-il 
pas  bon  gentilhomme?  Son  oncle,  le  marquis  de  Biio- 
naparte... 

—  Est-ce  que  maintenant  l'aristocratie  se  décide  à 
lui  accorder  ce  titre? 

—  L  le  faut  bien,  puisqu'il  est  prouvé  maintenant 
([ue  les  Buona|)arle  montaient  dans  les  carrosses  du 
roi.  C'est  donc  chez  le  neveu  du  marquis  deBuonaparte 
(juc  nous  allons.  Quant  au  président  de  la  République,, . 

—  Vous  ne  le  connaissez  pas. 

—  Nullement. 

—  Fort  bien.  J'approuve  assez  cette  distinction. 
Dansez  donc  chez  M.  le  marquis  de  Buonajiarte,  du 
iiioineiit  que  la  Réiiublique  n'est  pour  rien  dans  vos 
pastourelles  et  dans  vos  chasstz-croisez,  le  reste  ne  nous 
regarde  pas.  » 

lin  attendant,  pendant  que  les  légitimistes  s'amusent 
chez  le  neveu  du  marquis  de  Buonaparte,  on  arbore 
le  drapeau  b'aiic  dans  les  villes  du  midi,  les  anciens 
verdets  tombent  à  main  armée  sur  ks  n'piililiciiins, 


I  ariiK-e  do  la  foi  s'organise  sous  le  pseudonyme  d'armée 
de  roiihc,  on  attaque  soiirdeiiieiit  le  gouvernement 
du  présiileiit  de  la  République,  et  la  République  elle- 
même.  Hélas!  .M.  Louis  Bonaparte  n'a  pas  l'air  de 
s'en  doiiler.  Ou, nul  il  a  mis  son  uniforme  et  passé  un' 
régimenl  en  revue,  il  fuit  {|u'il  se  repose.  Le  reste  re- 
garde M>L  de  Fallouxel  Léon  Kaiiclicr. 

^ous  devons  coiislalcr,  vu  pailaiil  du  miiiislre  de 
l'inlérieiii-,  (iii'il  n'a  desliliié  (|iruiii'  soixantaine  de 
fonctioiinaiii's  nqnililicaiiis  pendant  la  semaine  qui 
vient  de  s'ocoiiIlm-,   11)  a  aint^lioralinn. 

Puis(|iKMU)us|iarl(iiis(le  dc>lhiilinii,  le  pauvre  Cham- 
pagne l'a  échappé  belle.  Vous  allez  nie  dein.mder  ce 
ipie  c'est  que  Champagne. 

Champagne  est  le  nom  liUéiaire  i|ni'  l'on  donne  au 
iIomesti(|ue  du  général  Chaiigarnier.  Champagne  s'ap- 
pelle tout  siniplt'inonl  Baplisie;  mais  le  vainqueur  du 
■2!)  janvier  esl  (lop  l'onipad.jiir  pour  se  servir  de  ce 
prénom  nilniicr. 

Or,  saiiidli  dernier,  (diligé  d'aller  à  la  cérénioiiie 
fnnèhre,  le  général  sonna. 

«  (Champagne  ! 

—  Meviiui,  mon  général. 

—  Mon  unilurine! 

—  Il  e.>l  prêt  sur  cette  chaise. 

—  I':  SiL'-le  moi.  » 

Cliain|)agne  [iii'senle  runil'orine.  Le  général  le  re- 
garde. 

((  Chanipa^iiL-? 

—  Ci'iiéral. 

—  Voii«  êle?  un  niais.  Vous  me  donnez  mon  uni- 
forme de  f;iaiiile  leniie.  Allez  me  chercher  tout  ce  que 
j'ai  de  plus  petite  tenue,  inaroulfle  !  Ce  sera  toujours 
assez  bon  jimir  des  républicains.  » 

Baptiste,  je  veux  dire  Champagne,  apporte  la  |ilus 
\ieille  capote  de  M.  Cliangarnier. 
<i  .Maintenant,  mon  cheval. 

—  11  esl  prêt  dans  la  cour. 

—  Voyons.  )) 

M.  Cliangarnier  s'approche  de  la  fenêtre. 

«  Que  vois-je?  .Ma  housse  neiiw,  Champagne? 

—  Général.  . 

—  Vous  n"a\ez  pas  pour  drux  liards  d'esprit;  failes 
remplacer  celle  housse  par  celle  dont  je  me  sers  quand 
il  [lient. 

—  J'ai  cru,  général,  que  comme  c'étaitjourde  fêle... 

—  Fêle  pour  (jui?  'l'aisez-vons,  bélitre,  où  je  vous 
chasse  !  » 

Champagne  s'e^t  tn.  Lu  mot  de  plus,  et  sa  destitu- 
tion était  certaine.  Ce  (jiie  c'est  que  de  confondre  les 
anniversaires,  et  de  croire  qu'un  général  républicain 
devait  asslsler  en  grande  tenue  à  la  céiéinonie  du 
"l't  février. 

La  représentation  de  la  comédie  de  AL  Alfred  de 
Musset,  IjiuIsoii,  ,1  êli';  le  véiitabli'  l'véïiement  litté- 
raire de  la  semaine.  Celles  coiiu'die  a  toutes  les  qualités 


Din-Khi-NTs  poiMs  D!-:  vfi-:  sors  ïj:s(i|  i*:i.s  on  \nir  m.  p.  j.  l'imi  dhon. 


Le  sieur  Proudhon  comme  l'envisagent  les  gens  qui 
quelque  chose. 


Le  citoyen   Proudhon  tel  quMI  apparaît  aux  gers  qui 


Au   point  de  rue  du  premier  pnssoni  vemt  : 

Un  monsieur  bien  ((^riant  qui  s'est  mis 

des  lunettts,  afin  de  re  point  être  pris  pour  un 


Ait  point  de  vue  d'un  anlngonisle  : 

Proudhon 

considéré  comme  Considérant 

le  cocsidère. 


Au  point  de  vue  des  vaudevillistes 

et  autres  Jantaisistes  : 

L'n  citoyen  charmant,  qui  offre  une  excellente 

mine  a  exploiter. 


Au  point  de  vue  de  bien 

des  gens  : 

Uq  homme  de  beaucoup  de 

talent,   qui  a 

înfîLimeDl  dVsprît. 


Au  point  de  rue  des  acrohntes  : 

Un  gaillard  très-adroit,  qui  a  compris  que, 

pour  être  remarqué, 

il  ne  faut  pas  agir  et  penser  comme  les  autres. 


PAR    EERTaLT.. 


Au  point  de  vue  de  la  porz-^r*.  70,  me  Mazarxne  : 

Un  excellent  Incataire,  payant  exactement  son  terme 

donnant  10  fr.  d*étrennes,  n'ayant  ni  chi-n  ni  chat,  et  \ 

du  tout  fier  avec  le  moade. 


2i8 


HEYUE  COMIQUE 


de  slvle  qui  distinguoiit  son  auloiii-  ;  mais  ello  manque 
de  doveloppemenls  scéniqnes,  et  sa  donnôe  n'est  point 
suflisaniment  logique.  M.  de  Musset  s'est  trompé,  mais 
il  faut  mieux  se  tromper  comme  M.  de  Musset  que 
comme  AI.  Mazères.  Mais  nous  avons  une  nouvelle  bien 
plus  intéressante  à  vous  annoncer,  une  nouvelle  qui 
fera  plus  pour  la  comédie  que  MM.  Empis  et  Mazèics 
réunis.  Le  parterre  reparait,  le  parterre  qui  avait 
donné  sa  démission  depuis  si  longtemps,  le  parterre 


ilu  Tliéàtrc-Français  a  demandé  la  Marseillaise,  le 
parterre  du  Gymnase  sillle  les  pièces  réactionnaires  du 
citoyen  Clairville  ;  l'esprit  public  renaît ,  soyez  sûrs  que 
la  Comédie  renaîtra  avec  lui.  Nous  ne  vous  parlerons 
pas  de  \' Habit  vert,  de  MM.  Alfred  de  Musset  et  Emile 
Augier  ;  on  aurait  pu  défier  cliacun  de  ces  deux  char- 
mants écrivains  de  faire  séparément  celte  balourdise. 
S'ils  ne  s'étaient  cotisés,  ils  auraient,  à  coup  sûr,  été 
l'un  et  l'autre  incapables  d'éci'ire  une  pareille  pauvreté. 


CON  FESSI ON  DU  CO.\S  TI  Tl  TIO.XNEL. 


M.  DE  GENOLDE.  —  Mcls-loi  à  gcnoux,  vicux  péclicur. 

LE  CONSTITUTIONNEL.  M'y  Voilà. 

—  Tu  veux  donc  à  ton  tour  défendre  le  trône  et 
l'autel? 

—  C'est  mon  plus  ardent  désir. 

—  Pourquoi? 

—  Je  me  suis  laissé  dire  que  le  trône  et  l'autel 
avaient  des  chances. 

—  Fort  bien.  Confesse  tes  fautes,  vieux  pécheur. 

—  J'ai  longtemps  suivi  les  sentiers  de  riui(iuilé. 

—  Après? 

—  J'ai  été  libéral  sous  la  Restauration,  j'ai  préconisé 
le  Voltaire-Touquet;  j'ai  même  fait  semblant  d'être 
républicain  après  Février. 

—  Moi  aussi  ;  il  n'y  a  pas  de  mal  à  cela.  Après  ? 

—  J'ai  méconnu  les  services  rendus  par  les  jésuites 
à  la  civilisation. 

—  Fichtre  !  ceci  est  plus  grave.  Continue,  pécheur. 


—  J'ai  attribué  aux  jésuites  l'apparition  du  grand 
serpent  de  mer. 

—  Philosophe,  va!  Ensuite? 

—  Sachant  que  les  jésuites  étaient  vénérés  des  po- 
pulations pour  avoir  importé  le  dindon  en  Europe,  j'ai 
inventé  la  pâte  lîegnault  afin  de  leur  faire  concurrence. 

—  Ce  fut  un  tour  abominable,  mais  ce  n'est  pas 
tout. 

—  .Non,  ce  n'est  pas  tout;  car,  voyant  que  la  pâte 
Ueguault  réussissait  moins  que  le  dindon,  j'osai,  |)our 
me  venger,  publier  le  Juif-Errant,  d'Eugène  Sue. 

—  Polissonnerie  insigne!  Continue,  esprit  fort! 

—  J'ai  écrit  beaucoup  d'articles  sur  l'intolérance  du 
clergé  et  les  refus  de  sépulture;  j'ai  même  demandé 
que  tous  les  curés  fussent  tenus  de  jouer  du  violon 
eux-mêmes  pour  faire  danser  les  villageois  le  diman- 
che, sous  les  arbres  de  la  grande  place. 

—  Ces  fautes  sont  grandes,  mais  jusqu'ici  la  poli- 


lA    VIE    flIBIiIÇUE    ET    FIIIVÉE    SE    MOSSIEU    REAC< 

Introduction.  —  Comme  quoi  mossieu  Réac  a  toujours  existé. 


C'est  en  eiïet  mossieu  H'iar  i\n\  lit  consommer  par  un  vaulour  PtoméUlée 
pbur  avoir  volé  te  feu  du  ciel  et  voulu  le  donner  aux  homoieâ. 


C'est  lui  qui  se  moquait  de  Noé,  l'inventeur  du  vin 


A   l.'liSA(.K  DliS  GKNS  Sl.ltll  I  \. 


249 


tii|ii('  piiiiil  )  rli'i'  i'li'aii;;i'ii'.  Voyons  un   pcn  l'i'lat  ili' 
ta  cdMSfiL'ni'L'  on  iioliliqnc. 

—  J'ai  ()S("  l(uiini'r  en   liilicnln  l'iMifant  dn  niiiiulc!. 

—  V('nli('-saint-{;i'is!  Apiès? 

-■■  ('.'c>{  moi,  ([uanJ  j'i'tais  au  pouvoir  dans  la  per- 
sonne du  petit  Tliieis,  qui  ai  fait  anèter  la  duchesse 
(le  Dei'i'y  et  (jui  ai  essayé  de  la  déshonorer. 

—  Ceci  ne  sort  pas  des  moyens  peiinis  dan^  la  |)0- 
liliqne  honnête,  et  nous  en  ferons  bien  d'antres,  s'il 
piait  à  Dieu.  Allons,  pécheur,  courbe  ton  l'iont  dans 
la  poussière  et  récite  ton  iitcâ  culpû.  Sais-tu  senletucnt 
réciter  ton  meù  culpù,  im|>ie  que  lu  es? 

—  J'ai  servi  la  messe  dans  mon  jeune  temps. 

—  Nous  irons  ensemble  à  la  prochaine  proces- 
sion. Maintenant  relève-loi,  frère,  je  te  pardonne.  Tu 


jiiics  lie  ne    plus   irhjnilici'  dans  les  erreurs  passées? 

—  -  J  allendiai  i\\n'  la  l'iépolilique  soit  par  terre. 

--  (l'est  tout  ce  «iiTil  faut.  Jn-que-là  nous  signons 
un  traité  d'alliance'.' 

—  Je  le  signe  à  deux  inaiii^. 

—  rrnnclienient,  .sincèrenjcnt,  sans  aucune  arrière- 
pensée? 

—  I.c  jour  n'est  pas  plus  pur  que  le  fond  de  mon 
cœur. 

—  .\lors,  embrassons-nous,  (//.s  s'embrassent.) 

—  Ah!  fichtre!  Tu  m'as  monln,  tiaitre! 

—  Et  toi,  tu  m'as  em|)orté  la  moitié  du  nez,  lîazile! 
N'importe,  embras.sons-nous  derechef,  et  montrons- 
nous  ensemble  à  la  foule  étonnée. 

[Ils  paraissent  au  balcon ,  en  se  tenant  par  le  bras.) 


M.  MORTIKR  ET  M    DANDRÉ. 


iM.  Mortier  vient  de  gagner  son  procès.  La  liberté 
lui  est  rendue.  M.  Dandré  se  fût  arraché  les  cheveux, 
si  son  coiffeur  ne  le  lui  eùtdéfendu,  quand  cette  funeste 
nouvelle  lui  est  parvenue.  On  assure  que  le  chef  du 
cabinet  de  M.  Dronyn  de  l^'Huys,  que  la  déposition  de 
M.  Mortier  a  failli  rendre  célèbre  avait  vécu  sur  l'es- 
pérance que  la  condamnation  de  son  ancien  patron 
infirmerait  ce  que  sa  trop  piquantedéposition  avait  de 
fcàcbeux  pour  son  caractère  ;  et  en  effet,  si  M.  Mortier 
n'est  pas  fou,  qu'est  donc  M.  Dandré? 

M.  Dandré  désespéré,  va,  dit-on,  intenter  un  procès 
en  diffamation  à  M.  le  comte  Mortier,  à  cette  fin  de 


prouver:  i"  qu'il  sait  l'orthographe;  2°  qn'il  n'est 
pas  aussi  expert  que  l'ex-ambassadeur  le  prétend, 
dans  l'art  de  mettre  sa  cravate  ;  ô<>  qu'il  y  a  des  com- 
missionnaires qui  font  mieux  les  courses  que  Ini  ;  4"  en- 
fin qu'il  est  plein  d'esprit,  quoi  qu'on  en  dise. 

On  prétend  que,  depuis  cette  malencontreuse  dé[)o- 
sition,  M.  Dandré  a  été  accablé  de  lettres  de  félicita- 
tions de  tout  le  corps  diplomatique.  «Vous  nous  ap- 
prendrez à  mettre  notre  cravate,  disait  l'un. — Combien 
faut-il  de  temps  pour  aller  de  la  Bastille  à  la  Made- 
leine, montre  en  main,  disait  l'autre;  je  voudrais  en- 
treprendre ce  voyage.  — Comment  s'écrit  omelette? 


I>A  VIE    FUBIiIQirS    XT    PRIVEE    SE    MOSSIEU    BÉAC. 

ISTRODf  CTION.  —  Comme  quoi  mossieu  Jicac  a  toujours  eiislc. 


N'est-ce  point  encore  mcsi^ieu  Réac  qui, 

délivré    d'esclavage  par   Moïsg,   regrettait 

amèremeat  les  ognons  d'Egypte! 


Et  Htti  donnait  la  ciguë  à  Socrate! 


Et  qui  exilait  Aristide! 


250 


REVUE  COMIQUE 


demandait  un  troisième;  y  met-on  un  /(,  comme  dans 
Astrakan?  » 

Une  pétition  aurait  été  adressée  en  oiilro  à  son  ex- 
cellence le  ministre  des  affaires  étrangères  par  le  corps  des 
courriers  du  cabinet.  «  Monsieur  ie  ministre,  disaient 
ces  messieurs,  on  assure  que  vous  n'avez  nommé 
iM.  Dandré  chef  de  votre  cabinet  que  pour  lui  créer 
un  précédent,  et  que  votre  intention  secrète  est  d'en 
faire  un  courrier.   ISous  nous  faisons  fort,  monsieur  le 


ministre,  de  prouver  à  votre  excellence  qu'on  a  surpris 
sa  religion,  et  que  M.  le  comte  Mortier  a  llalté  M.  Dan- 
dré, quand  il  a  parlé  de  ses  aptitudes  comme  coureur. 
M.  Dandré  ne  dépasse  aucun  de  nous  à  la  course  ; 
mettez-nous  aux  prises  avec  cet  indigne  rival  ;  que  le 
Champ  de  Mars  nous  soit  ouvert,  et  que  celui  de  nous 
qui  sera  dislancé  par  lui,  ne  fût-ce  que  d'une  demi- 
tète  ,  perde  à  l'instant  sa  place  et  votre  estime.  » 
Si  la  course  a  lieu,  nous  en  donnerons  le  résultat. 


LES  in\F:C.\UÏIONS  DE  M.  PIEP.RE  I.EUOIX. 


L'amendement  de  5L  Pierre  Leroux  a  porté  ses  fruits. 
On  a  vu  l'Amour  illégitime  s'enfuir  chassé  parl'Hymen 
qui  lui  lisait  le  nouvel  article  de  la  loi  électorale  sur 
les  incompatibilités  de  l'adultère  avec  les  fonctions  de 
député.  L'Amour  en  pleurs  s'essuyait  les  yeux  avec  ses 
ailes,  et  l'Hymen,  renonçant  à  la  tunique  classique,  avait 
adopté,  pou^la  circonstance,  une  robe  d'huissier.  Ceci 
va  amener  une  révolution  dans  le  costume  mytholo- 
gique. 

«  Ou  ne  peut  pascotn-ir  deux  lièvres  à  la  fois,  on  ne 
sert  pas  deux  maîtres,  disait  l'Hymen  à  l'Amour.  Tu  n'as 
pas  trop  de  tes  journées  tout  entières  pour  faire  les  yeux 
doux  à  la  maîtresse,  pour  guetter  son  passage,  pour 
faire  le  pied  de  grue  sous  ses  fenêtres,  pour  lui  envoyer 
des  bouquets,  ou  pour  l'accompagner  à  la  promenade. 
Où  prendrais-tu  ensuite  le  temps  d'aller  à  la  Chambre, 
d'étudier  les  questions,  de  monter  à  la  tribune?  Les  soins 
politiques  te  feraient  négliger  tes  devoirs  amoureux, 


ou  bien  c'est  ta  maîtresse  qui  ferait  du  tort  à  la  patrie  ; 
d'un  côté  ou  del'aulie,  lu  négligerais  tes  rendez-vous. 
.Allons,  va-t-en;  je  t'en  fais  sommation,  parlant  à  ta 
personne. 

—  Mais,  non,  répondait  l'Amour,  il  y  a  temps  pour 
lout;  voyez  plutôt  ce  qui  est  arrivé  à  M.  X.  Sa  femme  a 
un  amant  qui  est  encore  plus  occupé  que  le  mari. 

—  Soit  ;  mais  l'incompatibilité  n'en  existe  pas  moins  ; 
on  a  vu  des  orateurs-amants  mêler  leurs  idées  à  la  tri- 
bune et  réciler  des  madrigaux  en  présence  d'un  audi- 
toire chauve,  tandis  que  d'autres  prononçaient  à  leur 
maîtresse  un  discours  sur  la  question  slave.  D'ailleurs, 
le  principe  cr-l  admis,  l'amendement  est  adoplé.  ainsi 
éloigne-toi.  Au  surplus,  si  l'Amour  a  des  ailes,  n'est-ce 
pas  pour  voUiger?  » 

H  est  certain  que  si  l'adoption  de  cet  amendement 
a  contrisié  des  cœtirs  sincèrement  épris,  d'autres  y  ont 
trouvé  un  prétexte  pour  revenir  à  la  vertu  et  ahan- 


IiA    VIE    PUBIiIQUE    ET    FB.IVÉE    DE    MOSSIEU    KEAC. 

Introduction.   —   Comme  quoi  mossiVi;  Ninc  n  iMijmrs  exis/é. 


Cj'ii  ri(!:.;:lai!  1rs  Tarquirs 

Taniaii  la  continence  de  Sex 
poqstaiile  peiipli:  à  les  rappeler. 


Qui  refusait  des  vaisseaux  à  Christophe  Colomb. 


Et   se    déguisait   en    mate'ot   pour 
faite  révolter  son  équipage. 


A  i;us\r.K  nr.s  gkns  sérieux. 


donner  les  sentiers  du  vice  i|iii  ((iiiiinciiciii'iit  à  Ilmii' 
piirailre  monoloiies. 

On  cite  une  femnii'  liliii  ((ininit'  ilaiis  la  sniii'li';  pa- 
risieniuM]ni  a  dit  à  hiui  niniinl  :  u  Mon  ami,  il  faut  nous 
séparer;  j'en  mourrai,  mais  il  le  faut.  Je  ne  ■.'eux  (las 
iMre  un  ohslicle  à  voire  fortune  |)olili<]iie,  je  ne  veux 
pas  vous  fermer  l'enliée  de  la  Cliauilire.  .Mun  ecnin*  se 
dérliiro,  et  il  ne  fallait  pas  moins  que  l'anuMulemenl  de 
Pierre  lirons  pour  me  déterminer  à  cette  cruelle  sé- 
paration. 

—  Si  votre  cœur  se  décliire,  a  n'pomlu  i'ainaiil,  le 
mien  se  brise;  mais  je  me  dois  avant  tout  à  ma  pairie, 
et  ce  qne  vons  venez  de  me  dire,  j'y  songieais  depuis 
quelques  jours,  liésiiant  et  ne  sachant  trop  comment 
l'exprimer.  Adieu  donc,  et  failes  des  vœux  pour  celui 
qui  n'aura  plus  d'autre  consolation  que  de  penser  que 
votre  cœur  a  compris  le  sien,  n 

Il  s'en  faut  néanmoins  que  partout  on  se  soit  aussi 
bien  accommodé  de  l'amendement  de  M.  Pierre  Le- 
roux, a  Qui  fra|)pe  par  l'amendement  périra  par  l'a- 
niendenient,  »  dit  l'Kvangile;  cette  menace  pourrait 
bien  s'accomplir  si  le  cclèlire  socialiste  ne  se  met  pas 
en  garde  contre  les  séductions  vengeresses  de  certaines 
femmes  au  désespoir. 

La  beauté  veille,  ce  n'est  pas  pour  M.  Pierre  Leroux 
le  moment  de  dormir.  Qui  tirera  vengeance  du  terri- 
ble amendement?  Quelle  femme  assez  séduisante  on 
assez  habile  fermera  les  portes  de  l'Assemblée  natio- 
nale à  l'homme  dont  la  faroMclie  vertu  a  fait  l'erniei- 
les  portes  de  tant  de  boudoirs? 


Il  Oonnneinons  par  Irriuer  la  mienne!  a  dit  d'abord 
W.  Pierre  Leroux  ;  puis  nous  verrons.  Portier,  je  vous 
défends  de  laisser  monter  chez  moi  les  femmes  an- 
dcssous  de  cinquante  ans,  et  encore!  Ninon  a  fait 
Inurner  des  tintes  à  quatre-vingts  ans.  .Mademoiselle 
Margot,  inabonne,  vous  n'avez  (|iie  qnarantc-cinq  ans, 
je  vous  chasse;  mais  comme  je  n'ai  en  qu'à  me  louer 
de  votre  service,  je  vons  re|)rendrai  qLiand  vous  aurez 
cent  ans  passés.  Quelle  rediugnre  mellrai-je?  Celle 
que  je  porte  depuis  1 82K,  lorsijue  je  rédigeais  le  Globe, 
est  d'une  coupe  trop  gracieuse  et  d'un  drap  encore 
trop  frais.  De  bleue,  elle  est  devenue  verte  ;  j'attendrai, 
pour  la  porter  encore,  qu'elle  soit  devenue  jaune.  J'é- 
piouve  le  besoin  d'être  hideux,  afin  que  si  une  femme 
ne  recule  pas  devant  l'idée  de  m'enlever,  elle  n'ose  du 
iiiiiins  me  saisir  qu'avec  des  pincettes. 

«  .Mes  cheveux,  qui,  à  ce  qu'on  raconte,  reçurent 
les  soins  d'un  coiffeur,  un  soir  de  gala,  vers  1817  ou 
1818,  ne  perdront  rien  à  être  recouverts  de  quelques 
toiles  d'araignée;  j'en  mettrai  aussi  sur  mon  chapeau, 
et  j'aurai  soin,  avant  de  m'en  coiffer,  de  le  faire  écra- 
ser par  une  roue  de  cabriolet,  alin  qu'il  achève  de  per- 
dre cette  apparence  de  forme  qui  le  classe  encore 
parmi  les  objets  de  son  espèce. 

«  Quant  à  ma  chaussure,  je  vois  bien  que  je  vais 
èire  contraint  de  renoncer  à  mes  souliers  lacés  ;  il  y  a 
des  moments  où,  lorsque  j'ai  rencontré  sur  le  boule- 
vard un  décrotteur  socialiste  qui  m'a  ciré  de  force,  on 
prL^ndrait  de  loin  mes  souliers  pour  une  chaussure 
vernie.  Heureusement  j'ai  découvert  dans  un  coin  du 


Il  A    VI£    F0BZ.I9DE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    RÉAC. 

Introduction.   —  Comme  quoi  mossieu  Réac  a  toujovrs  existé. 


Qui,    sous   le   pseudaayme  d'U.nac    le   Calife 
mettait  le  feu  a  U  bibliothèque  d'Alexandrie. 


2b2 


REVUE  COMIQUE 


grenier  une  vieille  paire  de  bulles  de  postillon,  rongées 
par  les  rats,  qui  iront  à  mon  pied.  Maintenant,  si  je 
me  pose  quelques  verrues  sur  le  visage,  une  loupe 
entre  les  deux  yeux  et  un  faux  nez,  j'échapperai  peut- 
être  aux  séductions  qui  me  menacent.  » 


C'est  en  cet  état  que  M.  Pierre  Leroux  s'est  rendu 
hier  à  la  Chambre.  Une  femme  ayant  retouinc  la  tète 
pour  le  regarder  en  roule,  il  est  allé  immédiatement 
faire  sa  déclaration  cliez  le  commissawc  du  quartier. 


SAINT  FALI.OUX. 


On  ne  sait  pas  assez  quel  saint  homme  nous  avons 
dans  la  personne  de  M.  de  Kallouv.  Voulez-vous  jouir 
des  douceurs  infinies  de  l'édification,  voulez-vous  être 
attendri,  touché,  ému  jusqu'aux  larmes,  allez  au 
Bourg-d'Ivré  avec  M.  de  Kalloux,  que  l'on  canonisera 
bientôt,  s'il  faut  en  croire  l'union. 

Qu'est-ce  que  le  Bourg-d'Ivré,  où  prenez-vous  le 
Bourg-d'Ivi'é?  L'Union,  qui  est  le  journal  officiel  des 
marquis  de  Carabas,  nous  apprend  (jue  c'est  au  Bourg- 
d'Ivré  que  sont  situés  les  domaines  do  la  famille  de  Fal- 
joux.  Dans  ces  lieux,  où  se  sont  perpétuées  les  saines 
traditions  féodales,  il  y  a  naturellement  beaucoup  de 
pauvres;  mais  on  s'en  console  en  songeant  que  ces  pau- 
vres sont  invités  à  dîner  tous  les  ans,  le  mardi  gras, 
et  qu'ils  sont  servis  à  table  par  un  membre  de  la  famille 
Falloux. 

Les  autres  jours  de  l'année,  il  est  très-probable  que 
ce  sont  les  Falloux  qui  sont  à  table  et  les  pauvres  qui 
servent. 

Cette  année,  c'est  notre  jeune  ministre  de  l'instruc- 
tion publi(]ue  qui  a  servi  les  pauvres.  Dire  de  combien 
de  bénédictions  a  été  entouré  M.Alfred,  ajoute /'6>iîon, 


ce  serait  impossible.  M.  Alfred,  c'est  le  petit  nom  de 
M.  de  Falloux.  Au  Hourg-d'lvré,  on  ne  connail  que 
M.  .\lfred,  on  ne  jure  que  par  le  petit  M.  Alfred,  et  il 
n'y  a  pas  dans  tout  le  canton  un  pauvre  diable  qui  re- 
fusât de  tourner  la  broche  pour  M.  .\ll'red,  en  atten- 
dant qu'il  soit  canonisé. 

Quant  aux  pauvres  diables,  ce  n'est  jamais  eux  que 
l'on  canonise,  et  quoiqii'ils  tournent  la  broche  trois 
cent  soixante-cinq  jours  de  l'année,  ce  n'est  pas  eux 
non  plus  qui  mangent  le  rôti,  excepté  le  mardi  gras, 
lorsque  M.  Alfred,  comme  Leclèro,  des  Variétés,  dans 
son  rôle  de  ministre  de  la  reine  d'Yvetot,  noue  autour 
de  ses  reins  un  tablier  de  cuisine,  enfonce  un  bonnet  de 
coton  sur  ses  oreilles  et  rédige  une  omelette  au  lard, 
avec  son  portefeuille  sons  le  bras. 

C'est  assez  pour  que  r Union  se  déclare  édifiée.  Les 
journaux  légitimistes  ont  la  fibre  sensible  et  versent 
des  larmes  d'attendrissement  à  propos  des  soupes  phi- 
lanthropiques des  marquis  deCarabas.Quant  aux  sirhpies 
bourgeois,  aux  républicains,  il  est  bien  entendu  que, 
loin  de  secourir  les  pauvres,  ils  cherchent,  au  con- 
traire, à  affamer  la  population.  Cependant,  qu'un  Cara- 


I,A    TI£    PUBI.IQI!E    ET    PBIVEE    DI:    MOSSISU    REAC. 

Introduction.  —  Comme  quoi  mossieu  Hèac  a  toujours  existé. 


RI 

1 

Qui,  traquant  les  Albigeois,  s 
I  Tatz  tout ,  Dieu   reconnaîtra 


Et   qui    cndn  ji-la  t   a' 
de   Bicêtre  Salomon 

l'inventeur  de  la  vapeur. 


A  L'USAGE  DRS  GENS  SERIEUX. 


253 


lias  (|(ifl(  iiiii|ii('  r,i>sc  (lislril)iier  un  lioissoaii  de  pommes 
(le  luire  sur  ses  doni.iiues,  les  feuilles  iégilituistes  ot 
tliivoles  se  prosiernent  el  enlomuiit  iincaiitii|ue  de  joie. 

0  (larabus  I  ù  suint  lioniiue  !  ô  siiinles  poiiiiues  de 
lerre  !  ô  saiut  boisseau  !  un  boisseau  tout  iieul",  et  des 
poiunies  de  terre  qui  étaient  presipie  des  triiiïes  !  Et 
avec  (|uelle  f;iiice  M.  le  iiiai(piis  plongeait  iui-inènie  le 
bras  dans  le  iHiis>('au,  et  en  retirait  les  pommes  de 
terre  une  à  une,  donnant  celle-ci  à  Jean  ,  celle-là  à 
MalhieLi,  l'anlre  à  Lucas  ou  à  (Inilhuiine  !  Les  séra- 
pliins  du  haut  dn  ciel,  ayant  accordé  leurs  harpes,  ac- 
compagnaient ce  tableau  des  sons  d'une  musique  cé- 
leste ;  les  auges  souriaient  à  ce  spectacle,  ne  sachant 
ce  qu'ils  devaient  le  plus  admirer,  des  pauvres,  des 
pommes  de  lerre,  du  boisseau  ou  du  marquis  de  Ca- 
rabas  ! 

Les  feuilles  légilimisles  parlent  do  là  pour  exalter 
les  avantages  et  le  bonheur  de  la  pauvreté  ;  elles  en  font 
presque  une  profession  à  laquelle  on  ne  saurait  s'a- 
donner avec  trop  d'ardeur,  la  seule  d'ailleurs  qui 
n'exige  ni  éludes  préparatoires,  ni  certilicals  de  capa- 
cité, ni  diplôme,  ni  conditions  d'âge,  la  seule  eiiliu 
qui  soit  à  la  portée  de  toul  le  monde. 

Elles  citent  des  exemples  de  rois  qui  ont  demandé 
l'aumône  par  Ininiilité  chrétienne,  de  reines  (jui  lavent 
les  pieds  aux  mendiants,  de  ministres,  comme  .^^.  Al- 
fred, qui  les  servent  à  table. 

Pauvres,  nos  amis,  disent  les  feuilles  légiiimisles, 
c'est  vous  qui  connaissez  la  vraie  gloire.  Restez  pau- 
vres, restez  gueux,  restez  mendiants.  Qu'est-ce  que  la 


richesse?  Un  lourd  fardeau  qui  occable  ces  infortunés 
maripiis  de  Oarabas.  Ah  !  s'ils  pouvaient  s'en  débarras- 
ser, s'il  leur  élait  permis  de  porter  comme  vous  le  b;l- 
ton  et  la  besace  !  nuiis  la  Providence  ne  l'a  pas  voulu  : 
la  Providence  a  exigé  qu'ils  fussent  riches,  afin  de  dis- 
tribuer aux  panvresdiables  qui  n'ciiit  lien,  des  pommes 
déterre  presque  aussi  belles  ipie  di's  triilfes,  dans  des 
boisseaux  tout  neufs.  Par  la  même  raison,  la  Provi- 
dence a  exigé  qu'il  y  eût  des  gueux  pour  recevoir  ces 
pommes  de  terre  et  admirer  ces  boisseaux.  Car  s'il  n'y 
avait  pas  de  pauvres,  à  quoi  serviraient  les  marquis  de 
Carabas? 

(i'est  encore  pour  cela  que  la  Providence  a  voulu 
que  les  mar(]uis  de  (larabas  se  partageassent  un  mil- 
liard d'indemnité  payé  par  le  peuple,  milliard  que  les 
Carahas  ont  reçu  en  pleurant,  en  se  lamentant,  en  sup- 
pliant le  ciel  de  détourner  d'eux  ce  calice,  mais  le  ciel 
leur  a  répondu  :  «  J'enlcnds  que  Tua  volonté  soit 
faite  !  »  Et  il  a  fillii  que  celle  -volonté  se  fît;  par  là 
le  ciel,  en  augmentant  le  nombre  des  bienheureux  ap- 
pelés à  crever  de  faim,  a  montré  ses  préférences  pour 
cette  classe  de  la  société. 

0  vous  donc,  qui  avez  la  gldire  de  ne  posséder  rien, 
soyez-en  fiers!  Nous  vous  laverons  les  pieds,  nous 
vous  servirons  à  table  de  loin  en  loin,,  nous  chanterons 
vos  louanges  pourvu  que  vous  consentiez  à  toujours 
rester  pauvres;  enfin  nous  nous  engageons  à  vous  faire 
manger  des  faisans  dans  l'autre  monde  pourvu  que 
vous  ayez  toujours  la  patience  de  tourner  la  broche 
dans  celui-ci. 


X.A    VIE    PUBLIQUE    ET    PRIVEE    DE   BIOSSIEU    B.EAC. 

Chapitre  l*^*".  —  Hcac  en/mit.  —  Naissance  et  puérilités. 


Mossieu  Kédc  vint  <iu  UiOuuc  eu  i«u 
rayant  porté  onze  mois. 


Pour  début,  il  mcrd  fa  nourrice 


la  gro'isesse  une  envi 
(fl  c  avait  envie  de  loul), 
le  jeune  Eéac,  sur  ce   prétexte,  prend  tous 
les  joujoux  de  ses  camarade'.  . 


Soi 


RKVUE  COMIQUE 


COMMK  QVOl  l.E  PRESIDENT  DE  I. \  HÉITRIIOIE  EST  INE  MINE  DE  CAIIEORNIE. 


Di'ciiiément  les  fonds  haussent,  et  la  linancc  est  dans 
la  jubilation.  Vous  croyez  peut-être  que  cela  tient  à  ce 
que  la  République  se  consolide,  inspire  de  la  confiance, 
entre  dans  nos  habitudes,  et  en,  délinilive,  n'est  pas, 
comme  disent  les  bonnes  gens,  aussi  nuire  ou  anssi 
rouge  qu'elle  paraissait.  Erreur!  tous  les  piliers  de  la 
Bourse  vous  diront  sans  (lalleric  que  cela  tient  à  la 
visite  que  le  président  a  faile  au  temple  de  IMutus. 
Il  a  désensorcelé  le  5!  Heureux  président!  devant  lui 
la  prime  et  le  report  s'é|)anouiFfent,  les  Heurs  de  la  rue 
Yivienne  s'inclinent,  les  loups  cerviers  s'appiivoisent, 
les  piles  d'écus  deviennent  souples  et  llexibles.  Aussi, 
pourquoi  dorénavant  nous  inquiéter  de  l'embarras  de 
nos  finances'?  Avec  une  visite  de  Louis-Bonapaile  à  la 
Bourse,  le  cœur  descapilali^tes  s'aniolliia,  les  L-mprunls 


se  rempliront,  l'aigent  coulera  à  Ilots  dans  le  Trésor; 
la  C.ilifornie  n'a  pas  de  mine  qui  puisse  rivaliser  avec 
celle  du  Président;  tout  ce  qu'il  touche  devient  or. 
Qu'on  nous  jiarle  maintenant  du  don  (]u'avaient  nos  rois 
de  guérir  certaines  maladies!  Notre  premier  magistrat 
fait  bien  d'autres  miracles;  seulement  nous  le  prierons 
Irès-humblemcnt  de  ne  pas  oublier  qu'à  la  nouvelle 
de  la  bataille  de  Waterloo,  la  Bourse,  ce  thermomètre 
de  l'opinion  publique,  cette  pierre  de  touche  du  pa- 
triotisme, a  fait  monter  le  5  de  10  IV. 

P.  S.  Di'puis  la  visite  du  Pi-ésidenl,  les  actions  de 
Strasbourg  et  de  Roclogne  sont  irès-rccherchées;  elles 
ont  subi  une  hausse  considérable.  N'est-ce  pas  flatteur 
pour  le  président. 


QUELQUES  MOTS  A  PROPOS  DU  DERNIER  LIVRE  DE  M.   DE  LAMARTINE  ■.   ItÀl'H.lKL. 


Nous  dirons  IVaiicliemeiit  pourquoi  nous  n'avons  puinl  en- 
core parlé  (le  cette  œuvre  nouvelle  de  M.  de  Lamartine.  Nous 
redoutions  ce  livre  pour  son  auteur.  Parler  de  soi  csl  tou- 
jours un  écueil  ;  parler  de  soi  i|uanJ  ou  a  la  |icrsonua!ilé  de 
M.  de  Lamarline,  ce  pouvait  être  plus  qu'un  écueil,  ce  pou- 
vait cire  un  véritable  naufrage.  Ce  n'clait  pas  pour  le  lalenl 
de  l'écrivain  que  nous  avions  peur,  mais  pour  son  caractère. 

Le  litre  même  de  ce  livre,  [laphaêl,  nom   amhilieuv,  d'au- 


lanl  plus  anibitiLMix  que  l'auteur,  en  l'expliquaul,  ajoule  en- 
core, au  lieu  (le  Pattéimer,  à  ce  qu'il  a  de  présomptueux  par 
lui-même,  ce  nom  nous  avait  prévenu  défavorablement.  Trou- 
ver le  génie  en  défaut,  perdre  du  respect  et  de  l'admiration 
Qu'on  a  pour  lui,  c'est  un  péril  devant  lequel  nous  reculerons 
toujours.  Si  donc,  après  avoir  enlin  ouvert  Raphofl,  nous  eu 
parlons  aujourd'hui,  c'est  parce  que  nous  avons  à  réparer  les 
torts  de  nos  pr('^jugés  contre  lui. 


IiA    VIE    FUBUÇUE    ET    PHIVÉE    DE    MOSSIEU    ILEAC. 

ChapiT'ie  I*^.  —  Rêne  en/nnt.  —  Naissance  et  puérililéf. 


Gourmand 
sel  passions  t: 


ins  que  Tolfiir, 
vent  parfois  leur  châtiincnt 
elles-n 


Commepremiére  éducation 
les  croqi 


rignemcnts  les  plus  complets  sur 
luemiiaines  passés,  pri^sents  et  à 


donne  les 
tous 


Ses  éludes  historiques  se  bornent 

à  apprendre  qu^-  l'inquisition  éiait  une  institution 

philanlh  opique  et  modn 


A  i.i  sAi.i   iii;>  (.i;ns  stuiKux. 


235 


l)isiiiis-K.  1(1111  ml  :  iivcc  Ions  SCS  «léfttuls,  ovrc  son  action 
pour  iiiiisi  .lir.'  iiij|i(isMl)|,.,  nvcc  son  caraclèies  ind(.-liiii<i  pliilnt 
encore  c|iu  mil  déliiiis,  Hafilmfl  n'en  csl  pns  iiiuiiis  iiix'  iin\rc 
imiiéiiss.ilili'. 

Si  des  leinp-  phis  ralincs  avaient  vu  iiailre  ce  livre,  son 
succès  eût  été  iininense  ;  ce  .«.ucccs ,  le  temps  le  (;raii<lirn 
tous  les  jours,  il  lui  r,  ndia  ce  rpie  Idccision  a  pu  lui  ùl.r  de 
soiidaiiitte. 

M  él.iil  iiiinuil  (piaiid  nous  avons  oiiverl  la  première  de  ces 
pajjes.  presipie  toujours  toucliaiiles,  souvciil  siildimes  ;  il  élait 
six  heures  du  malin  i|uaud  nous  somiius  arrivé  à  la  dernière. 

Jamais  livre  ne  nous  a  plus  diiiiloureuseiiieul  é Le  lec- 
teur qui  n'a  pas  pleuré  sur  Julie  morte,  comme  si  c'était  à 
lui-ménic  ipie  la  mort  l'eut  .ulevée,  ce  lecteur  n'a  jamais  ou 
n  a  pas  encore  aimé,  (^e  liwe  n'aura  d'alliées  que  parmi  ceux 
pour  qui  nu'  semhlahle  amour  n'est  ni  un  souvenir,  ni  une 
cspLTaiice.  Cet  allieismc  ne  sera  Icgilimc  que  pour  ceux  duul 
ce  chaste  et  pur  amour  condamnera  le  présent  ou  le  pissé. 

Quant  à  ceux  qui  ne  voyeut  dans  l'amour  qu'une  l'emme, 
et  dans  une  femme  ([u'iiuc  maîtresse,  ce  livre  n'est  pas  plus 
l'ail  pour  eux  ipie  la  peinlure  pour  ceux  qui  ne  voyent  dans  le 
tihlcan  d'un  mailrc  qu'une  loile  et  qu'un  cadre;  dans  uu  beau 
cl  magniliiiur  paysage  que  des  arhres  qu'on  peut  couper,  que 
des  Iroupcauv  qu'on  peut  tondre  ou  mener  à  l'ahalloir. 

Ceux-là  rironl,  si  ban  leur  semble,  de  ces  amours  de  poitri- 
naire ;  d'autres  en  pleureront  au  point  d'être  obligés  d'inter- 
rompre leur  lecture,  qui  n'en  seront  pour  cela  ni  moins  sains 
de  ciT-ur,  ni  moins  sains  de  corps  que  ces  prélendus  esprits  forts. 
N  aime  pas  qui  veut!  n'aime  pas  même  quiconque  croit  ai- 
mer! Je  n'elonnerai  ipic  les  sots  en  disant  que  l'amour  vrai  est 
aussi  rare  que  le  génie,  aussi  rare  que  la  vertu  parfaite,  aussi 
rare  que  la  beauté  idéale,  et  que,  dans  ce  Paris,  dont  la  moilié 
se  livre  à  l'aulrc  tous  les  soirs,  il  serait  aussi  diflicile  de  trou- 


ver vingt  ilrcss'aiinant  d'un  amour  véritable,  que  vingt  h«iunics 
d'un  incunteiilablc  génie. 

t.e  qui  nous  a  plu  et  nivi  dans  ce  beau  livre,  c'est  que  le» 
r.iils,  n'y  fu-sciit-il»  pas  vrais,  <l  nous  avouons  ipi'ils  sont  sou- 
vent invraisemblables,  presque  tous  les  srnlimenls  en  sont  sin- 
cères ;  ce  n'est  pas  seuleinenl  de  la  poé  ie,  c'est  de  la  vérité. 
HayhaH  prouve,  envers  el  contre  tous,  <|ue  M.  de  Lamartine  n 
aiiné  au  moins  une  fois  dans  sa  vie,  pins  el  mieux  et  autre 
chose  ipie  lui-même. 

Aussi  ce  livre  lui  fera-1-il  pardonner  bien  des  fautes.  Julie 
est,  A  coup  sûr,  légale  dlleloise,  l'égale  de  Laure,  l'égal.-  de 
la  Julie  de  Sainl-l'reux.  Kllc  est  aussi  vraie  el  elle  est  plus 
poétique.  .Nous  ne  rcclierclierons  pas  si,  peiid.ml  que  l'uuleur 
élait  eu  train  de  créer  à  coté  de  la  vérité  vraie  c|u'il  ne  pouvait 
pas  due.  une  vérité  plus  vraie  encore,  la  vérité  élernelle  qu'il 
pouvait  dire.  Il  n'eut  pas  mieux  fait  de  séparer  Julie  de  Ra- 
(diacl  par  lidée  du  devoir,  qui  eût  moralise  son  oeuvre,  que 
par  l'idée  de  la  mort.  —  Qu'est-ce  que  la  mori,  pour  d.-ux 
amants"?  —  .Mais  nous  ne  lui  ferons  pas  les  reproches  qu'il 
adresse  si  justemeul  d'ailleurs  à  Uous^ean.  Il  ne  s'agil  pas  de 
refaire  les  livres,  mais  île  les  admirer  sincèrement  quand  ils  sont 
dignes  de  l'élre.  Or,  Raphaél  est  de  ceux  qu'on  peut  a.lmirer. 
.M.  de  Lamartine  a  lire  des  merveilles  des  laules  mêmes  de  son 
plan.  Si  donc,  son  œuvre  n'est  pas  parfaile,  que  nous  im- 
porte? Que  si  vous  vous  demandez:  Pourquoi  Julie  meurt- 
elle'?  je  vous  réponds  :  Demandez  plu'ôt  a  M.  de  Lamartine' 
SI  Dieu  n'a  pas  bien  fait  de  l'enlever  a  la  terre? 

Elle  csl  morte,  parce  qu'elle  devait  mourir  Madame  de 
AA'arens  n'cùl-clle  pas  clé  lieuiciise  de  mourir  ava:.l  d'eu  ar- 
river au  perruquier? 

Dr,  il  y  a  un  perruquier  dans  toutes  les  exislenres  ;  souhai- 
tons à  toutes  les  Julies,  soi.hailons  à  tous  les  Uapli  cls  de 
mourir  avani  de  l'avoir  seulement  entrevu. 


lA    VIE    FVBI.IQU£    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIE0    RÉAC. 

CuAPirnE  1".   -   ni.ce.»fnnt    -  X.n^m^c,  ri  p„c,aUf,. 


Ses  bons  înstiDcis  se  développa 

le  jeuDe  Réac  griffe 

et  mord  une   petite  portière. 


Et,  entendant  venir, 
et  à  crier  comme  un  aigle  pour 
mbrouiller  la  question. 


il  vit  dans  la  cuisine  ui 

qui  soinmt-illail  et  conçu. 

l'heureuse  pensée  de  ]!:i  brûler 

les  moustaches. 


lis  le  chat  qui  ne  dormait  qu'à 
demi  lui  sauta  au  Lez,  et... 

j  (lo  ttiitt  à  la  prochaine  livraison). 


3S6 


REVUE  COMIQUE 


CHOSES  QUELCONQUES. 


Quelques  amis  particuliers  de  M.  Louis  lîonaparle 
disaient  de  lui,  quand  il  fut  nommé  président  de  la 
République  :  «  Pourvu  qu'on  le  laisse  monter  à  die- 
val,  changer  d'uniforme  suivant  son  humeur,  et  met- 
tre des  plumets  de  toutes  sortes  à  ses  chapeaux,  soyez 
sûrs  qu'il  sera  content,  et  qu'il  laissera  fonctionner  ré- 
gulièrement la  Constitution.  » 

H  eût  fallu  avoir  mauvais  caraclère  pour  refuser  le 
peu  qu'on  demandait,  la  nation  l'accorda.  —  Le  prési- 
dent eut  la  fantaisie  de  s'habiller  en  général  de  la  g.irdi' 
nationale,  on  n'y  prit  pas  garde;  il  sa  fût  habillé  en 
archevêque,  qu'en  bonnes  gens,  on  l'eût  laissé  faue. 
_  11  aimait  le  cheval,  on  le  vit  à  cheval  avec  plaisir, 
et  on  reconnut  qu'il  n'y  avait  que  M.  Bancherqui  put 
lui  rendre  des  points  de  ce  côté.  Quant  à  ses  plumets, 
à  ses  grands  cordons,  on  s'accorda  à  trouver  qu'ils  lui 
donna'ient  assez  bon  air,  du  moment  où  il  prenait 
plaisir  à  les  porter. 

Mais  l'excès  en  tout  est  un  défaut.  Un  projet  a  élé 
présenté  au  conseil  des  ministre  pour  la  formation  de 
la  maison  du  président.  Ce  décret  était  nn  véritable 
décalque  de  l'ancienne  maison  impériale.  Il  devait  y 
avoir  un  maréchal  du  palais,  M.  Vaudrcy  ;  un  grand 
chambellan  (nous  ne  savons  à  qui  était  destiné  cet  em- 
ploi); deux  préfets  du  palais,  MM.  Laity  et  Persi- 
gny,  etc.,  etc. 

C'était  trop.  —  Le  conseil  a  refusé,  et  il  a  bien  fait. 

—  Les  amis  du  prince,  ses  amis  de  la  veille  (tout 
parti  a  et  aura  sa  veille),  lui  conseillent  de  se  faire 
nommer  empereur  de  la  République  ;  d'autres  pensent 
qu'il  suffirait  qu'il  fût  nommé  d'abord  président  à  vie. 

Si  le  président  de  la  République  a  envie  d'entendre 
crier  :  «  Vive  Henri  V  !  Vive  la  régence  !  et,  en  défini- 
tive. Vive  l'anarchie!  Vive  la  rouge!  «  il  n'a  qu'à  écou- 
ter ces  beaux  donneurs  de  sots  conseils. 

Atis  au  président  de  la  République. 

Les  invitations  aux  réceptions  de  l'Élyséc  ne  sont 
pas  faites  en  son  nom,  mais  au  nom  de  l'un  de  ses  ai- 
des de  camp  de  service.  —  C'est  là  une  coutume  de  la 
monarchie  qui  n'était  pas  déjà  de  trop  bon  goùl  sous 
Louis-Philippe.  —  Ce  retour  à  une  forme  ancienne 
jette  nn  peu  de  ridicule  sur  ces  invitations,  et  donne 
d'ailleurs  lieu  àquelques  abus;  le  président  ferait  bien 
d'y  mettre  ordre.— Voici  un  exemple,  entre  d'autres, 
des  abus  que  peut  cnliaîner  la  coutume  dont  nous 
parlions. 

Une  dame,  madame  B... ,  désirait  une  invitation  pour 
le  bal  de  la  présidence  ;  sa  lille,  fort  jolie  personne, 
désirait  voir  le  président.  —  Un  vieux  général,  chargé 
par  cette  dame  d'obtenir  une  invitation,  s'adressa  à 
l'aide  de  camp  chargé  de  dresser  la  liste  des  favorisés. 

uNousn  avons  plusde  place,  répondit  l'aide  de  camp. 


D'ailleurs,  mon  cher  général,  qu'est-ce  que  c'est  que 
madame  B...?  A-t-elle  nn  titre?  —Certainement, 
répondit  malicieuscmont  le  vieux  général  ;  madame  la 
comtesse  de  B  ..  est  connue  de  tout  Paris.  » 

«Une  comtesse!  reprit  l'aide  de  camp,  que  ne  le 
disiez-vous  tout  de  suite,  mon  cher  général.  Voici 
votre  lettre  ;  dites  bien  à  madame  la  comtesse  que  je 
suis  trop  heureux  de  pouvoir  lui  être  agréable.  » 

Je  vous  laisse  à  penser  si,  en  entrant  dans  les  sa- 
lons du  président  et  en  s'entendant  annoncer  et  saluer 
très-haut  du  tilre  de  comtesse,  mesdames  B...  ,  qui 
sont  deux  femmes  d'esprit,  durent  être  surprises  et 
confuses!  Ce  ne  fut  que  quand  le  vieux  général  leur 
eut  expliqué  le  mystère  de  kMir  annoblisseiiient  qu'elles 
prirent  le  parti  d'en  rire. 

On  assure  que  ce  soir-là  il  y  avait  plus  d'unecomlesse, 
voire  quelques  duchesses  de  la  façon  du  vieux  général 
dans  les  salons  de  l'KIysée. 

_  Il  a  été  puéril  d'abolir  les  titres,  ce  serait  bête 
de  penser  à  les  rétablir,  car  ce  serait  impossible.  La  no- 
blesse n'ayant  de  prix,  à  ce  qu'il  parait,  que  quand  elle 
est  ancienne,  qui  peut  espérer  garder  de  nos  jours  assez 
longtemps  nn  litre  quelconque  pour  que  la  sanction  du 
temps  puisse  jamais  s'y  ajouter'? 

Un  ancien  ministre  du  pouvoir  exécutif  reçut 

dernièrement,  un  matin,  la  visite  de  deux  messieurs 
fort  polis,  qui  venaient,  an  nom  d'un  de  leurs  amis, 
M.  Z,  lui  demander  satisfaction  d'un  soufllet  qu'il  au- 
rait donné  la  veille  à  cet  ami  dans  un  théâtre. 

M.  X,  fort  intrigué  d'ajiprendre  qu'il  avait  soufflette 
quelqu'un  sans  s'en  douter,  demanda  à  ces  messieurs 
la  permission  de  les  accompagner  chez  la  personne  qu'il 
devait  avoir  insultée. 

M.Z,  placé  devant  M.  X,fut  obligé  de  convenir  qu  il 
n'avait  jamais  eu  l'honneur  de  le  voir.  Mais  tirant  alors 
de  sa  poche  une  carte  qu'il  avait  échangée  avec  son 
brutal  agresseur,  «  C'est  pourtant  bien  votre  carte,  » 

dit-il. 

Cette  carte  était  en  effetunecartede  rancienministre. 

«  Ma  foi,  monsieur,  dit  M.  X  à  M.  Z,  consolez-vous, 

j'aimerais  mieux  avoir  été  insulté  comme  vous  l'avez 

été,  que  d'avoir  été  votre  insulteur,  qui  ne  peut  être 

qu'un  lâche  et  un  misérable.  » 
llparaîtquecelincroYableprocédéestmoinsrareqiion 

ne  devrait  le  penser.  On  racontait  à  cette  occasion  que. 
sous  la  Restauration,  un  certain  M.  de  C"*,  fort  connu 
pour  sa  lâcheté,  avait  toujours  dans  sa  i-oche  des 
cartes  de  M.  de  Bondy,  réputé  un  des  meilleurs,  le 
meilleur  tireur  de  Paris  à  cette  époque.-  Ce  M.  deC"* 
„c  manquait  pas,  dès  que  l'occasion  s'en  présentait,  de 
tiier  la  carte  de  M.  de  Bondy,  et  de  l'olTrir  à  ses  aggres- 
seur^    Cette  singulière  rouerie  ne  fut  pas  découverte 


A  L'USAGE  Di:S  GENS  SÉRIEUX. 


2S7 


(lu  pii'iiiicr  ciiiip,  le  iKiiii  lie  .M.  (lu  Bondy  ayant  sans 
(loiilo  ri'li'iiii  i)ciuic(iii|i  (le  pcisoinu!!!  di-  (Inniier  siiit(i 
uux  iid'.iiii's  ([110  M.  (le  C"  avait  eiilaiiuV's  (•(IVontc- 

lIlLMltSIHIS  8011  Illllll. 

Ce  (lit  lin  |)i(iviiicial,  ipii  iic  C(iiiii,iissail  pas  la  c^pn- 
lalicin  i\c  M.  lie  l'x.iiily  i|iii  ({(Voiivril  la  iiiiViic.  .M.  d.. 
(:*•'  lui  iliVoin.-il  :  il  ne  S(;  liallit  pas,  mais  ill'iU  haldi. 

—  Nous  citons,  on  nous  conlcnlaiit  de  les  souligner, 
quel(]iies  lignes  du  Moniteur  ipii  iiiériloraieiil  d'i-lre  si- 
gnalées, du  haut  de  la  tnliiiiie  do  rAsseiiiMée  iialiuiiale, 
à  l'iiidignalion  du  |)ays  : 

((  Quelques  désordres  se  sont  inanifeslés  sur  divers 
M  points  de  la  France,  à  Toccasion  de  l'anniversaire  du 
((2i  février  ISIS. 

«  L'anarchie  ne  s'e.-t  pas  contentée  partout,  comme 
«  à  Paris,  cV envoyer  ses  comparses  crier  atifottr  d'un 
»  édifice  religieux  ou  dans  un  banquet  avorté  :  Vn  e 

M  LA  RÉPrilLlgUE  DÉMOCIIATIQIIE  ET  SOCIALE  !  » 

1 1  n'est  pis  vrai  qu'on  ai  t  crié  à  Paris  :  Vive  la  liépubli- 
que  démocratique  et  sociale  '.  (juand  le  président  estentré 
dans  la  Madeleine  pour  !e  service  du  2i  février  ;  mais 
il  est  vrai  que  des  cris  wnummcs  de  Vive  la  /iépublique  ! 
ont,  en  elîet,  accueilli  son  entrée. 

\'ive  la  lîépublique  !  Ce  cri  que  les  bataillons  en- 
voyés par  toutes  les  légions  de  Paris  ont  crié  avec  tant 
d'ardeur,  cela  veut  dire,  et  il  faut  que  le  président  le 
comprenne,  que  le  pays  est  las  de  révolutions,  et  que 
l'affermissement  de  la  Kcpuhliqne  est  le  but  que  se 
proposent,  ainsi  que  lui  à  coup  sûr,  tous  les  honnêtes 
gens,  tous  les  amis  de  l'ordre  et  de  la  liberté. 

—  Li  question  es  tcrieiire  se  complique  tous  les  jours. 


Si  iM.  Diduyii  de  l/lluis  n'y  prend  pas  garde,  lu  situa- 
tion de  la  hance,  i|iii  était  excellente  vis-à-vis  de  Vé- 
li'ang(;r  sous  son  prédécesseur,  va  être  coinproinise 
gravement,  sinon  perdue,  enlic  ses  mains,  l'.ien  n'é- 
tait plus  facile  (pie  de  garder  l'altitude  en  même  temps 
ferme  et  conciliante  que  M.  Bastide  avait  prise  et 
fait  accepter  par  toiiles  les  puissances.  «La  France 
n'inlrrvi.Midra  pas,  suit;  mais  vous  n'interviendrez 
pas  non  plus.  » 

Si  la  Hépiiblique  est  écrasée  à  Rome  par  les  Aiitri- 
cliiens,  si  elle  est  écrasée  à  Florence  et  à  Livourne,  ce 
sera  pis  qu'une  honte  pour  notre  gouvernement,  ce 
sera  un  véritable  crime  politique.  —  Non,  sans  doute, 
nous  ne  sommes  pas  solidaires  de  toutes  les  réim- 
bliques;  mais  le  sommes-nous  donc  de  toutes  les  mo- 
narchies? Les  Autrichiens  ont  évacué  Ferrare,  mais 
comment  en  sont  ils  sortis?  Et  d'aiKeurs  où  sont-ils? 

—  La  province  n'est  pas  républicaine!  s'écrient  les 
journaux  réactionnaires,  et  les  maladroits  enregistrent 
chaque  jour  avec  une  sorte  de  fureur  des  faits  (]ui  ten- 
draient à  prouver  que  non-seulement  elle  est  républi- 
caine, mais  qu'elle  le  serait  trop  à  notre  sens.  —  Voir 
les  grands  combats  livrés  par  l'autorité  à  des  bonnets 
rouges,  dont  le  temps  avait  déjà  pâli  les  couleurs  au  point 
d'en  faire  des  bonnets  roses. 

Ce  qu'il  nous  faut,  ce  sont  des  bonnets  de  coton 
blancs,  avec  la  rosette  verle,  sans  doute.  Va  donc  pour 
les  bonnets  de  colon.  —  Comballre  des  emblèmes  ou 
des  moulins  à  vent,  c'est  à  peu  près  tout  un,  à  nos 
yeux.  Nous  serions  demain  M.  Faucher,  —  ce  dont 
D'eu  nous  garde,  —  que  nous  éviterions  ce  ridicule. 


isiiijliîliiiiilii 


C'fst  aujoura-hui  le  24  février.  Vous  allez  me  donner  un  joli  petit 
morceau  de  veau;  mais  pas  de  réjouissance  surtout...  M.  Barrot  n'en 
veut  pas,  m  moi  non  plus. 


P.erre  Leroux  perdait  ses  capacités  po  itiques  et  é  ectorales!... 

A  son  lever,  il  remercie  Dieu  et  la  Triade... 

Ce  n'était  qu'un  rêve!!!... 


Cului  dont  vous  voyez  l;i  miiih!  airabilairi", 
Duvergier  de  llauraniie,  illiislre  par  son  péri'. 
Au  bon  temps  où  hrillail  le  salon  docliiiiaii>, 
Mérita  le  burnoui  de  ih  a  du  can'ipé. 
Plus  tard,  en  Février,—  liélasi  funeste  date!  — 
Quand  les  marrons  cuisaient  sous  la  ceudre  écarlale 


Pour  les  liur  du  feu,  le  elial  p  éla  sa  p.ilte; 
Ht  vous  savez  comment  il  se  irouve  dupe  ! 
Raton,  pleiu  de  dépil,  pour  se  veuyer,  pul.lie 
1),'^  l)rocliures  par-ci,  des  hrocliures  par-là, 
Des  lirorhures  loiijour.s  et  l'on  conçoit  cela. 
Ses  auvres  u\laut  pas  de  celles  qu'on  reUe! 


Dt;!i3iné  par  Nadakd. 


Gravé  par  BauLANT. 


«illLIVAIlll  niS   IIAI.IKNS. 


30  <Tii(iiiirN  la  livraison. 


me  RicnELiEi,  m. 


UfM'mnmf^' 


*ji'^'/i  iji.jitj 


dilions  de  la  Sonscripiîon.  — L  i  Rr.vrE  roMioiE  fxrnii  ri  iiii  iimjtiiI  |i  \  Uim  ,  jr  nul  ui-^,  |iul  lit  i  n  SO  1  \rii«on«  a  "0  contimes, 
rla  poste,  -4(1  cenl.  0»  sous.rit  [.lour  10  livraisons.  Pour  les  il^p-irl,  iiioiit;.  lih  \ir  un  niii  ilit  ~iir  h  pn-tp  t  1  ..rilii.  ilu  diucUur  di  la 
!vrE.  —  Pour  toul  ce  qui   conrerne  la  rédaction,  écrire   [franco)  à  M.  Lireix,  au  bureau  de  la  Revtf,  2,  boulevard  de?  Italiens. 

BVMIIirEKAT.  ÉDITETTR,  RUE  niCHEI.IX1T,  52.  1  S*"    Livtaison. 


AVIS   AUX   JOCUl^AUX   DE    PARIS   ET   DÈS   DÉPAUTEMENiTS. 

Nous  autorisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  Rmie  comique,  à  la  condition  : 
lo  De  citer  la  Revue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
^2°  De  limiter,  par  cliaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  clui(]uc  numéro. 


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AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  lA  REVUE  COMIQUE. 

Pour  rôponilre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  décompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessm  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jom-  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 

SOMMAIRE  DE  LA  DIX-HUITIÈME  LIVRAISON. 

TEXTE, 

La  Semaine.  -  Les  Vaudevilles  Réactionnaires.  -L'Arbre  du  24  février.  -  Lettre  de  S.  M.  Changarnier  L  -,  dit  Bergamotte, 
roi  de  Paris,  Bnç;nolet,  Surosne  et  autres  lieux,  à  S.  M.  BugeauJ  I't,  dit  Biigeniard,  roi  de  Lyon,  Bourges  et  lieux 
circonvoisins.  —  Si  un  Mari  a  droit  de  vie  et  de  mort  sur  sa  femme.  -  Les  Faux  Sous-Oniclers.  -  Choses  Quelconques.  — 
Les  Faucheurs  de  la  Républinue. 


LE    CONSTITUTIONNEL    DRPOVILLANT    LE    VIEIL    HO.MME. 
Grande  vignette  par  Bettall,  grvée  par  Baulant. 


LA    VIE    PUBLIQI  F.    ET    PUIVM    DE    MOSSIEU    ItEAC. 

Chnpltre  7«T.  -  Naissance  et  puérilités.  —  Chapilre  II.  —  Éducalion  morale  et  philanthropique.  —  Vocation. 

Feuilleton  au  crayon  par  Nadaiu),  gravé  par  Baulant. 

Ce  numéro  renferme  une  gravure.  —  La  suite  paraîtra  dans  les  prochains  numéri  s. 

D»9Hinaleiirs.  Graveurs. 

Entrée  au  Banquet Bertall.        Leblanc. 

Indigestion  socialiste TiulM.       Midderigh. 

Le  Pousse-Café lianM.       Midderigh. 


MONSIEUR    LE    COMTE    MOLE. 
Type  par   Fabritiius,   gravé  par  Baulant. 


Parif,— Tirée  »u«  presses  mécaniques  de  T.icniMPK  fil»  ol  Homp.,  rue  Damielle,  î. 


LA  SEMAINE. 


Il  parait  que  la  grande  préoccupation  à  la  cour  du 
Président  est  le  bal  de  la  mi-carème. 

On  sait  que  la  marotte  du  Président  est  de  donner 
un  bal  masqué. 

Ici  plusieurs  diflicultés  se  présentent.  N'est-il  pas 
à  craindre,  par  exemple,  que  des  invités  prennent  des 
costumes  qui  rappellent  des  souvenirs  ou  des  circon- 
stances historiques  qu'il  est  bon  de  laisser  dans  l'oubli? 
Élablira-t-on  à  la  porte  des  contrôleurs  chargés  de  vé- 
rifier les  costumes  et  de  dire  à  celui-ci  :  tu  entreras,  et 
à  celui-là  :  tu  n'entreras  pas? 

Ensuite  pour  qu'un  bal  costumé  ait  quelque  signi- 
fication, il  faut  que  personne  ne  puisse  se  soustraire  à 
l'obligation  du  déguisement. 

Déguisera-ton  M.  Odilon  Barrot  eu  père  Sournois? 

M.  Léon  Faucher  en  Jocrisse? 

M.  Thiers  en  Arlequin? 

M.  Mole  en  vieille  femme? 

M.  de  Falloux  en  Jésuite? 

Nous  ne  voulons  pas  poursuivre  celte  nomenclature 
qui  n'en  finirait  plus.  Ces  sortes  de  rapprochements  si 
à  la  mode  sous  la  Restauration  sont  entièrement  usés 
aujourd'hui.  Ce  qui  n'empêche  pas  qu'il  faudrait 
trouver  des  déguisements  pour  tous  les  hommes  poli- 
tiques, sans  compter  les  représentants. 

Quant  aux  représentants,  nous  devons  dire  que 
ceux-là  ne  faisaient  pas  précisément  question. 

On  les  oubliera,  avait  répondu  un  des  majordomes 
du  Président  à  celui  qui  lui  parlait  de  la  nécessité 
d'inviter  les  représentants. 

Fallait-il  faire  une  exception  en  faveur  du  corps  di- 
plomatique, en  faveur  de  la  cour  de  cassation,  en  fa- 
veur de  la  cour  des  comptes,  de  la  cour  d'appel,  du 
tribunal  civil?  Ce   sont  là  les  graves  questions  qu'on 


traite  à  l'Elysée  national  dans  des  séances  du  conseil 
privé,  qui  durent, dit-on,  plus  de  cinq  heures.  Dans  la 
séance  d'hier,  on  a  discuté  le  costume  que  prendrait  le 
Président. 

«  Mon  choix  est  fait,  a-t-il  répondu.  Passons  à  une 
autre  affaire. 

—  Et  peut-on  savoir  comment  Son  Altesse  sera  dé- 
guisée. Est-ce  en  César? 

—  Non. 

—  En  Alexandre? 

—  Pas  du  tout. 

—  En  capitaine  de  l'artillerie  thurgovienne? 

—  Nullement. 

—  Son  Altesse  prendra-t-elle  le  costume  qu'elle 
avait  au  tournoi  d'Églington,  où  elle  rompit  tant  de 
lances  en  l'honneur  de  la  beauté? 

—  Vous  n'y  êtes  pas. 

—  Altesse,  nous  sommes  forcés  d'en  convenir,  nous 
allons  donner  notre  langue  aux  chiens. 

—  Arrêtez  ;  je  suis  bon  prince ,  vous  allez  savoir 
mon  secret  :  je  mettrai  le  costume  de  général  de  la 
garde  nationale.  » 

Piien  n'est  encore  décidé  sur  les  grandes  questions 
que  nous  venons  de  résumer.  On  croit  pourtant  que 
le  bal  aura  lieu.  Le  général  Changarnier  y  tient  beau- 
coup. Il  a  commandé  un  costume  de  berger-trumeau 
qui  lui  sied  à  ravir.  Il  se  fait  donner  par  le  vieux 
Vestris  (il  y  a  toujours  desVestris)  des  leçons  de  hou- 
lette et  de  pannetière. 

Le  Président  n'en  est  pas  moins  fort  mécontent  de 
son  ministère. 

M.  Louis  Bonaparte  tient  énormément  à  avoir  une 
maison.  Il  lui  faudrait  deux  ou  trois  préfets  et  un 
maréchal  du  palais,  quelques  chambellans,  un  inlro- 


260 


REVUE  COMIQUE 


ducteiir  des  ambassadeurs,  et  pas  mal  de   gcnlilsliom- 
nies  ordinaires. 

I.e  ministère  a  eu  la  cruauté  de  lui  refuser  tout  cela. 

L'austère  Odilon  Barrol  n'en  a  fait  ni  une  ni  deux, 
il  a  porté  lui-même  la  parole,  et  il  a  dit  au  Président  : 
^i  Sire,  il  faut  quelquefois  dans  la  vie  savoir  attendre,  n 

M.  Louis  Bonaparte  n'en  continue  pas  moins  à 
bouder. 

II  se  pourrait  bien  qu'il  donnât  son  bal  masqué, 
rien  que  pour  vexer  Léon  Faucher,  qui  a  une  répu- 
gnance extrême  pour  tous  les  bals,  à  cause  d'une 
vieille  tante  à  héritage  qu'il  est  obligé  de  faire  danser. 

Le  bal  masqué  du  Trésideni  et  le  procès  de  Bourges, 
voilà  les  deux  grands  sujets  de  la  curiosité  publique. 

Lors  de  la  fameuse  journée  du  13  mai,  on  sait 
qu'après  l'envahissement  de  l'Assemblée,  il  se  forma 
une  inihiité  de  gouvernements  provisoires.  On  dressait 
des  listes  dans  tous  les  cafés  voisins  du  Palais-Bourbon. 
La  bière  et  les  ministères  coulaient  à  flots.  Tartempion 
sera  à  la  guerre,  Falempin  à  l'intérieur,  et  Barbanchu 
aura  les  finances.  Que  ferons-nous  de  Lapincheux? 
Qu'on  lui  donne  les  postes. 

Pendant  plusieurs  mois,  Tartempion,  Falempin,  Bar- 
bar.chu  crurent  devoir  se  cacher  pour  se  dérober  aux 
poursuites  de  la  justice  qui  ne  songeait  nullement  à  se 
mêler  de  leurs  affaires. 

a  Venez  me  voir,  la  police  est  à  mes  trousses;  le 
peuple  m'avait  porté  au  Gouvernement  provisoire,  je 
demeure  aux  Batignolles,  rue  du  Vent,  n»  12.  Deman- 
dez M.  Oscar. 

«  Salut  et  mystère. 

0  Tartrmpion.  » 

«  Le  rôle  que  j'ai  joué  dans  la  mémorable  journée 
du  13  mai,  m'oblige  à  me  soustraire  aux  persécutions 
de  la  police.  J'ai  choisi  un  asile  rue  aux  Ours,  n.  16. 
Les  sicaires  ne  viendront  pas  me  chercher  jusque  li. 
Il  fautque  je  vous  parle.  Je  vous  attends  le  plus  tôt  pos- 
sible. Demandez  le  citoyen  Anatole. 

«  Fraternité  et  discrétion. 

«  Falempin.  n 

«  Mon  influence  bien  connue  sur  le  peuple  a  fait 
croire  au  gouvernement  que  j'avais  dirigé  la  manisfcs- 
tation  du  15  mai.  11  n'en  est  rien.  La  vérité  est  que 
j'étais  porté  sur  une  liste  comme  maire  de  Paris.  C'est 
un  crime  que  je  suis  obligé  d'expier  aujourd'hui.  Ne 
manquez  pas  de  venir  à  Bougival,  où  je  me  cache  dans 
le  cabaret  de  la  iVoi<c/<e,  sous  le  pseudonyme  de  Brulus. 

«  Silence,  prudence,  fraternité  ou  la  mort. 

«  Baiibanciii-.  » 

Voilà  quelles  lettres  nous  avons  tous  été  exposés  à  re- 
cevoir pendant  cinq  à  six  mois. 

Aujourd'liui  les  proscrits  reparaissent  au  grand  jour. 
«  Tiens,  vous  voilà,  Cabassot,  où  allez-vous  donc? 


—  A  Bourges.  Je  suis  cité  comme  un  des  témoins 
les  plus  importants  du  procès.  Pourvu  qu'on  ne  m'em- 
poigne pas  à  l'audience. 

—  Et  vous,Trifouillot,  d'où  sortez-vous,  mon  ami? 
— ^  Je  sors  de  chez  moi. 

—  .\vec  ce  sac  de  nuit  en  plein  jour? 

—  Il  le  faut  bien,  je  vais  à  Bourges.  Ils  m'ont  fait 
citer,  les  gredins.  Je  suis  sûr  qu'ils  ont  envie  de  me 
pincer,  mais  je  me  tiendrai  sur  mes  gardes. 

—  Et  vous,  Larifla,  mon  brave,  où  courez-vous  ainsi  ! 

—  J'ai  peur  de  manquer  le  convoi  de  Bourges.  Me 
voilà  forcé  de  comparaître;  et,  d'après  ce  qu'on  m'a 
dit,  tous  le  débats  doivent  nécessairement  pivoter  au- 
tour de  ma  déclaration.  Quelle  responsabilité!  n 

Inutile  de  dire  que  ni  Cabassol,  ni  Trifouillot,  ni 
Larifla,  n'ont  reçu  la  moindre  assignation  de  compa- 
raître à  Bourges,  et  qu'ils  n'ont  pas  vu  à  Paris  le  nez 
d'un  juge  d'instruction. 

Ceci  n'est  que  puéril  ;  ce  qui  est  ignoble,  c'est  de 
voir  déjà  des  journaux  faire  du  drame  et  du  pittore.que 
avec  le  costume,  la  voix,  les  gestes,  l'altitude  des  ac- 
cusés. Celui-là  en  descendant  de  voiture  seml)lait  dé- 
fait, celui-ci  était  rouge.  L'un  paraissait  ferme,  l'autre 
abattu.  Albert  était  insouciant.  Raspail  portait  un  vaste 
portefeuille  sous  le  bras  et  des  bottes  fourrées.  Blan- 
qui  avait  l'air  de  ceci,  Barl  es  avait  l'air  de  cela. 

Vous  comprenez  bien  que  les  journalistes  qui  écri- 
vent tous  ces  beaux  détails  voient  Barbes,  Raspail, 
Blanqui,  et  les  autres,  au  point  de  vue  de  leur  jour- 
nal. Eh!  messieurs,  souvenez-vous  donc  que  ces  gens-là 
sont  des  accusés,  et  que  vous  leur  devez  à  tous  le  res- 
pect et  le  silence.  Rendez  compte  des  débals,  c'est  votre 
droit,  mais  ne  vous  arrogez  pas  le  droit  de  lue  au 
fond  des  cœurs. 

Les  journaux  sont  unanimes  cependant  sur  un  point, 
l'impression  produite  sur  les  assistants  lorsque  madame 
Courtais  est  descendue  de  la  voiture  cellulaire.  Félici- 
tons-nous de  n'en  être  pas  venus  encore  à  méconnaître 
le  dévouement,  lorsque  le  dévouement  n'est  point  de 
notre  parti.  C'est  le  Journal  des  Débats,  il  faut  bien  le 
reconnaître,  ipii  a  le  premier  rendu  homniûge  à  la 
noble  conduite  de  la  femme  de  l'ancien  commandant 
de  la  garde  nationale. 

On  a  trouvé  dans  la  boîte  de  l'Elysée  national  la 
lettre  suivante  : 

«  Citoyen  Président, 
«  Les  cœurs  se  seraient  soulevés  d'indignation,  si 
lorsque  vous  êtes  venu  à  Boulogne  essayer  d'un  13  mai 
impérial  contre  le  gouvernement  et  la  société  constitu- 
tionnelle, ce  pouvoir  vous  eût  traite  comme  un  forçat, 
et  vous  eût  envoyé  à  llam  dans  l'ignoble  voilure  cellu- 
laire des  voleurs  et  des  assassins. 

«  Il  est  des  convenances  qu'il  faut  savoir  garder  en- 
vers des  ennemis  vaincus,  pourquoi  le  vaincu  de  Stras- 
bourg et  de  Boulogne  les  a-t-il  oubliées?  » 

On  croit  que  cette  lettre  a  été  portée  d'ahord  au  ini- 


ou 
COHSTITUTIONNliL 


LE    CONSTiniION.NEL    DEPUlILLAXT    LE    VIEIL    HOMME. 


Dessiné  par  Bertau.. 


Gravé  par  Baulaxt. 


262 


REVUE  COMIQUE 


nistre  de  l'intérieur,  qui  n'aura  pas  cru  devoir  la 
transnioltre  à  raucicn  jirisonnicr  de  Ham,  Prcsidcnl 
de  la  Uépublique  française. 

La  rue  de  Poitiers  a  enrin  constitué  son  faincux  co- 
mité éiocloral  orléano-légitimo  bonapartiste.  MM.  Mole, 
Berryer,  ïliiers,  Montalcnibcrt,  se  donnent  la  main 
pour  faire  triompher...  la  République.  Ils  le  disent  du 
moins,  et  d'aussi  honnêtes  gens  méritent  bien  qu'on 
les  croie  sur  parole. 

Rien  de  nouveau  dans  la  littérature,  rien  de  nouveau 


dans  les  théâtres.  On  attend  toujours  avec  impatience 
que  le  ministère  se  prononce  dans  l'importante  ques- 
tion de  la  liberté  de  l'industrie  dramatique.  M.  Léon 
Faucher  maintiendra,  dit-on,  le  privilège,  et  la  direc- 
tion des  beaux-arts  lui  a  soumis  une  proposition  dans 
ce  sens.  L'assemblée  législative  sera  appelée  à  résoudre 
ce  problème,  et  nous  croyons  qu'elle  le  fera  dans  le 
rens  de  la  liberté. 

La  représentation  du  Prophète  est  fixée  au  4  avril. 
Nous  l'avons  entendu  dire  à  Meyerbeer  lui-même. 


LES  VAUDEVILLES  RÉACTIONNAIRES. 


Les  directeurs  de  théâtres  n'aiment  pas  la  Répu- 
blique; les  vaudevillistes  l'ont  en  horreur,  c'est  leur 
droit;  mais  voilà  des  professions  de  foi  bien  tardives! 

Songez,  messieurs,  que  vous  êtes  allés  tendre  la 
main  à  celte  bonne  République  ;  que  vous  êtes  tombés 
suppliants,  à  deux  genoux,  devant  elle,  et  que  vous 
lui  devez  de  vivre  encore  à  l'heure  qu'il  est. 

Si  vous  avez  oublié  que  la  République  vous  a  sauvés 
de  la  banqueroute  et  de  la  ruine,  d'autres  s'en  sou- 
viennent encore. 

On  vous  a  entendus  crier  famine.  Quelle  bonne  co- 
médie c'était  là  ! 

0  République!  noble  République!  sainte  Républi- 
que !  ne  pourriez-vous  nous  prêter  un  morceau  de 
mouche  ou  de  vermisseau  !  L'art  dramatique  s'en  va, 
l'art  dramatique  est  dans  le  marasme,  et  M.  Clairville 
lui-même  ne  fait  plus  recette;  c'est  la  fin  de  la  fin. 


Supposez  que  les  théâtres  se  ferment  et  qu'on  ne  joue 
plus  les  pièces  de  M.  Clairville,  c'en  est  fait  de  l'esprit 
français.  M.  Clairville,  le  Gaulois  moderne,  le  Molière 
de  ce  temps-ci  ;  M.  Clairville,  le  génie  du  vaudeville, 
réduit  à  garder  le  silence  !  Quelle  honte  pour  la  civili- 
sation !  Quoi  !  plus  de  ces  couplets  à  se  boucher  le  nez, 
plus  de  ces  calembredaines  puantes,  plus  de  ces  farces 
idiotes  qui  illustrent  aujourd'hui  le?  scènes  où  l'on 
applaudissait  autrefois  la  fine  prose  de  M.  Scribe!  0 
Réjuiblique!  tu  ne  le  permettras  pas  !  Et  vous,  mes 
bons  messieurs  de  l'Assemblée  nationale,  quelques 
sous,  s'il  vous  plaît,  pour  soutenir  nos  gloires  déchues. 
Laissercz-vous  succomber  le  couplet  national,  le  cou- 
plet-Dommange?  Voilà  la  question. 

Dans  ce  temps-là,  les  théâtres  chantaient  la  Mar- 
seillaise et  le  chœur  des  Girondins;  ils  dansaient  pour 
la  patrie,  ils  seraient  morts  pour  la  patrie,  si  on  l'eût 


IiA    VIE    PUBLIQUE    ET    FKITEE    DE    MOSSIEU    REAC. 

Chapitre  V.  —  Réitc  enfant.  —  Naissance  et  puèrililés. 


Et  le  jeune  Héac  se  mit  à  courir 
eu  poussant  d'affreux  cris. 


litureus^ement  le  pion  de  la 

pension  Pctdeloup, — homme  sévère 

mais  juste, — 

parvint  a  lui  oter  cet  animal. 


carrière  à  ses  excellents  instincts, 
et  écoute  aux  portes. 


Mais  il  en  est  quelquefois  puni. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


203 


voulu  ;  cl  M.  Clairvillc  liii-mômc,  endamniiî  d'un  no- 
ble cntliousinsnio,  essayait  d'écrire  quel(|ncs  couplets 
en  français  en  riioiineur  de  la  llherlé;  et  s'il  n'y  par- 
venait pas  toujours,  du  moins  pouvait-on  lui  savoir  gré 
de  l'intonliiin. 

Cependant  l'Asscniblée  nationale  a  la  honte  de  s'at- 
tendrir, et  à  l'orte  d'entendre  parler  de  XI.  ClairNille, 
elles'iinatrine  que  M.  (ilairville  est  réellcnicnl  un  per- 
sonnage. Et  puis,  il  y  avait  là  ces  malheureux  théâtres 
gucusant,  la  besace  sur  le  dos.  Ces  |)auvres  gens,  dit 
l'Assemblée,  vraiment  ils  me  font  de  la  peine.  Les 
voilà  qui  dansent  et  chantent  pour  la  patrie.  Pour  peu 
qu'on  les  en  priât,  ils  manlieraient  sur  les  mains,  ils 
joueraient  aux  dominos,  et  ils  avaleraient  des  sabres 
par  patriotisme;  tout  cela  mérite  considération.  Don- 
nons-leur quelque  argent,  alin  que  la  postérité  ne  nous 
accuse  pas  d'avoir  étouffé  le  génie  naissant  de  J[. 
Clairvilie. 

—  Merci,  mes  bons  messieurs,  dirent  les  théâtres, 
cela  portera  bonheur  à  votre  mariage. 

—  C'est  bien,  mes  amis. 

—  Nous  allons  prier  Dieu  pour  vous.  Eh  youp,  eh 
youp  la  Catarina  ! 

—  A  votre  aise. 

—  Vive  l'Assemblée  nationale!  Vive  la  République! 
Eh  youp  piou  piou,  la  Catarina  ! 

Aujourd'hui,  c'est  une  autre  chanson.  Ees  tliéàtres 
ont  échappé  à  la  mort,  les  auteurs  ont  touché  leur  part 
de  l'indemnité  généreuse  accordée  par  l'Assemblée  na- 
tionale, et  il  n'y  a  pas,  sur  les  scènes  secondaires,  assez 


de  place  pour  les  plates  facdties  dcrilcs  contre  la  Ré- 
publique, sur  du  papier  acheté  aux  frais  de  la  Itépu- 
bli(iue,  avec  de  l'encre  fournie  par  la  République  et 
des  plumes  payées  avec  l'argent  de  la  l'iépublique.  Au 
Gymnase,  aux  Variétés,  au  Vaudeville,  la  République 
agonisante  reçoit  tous  les  soirs  les  coups  de  pied  de 
M.  Clairvilie,  car  c'est  lui,  c'est  cet  esprit  attique,  cet 
Aristophane  sans  grammaire  qui  remplit  l'office  d'in- 
sulteur  avec  le  succès  que  vous  savez.  C'est  M.  Clair- 
ville  qui  plaint  les  Romains  d'avoir  attrapé  la  Itcpu- 
blique,  comparant  ainsi  la  République  à  imc  maladie, 
pourcpioi  pas  à  la  gale?  Quant  aux  membres  de  l'As- 
semblée nationale  qui  ont  voté  l'indemnité  des  théâtres, 
il  fait  beau  voir  comme  on  les  traite  et  quelles  char- 
mantes plaisanteries  inspirent  leurs  vingt-cinq  francs! 
Quoi,  payer  d'honnêtes  gens  qui  abandonnent  leurs 
propres  affaires  pour  ne  s'occuper  que  de  celles  du  pays, 
donner  sept  à  huit  cents  francs  par  mois  à  des  citoyens 
courageux  qui,  dans  cette  seule  année,  ont  entendu 
deux  fois  l'émeute  en  armes  rugir  à  leur  porte,  qui  ont 
vu  le  sénat  envahi,  qui  sont  restés  fermes  et  impassibles 
devant  l'insurrection  furieuse,  comme  les  sénateurs  ro- 
mains devant  les  Gaulois  de  Brennus  !  Vingt-cinq  francs 
par  jour,  à  ces  hommes  honorables  et  dévoués  qui  ont 
deux  fois  sauvé  le  pays?  Y  pense-t-on,  et  n'est-ce  pas 
uue  mine  bien  trouvée  de  plaisanteries  pour  le  vaude- 
ville né  malin?  Ah!  que  ce  serait  bien  autre  chose  s'il 
s'agissait  de  rémunérer  dignement  les  soins  de  SI.  Clair- 
ville,  par  exemple,  qui  prend  la  peine  de  mettre  en 
madrigaux,  non  pas  l'histoire  romaine,  mais  les  voi- 


XiA   VIE    PUBUQUE    ET    PRIVÉE    SE    MOSSXEU    BÉAC. 

Chapitre  I''.  —  Réac  en/ant.  —  Naissance  et  ptiérilUés. 


Puis  il  imagine  une  petite  ce  mbinaiscn  usuraire 

pour  arrondir  sa  propnété,  au -dessus  de  son  âge,   il    procure,  moyennant 

et  fOLde  la  Banjue  des  billes.  prime,  à  un  épicier,  la  fourniture  des  peaux 

I  d'anguille  pour  tous  les  sabots  de  la  pension. 


^    ^^^ 


Puis,  jaloux  d'obtenir  quelque  palire 

et  trop  cancre  pour  la  devoir  à  son  mérite, 

il  achète  la  compositiou  d'un  camarade. 


264 


REVUE  COMIQUE 


tures-posles  de  M.  Dommange!  Vingt-cinq  francs  par 
jour  à  un  re présentant  du  peuple,  quand  c'est  tout  au 
plus  si  M.  Clairville  gagne  cinquante  pauvres  mille 
francs  par  an  ! 

Mais,  voyez  l'injustice  du  parterre.  Voilà  que  l'on 
commence  à  trouver  ces  platitudes  par  trop  basses,  et 
([ue  déjà  l'on  a  assez  de  ce  cynisme,  de  celle  ingrati- 


tude, de  CCS  ignominies,  de  cette  boue,  et  que  l'on  se 
meta  siffler  M.  Clairville  lui-même,  le  spirituel,  le 
grand,  le  magnanime,  le  chevaleresque  M.  Clairville, 
le  régénérateur  du  théâtre  moderne  !  On  le  sifUe  coninie 
on  nesiftlerait  pas  un  malheureux  saltimbanque  ava- 
lant des  sabres  dans  une  grange  de  village.  Traiter 
ainsi  M.  Clairville  1  L'art  dramatique  est  perdu. 


I  AUBRK  DU  21  FEVRIEU. 


Le  soir  du  21  Février,  le  colonel  Chabert  se  préci- 
pita dans  les  bureaux  du  Bonnet  ùpoil,  organe  des 
plus  accrédités  du  parti  impérial  et  parliculièremenl 
du  comité  napoléonien  pour  les  élections. 

Le  colonel  Chabert  avait  la  larme  à  l'oeil  :  «  Sacre- 
bleu,  dit-il  en  entrant,  voilà  le  troisième  pleur  que  je 
verse  de  ma  vie.  Le  premier  eut  lieu  le  jour  oi'i  je  per- 
dis ma  bonne  vieille  femme  de  mère;  le  second,  lors- 
que je  reçus  la  crois  sur  le  champ  de  bataille,  des  pro- 
pres mains  du  grand  lionmie. 

—  C'est  bon,  répondirent  les  autres  Chaberts,  rédac- 
teurs du  Bonnet  à  poil  ;  celle  histoire  nous  a  été  ra- 
contée vingt  fois.  Mais  qu'y  a-t-il  de  nouveau?  L'élec- 
tion du  10  décembre  aurait-elle  enfin  porté  tous  ses 
fruits  ? 

—  Pas  encore.  Mais  le  marronnier  du  2(.i  mars  s'est 
déclaré  pour  nous  ;  pour  celle  fois  seulement,  et  sans 
doute  à  la  demande  générale,  il  a  ouvert  ses  bourgeons 
bonapartistes  le  2-1  février,  afin  de  présager  l'avenir 
réservé  aux  Bonaparte. 


—  Cela  ne  m'étonne  pas,  dit  un  Chabert  ;  j'ai  che* 
moi  un  manche  à  balai  qui  a  fleuri  subitement  le 
10  décembre  au  soir. 

—  Allons  rendre  visite  au  marronnier  !  s'écrièrent 
en  chœur  tous  les  Chaberts. 

Ils  se  mirent  en  route,  portant  un  drapeau  avec  celte 
inscription  :  Honneur  aux  braves!  Gloire  au  marron- 
nier du  20  mars,  qui  a  fleuri  le  2i  fhrier!  Plusieurs 
polissons  du  quartier,  ayant  aperçu  les  Chaberts,  les 
suivirent  en  criant  :  Ohé,  les  Chaberts,  ohé! 

Arrivés  auprès  du  marronnier,  qui  avait  effective- 
ment poussé  quelques  bourgeons  (1),  ils  firent  le  salut 
militaire  ;  et  le  colonel  Chabert,  qui  est  le  seul  Cha- 
bert véritable  que  la  France  possède  en  ce  moment, 
retraça,  dans  une  chaude  et  vigoureuse  allocution, 
l'histoire  de  l'arbre  bonapartiste. 

—  C'était  en  1814,  au  siège  de  Paris:  un  lancier 

(1  '  Le  fait  est  vrai,  mais  on  ne  peut  l'attribuer  qu'au  soleil  précoce  de 
cette  année.  La  nature  ayant  horreur  du  vide  ne  saurait  favoriser  le  bo- 
napartisme. [Xole  du  Rédacteur  en  cke/.) 


ZiA    VrE    FVBIiIQlTE    ET    PaiVÉX   DE    WOSSIEU    B,ÉAC. 

Chapitre  I".  —  Uèac  en>a}it.  —  Naissance  el  puérilités. 


Ce  strabg'me  réussit. 

Il  est  le  prtmier,  et  dîne  avec  M.  Petdeloup,  — 

homme  sévère,  mais  juste. 


I 


Pour  ne  pas  perdre  son  temps  perdant  la  récréation, 
il  dénonce  ceux  de  ses  camarades  qui  ont  des  idées  trop  avancées. 


A  i/iisAC.K  DKs  (;i:ns  si;;i»ii;ijx. 


2«ri 


l)crco(li'  inillo  cou|)s  gisait  îi  terre.  «  Iknils  les  aniies, 
lui  ciiaieiit  les  (losucpies.  —  Jamais!  »  ré|iiiiul  le 
brave,  et  saisissant  sa  hiiice  par  un  ilVoi  l  ili'ses|ii'it'', 
il  perce  dix  (lusaques  J'iuilie  en  milic,  |iuis  il  loloiiilie 
expirant.  Que  se  passa-t-il  ensuite ï  Ia'  lanciiM-  l'iynora 
longtemps.  Délivré  jiar  l'arrivée  subite  (riiuc  ilivisinn  ! 
française,  il  avait  été  transporté  à  l'amliulaiice  où  il 
guérit  de  ses  blessures  ;  mais  le  bois  de  sa  lance  brisé 
dans  sa  lutte  avec  les  C-osaqucs,  s'était  (iclié  en  terre, 
avait  pris  racine,  et  était  devenu  en  quehiues  jours  ce 
niagnilique  marronnier,  dont  les  opinions  bona|)artistos 
ont  bravé  depuis  lors  tous  les  gouvernements.  Mainlc- 
nanl  faut-il  vous  dire  qui  était  ce  lancier? 

—  Oui,  dites-le,  colonel  Chabert? 

—  Ce  lancier,  c'était  moi. 

Les  autres  (^baberts  comprirent  l)ien  (juc  leur  colo- 
nel, trmbé  depuis  peu  en  enfance,  avait  lèvé  celle 
histoire;  cependant  ils  lui  prodiguèrent  tous  les  soins 
que  réclamait  son  état. 

«  J'en  ferai  un  feuilleton  pour  le  Ihmnct  à  puil,  » 
dit  un  des  petits  ("baberls,  impérialiste  âgé  de  vingt  ans. 

Mais  bientôt  l'enlbousiasmc  du  vieux  soldat  leur  ar- 
racha des  larmes  d'attendrissement.  Le  colonel  n'ayant 
pas  de  couronnes  d'immortelles  sous  la  main,  arracha 


un  bouquet  à  une  lnniiii'  qui  passait  et  le  déposa  au 
pied  de  j'arbi'e. 

a  .\  toi,  maintenant,  dit-il,  la  diipouille  du  brave!  n 

Il  ôta  s(in  chapeau  et  rucciocha  aux  liranche»  du 
niarionnier.  «  Je  le  portais,  dit-il,  en  l'Egypte,  où  il 
m'a  garanti  de  plusieurs  coups  do  soleil.  » 

H  ("ita  ensuite  son  habit,  m  Habit  glorieux,  dit-il,  toi 
qui  es  entré  à  Moscou,  troué  par  les  lialles  russes,  reste 
accroché  auprès  du  chapeau,  sur  l'arbre  du  brave!  d 

Les  pierrots  qui  étaient  sur  le  marronnier  s'envolè- 
rent épouvantés.  «  Quel  feuilleton  pour  le  Bonnet  à 
poil!»  répétait  le  petit  Chabert. 

«  Maintenant,  quittons  mes  bottes,  reprit  le  colonel. 
Ces  bottes  ont  foulé  le  monde,  des  Alpes  au  Thabor,de 
rCbre  au  Pont-Luxin;  au  marronnier,  mes  bottes!  — 
Grand  Dieu  !  s'écrièrent  les  dames  alarmées,  le  véné- 
rable colonel  Chabert  va-t-il  quitter  aussi  ses  culottes? 

—  Je  les  quitterai,  répondit  le  colonel  Chabert; 
elles  ont  vu  le  soleil  d'Austerlitz  !  » 

Kt  il  quitta  ses  culottes. 

Los  dames  s'enfuirent  saisies  d'effroi.  Les  petits 
Chaberts  furent  obliges  do  louer  un  paletot  chez  un 
fripier  du  voisinage,  pour  ramener  le  grand  Chabert 
chez  lui  dans  un  état  décent. 


SI  IN  MAIU  A  DROIT  DK  VIE  LT  DE  MORT  SUR  SA  FEMME? 

Un  drame  vraiment  horrible  vient  de  s'aLComplu-.       son  mari  ;  le  mari   s'est  vengé:  deux  hommes,  dont 
Une  jeune  femme,  mère  de  quatre  enfants,  trompait   \  l'un  est  innocent,   sont  en  danger  de  mort.  Nous  ne 


lA    VIE    FUBLIÇUE    ET    PRIVÉE    »E    MOSSIEU    B.ÉAC. 

CllAriTRE   1".  —  Rr,ic  eii/uit/.  —  Xaissiince  l'I  puériUlcs. 


C'est  alors  que  ses  parents, 

enchantés  de  lui, 

le  font  habiller  à  oeuf  avec  un 

redingotle  de  toute  beauté. 


une  redingotle  de  toute  beauté, 

il  méprise  son  petit  camarade,  doDt 

le  chapeau  est  peu  gracieux. 


ùes  étuies  étant  finies,  il  quitte  I     , 
à  la  grande  joie  de  ses  camarades  et  au  vif  regret  de  M.  Petdeloup, 
-homme  sévère,  mais  juste — qui  espérait  le  conserver  en  qualité  de  pion 
et  qui  lui  prédit  le  plus  bel  avenir. 


266 


REVUE  COMIQUE 


raconterons  pas  un  fait  connu  de  tout  Paris.  Nous  n'es- 
sayerons d'atténuer  ni  la  faute  de  l'éjiouse,  ni  le  crime 
de  la  mère  oubliant  tout  pour  le  plaisir  d'une  nuit 
coupable,  ni  les  torts  de  son  complice. 

Mais  nous  ne  craindrons  pas  cependant  de  (lélrir 
de  toute  notre  réprobation  la  tolérance  monstrueuse, 
irréfléchie,  sauvage,  qui  accorde  à  un  mari  le  droit 
épouvantable  de  se  venger  lui-même,  par  ses  mains, 
et  d'infliger,  soit  à  la  femme  coupable,  soit  à  son  com- 
plice, une  peine  évidemment  hors  de  toute  proportion 
avec  le  tort  qui  lui  est  fait,  puisque  la  loi  régulière, 
quand  les  coupables  arrivent  devant  elle,  n'a  jamais 
songé  à  la  i)rononcer. 

Si  le  législateur  avait  voulu  quo  l'adullère  lut  puni 
de  mort,  il  fallait  qu'il  écrivit  dans  la  loi  :  «  Tout 
adultère  sera  condamné  à  mort.  » 

Celui  donc  qui  se  fait  plus  sévère  que  la  loi,  qui,  à 
la  place  d'une  loi  sage,  réfléchie,  prudente,  met  sa 
violence  et  sa  passion,  si  légitimes  qu'elles  soient,  il 
faut  que  celui-là  le  fasse  à  ses  risques  et  périls  ;  il  faut 
qu'il  soit  considéré  comme  un  coupable,  comme  un 
criminel,  à  son  tour,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  prouvé  qu'il 
y  avait,  dans  les  faits  particuliers  de  la  cause,  quel- 
que excuse  considérable  à  de  pareils  égarements.  Il 
faut  qu'il  soit  arrêté. —  Et  il  faut  surtout  qu'il  y  ait 
une  pénalité  certaine,  fût-elle  minime,  au  bout  de  son 
action,  sinon  il  n'est  peut-èlre  qu'un  meuririer,  qui  n'a 
assassiné  que  parce  qu'il  savait  pouvoir  le  faire  sans 
danger. 

Qu'on  cède  à  sa  passion,  soit,  c'est  la  loi  de  notre 


triste  humanité,  mais  qu'on  n'y  cède  pas  impunément  ; 
qu'il  y  ait  danger  à  y  céder,  sinon  il  y  aura  déshonneur 
à  n'y  jias  résister.  Tout  acte  violent  qui  se  commet 
avec  la  certitude  de  l'impunité  est  bien  près  d'être  un 
acte  de  lâcheté. 

Si  dix  ans  de  prison,  étaient  au  lunit  de  cette  satis- 
faction que  se  donne  ré|)oux  outragé  en  tuant  celui  qui 
l'outrage,  croit-on  que  le  nombre  des  passions  qui  vont 
jusqu'à  ces  extrémités  de  la  violence  ne  diminuerait 
pas  considérablement? 

Ces  réflexions,  nous  ne  les  appliquons  pas  au  cas 
particulier  dont  il  s'agit.  Ce  fait  n'est  poin-  nous  que 
l'occasion  et  non  la  cause  qui  nous  fait  parler  ;  mais, 
et  c'est  à  tous  les  hommes  de  cœur  et  de  raison  que 
nous  faisons  appel  dans  cette  circonstance,  n'est-il  pas 
temps  de  réagir  contre  une  aussi  abominable  cou- 
tume? 

Sans  tomber  dans  les  divagations  de  ceux  qui  récla- 
ment pour  la  femme  des  droits  en  tout  égaux  à  ceux 
de  l'homme,  n'est-il  pas  juste  de  dire  que  tuer  une 
femme  parce  qu'elle  est  faible,  parce  qu'elle  est  folle, 
parce  qu'elle  est  infidèle,  parce  qu'elle  est  parjure, 
parce  qu'elle  est  dépravée  si  l'on  veut,  c'est  punir  une 
faiblesse  ou  un  vice,  pas  un  crime.  C'est  ôter  à  la 
femme  son  libre  arbitre,  c'est  la  traiter  comme  une 
chose,  comme  une  propriété  plutôt  que  comme  un 
être  pensant,  notre  égal  devant  Dieu,  responsable  de 
ses  actes,  comme  nous-mênie,  devant  la  société  et 
devant  la  loi  seulement. 


lA    VIE    PUBLIQUE    ET    PHIVÉE    DE    MOSSIEU    RÉAC. 

CilAriTFE  II.  —  Éilucalwii  morale  el  philanthropique.  —  Vocation. 


En  effet,  il  se  présente  «n  qualité  de  petit  clerc 

et  orné  de  sa  redingotte  de  toute  beauté, 

chez  un  huis&ier  qui,  lui  trouvant  la  pliysionomie  heureuse, 

l'admet  aussitôt. 


Il  entre  en  fonctions, 

et  va  chercher  le  déjeûner  de  l'étude,  sur  lequel  il  gratte 

quelques  sous  quotidiens. 


\  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


267 


l.r.S  FAUX  SOUS-OFFICIEUS. 


QuV'sl  (IcvoniK;  lu  graviti'  du  Moniloitr? 

Autrefois  le  jï/oH/Ve«r  néglijicail  k-s  détails.  Les  gou- 
vcrneriients  précédents  l'avaient  élevé  à  une  hauteur 
philosophique  ;  ee  journal  avait  la  sévérité  de  l'histoire, 
M.  Faucher  en  t'ait  un  canard.  Tel  ministre,  tel  Moniteur. 

Est-il  vrai  que  des  sous-ofliciers  aient  assisté  à  un 
banquet  socialiste"?  Telle  est  la  question  que  discute  le 
Moniteur  dejuiis  ciuelques  jours. 

0  Non,  dit-il,  il  n'y  avait  pas  de  sous-ofliciers  à  ce 
banquet. 

—  Nous  les  avons  vus. 

—  C'étaient  de  faux  sous-ofliciers. 

—  Qu'est-ce  que  vous  a|>pelez  de  faux  sous-ofiiciers'? 

—  Des  bourgeois  en  uniforme. 

—  Qui  vous  a  dit  que  c'étaient  des  bourgeois? 

—  On  le  suppose.  » 

De  supposition  en  supposition,  le  Moniteurs  ei\.  en- 
gagé dans  un  roman  qui  rappelle  les  aventures  des 
Mousquetaires. 

Tantôt  ces  sous-officiers  sont  de  faux  zouaves. 

Tantôt  ce  sont  de  faux  voltigeurs  ou  de  faux  zéphirs. 

«  M'y  voici,  s'écrie  tout  à  coup  le  Moniteur  :  ce  ne 
jont  ni  de  faux  zéphirs,  ni  de  faux  zouaves;  ce  sont 
des  sous-ofliciers  libérés  du  service  qui,  avant  de  ren- 
trer dans  leurs  foyers,  ont  cru  devoir  parait,  e  au  ban- 
quet en  uniforme  pour  jouer  un  tour  au  gouverne- 
ment. Vous  comprenez  qu'il  ne  nous  est  pas  possible 
de  renvoyer  tout  nus  les  militaires  libérés  ;  ils  ne  pour- 


raient passe  présenter  en  cet  état  au  sein  de  leur  fa- 
mille r)u  devant  leur  fiancée.  Que  ferions-nous,  d'ail- 
leurs, de  leur  défroque?  nous  ne  sommes  pas  niarcliands 
d'iiabit,. 

—  Pourquoi  pas?  celte  profession  rentre  dans  l'éco- 
nomie politique  ;  elle  ne  serait  pas  indigne  de  M.  Léon 
Faucher. 

—  Je  proteste,  répond  le  Moniteur;  ']c  ne  me  las- 
serai pas  de  protester. 

—  Soit,  mais  vous  ne  nous  dites  toujours  pas  ce  que 
sont  ces  sous-ofliciers. 

—  Ce  sont  des  bourgeois. 

—  Quels  bourgeois? 

—  Des  sous-bourgeois,  c'est-à-dire  des  bourgeois  dé- 
guisés en  sous-officiers. 

—  J'ai  ouï  dire  que  c'étaient  des  pompiers. 

—  Le  pompier  est  trop  ami  de  l'ordre  pour  assister 
à  un  banquet  socialiste. 

—  Rappelez-vous  le  pompier  du  15  mai. 

—  Ce  n'était  qu'un  pompier  provisoire,  comme  le 
gouvernement  d'alors. 

—  Étes-vous  sûr  seulement  qu'il  y  ait  eu  un  ban- 
quet? » 

Le  Moniteur  n'en  est  pas  sûr,  et  une  nouvelle  dis- 
cussion s'engage  relativement  au  banquet  auquel  au- 
raient assisté  les  sous-officiers. 

«  11  y  a  eu  banquet. 

—  Non,  il  n'y  a  pas  eu  banquet. 


XA   VIE    PUBXIQVE    £T    FRITEE    DE    MOSSIEU    REAC 

Chapitre  ii.  —  Éducation  morale  et  philanthropique.  —  Vocalion. 


Puis,  pour  plaite  à  tout  te  inonde, 
il  cherche  a  se  rendre  utile  à  la  cuisinière, 


^      -A/  \i 


Et  avec  laquelle  il  goûte  des  Toluptés  pores 
et  économiques. 


268 


REVUE  COMIQUE 


—  IVi'l.iit  peut  ôtre  un  soiis-b;iiu|iu't,  un  (:\u\  lian- 
quel,  1111  sous-zouiwc,  un  sous-zophir,  uu  un  sous- 
bourgeois  déguisé  en  sous-banquet. 

—  Non,  puisqu'ils  étaient  deux. 

—  Deux  quoi?  Qu'est-ce  (jui  étaient  deux?  Les  ban- 
quets ou  les  zouaves? 

—  Les  sous-ofliciers. 

—  Quels  sous-ofliciers? 

—  Ceux  du  l>annuel. 


—  Vous  venez  de  dire  qu'il  n'y  eu  avait  pas,  qu'ils 
étaient  faux,  (]ue  c'étaient  des  sous-faux  ofliciers. 

—  J'ai  dit  que  c'étaient  des  sous-bourfjeois. 

—  Alors  qu'est-ce  que  vous  me  chantez  depuis  une 
heure  avec  vos  faux  zouaves  et  vos  souszépliirs?  » 

Ainsi  discute  le  Moniteur,  depuis  quelques  jours, 
avec  les  journaux  de  Vanarchie.  On  assure  que  c'est 
M.  Léon  Faucher  en  personne  qui  rédige  cette  polé- 
mique. Nous  n'avons  pas  de  peine  à  le  croire. 


LETTRE  TE  S.  M.  CIIANGARMER  1'',  DIT  BERGAMOTTE,  ROI*DE  PARIS,  BAGNOLET,  SURESNE  ET  AITHES    LIEIX, 
A   S.  M.   BUGEAUD  1",  DIT  Bl'GEMARD,  ROI  DE  LYON,  BOURGES  ET   LIEUX  CIHCONVOISIXS. 


Monsieur  mon  fÈCie, 

C'est  le  cœur  pénéiré  de  douleur  el  avec  lous  les  égards 
qui  sont  dus  à  un  illustre  voisin  dévoué  comme  nous  aux 
triomphes  des  principes  qui  sont  la  base  de  l'autel  el  du 
trône,  que  nous  témoignons  à  Votre  Majesté  la  profonde  sur- 
prise qu'ont  faite  à  nous  el  à  nos  sujets  les  derniers  discours 
qu'Elle  a  prononcés. 

Vous  avez  fait  l'honneur  à  vos  sujets  de  Sainl-Étienne  de 
les  visiter;  cela  esl  bien  ;  vous  les  avez  gratifiés,  comme  ceux 
de  Lyon  et  de  Bourges,  de  quelques  harangues  de  votre  façon  ; 
rien  de  mieux  ;  vous  avez  même,  au  défdé  de  la  garde  nationale, 
adressé  familicremenl,  Iroupièrement,  la  parole  à  quelques-uns 
de  CCS  manants;  tout  cela  est  d'un  bon  prince.  C'est  ainsi  que 
saint  Louis  rendait  la  justice  au  pied  d'un  cliène,  que  Napo- 
léon pinçait  l'oreille  à  ses  grognards  en  leur  disant  quelques 
mots  d'amitié;  c'est  ainsi  enlin,  et  pour  ne  chercher  des 
exemples  que  sous  nos  jeux,  que  son  illustre  neveu  ne  man- 
que jamais,  à  une  revue,  de  faire  compliment  aux  colonels  sur 
leur  musique!  Mais  ce  qui  nous  a  stupéliés  dans  notre  fidèle 
royaume,  ce  qui  a  plongé  nos   sujets  de  la  rue  de  Poitiers  et 


de  la  rue  Dupliot  dans  un  océan  d'amertumes ,  ce  qui  a  fait 
hlèmir  el  le  grand  Barrot  et  le  grand  Thiers  et  le  fallacieux 
Vcron  et  le  candide  Genoude,  ce  sont  les  sentiments  exprimés 
dans  votre  harangue,  sentiments  qui  hurlent  à  colé  des  senti- 
ments profondément  guerriers,  tapageurs,  de  vos  nerveux  dis- 
cours de  Lyon!  Quoi  I  des  paroles  de  paix,  de  concorde,  do 
conciliation!  quoi!  des  sentiminls  honnêtes,  sensés,  modérés! 
Voire  Majesté  aurait-elle  perdu  la  tète  ou  trop  bien  déjeuné? 
Votre  Majesté  aurait-elle  voulu,  de  galelé  de  ca-ur,  flétrir  ses 
lauriers  réactionnaires  et  sa  couronne  de  la  rue  Transnouain? 
Et  ce  n'est  pas  tout.  Par  la  pommade  du  Lion,  la  graisse  de 
Chameau  et  l'eau  Napoléon  !  bon  nombre  de  Sléphanals  se 
sont  égayés,  en  défilant  devant  Votre  Majesté,  à  crier  à  lue- 
tête  :  l'ire  la  démocratique  el  sociale!  Et  au  lieu  de  tirer  votre 
sabre,  vous  les  avez  tout  bonnenicnl,  tout  honnêtement,  et 
comme  un  roi  d'Yvetol,  endoctrinés,  prêches,  raillés;  et  vous 
avez  commencé  par  dire  :  «  Oui,  Fii'e  la  Képublique  déinocra- 
liqiiel  ce  cri  est  légitime,  et  je  le  répèle  avec  \ons!  n  Par 
tous  les  parfums  de  la  relue  des  fieurs!  le  vin  des  Sléphanals 
était  donc  bien  bon  !  Et  votre  langue  ne  s'est  pas  séiliée  dans 
votre  palais  en  prononçant  ces  paroles  séditieuses!  Saint  Fal- 


lA    VIE    FUBI.IQUE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    RÉAC. 

CllAPlTHE   II.  -  Éducnlinn  morale  el  p/iiln„lhir>i,viiir.  —  rocalion. 


Mais  tout  n*est  pas  roses 

dans  son  état. 

En  portant  une  signification^ 

il  est  assez  battu. 


Un  débiteur' .taisi,  dont  il  est  cons- 
titué r/nriUev,  trouve  un  moyen 
ingénieux  de  lui  crier  par  la  fe- 
nêlre  qu'il  a  oublié  quelque  choie 
dans  le  procla  verbal  de  saisie. 


Une  autre  fols,  pendant  qu'il 

procède  à  un  Tecolîement, 

I  le  met  à.  la  jtorte  par  la  fenêtre. 


Mais  les  gens  du  bois  dont  on  fuit 

les  Kéac» 
retombent  toujours  sur  leurs  pieds. 


A  LUSAGE  DES  GENS  SÉHIEUX, 


269 


loin  rn  a   fnit  dix  si<;n<>9  de  crnii!  Saint  Gonoude  vient  de 

rntninaiiilcr  iino  neii%nin('  pour  \nlrc>  snliil  !  S.ilnl  Véron  n 
jiné  i|iio  les  liaiiinmics  fiiilieuscs  di-  Vntri'  Mnji'stc  no  soiiil- 
Icralciil  IMS  les  ciilonnos  |)uilii[iii's  de  son  jiuirnal,  et  de  fait 
les  abonnés  du  Coiistihitiuiiuel  en  uni  elé  privés  1 

Je  vous  demande  pardon,  monsieur  mon  frère,  des  reproelios 
un  peu  vifs  que  j'adresse  à  Voire  Majesté;  un  peu  île  dialeur, 
en  pareille  nialiérc,  esl  liicn  permise  nu  vainqueur  du  i!l  jan- 
vier. Persuadé  que  le  liéros  de  la  rue  Transnonain  les  prenilra 
en  lionne  pari,  je  passe  à  d'autres  sujets. 

Eli  bien!  c|ue  diles  vous  de  nos  amis  de  l'extérieur?  Que 
dites-vous  de  Windisligraclï  et  de  Uadciski?  En  voilà  des 
frères  un  peu  distingues,  et,  soit  dit  tout  lias,  capables  de 
nous  faire  la  leton.  Fui  de  Ber^ainolle,  ees  caniaradcs-lù  ont 
un  iliic  réartionnaire  qu'il  nous  sera  dilficilc  d'attraper! 
NojTZ  Windisligraetz,  ou,  coniinc  nos  rouges  disent,  Vingt- 
disgràces,  il  esl  battu  par  les  Hongrois!  Un  autre  général 
cliangerait  Je  plan  de  eampagiic  el  tàclierail  d'avoir  loyale- 
ment sa  revanclie.  Lui  ne  ^a  pas  p.ir  tant  de  détours!  Il  ap- 
pelle tout  simplement  les  sauveurs  candides  et  inébranlables 
des  bons  principes  :  en  avant  les  Russes  et  le  knout!  voilà  un 
patriote  !  Les  sujets  aulricbiens  n'étaient  pas  sa  isfaits  des 
Croates,  ils  auront  les  Croates  doublés  de  Cosaques,  et  vive 
Nicolas  ! 

Quant  à  Radetski,  il  esl  plus  fin,  plus  ingénieux,  j'oserais 
dire,  plus  élégant  et  plus  poélique  dans  ses  procédés  réac- 
tionnaires, et  il  est  difficile  de  nietlre  les  rebelles  à  la  raison 
par  des  moyens  plus  evpéditifs  et  plus  gracieux.  Ouel(|ii(S 
habitants  de  iMilan  s'aviseut  d'appeler  traitie   un   des  salel- 


lifcs  de  l'Autriclic!  la  rue  où  cela  «'est  p.usi-  esl  rançonnée  i 
un  million!  Lis  liabitantsde  l'errare  font  In  griinare  i  la  gar- 
nison aiilriebienne!  deux  millions,  fix  otages,  de»  répara- 
lions,  des  vexations,  des  coups  de  bilon  !  Ali!  inonsieiir  mon 
frère,  que  sont,  auprès  de  ces  procédés,  nos  tnsles  razzias  d'A- 
frique ,  et  quelle  peine  nous  avions  à  ramasser  quelquei 
boudjou.! 

Si  j'avais  un  conseil  à  donner  à  Voire  Majesté,  je  la  prie- 
rais de  méditer  sur  les  procédés  Windiscbgraeti  el  Radctzki  : 
ils  méritent  réellement  réilexion  ;  el  en  les  joignant  aux  movens 
Irioinpliateurs  avec  lesquels  j'ai  remporté  ma  grande  victoire 
du  2'J  janvier,  ils  amèneraient,  je  crois,  le  Iriomplie  définitif 
des  bons  principes. 

J'acbcve,  en  annonçant  i  Votre  JWajcsté  que  la  réaclioa 
continue  à  se  couvrir  de  gloire  sur  toute  la  ligne:  nos  jour- 
naux deviennent  d'une  violence  réellen.ent  édifiante;  nos 
théâtres  distillent  l'injure  et  la  calomnie  avec  un  succès  qui 
nous  transporte  ;  nos  argousins  ont  dispersé  à  coups  de  bilon 
un  partide  factieux  qui  banquelait  paisiblement;  c'est  une  in- 
troduction heureuse  pour  nos  prochaiius  élections.  Nos  mi- 
nistres continuent  à  mériter  les  bénédictions  de  Henri  V  et  de 
Louis-Philippe:  Barrol  esl  de  plus  en  plus  solennel.  Faucher 
auilacicuv,  Ruffel  commode,  Falloux  pétri  en  Dieu.  Quant  à 
notre  Président,  il  justifie  toules  nos  prévisions,  il  comble  tous 
nos  désirs,  il  dépasse  toutes  nos  espérances. 

La  présente  n'étant  à  autre  fin,  je  prie  Dieu,  moinieui-  mon 
frère,  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte  et  digne  garde. 

De  notre  château  des  Tuileries,  le  (i  mars  18-19. 

ChAXGARMKK-Bf.RC  \M(lTrE. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


Vous  dites  donc  que  .M.  Tliiers,  que  M.  Bugeaud, 
que  M.  Changarnier  et  que  iM.  MolJ  sont  monai- 
chiqucs;  diles  alors  qu'ils  sont  fous.  — Quoil  pendant 


dix-huit  ans  Louis-l'hilippe  a  reculé  devant  .M.  Tiiier?, 
et  ne  l'a  jamais  eu  pour  minislre  que  comme  contraint 
et  forcé,  —  et  .M    Tliiers  voudrait   rentrer  dans   les 


Z.A  VIX    PUBZiIQUi:    ET   PRIVEE   DE    MOSSZEU    &ÉAC. 

Chapitre  h.  —  Éducation  morale  et  philanthropique.  —  Vocalion. 


DaDsles  iffa  res 
il  fait,   UD  beau  jo 


Le  lenjemaio,  il  a  l'boDneiir  de  se  lier  avec  deux 
qui  l'inviteot  à  casser,  en  compagnie,  le  cou  à  un  hareng  saur 
el  à  vider  une  âole  à  quinze. 


Et  ce  soir-là,  enchanté 

relations  s'établir  et  l'avenir  se 
dorer  pour  lui,  il  fait  un  beau  rêve. 

lison). 


,  [La  suite  à  la  proche 


270 


REVUE  COMIQUE 


On  dit  qu'Us  ont  beauconp  de  cœur,  ces  citoyens;  c'est  possibli 
faut  toujours  qu'ils  aient  un  fameux  estomac 


voies  monarchiques,  où  l'antipathie  qu'on  inspire  à  un 
homme  suflil  pour  vous  éloigner  de  toute  participation 
aux  affaires  pendant  foute  la  durée  d'un  règne. 

Mais,  supposez  la  famille  d'Orléans  rentrée  en  France, 
elle  ou  une  autre  famille  royale;  je  veux,  avec  vous, 
que  pendant  deux  mois  elle  subisse  la  loi  de  ceux  qui 
l'auront  ramenée  ;  mais  ces  deux  mois,  ces  six  mois 
expirés,  si  vous  le  voulez,  se  voyant  bien  décidément 
assise  aux  Tuileries,  que  croyez-vous  qu'elle  ait  de 
mieux  à  faire,  si  ce  n'est  de  reprendre  son  libre  arbitre 
et  de  se  débarrasser  de  la  tutelle  de  ceux  qui  feraient 
peser  sur  elle  le  poids  d'un  protectorat  que  des  rois  ne 
sauraient  accepter  franchement? 

Qu'a  fait  Louis-Napoléon  peur  M.  de  Girardin  qui 
Ta  nommé  bien  plus  et  bien  mieux  surtout  que 
M.  Thiers,lequela  voté  pour  lui  en  le  ridiculisant?  lien. 
—  Il  n  été  ingrat.  —  L'ingratitude  est  une  loi  de  salut 
pour  les  princes.  —  C'est  celle  qu'ils  ne  violent  jamais. 

Attendez  que  la  législative  vienne,  que  M.M.  Thiers, 
Bugeaud  et  Mole  s'entendent  enfin  pour  faire  un 'mi- 
nistère, et  vous  verrez  si,  quand  la  République  sera 
à  eux,  ils  trouveront  que  cette  forme  de  gouvernement 
est  mauvaise,  et  qu'il  faut  la  renverser. — La  République 
est  impossible,  je  le  crois  bien  M.  Thieis  n'est  pas  pré- 
sident,—  M.  Bugeaud  n'est  pas  président,  —  M.  Mole 
ne  l'est  pas  non  plus,  et  n'a  pas  même  l'espoir  de  l'être. 

Bouleversez  donc  ce  pays,  et  remuez-le  jusque 
dans  ses  fondements,  faites  un  amas  de  ses  décombres 
jusqu'à  ce  que,  par  le  hasard  des  révolutions,  ce  grain 
de  sable,  qu'on  appelle  M.  Thiers,  ce  pavé  qu'on  ap- 
pelle M.  Bugeaud,  et  cette  vieille  dame  qu'on  appelle 
M.  Mole,  puissent  se  trouver  tout  à  fait  au  sommet. 

Quant  à  ce  qui  est  de  M.  Changarnier,  il  n'est  qu'un 
moyen  dans  les  mains  de  M.  Thiers,  un  contre-poids  à 
M.  Bugeaud,  un  lest  dans  une  balance.  N'en  parlons  pas. 


—  On  racontait  devant  Béranger  et  Dupont  de 
l'Eure  l'affaire  Carraby  :  «Il  sera  sage  maintenant, 
dit  Béranger  à  son  vieil  ami,  avant  d'entrer  dans  une 
maison,  de  s'assurer  qu'elle  n'est  habitée  que  par  des 
rosières,  b 

—  Voilà  M.  Mortier  bien  attrapé  !  l'ingrat  qu'il  a 
rendu  célèbre  lui  met  sous  le  nez  une  lettre  de  poli- 
tesse que  ledit  comte  Mortier  lui  aui-ait  écrite  dans  un 
temps  où  il  n'aurait  pas  encore  pu  apprécier  tous  ses 
mérites.  Le  jeune  Dandré  joint  à  cette  lettre  un  certi- 
ficat de  bonnes  vie  et  mœurs,  à  lui  délivré  par 
M.  Drouyn  de  L'Huys.  Si  jamais  M.  le  comte  Dandré 
cherche  une  nouvelle  condition,  ce  papier  pourra  lui 
servir  :  cela  complète  bien  un  livret. 

Pendant  que  M.  Drouyn  de  L'Huys  y  était,  pourquoi 
n'a-t-il  pas  certifié  que  .M.  Dandré  savait  l'orthographe  ! 

— La  séance  de  jeudi  a  été  nulle,  disent  les  journaux  ; 
quel  est  son  résultat,  à  quoi  aboutissent  ces  interpella- 
tions adressées  au  ministre  des  affaires  étrangères?  — 
Messieurs  les  faiseurs  de  premier  ou  de  second-Paris 
ignorent  sans  doute  une  chose,  c'est  que  ce  qu'on  lit  le 
moins  en  province  et  à  l'étranger  dans  un  journal,  c'est 
précisément  cette  première  page  des  journaux  qui  con- 
tient selon  eux,  mais  selon  eux  seulement,  l'alpha  et 
l'oméga  de  la  politique.  Le  résultat  de  la  séance,  le  voici: 
Le  discours  de  M.  Ledru-Rollin,  discours  étudié  cette 
fois  (le  Journal  des  Débats  le  reconnaît  lui-même),  ce 
discours  sera  lu  et  commenté,  et  il  vaudra  ce  qu'il  vaut 
pour  ceux  ijui  le  liront,  indépendamment  des  critiques 
des  premiers-Paris.  —  Celui  de  M.  de  Lamartine,  qui 
contient,  au  milieu  de  beaucoup  de  désordre  de  paroles 
et  d'idées,  ceci  :  «  La  politique  de  mon  manifeste  a 
été  :  Point  d'intervention,  pas  plus  la  nôtre  que  celle 
des  autres    puissances;    liberté    entière   des   peuples 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


271 


Ce  n'est  rien,  mocsieur,  c'est  tout  simplement 
petite  indigestisn  socalisle. 


Poufse-café  fourni  gratis  par  le  Gouvernement  ai 
pour  la  cause  sociale. 


:  estomaciqui  travaillent 


qui  voudraient  changer  la  forme  de  leur  gouverne- 
ment; »  et  enfin  les  paroles  du  général  Cavaignac,  qui 
a  dit  :  «  Nous  sommes  restés  fidèles  à  la  politique  du 
Gouvernement  provisoire,  »  c'est  autant  de  barrières 
élevées  contre  les  faiblesses  de  M.  Drouyn  de  L'Huys; 
ces  barrières  peuvent  être  une  arme  dans  ses  mains, 
s'il  sait  s'en  servir.  Il  peut  dire  aux  puissances  étran- 


gères :  «  Si  nous  consentions  à  vous  laisser  intervenir 
en  Italie,  nous  tomberions  devant  la  volonté  du  pays.  » 


Ce  fils  d'un  cafetier  qu'Agen  prit  sous  son  aile, 
Bérard,  que  le  parti  radical  a  biffé, 
A  dit  à  la  tribune,  hier:  «  Je  m'en  rappelle.  » 
C'est  un  peu  irjp  fort  de  café! 


LES  FAUCHEURS  DE  L.\  RÉPUBLIQUE. 


Air  :  Bonjoar,  tnûn  ami  Vincent. 


On  dit  qu'on  prit  aulrifoi?, 

A  l'époque  régicide, 

Pour  seule  sanction  des  lois. 

L'acier  d'un  glaive  homicide; 
Mais  nous,  gens  de  plus  douces  mœurs. 
Nous,  dont  le  pouvoir  charme  tous  les  cœurs, 
Pour  dompter  les  factions  perfides. 
Une  .'impie  faux  arme  noire  bras; 
Et  nous  fauchons  haut,  et  nous  fauchons  bas. 
Et  nous  fauchons  tant,  qu'il  u'ea  reste  pa<'. 

Cet  outil  prodigieux 

Dont  s'arme  la  République 

Représente  à  tous  les  jeux 

La  sécurité  publique; 
S'il  se  fait  du  bruit  nous  le  redoublons , 
Si  l'ordre  renaît  nous  le  retroublons. 
Et  nous  exploitons  la  terreur  panique 
Pour  sortir  gaîment  de  tout  erabairas; 
Et  nous  fauchons  haut,  et  nous  fauchons  bas, 
El  uous  fauchons  tant,  qu'il  n'en  reste  pas. 

Des  arbres  de  liberté 
Qu'on  voit  à  regret  en  France, 
Font  avec  impunité 
Un  appel  à  la  licence. 
Odieux  souvenirs  de  ces  jours  d'horreur 


Où  le  peuple-roi  nous  faisait  si  peur, 
Délruisons-en  jusqu'à  la  semence. 
Et  pour  que  jamais  ils  n'en  poussent  pas. 
Fauchons-les  en  haut,  fauchons -les  en  bas. 
Fauchons-les  si  bien  qu'il  n'eu  reste  pas. 

Ces  affreux  républicains, 

— Vraiment  l'audace  est  unique!  — 

Osent  se  croire  certains 

De  servir  la  République. 
—  Mais  vous  l'avez  faite,  et  c'est  bien  assez! 
C'est  nous  qui  régnons,  vous,  obéissez! 
Si  nous  acceptons  ce  régime  inique 
C'est  pour  en  jouir  et  le  mettre  à  bas  ; 
El  nous  faiichons  haut,  et  nous  fauchons  bas, 
Et  nous  fauchons  tant,  qu'il  n'en  reste  pas. 

0  p'.uple  républicain, 

Comprends  enfin  ce  langage  : 

Ta  victoire  est  leur  buiin, 

Ton  pouvoir  est  leur  partage. 
Tous  ces  braves  du  lendemain 
Que  longtemps  la  peur  courba  sous  ta  main. 
Ta  longue  clémence,  ils  s'en  font  un  gage 
Pour  saper  ton  œuvre,  en  lâches  ingrats  : 
Ils  fauchent  en  haut,  ils  fauchent  en  bas. 
Ils  fauchent  si  bien  qu'il  n'en  reste  pas. 
V.  D. 


MONSIEIR    LE   COMTE    MOLE. 

Mo'é  sut  tour  à  tour  et  servir  et  tromper 
L'Empire  et  les  Bourbons,  ligne  aînée  ou  cadtlle  : 
En  revenant  sur  l'eau,  celte  vieille  coquette 
Toujours  à  qu'  Ique  branche  a  pu  se  rattrapper! 
Aujourd'hui  ini^jne  cncor,  chef  d'une  coterie, 
De  nos  petits  Numa  c'est,  dit-on,  l'Égérie; 
Sa  bouche  les  inspire...  En  ce  cas,  je  le  crains. 
Ses  conseils  ne  sont  pas  des  plus  républicain';; 
Car,  bien  que  ci-dessus  on  lui  voie  une  cotte. 
En  bon  compte,  Mole  n'est  pas  un  sans-culoUe! 


DcMiDé  par  fabriizivs. 


!,  lOULiVAnn    hes  iiai  if 


;SO  ceutiiiiCM  lu  livrulMoii. 


nditions  de  la  Sonsoripiion.  —  La  Rette  comiqce  formera  un  magnifique  Tolame,  grand  in-8,  publié  en  50  livraisons  à  50  cenlimei, 
aria  poste,  -40  cent.  On  sous<Tit  pour  10  lirraisons.  Pour  les  départements,  envoyer  un  mandat  sur  la  poste,  à  l'ordre  du  directeur  de  la 
Ievie.  —  Pour  tout  ce  qui   concerne  la  rédaction,  écrire   [franco]  à  M.  Likecx,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des  Italiens. 


suMureaAT.  EsxTsva,  auE  elich£z.iett,  52. 


d9«  Livraison. 


AVIS  AUX  JOURNAUX   DE  FAHIS  ET  DES  DÈPADTEIWEKTS. 

Nous  aulitrisons  la  reprodiulion  des  articles  contenus  dans  la  Iteme  comique,  à  la  condition  : 
1»  De  citer  la  Revue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
2°  De  liuiiler,  par  cluique  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  cluuiue  numéro. 


AYIS 


AUX  SOUSCRIPTEURS  BE  LA  REVUE  COMIQUE 

Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  Irouvaienl 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  décompleter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brocher  oti  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  faijon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  cette  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  poin-  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disjtosée  pour  que  celte  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  conqdet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  DIX-NEt'MÈME  11  VP,  Al  SON. 

TÇXTl, 

La  Semaine.  —  Les  Centimes  décoill'és.  —  M.  Rulhièros  —  Une  Commande  impérieuse.  —  Profession  de  Foi  légitimiste.  • 
Si  Dieu  le  voulait!  —  Le  Loto  asiatique.  —  Orlliograplie  de  Cavalerie.  —  Choses  quelcomiues.  —  La  Marée  montante. 


Dessinaleurs. 

Scènes  DIPLOMATIQUES.     Ce  piys  me  botterait   „   .'„'°,  °."" 

Réponse  dudit  pays Q.i.lk-nbois. 

ScÉsES  POLITIQUES Le  représeiilant  ot  répouse r?"',',°' ,.'"^' 

Joie  de  vieilles  filles ^" 

,  ,  .  Berta:i. 

ScÈ.SES  ARTISTIQUES....     Le  prop.ie.e Nadard. 

Une  dame  maigre • 


Baulunt. 
Baulant. 
Baulant. 
Baulant. 
Riaulx. 
Bouduvill 


LA    VIB   PUBLIQIE    ET   PUIVÉE   DE    MOSStEU    REAC. 

Chiipllre  III.  ~  La  fortune  so.irit  à  ses  effur/s  industriels  ft  philanthropiques. 

Feuilleton  au  crrivoii  par  Nai>aiiii,  gravé  |i.'ir  Baulant. 


MONSIEUK    DEWOY. 
Tjiepar   Fabrilzius,   gravé  par  Baulant. 


Paris.— Tirée  iu«  preist»  m«canii|aes  de  LitlAMF»  fd-  «1  fomp.,  rue  Damielle,  l. 


LA  SEMAINE. 


Heureuv  PtUit-Bourg  !  Les  révolutions  emportent  les 
rois,  et  lui  laissent  toujours  des  patrons.  Après  le  duc 
d'Orléans  et  le  duc  de  Nemours,  Petit-Bourg  se  pare 
du  nom  de  Louis  Bonaparte;  il  inonde  Paris  de  ses  affi- 
ches et  de  ses  billets  de  bal  placés  sous  l'invocation  du 
Président  de  la  République. 

Si  la  bienfaisance  seule  trouve  son  compte  à  ces  ré- 
clames, nous  n'en  sommes  pas  fâchés,  mais  un  peu  d'es- 
prit et  de  pudeur  est  nécessaire,  même  dans  une  œuvre 
de  charité,  et  nous  voudrions  que  l'administration  de  Pe- 
tit-Bourg en  mit  davantage  dans  la  rédaction  de  son  pro- 
gramme. Cette  association,  qui  est  composée  de  tant  de 
philanthropes ,  n'aurait-elle  pas  un  homme  de  goût 
parmi  ses  fondateurs  ?  Qu'on  l'investisse  à  l'avenir  d'un 
pouvoir  discrétionnaire,  et  qu'on  le  place  à  la  tète  du 
département  de  l'affiche. 

C'est  une  chose  si  importante  que  l'affiche  dans 
l'œuvre  de  M.  Allier!  Ainsi  nous  lisons  sur  l'affiche  du 
bal  que  la  colonie  de  Petit-Bourg  doit  donner  au  Jar- 
din-d'Hiver  la  phrase  suivante  :  «  Au  milieu  de  l'hé- 
micycle sera  élevée  une  magnifique  loge  où  l'or,  la  soie 
et  le  velours  se  disputeront  l'espace.  »  Celte  loge,  avons- 
nous  besoin  de  le  dire,  est  destinée  au  Président  de  la 
République  et  à  ses  invités. 

Eh  bien  !  je  ne  crains  pas  de  l'avouer ,  cette  loge  me 
fait  l'effet  d'un  trône  ;  l'or,  la  soie  et  le  velours  ont 
beau  s'y  disputer  l'espace,  c'est  sur  le  trône  de  la 
réclame  que  l'on  asseoit  le  Président  de  la  République; 
c'est  comme  appel,  amorce,  excitation  à  la  curiosilé 
publique  qu'on  met  en  avant  le  chef  de  l'État,  c'est  le 
pn'rrenez  vos  billets  du  saltimbanque  placé  sous  le  pa- 
tronage présidentiel.  Parmi  les  lots  gagnants,  on  de- 
vrait mettre  une  stalle  dans  la  loge  où  la  soie,  l'or  et  le 
velours  se  disputeront  l'espace. 


Il  faut  que  le  Président  de  la  République  représente  ! 
C'est  le  cri  d'un  grand  nombre  de  gens  qui  ont  plus  de 
monarchie  que  de  logique  dans  l'esprit.  Plaçons  donc 
le  Président  sur  des  estrades,  donnons-lui  cinquante 
mille  francs  de  plus  par  mois  pour  représenter;  mais 
représenter  quoi? Où  commence  et  où  finit  la  représen- 
tation? Qu'est-ce  que  la  représentation? 

La  représentation,  me  dira-t-on,  c'est  la  dignité  ex- 
térieure et  intéiieure  de  la  vie;  est-ce  que  six  cent 
mille  francs  ne  suffisent  point  pour  cela,  quand  on  a 
loyer,  domestiques  etclievaux,  et  tous  les  menus  frais  de 
sa  Jnaison  payés  en  dehors?  On  allouait  un  million  par 
mois  à  Louis-Philippe  dans  cette  intention,  et  Louis- 
Philippe  se  prétendait  trop  pauvre  pour  entretenir  ses 
enfants.  Je  défie  qu'on  fixe  la  limite  où  commencent 
et  où  finissent  les  frais  de  représentation.  Was- 
hington représentera  admirablement  avec  cent  mille 
francs;  Louis  XIV  videra  les  coffres  de  l'Étal.  Tout  dé- 
pend des  hommes  et  des  institutions.  Si  le  Président 
veut  toujours  avoir  soixante  chevaux  dans  son  écurie, 
des  centaines  de  domestiques,  donner  sans  cesse  des 
fêtes,  des  bals,  des  dîners,  avoir  des  journaux  à  sa 
solde,  une  petite  police  spéciale  pour  sa  personne  et 
contre  ses  ministres,  le  Président  sera  toujours  pauvre, 
même  lorsque,  outre  son  traitement,  MM.  Odilon 
Barrot  et  Léon  Faucher,  de  leur  autorité  privée,  lui 
alloueraient  encore  plusieurs  millions. 

Mais  vous  ne  voulez  donc  pas  que  le  président  en- 
courage les  arts,  favorise  le  commerce  et  l'industrie? 

Sous  la  monarclne,  à  l'époque  où  il  existait  encore 
des  classes  privilégiées,  l'exemple  du  luxe  et  des  en- 
couragements aux  beaux-arts  pa'tait  de  la  cour  et  de 
la  noblesse  ;  mais  aujourd'hui  c'est  du  luxe  et  des  en- 
couragements de  tous  que  le  commerce  et  les  beaux. 


274 


REVUE  COMIQUE 


arls  doivcMit  faire  dépendre  leur  prospérilé.  C'est  par 
son  ailiiiiiii?lration  que  le  pré^sident  doit  s'atlaclierà 
activer  les  progrès  de  tous  les  genres,  moraux  ou  maté- 
riels. Maintenant,  si  vous  voulez  qu'il  achète  des  ta- 
bleaux, qu'il  commande  des  statues,  qu'il  offre  des 
diamants  aux  cantatrices,  donnez-lui  le  budget  de 
l'empereur  de  Russie  ou  la  liste  civile  de  Louis- 
Plulippe. 

Ou  dit  que  M.  Louis  Bonaparte  n'a  point,  ou  plutôt 
n'a  plus  de  fortune  personnelle;  tant  pis  !  Il  sera  bien  mal- 
heureux lorsqu'au  bout  de  quatre  ans  il  rentrera  dans 
Id  vie  privée,  et  qu'il  ne  pourra  plus  avoir  ni  soixante 
chevaux  dans  son  écurie,  ni  sept  ou  huit  aidcs-de- 
camp,  ni  des  nuées  de  serviteurs,  ni  enfin  cent  mille 
francs  par  mois.  Cincinnatus  pouvait  retourner  facile- 
ment à  la  charrue  ;  mais  il  n'en  sera  pas  de  même, 
nous  le  craignons,  des  hôtes  de  l'Elysée  national.  Es- 
pérons pourtant,  et  comptons  sur  la  force  du  sen- 
timent républicain  chez  les  présidents  de  la  Répu- 
blique. 

La  grande  question,  qui  a  longtemps  occupé  les  dé- 
libérations du  conseil  privé  de  l'Elysée  national,  c'est- 
à-dire,  de  savoir  si  on  donnerait  un  bal  masqué  ou  un 
bal  ordinaire,  a  été  résolue  dans  ce  dernier  sens.  Les 
invités  de  mercredi  dernier  n'ont  pas  eu  à  se  préoccu- 
per du  costume.  Le  nombre  des  notabilités  légitimistes 


avait  considérablement  diminué  à  celte  fêle.  Il  paraît 
que  le  faubourg  Saint-Germain  se  ravise;  quelques- 
uns  de  ses  journaux  ont  poussé  le  cri  d'alarme.  Qu'al- 
lez-vous faire  là,  madame  la  comtesse'?  et  vous,  ma- 
dame la  baronne,  que  pouvez-vous  avoir  de  commun 
avec  le  neveu  de  l'usurpateur?  En  elTet,  le  public  se 
demandait  cela  aussi  bien  que  les  journaux  légitimis- 
tes, el  la  meilleure  réponse  à  cette  demande  a  été  de 
battre  en  retraite.  Privés  de  cet  attrait  bizarre  que 
présentait  le  faubourg  Saint-Germain  polkant  chez  le 
Président  de  la  République  démocratique,  une  et  in- 
divisible, les  bals  de  l'Elysée  national  ne  se  distingue- 
ront en  rien  de  ceux  que  donnait  autrefois  M.  Mar- 
rast,  et  de  ceux  dont  M.  Berger  fait  les  honneurs  tous 
les  quinze  jours  à  la  préfecture. 

Nous  ne  terminerons  pas  celte  chronique  sans  vous 
annoncer  une  grande  nouvelle  :  M.  de  Lamartine,  an- 
cien membre  du  gouvernement  provisoire  et  de  la 
commission  executive,  représentant  du  peuple  et  li- 
braire, va  publier  un  journal  intitulé  le  Conseiller  du 
Peuple.  Ce  journal  mensuel  ne  contiendra  absolument 
que  de  la  prose  de  M.  de  Lamartine  ;  il  en  sera  l'uni- 
que rédacteur.  Nous  apprendrons  en  même  temps  au 
public  qu'on  va  jouer,  au  théâtre  des  Variétés,  une 
pièce  en  cinq  actes,  dont  Henri  Monnier  sera  le  seul 
acteur. 


LES  CENTIMES  DÉCOIFFÉS. 


«Faites  disparaître  tous  les  bonnets  de  la  Liberté, 
avait  écrit  M.  Faucher  aux  prélets.  »  Un  préfet  dans 
l'embarras  répondit  à  M.  Faucher  : 

«  Je  vous  envoie  sous  ce  pli  un  bonnet  séditieux 
que  je  n'ai  pu  arracher  de  l'endroit  oii  l'a  placé  la 
main  de  l'anarchie.  C'est  pour  moi  un  déshonneur 
auquel  je  ne  survivrai  pas,  de  me  sentir  au-dessous 
de  ma  mission.  Je  me  brûle  donc  la  cervelle,  après 
vous  avoir  recommandé  ma  femme  et  mes  enfants.  » 

Effectivement,  le  préfet  s'était  brûlé  la  cervelle. 
Nous  n'en  parlerons  plus. 

M.  Faucher  trouva  dans  la  lettre  un  des  centimes 
frappés,  sous  le  gouvernement  provisoire,  à  l'effigie 
de  la  Liberté,  coiffée  du  bonnet  phrygien.  Ce  bonnet 
portait  encore  sur  ses  plis  de  cuivre  la  marque  des 
ongles  désespérés  du  préfet. 

A  cette  vue,  M.  Faucher  s'attendrit;  il  donna  une 
larme  au  sort  de  cet  infortuné  fonctionnaire,  auquel  il 
fit  élever  un  tombeau  digne  de  Mausole  ;  après  quoi  il 
accorda  une  pension  à  la  veuve  et  aux  enfants. 

Ce  devoir  rempli,  le  ministre  pensa,  avec  effroi,  au 
sort  qui  attendait  les  autres  préfets.  «  Sans  doute,  se 
dit-il,  tous  les  départements  sont  infestés  à  cette  heure 
de  centimes  avec  le  bonnet  phrygien  ;  tous  mes  pré- 
fets y  laisseront  les  ongles,  et  s'ils  se  mettent  tous  à  se 
brûler  la  cervelle  de  désespoir,  comme  celui  dont  Je 
pleure  la  perte,  que  deviendra  la  société?  « 


Perplexité  terrible  ! 

M.  Odilon  Barrot,  qui  entra  en  ce  moment,  trouva 
M.  Faucher  plongé  dans  ses  méditations.  Tous  deux 
tinrent  conseil. 

c(  La  circonstance  s'aggrave  de  jour  en  jour,  d'heure 
en  heure,  dit  M.  Barrot.  La  Monnaie  continue  de 
frapper  des  centimes  avec  le  bonnet  phrygien  ;  elle  en 
frappe  encore  au  moment  où  nous  parlons  ;  elle  en 
frappera  demain,  elle  en  frajipera  après-demain,  tou- 
jours, et  CCS  centimes,  en  circulant  dans  la  population, 
y  fortifieront  les  idées  anarchiqucs.  Le  plus  pressé, 
c'est  de  courir  à  la  Monnaie.  » 

M.  Barrot  monta  en  voiture,  arriva  à  l'hôtel  de  la 
Monnaie,  et,  saisissant  le  balancier,  il  le  nul  dans  sa 
poche. 

«Voilà  une  cause  de  désordre  de  moins,  dit-il  en- 
suite à  M.  Faucher  ;  mais  par  quoi  remplacerons-nous 
l'effigie  de  la  Liberté  que  portaient  les  centimes? 

—  Le  centime  est  anarcliique  de  sa  nature,  répon- 
dit M.  Faucher  ;  est-il  bien  nécessaire  qu'il  y  ait  des 
centimes? 

—  11  est  évidcnl  que  le  centime  est  une  invention 
révolutionnaire. 

—  Combattons  le  centime,  domptons  le,  terrassons- 
le  ;  je  suis  d'avis  de  supprimer  le  centime.  Et  puis, 
c'est  gênant  pour  le  commerce  :  cela  oblige  les  petits 
marchands  à  rendre  la  monnaie  d'un  sou. 


Aui.i:oiiiN\r)R. 


ACKivcH  Dii>i.».n«riQiEn, 


SCÈNES  POLITIQUES 


Joie  de  vieilles  filles  sur  qu.  les  reptésentanu  Tont 
reporter  leurs  feux. 


SCÉKCS  ABTIBTIQUES. 


Pans  que  S  tuation  délicate  d'une  dame 


Les  t.mps  d«  prophètes  de  malheur,  qui   u'annonçaient  à   Pa„s  que  S  tuauon  «""l^^^^^^ite  VaVo.,u  .,..^..^  ^Z  tà^  '"^"°"" 

pU,es  et  bosses,  soDt  passés  :  voici  ven.r  le  vra,  prophète,  I»  «ma.ce  g'^  «.^^^  °„,.caremî. 

et  celui-U  est  le  prophète  de  I  ha""""'" 


276 


REVUE  COMIQUE 


—  Peut-être  vaudrait-il  mieux  moraliser  le  centime. 

—  Comment? 

—  En  remplaçant  l'efllgie  de  la  liberté  par  quelque 
chose  qui  instruisit  le  peuple  et  lui  inspirât  une  juste 
vénération  pour  les  ministres. 

—  C'est  une  idée.  Je  serais  d'avis  (pie  l'on  mit  voire 
effigie  sur  les  centimes  à  la  place  de  celle  de  la  liberté. 

—  Ah  !  collègue,  que  l'on  y  mette  plutôt  la  votre  ! 
Cet  honneur  vous  revient  de  droit. 

—  Non,  c'est  à  vous. 

—  Allons  Jonc  ! 

—  Si  nous  y  mettions  l'cfllgie  du  préfet  qui  s'est 
brûlé  la  cervelle? 

—  Peut-être  vaudrait-il  mieux  y  graver  un  svmbole 
représentant  l'économie  politique  ;  nous  ouvririons  un 
concours  auquel  prendraient  part  tous  lesdessinatenrs  ; 
et,  du  même  coup,  les  arts  se  trouveraient  encouragés. 

—  Autour  de  l'effigie,  on  pourrait  graver  quelques 


maximes  économiques  capables  de  révéler  au  peuple 
les  véritables  principes  sociaux. 

—  Ce  ne  serait  pas  gai, 

—  Au  contraire  ;  l'économie  politique  est  ce  qu'il  y 
a  de  plus  réjouissant  au  monde  ;  mais  il  faudrait  qu'elle 
fut  professée  au  collège  de  France  par  AlciJe  Toiisez. 

—  On  ne  peut  pas  mettre  Alcide  Tousez  sur  les 
centimes. 

—  On  n'y  peut  pas  mettre  non  plus  un  premier-Pa- 
ris du  Constitutionnel. 

—  Ni  un  pot  à  eau. 

—  Ni  une  bassinoire. 

—  Ni  une  botte  d'asperges. 

—  Ni  des  fleurs  de  lys. 

—  Terrible  problème  !  » 

Les  deux  ministres  sont  encore  en  proie  à  leurs  per- 
plexités, et  la  fabrication  des  centimes  à  la  Monnaie  est 
suspendue  jusqu'à  nouvel  ordre. 


M.  RULHIERES. 


On  dit  (pie  .M.  le  général  Rulliières,  ministre  ac- 
tuel de  la  guerre  sons  la  République,  a  élc  aiilrefois 
le  favori  de  M.  le  duc  d'.\ngoulènie,  comme  il  a  été 
depuis  celui  de  Louis-Philijipe  et  de  ses  lils,  et  que 
si  ses  différents  maîtres  n'ont  pas  eu  à  se  louer  de  sa 


tout  à  conp  transformé  en  conquérant,  et  qu'il  s'en 
alla,  bon  gré,  malgré,  guerroyer  en  Espagne,  il  remar- 
qua M.  Rulhières,  qui  commandait  alors  un  bataillon. 
Un  jour,  jour  heureux,  M.  Rulhières  enleva,  à  la 
tète  de  son  bataillon  et  à  la  pointe  de  son  épée,  une 


fidélité,  ils  ont  toujours  rendu  justice  à  la  souplesse  de  I  redoute  qu'on  appela  le  Trocadero,  et  qui  devint  d'a- 

son  caractère  et  de  ses  sentiments.  i  venture  le  plus  beau  titre  de  gloire  du  général  en  chef. 

Voici,  assure-t-on,  l'origine  de  sa  première  fortune.  C'était  .\u5terlitz,  c'était  Wagram,  c'était  Eylau,  moins 

Lorsqu'en  1823,  M.  le  duc  d'Angoulême  se  trouva  I  le  canon  et  le  carnage.  Quelques  coups  de  fusil  avaient 


Z.A  VIE    PUBLIQUE    ET    PRIVEE    DE    MOSSIEU    REAC. 

ChaP.  ni.  Lajnriunc  snuril  a  ses  efforts  ùtdusiriels  et  philanthropiques. 


En  effet,  les  temps  des  chemioa  de  fer  étant  Te- 
nus, le  (ligne  Ravaecorff,  qui  a  besoin  dun 


hom 

t  pas 

goifique,  et  le  lance 


paille  et  de  confiance,  gredin,  ma* 

.     p  depopu- 

""    '*"  mR- 


goifique,  et  le  lance  sur  ;«  baron  de  Vaumornë 
de  Ccurlevue,  gentilhomme  angevin. 


En  cffpt,  le  baron  d 

pentilhoinrre  argevin,  se  déclare  ronvainru, 
réalise  i^a  fortune  placée  en  mauvaises  rentes 
5  0/0  et  en  vir^e  le.montant  dans  la  caisse  du 
chemin  defer  de  CRACOViEà  M  'Naco — avec 
embranchement  sur  AdADAGASCAit. 


n  effet,  —  métamorphose  facile  à  prévoir  î  — 
mos^it-u  Ré^c  annonce  bientôt  au  baron  de 
Vaumorné  de  Courtevne,  pen'ilbomme  ange- 
vin, que  ses  fonds  ont  été  absorbés  par  les  frais 
d'installation,  de  publicité,  et  autres  étude» 
préparatoires,  —  et  lui  dit  d'y  «lier  voir. 


A  i;i!SAGK  DKS  GliN'S  S|:;niKlIX. 


277 


('■11'  lii'i's  |i.\i-  piiii'  (■iiiiilnivic  et  |iiiiii'  f.nio  croire  au 
l)riiue  hullujULMix  ciu'il  :i\.iil  [iii  cuuiir  (|iii'liiiu's  dan- 
gers sur  les  Jt'rriércs  (le  l'ariiiéo  où  il  s'était  pruileiii- 
iiient  rctraïu'lié.  (les  coups  de  fusil  relculissaieut  à  ses 
oreilles,  vier};es  do  tout  hruil  de  guerre,  et  il  s'ima- 
gina que  M.  Hulliières  avait  bravé  les  plus  grands  pé- 
rils pour  mettre  à  ses  pieds  ce  Trocadero,  olijet  de  tous 
ses  désirs. 

Il  lui  en  témoigna  sa  royale  satisfaction  par  quel- 
ques-unes de  ces  paroles  vides  et  sonores  (|ue  tous  les 
Bourbons  ont  Iraditiniinellement  au  service  des  dévoue- 
ments dont  ils  sont  l'objet. 

iM  Uulliières  ne  parut  pas  content,  il  s'attendait  à 
mieux.  Cette  modeste  victoire,  à  laquelle  il  avait  con- 
tribué avec  tant  d'autres,  ne  lui  parut  pas  suffisamment 
récompensée.  On  conseilla  au  prince  de  ne  point  s'en 
tenir  là;  il  y  ajouta  un  grade  et  je  ne  sais  quelle  déco- 
ration, qui  gagnèrent  à  lui  et  à  sa  cause  le  nouveau  co- 
lonel :  «  Mon  prince,  c'est  entre  nous  maintenant  à  la 
a  vie  et  à  la  mort,  »  s'écria-t-il  dans  l'elfusion  de  la 
reconnaissance. 

On  ne  pouvait  mieux  dire.  C-ela  sentait  son  gen- 
tilhomme et  son  serviteur  dévoué.  De  ce  jour,  il  y  eut 
entre  les  deux  vainqueurs  du  Trocadero  un  échange  de 


bous  procédés,  de  services  rendus.  I.orsciii'on  vantait 
un  oflicier  do  l'armée  à  M.  le  duc  d'Angoiilème,  il 
M'piiiiilait  [(jujniMS  invariablrment  ;  J'itiiiie  mieux 
/Int/iirrcs. 

Cette  touchante  inlimité  iluia  jusqu'en  18W. 
M.  Uulliières  n'eut  [las  un  mniuent  la  pensée  de  dc- 
M'iiii-  un  ami  infidèle;  il  ne  pouvait  pas  moins  faire 
pour  un  |)rince  que  sa  naissance  plaçait  sur  la  der- 
nière marche  du  trône,  comme  on  disait  alors,  et  qui 
le  comblait  de  bienfaits;  mais  quand  le  trône  fut  ren- 
versé, et  avec  lui  le  général  en  chef  de  l'armée  d'Es- 
pagne, M.  Uulhières  se  crut  à  moitié  dégagé  de  son 
serment.  11  pensa  en  mourir  de  douleur,  mais  il 
en  revint,  et  consacra  ce  qu'il  put  sauver  de  sa  vie 
au  service  du  cousin  de  son  i)rotecteur.  Son  dévoue- 
ment ne  sortait  pas  de  la  famille.  Il  y  a  des  accommo- 
dements avec  le  ciel  et  la  politique. 

Mil  huit  cent  quarante-huit  le  trouva  donc  encore 
sur  un  bon  pied  à  la  cour.  La  République  se  montra 
d'abord  sévère  pour  lui  ;  mais  il  fit  si  bien,  qu'elle  a 
fini  par  l'agréer,  et  qu'ils  sont  au  mieux  ensemble 
maintenant.  Est-ce  que,  telle  que  nous  l'a  faite  le  mi- 
uislère  de  M.  Rulhières,  elle  serait  quelque  peu  cou- 
sine de  ceux  qu'il  a  tant  aimés? 


UNE  COMMANDE  IMPÉRIEUSE. 

«  11  ne  faut  pas  que  vous  vous  mettiez  dans  le  tou-   1       —  Mais  cnlin,  répondit  Léon  Faucher,  qui  èles-vous 
pet,  mon  cher  monsieur  Léon  Faucher,  que  les  choses      pour  me  parler  aniM? 
pourront  toujours  aller  comme  ça.  |       —  Qui  je  suis?  Vous  faites  semblant  de  l'ignorer. 


IiA    VIE    PUBLIQUE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU   REAC. 

Chap.  III.  Lajortune  souril  à  ses  efforts  inilustrieis  eL  philanthropiques. 


Le  digne  RavageorfFet  mossieu  Réac 
rédigent  la  liste  de  leur  conseil 
d'administration, composé  d  hom- 
mes honorables  mais  connus. 


CHEMIN  DE  FER  DE  CRACOVIE  A  MONACO 

.\\it  (DibraiitiieniPiil  sur  M.idajasf.ir. 

COnPAGKIE   TOLLOSiPlfiE   DE   BREST 

ConsUD'!  pat  Jtlt  jaisé  devant  K'  JUCDOES  FffiRftSD,  Dilaiit  ie  lalilt  tafîjiit 

Pour  raccomplissement  de  cette  t-nlreprise  gigantesque,  réclamée  im 
pe  lei  senunt  i  ar  le  commerce  des  deux  mondes,  et  la  plus  admirable 
roncpti.  a  du  XIXe  siècle,  les  fondateurs  font  appel  au  patriotisme 
ec  aire  des  capitalistes  français  et  étrangers. 

Capital  Social:  800,000,000  de  Francs. 

En  cat  de  mm  eoncrssjctri.rimbaursemcnl  IMECn»!.  ,liscap:taul  reriét.  iCCRLS 
dit  mlerfls  çut  h  Conseil  iAdmimalr„lwn  avra  pu  faire  produirt 

îois la  :tii!t  dèinction  iîs  frais  i'admiislralin,  étndis, elt,,  tfii  sinnl  re'jles  [ar  II CujwI 

Conseil  iradmlDlstraiIon  : 

Président  :  M    le  vice-amiral  ToCLOsPlcs  i  e  Brest,  pair  de  France,  grand 

oflicier  ('u  Fa:con  ravageur,  membre  de  plusieurs  ordres  élrangci-s. 

■-président  :  M.  le  penéral  baron  D'EsrnnorEviLMEns.  officier  super  eur 

■       ■   ■  ■'        ■  ™,1  ,,,,li,   ,!       \  il,    .1.,.  iihimcc. 

t  il;    --  .>\   II;    M.    PoissT,  propriel 
,c     1  I         '.Il  iinE-roiLS,  de  I  V- 

I  Membres  honoraires  : 

Le  duc  de  Pihcbmjb  ,  irrand'  croii  iL 

I      Tordre  roj.il  du  Condor  [fcn^ 
Sidi-Ahmbt,  grand  «Isir. 


de  géi 


deur  du 


HH.  le 


FouL 


:  d'AL'i 


.  propr 


libre  duc 


:il  L 


[oa, 

Mandriȏs  ns  Grippesac, 
du  conseil  général  de  la  Gl 
IlE  CnÊFARCBCB,  Tenlicr. 
De  la  Roquette,  ancien  notaire,  pro-|Feu  Colbert,  ancien  mmislre. 

JacqcbsCoecr.  ex-argenlicr  de  S.  M. 
I      le  roi  de  France. 


protecteur  des  a 

Banquiers  de  ia  Scc'été  ; 

MM.  CiilPPiEU,  LEOaiîlcHEU  cl  RAViSEonrF. 

ON    SOUSCRIT   AU   SIÈGE   DE   LA  SOCItTÉ,  RUE  DE  LA  LUNE,   13. 


Et  l'affiche  ci-dessus  est  pUcartéi  à  lO.CCO  cicopla 


Et  M.  Polydor  Boufbien,  agent  de 
change  de  la  compagnie,  comman- 
dant de  la  garde  nationale  et  dé- 
coré de  la  légion  d  honneur,  — 
dites-moi  pourquoi,  grand  Dieu  ! — 
est  chargé  d'allumer  l'actionnaire. 


278 


REVUE  COMIQUE 


Je  suis,  monsieur,  un  dos  délègues  de  la  société  pour 
la  propagation  des  idées  napoléoniennes  Nous  nous 
sommes  constitués  sous  le  nom  de  société  Aide-toi, 
Burrut  t'aidera.  Le  comité  envoie  des  délégués  auprès 
de  diaque  ministre,  et  je  suis  chargé  de  sa  part  de 
vous  dire  qu'il  est  très-mécontent  de  vous. 

—  De  quoi  se  plaint-il  donc? 

—  A  la  dernière  séance,  un  des  membres  de  la  so- 
ciété Aide-loi,  Barrât  t'aidera,  a  pris  la  parole  et  a 
demandé  ce  que  vous  feriez. 

—  J'ai  sauvé  déjà  vingt-deux  fois  la  société  depuis 
que  je  suis  entré  au  ministère. 

—  Ceci  est  une  affaire  à  régler  entre  la  société  et 
vous.  Notre  but  est,  comme  je  me  suis  fait  l'honneur 
de  vous  le  dire,  la  propagation  des  idées  na[)oléonien- 
nes.  Voyons,  qu'avez -vous  fait  pour  les  idées  napo- 
léoniennes? Rien,  mais  rien,  rien,  rien. 

—  Et  que  voulez-vous  que  je  fasse? 

—  Propagez  les  idées  napoléoniennes. 

—  Comment  ? 

—  Cela  n'est  guère  difficile,  et  voici  un  moyen  que 
la  société  Aide-toi,  Barrot  t'aidera,  m'a  chargé  de  vous 
recommander. 

—  Voyons. 

—  En  qui  sont  incarnées  les  idées  napoléoniennes? 

—  Dans  le  Président  de  la  République. 

—  Bravo!  Or,  en  propageant  le  Président  de  la  Ré- 
publique, on  propage  les  idées  napoléoniennes.  Que 
dites-vous  de  ce  syllogisme? 

—  Il   est  parfait;  seulement  comment   peut-on  s'y 


prendre  pour  propager  un  Président  de  la  l'épulilique? 

—  Décidément,  Faucher,  vous  n'êtes  pas  fort.  Rap- 
pelez-vous ce  que  faisait  Louis-Philippe  pour  propager 
les  idées  monarchiques.  Il  faisait  faire  son  portrait,  il 
inondait  les  quatre-vingt-six  départements  de  son  buste. 
La  société  Aide-toi,  Barrot  t'aidera,  demande  que 
d'ici  à  un  mois  il  n'y  ait  pas  un  seul  conseil  municipal 
dans  toute  la  France  qui  ne  délibère  en  présence  du 
Président  de  la  République.  Nous  voulons  avoir,  pour 
me  servir  du  style  élo(iueut  et  imagé  du  père  Âymès, 
une  montagne,  une  avalanche,  un  déluge  de  porti'aits 
du  Président. 

Sans  compter  les  bustes  pour  les  bibliothèques,  les 
statues  simples  pour  les  villes  de  second  ordre  et  les 
statues  équestres  pour  les  villes  au-dessus  de  cinquante 
mille  âmes.  Tel  est  le  programme  de  la  société  Aide- 
toi,  Barrot  t'aidera. 

—  Et  les  fonds  pour  paycrces  portraits  et  ces  statues? 

—  Vous  les  prendrez,  mon  cher  Léon,  vous  les 
prendrez. 

—  Où? 

—  Où  vous  voudrez,  parbleu.  Tout  ce  que  nous  sa- 
vons, c'est  qu'il  nous  faut  nos  portraits  et  nos  bustes 
dans  un  mois,  ou  sinon  la  société  avisera.  La  congré- 
gation des  idées  napoléoniennes  a  le  bras  long,  et  elle 
pourrait  bien  vous  le  faire  voir.  Je  vous  laisse  réfléchir, 
monsieur  le  ministre,  et  n'oubliez  pas  notre  devise  : 
Aide-toi,  Barrot  t'aidera. 

Le  délégué  partit  laissant  M.  Léon  Faucher  plongé 
dans  une  méditation  profonde.  Elle  avait  pour  but  la 


IiA    VIE    FCBI,IQDE    ET    FHIVÉE    DE    MOSSIEV    HÉAC. 

Chap.  ui.  Lajortune  souri/  à  ses  efforts  industriels  et  philanthropiques. 


Les  jolis  petits  acliooaairet  arrivent  en  foule. 


Mossieu  Uu.li;  ^iijiiuij.u  auxjulis  pctiU  i  t  onnairus  q»  il  n'y  a  plus 
d'actions  au  bureau.  Tout  a  étu  enlevé,  et  il  Tient  a  l'instant  même 
encore  d'en  refuser  lOQO  au  roi  de  Maroc. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉftlEUX. 


279 


commande  de  bustes  et  de  statues  exigée  par  le  co- 
mité de  la  propaganJc  des  idéi's  nupoléunieniies.  Il  pa- 
lail  ipii!  M.  l.i'oii  Faudier  est  parvenu  à  aplanir  tous 
les  obstacles.  On  a  |)assé  un  niarilié  avoc  trois  peintres 
qui  se  ch.irgoiit  do  livrer  à  des  prix  nmdérés  quinze  on 
vingt  portraits  du  Président  par  jour,  ressenililancc 
garantie.  Ces    peintres  tâcherons,  malgré  l'arrèlé   du 


Gouvernement  provisoire  qui  abolit  le  marchandage, 
ont  traité  avec  d'autres  peintres  et  les  ont  embauchés 
pour  ci'Ite  entreprise. 

Ayant  appris  ce  résultat,  le  délc'gué  s'est  présente 
au  ministère  de  l'intérieur  pour  oiïrir  à  M.  Léon  Fau- 
cher les  félicitations  de  la  société  l)ona[iartisle  Aide- 
Mi,  Burntt  t'aidera. 


PROFESSION  DE  FOI  LEGITIMISTE. 


L'i  nion  s'est  un  peu  Irop  pressée  de  révéler  le  se- 
cret du  parti  légitimiste,  qu'il  aurait  été  plus  prudent 
de  garder  jusqu'après  les  élections. 

C'est  ainsi  que  la  femme  de  l'homnie  qui  disait  avoir 
pondu  un  œuf,  se  livra  à  des  commérages  intempestifs 
dans  son  quartier.  Remercions  l'inion  d'a\uir  donné 
carrière  à  sa  langue. 

Nous  savons  maintenant  que  le  parti  Icgitiniislc 
espère  une  nouvelle  invasion  de  Cosaques  ;  il  attend  un 
nouveau  181,">,  suivi  d'une  nouvelle  Sainte-Alliance. 

On  n'en  avait  jamais  douté,  mais  il  est  bon  que  ce 
vœu  soit  nettement  exprimé,  comme  W  îaW.  l  Union 
dans  son  numéro  de  lundi  dernier,  où  elle  blâme  amè- 
rement la  neutralité  observée  par  l'Europe,  relative- 
ment aux  pouvoirs  de  fait  qui  se  sont  brutalement  éta- 
blis dans  ces  derniers  temps,  sur  la  ruine  des  pouvoirs 
de  droit. 

a  Nous  ne  disons  pas  ceci  tardivement,  &\oMie  l'Union, 
car  nous  l'avons  dit  vingt  ans  de  suite.  »  Ici  le  journal 


légitimiste  perd  la  mémoire.  C'est  tout  justement  le 
contraire  que  disaient  les  feuilles  du  droit  divin,  lors- 
qu'on les  accusait  de  compter  sur  une  intervention 
étrangère  pour  la  réalisation  de  leurs  espérances. 
«Quelle  calomnie!  s'écriaient  à  l'unisson  toutes  les 
Gazettes,  les  Quotidiennes  et  les  Unions  monarchiques 
de  Paris  et  de  la  province,  nous,  invoquer  le  secoui-s 
des  baïonnettes  russes!  Allons  donc.  Nous  n'avons 
qu'une  devise  :  Tout  pour  la  France  et  par  la  France  !  » 

On  sait  maintenant  à  quoi  s'en  tenir  sur  celle  pro- 
fession de  foi  chevaleresque.  «Tout  par  l'étranger!  » 
Tel  est  le  cri  patriotique  des  modernes  lils  des  croisés. 

Le  faubourg  Saint  Germain  espère  voir  une  fois  en- 
core les  Russes  à  Paris.  Quoi  d'étonnant?  Les  deux 
premières  invasions  lui  ont  laissé  d'assez  doux  souve- 
nirs. On  raconte  que  les  oflicier»  cosaques  étaient  de 
beaux  hommes  et  qu'ils  connaissaient  le  mot  mysté- 
rieux qui  ouvre  les  portes  des  boudoirs.  Mais  laissons 
ces  souvenirs  de  galanterie  internationale.   L'impor- 


]bA    VIE    FUBUQUX    ET    PRITES    SX    MOSSIEU    BXAC. 

Chap.  III.  La  fortune  s^uril  à  ses  efforts  industriels  el  p/iilanlhropiqucs. 


L*s  jolis  petits  actio 
bienlecœij_ 
Le  baron  de  Vaumomé  de  Counevi, 


ne  tardeat  (as  à  se  dire  que  ce  qui  ist  si  fort  recherché  doit  être  bien  bon.  —  Oh  '  que  mrssieu  Réac  connaît 
'  —  Ils  coureot  acheter  à  tous  prix  les  actions,  qui  montent  rapidement  à  l.J'K)  fr.  de  primes, 
ce  même  gentilhomme  angevin,  rejeté  sur  le  troisième  plan,  et  qui  n'a  plus  un  traître  sou,  ne  regrette  en 
est  instant  sa  fortune  que  parce  qu'il  ne  peut  courir  acheter,  comme  tout  le  monde,  de  ces  précieuses  action'. 


280 


REVUE  COMIQUE 


tant  c'est  que  le  parti  IcgUimisle,  renonçant  à  ses  roue- 
ries empruntées  d'Escobar,  entre  enfin  dans  une  ère  de 
franchise  que  semble  inaugurer  l'article  de  VL'/iion. 


Cela  vaut  mieux  que  de  voir  M.  Bugeaud  par  exemple, 
crier  ]'ive  la  Ih'publique  Démocratique!  à  Si  Etienne, 
après  l'avoir  calomniée  à  Lyon. 


On  se  rappelle  que  Dieu  avait  ordonné  à  M.  d'Ar- 
lincourt  d'écrire  une  brochure  légitimiste.  Dieu  le 
veut!  s'écria  M.  d'Arlincourt  ;  et  ce  cri,  qui  fut  autre- 
fois celui  des  preux,  servit  de  titre  à  sa  brochure. 

A  cette  occasion.  Dieu  vient  d'être  accaparé  par  les 
légitimistes  et  par  le  papetier  du  passage  Choiseul,  qui, 
dit-on,  est  un  ancien  preux. 

Quand  on  s'arrête  au  vitrage  de  ce  preux  papetier, 
on  en  a  pour  une  heure  à  admirer  les  variantes  du 
litre  de  la  brochure  de  M.  d'Arlincourt,  qui  se  détaille 
actuellement  en  romances. 

Dieu  l'a  voulu  !  dit  un  de  ces  papiers  à  musique. 

Dieu  le  voudra!  répond  l'autre. 

Si  Dieu  le  voulait  !  ajoute  un  troisième. 

Dieu  l'avait  voulu!  s'écrie  un  quatrième  papier, 
musique  de  M.  Chose,  paroles  de  M.  Machin.  Le  parti 
légitimiste  est  modeste,  du  moins  quant  à  ses  artistes  ; 
On  raccole  ce  qu'on  peut.  Il  a,  pour  chanter  ses  espé- 
rances, des  musiciens  qui  jouent  de  la  vielle,  et  pour 
reproduire  les  types  qui  lui  sont  chers,  des  artistes  qui 
dessinent  avec  des  allumettes  sur  du  suif. 

On  est  sur  de  rencontrer  toujours  devant  ce  magasin 
trois  ou  quatre  amateurs  de  rébus,  qui  cherchent  à 
s'expliquer  les  titres  de  ces  romances.  Qu'est-ce  que 


SI  DIEU  LE  VOULAIT  ! 

Dieu  a  voulu?  Qu'est-ce  qu'il  voulait?  Qu'est-ce  qu'il 
voudra?  Grand  prûblcme  1  Ah  !  si  Dieu  voulait  que  je 
comprisse  la  volonté  de  Dieu!  Mais  c'est  bien  assez 
qu'il  ait  donné  des  explications  à  M.  d'Arlincourt  et 
quarante-huit  éditions  à  sa  brochure! 

Ces  romances  sont  flanquées  de  gravures,  par  les  ar- 
tistes que  vous  savez,  repiésentant  Henri  V,  d'abord 
au  naturel  ;  puis,  sous  les  déguisements  de  Henri  IV 
et  de  Charles  Vil,  idée  ingénieuse,  et  que  Dieu  a 
voulue.  Le  dieu  des  légitimisles  ne  parait  pas  être  bien 
diflicile  en  fait  d'esprit  et  d'allusions. 

Comme  je  passais  hier  devant  ce  magasin.  Dieu 
voulut  que  j'eusse  la  pensée  d'interroger  la  marchande 
d'oranges  établie  presque  en  face  du  papetier. 

—  Madame,  lui  dis-je,  c'est  sans  doute  à  une  preue 
que  j'ai  l'honneur  de  parler? 

—  Une  quoi  ?  s'il  vous  plaît? 

—  Une  preue;  ce  mot  n'a  rien  de  blessant,  au  con- 
traire ;  les  preux  sont  des  gens  de  la  meilleure  compa- 
gnie ;  M.  d'Arlincourt  est  un  preux  ;  ce  passage,  à  ce 
qu'il  me  semble,  est  le  passage  des  preux. 

—  Nous  n'avons  pas  ici  de  gens  de  cet  état,  à  l'ex- 
ception du  papetier,  qui  est  un  bien  brave  homme. 

—  Cela  ne  l'empêche  pas  d'être  un  preux;  mais, 


XiA   VIE    FUBZiIQITE    ET    FKIVEE    DE    MOSSIEU    REAC. 

Chap-  iu.  La  fortune  sourit  à  sen  fi^orts  industriels  el  philanthropiques. 


Il  faut  dire  que  m'.saceu  He  .t,  outre  la  banque  de 
son  agent  de  change  et  les  manœuvres  rerra-- 
quabies  de  ses  innombrables  courtiers,  n'a  pa»- 
négligé  de  faire  hommage  de  quelques  actio»  s 
i  mademoisi^lle  Loulou  MouillefarlDe  {àxlela 
CigoU  turbuUnU],  jolie  danseuse,  qui  a  ro- 
reille  du  ministre. —  si  j'ose  m'expnmer  ainsi  ' 


..non  plus  qu'au  célèbre  journalisie  Blapagnac, 
de  Marseille,  qui  a  prouvé  et  démontré  tant 
qu'assiz  dans  son  estimable  journal... 


!  l'affaire  est  parfailcroenl  clairi 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


281 


puisque  Dieu  a  voulu  que  vous  vendissiez  des  oranges 
dans  ce  passage  et  que  vous  eussiez  des  inpiioits  d'a- 
mitié avec  le  seul  preux  qui  existe  dans  la  papeterie, 
vous  pouii-ez  peut-être  iu'expli(|uer  ce  ([ue  Dieu  a 
voulu  révéler  aux  liouiines  dans  les  romances  du  pape- 
tier, votre  voisin. 

—  Faudrait  lui  demander  ça  à  iiii-uième. 

—  A  qui?  A  Dieu  ou  au  papetier? 

—  Au  papetier. 

—  Voyons,  bonne  femme,  n'essayt-z  pas  de  me  trom- 
per ;  il  est  inipossiliie  que  le  papetier  ne  vousait  pas  donné 
quelcpic  explication  à  ce  sujet.  Parlez,  Dieu  le  veut! 

I.a  marchande  d'oranges  parut  fort  emliarrassée. 

—  Je  ne  dis  pas,  reprit-elle,  que  nous  n'ayons  pas 
causé  quel<juefois  de  cela  avec  le  papetier,  mais  je  vous 
donne  toutes  mes  oranges  pour  rien,  si  j'y  comprends 
lin  mot.  Il  y  a  bien  encore  un  monsieur  qui  vient  de 
temps  en  temps  en  causer  avec  moi,  tout  en  marchan- 
dant mes  oranges;  c'est  un  monsieur  qui  a  son  portrait 
chez  le  papetier,  au  milieu  des  romances. 

—  Il  a  son  portrait  chez  le  papetier?  Mais,  dites-moi, 
n'est-ce  pas  aussi  un  preux? 

—  Je  crois  que  oui. 

—  Alors  ce  ne  peut-être  que  M.  d'Arlincourt. 

—  Justement.  Ce  monsieur  vient  donc  régulièrement 
tous  les  jours,  passer  deux  heures  devant  le  vitrage  du 
papetier,  à  regarder  son  propre  portrait.  —  Ma  bonne 
lame,  me  disait-il  encore  hier,  vous  savez  sans  doute 
]ue  Dieu  le  veut. 

-  Parbleu  !  que  je  lui  réponds. 


—  Puisque  c'est  aussi  votre  idée,  vous  ne  serez  pas 

étonnée  de  le  voir  reparaître. 

—  Uni! 

—  Celui  qui  s'en  est  allé,  parce  que  Dieu  l'a  voulu, 
qui  est  dans  l'exil  parce  que  Dieu  le  veut,  et  qui  est 
bien  près  de  revenir  parce  que  Dieu  le  voudra. 

Je  crus  qu'il  me  parlait  de  M.  Caussidière  qui  est 
dans  l'exil.  I,e  papetier  vint  alors  nous  rejoindre. 

—  Celte  vertueuse  femme,  dit  le  monsieur  au  pape- 
tier, pense  très-bien  ;  elle  est  remplie  de  conliantc  en 
Dieu. 

—  ^ous  sommes  tous  pleins  de  confiance  en  Dieu 
dans  ce  passage,  dit  le  papetier.  Les  portraits  de  l'en- 
fant du  miracle,  sous  ses  divers  déguisements,  produi- 
sent le  meilleur  effet,  mais  il  faudrait  varier  les  des- 
sins. Je  serais  d'avis  de  le  représenter  prochainement 
en  Turc  ou  en  mandarin. 

—  Dieu  ne  le  veut  pas  ! 

—  Alors,  en  général  de  la  garde  nationale. 

—  Dieu  le  voudrait  peut-être.  Ah  !  s'il  le  voulait,  je 
le  voudrais,  nous  le  voudrions  tous! 

—  Pourquoi  ne  le  voudrait-il  pas?  Essayons;  on 
pourrait  toujours  faire  une  romance  là-dessus. 

A  ces  mots  ils  s'éloignèrent. 

—  Voilà  tout  ce  que  j'en  sais,  ajouta  la  marchande, 
et  vraiment,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  de  i\L  Caussi- 
dière, je  ne  vois  pas  trop  de  qui  il  peut  être  question. 

En  me  retirant,  Dieu  voulut  que  j'aperçusse  M.  d'Ar- 
lincourt  en  contemplation  devant  son  portrait,  avec  son 
mouchoir  sur  le  nez  pour  n'être  pas  reconnu. 


£A    VIE    PVBLIQCB    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEV    RÉAC. 

Chap.  m.  La  fortune  sourit  à  ses  efforts  industriels  et  philanthropiques. 


an  rapport  fort  remarquable 
nonce  aux  actionnaires  «que  les 
ïravaiix  sont  entrepris  sur  toute 
la  ligne  avec  une  grande  vigueur, 
—  Mais  qu'une  moniagtie  à  percer 
occasionnera  quelques  retards.  » 
■  Deidfsjolis  petits  actionnaires 
omm^ncent  à  prendre  de  la  di- 
mension. 


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Les  nez 

des 

jo' 

s  petits  acti 

jnnaires 

'alloDgeut  excessivement. 


sien    Réa 
<îe  ladn 


nt  pas   le 


,        ,,,  :on.  appuyée 

sur  t  inielhgpiice  et  le  i>alriotisme 
des  actionr  aires;  elles  seront  sur- 
montées, grâce  à  quelques  appels 
de  ronds  fui  plem«Dlaires  et  a 
quelques  emprunts.  » 
Les  nez  des  jo  is  petits  actionnaires 
ne  connaissent  plus  de  bornes. 


Report  des  nez 
des  jolis  petits  actionnaires. 

Cependant  les  actions  baissent 
d*ins  ia  même  proportion.  —  La 
prime  disparait  et  les  i 
ne  te  font  plts. 


282 


REVUE  COMIQUE 


I.E  LOTO  ASIATIQUE. 


r.ojoii.cc  noble  jiMi  \ii'nt  dï-lie  liaité  en  Hnssie 
c^nime  un  criminel  lansquenet  et  condamné  à  l'exil. 
Il  a  lenn  à  bien  peu  qu'on  ne  l'envoyât  en  Sibéne. 

A  qui  se  lier  désormais  ?  Le  lolo  avait  jusqu'à  ce  jour 
joui  d'une  réputation  patriarcale;  et  sans  danger  la 
mère  en  permettait  la  pratique  à  sa  fille.  Quant  an\ 
talents  que  ce  jeu  réclame,  il  suffira  de  rappeler  le 
proverbe  si  connu  :  «  Le  loto  n'est  jamais  entré  dans 
la  tète  d'un  âne.  » 

On  sait  qu'un  édit  du  roi  François  1"  rangea  le  loto 
parmi  les  jeux  nobles  permis  seulement  aux  personnes 
de  qualité.  Mais  cet  édit  si  sage  était  tombé  en  désué- 
tude ;  et,  d'abus  en  abus,  le  loto  devint  peu  à  peu  l'a- 
panage de  la  petite  bourgeoisie;  c'est  alors  que  la  no- 
blesse l'abandonna,  malgré  la  cbanson  composée  par 
François  I"  en  riionneur  de  ce  jeu,  cbanson  qui  com- 
mence par  ces  deux  vers  : 

Souvent  le  lolo  varie  ; 
Bien  fol  est  qui  s'y  fie. 

On  ne  comprend  pas  trop  pourquoi  un  ukase  im- 
périal vient  d'interdire  le  loto  aux  Russes,  à  moins  que 
ce  ne  soit  à  cause  de  la  chanson  de  François  !'■•  qui  en 
signale  les  dangers.  Les  journaux  assurent  néanmoins 
que  ce  jeu  avait  fini  par  devenir  très-malsain  et  causer 
une  épidémie  qui  ravageait  toutes  les  parties  du 
royaume,  mais  particulièrement   Moscou.  Cette  ma- 


ladie, appelée  loto-nioibns  par  les  médecins,  se  décla- 
rait par  une  éruption  de  quaternes,  d'ambes  et  d'ex- 
traits sur  tout  le  corps.  Le  malade  était  on  proie  au 
délire,  et,  au  dernier  période  delà  lièvre,  il  lui  poussait 
ordinairement  un  quine  sur  le  nez.  Peu  d'heures  après 
il  avait  succombé  à  la  violence  du  mal. 

On  a  constaté  que  les  enfants  qui  naissaient  d'une 
mère  ou  d'un  père  atteint  du  fléau  avaient  quelquefois 
des  cartons  marqués  sur  le  corps. 

L'Académie  de  médecine  de  Moscou,  dans  un  rap 
port  très-remarquable,  prétend  avoir  constaté  que   le 
loto-morbus,   qui    sévit  actuellement  dans  la  Russie 
méridionale,  est  une  variété  du  loto  asiatique  qui  sui' 
le  cours  des  fleuves. 

Le  bruit  s'est  répandu  parmi  les  rentiers  du  Ma- 
rais que  la  police  de  l'aris,  justement  alarmée  des  dan. 
gers  que  présente  le  voisinage  du  loto  asiatique,  allail 
prendre  des  mesures  de  précaution  et  interdire  cliea 
nous  le  simple  lolo  européen. 

0  Qu'allons-nous  devenir?  disent  les  petits  ren- 
tiers; comment  passerons-nous  nos  soirées  d'hiver' 
L'expérience  a  prouvé  depuis  des  siècles  que  le  loK 
européen  n'offrait  aucun  danger  pour  le  corps  nor 
plus  que  pour  le  cœur  et  l'esprit.  Nos  grand'-mèrei 
y  jouaient,  nos  mères  y  ont  joué,  nous  y  jouons  san 
nous  en  porter  plus  mal.  Le  loto  nous  est  devenu  né 
cessaire  comme  le  tabac  et  le  café  au  lait.  Et  puis  qu 
de   mariages  ont  été  la  conséquence  d'une  partie  d 


XA    VIE    FUBXIQUE    et    FB.IVÉE    SE    MOSSIEU    REAC. 

ChaP.  m.  —  La/oTlum  sourit  à  ses  eforis  industriels  et  philanthropiques. 


CHI^"|ll 


Hcvoites  de  tant  d'ingratitude, 

mosiieu  Kêac  et  le  digne  Râvageorff  se  retirent, 

avec  indignation  tl...  le  sac. 


Mosieu  Kéac,  cherchant  à  utiliser  désormais  ses  loisirs  pouss.  tout 

à  coup  un  cri.—  11  vient  d'inventer  le  Bouse  Pain  ! 

etde  ieter  du  même  coup  lesbases  de  la  grande  Société  Ph.lanlhropun 

pour  l'exploitation  de  la  farire  de  crott.n  de  cheval. 


A  LUSAGK  DKS  GKNS  SÉllIliUX. 


283 


lolo.  C'est  011  y  jdiiimt  (pif  ji-  lis  1.1  cimnais?ance  Je 
ma  fciiimo,  on  mil  Iniii  loiit.  S..iivoiioz-voiis-eii  !  » 
NiMis  ponsiins  i|iio  los  polils  roiiliors  picnncnl  l'a- 
;iriiio  trop  aisoiiu'iit.  Dos  ioiisoif;nomoiils  piiisos  à  do 
liiiiinos  soiiicos   lums    poiiiioltoiil  (rassiiior  iiu'il  n'ost 

OKTIlOCUM'lli: 

La  France,  sons  la  Uoslauralion,  était  (iivisoo  en 
doux  oatogoi-ies  :  les  bien  pensants  ot  los  mal  pensants. 
Los  premiers  étaient  les  oins,  les  seconds  les  parias  du 
niond'  royaliste.  Toutes  les  administrations,  l'armée, 
la  société,  avaient  une  inquisition.  C'était  un  devoir  de 
dénoncer  ceux  dont  le  zèle  n'était  point  assez  empressé. 
La  délation  était  lionoréo,  encouragée,  ordonnée  môme; 
cola  s'appelait  servir  le  roi.  Alors  il  n'était  jamais 
question  de  servir  la  France  ;  on  essayait  de  revenir  au 
temps  où  Louis  XIV  disait  :  l'État  c'est  moi. 

Dans  l'arméo,  ce  syslome  de  dénonciation  était  orga- 
nisé de  façon  que  los  pauvres  ofliciers  de  fortune  étaient 
en  butte  à  la  malveillance  du  gouvernement,  s'ils  ne 
voulaient  entrer  dans  la  conspiration  des  bien  pen- 
sants. Quelques-uns,  pour  conserver  leur  emploi,  d'au- 
tres, par  une  faiblesse  condamnable  et  pour  se  faire 
bien  venir  de  la  noblesse,  que  la  faveur  appelait  à  tous 
les  grades,  se  faisaient  les  délateurs  de  leurs  anciens 
camarades. 

Ceci  nous  rappelle  une  bistoriotlc  que  nous  allons 
vous  raconter,  pour  vous  donner  une  idée  de  ce  (jui 
pouvait  se  passer  dans  un  régiment. 


pas  ilii  tout  question  d'interdire  le  lolo  chez  non», 
malgré  le;  ravages  que  le  loto  asialiiiuc  exerce  en 
lUissio.  Notre  académie  de  médecine,  consultée  à  ce 
sujet,  s'est  prononcée  pour  la  négative.  Tmil  au  plus 
établir i-t-on  un  cordon  sanitaire  à  la  fronlii-ro. 


i>i;  (.\VM  ri'.ii:. 

Un  colonel  de  cavalerie,  c'est  aujourd'hui  un  général, 
roturier  s'il  en  fût  jamais,  bon  sabreur,  mais  fort  peu 
lettré,  voulant  prouver  son  dévouement  au  roi,  en- 
voyait tous  los  mois  au  ministre  un  état  nominalif  de 
ses  ofliciers.  A  chaque  nom  il  ajoutait  une  note  qui 
témoignait  des  bons  ou  mauvais  sentiments  de  l'of- 
licier.  Celle  note  consistait  invariablement  en  Irois 
mots  :  il  pense  bien,  il  pense  mai.  Sa  faconde  n'allait 
pas  plus  loin.  11  \a  sans  dire  que  tout  ce  qui  était  duc, 
comte  ou  marquis,  avait  une  note  favorable  :  le  reste 
était  impitoyablement  envoyée  à  son  excollonce.  Ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  ce  brave  homme  était  peu  lettré, 
et,  l'un  portant  l'autre,  il  mettait  à  peine  un  mot 
d'orlhographe  sur  deux.  Par  malheur,  il  ne  connais- 
sait qu'une  manière  d'écrire  le  mot  penser,  c'était 
celle  qui  se  rapportait  à  l'expression  connue  des  cava- 
liers :  panser  les  chevaux.  i\  y  était  expert.  Ayant 
commencé  par  là  son  métier  de  soldat  et  de  colonel, 
il  écrivait  donc  de  sa  main,  sans  sourciller  et  sans  se 
douter  qu'il  n'était  ni  un  Saumaize,  ni  un  Lhomond  : 
il  panse  bien,  il  panse  mal. 

Cette  liste,  remise  tous  les  mois  au  ministre,  finit 


ZiA    VIE    PUBtIQOE    ET    FRIVÉE    DE    MOSSIXU    BJSAC. 

Chap.  m.  -  La  JùTlune  sourit  à  ses  efforts  industriels  et  rlalanthropiqurs. 


Il  prësenle  un  échantillon  de  sa  découverte  à 
Son  Eicellence  le  ministre  de  l'Intérieur,  sol- 
licitant la  fourniture  des  hôpitaux  civils  et 
militaires,  de  l'aimée  el  de  la  marine. 


adu  que  le  bouse-pain  renferme  moins 
de  parties  nutritives  que  le  pain  ordinaire; 

•  Attendu  quen  raison  des  diflicnltés  d'extrac- 
tion et  autres,  le  prix  de  revient  est  plus  élevé; 

.  Déclare  qu'il  y  a  lieu  de  l'adopter  pour  le 
service  des  hôpitaux.  ■ 


Mossieu  Eéac,  une  ka<  nnue  chez  lui, 

et  ayant  endossé  le  pet-en-l'air  du  cabinet, 

témoigne  sa  joie 

par  une  pantomime  vive  et  animée. 

[La  suite  à  la  prochaine  livraison) 


284 


REVUE  COMIQUE 


par  attirer  son  attention.  Le  nonihro  àc  ceux  qmjxin-  i  s'ociia,  du  ton  d'un  lioninio  qui  vient  d'avoir  une  idée 

soient  mal  tUait  considérable;  il  fallait  porter  roiuèdc  \  qu'il  croit  bonne  :  «  Qu'on  mette  tous  ces  gaillards-là 

à  cet  inconvénient,  qui  pouvait  être  grave  dans  un  ré-  1  «  dans  riulanlerie,  et  qu'on  ne  m'en  parle  plus.   » 

giment  de  cavalerie.  11  y  réflécliit  longterai)s  ;  puis  il  | 


CHOSES  QUELCONQUES. 


«Tous  nos  gouvernements  sont  des  imbéciles,  disait  un 
de  nos  plus  spirituels  caricaturistes  après  avoir  assisté  à 
une  séance  de  l'Assemblée  nationale  ;  si  j'étais  gouver- 
nement, j'exigerais  que  le  président  de  cette  asseml)léo, 
au  lieu  de  sa  sonnette  qui  ne  fait  pas  de  bruit,  eût  à  la 
main  une  forte  crécelle;  et  si  M.  Odilon  Barrot  disait 
des  bêtises,  si  M.  Lagrange  lui  en  répondait,  si  M.  Gé- 
rard se  permettait  de  brailler,  si  M.  Denjoy  avait  le 
mauvais  goût  de  vanter  sa  fermeté  bien  connue,  si 
M.  Vezin  se  présentait  à  la  tribune  avec  ses  airs  de  gen- 
darme qui  aurait  fait  ses  classes  dans  un  séminaire,  si 
le  nez  en  caoutchouc  de  M.  Tascherean  se  permettait  la 
moindre  interruption,  je  ferais  aller  mon  instrument 
pour  changer  en  sourds  tous  ces  bavards.  Je  ne  souffri- 
rais pas  qu'on  s'occupât  de  questions  politiques  qui 
n'ont  rien  de  politique  :  le  prix  de  la  salade,  celui  du 
pain,  celui  des  couleurs  et  des  crayons,  voilà  les  seules 
questions  que  je  laisserais  développer  à  la  tribune  de 
r.\ssemblée  nationale.  » 

—  Un  pauvre  diable  arrêta  un  jour  dans  la  rue  le 
peintre  Lorentz.  «Je  suis  maçon,  lui  dit-il,  et  l'ou- 
vrage ne  va  pas.  »  Lorentz  retourna  toutes  ses  poches  ; 
il  y  trouva  trois  sous  et  les  donna  au  pauvre  ouvrier 
en  lui  disant,  sous  forme  d'enseignement  philosophi- 
que :  «  Vous  êtes  maçon,  moi  je  suis  peintre,  je  suis 
en  outre  vaudevilliste  et  dramaturge;  j'ai  fait  des 
pièces  qui  ont  eu  du  succès,  et  des  livres  qui  auraient 
peut-être  dû  en  avoir;  eh  bien,  maintenant  que  vous 
avez  mes  trois  sous,  je  suis  plus  pauvre  que  vous,  car 
l'ouvrage  ne  va  pas  plus  pour  moi  que  pour  vous,  et 
vous  avez  sur  moi  un  avantage ,  c'est  qu'en  mendiant, 
s'il  est  vrai  que  vous  êtes  sans  travail,  vous  faites  sans 
liDa'.e  un  état  que  je  ne  pourrais  jamais  faire.  » 

—  Bien  différent  de  M.  Loëve  Weimar,  qui  s'est 
fait  chasser  de  Turquie  parce  qu'il  aimait  les  femmes 
maigies,  M.  ***,  représentant  du  peuple,  ne  peut  pas 
les  souffrir.  aQuand  je  vois  une  femme  maigre,  disait-il 
galamment  à  une  princesse  bien  connue,  j'ai  toujours 
envie  de  lui  dire  :  Bonjour,  monsieur.  » 

—  Un  savant  de  l'Assemblée  nationale,  qu'on  sup- 
pose devoir  être  l'honorable  M.  Vivien,  a  été  chargé 
de  traduire  en  latin  le  nom  de  ses  collègues.  La  seule 
de  ces  traductions  qui  soit  parvenue  jusqu'à  nous  est 
celle  du  nom  de  M.  Antony  Thouret,  —  que  M.  Vivien 
aidé  de  quelques-uns  de  ses  plu?  graves  collègues,  au- 
rait, traduit  par  ces  mots  :  «  Turris  est.  i> 


—  Cet  éléphant,  c'est  de  M.  Antony  Thouret  que 
nous  parlons,  a  été  préfet  à  Lille.  Le  directeur  du 
théâtre  de  Lille,  voyant  sa  salle  vide  et  la  banqueroute 
à  sa  porte,  alla  trouver  un  jour  ledit  M.  Thouret  dans 
le  but  de  l'attendrir  et  de  tirer  de  lui  quelque  secours 
qui  pût  l'aider  à  attendre  des  jours  meilleurs.  M.  Thou- 
ret refusa  la  subvention  ;  mais  pour  adoucir  son  re- 
fus, il  conseilla  au  malheureux  directeur  de  mettre  en 
grosseslettressurrafllche,  que  lui,  M.  Antony  Thouret, 
préfet  de  Lille,  assisterait  à  la  représentation.  «  Et 
j'irai,  en  effet,  dit  le  gros  magistrat,  et  votre  salle  sera 
pleine.  —  D'accord,  dit  en  soupirant  l'infortuné  direc- 
teur, mais  ma  caisse,  vous  mettrez-vous  dedans  pour 
la  remplir?  » 

—  Nous  ne  trouvons  pas  mauvais  que  le  Président 
de  la  République  soit  largement  payé  ,  mais  que  vont 
dire  les  pauvres  diables  à  qui  on  avait  promis,  au  nom 
de  I^.  Bonaparte,  non-seulement  qu'il  ne  prendrait 
pas  leur  argent,  mais  qu'il  leur  en  donnerait  du  sien? 

—  Au  dernier  bal  du  ministre  des  affaires  étran- 
gères, on  remarqua  que  sa  cravate  était  nouée  avec  un 
soin  inaccoutumé.  «  C'est  Dandré,  disait-il  à  ceux  qui 
lui  en  faisaient  compliment,  qui  me  l'a  mise.  » 

—  M.  Merruault  entra  un  jour  dans  le  cabinet  de 
M.  Véron,  portant  en  triomphe  deux  feuillets  d'écri- 
ture qu'il  lui  montra  avec  fierté.  «  Remerciez-moi, 
dit-il,  c'est  du  grand  homme,  c'est  du  Tliiers  tout 
pur.»  Quel  honneur  pour  le  Constitutionnel! 

M.  Véron,  qui  se  demandait  depuis  quelque  temps 
à  quoi  lui  avait  servi  de  faire  de  son  journal  le  journal 
de  M.  Thiers,  et  d'assumer  ainsi,  sans  prolit  personnel 
pour  lui-môme,  toutes  les  haines  encourues  par  la 
plume  pleine  de  fiel  de  ce  rédacteur  anonyme,  prit  les 
feuillets,  et,  sans  façon,  les  mit  au  rebut.  A  cette  vue, 
le  jaune  Merruault  blanchit  d'horreur;  il  quitta,  en 
courant,  le  Constitutionnel,  et  ne  s'arrêta  que  place 
Saint-Georges.  M.  Thiers,  instruit  de  ce  qui  venait  de 
Se  passer;  M.  Thiers,  fort  en  gueule  comme  une  sou- 
brette de  Molière,  se  répandit  immédialementen  invec- 
tives contre  M.  Véron,  qu'il  appela  d'abord  .M.Purgon, 
et  qu'il  compara  ensuite  à  M.  de  Pourccaugnac.  Les 
mots  pleutre,  cuistre,  apothicaire,  voltigeaient  sur  ses 
lèvres.  Merruault,  consterné,  écoutait  en  silence. 

Il  fallut  aviser  auras  où  M.  Thiers  serait  sans  journal. 
Un  affidé  de  la  maison  alla  trouver  M.  Nivière,  pro- 
priétaire du  Courrier  Français  ,  et  lui  offrit  le  pati-o- 
nage  du  grand  homme.  M.  .Nivière  accepta.  Si  donc 


A   I.L'SAOE  DCS  CKNS  Sf;Rli:LX. 


285 


voiisi  voulez  savoir  non  ce  que  pense,  mais  ce  que  dit 
M.  TliiiM:;,  lisez  le  Coiaricr  Français. 

—  Sous  ce  litre  :  l'Avenir  au  coin  du  feu,  M.  1'.  Ber- 
nanl  puliiie  un  livre  dont  nous  voudrions  pouvoir  citer 
un  long  extrait.  Nous  nous  contenterons  d'en  reproduire 
ces  quelques  lignes,  qui  auraient  pu  servir  d'i'pigiaplie 
au  volume,  do.it  elles  résunient  la  pensée  à  la  fois 
philosophique  et  politique: 

0  Quand  la  misère  s'aliat  sur  une  contrée,  sur  une 
\ille,  sur  un  quartier,  formons  la  chaîne;  passons- 
nous  les  secours  de  main  en  main,  distribuons-nous  le 
travail  et  Teffort,  et  ne  désertons  le  rang  qu'après  avuir 
vu,  de  nos  yeux  vu,  le  mal  éteint  sur  quelque  point  du 
désastre.  » 

—  On  parle  d'ouvrir  prochainement  une  portion  du 
chemin  de  t'er  de  Strasbourg,  et  d'inviter  le  ]irésident 
de  la  liépubliquo  à  l'inauguralion.  .Malheureusement, 
on  dit  ([ue  notre  célèbre  Barrot  se  met  dans  les  roues  de 
cette  partie  de  plaisir  :  il  a  peur  que  le  prince,  se  trou- 
vant à  moitié  chemin,  ne  fasse  une  fugue  jusqu'à  Stra- 
sbourg pour  voir  ce  théâtre  de  ses  premiers  jeux  poli- 
tiques. Les  appréhensions  du  célèbre  Barrot  ne  sont 
point  sans  fondement;  il  se  souvient  des  tribulations 
de  son  dernier  voyage  à  Noyon.  Le  fort  de  Ham  n'est, 
comme  on  sait,  qu'à  quelques  lieues  de  Noyon,  et  le 
prince  éprouvait  le  désir,  assez  naturel  du  reste,  d'al- 
ler faire  une  visite  commémorative  à  son  ancienne 
prison.  Les  habitants  de  Ham  avaient,  de  leur  côté, 
préparé  un  superbe  arc  de  triomphe  et  un  banquet  de 
deux  cents  couverts  pour  fêter  le  président.  Mais  le 
sage  Barrot,  qui  n'admet  point  qu'un  grand  prince 
puisse  se  livrer  à  ces  jeux  enfantins,  mit  son  veto  à 
l'expédition  ;  et  quand  la  dépulation  de  Ham  vint 
présenter  sa  requête  au  président,  Mentor  coupa  la 


parole  à  son  illustre  élève,  et  répondit  avec  cette  gra- 
vité qui  lui  sied  si  bien  :  «  C'est  impossible.  »  Toute- 
fois, peu  rassuré  sur  la  constance  de  Télémaque  tant 
qu'il  serait  en  vue  de  l'Ile  de  Calypso,  Mentor,  sans 
aller  jusqu'à  le  précipiter  du  haut  d'un  rocher  dans 
les  Ilots,  usa  d'un  moyen  fort  ingénieux  pour  s'assurer 
de  sa  personne.  Sous  le  prétexte  de  lui  faire  voir  les 
beautés  de  la  ville  de  Noyon,  il  le  dirigea  liabilement 
du  cûté  de  l'embarcadère.  Le  jeune  prince,  qui  ne 
pouvait  soupçonner  tant  de  machiavélisme  sous  des 
dchoi's  si  austères,  monta  innocemment  dans  une  voi- 
ture pour  se  regarder  dans  la  glace.  La  portière  se  re- 
ferma liiusqiiement.  Mentor  donna  le  coup  de  sifflet 
du  départ,  et  remporta  victorieusement  à  Paris  le 
dépôt  confié  à  sa  gaiile. 

Nous  devons  dire  que  ce  procédé  n'est  pas  tout  à 
fait  de  l'invention  de  .Mentor;  il  est  assez  usité  dans  la 
maison  de  santé  du  docteur  Blanche,  à  l'assy.  .Mais  Té- 
lémaque ne  voudra  plus  s'y  laisser  prendre,  et  voilà  ce 
qui  met  M.  Barrot  en  émoi  et  M.  Lacrosse  en  l'air. 
D'ici  à  la  prochaine  inauguration  ,  il  faudra  trouver 
un  moyen  de  mettre  le  président  sous  verre.  Ce  n'est 
guère  commode  en  voyage. 

—  On  assure  que  le  Président  de  la  République, 
voyant  où  le  mène  M.  Faucher  et  M.  Thiers,  aurait 
eu  la  pensée  de  modifier  son  ministère  et  d'y  appeler 
.M.  Uufaure  et  quelques  membres  de  sa  nuance.  Un  fi- 
nancier de  Juillet,  ancien  receveur  général  très-connu, 
qui  a  eu  la  précaution  de  rendre  quelques  services  d'ar- 
gent au  Président  de  la  République,  serait  alors  allé  le 
trouver.  «  Vous  auriez  tort  de  penser  à  M.  Dufaure, 
la  rente  baissera,  et  si  la  rente  baisse,  nous  serons 
obligés  de  redemander  nos  fonds  à  tous  nos  débi- 
teurs. »  Louis  Bonaparte  baissa  la  tête,  .M.  Faucher 
était  sauvé. 


LA  MARÉE  MONTANTE. 


Lorsqu'un  pêcliear,  en  regardant 
Les  bords  de  l'Océan  sauvage. 
Voit  s'éballre  quelque  imprudent 
Le  long  des  sables  du  rivage. 
Il  crie  :  Ami,  cessez  vos  jeux, 
El  que  voire  fuite  soil  prompte. 
Là  bas,  les  flots  sont  orageux  : 
Prenez  garde  à  vous  !  la  mer  monte. 

C'est  un  refrain  qu'en  ce  moment 
Il  faut  redire  à  qui  nous  mène. 
On  entend  le  mugissement 
De  la  grande  marée  humaine  ; 
De  l'audace  qui  la  brava 
Elle  est  prèle  à  demander  compte. 
Rois,  dont  le  preslige  s'en  va. 
Prenez  garde  à  vous .'  la  mer  monte. 


Nous  fûmes  les  premiers  atteints. 
Nous,  qu'aujourd'hui  l'Europe  imite; 
Mais  les  maîtres  de  nos  destins 
Ont  des  flots  borné  la  liniile. 
0  Barrot!  sur  votre  rocher 
Où  vous  vous  posez  en  archonte, 
Malgré  les  ^ecours  de  Faucher, 
Prenez  garde  à  vous  !  la  mer  monte. 

Et  déjà  le  flux  envahit 
Le  Pô,  le  Danube  et  le  Tibre. 
Comme  nos  pères  l'ont  prédit. 
L'univers  entier  sera  libre. 
Des  despotes  chamarrés  d'or 
L'éclat  fera  place  à  la  honle. 
Vous,  qui  les  défendez  encor. 
Prenez  garde  à  vous!  la  mer  monte. 
E.  B. 


Député  boiilelais,  Denjiiy  se  remémore 

Les  plus  fongueux  héros  du  parti  girortdin. 

Il  prenii,  pour  Us  singer,  des  airs  de  Matamore  ; 

Mais  qu'est-il  auprès  d'eux?  —  Un  turbulent  gamin! 

Vous  le  voyez  ici  parfait  de  ressemblance  : 

Car  lui-même  à  l'artiste  a  prêté  son  concours. 

En  effet,  soit  ([u'il  parle  ou  garde  le  silence, 

Ués  qu'il  croit  être  vu,  Denjoy  pose  toujours. 


D'Tui&é  par  rABRiizii;». 


Gravé  |>ar  Baulant. 


lOLL     VAnn      l'K- 


:iO  miliiiK'N  la   livraison. 


RI  t    KK   IIKI  ILk, 


/ 


m-     -  -i\ 


illons  de-  la  Kniiocriplion.  —  Li  Utvtr  C  Mi.'i  K  firni' m  un  m.i^nilriuc  volume,  ^rinJ  in-S,  îuililié  f]i  "iO  lixTii-ntis  i  50  centimes, 
la  poste,  40  cent.  On  sous.-ril  [lour  10  livraisons.  Pour  les  ilép.irlenienls,  envoyer  un  ni.indit  sur  la  poste  à  l'ùnlre  'lu  ilirecleur  Je  lu 
TE.  —  Pour  loiil  ce  qui  concerne  la  rcilactioa,  écrire   [franco)  à  M.  Lirkix,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevanl  des  Italiens. 


DUMINERAT.  EriTEFR,  BUE  RICHELIEIT.   52. 


20''  Livra'son. 


AVIS   Al'X    JOUR^'4L'X    DE    PARl!«    ET    DES    DÉPARTEMENTS. 

Nous  aiilDi'isons  la  rcproduclion  dos  articles  contenus  dans  la  Iteimc  comique,  à  la  condition  : 
Jo  De  citer  la  Revue  en  lui  einpiMintant  ses  arliclcs; 
2°  De  liinitor,  par  chaque  semaine,  la  reprodiietion  an  tiers  des  matières  contenues  dans  cliacine  numéro. 


AVIS 

AVX  SOUSCRIPTEURS  D£  LA  REVUE  COMIQUE. 

Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  décompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suj)pression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  ta  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  EÂ  VI?iCTII>ME  LlVn.VlSON. 


La  Semaine. — VioleMes  p.irlcmoiilaircs  (esquisses  non  poliliquos)  ;  III.  M.  Moiilnii.  —  Les  Cli.Titis  uclioyécs.  —  ^  isile  à 
Saint-Leu.  —  Le  Calite  imprudciil  (conte  oriental).  —  Manifeste  du  Comité  élector.d  de  la  rue  île  Poitiers,  —  Quelques 
mois  sur  le  IS  mai  et  sur  M.  BucLez,  —  Choses  quelconques. 

DESSINS. 
Gravu-es  par  Baulant. 

LE    THÉ    DK    MAD.4ME    GIBOU    ET    DE    M.\D.\ME    POf.HET. 
Grande  vignette  par   BuTtull. 

Dps«iinleiir!. 

C  arte  octroyée  en  .^utriclie Nadard. 

Charte  octroyée  en  Sicile ; Nadard. 

'     Les  paysans  accourent N.  dard. 

Le  pain  rompu N^.dard. 

Les  embrassemcnts Nadard. 

Essayez  vos  forces Nadard. 

Maîtres  de  la  situation Narlard. 

L'!S  trois  soutiens  de  la  civilisation  austro-croate. , Fabrirzius. 

En  Californie,  5  vignettes Quillenbois. 

Une  émigration  de  canards Bcrtall 


MONSIEUR    VlELL.iRIl. 
Type  par  Kubritzius. 


Nota.  L'aljondance  des  matières  nous  oldige  à  remettre  à  la  prodiaine  livraison  la  suite  de  MOSSIEIJ  RL.\C. 


jniqnei  de  Licii»!  fil»  et  Comp.,  rue  Dimiette,  î. 


LA  SEMAINE. 


Le  \ingl  mars! 

Celte  date  mémorable  restera  marquée  en  traits  in- 
effaçables dans  riiistoire,  et  ce  n'est  pas  seulement  à 
cause  du  retour  de  l'Ile  d'Elbe. 

Quelle  que  soit  la  grandeur  de  cet  événement,  il  dis- 
paraît devant  un  bien  plus  glorieux  anniversaire.  Celui 
de  l'entrée  de  M.  Odilon  Barrot  au  ministère  de  la 
justice. 

M.  Odilon  Barrot  est  ministre  depuis  trois  mois!  !  ! 

Le  vingt  mars  dernier,  M.  Odilon  Barrot  a  donc 
voulu  célébrer  d'une  façon  brillante  ce  jubilé  ministé- 
riel. Dès  le  matin,  vêtu  de  ses  babitsde  fête,  un  bou- 
quet de  Heurs  à  la  boutonnière,  M.  Odilon  Barrot  a 
renouvelé  la  cérémonie  de  son  entrée  au  ministère.  11 
s'est  rendu  à  l'Elysée  national,  où  il  a  reçu  de  nouveau 
la  bénédiction  et  le  portefeuille  des  mains  du  Prési- 
dent ;  de  là  le  cortège  est  retourné  à  l'hôtel  de  la  place 
Vendôme.  Tous  les  employés  suivaient,  bras  dessus 
bras  dessous,  leur  chef  de  file,  les  huissiers  liraient  des 
coups  de  fusil  en  l'air,  et  les  garçons  de  bureau  ra- 
claient du  violon  devant  la  noce. 

Dans  la  journée,  M.  Odilon  Barrot  a  reçu  les  félici- 
tations de  ses  collègues,  et  le  soir  il  les  a  réunis  dans  un 
banquet.  C'est  l'aimable  Léon  Faucher  qui  a  chanté  le 
couplet  de  circonstance,  pendant  que  le  petit  Buffet, 
toujours  espiègle,  prenait  la  jarretière  de  M.  Odilon 
Barrot. 

Trois  mois  au  pouvoir!  Qui  aurait  jamais  dit  à 
M.  Odilon  Barrot  qu'il  serait  ministre  pendant  ces  trois 
siècles,  durant  cette  éternité?  Trois  mois!  Qui  est-ce 
qui  dure  trois  mois  par  le  temps  qui  court?  M.  Odilon 


Barrot  peut,  à  bon  droit,  se  croire  éternel.  Prends  garde. 
César  Barrot,  aux  ides  de  mai  ! 

—  Lt  pourquoi,  me  demande  fièrement  César,  pren- 
drais-je  garde? 

—  Parce  que  les  élections  tombent  justement  au 
beau  milieu  des  ides  de  mai,  et  que  c'est  le  moment 
choisi  par  les  conjurés  de  la  rue  de  Poitiers  pour  im- 
moler César  et  se  mettre  à  sa  place.  Si  la  fable  du  Singe 
et  les  Marrons  eût  existé  du  temps  de  Brutus,  je  te 
dirais,  César,  que  tu  lires  les  marrons  du  feu  pour 
M.  Thiers.  Mais,  à  quoi  bon  tous  ces  avertissements? 
Depuis  quand  les  Césars  y  ont-ils  pris  garde? 

Il  est  de  fait  que  le  père  Barrot  ne  se  doute  guère 
du  rôle  qu'il  joue.  Il  se  dit  qu'il  est  sérieusement  mi- 
nistre. Respectons  celte  folle  illusion  ! 

Il  paraît  qu'un  arbre  a  fleuri  le  vingt  mars  dans  le 
jardin  du  ministère  de  la  justice;  c'est  un  baguenau- 
dier.  Les  amis  de  M.  Odilon  Barrot  y  ont  vu  un  sym- 
bole de  sa  puissance.  On  l'appellera  dorénavant  le  ba- 
guenaudierdu  20  mars  (l'arbre,  pas  M.  Odilon  Barrot). 

Nous  voici  bientôt  aux  approches  de  Pâques.  Les 
fêtes  et  les  bals  commencent  à  diminuer.  Le  dernier 
bal  de  Petit-Bourg  a  été  vraiment  admirable  de  coup 
d'oeil.  Rien  n'est  amusant  comme  la  bigarrure.  On 
peut  dire  cette  fois  que  tout  Paris  était  là,  depuis  la 
duchesse  jusqu'aux  dernières  variétés  de  l'espèce  lo- 
relte.  On  y  a  vu  des  femmes  de  toutes  les  professions, 
jusqu'à  des  cuisinières,  et  surtout  des  cuisinières.  Il 
s'agissait  d'une  loterie,  elles  ét;iient  là  dans  leur  spé- 
cialité. Les  journaux  n'ont  point  publié  de  détails  sur 
les  numéros,  gagnants.  Petit-Bourg  n'y  a  pas  encore 


i>88 


REVLi:  COMIOUE. 


songé,  c'est  un  tort.  Le  nom  des  gagnants  serait  la 
nifillenre  de  tontes  les  réclames,  et  si  on  parvenait  à 
en  décider  qnelqnes-nns  à  se  faire  porter  en  triomphe 
an  son  des  clarinettes  et  des  tambonrs,  je  suis  sûr 
qu'on  pourrait  doubler  le  nombre  des  billets  l'année 
prochaine. 

En  attendant,  nous  devons  signaler  un  trait  de  cou- 
rage politique  de  Petit-Bourg.  Parmi  les  lots  ligurait 
un  cheval  arabe.  Comment  lui  donner  une  physionomie 
particulière,  une  valeur  exceptionnelle  aux  yeux  dos 
acheteurs?  Parbleu,  disons  tout  simplement  la  vérité; 
mettons  sur  l'aftiche  :  cheval  arabe  sortant  des  écuries 
du  comte  de  Paris.  Mais  cela  ne  fera-t-il  pas  crier?  Ce 
lot  n'exhalera-t-il  pas  un  parfum  de  sédition?  Voyons, 
l'afliche  paraît,  personne  ne  réclame. 

Sortant  des  écuries,  c'est  bien  froid.  Trouvons  quel- 
que chose  de  mieux,  se  dit  Petit-Bourg  ;  a7jant  appar- 
tenu au  comte  de  Paris  est  préférable.  L'idée  de  pro- 
priété implique  l'idée  de  préférence.  Évidemment, 
chacun  va  penser  que  le  comie  de  Paris  montait  ce 
cheval  tous  les  jours  ;  il  aura  un  prix  nouveau.  Mais 
le  pouvoir  exécutif  actuel  ne  se  fàchera-t-il  pas,  tij'ai 
l'air  de  mettre  en  loterie  les  chevaux  du  pouvoir  exé- 
cutif déchu?  Bah!  essayons  toujours;  qui  ne  risque 
rien  n'a  rien.  Là-dessus,  seconde  aftiche  portant  un 
cheval  ai/ant  appaiienu  au  comte  de  Paris.  Personne  ne 
dit  mot. 

Ma  foi,  se  dit  Petit-Bourg  s'enhardissant  à  chaque 
affiche,  je  ne  vois  pas  pourquoi  je  me  gênerais;  disons 
les  choses  telles  qu'elles  sont,  et  annonçons  franchement 
un  cheval  offert  par  le  comte  de  Paris. 

Ce  Irait  de  courage  honore  infiniment  Petit-Bourg. 
Pour  les  bonapartistes,  il  fait  construire  l'estrade  pré- 
sidentielle, où  l'or  et  le  velours  se  disputent  l'espace; 
pour  les  orléanistes  purs,  il  met  en  loterie  un  cheval 
olfert  par  le  comte  de  Paris;  pour  les  régentistes,  une 
coupe  offerte  par  la  duchesse  d'Orléans.  (Est-ce  la 
même  qui  figurait  sur  le  programme  d'il  y  a  deux  ou  trois 
ans?)  Nous  avons  oublié  ce  qui  symbolise  le  côté  légi- 
timiste de  la  loterie  ;  mais  soyez  sûrs  que  toutes  les 
opinions  y  seront  représentées  ;  Petit-Bourg  est  trop 
bon  diplomate  pour  négliger  aucune  des  faces  diverses 
Je  l'avenir. 


Le  discours  sceptique  de  JL  Jules  Eavre  n'a  point 
sauvé  le  droit  de  réunion.  Les  clubs  sont  définitivement 
proscrits  L'IiLimble  échoppe  du  marcbandde  journaux 
a  aussi  attiré  les  foudres  de  M.  Léon  Faucher.  A  l'heure 
qu'il  est,  nul  ne  peut  vendre  de  journaux  sur  la  voie 
publique  sans  une  nouvelle  autorisation  du  préfet  de 
police.  Pour  l'oljlenir,  il  faudra  montrer  un  billet  de 
confession.  Ou  veut  tuer  la  presse  ;  mais  on  n'y  réussira 
pas,  rétablit-on,  comme  il  en  est  question,  le  caution- 
uenienl  de  cent  mille  francs,  et  le  timbre  sous  le  litre 
de  permis  de  circulation. 

Il  est  dit  que  M.  Bugeaud  ne  cessera  d'être  une 
source  d'embarras  pour  le  gouvernement;  ainsi,  pen- 
dant que  pour  s'excuser  de  faire  emi)risonner  les  mem- 
bres de  h  Solidarité  républicaine  ,  M.  Léon  Faucher 
affirmait  avoir  donné  l'ordre  d'interdire  les  associations 
du  même  genre  ,  alors  même  qu'elles  venaient  en  aide 
au  pouvoir,  le  vainqueur  d'Isly  écrivait  à  la  société 
des  Amis  de  l'ordre,  qu'il  acceptait  l'honneur  de  la 
l)ré>i(k'r.  M.  I.éuii  l'uuclier  ne  peut  se  dispenser  main- 
tenant de  laiic  piiursuivre  M.  Bugeaud. 

Grande  nouvelle  !  Frérou  et  ses  muscadins  ont  re- 
païu.  Ils  se  sont  donné  rendez-vous  au  théâtre  des 
Variétés  pour  sifller  la  Goutte  de  lait,  pièce  qui  viole, 
disent  ces  messieurs,  le  respect  que  l'on  doit  aux 
tètes  couronnées.  Clercs  de  notaire,  quarts  d'agents 
de  change,  caissiers  et  teneurs  de  livres  de  la  haute 
banque,  parfaits  gentilshommes,  rien  n'est  comique 
comme  de  voir  tous  ces  petits  saute-ruisseaux  protester 
en  laveur  des  idées  d'autorité.  Aujourd'hui,  Fréron 
n'est  plus  qu'un  gamin,  et  ses  acolytes  des  calicots 
monarchiques.  Comme  tout  dégénère  dans  ce  monde  ! 
Vienne  maintenant  une  pièce  franchement  républi- 
caine, et  nous  reverrons  renaître  au  théâtre  le  temps 
des  cabales,  des  luttes  et  des  protestations,  nous  assis- 
terons aux  soirées  du  Soldat  laboureur.  11  faut  s'at- 
tendre à  avoir  des  duels  avec  les  gardes  du  corps  du 
café  Leniblin. 

En  attendant,  les  Ihéàlres  continuent  à  croupir  dans 
le  vaudeville  réactionnaire.  Le  Théâtre-Français  nous 
tient  au  régime  descomédies  en  deux  actes  et  en  vers,  on 
nevoitrien  surgir  à  rhorizondramatique.ricnàl'hori- 
zon  littéraire.  Prenons  patience,  cela  viendra  plus  tard. 


VIOLETTES  PAULE.\1  ENTAI  P.  ES. 


l;.SOl'ISSES   NON   POLITIQLES. 


III.    M.     MOLTON. 


Il  y  a  Mouton  et  .Mouton  ;  l'un  est  du  Tarn,  l'autre 
est  du  Nord,  celui-ci  est  propriétaire,  celui-là  est  abbé. 
Pour  le  quart  d'iieure,  il  s'agit  du  Mouton  du  Nord, 
plus  vulgairement  connu  parmi  ses  collègues  de  l'As- 


Certains  noms  ont  le  privilège  de  foisonner  dans  les 
assemblées  législatives  ;  à  l'ancienne  chambre  des  dé- 
putés, les  Martin  et  les  Durand  pullulaient;  Durand 
(de  Bomorautiii),    Durand  (de  Corbiac),   Durand  (de 


semblée  nationale   sous    ia   dénomination   trausjiyré-      la  Charente),  etc.,  etc.  Quelquefois  dans  une  séance, 
nécnne  de  M'/iHos.  |  M.    Martin   (du    Nord)  apportait  un   projet  de   loi, 


LE    TUE    DE    MADAME    GIBOl'    ET    DE    MADAME    POCHET. 


Dessiné  par  Bektai  l. 


Citàwé  par  Baulant. 


290 


REVUE  COMIQL'K. 


amendé  par  M.  Marlin  (Ju  Rliôiie),  qui  avait  pour  aJ- 
vcrsaii-e  M.  Martin  (Je  Strasbouij;),  kiiuel  n'était  pas 
au  mieux  avec  M.  Martin  (de  Toulouse).  Un  étranger, 
qui  aurait  assisté  à  Tune  de  ces  séances,  aurait  pu  sup- 
poser qu'à  la  Chambre  comme  à  la  foire,  tous  les  dé- 
putés s'appelaient  Durand  quand  ils  ne  se  nommaient 
pas  Martin. 

Parmi  tous  les  Martins  de  l'époque  monarchique, 
un  seul  était  de  l'opposition,  celui  de  Strasbourg.  Le 
Martin  de  sa  nature  est  essentiellement  conservateur. 

Les  Durand,  au  contraire,  avaient  généralement  un 
caractère  nuancé. 

11  en  est  un  surtout  qui  était  la  gloire  de  Romoran- 
tin  :  ce  Durand-là  n'a  jamais  beaucoup  parlé,  mais  il 
cultivait  l'interruption  avec  un  certain  avantage. 
.M.  Sauzet  a  dépensé  bien  des  coups  de  sonnette  à  son 
intention.  C'est  ce  même  Durand  qui  depuis...  Hélas  ! 
la  rue  de  Poitiers  a  gâté  ce  beau  caractère.  Romorantin 
est  dans  les  larmes. 

Mais  revenons  à  noire  Mouton.  Celui-là  est  de  Cam- 
brai ;  il  n'a  jamais  su  pourquoi.  Du  reste,  il  n'est  pas 
curieux  ;  il  était  banquier  avant  de  siéger  à  côté  de  son 
ami  Farez  à  l'Assemblée  nationale. 

Mouton  est  l'archétype  de  la  violette,  jamais  un  mot 
n'est  sorti  de  sa  bouche,  jamais  la  momdre  interrup- 
tion n'a  soni.lé  ses  lèvres  ;  il  ne  connaît  la  tribune  que 
de  vue  ;  son  opinion  ne  s'est  jamais  manifestée  que  par 
un  bulletin  blanc  ou  un  bulletin  bleu  ou  encore  par 
un  tour  de  reins  expressif  au  moment  du  vote  par  assis 
et  levés.  Il  est  l'antipode  de  Denjoy  et  la  contre-partie 
de  Buvignier. 

Il  existe  à  l'iiolel-de-ville  de  (Cambrai  un  carillon 
modèle,  qui  n'a  jamais  manqué  de  chanter  sa  petite 
romance  quaq4  l'heure  sonne.  Ce  carillon,  qui  fait 
l'admiration  de  tous  les  Flamands  etd'AntonyThouret, 
serait  déshonoré  s'il  oubliait  une  seule  (ois  de  donner 
la  réplique  au  marteau  qui  mesure  le  temps.  Eh  bien! 
si  la  supposition  n'était  pas  un  peu  hasardée,  on  pour- 
rait croire  que  Mouton  descend  en  ligne  directe  du  ca- 
rillon de  Cambiai. 

En  effet.  Mouton  est  essentiellement  de  la  nature  de 
la  pendule,  de  l'horloge,  du  caiillon;  ce  qu'il  faisait 
hier,  il  le  fait  aujourd'hui,  il  le  fera  demain.  Je  me 
garderai  bien  de  dire  que  Mouton  est  un  tourne-bro- 
che, mais  son  père  devait  être  mécanicien. 

Mouton  arrive  à  la  salle  des  séances  à  une  heure 
moins  dix  minutes;  si  Mouton  n'était  pas  à  son  banc 
avant  tout  le  monde,  les  huissiers  croiraient  à  im  ca- 
taclysme ;  une   fois  installé,  Mouton  ne  bouge   plus 


jusqu'au  moment  où  le  président  prononce  \'/te  missa 
est  parlementaire.  On  se  demande  comment  Mouton, 
qui  a,  du  reste,  l'avantage  d'être  sourd  comme  l'au- 
teur de  Paturot,  n'est  pas  mort  d'ennui  depuis  un  an 
qu'il  s'asseoit  invariablement  sur  sa  banquette,  pen- 
dant cinq  heures,  chaque  jour,  sans  broncher,  sans 
remuer,  sans  parler,  sans  manifester  le  moindre  signe 
d'intelligence;  un  des  amis  de  Mouton  nous  a  doimé 
l'explication  de  ce  phénomène. 

«  Mouton,  nous  disait-il,  ne  peut  occuper  ses  loisirs 
comme  il.  de  Luynes,  qui  passe  son  temps  à  dessiner 
des  cariatides,  ou  comme  M.  Raspail,qui  fait  la  carica- 
ture de  ses  collègues,  ou  comme  M.  de  Dampière,  qui 
organise  sur  son  pupitre  des  bataillons  de  cocottes, 
ou  comme  M.  Hugo,  qui  écrit  des  premiers-Paris 
pour  l'Evénement;  Mouton  ignore  les  éléments  du 
style  et  du  dessin,  et  il  n'a  jamais  pu  parvenir  à  fa- 
çonner à  l'aide  d'un  morceau  de  papier  le  moindre 
entrelilet  ou  le  moindre  chapeau  à  cornes,  mais  Mou- 
ton est  rhonime  de  l'Assemblée  nationale  qui  sait  le 
mieux  sa  salle.  Il  peut  vous  dire  tout  de  suite  combien 
de  fois  se  trouve  répétée,  dans  la  frise  supérieure,  la 
formule  républicaine  Liberté,  Égalité,  Fraternité.  Il 
a  compté  le  nombre  des  carreaux  des  fenêtres;  il  sait 
qu'il  y  a  en  tout  soixante-dix  drapeaux  tricolores  grou- 
pés en  trophées  autour  des  colonnes  en  comprenant 
les  onze  plantés  sur  le  baldaquin  qui  domine  le  bu- 
reau. 11  sait  aussi  que  la  tribune  de  la  présidence  con- 
tient trente-trois  places  ,  c'est-à-dire  neuf  de  plus 
que  celle  du  conseil  d'État.  Vous  voyez  bien  que  Mou- 
ton s'occupe  sans  faire  semblant  de  rien.  Demandez- 
lui  combien  chaque  lustre  a  de  becs  d'huile,  il  vous 
répondra  sur-le-champ;  et  s'il  se  trompe  d'un  bec, 
je  vous  autorise  à  dire  partout  que  je  ne  suis  qu'un 
imposteur.  » 

J'ai  été  assez  heureux  pour  véiilier  le  fait,  et  je  dois 
déclarer,  à  la  louange  de  Mouton,  qu'il  m'a  complète- 
ment satisfait. 

A  ce  sujet,  je  pris  la  liberté  de  lui  demander  s'il 
espérait  être  réélu  aux  prochaines  élections  :  «  Je  n'en 
sais  rien,  me  répondit-il  avec  bonhomie,  mais  si  la 
législative  doit  siéger  dans  cette  baraque,  je  ne  ferai 
aucune  démarche  pour  revenir.  » 

J'ai  compris  la  pensée  de  Mouton:  il  connaît  la  salle 
actuelle  par  coeur,  et  il  ne  reviendra  qu'autant  qu'il 
pourra  se  désennuyer  à  en  apprendre  une  autre. 

Je  dois  dire,  en  terminant  cette  étude  historique, 
que  Mouton  est  chauve,  mais  il  est  doux  comme  un 
agneau. 


—  On  ne  passe  pas. 

—  Et  de  quel  droit,  factionnaire  que  vous  êtes,  f  m- 
pècherez-voiis  un  représentant  du  peuple  de  se  rrn  !re 
dans  la  salle  de  la  diète? 


LES  CHARTES  OCTROYÉES. 

—  Il  n'y  a  plus  de  diète,  plus  de  représentant,  plus 
de  constitution  à  faire;  l'empereur  d'Autriche  vient 
d'oclroyer  une  charte  à  ses  peuples. 

Le  représentant  ainsi  repoussé  essaye  en  vain  de  pé- 


A  l/USACK  DIvS  (W'NS  SKIUKUX. 


2'.»l 


ndti'cr  dans  la  siillc,  le  factionnaire  lui  llari(|ii(' dcj 
coups  lie  crosse  du  fusil  dans  les  genoux.  Il  se  met  à 
crier,  les  (Iroates  l'empoignent.  On  le  conduit  deviiiil 
le  frouveriii'ur. 

—  Tiens,  liens,  liens,  t-'osl  M.  Maslcrinanii. 

—  I.ui-iiièine,  gcMiM'ai,  i|iii  \icnl  vous  dciiiaiuler 
juslice. 

—  Jusliec  de  (|tioi? 

—  De  lu  lirulalité  de  vos  soldats  qui  nront  halUi. 
Je  dépose  forniellenient  une  plainte  entre  vos  niaiiis. 

—  Vous  en  avez  le  droit,  nous  vivons  sous  l'empire 
de  la  cliarte  que  notre  bien-aimé  souverain  vient  d'ac- 
corder à  tous  ses  sujels.  A  propos,  monsieur  Masler- 
niann,  vous  étiez  à  Vienne  lors  des  derniers  événonicnts? 

—  Certainement. 

—  Vous  avez  dû  jouer  un  rôle  dans  tout  cela? 

—  J'étais  caporal  de  la  garde  nationale. 

—  Fort  bien.  Capitaine  l'illarsdorf  ! 

—  Général. 

—  Assurez-vous  de  M.  Mastermann  ici  présent  ;  il 
vient  lui-même  de  l'avouer,  c'est  un  insurgé. 

—  Général,  votre  conduite  est  infâme,  je  proteste. 

—  Du  momrnt  que  la  cbarte  ne  s'y  oppose  pas,  vous 
pouvez  le  faire. 

Le  général  se  remet  à  fumer  sa  pipe,  et  on  entraine 
Mastermann. 

Il  parait  que,  dans  le  langage  des  défenseurs  de 
l'ordre,  tels  que  Schwartzemberg,  Windisgraëtz  et  au- 
tres Jellacliicii,  ou  entend  par  charte  octroyée  : 

Le  droit  de  violer  la  représenlalion  nationale; 

Le  droit  d'emprisonner  les  gens  ; 

l^e  droit  de  les  faire  fusiller  sans  jugement  ; 

Le  droit  de  frapper  des  contributions  extraordinaires  ; 

Le  droit  de  coniiscation  et  d'exil  ; 

Et   une  foule  d'antres  droits  non   moins  agréables 


qui  constituent  celte  charte  composdc  exclusivement 
d'articles  i|uatur/.e. 

Du  vt'Mti,  la  charte  d'Auliiche  a  son  pendant  dans 
la  charte  sicilienne. 

Le  roi  de  ISapli;3  accorde  aux  Siciliens  la  liberté  de 
lui  payer  une  indemnité  pour  fiais  de  guerre  ; 

La  liberté  de  recevoir  des  troupes  napolitaines  et 
suisses  dans  les  forts  des  principales  villes  ; 

La  liberté  de  discuter  les  questions  d'inqjôt,  mais 
avec  voix  consultative  seulement  ; 

La  liberté  d'avoir  un  vice- roi  investi  de  l'aiitoiiu; 
suprême  et  choisi  de  la  main  du  roi  de  iN'apks  lui- 
nièine  ; 

La  liberté,  enfin,  d'accepter  cette  charte  ou  d'être 
bombardés,  mitraillés,  pendus,  fusillés,  passés  au  lil 
de  l'épée. 

En  fait  de  charles  octroyées,  nous  avons  aussi  celle 
d'Espagne,  qui  ne  niamiue  pas  d'un  certain  charme. 
Elle  se  compose  de  deux  articles  seulement  : 

«   ARTICLE    PBEJIlEa. 

«  Le  peuple  espagnol  jouit  de  la  liberté  indivi- 
duelle, de  la  liberté  de  la  presse,  de  la  liberté  de 
réunion,  etc.,  etc. 

«  ARTICLE    DEUXli;ME. 

«  Le  gouvernement  est  libre  de  suspendre  quand  il 
lui  plaît  la  liberté  indiviuelle,  la  liberté  de  la  presse, 
la  liberté  de  réunion,  et  généralement  tontes  les  li- 
bertés qui  lui  paraissent  incompatibles  avec  l'ordre.  » 

C'est  ce  second  article  qui  est  seulement  en  vigueur. 

L'empereur  d'Autriche,  le  roi  de  Naples  et  Narvaez 
ont  beau  faire,  le  temps  des  chartes  est  passé.  Les  peu- 
ples tiennent  à  s'octroyer  leurs  propres'conslitiitions, 
et  ils  y  parviendront,  quoique  les  chartes  en  général 
ne  leur  reconnaissent  pas  ce  droit. 


CoDslitutioû  octroyée  en  Autriche. 


CoDstitution  octroyée  à  la  Sicile. 


29-2 


lŒVUE  comiqi;e 


VISITE  A  SAl.NT-LEU. 

,L,  reproduCon  6.  «t  .n^c^.  «venait  de  d,cU  à  la  Kn-ur  c.,r.u,ue.  et  no.  lecteurs  trouveront  ,a„s  doute  comnj.  rous  '^^^^^^l 
d-,luMrat,ondon,  nous  venons  de  i'enrichir  ;  puisse  '-"*,'<.•  "ou,  en  fournir  souvent  de  pamls  et  la  nan-e  de  se,  orrespo^^^^^ 
no.  rédacteurs  b  en  de,  efforts  d'.magina.io,,.  Ce  que  la  q„ut.diennc  était  à  Henri  V.  la  Lil,.r,c  e.t  en  chen„n  de  le  dcventr  pour  L  Bonaparte,. 


On  lit  ditns  la  LibcrtP  du  IS  mars  . 

«  Le  l'i-ésiJent  de  la  Kqiubliqiie  vient  d'iitre  i'nlijet 
d'uneovation  popiilait-e  danshi  cuinmnnede  Saint-Leu. 

«  Eli  sortant  de  Rueil,  où  il  avait  étii  rendre  son  hom- 
mage fnntihre  à  sa  grand'mèie,  rinipéralrice  José- 
phine, il  s'est  rendu  à  Saint-Lcu,  pour  visiter  le  tom- 
beau de  son  père,  l'es-roi  de  Hollande,  dont  la  mtî- 
moire  est  en  grande  vénération  dans  cette  localité,  l.a 
garde  nationale  était  sous  les  armes  à  l'entrée  du  vil- 
lage; des  acclamations  universelles  l'ont  accueilli  aus- 
sitôt qu'il  a  paru.  Toutes  les  campagnes  environnantes 
étaient  accourues  sur  son  passage.  L'enthousiasme 
a  éclaté  de  tous  côtés  autour  de  sa  voiture,  conduite 
par  quatre  chevaux  de  poste.  La  foule  a  dételé  les 
chevaux  et  a  voulu  traîner  la  voilure  jusqu'à  l'église. 
L'entraînement  a  été  si  grand,  qu'on  l'a  supplié  de 
descendrede  la  voiture  ;  des  milliersde  bras  sesontem- 
parés  de  lui  ;  on  criait  :  Nous  voulons  Napoléon  !  Vive 
le  neveu  de  l'Empereur!  C'est  ainsi  que  le  peuple  a 
porté  sur  ses  bras  l'Empereur  à  son  retour  do  l'ile 
d'Elbe  !  Nous  sommes  le  peuple,  toujours  fidèle!  Vive 
Napoléon!  Vivent  les  Bonaparte! — Au  bout  de  tous  les 
fusils,  pendant  cette  scène  touchante,  les  schakos  s'a- 
gitaient avec  une  sorte  de  fureur  électrique.  Bientôt  la 
foule  a  supplié  Louis  Bonaparte  d'accepter  une  colla- 
lion.  On  l'a  fait  monter  dans  une  chambre  d'auberge, 
et  là,  il  a  rompu  le  pain  avec  ce  peuple  qui  le  cnu- 


vrait  d'embranscmenls;  c'était  un  délire  impossible  à 
décrire.  » 


«  On  lui  a  présenté  un  verre,  afin  qu'il  bût  à  la 
mémoire  du  grand  Napoléon.  Tous  les  verres  ch  r- 
chiient  le  sien,  qu'il  a  élevé  au  dessus  de  sa  tète,  en 
s'écriant  :  A  la  prospérité  de  la  France!  au  peuple 
qui  a  toujours  fait  la  force  de  l'Empereur!  —  Non! 
non  !  lui  répondit-on  de  toutes  parts  :  A  la  mémoire  de 
l'Empereur!  de  Napoléon  le  Grand,  du  Dieu  du  peu- 
ple. —  Le  président  était  profondément  ému,  el  tous 
les  assistants,  dont  l'amour  débordait,  avaient  les  yeux 
remplis  de  larmes  de  joie.  —  Cette  démonstration 
spontanée  et  si  éclatante  d'enthousiasme,  doit  prouver 
au  neveu  de  l'Empeieur.  qu'entre  le  i)euple  et  la  fa- 
mille du  grand  homme  riiarmoiiic  el  la  reconnaissance 
sont  complètes.  (Jue  de  choses  on  peut  faire  pour  la 
patrie,  lor.-qne  le  chef  de  l'État  et  la  nation  marchent 
au  même  but,  dans  la  ligne  des  mêmes  idées,  el  sous 
k'>  itispiiiitioiH  d'un  iiièiue  (lé^uiiemenl  !  » 


A  L'USAGE  DES  G^:^s  Sf;i!ll  I  \ 


i'.r, 


«  l.c  seeriît  des  élections  prncliainc»  est  tout  entier 
dans  cette  scène  vraiment  imposante.  Les  ljoiiii/)nr- 
tisles  s(inl  les  maîtres  de  la  pnsition,  s'ils  savent  s'en- 
tendre avec  cet  admirable  peuple,  dont  les  instincts 
ne  h:  liomjieii'  jamais,  n 


LE  CALU'li 

(CONÏE 


IMPRUDENT. 

01(lt>TAL.) 


Autrefois  régnait  à  Ba-Jad  le  jeune  calife  Omar  El- 
Arousch,  neveu  de  l'illustre  Aaroun-al-Uaseliid. 

Personne  n'ignore  que  le  eaiife  Aaroun-al-UasilnJ, 
après  un  règne  de  dix  ans,  fut  détrôné  par  la  fannlle 
des  Barbecides,  surnommés  les  princes  imbéciles,  et 
qu'il  alla  mourir  en  exil  sur  un  rocher  de  la  mer  des 
Indes. 

Son  neveu  Omar  El-Arousch  eut  des  aventures  fort 
singulières. 

Un  sage  lui  dit  dans  son  enfance  :  —  Souvicns-toi, 
mon  fils,  de  cette  maxime  des  grands  hommes  :  «  Vou- 
loir, c'est  pouvoir,  »  c'est-à-dire,  qu'avec  une  tète 
dure,  on  arrive  à  tout,  même  à  être  calife  de  Bagdad, 
quoique  le  califat  appartienne  en  ce  moment  à  la 
branche  cadette  des  Barbecides  qui  a  détrôné  les  princes 
de  la  branche  aînée  surnommés  les  princes  imbécili  s, 
lesquels  avaient  détrôné  précédemment  monsieur  voire 
oncle  Aaroun-al-Uaschid. 

Eh  bien,  dit  le  petit  Omar,  je  veux  être  calife  de 

Bagdad. 

Tu  le  seras,  répondit  le  sage,  mais  à  la  condition 

d'avoir  la  tête  dure. 

Je  l'aurai!  s'écria  le  petit  prince.  Et,  depuis  ce 

jour,  il  se  frappait  la  tête  contre  les  murs,  pour  l'en- 
durcir, et  il  parvint  ainsi  à  rendre  sa  tèle  tellement 
dure  que  rien  n'y  pouvait  entrer. 

C'est  pourquoi  la  prédiction  du  sage  s'accomplit.  Un 
jour  les  habitants  de  Bagdad  chassèrent  les  Barbecides 
de  la  branche  cadette  qui  avaient  détrôné  les  Barbe- 
cides de  la  branche  aînée  surnommés  les  piinces  imbé- 
ciles, lesquels  avaient  exilé  Âaroun-al-Raschid;  après 
quoi  ils  se  dirent  ;  —  Choisissons  pour  calife  le  prince 
Omar,  neveu  de  l'iUuylie  Aaroiin  ;  c'est  le  prince  qui  a 


la  lèle  la  plus  dure  du  monde,  et  vraiment  il  suppor- 
terait la  chute  d'une  cheminée  ;  nous  aurons  la  gloire 
d'être  gouvernés  par  le  seul  calife  de  la  terre  en  état 
de  sortir  .sans  inconvénient  dans  les  rues,  les  jours  de 
grand  veut. 

Et  le  prince  Omar  fut  nommé  calife. 

Le  soir  même,  pendant  son  sommeil,  il  vit  en  songe 
sou  oncle  Aaioun  qui  riait  à  se  tenir  les  côtes  :  «  Mon 
beau  neveu,  lui  dit-il,  comme  te  voilà  accoutré!  Eh! 
qui  diable  m'aurait  jamais  dit  que  je  retrouverais  un 
jour  ma  couronne  sur  ta  lête'î 

—  Voilà  ce  que  c'est  que  d'avoir  la  tèle  dure,  ré- 
pondit le  neveu.  «Vouloir,  c'est  pouvoir,  »  m'a  dit 
un  sage. 

—  E'esle,  monsieur  mon  neveu,  quel  philosophe 
vous  faites!  s'écria  l'oncle  en  riant  plus  fort;  puis  pre- 
nant un  air  sérieux  :  —  Je  vais  vous  donner  une  leçon 
de  gouvernement.  Savez-vous  ce  que,  de  notre  temps, 
les  califes  doivent  éviler  avec  le  plus  de  soin? 

—  Les  rhumes  de  cerveau,  répondit  le  prince  Omar 
avec  assurance. 

—  Vous  n'y  èles  pas.» 

Le  jeune  prince  réfléchit  un  instant,  passa  la  main 
sur  son  front  et  répondit  :  a  J'y  suis;  c'est  la  gibelotte 
de  lapin. 

Vous  êtes  digne  d'appartenir  à  la  branche  aînée 

des  Barbecides,  dit  l'oncle  avec  un  haussement  d'é- 
paules; le  véritable  danger  qui  menace  les  califes  de  ce 
temps-ci,  c'est  l'influence  des  financiers;  une  fois  entre 
leurs  mains,  un  calife  est  perdu,  ils  le  tiennent  à  la 
gorge  et  gouvernent  pour  lui.  J'ai  passé  mes  dix.  ans 
de  règne  à  combattre  l'influence  des  financiers,  et  ils 
l'ont  emporté  à  la  fin.  Ce  sont  les  financiers  qui  ont 


294 


REVUE  COMIQUE. 


roliinlo  Je  six  semaines  ma  campagne  d'invasion  dans 
riiidoustau,  et  c'est  ce  retard  qui  a  causé  tous  lus  dé- 
sastres qui  ont  entraîné  ma  chute.  Ainsi,  mon  neveu, 
tenez-vons-le  pour  dit.  Us  (inanciers  vous  tueront  si 
vous  ne  les  écrasez  pas.  » 

Ayant  ainsi  parlé,  l'oncle  disparut  après  avoir  luise 
quelques  porcelaines  dans  l'apparlenient.  Quelques  ba- 
dauds qui  le  virent  traverser  les  airs,  crièrent  :  «  Vive 
le  grand  Aaroun-al-Raschid!  »  Mais  Aaroun,  irrité,  ô(a 
ses  souliers  et  les  leur  jeta  à  la  tôle.  [."Académie  des 
sciences,  consultée  sur  ce  fait  insolite,  décida  ijue  les 
souliers  étaient  tombés  de  la  lune. 

Cependant,  un  usurier  très-connu  à  Bagdad  s'était 
présenté  chez  le  nouveau  calife  le  jour  même  de  son 
avènement  :  «  Mon  brince,  lui  dit-il  avec  un  accent 
chinois  très-prononcé,  ch'étais  le  panquier  de  monsir 
fotre  oncle  et  che  lui  bretais  te  l'archent  sans  intérêt, 
par  batriotisnie.  Ah  !  le  prave  homme  que  monsir  fotre 
oncle!  Che  fiens  fous  offrir  quinze  cent  mille  petilos 
scquins  quech'affre  là  tans  un  sac. 

—  Donnez,  dit  le  prince  ;  quinze  cent  mille  sequins 
sont  toujours  bons  à  prendre,  d'autant  plus  que  j'en  ai 
l'emploi  en  ce  moment. 

L'imprudent  calife  prit  les  sequins,  acheta  soixante 
chevaux,  cent  femmes  pour  son  harem,  et  remplit  sa 
cave  de  vin  de  Champagne,  malgré  la  défense  du  pro- 
phète. Puis  il  donna  la  charge  de  grand  visir  à  un  gros 
homme  chauve  qui,  depuis  dix-huit  ans,  faisait  l'en- 
tendu sur  toutes  les  affaires,  et  s'était  rendu  la  risée 
de  Bagdad. 

A  partir  de  ce  moment,  il  n'eut  d'autre  souci  que 
de  boire  son  vin  de  Champagne,  de  voir  danser  ses 
femmes  et  de  se  promener  à  cheval  dans  les  environs 
de  Bagdad. 

Cependant,  les  iiabitants  de  la  ville,  ayant  appris  que 
le  groshommechauve  venait  d'être  nommé  grand  visir, 
firent  mille  plaisanteries  à  ce  sujet;  puis  ils  cessèrent 
de  rire  et  blâmèrent  sévèrement  le  calife  de  cette 
nomination.  Le  calife,  effrayé  de  ces  témoignages  de 
mécontentement,  annonça  qu'il  allait  renvoyer  son 
grand  visir;  mais  la  nouvelle  ne  s'en  fut  pas  pluslôt 
répandue  dans  la  ville,  que  l'usurier  .à  l'accent  chinois 
accourut  au  palais. 

«  .Mon  brince,   fous  allez  lenfoyer  le  li-ir  chauve? 

—  Oui,  mon  brave  homme. 

—  Ah!  tiable,  ah!  tiable. 

—  Qu'est-ce  que  vous  voulez  dire,  avec  vos  diables? 

—  C'est  i|ue  si  le  lisir  chauve  s'en  va,  les  fonds 
baisseront  à  la  Bourse  de  Bigdad. 

—  Après? 

—  Comme  che  berdrai  beaucoup-beaucoup- beau- 
coup l'archent,  che  serai  obliché  de  fous  temander  le 
remboursement  des  quinze  cent  mille  petites  sequins 
de  l'autre  choiir.  » 

Le  calife  com|)ril,l)aissa  la  tète  et  se  résigna  à  garder  son 
grand  visir,   quoiqu'il  entendit  chaque  jour  crier  sur 


son  passiige  :  u  A  bas  le  grand  visir,  qui  est  la  risée 
de  Bagdad  !  » 

Puis  il  alla  se  consoler  avec  ses  femmes  et  son  vin  de 
Champagne. 

Quelque  temps  a|)iès,  le  peuple  |)ersan,  ami  des  su- 
jets du  calife,  ronvova  son  shah  et  fit  une  révolution 
analogue  à  celle  qui,  à  Bagdad,  avait  fait  inonlcr  le 
neveu  du  grand  Aaroun  sur  le  trône.  Il  était  naturel 
que  les  habitants  de  Bagdad  allassent  au  secours  des 
Persans  menacés  par  l'empereur  du  Mogol,  qui  voulait 
intervenir  pour  rétablir  le  shah  sur  le  trône  d'ispahan. 
C'était  aussi  le  désir  secret  du  calife  Omar,  qui  aurait 
suivi  en  cela  la  politique  d'Aaroun,  son  oncle.  Mais  il 
n'eut  pas  plutôt  laissé  deviner  ses  intentions,  que  le 
même  usurier  à  l'accent  chinois  accourut  de  nouveau 
au  palais. 

«  Mon  brince. 

—  Qu'ya-t-il? 

—  On  barie  t'une  indervention. 

—  Après? 

—  C'est  que  si  l'on  fait  tu  chagrin  à  la  crande  Mogol, 
les  fonds  paisseront  à  la  Pourse  de  Pagdad,  et  che  serai 
obliché  de  vous  temanter  le  rempoursement  des  quinze 
cent  mille  petites  sequins  que  fous  safez. 

—  Va-t'en  au  diable!  »  répondit  le  jeune  calife,  et 
il  baissa  la  tête  comme  la  première  fois;  puis  il  alla 
demander  des  consolations  à  Fatmé  sa  favorite. 

Un  mois  après,  le  grand  visir  imbécile  publia  des 
ordonnances  si  tyranniques,  que  ce  fut  une  indignation 
générale  parmi  le  peuple  de  Bagdad  :  «  Ma  foi,  disait- 
on,  c'est  pour  moins  que  cela  que  nous  avons  chassé 
le  dernier  Barbecide  de  la  branche  cadette.  »  Ces  ru- 
meurs pnrvinrent  aux  oreilles  du  prince  On.ar,  au  mo- 
ment où,  un  verre  de  Champagne  à  la  main,  il  allait 
boire  à  la  santé  des  Pharaons  qu'on  lui  avait  persuadé 
être  ses  grands  oncles.  Au  même  instant,  il  vit  accourir 
l'usurier  tout  essoufflé. 

«  Mon  brince,  c'est  touchoiirs  moi. 

—  Je  le  vois  parbleu  bien! 

—  On  dit  que  fous  allez  raborter  les  ortonnances  de 
la  crande  lisir.  Alors  il  y  aura  une  paisse  à  la  Pourse, 
et  che  serai  obliché  te  fous  temanter  le  rempourse- 
ment... » 

l.e  prime  l'interrompit  pour  le  mettre  à  la  porte  par 
les  épaules,  mais  il  n'osa  jias  rapporter  les  ordonnances, 
et  passa  la  soirée  à  boire  du  vin  de  Champagne  avce 
ses  femmes,  [lour  s'étoui'dir  sur  les  embarras  de  sa  si- 
tuation. 

A  la  (]uinzième  bouteille,  l'illustre  Aaroun, sou  oncle, 
lui  apparut  de  nouveau.  Cet  oncle  irrité  coniiiien(,'a 
par  briser  toutes  les  glaces  de  l'apiiartemenl  ;  puis, 
s'adressant  à  son  neveu,  qui   tieinhiait  dans  snii  lit  ; 

(I  Cil  bien!  jeune  homme,  nous  y  voilà  donc? 

—  Ma  foi,  oui. 

—  Tu  es  pris  au  piège  ! 

—  Comme  un  blaireau. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


295 


—  Je  t'avais  poiirlaiit  averti. 

—  Que  voiilez-vou»?  mon  oncle  ;  l'accent  chinois  Je 
cet  lioinme  m'avait  donné  de  la  coniiance. 

—  Tu  n'as  donc  pas  foni|)ris  que  cet  usurier  était 
un  agent  des  IJarbeciJes  de  la  luanche  cadette,  et  qu'en 
le  forçant  à  gaiJer  un  grand  visir  imbécile,  les  parti- 
sans des  Barhecides  voulaient  mécontenter  le  peuple 
contre  toi  et  amener  une  révolution? 

—  Je  le  vois  maintenant.  Hélas!  hélas!  comment 
me  tirer  d'embarras?  Je  nai  pas  le  premier  sou  pour 
rembourser  les  quinze  cent  mille  sequins.  Qui  me 
donnera  un  hou  conseil? 

—  Il  vaudrait  mieuï  (jne  Ton  te  donnât  quinze  cent 
mille  sequins.  


—  Avoir  le  cœur  aussi  perfide  avec  un  accent  aussi 
chinois!  Q{ie  faire,  mon  oncle? 

—  Cela  ne  me  regarde  pas. 

—  Hélas  !  hélas  1  Je  suis  perdu.  » 

L'illustre  Aaroiin  croisa  «es deux  rnains  derrière  le  dos, 
par  un  geste  qui  lui  était  fauiilierde  sou  vivant  ;  il  lit 
trois  tours  dans  lu  chambre  d'un  air  de  mauvaise  hu- 
meur, cassa  encore  un  pot  à  eau  et  une  carafe,  et  dis- 
parut, après  avoir  donné  en  passant  un  coup  de  pied 
dans  le  derrière  du  grand  visir  chauve  qu'il  rencontra 
montant  l'escalier  du  palais,  son  portefeuille  son»  le 
bras,  avec  la  gravité  convenable  à  l'homuie  le  plus  ri- 
dicule de  Bajidad. 


MAMIESTK  DU  COMITI':  KLl-CTOKAL  DIC  LA  lU  K  DK  l'OlTlLllS. 


Électeurs,  —  Dans  les  graves  circonstances  où  nous 
nous  trouvons,  nous  avons  jugé  à  propos  de  nous  abs- 
tenir de  toute  déclaration  de  principes. 

La  nouvelle  Chambre  aura  à  s'occuper  des  ques- 
tions les  plus  importantes  :  —  question  des  finances, 

question  de  l'intervention  italienne,  —  question  de 

l'organisation  sociale,  —  et  vingt  autres  questions  brû- 
lantes d'oii  dépend  l'avenir  de  la  société  française.  Sur 
tontes  ces  questions,  nous  n'avons  pas  un  met  à  dire, 
et  nous  ne  dirons  rien. 

Ceci  prouve  à  quel  degré  d'entente  cordiale  nous 
sommes  parvenus. 


Le  comité  de  la  rue  de  Poitiers  se  compose,  en  effet, 
de  royalistes  de  toutes  les  nuances,  qui  ont  fait  au 
parti  lie  l'ordre  le  sacrilice  de  leurs  opinions  person- 
nelles :  ce  qui  semble,  au  premier  abord,  être  la  né- 
galion  d'un  parti.  Qu'est-ce,  dira-l-on,  qu'un  parti 
dont  les  membres  sont  divisés  d'opinions?  Un  parti 
qui  se  compose,  à  part  les  comparses,  de  M.  Thiers 
l'orléaniste,  de  M.  iMolé,  l'ennemi  de  M.  Thiers,  de 
M.  Berryer  le  légitimiste,  de  .\L  V.  Hugo,  qui  ne  re- 
présente rien,  si  ce  n'est  la  palinodie  politique,  pour 
peu  qu'on  se  souvienne  de  sa  profession  de  foi  en  deux 
antithèses    on    il    se   disait    républicain  ,    aux     élec- 


iii:vi!K  coMioiM': 


KN"  CALIKOUMI-: 


I  de  pays!...  Avec  ça  que  c'est  amusant  de 
ne  priser  que  de  la  poudre  d'or. 


lions  d'avril?  Les  murs  de  Paris  s'en  souviennent  en- 
core. 

Nous  l'épondrons  que  c'est  là  le  parti  de  l'ordre. 

Délinissons  l'ordre,  avant  tout  :  car  c'est  là  le  point 
de  départ. 

L'ordre,  selon  quelques-uns,  c'est  la  marche  paci- 
fique et  graduelle  de  la  société  dans  les  voies  du  pro- 
f^'rès.  Pour  nous,  l'ordre  est  toute  autre  chose  :  c'e^t 
l'immobilité,;  ce  n'est  pas  le  fleuve  aux  eaux  vives, 
c'est  la  mare  aux  eaux  stagnantes. 

Forts  de  cette  définition,  nous  n'hésitons  pas  à  nous 
offrira  la  société  comme  des  guides  politiques  dont  les 
bâtons  ferrés  sont  infaillibles. 

Voyez  plutôt. 

Nous  comptons  parmi  nous  des  légitimistes.  A  quoi 
vous  a  conduits  la  légitimilé?  A  la  révolution  de  1830. 

Nous  avons  aussi  des  orléanistes!  Où  vous  ont  con- 
duits les  orléanistes?  A  la  révolution  de  Février. 

Fatigués  de  révolutions,  vous  direz,  peut-être,  ô 
électeurs:  a  Mais  ces  braves  gens,  qui  n'ont  été  si 
longtemps  à  notre  tète  que  pour  nous  mener  de  chute 
en  chute,  ne  sont  peut-être  pas  si  bons  à  suivre;  et, 
vraiment,  ils  ont  du  toupet  de  venir  encore  nous  van- 
ter leurs  hâtons  ferrés!  » 

Un  Itl  raisonnement  serait  complètement  absurde. 

C'est  justement  il  cause  de  ces  chutes  que  nous  avons 
compris  la  nécessité  de  ne  plus  marcher  du  tout,  et 
c'est  ce  qui  explique  la  nature  hétérogène  de  notre  co- 
mité, qui,  si  vous  avez  bien  suivi  notre  raisonnement, 
est,  au  contraire,  tout  ce  que  l'on  peut  voir  de  plus 
homogène. 

Pardon  de  la  gravité  de  cette  dissertation,  mais  la 
circonstance  l'autorise. 

M.  Berryer,  par  exemple,  le  légitimiste,  l'ait  le  sa- 
crifice de  ses  opinions  personnelles  à  la  cause  de  l'or- 
dre. Quelles  sont  les  idées  politiques  de  M.   Berryer? 


Celles,  justement,  qui  ont  produit  I8ô0.  Il  est  bien 
naturel  qu'il  n'en  soit  pas  infatué. 

M.  Thiers  et  M.  Mole  font  aussi,  à  la  cause  de  l'or- 
dre, le  sacrifice  de  leurs  idées  politiques,  qui  sont  jus- 
tement celles  qui  ont  amené  la  révolution  de  1848. 
Ce  n'est  pas  un  grand  sacrifice  que  s'imposent  ces  hom- 
mes d'État. 

Légitimistes  et  orléanistes  se  rencontrent  donc  en  ce 
point,  que,  ne  sachant  plus  sur  quel  chemin  s'aventu- 
rer, ils  ont  résolu  d'arrêter  la  marche  de  la  société,  à 
l'instar  de  Josué,  qui  arrêta  le  soleil.  Si  vous  l'aimez 
mieux,  nous  nous  comparerons  à  un  horloger  qui,  se 
sentant  incapable  de  régler  le  mouvement  d'une  mon- 
tre, prendrait  le  parti  d'en  casser  le  grand  ressort. 

Maintenant,  vous  comprendrez  sans  peine  l'inutilité 
d'une  déclaration  de  principes. 

Des  principes,  à  quoi  bon?  Trois  mots  résument  les 
nôtres.  —  Bien  !  rien  !  rien  ! 

Sur  la  question  italienne,  l'ordre,  c'est-à-dire  rien! 

Sur  la  question  des  finances,  l'ordre,  c'est-à-dire  le 
statu  quo,  c'est-à-dire  rien,  ou,  si  vous  l'aimez  mieux, 
la  banqueroute  ! 

Sur  les  questions  d'administration  intérieure,  tou- 
jours l'ordre,  toujours  le  statu  quo,  toujours  rien! 

Asseyez-vous  à  l'ombre  du  petit  chapeau  de 
M.  Thiers  et  du  lorgnon  de  M.  Mole,  et  faites  la  sieste  ; 
le  soleil  est  arrêté,  la  terre  ne  tourne  plus,  les  idées  nou- 
velles sont  mortes,  la  pensée  humaine  a  le  grand  ressort 
brisé,  la  civilisation  a  dit  son  dernier  mot,  tout  est 
fini;  y\.  Berryer  vous  en  donne  sa  |i;iru!e  (riiuiiiieiir. 
Dormez  ! 

Klecteurs,  en  réunissant  nos  lumières,  en  faisant  le 
sacrifice  de  nos  idées  politiques,  tant  de  fois  condamnées 
par  les  événements,  nous  sommes  parvenus  à  fonder 
le  grand  parti  de  l'immobilité.  Nous  tiendrons  bureau 
ouvert  de  conseils  et  de  renseiRuements  sur  les  honi- 


Occupation  agréable  par  15 


mes  qui  sullicilei-unt  vus  suffiagci.  Ce  i\u'i\  faul  aii\   \   Vaiicaiisuii  so  |)réseiilait  à  volie  clioix,  ropoiissez-lu: 
collèges  électoraux,  ce  sont  descamliilals  iimimlnUs,  cl  1   il  fitUille  un  peu  trop  quand  on  a  monté  le  ressort, 
à  la  Chambre,  des  déinitéi  immobiles.  Si  le  canard  de   I 


QIELQUES  MOTS  SUR  LE   lo  MAI   ET  SLR  M.   BUCHEZ. 


Tout  le  monde  a  parlé  et  très  à  son  aise  du  15  mai 
et  de  l'attitude  que  chacun  avait  prise,  insurgés  et  re- 
présentants, dans  cette  triste,  mais  non  mémorable 
journée. 

Nous  avons  assisté  à  cette  séance,  et  nous  devons 
dire  que  notre  impression  a  été  que  représentants  et 
envahisseurs  avaient  éprouvé  une  égale  surprise  à  se 
trouver  on  présence.  L'inattendu  d'une  pareille  situation 
peut  seul  expliquer,  en  elfet,  que  représentants  et  en- 
vahisseurs aient  pu  se  regarder  pendant  trois  heures 
sans  prendre  un  parti. 

S'il  y  avait  eu  complot,  il  y  eût  eu  uri  plan  arrêté,  si 
la  dissolution  avait  été  dans  le  dessein  des  insurgés,  ils 
n'auraient  pas  perdu  trois  heures  avant  d'en  arriver  à 
ce  mot  Trois  heures,  c'est  le  temps  de  faire  six  révo- 
lutions :  nous  avons  vu  faire  la  révolution  de  Février  à 
la  Chambre  des  dé|)ulés  en  une  demi-heure.  Il  faut  le 
dire,  attaqués  et  attaquants  paraissaient  frappés  d'un 
égal  ébahissement  ;  on  semblait  de  part  et  d'autre  n'agir 
et  ne  résister  qu'à  la  façon  des  somnambules,  sans 
avoir  conscience  d'un  but  ;  cela  se  faisait  parce  que  cela 
se  faisait:  mais  le  machiniste,  mais  le  librettiste,  mais 
l'auteur  des  paroles,  n'était  nulle  part,  et  chaque  acteur 
improvisait  visiblement  son  rôle. 

Il  y  a  eu  dans  cette  journée  un  homme,  c'est  M.  Bû- 
chez, qui  a  été  calomnié  par-dessus  tous  les  autres,  et 
qui  vient  de  l'être  à  la  cour  de  Bourges  par  un  témoin 
qui  ne  semble  pas  s'être  rendu  bien  compte  de  la  si- 
tuation de  M.  Bûchez  et  du  caractère  de  sa  propre 
déposition. 


M.  Biichez,  président  de  l'Assemblée,  sur  son  siège, 
a  soutenu,  lui  seul,  pendant  trois  heures,  cet  inces- 
sant assaut.  Entouré  d'ennemis,  il  a  refusé  de  lever  la 
séance,  parce  qu'il  savait  que  du  secours  allait  venir 
de  l'extérieur,  et  ijue  gagner  du  temps  était  un 
point  capital,  doîi  dépendait  le  salut  de  r.\ssemblée. 
Il  a  refusé  de  mettre  aux  voix  les  propositions  des  in- 
surgés; et,  pendant  un  tiers  de  journée,  a  eu  à  faire 
têle  à  une  situation  qui  n'a  eu  d'analogue  que  celle 
de  Boissy-d'.Anglas,  qui  n'en  diffère  que  parce  que  le 
sang  n'a  pas  été  répandu,  mais  qui  avait  en  plus  qu'au 
lieu  de  durer  une  demi-heure,  elle  se  prolongea  pen- 
dant trois  mortelles  heures. 

Chaque  représentant  assis  à  sa  place  ne  comptait 
que  pour  un  neuf  centième  dans  l'Assemblée,  ne  cou- 
rait, par  conséquent,  qu'un  neuf  centième  de  danger; 
M.  Bûchez,  président,  était  à  lui  seul  plus  exposé  que 
ses  neuf  cents  collègues  ;  nul  ne  peut  le  contester. 
L'aflaire  des  billets  de  contre-ordre  a  été  expliquée  par 
l'honorable  M.  Degouzée.  Que  reste-t-il  donc  contre 
M.  Bûchez?  —  Sa  voix  a-t-elle  faibli'?  nous  le  de- 
mandons à  tons  ceux  qui  l'ont  vudanscette  séance;  a- 
t-il  pâli,  s'est-il  troublé?  —  Il  est  resté  à  celle  séance 
ce  qu'il  avait  été  à  toutes  les  autres,  un  président  man- 
quant de  netteté,  de  clarté,  peut-être,  mais  un  homme 
ferme,  droit,  énergique,  faisant  bon  marché  de  sa 
personne.  En  vérité,  quand  on  a  le  passé  de  .M.  Bû- 
chez, était-il  nécessaire  de  faire  du  mélodrame  pour 
paraître  brave?  Un  homme  moins  simple,  plus  em- 
phatique, eût  cherché  là  l'occasion  de  quelque  beau 


i>98 


HliVUE  COMIQUE 


mouvement;  il  eût  fait  égorger  l'Assemblée,  et  le  té- 
moin en  question  ne  déposerait  pas  contre  lui  ;  cela  reùt- 
il  satisfait  davantage?  La  France  s'en  fût-elle  mieux 
trouvée?  —  Non.  —  Nous  pourrions  citer  ici  un  té- 
moignage qui  ne  serait  pas  suspect,  celui  d'un  insur- 
gé, et  du  plus  redoutable,  à  coup  sûr  pour  M.  Bûchez, 
s'il  faut  en  croire  l'accusation  ;  nous  voulons  parler  de 
M.  Lariron. 


Une  personne,  dont  le  témoignage  ne  serait  récusé 
par  personne,  a  entendu  dire  à  M.  Laviron,  interrogé 
sur  ce  point  avant  son  départ  pour  l'étranger  :  «Non, 
Bûchez  n'a  pas  eu  peur;  il  ne  s'est  pas  troublé.  On 
voyait  bien  qu'il  n'avait  qu'une  idée,  celle  de  gagner 
du  temps,  et  son  idée  était  bonne,  puisque  c'est  ce 
teni[)s  qu'il  a  gagné  qui  a  évité  une  lutte.  11  ne  sentait 
pas  le  danger.  » 


CHOSES  QUELCONQUES. 


Pendant  la  fameuse  discussion  du  20  mars,  sur  la 
loi  des  clubs,  —  un  représentant,  d'ordinaire  fort  cal- 
me, un  ancien  député,  applaudissait  entre  ses  dents 
M.  OJilon  Barrot:  «  Bravo!  disait-il  à  chaque  instant, 
bravo!  M.  Guizot.  »  11  monta  à  la  tribune  au  moment 
où  la  discussion  venait  d'être  close,  et  ne  fut  pas 
écouté,  par  conséquent  ;  les  seules  paroles  qu'il  put 
prononcer  furent  celles-ci  :  «  Le  discours  que  M.  Gui- 
zot vient  de  prononcer...  »  Puis,  s'apercevant  de  sa 
méprise,  il  voulut  se  reprendre  :  «M.  Odilon  Guizot,  » 
dit-il  alors.  —  Sur  quoi,  il  renonça  à  en  dire  davan- 
tage, de  peur  de  céder  une  fois  de  plus  à  la  monomanie 
qui  lui  faisait  voir  M.  Guizot  dans  M.  Barrot. 

Pauvre  M.  Guizot!  !  ! 

—  Dans  la  séance  du  21,  au  moment  où  l'Assem- 
blée, divisée  en  deux  camps,  formait  par  le  fait  deux 
Chambres  rivales,  un  ancien  ministre  du  général  Ca- 
vaignac,  voyant  l'émoi  que  cette  situation  causait,  di- 
sait à  un  ami  de  M.  Thiers  :  «  Voici  un  argument  tout 
fait  contre  votre  système  des  deux  Chambres.  Si  cet 
état  de  choses  durait,  combien  d'heures  croyez-vous 
qu'il  faudrait  pour  mettre  plusieurs  révolutions  par 
dessus  celle  que  nous  avons  faite  en  Février?  » 

—  On  pressait,  dans  cette  même  séance,  M.  Du- 
faure  de  parler.  «  Il  ne  faut  jamais  résister  à  la  poli- 
«  tique  à  outrance,  dit-il  :  elle  se  consume  d'elle-mè- 
«  me;  M.  Faucher  se  suicide  et  perd  son  parti  mieux 
a  que  tous  nos  discours  ne  pourraient  le  faire.  » 

On  a  parlé  diversement  de  l'exécution  des  assas- 
sins du  général  Bréa,  et  pourtant  tout  le  monde  est 
d'accord  sur  la  nature  du  crime  et  sur  l'horreur  qu'il 
doit  inspirer.  Ce  n'est  pas  un  crime  politique,  disent 
les  uns;  l'échafand  qu'on  a  relevé  n'est  pas  un  écha- 
faud  politique.  —  C'est  un  crime  politique,  disent  les 
autres,  c'est  un  conseil  de  guerre  qui  a  jugé  les  cou- 
pables, et  vous  avez  relevé  l'échafaud  politique  ;  pie- 
nez  garde,  si  peu  de  pitié  qu'inspirent  les  malheiucux 
qui  aujourd'hui  ont  payé  de  leur  tète  leur  exécrable 
forfait,  vous  avez  fait  une  faute  politique  en  vengeant 
par  la  mort  le  meurtre  du  général  Bréa. 

Et,  de  part  et  d'autre,  il  semble  qu'on  ait  raison. 
Comment    expliquer  que   deux   avis,  aussi  opposés, 


semblent  pourtant  plausibles  et  irréfutables,  si  ce  n'est 
en  regrettant  qu'on  n'ait  pas  renvoyé  devant  la  cour 
d'assises  les  assassins  du  général  Bréa.  Le  jugement 
rendu  par  la  cour  d'assises  n'eût  pas  été  un  jugement 
politique,  le  crime  eût  été  puni,  et  en  entrant  dans  les 
salons,  vous  n'y  seriez  pas  accueilli  par  cette  question 
singulière  :  Que  pensez-vous  de  l'exécution  de  Laih  et 
et  de  Daix?  êtes-vous  pour  la  mort,  êtes-vous  pour 
l'assassinat,  êtes-vous  pour  l'échafaud?  Questions 
étranges  !  qui  défrayaient  toutes  les  conversations  à  la 
dernière  réception  du  Président  de  la  Bépublique. 

—  Il  ne  se  dit  pas  dans  les  clubs  que  des  sottises, 
comme  paraissent  le  croire  MM.  Faucher  et  Barrot. 

Un  orateur  venait  de  parler  contre  M.  Thiers  et 
M.  Bugeaud.  —  Ce  n'est  pas  un  crime  à  coup  sûr, 
aussi  avait-il  été  applaudi  à  outrance.  —  Un  ouvrier, 
c'était  un  maçon,  à  en  juger  par  ses  vêtements,  de- 
manda la  parole  et  l'obtint. 

«  Laissez  donc,  dit-il,  laissez  donc,  je  vous  dis  que 
Thiers  et  Bugeaud  sont  des  républicains;» — et  comme 
cette  proposition  smgulière  était  accueillie  par  des 
marques  non  équivoques  d'ironie  et  d'incrédulité,  — 
l'orateur  improvisé  reprit  sans  se  démonter  :  Ils  sont 
républicains,  mais  ils  n'en  savent  rien  ni  vous  non 
plus.  Il  sont  devant  la  République,  sans  comparaison, 
comme  j'étais  devant  le  fromage  avant  d'en  avoir 
mangé.  Je  disais  :  je  n'aime  pas  ça.  Mon  père  me  dit 
un  jour  :  Ah  çà  !  manges-en  ou  tu  n'auras  rien.  —  Je 
me  mis  à  en  manger,  et  je  vis  que  c'était  bon,  quoi- 
que pas  cher.  —  Eh  bien  !  faut  qu'ils  en  mangent  de 
la  République,  et  vous  verrez  que,  quand  ils  y  auront 
goûté,  ils  ne  voudront  plus  entendre  parler  que  de  ça. 
—  Laissez-les  donc  approcher  de  la  gamelle;  quand 
ils  auront  une  fois  les  poings  dedans,  ils  s'en  mettront 
bientôt  jusqu'aux  coudes,  et  c'est  l'indigestion  qu'ils 
s'en  donneront  qui  vous  en  débarrassera. 

—  Nous  savons  que  les  magistrats  ont  l'obligation 
de  protéger  les  témoins,  et  nous  ne  trouvons  rien  à  re- 
dire aux  soins  que  M.  Baroche  prend  à  Bourges  de  rem- 
plir cette  partie  de  sa  tâche;  mais  ce  soin  nous  trou- 
vons qu'il  l'a  poussé  jusqu'à  l'exagéra'ion,  jusqu'à  la 
cruauté,  quand  il  a  voulu  forcer  le  général  Courtais  à 
rétracter  l'apostrophe  qu'il  avait  adressée  au  garde  na- 


A  l.'l!S.\r.F  DKS  r.KNS  SKRIKIJX. 


209 


tiiiiial  i|in  lui  avait  arr;u'li(''  smi  i'|iaiilrllc'.  (irs  |iaiiili's 
d'iiM  viiMi\  soldai,  i|iii  n'a  jamais  l'ailli  à  riioiiiieui', 
t'taii'iil  (le  ii'lli's  aminci  .M.  Hardclie  lu'  ili'\ait  piiiiil 
iiuMfi'  les  sii'iim's  ,  c'clait  allaiic  L'iilrc  M.  (imirlais  et 
le  téiiiuiii. 

—  Ce  téiiioiii  (lit  :  Il  II')  cul  aihiinc  |irolestatioii 
coulrc  l'action  que  j'avais  laite,  et  il  ajoute  :  un  des 
élèves  de  Saiiit-Cyr,  qui  entouraient  le  général,  vint 
me  dire  peu  après  :  u  Reiulez-nioi  cette  épaulelte,  c'est 
celle  d'un  militaire.  »  Quel  sens  a  donc  pour  M.  Gi- 
raux  cette  dcinaiclie  de  cet  élève  de  Saint-Cyr,  si  ce 
n'est  une  noble  et  touchante  protestation'?  Nous  ne  sa- 
vons ]ias  le  nom  de  cet  élève  ;  mais  nous  sommes  sûrs 
que  c'est  un  brave  jeune  homme  qui  fera  honneur  un 
jour  à  l'épauletlo  qu'il  portera  à  son  tour. 

—  On  dit  que  cela  va  mal,  on  se  trompe.  —  Le 
calme  renaît,  et  la  preuve,  c'est  que  le  désordre  re- 
monte. —  Ce  n'est  plus  le  peuple  qui  s'agite,  mais  les 
partis.  —  Ce  ne  sont  même  plus  les  partis,  mais  les 
chefs  de  partis.  —  La  rue  de  Poitiers  n'est  pas  d'ac- 
cord, le  ministère  n'est  pas  d'accord,  l'Assemblée  est 
divisée  en  deux,  le  Constitutionnel  est  brouillé  avec 
M.  Thiers;  M.  Chambolle  et  M.  Perrée  se  querellent, 
ïranquillisez-vous  donc  :  l'intrigue  a  remplacé  l'agi- 
tation. 

—  Lagrange,  et  cela  n'étonnera  que  ceux  qui  ne  sa- 
vent pas  tout  ce  qu'il  y  a-de  bonne  foi  dans  cette  tète 
bizarre,  Lagrange  était  contraire  à  la  résolution  qu'a- 
vait prise  la  Montagne  et  la  gauche,  de  refuser  de  voter 
dans  la  discussion  relative  au  droit  de  réunion.  —  «  Si 
vous  ne  votez  pas,  vous  coupez  l'Assemblée  en  doux; 
vous  la  délruisez,  vous  faites  une  révolution.  Allez 
alors  chercher  des  pavés,  moi  je  n'en  suis  pas.  Il  faut 


i|ue  les  |)avés  se  reposent.  —  La  meillcuii;  i-évoluliuu 
serait  aujnurd'liui  contraire  à  la  llépublique.  —  Kt  la 
preuve,  c'est  (|u'oii  vmis  iirovoque  à  en  faire.  —  Eles- 
vous  les  amis  de  M.  l'autlier,  ne  votez  pas  ;  êtes-\oiis 
ses  ennemis,  votez.  » 

—  .\L  Cliiii^ariiier  d'une  jiail  et  .M.  Kebillut  de  l'au- 
tre, devraient  bien  faire  connaître,  par  une  ordon- 
nance à  la  force  armée  civile  et  militaire,  qu'arrêter 
un  lioiiiine,  cela  ne  veut  pas  dire  l'insulter  ni  i'cchar- 
per,  et  que,  le  jeter  à  l'eau  el  quelquefois  le  fusiller, 
c'est  un  crime  (|iii  ne  peut  rester  impuni  que  parce 
qu'il  est  inconnu. 

—  Nous  avons  lu  avec  queliiue  surprise  un  article, 
dans  lequel  le  Journal  des  Dcbats  donnait  son  a|)pro- 
balion  lAeine  et  entière  au  manifeste  de  la  rue  de  l'oi- 
tiers.  —  U  faut  que  le  Journal  des  Débats  soit  bien 
mal  informé  des  dispositions  de  M.  Thiers,  auteur  de 
ce  manifeste,  et  de  ]\L  Mole,  qui  en  est  un  des  par- 
rains envers  M.  Guizot  et  le  parti  conservateur,  re- 
présenté par  les  Débats ,  \\o\iv  consentir  à  jouer  ce  lole 
de  dupe. 

—  «  Rendez-moi  mes  (00,000  francs!  dit  M.  Mer- 
ruaultàM.  Véron  ;  ou  prenez  ma  prose  et  celle  de 
JL  Thiers.  —  Allez  vous  promener,  vous  et  votre  pe- 
tit patron  !  répond  M.  Véron  ;  la  prose  de  Roilay  suffit 
à  mes  abonnés  ;  et  je  garderai  vos  100,000  francs, 
tant  que  le  président  du  tribunal  de  commerce  n'aura 
pas  déclaré  qu'elle  ne  vaut  pas  la  vôtre.  » 

Les  100,000  francs  de  M.  Thiers  sont  bien  aventu- 
rés ;  le  petit  homme  s'en  console  en  se  disant  qu'il  les 
avait  empruntés  à  son  parti,  sous  la  condition  que 
M.  Véron,  et  non  lui,  M.  Thiers,  aurait  à  les  rendre. 


Cet  auguste  Mentor  d'un  nouveau  Télémaque, 

Échappe  à  la  louange  aussi  bien  qu'à  l'allaque, 

Car,  ay;iut  oul)lié  son  rôle  de  pédant, 

Il  garde  à  l'Assinihlce  un  silence  prudent. 

Eu  formant  aux  vérins  l'élu  du  dix  décembre, 

De  ses  talents  sans  doute  il  usa  le  ressort. 

Sans  éclat  et  sans  bruit  il  passa  dans  la  (Chambre  : 

On  l'en  verra  sortir  comme  un  vieillnrd  eu  sort. 


I 


Gravé  par  BaulaNT. 


.IL  VAiiri  lill.«  ir.d  iP^s 


■  I  r.  mciiei  ir.i , 


■^TR 


Tsnrrnz 


^^Ï^ÎMÎiwm* 


30  centiiiK-H  la  lIvraiHon. 


':;!::l'.ii1:,i':H;:.,M!i"''i!W'kf 


\tiann  de  la  Somcrlpiton.  —  La  RcvrE  r.oMinrF  formera  un  magnifique  volume,  srand  in-8,  publié  on  oO  livraisons  à  ôO  centimes, 
poste,  -il)  cent.  Ou  sous.ril  pour  10  livraisons.  Pour  les  déparlements.  envoyer  un  mandat  sur  la  poste  à  l'ordre  du  directeur  de  la 
.  Po„r  toul  ce  qui   conoerne  la  rédaction,  écrire   [francu]  à  M.  Lir.Eix,  au  bureau  de  la  Revce,  2,  boulevard  des  Italiens. 

DTIMIMEB.A'r.  ÉEITErR,  B.UE  RICHEI.IEU.  52  21'    Uviaison. 


ATI9   AUX   JOrRIVAVX   »E   PAniS   ET   DES   niËPAnTKiraEIVTS. 

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Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


soMMAini-:  !)[■:  la  vingt  i:t  !'mi';me  livraison. 


La  SemaiiiP.  —  Le  Thermomètre  politique,  avec  la  Manière  de  s'en  servii'.  —  Un  rcve  rélrnsperlif.  —  La  Rue  de  Poitiei 
demandant  l'aumône.  —  Il  le  fallait!  —  Pudeur  de  M.  Thiers.  — Violettes  pai-lemeirtaires  (esquisses  non  |.iiliil,|ues)  ;  IV.  - 
M.  de  Kerdrel.  —  Préparatifs  de  guerre.  —  L'Homme  invisilile. 


THF.RMo-.iKrni;  poi,rn(,nr,  niî  I'oim:i.i:s  ,  oi'ïicir.N  a   i>.uus. 

Granrli-  vipiiotle   par    13i:rl;iU. 

ATTITCnF.    Dr    OOUVF.IIMÎMF.NT    ni;    lA    UKI'lIlil.lyCE     l'UA>.(;,AISlî    ISFVaM-    l.ns    KH-NKMIÎNTS    FIHOCKHNS. 

l'iir  N:.dai-,t. 

OIIAM)     lO'.IlNOI     FINANC.IIÎII    A    AIIMrS    COIIITOISKS. 
Par    Kcrlall. 

IN   NolvRAi:  ivxi   m;  lu.scrLK. 

P.ir  BcTtall. 


Chap    lit.  -  La  fort.i 


I.A    VIB    Pl'BL10t:iî    ET    IMUVlfF,    DE    MOSSIEU    IIHAC. 
s  efforts  industriels  et,  pllilaiiltiiopiques.  —  Chnp.  /!'.  —  Sa  fort  uni'  polit 
Feuilletim  an  crayon  par  Nadaii»,  gravé  par  Baulaiil. 

l.i:    FKI.D-SUI(ÉC11A1,   llIf.KAl  II. 
Type  pftr  Kahritz  us. 


Un  (li's  S'ATisr.MTS. 


LA  SEMAINE. 


Le  beau  sexe  commence  à  se  plaindre  vivement  du  j 
Président  de  la  République.  Ses  réceptions  deviennent 
ennuyeuses.  On  ne  faisait  qu'en  murmurer  il  y  a  quel- 
ques jours;  maintenant  on  s'en  plaint  tout  haut,  et  l'on 
fait  remonter  justju'au  chef  du  pouvoir  exécutif  lui- 
même  la  responsabilité  de  cet  ennui.  Vous  verrez  qu'un 
de  ces  jours  le  parquet  sera  obligé  de  traduire  devant 
la  cour  une  des  belles  séditieuses,  et  de  la  faire  con- 
damner pour  excitation  à  la  haine  et  au  mépris  du  sa- 
lon de  l'Elysée  national. 

Les  dames  qui  ont  des  relations  suivies  avec  le  gou- 
vernement accusent  formellement  le  président  de  plu- 
sieurs délits  de  lèse-galanterie. 
1°  Il  a  toujours  l'air  ennuyé. 

2°  11  feint  des  indispositions  pour  se  retirer  à  onze 
heures. 

Nous  faisons  grâce  au  lecteur  des  autres  chefs  d'ac- 
cusation ?ceux-là  suffisent  et  au  delà  pour  faire  com- 
prendre l'irritation  du  beau  sexe.  Aussi  n'est-il  ques- 
tion de  rien  moins  que  de  conspirer  contre  les  réceptions 
du  Président  en  n'y  paraissant  plus.  Les  conspiratrices 
auraient  déjà  mis  leur  projet  à  exécution,  si  l'une  d'elles 
n'eût  pas  soulevé  les  objections  suivantes  : 

«Si  le  Président  s'ennuie  chez  lui,  c'est  qu'il  s'amuse 
ailleurs. 

«  Un  homme  d'État  ne  se  couche  jamais  à  onze  heures. 
C'est  là  un  subterfuge  indigne  du  caractère  français.  Si 
le  Président  quitte  ses  salons  avant  minuit,  c'est  qu'il 
va  achever  sa  soirée  dans  un  endroit  plus  agréable. 

«  La  meilleure  manière  de  nous  venger,  est  donc  de 
nous  montrer  plus  assidues  que  jamais  chez  le  Prési- 


dent ;  nous  le  punirons  de  ses  dédains  par  la  gène  per- 
pétuelle de  notre  présence.  » 

L'esprit  de  contradiction  qui  anime  les  trois  quarts 
de  la  plus  belle  moitié  du  genre  humain  trouvait  trop 
bien  son  compte  à  ce  raisonnement,  pour  qu'il  ne  fut 
pas  adopté  à  l'unanimité.  Voilà  maintenant  M.  Louis 
Bonaparte  en  butte  à  la  conjuration  de  la  présence,  et 
soumis  au  châtiment  de  l'assiduité.  Pénalité  terrible, 
et  qui  porte  déjà  ses  fruits,  car  le  Président  a  bâillé 
])lusieurs  fois  à  sa  dernicrc  soirée  ;  c'est  là  un  fait  po- 
sitif, officiel,  et  qui  a  fait  tressaillir  de  joie  le?  chefs  de 
la  conspiration.  Les  Brulus  en  jupons  espèrent  amener 
M.  Louis  Bonaparte  à  s'endormir.  Le  jour  où  il  aura 
ronflé  d'ennui,  leur  vengeance  sera  complète.  Un 
homme  qui  ronfle  est  déshonoré. 

Si  les  salons  du  pouvoir  exécutif  sont  tristes,  en  re- 
vanche, ceux  de  la  Bourse  n'ont  jamais  été  plus  ani- 
més. Les  agents  de  change  donnent  fêtes  sur  fêtes;  à 
aucune  époque  la  Californie  du  parquet  n'offrit  plus 
d'or  à  recueillir.  On  cite  d'heureux  chercheurs  qui  ont 
ramassé  des  pépites  de  trois  ou  quatre  cent  mille  francs 
dans  la  coulisse.  La  hausse  répand  des  flots  d'or  sur 
les  spéculateurs;  on  monte  comme  si  nous  étions  cha- 
que jour  au  lendemain  de  la  bataille  de  \Vaterloo.  Si 
ce  n'est  pas  tout  à  fait  la  France  qui  est  vaincue  et 
humiliée,  les  boursiers  escomptent  la  défaite  de  l'I- 
talie, en  attendant  mieux.  L'Autriche  est  sur  notre 
frontière.  Radelski  et  M.  Bugeaud  peuvent  se  donner 
la  main  :  pourquoi  l'armée  des  Alpes,  fraternellement 
unie  aux  Croates,  ne  viendrait-elle  pas  mettre  à  la  rai- 
son les  républicains  de  Paris?  Pourquoi  ne  recevrions- 


302 


REVUE  COMIQUE 


nous  pas  un  roi  des  mains  de  l'Autriche?  Radetski  a 
dans  SOS  fourgons  la  couronne  de  fer  des  Lombards,  il 
pourrait  bien  en  faire  sortir  aussi  la  cotironiu'  de 
France.  Lu  Bourse  liausse  dans  celte  prévision. 

Nous  nous  étonnions  l'autre  jour  devant  un  spécu- 
lateur, de  te  que  la  rente  n'était  pas  montée  au  pair  sui- 
la  seule  nouvelle  des  triomphes  de  Radetski. 

—  Que  voulez-vous,  nous  répondit-il,  c'est  la  luilc 
de  l'Assemblée  nationale. 

—  Comment  cela? 

—  Elle  nous  elfrayo. 

—  Mais  elle  vole  la  loi  <iir  les  clubs. 

—  C'est  vrai,  mais,  d'un  autre  coté,  elle  veut  à 
toute  force  réaliser  des  économies.  Suivez-vous  la  dis- 
cussion du  budget? 

—  Sans  doute. 

—  Avez-vous  remarciué  quel  parti  pris  de  réduire 
toutes  les  dépenses;  c'est  un  fait  qui  saule  aux  veux 
les  moins  prévenus. 

—  Eh  bien? 

—  Cela  prouve  que  l'on  tend  à  l'économie.  Or,  c'est 
là  un  mot  révolutionnaire  qui  rappelle  les  plus  désas- 
treuses époques  de  notre  histoire.  Attenter  au  budget, 
c'est  attenter  à  la  sûreté  de  l'État.  Tant  que  nous  au- 
rons une  assemblée  nationale  qui  affichera  de  sembla- 
bles tendances,  les  capitalistes  seront  alarmés;  et  à 
moins  que  la  Russie  ne  se  décide  à  intervenir  d'une 
façon  plus  efficace  pour  comprimer  l'anaichie ,  et 
qu'elle  ne  fasse  un  mouvement  sur  le  Danube 

—  La  rente  n'atteindra  pas  au  pair. 

—  Je  le  crams. 


En  attendant  que  le  czar  balaye  toutes  les  constitu- 
tions de  l'Allemagne  et,  si  faire  se  peut,  des  autres 
pays,  la  bourse  est  bien  obligée  de  se  contenter  de  ce 
que  la  Providence  et  Radeizki  lui  envoient. 

Charles-Albert,  qui  a  valu  aux  loups-cerviers  une  si 
belle  curée,  s'est  réfugié  sur  notre  territoire.  LaFrance 
républicaine  accueillera  avec  iioiiueur  et  respect  le 
monarque  vaincu,  le  guerrier  malheureux.  Les  jour- 
naux qui  reçoivent  les  inspirations  du  pouvoir,  lui  in- 
fligent déjà  le  reproche  de  témérité,  coiuine  si  on  pou- 
vait être  témérau'e  quand  il  s'agit  d'arracher  son  pays 
au  joug  étranger.  An  soldat  trahi  par  le  sort,  la  Répu- 
blique dira  :  a  Sois  le  bien-venu,  je  n'ai  rien  à  te  re- 
procher à  l'heure  de  la  dél'aile,  si  ce  n'est  de  n'avoir 
pas  appelé  la  France  à  tcm  secuuis;  il  y  a  (|iielqiies 
mois  encore,  elle  t'aurait  répondu  !  » 

La  défaite  de  l'Italie  nous  altriste  trop  pour  (|ue 
nous  puissions  vous  parler  longuement  du  Moineau  de 
Lesbie  et  de  la  Paix  à  tout  prix.  Cette  élégie  et  cette 
comédie  en  deux  actes  ont  été  représentées  au  Théâtre- 
Français  avec  succès.  Mademoiselle  Mante,  une  des 
sociétaires  de  ce  théâtre,  est  morte.  Les  directeurs  de 
l'Opéra  ont  donné  un  grand  dinerà  la  presse.  Le  Pro- 
phète sera  représenté  vers  le  ITt  avril.  J.e  tliéàlrede  la 
Porte-Saint-Marlin  est  fermé.  M.  Léon  Faucher  n'a 
supprimé  aucune  nouvelle  pièce.  Voilà  tout  ce  que 
nous  avions  à  vous  apprendre  en  l'ail  de  nouvelles  dra- 
maliques. 

A  propos,  le  choléra  est  décidément  à  Paris.  Qui 
s'en  serait  jamais  doulé! 


LE  THERMOMÈTRE  POLLl'IQUE 


AVEC  I.A   MAMERF.  DE  S  EN  SERVIR. 


Le  célèbre  Réaumur,  lorsqu'on  1731  il  eut  perfec- 
tionné l'informe  création  de  Corneille  Drebbel,  conçut, 
s'il  faut  en  croire  son  biographe,  le  projet  d'apjiliqijer 
le  thermomètre  aux  hommes  et  aux  choses  de  la  vie. 
Il  voulait  employer  l'échelle  au  moyen  de  laquelle  (jii 
mesure  les  degrés  de  température,  à  classer  mélhodi- 
quement  les  philosophes,  les  ministres,  les  littérateurs, 
les  musiciens,  les  cuisiniers,  les  femmes,  les  rois,  les 
capitaines  ,  enlin  tous  les  individus  susceptibles  de 
comparaison.  Il  communiqua  son  dessein  à  plusieurs 
savants,  qui  l'en  détournèrent,  dans  la  crainte  qu'il 
lui  prit  fantaisie  de  les  placer  au-dessous  de  zéro. 

L'inventeur  du  thermomètre  politique  aurait  été 
arrêté  par  les  mêmes  motifs,  s'il  avait  demandé  con- 
seil aux  hommes  d'État  d'aujourd'hui  ;  mais,  dédai- 
gnant le  terrain  des  personnalités,  n'ayant  envie  de  se 
brouiller  ni  avec  .M.  Rarrot,  ni  avec  M.  Proudlion,  il  a 
basé  sa  graduation  sur  de  pures  généralités.  Il  laisse 
chacun  libre  de  caser  Pierre  Leroux  à  côté  des  utopies, 
et  le    ministère- Faucher  aux    environs   des   traités 


de  181/).  Il  n'a  pas  empieinl  son  œuvre  d'un  caraclère 
d'actualité,  mais  il  eu  a  l'ail  un  vitde-mecum  qu'on 
peut  consulter  avec  fruit  dans  tous  les  temps. 

L'ingénieux  opticien  aurait  pu  donner  plus  d'exten- 
sion à  son  travail.  Ainsi,  les  thermomètres  ordinaires 
signalent  les  années  de  chaleur  et  de  froid;  par  exemple, 
ils  indiquent  38  degrés  au-dessus  de  zéro  pour  1793, 
et  35  degrés  au-dessous  de  zéro  pour  1812.  On  aurait 
pu  faire  aisément  un  pareil  calcul  relativement  à  l'at- 
mosphère politique.  Quel  rapport  ont  entre  elles 
les  dates  fameuses  du  li  juillet  1789,  du  l2aoùtl79'2, 
du  9  thermidor,  du  20  mars  1815,  du  27  juillet  1830, 
du  24  février  1848  !  Cesoutdes  questions  dont  la  solu- 
tion est  abandonnée  à  la  sagacité  des  sousctipteurs  de  la 
lieime  comique! 

Rien  de  plus  aisé  que  l'usage  du  thermomètre  poli- 
tique. Qu'un  fait  nouveau  se  produise,  qu'une  loi 
nouvelle  soit  proposée,  qu'un  événement  imprévu  bou- 
leverse les  idées,  cherchez  sur  l'échelle  à  quelle  caté- 
gorie correspond  le  fait,  la  loi  ou  l'événement,  et  vous 


TMERMOMÉTRK     l'OMTIOl  K    l>K     mi'l  II  S  .     OPTICIKN    A    PARIS. 


par  iiAi;i.ANT. 


304 


REVUE  COMIQUE 


arrivez  à  une  exacte  appréciation.  La  loi  des  clubs,  par 
exemple,  étant  un  symptôme  de  congélation  de  la  li- 
berté, est  à  8  degrés  au-dessous  de  zéro. 

Le  thermomètre  est  surtout  bon  à  consulter  comme 
mémento  des  vrais  principes,  dans  les  jours  où  la  tem- 
pérature politique  esi  variable,  incertaine,  flottant  entre 
le  chaud  et  le  froid.  Alors,  au  milieu  du  choc  des  opi- 
nions contraires,  l'esprit  hésite  ;  il  a  besoin  d'un  guide 
sur,  et  le  thermomètre  politique  lui  en  tient  lieu.  On 
peut,  grâce  à  cet  utile  iuslriiment,  se  rendre  compte 


des  débâcles  soudaines  qui  changent  la  face  des  nations. 
Quand  un  gouvernement  incline  vers  un  abaissement 
considérable  de  température,  quand  il  s'approche  des 
ordonnances  et  de  l'absolutisme,  il  s'opère  souvent 
une  brusque  réaction  ;  on  franchit  rapidement  la 
roymdi  fondante  pour  monter  dans  les  régions  supé- 
rieures, et  le  torrent  populaire,  déchaîné  à  l'impro- 
viste,  entraîne  les  imprudents  qui  avaient  tenté  d'eu 
suspendre  le  cours. 


UN  nÉVE  RÉTROSPECTIF. 


Depuis  quelque  temps,  le  célèbre  Barrot  semble 
soucieux;  son  front  olympien  a  perdu  sa  sérénité  ac- 
coutumée ;  une  vague  préoccupation  est  répandue  sur 
ses  augustes  traits.  Qu'a-t-il?  qui  le  trouble?  se  deman- 
dent ses  collègues.  Son  existence  ministérielle  n'est-elle 
pas  assurée?  L'Assemblée  nationale  ne  le  traite-t-elle 
pas  avec  tous  les  égards  dus  à  ses  éminentes  vertus?  Ne 
lui  accorde-t-on  pas  tout  ce  qu'il  désire?  Ne  lui  sacrifie- 
t-on  pas  toutes  les  libertés  qui  l'importunent?  La  cause 
de  ses  angoisses  secrètes,  les  indiscrétions  de  quelques 
confidents  nous  ont  mis  à  même  de  la  connaître,  car, 
suivant  l'invariable  coutume  des  héros,  le  célèbre 
Odilon  a  des  confidents,  qui  l'appellent  seigneur,  l'a- 
dulent en  sa  présence,  et  en  disent  tout  le  mal  possible 
dès  qu'il  a  le  dos  tourné  ;  maître  Odilon,  comme  autre- 
fois le  père  Sournois,  se  promène  poursuivi  par  un 
songe. 

C'était  pendant  l'horreur  d'une  profonde  nuit;  fa- 
lio-ué  des  longues  tirades  qu'il  avait  débitées  contre  le 
droit  de  réunion,  le  célèbre  Odilon  Barrot  dormait  d'un 
paisible  sommeil.  Tout  à  coup  il  se  sentit  transfiguré. 
11  rêva  qu'il  était  encore  de  l'opposition  ;  que  des  mi- 
nistres prévaricateurs  avaient  présenté  un  projet  de  loi 
attentatoire  à  la  constitution,  et,  qu'en  sa  qualité  de 
chef  de  la  gauche,  il  combattait  leurs  velléités  dospo- 
liijues. 

Il  s'avança  majestueusement  vers  la  tribune,  et  la 
gauche  battit  des  mains,  et  les  ministres  pâlirent  à  son 
aspect. 

«  Messieurs,  dit-il  d'une  voix  rotenlissantc,  le  droit 
d'association  en  lui-même  est,  je  ne  dis  pas  un  droit, 
mais  il  est  bien  plus  qu'un  droit,  bien  plus  qu'une  fa- 
culté :  c'est  une  nécessité,  la  première  de  toutes  les 
nécessités  sociales. 

«  Avant  votre  loi,  il  n'en  existait  pas  au  monde  qui 
eût  fait  celte  insulte  à  la  raison  et  à  la  civilisation  hu- 
maine, de  dire  que  le  droit  d'association  n'existe  pas 
dans  une  société.  » 

A  ces  belles  paroles,  les  Iri's-l/ien  éclatèrent  avec 
fracas. 

0  Qu'est-ce  que  vous  faites,  vous?  continua  le  célè- 
bre Barrol,  vous  allez  jusqu'au  droit;  vous  faites  ce 
que  la  législative  et  l'Empire  n'ont  jamais  o.sc.  Vous 


diles  :  «  Toute  association,  quel  que  soit  le  nombre  de 
membres  qui  se  réunissent,  est  prohibée  par  la  loi  et 
constitue  un  délit.  »  Vous  faites  une  loi  prohibitive  du 
droit  lui-même;  vous  poussez,  j'ose  le  dire,  jusqu'à 
l'absurde,  les  rigueurs  du  code  pénal  de  l'Empire.  Un 
pareil  outrage  ne  devait  pas  être  réservé  à  notre  révo- 
lution de  Juillet.  » 

Les  ministres  s'agitèrent  sur  leurs  bancs  comme  des 
accusés  qui  s'apprêtent  à  entendre  leur  sentence.  En 
effet,  le  célèbre  Barrot,  après  quelques  développe- 
ments fulminants,  la  prononça  en  ces  termes  : 

«  Nous  proposons  de  mettre  le  ministère  en  accusa- 
tion comme  coupable  : 

«  D'avoir  trahi  au  dehors  l'honneur  et  les  intérêts 
de  la  France; 

«  D'avoir  au  dedans  faussé  les  principes  de  la  consti- 
tution, violé  les  garanties  de  la  liberté,  et  attenté  aux 
droits  des  citoyens; 

«  D'avoir  insolemment  dépouillé  les  citoyens  du 
droit  inhérent  à  toute  constitution  libre  ; 

«  D'avoir  enfin,  par  une  politique  ouvertement  con- 
tre-révolutionnaire, remis  en  question  toutes  les  con- 
quêtes de  nos  deux  révolutions.  » 

Ces  mots  excitèrent  des  transports  d'enthousiasme  ; 
l'opposition  se  leva  comme  un  seul  homme.  Barrot  crut 
la  voir,  par  une  fusion  étrange,  s'unir  en  un  seul 
corps,  et  former  un  formidable  géant,  qui  saisit  les 
ministres  dans  ses  bras  robustes  et  les  jeta  à  la  porte. 
Une  vive  sensation  de  locomotion  rapide  réveilla  le 
dormeur.  0  surprise!  c'était  lui-même  que  l'on  chas- 
sait. Le  tribun  de  1848,  devenu  ministre  en  1849,  s'é- 
tait fait  condamner,  grâce  à  sa  propre  éloquence.  C'é- 
tait un  des  fragments  de  ses  propres  discours  qui 
avait  renversé  un  cabinet  dont  il  était  le  chef! 

Depuis  ce  jour,  maître  Odilon  croit  voir,  à  son  an- 
cienne place,  son  ombre,  son  double,  son  Sosie,  qui 
l'attaque  audacieusemcnt. 

Plein  du  souvenir  de  son  passé,  Odilon  paraît  acca- 
hlé  de  remords. 

Ce  n'est  pas  qu'il  regrette  d'enchaîner  leshiierles 
publiques,  d'être  hostile  aux  réformes,  de  s'incliner  de- 
vant l'austro-croatie. 

Il  se  repcnl  d'avoir  été  de  l'opposition. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SERIEUX. 


30?} 


ATTITUDE   DU    GOUVERNEMENT    DE    LA    REPUBLIQUE    FRANÇAISE    DEVANT    LES    ÉVÉNEMENTS   EUROPÉENS, 
n-:'  iné  p  r  Naiauu  Grave  par  Bai:lant 


L\  RLE  DE  POITIERS  DEMANDE  L'AUMONE. 


Pour  un  pauvre  coinilc,  s'il  vous  plaît!  N'oubliez 
pas,  âmes  charitables,  un  malheureux  comité  infirme 
et  aveugle  ! 

Le  comité  de  la  rue  de  Poitiers  va  ainsi  gueusant 
d'opinions  en  opinions,  des  légitimistes  aux  orléanistes, 
des  orléanistes  aux  lionapartisles.  Il  a  mis  une  sébile 
entre  les  dents  du  Constitutionnel,  et,  conduit  par  ce 
journal-caniche,  il  parcourt  toutes  les  rues,  faisant 
vibrer  la  clarinette  de  la  réaction  pour  attendrir  les 
cœurs  compatissants. 

Les  curés  recommandent  le  comité  de  la  rue  de  Poi- 
tiers au  prône. 

Ceux  qui  voudront  obtenir  l'absolution  de  leurs  pé- 
chés n'ont  qu'à  s'inscrire  sur  la  liste  de  souscription. 
Voici  le  tarif  des  indulgences,  réglé  par  le  révérend 
père  Thiers  : 

Pour  racheter  une  âme  du  purgatoire.       ."i  fr. 

Pour  faire  gras  le  veudredi 10  fr. 

Pour  être  dispensé  du  jeûne 10  fr. 


jNous  épargnerons  au  lecteur  la  nomenclature  des 
autres  cas  réservés.  Le  tarif  varie  de  cinq  francs  à 
vingt-cinq. 

De  plus,  on  a  organisé  des  quêtes  à  domicile. 

Les  journaux-quêteurs  s'introduisent  dans  toutes  les 
maisons,  sollicitant  des  secours  pour  la  propagation 
des  saines  doctrines,  pour  la  conversion  des  républi- 
cains, pour  l'œuvre  du  sacré-cœur  de  la  très-sainte 
Réaction. 

On  cherche  également  à  constituer  sur  le  modèle 
des  sociétés  bibliques  protestantes  des  sociétés  catho- 
liques pour  répandre  à  des  milliers  d'exemplaires  les 
œuvres  du  vénérable  père  Falloux,  défenseur  de  la  Foi 
et  sergent  de  la  très-sainte  Inquisition. 

Le  comité  de  la  rue  de  Poitiers  a  besoin  d'argent, 
de  beaucoup  d'argent.  Jamais  comité  n'eut  plus  la 
manie  décrire. 

Il  publie  des  manifestes,  des  journaux,  des  livres, 
vuire  même  des  caricatures,  il.   Cousin  a  composé 


ÔOO 


REVUE  COMIQUE 


d'admirables  cantiques  ((n'il  s'agit  de  iiieltre  en  circu- 
lation. Or,  tout  cela  coûte  fort  cher. 

Il  est  vrai  que  le  comité  coniptc  luMiicnup  sur  la 
vente  des  amulettes  qui  préservent  de  hi  Hépiiliiique, 
des  scapulaires  qui  ont  la  vertu  de  mettre  en  fuite  le 
socialisme,  des  chapelets  bénis  par  M.  Mole,  l.e  comité 
tient  également  en  réserve  des  morceaux  de  la  vraie 
simarre  de  M.  Hébert,  et  une  mèche  de  cheveux  de 
saint  Guizot,  ministre  et  martyr. 

Si  ces  moyens  ne  suffisent  pas,  le  comité  aura  re- 
cours à  des  ressources  plus  mondaines. 

Il  confpte,  par  exemple,  donner  un  grand  bal  au  Jar- 
din-d'Hiver,  suivi  d'une  tombola  dans  le  genre  de  celle 
de  Petit-Bourg. 

On  y  verra  réunis  des  lots  envoyés  par  la  duchesse 
d'Orléans,  par  le  duc  de  Bordeaux,  par  M.  Louis  Bona- 
parte. Ce  dernier  a  promis,  dit-on,  de  faire  cadeau  à 
la  tombola  d'un  exemplaire  de  ses  œuvres  complèles. 

Le  gros  lot  sera  représenté  par  le  sempiternel  plu- 
met et  les  incessantes  épaulettcs  du  Président  de  la  Hé- 
publique  française. 

M.  Léon  Faucher  s'est  empressé  d'accorder  l'autori- 
sation nécessaire  à  cette  magnifique  tombola. 

Les  journalistes  sans  emploi,  les  anciens  suppôts  du 
bureau  de  l'esprit  public,  les  invalides  des  fonds  se- 
crets,  les  vieux  de  la  vieille  politique  qui  voudraient 


s'utiliser  au  profit  des  saines  duclrines,  n'ont  ([u'à  se 
présenter  à  la  rue  de  Poitiers. 

Le  comité  veut  envoyer  des  missionnaires  en  pro- 
vince. 11  s'agit  de  réorganiser  les  anciennes  missions, 
et  de  planter  des  croix  électorales  dans  toutes  les  villes, 
bourgs,  bourgades,  hameaux  de  France,  et  de  prêcher 
l'évangile  selon  lesdeux  chambres,  leprésidentirrespon- 
sable  et  rééligible  à  volonté,  c'est-à-dire  la  monarehie. 

Dans  tontes  les  paroisses,  on  voit  maintenant  un 
tronc  pour  le  comité  de  la  rue  de  Poitiers. 

.Min  d'exciter  le  zèle  des  fidèles,  on  publiera  bientôt 
la  relation  exacte  d'un  miracle  dont  M.  Tbiers  a  été  le 
témoin,  et  qui  est  attesté  en  outre  par  un  très-grand 
nombre  d'autres  personnes  dignes  de  foi. 

Des  sourds  et  des  aveugles  ayant  touché  le  manifeste 
de  la  rue  de  Poitiers  ont  entendu  et  ont  vu  immédiate- 
ment. Des  paralytiques  ayant  été  soumis  au  même  trai- 
tement, se  sont  mis  à  danser  la  polka. 

Où  trouver  une  preuve  plus  manifeste  de  la  haute 
protection  que  le  ciel  accorde  au  comité  de  la  rue  de 
Poitiers? 

Souscrivez  donc,  royalistes  de  toutes  les  nuances, 
pour  la  sacristie  réactionnaire.  Pour  un  pauvre  comité, 
s'il  vous  plaît;  n'oubliez  pas,  âmes  charitables,  un  mal- 
heureux comité  composé  de  gens  qui  sont  presque  tous 
millionnaires. 


IL  LE  FALLAIT 


—  Vous  ne  cesserez  donc  jamais,  ô  Faucher  1  de 
sauver  la  République? 

—  Comment  I  que  voulez-vous  dire  ? 

—  Voyons,  ne  prenez  pas  ces  airs  modestes. 

—  Ma  parole  d'honneur,  je  ne  sais  pas  ce  que  vous 
voulez  dire. 

—  Ceci  est  trop  for(,  par  exemple! 

—  Je  ne  comprends  pas. 

—  Vous  aviez  déjà  sauvé  la  lîépuhliquc  le  i'.l  jan- 
vier. 

—  Je  l'avoue. 

—  Eh  bien  !  qu'avez-vous  fait  dans  la  nuit  du  2" 
au  2i  mars? 

—  Ce  que  j'ai  fait?  Attendez  donc...  Je  me  suis 
couche,  autant  ipi'il  m'en  souvient,  et  j'ai  dormi  [iio- 
fondement. 

—  Allez  donc  ! 

—  Parole  d'honneur. 

—  Puisqu'il  le  faut,  je  vais  vous  le  dire.  Dans  cette 
nuit  mémorable,  vous  avez  mis  sur  ]iied  toute  la  gar- 
nison de  Paris. 

—  Vous  croyez? 

—  J'en  suis  sûr.  J'ai  rcuconiré,  celte  nuit-là,  en 
revenant  de  soirée,  un  bataillon  tout  entier  (|iii  (Uait 
enrhumé  du  cerveau. 


—  Qu'importe  un  rliunie  de  cerveau,  (]uand  il  s'agit 
de  sauver  l'Etat! 

—  Vous  l'avouez  donc? 

—  Quoi? 

—  Que  l'Élal  a  été  de  nouveau  sauvé  par  vous. 

—  FJi  bien,  oui,  jiuisque  \ous  m'y  furccz. 

—  C'était  liien  la  peine  de  tant  me  faire  attendre 
cet  aveu. 

—  Je  SUIS  modeste. 

—  Soit.  Mais  vous  avez  beau  faire,  vous  ne  par- 
viendrez pas  à  vous  dérober  à  la  reconnaissance  pu- 
blique. 

—  On  lu'  peut  pas  prolester  conlrc  la  graliUide  de 
son  siècle. 

—  >on,  sans  doule.  Mais  jjiiisqne  l'aveu  est  fiit, 
donnez-moi  ([uclques  détails  sur  ce  nouveau  sauve- 
tage. 

—  Voici.  I.'livdre  de  l'anarchie  devait  montrer  <le 
nouveau  ses  lèles  meuaçanles,  dans  la  uuil  du  i7)  au 
iï  mars. 

—  Pciuiellez-mui  une  ubservaliim,  ô  Faucher! 

—  F.iiles. 

—  D'ahord  les  hydres,  qui  sont  de  l'espèce  du  ser- 
pent, ne  se  montrent  jamais  la  nuit;  c'est  contraire 
aux  plu-  simples  tujtions  d'hisloiie  naturelle. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉUIEUX. 


507 


—  1.0  |H'ic  (iarlirr  m'a  |iciiirlaiit  (loiiiio  sa  |iaiip|i' 
tl'IioiiiK'iic  (lu  l'diitiaiii'. 

—  Le  pi'if  (lailu'i  ii'\  l'iili'iiil  lien.  Liisuile,  vous 
abusez  tiup  (le  l'iiydie  de  rauaiiliic  ;  e'est  une  iiiéla- 
pliore  usée  par  le  Jtmnml  des  iJéhuts.  Il  n"y  a  |)Uis 
que  le  Constitutiiimiel  e(  volie  Moniteur  <|iii  s'en  si.'i- 
vent  à  l'heure  ([ii'il  ot. 

—  Je  croyais  ijue  cela  ne  faisait  pas  encore  trop  mal. 

—  Erreur!  Enfui,  pour  terrasser  l'iiyilre,  \ous  a\  .ù 
mis  toute  la  jiurnison  de  l'arissnr  pied. 

—  Il  le  fallait. 

—  Vous  avez  envoyé  ciiniuanle  mdli;  hommes  en 
patrouille,  la  nuit,  pour  terrasser  .M.  l'roudlion, 
qui,  à  la  même  heure,  dormait  tranquillement  dans 
son  lit. 

—  Il  le  fiillait  encore! 

—  Et  |)ar  ce  déploiement  de  forces,  vous  avez  jeté 
l'alarme  dans  le  commerce  parisien,  et  retardé  la  re- 
prise des  afîaires. 

—  Cruelle  nécessité! 

—  Réponse  suhlime!  .\pprochez-vous,  ô  Faucher! 


i|ne  |e  vous  pose  sur  le  front  une  couronne  de  chêne. 

—  Je  suis  trop  maigre, 

—  On  peut  iMre  maigre  et  sauver  la  société.  Vous 
avez  méiili'  la  coin-omie  de  chêne,  je  la  pose  sur  votre 
fronl,  \lan  ! 

—  (li'^t  la  couionne  du  citoyen  ;  à  ce  titre,  je  l'ac- 
cepl... 

—  (le  n'ol  |ias  tout. 

—  Vous  allez  me  faire  rougir. 

—  Il  vous  faut  maintenant  une  couroimc  Irioin- 
pliule,  une  couronne  de  laurier.  Ohé,  les  autres!  est- 
ce  i|ue  le  laurier  ne  fleurit  plus  sur  la  terre  de  France? 
Ajiportez-en  à  pleines  mains;  du  lauriei-  pour  Fau- 
cher 1  S'il  n'en  reste  pas  assez  pour  accommoder  les 
jamhons,  on  se  passera  de  jamhons.  Voici  la  couronne 
de  laurier,  posons-la  sur  la  tète  de  Faucher,  vlan! 
Maintenant,  ô  Faucher!  vous  avez  sauvé  la  patrie, 
laissez  dormir  la  garnison  de  Paris;  si  vous  continuez, 
que  restera-t-il  à  faire  aux  ministres  qui  viendront 
après  vous?  Et  nous,  mes  amis,  séparons-nous  au  cri 
de  Vive  Faucher! 


GR.VND    TOIRNOI    FINANCIER    A    \K\\^    COIBTOI-ES 


Camp  de  tjnuchr, 
commandé  par  le  paladin  Gcudchaii 


Camp  de  droiU, 
naitde  par  le  preux  Thit 


les  coups  portent.  .  sur  les  écos  seulement,  et,  grâce  aux  efforts  du  camp  de  gauche,  il  en  restera  pas  mal  sur  le  carreau, 

aux  applaudissements  des  contribuables. 
rBERTiiL.  Gravé  par  Baitlant. 


508 


itKviii<;  co.MiQi;!-: 


LA  l'IIDELT,  DE  M.  TIlIRllS. 


Il  iKirail  (]iio  M.  ('iiii/.iit  et  M.  llélicrl  mil  pris  au 
sérioiix  le  inaiiilosla  du  coiniti;  de  la  nio  do  Poitiers, 
et  qu'ils  se  portent  candidats  pour  les  prochaines  élec- 
tions, le  ])i-eniier  à  l.isieux,  le  second  dans  le  déparle- 
ment de  l'Eure. 

Pourquoi  pas  "? 

Le  fameux  manifeste  faisait  un  appel  à  tons  les  dé- 
vouements douteux,  à  tous  les  égoïsmes,  à  tous  les 
principes  usés,  à  toutes  les  idées  fausses  et  conti-adic- 
loires  qui  ont  amené  tant  de  révolutions  et  d'émeutes. 
Les  légitimistes,  les  lionapartistes  et  les  doctrinaires 
étant  convoqués  à  une  grande  scène  d'embrassemonl 
général  dans  la  rue  de  Poitiers,  il  manquait  SE  Guizot 
et  .M.  Hébert  à  celte  suprême  coalition  de  ces  brillants 
chefs  de  partis  qui  comptent  leurs  cimpasines  par  Ilmics 
défaites. 

Mais  voici  que  la  fusimi  va  maiiijiirr  par  la  finie  de 
M.  Thiers. 

M.  Thiers  trouve  immoral  que  M.  Guizot  se  porte 
candidat  à  Lizieux  et  que  M.  Hébert  sollicite  les  suf- 
frages des  électeurs  de  l'Eure.  Que  pciiscz-vous  de 
cette  plaisanterie  '.' 

M.  Thiers  se  permeltant  de  trouver  qiiel(|iic  chnse 
d'immoral  en  polilique  !  JE  Thiers  déclarant  ([iie  les 
prétentions  des  deux  anciens  ministres  de  l^ouis-Pbi- 
lippe  lui  font  monter  le  ronge  au  front  !  Le  front  de 
AL  Thiers  !  Le  l'ouge  de  SE  Thiers  !  Que  vous  semble 
de  ce  rouge  '?  C'est  peut-èlre  bien  le  même  dimt  se  bar- 
l)onillent  les  comédiens  dans  les  coulisses.  Ah  !  le  bon 
l'ouge  que  celui-là  ! 

Pour  savoir  à  quel  point  AL  Thiers  est  amusant  avec 
son  rouge,  il  faut  lire  le  Courrier  français  f|ui  reçoit 
les  inspirations  du  petit  Talleyrand  de  la  place  Saint- 
Georges  depuis  sa  brouille  avec  le  Consdtuiionnel  ;  car 
c'en  est  fait,  comme  vous  ne  l'ignorez  pas,  M.  Véron 
chante  vainement  depuis  un  mois  le  Veni ,  sancte  spi- 


ritiis!  L'esprit  saint  s'est  retiré  de  M.  Véron  et  de  cette 
vaste  maison  Pape  où  s'imprime  le  Cons/i/iitionnrl  et 
où  se  fabriquent  des  pianos. 

Le  Courrier  français  est  d'une  ironie  cruelle  à  ce 
sujet.  Avec  quelle  malice  il  gouaille  le  Constitutionnel 
que  le  Saint-Esprit  a  abandonné  pour  descendre  sur  la 
tèto  du  baron  Nivière,  lequel,  certes,  en  avait  besoin  ! 
Le  Courrier  allait,  l'autre  jour.  jus(|u'à  dire  que  de- 
puis la  sortie  de  M.  Thiers  de  la  maison  Pape,  tout  y 
allait  mal,  jusqu'aux  pianos. 

Mais,  pour  en  revenir  aux  rougeurs  de  M.  Thiers, 
c'est  au  Courrier  qu'il  faut  en  demander  des  nouvelles. 
C'est  ])ar  l'intermédiaire  de  ce  journal  que  M.  Thiers 
communique  aux  électeurs  la  triste  impi'cssion  pro- 
duite sur  lui  par  les  candidatures  de  \\.  Hébert  et  de 
JE  Gnizol. 

Oser  rentrer  dans  la  vie  piditiijiie  !  s"écrie-t-il,  quelle 
impudeui'  ! 

Lisez  :  —  Quoi  !  reparaître  tout  à  coup  sur  la  scène 
pour  m'enlever  le  premier  rôle,  pour  me  faire  per- 
dre le  fruit  de  six  mois  d'intrigues  !  se  servir  de  ma 
patic  pour  tirer  les  marrons  du  feu  !  quelle  abomina- 
tion ! 

Le  baron  JNivière  n'en  rexicnt  pas,  (jouicpie  le  Saint- 
Esprit  soit  descendu  sur  lui. 

Espérons  que  M.  Guizot  et  M.  Hébert  ])ersîsteront 
dans  leur  impudence,  et  que  M.  Tliiers  rougira  jusqu'au 
bout.  \\\\  tout,  nous  aimons  les  situations  bien  délinies, 
ce  qui  fut  que  nous  détestons  les  doublures.  11  y  a  en- 
core (les  gens  à  qui  l'on  ne  ferait  pas  comprendre  que 
JE  Odilou-Barrot  est  la  doublure  de  M.  Thiers,  qui 
n'est,  lui-même,  que  la  doublure  de  JE  (jiiizot.  Avec 
le  nom  de  M.  Guizot  dans  un  ministère,  il  n'y  aura 
pas  d'ambiguilé  possible,  et  l'on  saura  du  moins  où  nous 
marchons.  Vive  donc  M.  Guizot,  (juoi(iu'il  doive  en 
couler  à  la  pudeur  de  SE  Thiers  ! 


VIO EETTES  PA R LEM  E ^  !  A 1 1 ;  i;S. 

LSOl'iSSKS   NON    l'OLITIQlES 
IV. M.    DE   KEUIll.ll  . 


Il  est  Breton,  mais  il  est  gentilhomme,  et  quehpie 
chose  C(mime  ancien  élève  de  l'école  des  Chartes. 

M.  de  Kerdrel  remplit  à  l'Assemblée  nationale  la 
spécialité  do  la  violette  turbulente,  agitée,  causeuse, 
importante,  tracassière  et  discoureuse.  M.  de  Kerdi'el 
se  mêle  à  toutes  les  discussions,  prend  des  jioses  de 
Napoléon  parlementaire  et  fourre  son  mot  et  sa  per- 
sonne partout.  Finances,  |)oliti(|UC  générale,  travaux 
publics,  commerce,  administration,  rien  ne  l'effraie; 
il  a  l'audace  d'un  myope  et  l'aplomlid'un  sourd.  C'est 
une  violette  qui  a  perdu  son  paifiini. 


Ce  ij'.i  i  manqué  en  général  aux  coiisci'ils  de  la 
conslitiui.ie,  c'est  la  modestie...  La  plupart  se  sont 
pi'ésenl  laiis  la  lice,  dès  le  premier  jour,  bardés  d'a- 
mendements, cuirassés  do  propositions  et  armés  de 
phrases  apprises  par  cœur  damAus  pièces  de  bœuf  du 
journal  du  chef-lieu.  J'ai  vu  M.  de  Dampierre  à  la  tri- 
bune, hélas!  et  SE  Poujoulat,  holà!  et  M.  Slorin  (de 
la  Di'oine),  le  même  i]ui  omettait  généreusement  la 
proposition  que  les  représentants  ne  fussent  pas  payés, 
lui  qui  n'a  (jue  trois  ou  quatre  millions  do  fortune,  et 
SE  de   La  :ssat,  ce  jeune  vieux  spurtman  blanchi  sous 


A  i;usa(;k  di's  ckns  sfimiaix. 


300 


le  harnais  de  la  Cioix  de  Berny,  qui  a  éludic  la  poli- 
tique au  jokey-ilnl),  ol  tant  a'u.lns,  .lunt  j'ai  mil.lié 
le  nom  et  les  ligures...  de  rlu'l.in<|in'. 

M.  de  Kerdrel  résume  à  lui  seul  lnutes  ces  amlii- 
lions  loquaces,  impatientes  de  se  produire;  il  parle,  il 
parle,  et  l'Assemlilée  parle  aussi.  C'est  le  n.omeul  où 
les  représentants  courent  de  banquette  en  hamiuette, 
s'informent  de  leur  santé,  se  demandent  réciproque- 
ment  des  nouvelles  de  leurs  femmes,  de  leurs  enfants 
et  de  leurs  électeurs.  M.  de  Kerdrel  va  toujours,  s'api- 
tant  dans  le  vide,  remuant  les  bras  comme  un  lélé- 
{vraphc,  et  ayant  toujours  l'air  de  prendre  les  mou- 
ches au  vol.  11  reste  à  la  tribune  une  heure,  une  heure 
et  demie,  et  il  s'y  incrusterait  jusqu'à  la  lin  de  la 
séance,  si  M.  le  président  Marast,  ennuyé  du  murmure 
monotone  de  la  jeune  Aréthuse  parlemeulaire  ,  ne 
prenait  le  parti  de  fermer  ce  robinet  de  mots  qui  n'ont 
jamais  pu  parvenir  à  former  une  phrase  quelconque. 
Personne  ne  cultive  la  métii)hore  comme  M.  de 
Kerdrel.  Cet  aimable  herborisateur  politique  et  litté- 
raire ramasse  toutes  les  fleurs  et  toutes  les  herbes  rbé- 
toriciennes  qu'il  rencontre  sur  la  roule  de  son  dis- 
cours. Puis  il  mêle  le  tout,  et  jette  bravement  son 
bouquet  à  la  tète  de  ses  collègues. 

Voici  quelle  est  la  formule  ordinaire  des  discours  du 
jeune   orateur.    Nous  copions  le  procés-verbal  de  la 

séance  : 

M.  DE  KERDREL.  —  Tu  houime  d'Klat  doit  tenir  d  un 
nied  ferme  le  gouvernail  du  gouvernement. 

M.  D'iuia.vMBALT.  —  Très-hieu  ! 

M.  PF.  KEKDiiEL,  coTit i iiuaiit .  —  U  faut  q-ie  le  vais- 
seau de  l'Ktat,  qui  a  sombré  sur  l'océan  des  mauvaises 
passions,  soit  ramené  triomphalement  an  port  sous  l'é- 
gide de  la  raison. 

M.  D'iiÉRAMBAtT.  —  Et  de  la  liberté. 

M.  CE  KERDUEL.  -  Jc  forai  remarquer  à  Tlionorable 


inlcrrupleiir  que  c'est  ainsi  que  je  voulais  achever  ma 
pensée,  s'il  ne  m'avait  pas  interrompu.  Je  continue. 
t;.\K  voi\  DANS  i.K  FOND.  —  Assez  !  asstz,  ! 
M.  UK  KB«nnF.i..  —  Monsieur  le  p.ésideni,  faites  res- 
pecter la  liberté  de  la  tribune. 

H.  MAHU.vsr,  fjiii  sunimeille.  —  On  y  va. 
>i.  r.K  KKiviuiRi-,  reprenant  la  suite  de  son  improvisa- 
ti„„.  —  Où  allons-nous?  Nous  allons  à  l'abîme  1 
M.  i.'Hi'iiAMiiArT.  —  Très-bien! 
M.  i,E  KBaouEL.  —  Oui,  l'abimc  est  creusé  sous  nos 
pas,  et  il  ne  pourra  être  comblé  que  jiar  notre  patrio- 
tisme. 

M.  i)'iiÉ»A>iiiAir.  —  Bravo! 

M.  DE  KEKDREL.  —  Ce  que  je  vous  dis  est  grave, 
très-grave.  Tous  les  hommes  sérieux  doivent  réfléchir 
prufondéiiientà  celte  question  incandescente  qui  nous 
occupe,  et  dont,  etc.,  etc. 

Cent  représentants  se  promènent  dans  les  couloirs; 
ks  uns  causent,  les  autres  dorment.  M.  d  Héraïubaut, 
seul  placé  au  pied  de  la  tribune  comme  une  cariatide, 
écoute  avec  la  plus  grande  attention.  Il  pense  en  lui- 
même  que  M.  de  Kerdrel  est  un  orateur  du  plus  grand 
avenir. 

Quand  M.  de  Kerdrel  descend  de  la  tribune,  il  se 
serre  la  main,  se  complimente  et  retourne  à  son  banc 
au  milieu  du  murmure  flatteur  de  sa  propre  appro- 
bation. 

M.  Marrast  se  lève  alors,  et  dit  avec  un  perlide  sou- 
rire qui  se  joue,  sous  sa  moustache  :  «  Quelqu'un  veut- 
il  réponilre  à  M.  de  Kerdrel?  » 

Alors,  un  won  colossal  s'échappe  en  même  temps  de 
neuf  cents  poitrines. 

C'est  majestueux  comme  une  explosion. 
M.  de  Kerdrel  remonle  le  lendemain  à  la  tribune  et 
obtient  toujours  le  même  succès. 

Signes  particuliers  :   M.    de  Kerdrel  est  blond  et 


310 


REVUE  COiMIQL'E 


fado,  il  a  un  lialiit  Iileu  cl  un  panlalon  jaune.  Voilà 
])our  le  rrioial.  Il  n'unlilic  jam:  is  fie  Tiiarchor  dans  la 
rue  avec  sa  roselle  de  leprésen  lanl,  et  il  tient  sous  sou 


l.ras  un  portefeuille  rouge  pour  se  persuader  qu'il  est 
aus-i  ministre  i[ne  M.  Léon  Faucher  ou  nue  tout  autre 


rp.FPAnMils  !)[■;  ccKiiiu:. 


A  la  dernière  rcuiiion  du  couiitc  de  la  nie  de  l'oi- 
liers,  M.  Tliiers  prit  la  parole  : 

«  Messieurs,  dit-il,  la  campagne  électorale  va  com- 
mencer, il  faut  songer  à  nos  préparatifs  militaires. 

«  Nous  avons  di^à  des  journaux  graves  qui  rejiré- 
sentent  nos  idées,  je  les  comparerai,  si  vous  voulez 
bien  le  permettre,  aux  éléphants  armés  en  guerre  qui 
faisaient  partie  autrefois  des  légions  romaines.  Le  Coii- 
slitutionnel,  par  exemple,  est  un  éléphant  ; 

«  Le  Journal  des  Di'bats  —  éléphant  ; 

«  Le  Courrier  Français  —  éléphant  ; 

«  La  Patrie  —  éléphant; 

»  V Assemblée  nationale  —  éléphaiil. 

«  Je  passe  les  autres  sous  silence.  Nous  avons  heau- 
coup  d'éléphants  qui  appesantiront  leurs  trompes  sur 
les  candidats  républicains.  Mais  vous  savez  que  sur  le 
dos  de  leurs  éléphants,  les  Romains  plaçaient  des  guer- 
riers armés  de  flèches  et  de  javelots.  C'est  par  une 
imitation  du  même  usage  que  l'on  voit  encore  des 
singes  sur  le  dos  des  chameaux  que  l'on  montre  dans 
les  nies.  Profitons  de  cet  exemple. 

«  Mêlons  l'agréable  à  l'utile,  le  badin  au  sérieux. 
Pendant  que  nos  éléjdiants  fraoperont  de  la  trompe  sur 


les  candidats  dévoués  à  la  République,  il  faut  que 
ceux-ci  soient  encore  assaillis  d'une  grêle  de  carica- 
tures et  de  mots  ])our  rire.  Appelons  à  mitre  aide  les 
crayons  et  les  plumes  légères. 

«  Messieurs,  ne  laissons  point  perdre  les  traditions 
de  la  franche  gaieté.  Depuis  le  jour  où  nous  nous 
sommes  tant  amusés  à  Grandvnux,  qui  peut  se  flatter 
en  France  d'avoir  ri?  Eh  bien,  notre  succès  est  là.  » 

Cette  proposition  de  M.  Thiers  obtint  le  plus  gran.l 
succès,  et  il  fut  décidé  qu'on  ouvrirait  immédiatement 
une  .souscription  poiu'  publier  des  caricatures  et  des 
brodiures  satiriques  contre  les  candidats  républicains. 

«  Autre  proposition,  reprit  .M.  Thiers.  Pour  frapper 
un  grand  coup,  il  ne  faut  pas  reculer  devant  l'idée  de 
vendre  nous-mêmes  ces  caricatures  sur  la  voie  pu- 
blique, chacun  à  tour  de  rôle.  Je  commencerai,  en 
mettant  un  faux  nez. 

—  Si  vous  mettez  un  faux  nez,  oii  sera  le  mérite? 

—  11  s'agit  d'être  cocasse  avant  tout,  et  mon  faux 
nez  attirera  la  foule.  » 

L'idée  parut  excellente. 

«  M.  Mole  babille  en  femme  produirait  aussi  quel- 
que etfet,  »  reprit  M.  Thiers. 


lA    VIE    PUBIIQUE    IT    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    RÉAC. 

ChaP     n\.~LaJnrt„„esm,ril  à  ses  efforts  ,„d„slTich  el  pl„lanll,n.i,iques. 


Effets  du  ho- , 

sur  les  maladeiï  soumis  a 
Avan*. 


Ce  magnifique  succès  vaut  à  mos- 
Bieii  Réac  la  dignité  d'adminis- 
trateur des  hosDices  et  de  membre 
du  bureau  de  bienfaisance. 


A  I  isv(.i;  i)i:s  crcNs  sKriicux. 


511 


.M.   Ml. le  \oiiliil  |ii-.ili'^liT,  111,11-  lr>  .icclaiimlii)iisft 

li's   nivs  ,!,•   r.i.- |,|,v  lui   cniiiinr.iil    la  iiaroli;.   On 

s'ciilc'ii,lil  ,'ii>iiiii'  Mil-  |,.s  il.-iiiMMiicnls  des  iiiili-fs 
nit'MilHcs  (il'  h  uMiiii.iii.  M.  Viiinr  lliij,r,j  pndoi-a, 
illt-nii,  l:i  ir,hii-H(c  a  l.raililclioin-s  ri  |,,  ,  iiln||,.  iaim,. 
lies  li,iiihailoiii>  ,!,•  llii'àdv. 


I.i's  ratiiliil.ils  ic'|tiililicaiiis  sont  aveilis  :  le»  colisa- 
tioiis  des  iiii'Milires  lin  ruiiiilc  sont  vimsi's,  les  pliitnes 
sont  priMc's,  les  crayons  sonl  taillés,  el  la  première  luo- 
elmie  va  paraître;  elle  sera,  dil-oii,  i-iitiéreinent  coiii- 
posi'e  (il!  calemlionrf.'s  de  M.   Iinijui. 


i.  liOMMI     |\\  IMI;|,|;. 


Depuis  que  les  rocors  sont  entrés  en  caiiipagne,  et 
ipTils  ciK-iciient  du  gii)ier  pour  Clicliy,  on  voit  se  nuil- 
liplier  un  Ijpe  inii  devenait  ran;  ;  celui  de  riioiiiine 
mvisihle. 

On  appelle  ainsi  nn  iiidi\idii  (|iii  e>l  Idiijinirs  chez 
lin,  etipii,  par  Cijnséi|nfMl,  ]\'\  c<l  jainais. 

On  pent  être  amené  à  cet  état  par  diverses  circon- 
stances :  par  la  misanthropie,  par  nn  tempérament 
d'immorisle,  par  l'anionrde  l'élude  et  du  travail;  mais 
la  |)nneipale  cause  délermiiiaiile  est  le  nmiihre  des 
ci-eanciers. 

L'appartement  de  l'Iioninie  iii\isilile  est  dus  avec  le 
plus  grand  soin.  Sonnei,  frappez;  le  tintement  de  la 
soni.ette,  vigoureusement  ébranlée,  le  bruit  pesant  du 
marleuLi,  troublent  d'abord  le  silence  du  logis.  Kniiu, 


«  -Monsieur  y  est-  il  ? 

—  Il  est  s.irli. 

—  Diable!  diable  1  vuiià  vin;;!  cinij  fi.is  (|iii' je  viens 
pour  le  renconlier. 

—  C'est    éloniiaiill    .Muiisienr  y    e.-t    picsijuc  tmi- 
jiuirs. 

—  .\  quelle  heure  le  liiune-l-uu? 

—  Tous  les  jours,  depuis  miiiiiil  |us(|ii'à  >i\  heures 
du  malin.  Si  MoiiMcur  voulait  laisser  son  nom'.' 

—  ("est  luulile;  Je  repasserai.» 

Nous  revenez  le  lendemain  ,   dès  la  puiule  du  |ijur, 
et  vous  répétez  votre  iuvarialile  interriii;atiiiu  ; 
«  Monsieur  y  est  il? 

—  Je  ne  sais  pas  ;  je  vais  voir.  » 
La  bonne  pénètre  alors  dans  la  pièce  voisine,  et  re- 


a  force  de  vacarme  ,   vous  attirez  une  servante  ,  qui,  ,   parait  au  bout  d'un  quart  d'heure,  pendant  lequel  von 

s  avançant  avec  circonspection,  entr'onvre  nn  vasistas  j   vous  morfondez  sur  le  palier. 

pratiqué  dans  la   porte  ;   elle  uionlie   le.vlrémité  d'un  \        «  Monsieur  n'est  pas  à  Paris.  Hier,  en  rcnliaut,  il  a 

nez  bourgeonné,  et,  muette,   vous  contemple  d'un  air  trouvé  une  lettre  qui    l'a  forcé  à  pailir  de   s'iile  à  la 

de  deliance.  campagne  pour  une  affaire  m-eiile.  « 


X.A    VIZ    PCBriQCE    ET    PRIVÉE    SE    MOSSIEU    HÉAC. 

Cii;.!-.  IV.  _  J-,.,l„He  ,Ml,tiq„.:.  -   C,  ,l,.s  S-^TlsF.\lT-. 


Et  plus  Jaloux  que  j 

tout  entier  à  son  pays, 

mossieur  Réac  se  présente  aux  électeurs 

comme  cantiidat  à  la  députatioii. 


312 


IIEVUE  COMIQUE 


Vous  vous  prcscnlericz  au  milion  de  lu  miil,  qu'au 
nsque  de  faire  passer  le  mailio  pimi-  .m  vagabond,  la 
bonne  répondrait  toujours  :  «  Monsieur  n'y  est  pas.  » 
C'est  son  incviiable  refrain. 

Lorsque  des  affaires  urgentes  vous  font  obtenir  de 
l'homme  invisible  un  rendez-vous  à  domicile  ;  lors- 
nue  après  une  active  correspondance  il  consent  à  lever 
la  consigne,  que  de  peines  pour  pénétrer  dans  l'impé- 
nétrable sancluau-e  !  S'il  n'a  pas  choisi  l'instant  même 
où  il  doit  vous  attendre  pour  être  réellement  absent, 
que  d'hésitation  de  la  part  de  la  bonne  avant  de  vous 
laicscr  franchir  le  seuil  ! 

«  Monsieur  n'y  est  pas,  »  répond-elle  d'abord  ma- 
chinalement. Et  vous  seriez  encore  repoussé  avec  perle, 
s'il  ne  paraissait  lui-même  pour  invalider  l'assertion 
de  l'opiniâtre  camériste. 

Ou  bien  celle-ci.  se  précipitant  sur  vos  traces,  vous 
rejoint  tout  essoufflée  au  milieu  de  la  rue  ;  et  au  mo- 
ment oîi  vous  cheminez  en  maudissant  l'invisible,  elle 
vous  console  par  ces  mots  inattendus:  «Monsieur, 
je  m'étais  trompée  ;  Monsieur  y  est.  » 

Des  célibataires  invisibles,  qui  n'ont  pas  de  domes- 
tiques, prennent  le  parti  de  ne  jamais  ouvrir  leur 
porte.  Quelques-uns  poussent  l'astuce  jusqu'à  recou- 
rir à  des  déguisements.  Sitôt  qu'ils  entendent  frapper, 


ils  mettent  un  faux  nez  et  des  lunettes  vertes,  endos- 
sent un  uniforme,  une  blouse,  ou  même  une  soutane, 
et  se  présentent  à  la  porte  entrebâillée. 

«Monsieur  X...?  dit  le  créancier. 

C'est  plus  haut,  »  répond  brusquement  l'homme 

invisible.  Et  il  referme  brusquemeut  la  porte. 

Malheureusement  ces  ruses  sont  connues  :  les  li- 
miers de  la  finance  sont  adroits;  et  après  une  lulle 
courageusement  soutenue,  l'homme  invisible,  qui  aime 
tant  la  solitude,  va  la  trouver,  complète  et  sans  mé- 
langes, dans  une  cellule  de  Clicliy. 

Un  autre  type  d'homme  invisible  ,  non  moins  ré- 
pandu, c'est  le  personnage  politique  :  il  est  représen- 
tant du  peuple,  ))résident  ou  rapporteur  de  nombreuses 
commissions,  membre  du  conseil  des  hôpitaux,  directeur 
de  plusieurs  insttutions.  Aussi  est-il  harcelé  de  sollici- 
teurs, qu'il  se  garde  bien  de  recevoir.  Quoiqu'il  prenne 
amplement  le  temps  de  déjeuner  et  de  dîner,  il  n'a  pas 
celui  d'accueillir  les  pétitionnaires,  tant  il  est  accablé 
de  besogne.  Parfois  il  daigne  indicpier  une  heure  de 
réception:  on  peut  le  voir  le  matin,  de  cinq  à  six  ; 
mais  à  six ,  six  heures  cinq  minutes,  il  a  déjà  dis- 
paru. Son  but  principal  est  d'avoir  une  antichambre 
encombrée  et  d'acquérir  une  haute  réputation  de 
crédit. 


Mercredi  dernier,  le  socialisme  a  comparu  en  cour  1  ordinairement  assez  restreint  des  banquettes  accordées 
d'assises  dans  la  personne  de  M.  Proudhon.  La  vieille  an  beau  sexe  avait  été  augmente  ;  les  avocats  se  pres- 
Thémis  avait  fait  des  frais  pour  le  recevoir  ;  le  nombre   |   saient  partout  ;^plusieurs^presentants  du  peuple,  des 

tA    VIE    PUBlIQtJE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    B.ÉAC. 

CUAP.  IV-  —  Fortune  palitique.  —  t'n  des  satisfaits. __^ 


...et  qu'on  peut  m  passer  de  boUes. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


écrivains  (le  lii  pfcssc  Sdciali^i',  l'iilianiiii'i]!  Ii^  |irr- 
VLMiii;uii  Ciisiiil  ijtiuiiu  (li'piii:;  liiiil  liciiiis  du  inalin 
pour  oiilior  dans  la  salle  d'aiiilii'iicc. 

M.  l'niiidhoii  est  le  lion  du  iiidinciit,  cl  voilà  (h'jii 
liicii  longtiMn|)s  (|ii(!  sa  vogue  duie.  On  pouvait  rire  et 
plaisanter  à  son  sujet,  et  certes  on  ne  s'en  faisait  guère 
liuite;  mais  sa  coTulanination  le  soustrait  niaiuteuaul 
aux  attaques.  Pour  atteindre  sa  |)ersoime,  il  faudra  au- 
joiu-d'liui  passer  par  dessus  le  lion  goût  et  les  coiive- 
naiiies.  —  Trois  ans  do  |)rison  !  c'est  peut-être  la  cnn- 
dainnation  la  plus  rude  ([ui  ail  clé  prononcée  en  ma- 
tière de  presse.  Est-ce  ainsi  (pie  l'iiii  prétend  proléger 
le  droit  de  discussion. 

M.  Madier  de  Monjau  a  présentii  la  défense  du  ré- 


ilaclenr  en  chef  du  jonrnul  le  Peuple,  avec  beaucoup 
de  talent  et  une  véritable  éloquence.  M.  Proudlion  a 
pris  la  parole  à  son  tour  et  s'en  est  servi  avec  franciiisc 
et  dignité  pour  explii|ner  sa  iiosilinn  au  jury.  M.  le 
président  Harlion  n'a  point  permis  à  l'nLitr  indc  tiailer 
la  ([ueslion  du  socialisme. 

Il  est  certain  que  M.  l'roudlMu  a  \oulu  interpréter 
la  Oonstilulion  à  .«a  manière,  au  sujet  de  la  res])onsa- 
bililé  du  l>n;sident  de  la  République.  I.e  jury  a  dé- 
claré ipi'il  s'était  trompé;  mais  celle  interprétation  est 
un  droit  de  tous  les  citoyens,  et  il  est  bien  malheu- 
reux que  nos  mœurs  politiques  soient  eicore  barbares 
et  incultes  à  ce  point,  que  l'erreur  en  pareille  matière 
devienne  forcément  un  délit. 


Deux  miiiislrt's  divers  de  la  ville  clcnicllo 
Soiil  à  P.u'is  eu  col  instanl; 
L'rin,  envoyé  par  la  Rome  nouvelle. 
Du  peuple  était  naguère  un  coni ballant  ; 
L'antre,  que  le  Nonce  on  appelle 
Du  I';ip  •  est  le  représentant, 
l'.iiu'  le  clioix  de  l'un  d'eux,  s'il  .s'agissait  de  volf 
I.'tioninie  d'épée  aurait  le  mien; 
Ceux  ipii  sont  pour  la  mître...  eli  liicn! 
A  eux  Ia  calotte. 


SCR    M.    UnoUIN    DE    L  UCÏS,    AîiClEN    PRIX    DUOX.NEtlI. 

Drouin  de  L'Huys,  fidèle  à  son  système. 
Ne  dira  rien,  dil-il...  Quelle  obstination  ! 
Ce  jeune  homme,  si  fort  en  thème, 
Ne  change  pas  de  version. 


A  la  gendarmerie,  et  cela  se  con(;oit, 
On  a  du  vieux  Cujas  donné  l'Iiôtel  antique. 
D'être  très-conséquent  à  Bourges  on  se  pleine  : 
Les  gendarmes  aus^i,  de  nos  jouis,  loiit  du  dsoil. 


l'aiivrd  Lacrosse,  hélas!  (iiielle  triste  semaine! 
Ses  calculs  de  budget  par  Stouiin  sont  renversés; 
Pour  lui  quelle  galère  !  Il  sue,  il  se  démène. 
Ut  ses  travaux-publics  sont  ses  travaux  forcés. 


PATRIOTISME    DES    BOCRSIEBS. 

On  jouait  à  la  hausse,  alors  que  sans  ressource, 

Albert  était  trahi  par  le  sort  des  combats; 

Les  désastres  publics  sont  colés  à  la  Bourse; 

Plus  les  fonds  nioiitent  haut,  plus  nous  descendons  las 


I.A    VIE    FUBAIQUE    ET    PRIVÉE    SE    MOSSIEV    RÉAC. 

CiiAP.  IV.  —  Fortune  polilique.  —  Un  des  .satisf.uts. 


:  est  décoré 
par  le  gouvernement  ami  de  Vordrr. 
qui  le  snrts/a'' de  plus  en  p!us. 


Il  danse  avec  salisfaction  au  bal  de  la  ccur 


Il  est  plus  satisfait  que  jamais 

de  se  voir  nommer  préfet 

dans  les  premiers  jours  de  1848. 

(ta  suite  à  la  prochaine  livra  iso  a 


Al'nUAE,    IIIGEAID. 


Le  grognard,  dont  voici  l'image, 
Diins  Blaye,  au  temps  do  l'ancien  rc 
l)e  sage-femme  obtint  l'emploi; 
Mais  ce  n'est  pas  un  liomme  sage. 
C'est  sur  nous  (in'll  doit  remporter 
I.a  victoire  (|u'il  a  rftvéc; 
Il  prétend  tous  nous  régenter. 
Avec  quatre  hommes  de  corvée. 


Au  lieu  de  rfiver  des  succès 
Dans  les  plaines  de  la  Savoie, 
En  s'en  prenant  à  des  Français, 
Le  vieux  caporal  se  fourvoie. 
Pour  nous,  oubliant  nos  voisins. 
Il  prend  des  airs  de  Matamore. 
Le  grand  vainqueur  des  Sarraz.ins 
Veut  nous  traiter  de  Turc  à  Maure. 


Dessiné  par  fabritZics, 


Gravé  par  BaulaNT. 


11(111.    VAIlll    fiR*    ITAI  IK\». 


341  cenlIiiiCH  lu  livraison. 


ll:l  ll:t,  52. 


idiilons  de  la  Sonsoription.  —  La  Revue  comioie  f»rmora  un  mainifique  volume,  prinJ  iu-S,  puUié  on  50  livraifOii;  à  30  centimes, 
irli  posle,  40  cent.  On  sous.-rit  pour  10  livraisons.  Pour  les  «lépartenicuts,  envoyer  un   mandat  sur  la  poste  à  l'onlre  du  directeur  de  la 

lEVlE. 

BUMUffEHAY.  ÉDITEÏTH,  RUE  HICHEI.IEU.  52.  2-2<'    Livra^'sOn. 


A¥IS   AUX   JOL-RIVAUX   DE   PARIS   ET   DES   DÉPARTEMEIVTS. 

Nous  aiitorisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  Revue  comique,  à  lu  condition  : 
1°  De  citer  la  Reçue  eu  lui  empruntant  ses  articles; 
2°  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  cliaijue  numéro. 


AVIS 

AUX  SOnSCBIFTEV&S  DE  ZiA  BXVUE  COMIQUE. 

Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  décompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feudlet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  VINGT-DEUXIÈME  LIVRAISON. 


La  Semaine.—  La  Liberté  militaire  comme  en  Russie.  —  Le  Banquier  de  Trébizoïide.  —  Ou  deuiaude  des  gens  d'esprit. 
Le  Choléra  de  18^9.  —  Déchéance  de  Longcharap.  —  Choses  quelconque.  —  Zu(  ! 


Gravares  par  Baulant- 

LE      PIC      DE     LA      RÉACTION. 
Grande  vignette  par  Nadard, 

ÉTLDES    POLITIQUES    A    l'aSSEMBLÉE    NATIONALE. 
Par  Nadard. 

LES     PRÉFETS     INFIRMES. 
Deux  dessias  par  Nadard. 

LA    MB   PUBLIQUE    ET   PRIVÉE   DE    MOSSIEU    RÉaC. 

Ckap.  r.  -  Dépvche  télégraphique.  —  Chaf.  YI.  —  Mossieu  Réac  s'aperçoit  qu'il  est  républicain  de  l'avant-vcille. 

Feuilleton  au  crayon  par  Nadard,  gravé  par  Baulant. 

PUISQUE   c'est   notre   BAL  ! 
Par  Fabriliius. 

LE  -fOMPIER    DU    13    MAI. 
Pu  Bertall. 

M.  bE  TRACY. 
tj-pe  par   Béguin. 


p»ri..-Tlr»e  tiii  pr«i«e.  mie.niqiie»  d«  LiclOPl  6I«  el  Comp.,  rue  Dinielle.  ». 


■F<r 


LA  SEMAINE. 


Enfin,  ce  triste  et  monotone  procès  de  Bourges  est 
terminé.  MM.  les  hauts  jures  peuvent  rentrer  chez 
eux  et  se  reposer  de  leurs  fatigues.  Nous  n'avons  pas 
à  discuter  un  verdict,  et  l'opinion  publique  ne  le  dis- 
cute pas  non  plus.  Il  y  a  longtemps  que  le  procès  de 
Bourges  a  cessé  d'être  une  question  politique  pour  de- 
venir une  question  de  sentiment;  il  n'a  fait  que  po- 
pulariser encore  l'idée  de  l'amnistie.  Ce  n'est  point 
M.  Odilon  Barrot  qui  conseillera  cette  mesure  au  gou- 
vernement, ce  n'est  pas  M.  Léon  Faucher  non  plus; 
mais,  hélas  !  M.  Léon  Faucher  est-il  encore  de  ce 
monde?  Ceux  qui  ont  visité  l'atelier  de  5L  Ingres  sa- 
vent bien  à  quoi  s'en  tenir  à  cet  égard. 

M.  Ingres  travaille  en  ce  moment  à  un  nouveau  saint 
Symphorien.  Il  s'agit  d'un  des  plus  illustres  confes- 
seurs de  la  réaction,  de  saint  Faucher,  ministre  et 
martyr. 

Le  saint  est  représenté  au  moment  où,  attaché  à  la 
tribune,  il  reçoit  de  tous  côtés  des  amendements  aigus 
qui  s'enfoncent  dans  sa  chair,  et  d'énormes  suppres- 
sions qui  viennent  le  frapper  à  la  tète  et  font  couler 
son  sang. 

Pendant  qu'il  lutte  au  milieu  du  cirque,  et  qu'il  se 
débat  sous  les  blessures,  les  représentants  du  peuple, 
rangés  sur  les  gradins,  applaudissent  aux  tortures  du 
saint.  On  voit  dans  le  fond  du  tableau  le  farouche 
Cent  et  l'impitoyable  Buvignier  qui  se  délectent  au 
spectacle  de  ce  supplice. 

Saint  Faucher  occupera  désormais  une  place  d'élite 
dans  le  martyrologe  parlementaire;  jamais  ministre  ne 


reçut  tant  d'outrages,  tant  de  coups  avec  une  si  grande 
résignation  et  une  si  parfaite  humilité.  11  mérite  bien 
la  palme  du  martyr. 

La  commission  du  budget  s'est  montrée  envers  lui 
d'une  férocité  dont  rien  ne  saurait  donner  une  idée. 
Elle  lui  a  arraché  avec  des  tenailles  cinq  inspecteurs 
dramatiques  à  cinq  mille  francs  chacun;  elle  l'a  mutilé 
d'une  douzaine  de  préfets,  elle  ne  lui  a  épargné  au- 
cune insulte,  aucun  outrage,  jusqu'à  supprimer  les 
cinquante  mille  francs  de  traitement  qu'il  avait  alloués 
au  prince  de  Lambesc-Changarnier,  lieutenant-général 
des  armées  du  rji,  et  commandant  de  la  milice  bour- 
geoise. 

L'Assemblée  nationale  est  vraiment  cruelle  envers 
saint  Faucher. 

Que  lui  reproche-t-on  ?  d'avoir  écouté  les  doléances 
de  quelques  préfets,  de  leur  avoir  fait  accorder  une 
pension  sur  des  certificats  de  complaisance.  Qu'est-ce 
que  cela,  après  tout?  Ne  vous  est-il  pas  arrivé  vingt 
fois  d'écrire  à  votre  sergent-major  : 

«  Citoyen  major, 

H  II  m'est  impossible  de  monter  ma  garde  aujour- 
«  d'hui,  je  suis  à  l'agonie;  voici  un  certificat  qui  le 
«  prouve.  » 

Cette  lettre  expédiée,  vous  partez  pour  Saint-Ger- 
main ou  pour  Saint-Cloud.  Est-ce  que  les  préfets  qui 
se  sont  prétendus  atteints  d'infirmités  graves  le  lende- 
main de  \i  révolution  de  Février,  et  qui  se  portent  ad- 


51(i 


Ul'VlJK  COMIQLIK. 


iiiirahlemeiilaujounriuii.sonl  plus coiipalili-s  que  vous? 
Los  Purilaius  iô|)oiuli'oiil  qu'on  ne  doit  jauiais  troin- 
|)CM-  son  sorgout-inajor  ni  le  conseil  dlital;  qu'iniiiorle  ! 
connue  dit  saint  Faucher,  si  c'est  |  onr  le  bien  de 
l'F.lat  et  le  soulagement  du  budget,  l'oui-quoi,  d'ail- 
leurs, ces  préfets,  déclarés  incin'ables  par  le  consiil 
d'Klat  il  y  a  un  an,  ne  seraieiit-ils  pas  ingambes  au- 
jonril'lini  ?  On  a  \u  bien  d'aulres  mii-acles  ,  et  l'on 
n'ignore  pas  qu'il  sul'lil  de  faire  un  pèlerinage  h  Nolre- 
Dame-de-Uéacliou,  iiour  èlre  guéri  de  tontes  ses  in- 
tirniités. 

Depuis  quand  ensuite  est-il  défendu  à  un  ministre 
d'aller  choisir  ses  employés  dans  le  cadre  de  retraite? 
Doit-on  empêcher  un  général  d'aller  choisir  des  soldais 
à  l'hôlel  des  Invalides? 

Voilà  ce  que  disait  saint  Faucher  pendant  que  les 
lions  et  les  tigres  de  la  Montagne  rugissaient  aul.ur  de 
lui.  Helas!  les  bètes  féroces  ont  eu  le  dessus,  le  mar- 
tyr a  été  mis  en  pièces. 

Il  ne  reste  [iliis  à  l'heure  qu'il  est  de  saint  Faiiclur, 
que  quelques  reli(iues  qui  ont  la  vertu  de  rendre  la 
sanlé  aux  préfels. 

il  reste  aussi  le  souvenir  de  son  éloquence  et  des  ar- 
guments prodigieux  qu'il  a  employés  pour  défendre  le 
li-aitemeut  Chaugarnier.  Saint  Faucher  a  reconnu  la 
parfaite  illégalité  des  deux  commandements  couliés  à 
ce  général,  en  vii  tu  d'une  nécessité  politique  qui  n'a 
point  cncoie  cessé.  11  ne  nous  parait  pas,  a  ajouté  saint 
Faucher,  que  l'ordre  ait  eu  à  souffrir  de  la  réunion 
de  ces  deux  commandements  dans  les  mêmes  mains. 
Non,  vertueux  minisire,  l'ordre  matériel  n'a  pas  eu  à 
en  soulTrir,  mais  si  demain  je  publie  un  journal  paci- 
fique, mais  sans  caulionneuient,  ne  me  rappellerez- 
vous  pas  au  respect  de  la  loi,  quoique,  certes,  l'oidre 
n'ait  point  à  souffiir  de  l'apparition  de  ma  feuille?  i,e 
respect  que  l'on  doit  à  un  saint  et  à  un  mailyr,  muis 
empêche  de  pousser  (dus  loin  nos  objections. 

Du  reste,  rassurons- nou>--,  M.  Changarnier  ne  per- 
dra pas  son  traitement:  une  souscription  est  ouverte 
à  la  Bourse  pour  le  lui  rendre.  L'agiotage  lui  resti- 
tuera ce  que  lui  enlève  le  budget;  les  coulissieis  au- 
ront leur  général.  Ce  serait  un  assez  joli  speclacle,  si 
chaque  classe  de  la  population  se  mettait  à  payer  elle- 
même  des  fonctionnaires.  La  souscription  ouverte  en 
faveur  de  M.  Chaugarnier  est  un  acte  de  haute  anar- 
chie; mais,  à  la  Bourse,  on  n'y  regarde  pas  de  si  près. 
Au  milieu  de  ses  tortures,  M.  Léon  Faucher  n'a 
sans  doute  point  le  temps  de  songer  aux  nécessités  se- 
condaires de  l'administration  :  c'est  ce  qui  nous  a  valu 
sans  doute  la  lettre  suivante  : 

«  Monsieur, 

a  Je  suis  une  malheui'euse  femme  errante  et  per- 
sécutée qui  ne  sait  plus  où  reposer  sa  lète. 

«  .M.  Léon  Faucher  m'a  l'ail  d'abord  les  plus  splcn- 


dides  promesses;  je  devais  avoir   nu   logement   aux 
Tiùleries,  an  Palais-National  ou  au  Luvemhour'g. 

«  Je  me  iirésente  aux  l'uilerics  ;  (ui  nu'  répniid  cjne 
tciiis  les  appailiMncnts  sont  occiip/'s  par  les  aides- 
de-caiiip  du  général  Cliaugaïuicr  et  leur  auguste  fa- 
nnlle. 

«  Je  cours  au  l'alais-^ational  :  le  coiu'ierge  me 
prend  pour  un  club  déguisé,  et  il  refuse  de  lu'onviii-. 

«  Au  Luxembourg  j'aperçois  des  maçons,  des  me- 
nuisiers, des  tapissiers,  des  serruriers  ipii  li'availleul  ; 
je  demande  si  c'est  pour  moi;  on  nu'  répiuid  (pie  c'est 
pour  le  vice-président  de  la  Hépubli(|iu'.    , 

«  Le  temps  presse  cependaiil,  et  il  l':iut  bien  qu'on 
nu'  loge  (juclque  part  :  je  ne  puis  ainsi  coucher  à  la 
belle  étoile. 

«  Qu'on  me  rende  du  moins  mon  ancien  domicile 
du  Louvre;  il  était  assez  élroit  et  assez  incommode; 
mais  enliu  je  m'en  coiitenlei-ai,  faille  de  mieux. 

«  Veuillez  donner  quelque  publicité  à  celte  récla- 
mation, et  ci-oire  aux  sentiments,  etc.  ,  etc. 

«L'ExrosiTio>;  des  liEArx-Aurs.  » 

Il  est  de  l'ail  qu'à  l'heure  ((u'il  est,  les  artistes  ne 
savent  pas  encore  s'il  y  aura  une  exposition.  Cepen- 
dant, pour  beaucoup  d'entre  eux,  l'exposition  est  nue 
occasion  de  dépenses  qu'ils  ne  |ieuvent  avoir  faites  eu 
pure  perte:  11  serait  bon  que  le  miiiislre  fit  counuitre 
sa  décision  à  ce  sujet. 

Les  théâtres,  du  moins,  n'ont  rien  perdu  de  leur 
subvention  ;  rOdé(ni  y  a  même  gagné  (luaranle  mille 
francs.  Que\  triomphe  pour  la  tragédie! 

L'Opéra-Comi(|ue  vient  d'oblenir  un  magnilique 
succès  avec  les  Montéwfjrins,  de  Gérard  de  Nerval, 
musique  de  M.  Liminander.  On  attend  toujours  le 
Prophète  avec  impatience.  On  craint  que  la  première 
i-cprésenlaliou  ne  puisse  avoir  lieu  ([ue  le  20. 

A  propos ,  nous  avons  eu  les  trois  jours  de  Long- 
champ.  On  y  a  beaucoup  remaïqué  le  coupé  d'une 
ancienne  actrice  du  Palais-Hoyal,  promue  à  l'emploi 
de  favorite  par  une  illustration  du  parti  conservateur 
ancien  et  moderne,  et  le  landeiii  du  président  de  la 
République. 

La  munie  des  bals  de  pierrots  se  propage.  On  en  or- 
ganise un  qui  aura  lieu  prochainement  au  cercle  de 
Paris  dans  la  Maison  d'Or.  Déjà  la  réclame  fonctionne, 
et  elle  nous  apprend  que  nous  verrons  figurer  à  ce  bal 
Méry  en  pierrot,  à  côté  de  mademoiselle  llacbel  eu 
costume  de  Lucrèce.  J'ignore  si  ce  sera  un  (liose  bien 
gaie  de  voir  M.  Méry,  qui  est  un  poëteetun  fantaisiste 
de  cinquante  ans,  danser  en  pierrot;  mais,  à  coup  sur, 
c'est  une  chose  regrettable  que  cette  publicité  qui  as- 
simile les  gens  de  lettres  aux  comi(iues  du  Vaudeville 
ou  du  Palais-Royal.  C'est  M.  Alexandre  Dumas,  dit  la 
même  réclame,  qui  est  à  la  tète  de  cette  fête.  Nous 
voyons  avec  plaisir  le  célèbre  romancier  revenu  à  de 
iiieillenrs  sentiments  ;  guéri  des  fumées  de  la  politique. 


LE    ne    DE    LA    REACTION. 


Dessiné  par  Nadard. 


Gravé  par  Baixant. 


518 


REVUE  COMIQUE 


il  organise  des  bals  de  pierrots.  Nous  retrouvons  enfin 
notre  Omnas.  l.a  révolution  de  Février  nous  l'a  enfin 
rendu;  qu'elle  reçoive  toutes  nos  actions  de  grâce. 

Un  artiste  de  beaucoup  de  talent,  Antonin  Moine, 
s'est  brûlé  la  cervelle  la  semaine  dernière.  A  ce  propos, 
on  a  accusé  la  République.  Qu'a-t-elle  fait,  que  fait- 
elle  pour  les  artistes?  Et  on  a  insinué  qu'Antonin  Moine 
était  mort  de  misère.  Une  seule  fois,  depuis  la  révolu- 
tion de  Février,  An  tonin  Moine  a  demandé  une  com- 
mande, et  tout  de  suite  il  l'a  obtenue.  C'est  M.  Léon 
Faucher  qui  l'a  déclaré  à  la  tribune.  Non,  Antonin 
Moine  n'est  pas  mort  de  misère;  est-ce  la  première 
fois  que  l'on  voit  ces  organisations  délicates  et  ner- 
veuses, ces  frêles  cerveaux  d'artistes  si  souvent  rem- 
plis de  fantômes  et  d'hallucinations,  céder  à  une 
suprême  fantaisie,  la  lugubre  et  navrante  fantaisie  du 
suicide,  fantaisie  obstinée,   et  que  ne  font  céder  ni 


l'amitié  ni  l'amour? Antonin  Moine  est  mort  fou,  tout 
le  monde  le  sait,  et  de  ce  malheureux  vous  faites  une 
victime  de  la  démocratie.  Est-ce  là  de  la  justice,  de 
l'impartialité!  est-ce  là  le  respect  que  l'on  doit  aux 
morts? 

Une  dernière  nouvelle. 

Le  Buviguier  de  la  rue  de  Poitiers,  le  Cent  de  l'in- 
terruption honnête  et  modérée,  le  célèbre  Denjoy  a 
déposé  un  amendement  sur  le  projet  de  loi  contre  les 
clubs.  L'illustre  interrupteur  propose  de  réduire  la  loi 
à  celte  seule  disposition  : 

«  Les  clubs  sont  interdits,  a 

On  aura  beaucoup  de  peine,  je  le  crains,  à  empê- 
cher la  Bourse  de  voter  une  couronne  civique  et  une 
liste  civile  de  cinquante  mille  francs  par  an  au  célèbre 
Denjoy. 


LA    LHîKUTÉ   MILHAIRE   COMME    EN  RUSSIE. 

(La  scène  est  à  l'armée  des  Alpes  | 


DLMANET.  —  Une  question,  sergent! 
LE  SERGENT.  —  Jc  dcvials  pour  ce  seul  mot  le  mettre 
à  la  salle  de  police. 

—  A  cause? 

—  A  cai^e  qu'il  n'est  pas  permis  à  un  conscrit  d'a- 
dresser des  questions  à  son  sergent.  Les  ordres  du  jour 
du  maréchal  Bugeaud  s'y  opposent,  et  je  représente  le 
maréchal  à  les  yeux. 

—  Alors,  mettons  que  je  n'aie  rien  dit. 

Au  contraire,  j'ai  voulu  seulement  te  donner  un 

aperçu  de  tes  droits  et  devoirs  ;  nous  sommes  seuls, 
parle;  je  me  ferai  un  véritable  plaisir  d'éclairer  la  jeu- 
nesse. 

Je  disais  donc,  sergent  :  resterons-nous  encore 

longtemps  ici  l'arme  au  bras? 

—  Félicite-toi,  Dumanel,  de  ne  ra'avoir  adressé  celte 
question  que  dans  le  pai-lieulier,  autrement  tu  serais 
déjà  à  la  salle  de  police. 

—  A  cause? 

A  cause  que  lu  semblés  murmurer  contre  tes 

chefs  ;  mais,  continue,  puisque  nous  sommes  seuls  ;  ton 
inexpérience  me  charme. 

—  Je  voulais  vous  dire,  sergent,  que  ça  sent  la  poudre 
par  ici,  et  que  je  ne  bouderais  pas  s'il  fallait  se  colleter 
un  peu  avec  les  Autrichiens. 

—  Est-ce  au  point  de  vue  politique  que  tu  parles, 
Dumanel? 

—  Je  n'en  sais  rien. 

—  C'est  au  point  de  vue  politique,  je  le  vois,  et  lu 
devrais  en  avoir  pour  quinze  jours  de  cachot.  Toute 
discussion  politique  est  interdite  dans  les  chambrées. 

—  Mais  nous  ne  sommes  pas  à  la  chambrée,  ici. 

—  C'est  pour  cela  que  je  le  fais  grâce,  quoique,  en 


ma  qualité  de  représentant  <lu  maréchal  Bugeaud,  j'ai 
des  devoirs  à  remplir. 

—  11  n'esl  donc  plus  permis  de  parlera  présent? 

—  Au  contraire,  puisque  nous  sommes  en  républi- 
que. Ah  !  si  nous  n'étions  pas  en  république,  ce  serait 
une  autre  paire  de  manches!  Mais  nous  y  sommes, 
ainsi  parle  tout  à  ton  aise.  Ton  sergent  l'écoute. 

—  En  ce  cas,  puisque  nous  sommes  en  république, 
il  n'y  aurait  pas  de  mal  à  aller  donner  un  bon  coup 
d'épaules  aux  républicains  d'Italie. 

—  Tu  as  donc  juré  de  te  faire  coffrer,  Dumanel? 

—  Saprislie!  C'est  donc  une  farce? 

—  Qu'est-ce  que  tu  appelles  une  farce,  les  ordres 
du  jour  du  maréchal?  Ton  compte  est  bon! 

—  Ah  çà,  sergent,  pas  de  bêtise  ! 

—  Pure  supposition,  Dumanel.  Je  me  réjouis  de  ta 
simplicité  ;  mais,  dis-moi,  qu'est-ce  que  tu  fais  en  par- 
lant d'aller  donner  un  coup  d'épaule  aux  républicains 
d'Italie? 

—  Je  ne  fais  rien  du  tout. 

—  Si,  lu  fais  quelque  chose  de  contraire  à  la  con- 
signe; lu  parles  politique. 

—  Nous  ne  sommes  donc  plus  en  répuhliqiio? 

—  Nous  y  sommes  plus  que  jamais;  Liberté,  Egalité 
et  le  reste;  nonobstant,  il  ne  t'est  pas  permis,  Duma- 
nel, d'avoir  une  opinion. 

—  La  République  dit  que  si. 

—  Tes  chefs  disent  que  non.  Je  vais  plus  loin,  Du- 
manel; ce  simple  entretien  que  lu  oses  avoir  avec  moi 
te  met  dans  ton  tort,  et  lu  ne  l'en  tireras  pas  à  moins 
de  trois  semaines  de  cachot. 

—  Dieu  de  Dieu! 

—  Rassure-toi;  c'est  pour  rire,  quoique  ce  soil  mon 


A  LUSAGK  DES  GENS  SEUIECX. 


S19 


devoir  (le  te  pincLM-.  Dion!  si  le  maréchal  connaissait 
toiitos  CCS  concessions  ([ue  je  te  fais,  Diiiiiancl  ! 

—  Je  vous  respecte,  sergent,  et  je  respecte  nus-i  le 
maréchal. 

—  Ttin'espas,  lichlro.ilégoùlé,  Dunmnct,  de  vénécr 
deux  chefs  comme  nous. 

—  Nonobstant,  je  ne  trouve  |)as  un  niotili-  loiit  cela 
dans  le  journal. 

—  Tu  lis  donc  le  journal,  Dunuinel? 

—  Parhieur  ! 

—  ("est  encore  un  mois  de  prison  à  noter  sur  ton 
compte  ! 

—  Vn  mois  de  prison? 

—  Tiens  !  tu  n'as  donc  pas  connaissance  de  l'ordre 
du  jour  qui  défend  la  lecture  des  papiers  publics? 

—  Mais,  dites  donc,  sergent,  la  Conslitulioii  me  le 
permet. 

—  Qu'est-ce  qui  t'a  dit  ça,  Diimanct? 

—  l'n  bourgeois  avec  qui  j'ai  bu  un  petit  verre  l'autre 
jour. 

—  Tu  fréquentes  donc  le  bourgeois,  Dumanct? 

—  Pourquoi  pas?  Le  bourgeois  est  Français,  je  suis 
Français,  nous  sommes  tous  Français. 

—  En  prison  derechef,  Dumanet!  Le  bourgeois  t'est 
interdit. 


—  A  cause?  Où  est  la  loi?  Je  veux  voir  la  loi,  je  de- 
mande (|u'on  m'ap|)orle  la  loi. 

—  On  t'apportera  l'ordre  du  jour.  Ft  même  tu  a$ 
doublement  maurpié  à  ton  devoir  ;  primo  en  parlant  au 
boiMgcois;  deuxièmement  en  ne  pinçant  pas  le  bour- 
geois au  collet,  quand  il  l'a  parlé. 

—  Elle  est  bonne,  celle-là  !  Alors,  tout  bourgeois  qui 
vous  parle,  il  faut  le  fourrer  au  violon? 

—  Mon  Dieu,  oui,  I)umanet! 

—  Et  la  loi  donc?  Car  il  doit  y  en  avoir  une;  je 
veux  la  tenir,  je  veux  la  lire  cette  loi;  qu'on  me  la 
montre,  sapristi! 

—  Bêla  !  Est-ce  qu'il  y  a  des  lois  pour  le  soldai?  Il 
y  a  des  ordres  du  jour. 

—  Alors  quel  droit  est-ce  qu'il  me  reste  donc? 

—  Il  le  reste  le  droit  de  te  taire,  le  droit  de  ne  pas 
lire  les  journaux,  le  droit  de  n'avoir  d'opinion  sur  rien 
de  rien;  enfin  le  droit  de  payer  la  goutte  au  maréchal 
Bugcaud,  s'il  accepte,  quand  lu  le  rencontreras;  or, 
comme  il  n'est  point  ici  et  que  je  le  remplace  vis-à-vis 
de  toi,  j'accepte  cette  goutte  que  lu  lui  offrirais  à  lui- 
même  s'il  était  présent.  Allons,  en  avant,  marche,  Du- 
manet! Et  souviens-toi  de  celle  leçon  de  discipline  qui 
t'épargnera  au  moins  vingt-quatre  heures  de  salle  de 
police  par  jour,  si  tu  sais  en  proliter. 


ÉTUDES  POLITIQUES  A  L'ASSEMBLÉE  NATIONALE. 

SÉANCE    DC    31    MARS. 

M.  THiERS.  —  Il  faut  sorlir  du  désordre  et  prendre  une  leçon  ;  savcz-vous  de  qui?...  du  seul  État  qui  n'aie  pas  été  ébranlé 
dans  cette  désorgunisation  générale. 

M.  LEDRU-RoiLiN.  —  Ah  !  .M.  Tliiers,  permettez-moi  de  vous  le  dire...  vous  avez  compris  le  passé...  mais  vous  ne  comprenez 
ni  le  présent  ni  l'avenir...  ils  sont  fermés  pour  vous. 

[Extrait  du  Moniteur.) 


•       A    i.t'-„.         Pour   de   liauvres  préfets  mis  à  la  retraite  pour  jntirmites    fcucnes  pa 
Pour  de  pauvres  préM".  accablés  d-."firmitf  s  gagnées  au  service  de  1  Liât        mur  i  |V.  traitement  du  docteur  /■<imA«, 

une  petite  retraite,  s'il  vous  pi»u!  de  nouvelles  préfectures,  s'il  vuus  plan  , 


LE  BANQUIER  DE  TREBISUM)E. 


Quelque  tempsaprès  la  chute  de  l'empii-e  des  Mèdes, 
TiThisonde  s'éngea  en  république;  trois  concuiTCiits 
sedisputèi-enl  la  pi  ice  de  grand  Matiifafa  (c'est  le  litre 
qu'on  donne  au  chef  de  l'Élal  à  Trébizoïule).  :  le  prince 
Inif^o,  le  général  Ârtamène  et  l'orateur  Iphierate. 
Le  prince  Inigo  fut  élu  par  six  millions  de  suffra- 
ges, à  cause  des  services  (pi'un  de  ses  aïeux  avait 
rendus  autrefois  au  peuple  de  Trébisonde. 

Inigo  se  montra  dans  les  rues  vêtu  de  l'unifurnie 
de  général  des  archers  de  Ti'ébisonde,  et  fui  reconnu 
Manifafa  aux  acclamatio-is  de  tous  ses  amis  et.  de 
quinze  cents  invalides. 

Le  jeune  prince,  nous  l'appelons  jeune  parce  qu'il 
n'avait  que  quarante-trois  ans,  se  conduisit  avec  toute 
la  fjugue  de  la  jeunesse  :  il  eut  des  maîtresses,  soixante 
ihevanx  dans  son  écurie,  deux  ou  trois  cents  domes- 
tiques ;  il  donna  des  bals,  des  dîners,  des  raoutj  ;  il 
voulut  même  encourager  l'industrie  de  ses  propres 
deniers,  et  les  réclames  des  journaux  de  Trébisonde 
publièrent  un  jour  qu'il  avait  acheté  un  schal  de  ca- 
ciiemirc  chez  un  affreux  charlatan  de  la  ville. 

Impossible  de  sufiire  à  toutes  ces  prodigalités  avec 
les  minces  subsides  qu'il  recevait  de  la  nation.  La  ré- 
publique de  Trébisonde,  l'histoire  est  là  pour  l'attes- 
ter, n'a  point  brillé  par  la  générosité  ;  le  Manifafa  ne 
savait  comment  faire  pour  se  procurer  de  l'argent. 

Comme  on  connaissait  l'objet  de  ses  préoccupations, 
tout  le  monde  cherchait  autour  de  lui. 

Ses  conseillers,   ses  amis,   ses  aides-de-cani[i  cher- 


(|iicl( 

u,.ro 

s     ( 

ans 

l'anti 

- 

{lli     s 

■  dis 

lii'ii' 

eut 

re  eux 

,  as- 

Il  In 

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l'arL 

eut 

pour 

e 

■tait 

donc 

pb. 

ig.'e 

(fins 

la 

j  chnicnt  ;  on  entendait 
!  cliiiiiibre  les  doniesli(|ucs 
I        (I  Eh  bien,  nunrgui;.',no 

—  Quoi  donc  ? 

—  Parbleu  !  le  moyen  t 
I   maître  de  la  maison  ! 

—  Ilélas!  non.  » 
La   cuui-   du    Manifafi 

conslernation,  et  ou  annonçait  dt'jà  banti'iuent,  paruii 
les  courtisans,  la  nécessité  de  l'aire  un  coup  d'Etal,  et 
de  flanquer  les  représeutanls  de  Trébisonde  par  la  fe- 
nêtre, lorsqu'un  des  princip  lUX  argentiers  de  la  Uépii- 
blique  demanda  à  parler  au  Manifafa. 

«Seigneur,  lui  dit-il,  fous  cherchez  de  l'archenl? 

—  Vous  le  savez  bien,  répondit  le  Manifafa,  puis- 
que vdilà  déjà  cinq  ou  six  fois  que  vous  m'en  refusez. 

Il  y  avre  beut-êtrc  un  moyen  de  nous  entendre. 

—  Vraiment!  et  lequel? 

—  Associons-nous;  brenez  nu  indéitH  ilans  mon 
maison. 

—  Vous  voulez  que  le  Manifafa  île  la  lli'|)iibli([ue 
se  fasse  l'associé  d'un  bamimer,  et  d'un  bampiier  juif? 
car  vousôles  juif. 

—  Je  n'essayerai  pas  de  le  cacher.  Mais  là  n'être 
boint  la  giiestiou.  Bersonne  ne  saura  chaînais  que  fous 
barlagez  mes  pénélices. 

—  Et  s'il  y  a  jierte? 

—  .Il',  la  siibborterai  tout  seul. 

—  Quel  sera  mon  ap|iort  dans  la  société?» 


A  i;iJSA(;i':  dks  (;i;ns  skiui'.ux. 


321 


I.C  banquier  juif  proniuiia  un  regard  soupçonneux 
autour  de  lui. 

—  Somuios-iuius  seuls? 

—  Kntièrenu'nl. 

—  Clic  ne  fdiis  deiiiaiiili'  ([n'iiMe  cluise. 

—  l,a(|uelle? 

—  Le  silence  sur  ciuclciues  ln'liles  nnulVlies  ()iii' 
vous  reeefez,  mais  (|ue  je  reçois  .lussi  île  mon  nMé. 

—  A  quoi  cela  vous  servira-l-il  ! 

—  Vous  allez  le  combrendre.  Sei|,'nenr,  vous  n'i- 
gnorez pas  qu'il  existe  à  Trébisonde  un  lieu  barlignlier 
dont  il  n'est  [jas  hesjin  de  biononier  le  nom  entre 
nous. 

— Je  sais  ce  que  vous  voulez  dire,  je  connais  ce  lieu,  et 
je  suis  même  allé  le  visiter  leJendeinain  de  mon  élec- 
tion. 

—  Vous  n'êtes  hoinl  sans  safoir  (jn'on  y  clioiie  mie 
esbèce  de  liacarral;  selon  les  nonlelles  que  l'on  a,  on 
met  sur  la  rouge  ou  sur  la  noire.  Un  homme  qui  sau- 
rait, une  heure  afant  tout  le  monde,  quelques  hetites 
noufelles,  saurait  d'afanc*;  la  couleur  qui  va  sortir, 
et  réaliserait  des  pénéfices  énormes. 

Précisi'ment  à  la  même  épocpie,  on  jouait  dans  ic 
lieu  dont  le  banquier  n'avait  pas  voulu  pronon- 
cer le  nom,  avec  une  véritable  furie,  cliaque  jour 
était  témoin  de  chutes  subites  et  de  scandaleuses  éléva- 
tions ,  tous  les  gens,  chez  qui  le  sentiment  moral  n'était 
pas  éteint,  gémissaient  d'un  pareil  état  de  choses.  Mais 
les  remontrances  n'y  faisaient  rien.  I.a  nation  des  Pa|)- 
pblagoniens  ayant  voulu  se  soiisliaire  à  l'esclavage  des 
Scythes,  l'équilibre  oriental  menaçait  d'être  troublé,  et 


on  craignait  qu'une  guerre  géndraie  sortit  de  celte  que- 
relle. De  là  des  nouvellescpii  alimentaient  encore  la  fu- 
reur du  jeu,  et  déti'nniuaienl  des  liaiisses  ou  des  baisses 
imprévues,  selon  <|ue  les  l'aphlagonions  |)erdaient  da 
terrain,  on  que  les  Scytiies  reprenaient  leurs  avan- 
tages. 

l'o  jour  on  apprit  fi  nouvelle  (|ue  les  l'aphlagoniens 
él  lient  (léliiiitivement  vaincus. 

l.c  lendemain,  le  banquier  se  présenta  cliez  le 
prince. 

—  I.e  tour  il  être  fait. 

—  EU  bien,  demanda  luigo? 

—  (iiàces  à  cette  idée  que  c'hai  eue  de  garicr  la 
bedide  n.i:ilelle  pendant  un  chour  avant  de  la  gominii- 
niqiier  au  biihlic.  che  avrc  pu  réaliser  un  choli  betit 
béiiélice.  Voilà  le  bortefeuille.. 

Le  prince  l'ouvrit,  il  y  avait  un  million  dedans  en 
morceaux  de  ]iapier  qui  sont  la  monnaie  de  Trébi- 
sonde. 

—  Ma  foi,  s'écria  le  prince,  ce  jeu  a  du  bon,  on  y 
gagne  de  l'argeiil,  et  on  ne  fait  tort  à  personne,  n'est-ce 
pas,  banquier. 

—  A  iiersunne! 

—  Mamtenaiit  je  sais  où  trouver  de  l'argent,  et  je 
puis  me  moquer  de  ces  misérables  bourgeois  de  Trébi- 
sonde. Ils  jetteraient  les  hauts  cris,  les  imbéciles,  s'ils 
savaient  que  je  me  livre  au  commerce. 

L'histoire  ne  dit  pas  comment  les  gens  de  Trébisonde 
parvinrent  à  découvrir  cette  association;  le   fait   est 
I  qu'elle  ne  put  rester  secrète,  et  ([u'elle  Ht  naître  des 
I   évéiieir,enls  que  nous  racmileroiib  plus  tard. 


ON  1)i:mandf.  dls  c.Ivns  i)i;si'niT. 


I.a  rue  de  IVitiers  demande  des  gens  d'e-pnt  à 
l'heure,  au  jour  et  au  mois. 

Les  susdits  gens  d'esprit  s'engageront  à  travailler 
contre  la  République,  et  à  livrer,  chaque  jour,  un  cer- 
tain nombre  de  bouts-rimés,  de  calembours,  de  coqs- 
à-l'àne,  de  couplets. 

Les  bouts-rimés  se  vendent  à  l'aune,  les  calembours 
et  les  coqs-à-l'âne  au  poids,  les  couplets  à  la  dou- 
zaine. 

TARIF  DE   LA   RI  E  DE  POITIERS. 

Bouts-rimés  .    .   .     (J  fr.   SO  cent,   le  m  être 


Calembours 
Couplets  .   . 


80 


la  livre, 
la  douzaine. 


Un  bon  ouvrier  peut  facilement  tisser  son  métie  de 
bouts-rimés  dans  la  journée,  et  il  n'est  pas  rare  de 
rencontrer  des  travailleurs  qui  font  une  livre  six  onces 


de  calembours  par  jour.  Quant  au\  couplets,  M.  Clan- 
ville  se  charge  d'en  fabriquer  phisieursdouzaines  entre 
le  lever  et  b  coucher  du  soleil. 

Jaloux  d'encourager  l'iiidu-^trie  nationale  et  de  prou- 
ver sa  sympathie  en  faveur  des  classes  laborieuses,  le 
comité  de  la  rue  de  Poitiers  accordera  une  prime  de 
dix  fois  la  valeur  de  l'objet  à  tout  calembour,  coq-à- 
l'àne,  boul-rimé,  couplet  qui  lui  paraîtra  digne  d'être 
inséré  dans  la  Pairie. 

Les  autres  produits  des  ouvriers  en  esprit  français 
seront  insérés  dans  des  canards  publiésà  cette  intention, 

et  répan  J.is  dans  les  masses. 

Comme  on  a  remarqué,  en  général,  que  le  public 
consommait  fort  peu  les  articles  sortis  de  pareilles  ma- 
nufactures, et  que  la  foule  se  défiait  des  produits  por- 
tant la  marque  de  la  rue  de  Poitiers,  le  comité  a  dé- 
cidé qu'une  prime  d'encouragement  serait  accordée  à 
;oii'.  individu  pouvant  jiistilier  qu'il  a  lu  les  élucubra- 
tions  de  l'usine  Thiers  Molé-Berryer  et  compagnie. 


HEVUK  COMIOIIR. 


La  rue  de  Poitiers  cherche  également  à  embaucher 
les  ouvriers  en  caricatures.  ]l  s'agit  d'ex ploi toi-  en 
grand  les  faces  et  les  prolils  républicains. 

Les  caricaturistes  seront  payés  comme  les  maçons, 
à  tant  le  mètre  cube.  Un  expert  jaugera  leurs  dessins, 
et  taxera  leur  salaire,  d'après  l'élévation  et  la  profon- 
deur  des  travaux. 

Jusqu'à  ce  jour,  la  plume  et  le  crayon  se  sont  mon- 
trés rebelles  à  l'appel  de  la  réaction.  I^e  banquier  De- 
lamarre  a  en  vain  organisé  dans  ses  bureaux  une  cité 
ouvrière  oii  les  écrivains  et  les  artistes  sont  logés, 
nourris,  chauffés,  vêtus,  et  reçoivent  en  outre  cinq 
francs  par  jour  comme  sou  de  poche,  personne  ne  se 
présente  pour  jouir  de  ces  avantages.  La  promesse  d'y 
joindre  un  jardin  et  quelques  arpents  de  terre  en  toute 
propriété,  avec  des  bestiaux,  des  semences,  et  les  ins- 
truments de  labour,  n'a  pas  séduit  davantage  lus  ar- 
tistes. A  peine  si  deux  ou  trois  feuillelonnistes  d'esta- 
minet et  quelques  l.antarade  boutique  ont  répondu  à 
l'appel  du  citoyen  Delamarre. 


Voyant  cela,  le  comité  de  la  rue  de  Poitiers  a  pris 
un  parti  décisif  :  il  a  choisi  dans  son  sein  une  section 
de  gens  d'esprit  et  de  caricaturistes. 

JL  de  Rémusat  travaille  le  calembour,  M.  de  Rian- 
cey  étudie  le  coq-à  l'âne,  et  M.  Rerryer  pioche  le 
couplet.  Quant  au  bout  i-imé,  M.  Mole,  en  sa  qualité 
d'académicien,  s'est  chargé  d'en  fabriquer  la  quantité 
nécessaire  à  la  consommation  de  la  réaction. 

JL  ïbiers  a  pris  un  maître  de  dessin,  et  il  copie 
avec  acharnement  les  maîtres  du  genre,  Berlall  , 
Daumier,  Nadar,  etc.,  etc.,  etc.  M.  Thiers  a  des  dis- 
positions pour  ce  genre  d'exercice;  il  en  est  déjà  au 
modèle  vivant.  .On  se  montre  à  la  rue  de  Poitiers  une 
excellente  chargede  M.  Véron.sortiede  laplumedu  pré- 
sident du  conseil  du  l'^mars.  .AL  Cousin  se  livre  aussi 
avec  assez  de  succès  à  la  caricature  ,  mais  il  est  encore 
à  cinquante  pieds  au-dessous  du  niveau  de  M.  Thiers. 

Espérons  que  le  [lublic  sera  bienlot  mis  à  même  de 
juger  les  œuvres  des  gens  d'esprit  et  des  caricaturistes 
de  la  rue  de  Poitiers. 


LE  CnOLKP.A  DE   I8i9. 


En  me  promenant  hier  sur  le  boulevart,  je  fus  ac- 
costé par  un  petit  vieillard  qui  portait  un  bonnet  de 
coton,  un  garde-vue  vert  et  des  béquilles. 

0  Monsieur,  un  petit  chcu,  s'il  vous  plaît,  me  dit-il 
avec  un  accent  auvergnat. 

— Brave  homme,  luidis-je,  je  ne  vous  refuse  pas  un 


petit  «  chou  »;  m  lis,  qui  i|ne  vou5  soyez,  vous  n'êtes 
certainement  pas  .\uvergnat  ;  votre  accent  n'est  pas 
naturel,  et  vous  cherchez  à  m'abuser.  Qui  èles-vous'? 
—  Hélas!  monsieur,  puisqu'il  faut  vous  l'avouer, 
je  ne  suis  point  Auvergnat,  je  viens  de  beaucoup  jilns 
loin  que  Siint  Flour,  je  suis  le  Choléra.  » 


I.A    VIE    FUBI.IQUE    ET    PRIVEE    DE    MOSSIEU    REAC. 

Chap.  V.  —  Nouvelles  iéléyraphigm-s. 


Moirieu  Réac,  préfet ,  monte  sur  le 
télégraphe  pour  avoir  des  nou- 
TellCT  de  PatU.  Tout  est  trao- 
qniUe  et  mossieu  Réac  aussi. 


Diable!...  Cela  se  Râle!  .. 

L'opposition  veut  faire  des  banquets 

réformistes  .. 


Mais  le  gouvernement  défendant  les 
banquets,  le  grand  Odilon  Barrot 
a  teur  et  recule.  —  Mossieu  Réac 
est  rassuré. 


A  i;iis.\(;k  dks  gens  si^irieux. 


>25 


A  ce  iMiit,  Je  levai  nia  l'aiiiii'  |iiiiu'  lin  en  ilniuii'i-  .-nv 
les  rciiis  ;  mais  lui,  m'airèlaiil  ; 

«   Ali  !   IMC  llll-ll,    M   VllIlS  (■nllnai^^il•Z   tlUlIl'S    IlllS    111- 

fiirliiiu.'s,  vous  aiiru'z  |iilu''  ili'  iiun...  A  i|uiii  limi  iiu' 
fni|)|H'r  (le  vutrc  caïuic,  viuis  la  cassciii'/,  iicul-rtic,  cl 
dans  l'i'lat  où  je  suis,  ce  serait  une  perle  liicii  iiuilile.)) 

Ce  cynisiuene  in'étomia  pas  de  sa  [lart. 

«  Malheureux!  lui  dis-je,  osez-vous  bien... 

—  N'achevez  pas,  inlerronipit-il,  c'est  l'orgiuil  ([iii 
m'a  perdu;  je  suis  un  roi  découroiiné,  une  puissance 
déchue;  j'ai  rendez-vous  à  un  mois  d'ici,  dans  une 
misérable  salle  de  cabaret,  pour  y  renouveler,  avec  la 
peste,  la  lèpre,  le  l'eu  Saint-Antoine  et  quelques  autres 
conviv^îs  de  ce  genre,  le  siuiper  des  rois  détrônés  de 
Candidi'. 

—  Alors,  parlez  vite  et  ([u'on  u'etileiule  plus  parler 
de  vous. 

—  l'arlir,  c'est  bientôt  dit  ;  mais  iaissez-nioi  re- 
prendre mon  histoire  de  plus  haut.  Vous  souvient-il 
(le  la  première  visite  que  je  vous  lis  en  1832  ? 

—  Que  trop  ! 

—  Comme  j'étais  fringant  et  superbe  alors  1  Quel 
bruit,  quelle  puissance,  quelle  terreur  autour  de  moi  ! 
Jamais  Alexandre  avec  les  Macédoniens,  Attila  avec  ses 
Iluni",  Tainerlan  avec  "ses  hordes,  jamais  les  Cosaques 
eux-mêmes,  ne  plongèrent  dans  une  telle  consterna- 
tion les  peuples  saisis  d'horreur.  C'était  mon  beau 
temps,  j'arrivais  triomphant  de  l'Inde,  j'étais  plus 
qu'un  roi,  j'étais  le  diable,  j'étais  l'Ante-Clirist  !  » 

En    parlant    ainsi,  le    Choléra  faisait  des  fresles  si 


riiliculi  ■;    cl  avec    tant    d'eiii|iliave,  (|iie   deiu    ou    trois 
passants  s'arrèlèrenl. 

"  Oh!  c'I'ipelel'.'  cria  un  gamin. 

—  Vous  l'entendez'.' reprit  le  Choléra,  telle  est  aii- 
jiMiidliiii  iiinii  humiliation  ;  on  me  traite  de  l'ipelel, 
(Ml  me  lit  au  nez.  Permellez-nioi  d'essuyer  une  lai-me.» 

l.ii-dcssus  il  lira  de  sa  potiic  un  vieux  mouchoir  à 
carreaux,  maculé  de  tabac. 

«  Ne  sauiiez-Miiis,  lui  dis-je,  avoir  un  inoiicboir 
|)lns  projjre,  quand  vous  vous  mouchez  en  compagnie  1 

—  Les  temps  sont  trop  durs,  lépondit-il  ;  tuais  laissez- 
moi  ccuilinuer  mmi  histoire.  Je  disais  donc  que  l'or- 
gneil  m'.nait  penlu.  La  tète  échaud'ée  du  souvenir  de 
mes  anciens  tri(uii|dics,  je  voulus  enti'eprendre  une 
nouvelle  tournée  en  Europe;  mais,  hélas  !  j'étais  plus 
vieux  de  dix-sept  ain  ,  et  dix-sep  ans  c'est  beaucoup, 
même  dans  la  \ie  du  choléra.  Grande  mort  (dis  ceci 
xpatium. 

—  Quoi!  vous  parlez  aussi  latin'.' 

—  C'est  une  phrase  que  m'a  dite  hier  un  profes- 
seur de  l'Université,  chez  qui  je  m'étais  présenté,  et 
qui  m'a  mis  tout  simplement  à  la  porte.  Ah  !  ce  n'est 
pas  ainsi  qu'on  me  recevait  en  5"2  !  J'entrais  partout 
en  maître.  Mais  vous  dites  que  c'est  du  latin  ? 

—  l'arbleu  ! 

—  Je  croyais  que  c'était  du  grec  ;  mais,  n'importe. 
A  peine  parti  de  l'Inde,  je  me  suis  bien  vite  aperçu 
que  je  les  avais  ces  dix-sept  ans  de  plus.  J'arrive  en 
Russie,  en  me  traînant  tant  bien  que  mal;  là  encore, 
grâce  à  un  suprême  effort,  je  parvins  à  jouer  un  rôle 


I.A    'FIE    PUBI.IQUE    ET    FB.IVÉE    DE    MOSSIEU    REAC. 

CiiAP.  V.  —  Xuuvelles  iclégripkiqiics. 


■/A\ 

Grand  Dteul...  Une  décharge  a 
lieu  sur  le  boulevard  des  Cap 
.  Le  peuple  march 


32i 


UKVUK  COMIQUE 


à  peu  près  présenlahle,  mais  c'est  tout  :  on  m\ipporte 
mourunt  en  Angleterre,  où  personne  ne  preiiil  garde  à 
moi.  Humilié  de  ce  dédain,  je  passe  la  Manche  à  cré- 
dit sur  une  mauvaise  barque  de  pcclieur,  et  me  voilà 
à  Paris,  oii  je  fais  le  peu  de  bruit  que  vous  savez.  Je 
tremble,  je  grelotte,  je  puis  à  peine  me  traîner,  et , 
pour  en  linir,  honteux  et  misérable  comme  Job  sur 
son  fumier,  je  crains  de  m'ètre  attrappé  moi-mènie. 
Moi  le  choléra,  que  dira-t-on  si  l'on  sait  que  je  suis 
atteint  du  choléra?  C'est  le  comble  du  ridicule. 

—  Vous  n'avez,  ma  foi,  que  ce  que  vous  méritez. 
Mais  à  quoi  bon  votre  accent  auvergnat  et  ce  «  petit 
chou»  que  vous  me  demandiez? 

—  D'abord  l'accent  auvergnat  me  sert  à  n'cire  pas 
reconnu,  ce  qui  ariiverait  bien  vile  si  je  me  servais 
de  mon  véritable  accent,  qui  est  l'accent  sanskrit. 

—  Et  le  «  petit  chou  »  ? 

—  Cest  pour  un  petit  magot.  Le  manque  d'argent 
me  relient  seul  à  Paris.  Quand  j'aurai  une  cinquan- 
taine de  francs,  je    ferai  mon   paquet  dans  ce  même 


nioncbnir  à  carreaux  cl  à  labae  que  vous  avez  vu  ; 
j'allacherai  ce  pacpicl  au  bout  d'un  bàlon,  et  je  lâche- 
rai de  m'en  rolonrner  dans  mon  pays  natal  ;  peut  être 
nionnai-jc  ilo  l'aligne  en  route. 

—  I>ien  le  venillo  ! 

—  Merci  ;  vous  cics  un  modèle  de  respect  envers 
les  vieillards. 

—  Voyons;  laissez  là  vos  phrases,  vieille  bêle,  et 
prener  celle  pièce  de  ciut]  «clious». 

Le  choléra  prit  la  pièce,  cl  s'en  alla  en  thanlant 
d'une  voix  chcvrotlanle  ; 

Cinq  clioii?. 
Cinq  clious 
PniM-  nionler  nuire  n-cn  ge, 
Elc,  cic. 

Une  sonscriiilion  est  onveric,  à  partir  d'anjcuird'luii, 
dans  les  bureaux  de  la  licvue  comique  pour  parfaiie  la 
somme  de  cinquante  fr.incs,  sans  laquelle  le  choléra 
gueuserail  encore  longtemps  dans  les  rues  de  Paris. 


DÉCHÉANCE  DE   LO.NCCIIAMP. 


Avez-vous  songé  à  Longcliamp?  avez  vous  pensé  cpip, 
diu'ant  la  présente  semaine  sainle,  if  était  d'nsage  à 
Paris,  depuis  la  régence,  de  parcourir  à  pied,  à  cheval 
ou  en  viiilures,  toute  l'avenue  des  Ciianips-l'Jysées  cl 
d'v   fiire  l'evibition  des  modes  nouvelles?  Non  ;  ious 


avez  élé  préoceupi'S  pai-  les  affaires  d'Itilie,  le  pmcès 
de  Bourges,  la  loi  contre  les  clubs,  la  mésaventuie  du 
général  Changarniei';  et  l'époque  de  la  fêle  périoili(]ue 
de  Longcliamp  s'est  écoulée  au  milieu  d'une  iiKlillé- 
rence  presque  générale.  Celle  fêle  périodique,  oii  hril- 


lA  VIE  mriçrE  it  frivïe  be  moesieu  nsAC. 

CH/.r.  V[.  — .17.    SI   u   A,  ,     s    ./.,,,/  ,,i',   ,w  lenubiianii  de  ramnl-vn! le. 


ïur  ce  coup  inattendu,  TTio^siet)  R»^ac, 
ayant  rejeté  bien  loin  les  vils  in- 
aigres  de  la  tyrannie,  r^fl^chit 
qu'il  a  bien  peur,  mais  qu'il  y  a 
peut-ttrt:  moyen  de  tirer  parti  du 
nouvel  ordre  de  choses. 


1  conséquence,  il  se  met  à  crier  de  toutes  ses  forces  : 
;  la  Jtépublique!  et  se  fait  du  coup  sans  culollc. 


carde 

plus 


iiterprft*. 
ente  d'arborer   une  co- 
de  taille  et  du  rouge  le 


A   l.liSAr.K  l)KS  r.KNS  SKUIKIIX. 


52.1 


li'riiil  ((iiii-à-liiiii-  les  1111/1111 X  de  177."),  1rs  iiicnïiiô/es 
(le  la  jeunesse  durée,  les  iiiciTei/leux  de  1X05,  les 
ciilieots  do  iJSKi,  les  fiis/iiuiiables  de  nus  jours  ;  celle 
fêle,  j.idis  si  s|>'eiidiile,  si  lumiillueuse,  si  aiiiiiiée,  n'a 
élé  eliôrnée  (|iie  par  un  pelil  nmiilire  de  lidèles. 

(le|ii'ii'laiil  <les  iiieinbres  du  c  iiiiilé  napuléorneii , 
des  fédéiés  iionaparlisles ,  venus  de  divers  déparle- 
Mieiils,  (inl  eni  devoir  faire  une  iiiaiiifcslatinii  siinr|i- 
Uiaiie. 

On  a  vn  reparallre  les  cai-ritks  à  trente -six  lollels, 
qu'un  avait  cru  longtemps  abandunnés  ù  i'Iionuialiie 
cui puration  des  cochers  de  liacies. 

l-es  spencers  étaient  généralement  bien  porlés. 

On  remarqnait,  dans  plusieurs  landaws,  des  habi- 
tués de  ^^-lJsée  national,  en  grand  cosUime  de  cour: 
habit  de  suie  puce,  garni  de  boutons  de  chas^e,  veste 
de  Suie  brodée  en  oi',  inancheltes  de  dentelles,  jabot  de 
loile  de  Hollande,  cululte  de  drap  de  soie,  épée  à  poi- 
gnée d'acier. 

On  va  revenir  aux  redingotes  d'al[)aga  et  aux  botles 
à  la  Souvarow,  aux  culottes  de  panne  ou  de  velonrs, 
an\  gilets  longs  et  aux  habits  à  queue  de  morue.  Les 
élégants  ne  p  mrroiil  se  ilisp  ens  t  d'avoir  deux  monties 
et  des  breloquL's  en  graines  d  Am-ri  [ue.  Ils  devront  se 
faire  friser  par  Armande,  habiller  par  (^alel,  culotter 
par  llem-yet  boiter  par  Asthley. 

L'influence  des  idées  impériales  se  fait  déj.à  sentir 
dans  la  toilette  des  dames  :  quelques-unes  portaient  des 
turbans  et  des /oi^e/f/s  «  la  Marie  SUiarl  ;  d'autres  ca- 
chaient leiir  chevehn-e  sous  de  channanles  perruques 


à  la  7'i/iis,  frisottées  ù  lu  lii'rihtiee.  (iiilcc  à  l'exemple 
de  liun  nombre  de  merveilleuses,  on  peut  prédire  que 
les  tailles  courtes,  qui  prennent  si  grai  iensement 
au  milieu  du  dos,  ler.>nl  fureur  cet  hiver.  Les 
ilniiics  ,  é/)oi(ses  (les  fouet iuimaires  /jublics,  suivant 
riieureuse  expression  de  l'ancien  Alt/ianoc/i  ivipihial, 
ont  anélé  qu'elles  adopteraient  les  robes  à  (pieue  pour 
les  jours  de  grande  réception. 

Les  uniformes  élaient  nombreux  et  brillants.  Les 
doluians,  les  kulbachs,  les  spencers,  étaient  du  dernier 
genre  de  ISIO.  Les  |ilumtts  et  panaches  les  plus  cxcon- 
liKincs  s'élevaient  sur  la  têle  des  officiers  supé- 
rieurs. 

On  n'a  pas  encore  décidé  si  l'on  reprendrait  les 
queues,  les  eadcnelles  et  les  catogans. 

Certains  vcillards,  encore  jeunes  de  cœur,  se  sont 
montrés  avec  l'uiiifornie  de  Varuiée  d'Italie;  leurs 
rhapeaux  à  cornes,  iein-s  plumes  de  coq,  leurs  panla- 
lons  rayés,  rappelaient  Arcole  et  Mondovi.  Ils  sem- 
blaient, par  leur  attitude  martiale,  menacer  les  Au- 
trichiens de  nouvelles  défaites;  mais  les  temps  sont 
changés,  et  ces  diMnonslrations  n'ont  ubUiui  que  |)eu 
de  succès. 

On  a  aperçu,  dans  une  allée  écarlée,  nn  parli- 
culier  ie\ètu  d'une  redingotte  gi-ise  et  d'un  petit 
chape, lu. 

Il  marchait  à  grands  pas,  les  mains  dciiièie  le  dos, 
et  prisait,  par  intervalle,  du  tabac  Hobillarl  ,  dans  la 
vaste  poche  de  son  gilet. 

Qiielq'ies  compères  ont  applau  li  ce  fmto  me  d'cm- 


XiA    VIE    PUBLIQUE    ET    TRIVEE    DE    MOSSIEU    KEAC. 

ChaP    vi.-.1/o.«,-<-h  Réac  :.' r/,e  çoil  ];;ie'l  Tfpubi:ciinile  rarnnl-vrille. 


Et  la  quitte  bientôt  pour  en  prendre 
une  autre  de  la  même  dimension 
mais  tricolore. 


on.ijj  étaient  T.rt 
ut  l'idée  ingénieu- 
:iir  coutume  natîo- 
ndie  intéressant. 


irrivé  à  Paris,  mossieu  Eéac  va  au 
club  le  plus  ardent  et  débite  cette  I    cl  le  cridil,  fils  de  la  confiai 
théorie  neuve,  qu'il  f.nut  faire  re-      ,,         -,    .  ,  i     •      ,■ 

naitrela<:o/.Aai.«,m/-r«rfucre</./,      li«  »•"'«  a /o  prochaine  l^rai. 


326 


REVUE  COMIQUE 


Puisque  c'est  noire  bal! 


pereur  ;  mais  le  public  n'a  point  partagé  leur  enthou- 
siasme (le  commande,  et  le  personnage  mystérieux, 
voyant  son  entrée  manquée,  s'est  hâté  de  disparaître. 


Nous  présumons  que  l'accueil  qu'il  a  reçu  lui  ôtera 
l'envie  d'une  nouvelle  tentative. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


Un  comité  électoral  napoléonien  s'est  constitué  il 
y  a  quelques  mois  ;  il  a  fait  appel  au  public,  et  con- 
voqué le  ban  et  l'arrière-ban  des  grognards  dans  la 
salle  Valentino.  Toutefois,  pour  répondre  aux  soup- 
çons, il  a  pris  soin  d'écrire  en  gros  caractère  sur  ses 
afliches  ; 
Le  Comité  napoléonien  n'appartient  à  personne. 

Quelques  flâneurs  égarés,  après  avoir  as  sisté  pres- 
que seuls  aux  trois  premières  séances  de  l'association, 
proposent  d'en  modifier  ainsi  la  devise  : 

Personne  n'appartient  au  Comité  napoléonien. 

— Les  accusés  de  Bourges  sont  condamnés  aux  frais  du 
procès  ;  de  sorte  qu'à  la  fin  de  l'arrêt  qui  confère  Barbes 
et  Albert  dans  une  prison   perpétuelle,  on  ht  :  «   Lu 


tribunal  fixe  à  trois  mois  la  durée  de  la  contrainte  par 
corps.  » 

—  Les  économies  impitoyablement  réalisées  par 
l'Assemblée  nationale  excitent  un  vif  mécontentement 
dans  les  administrations  publiques.  Un  chef  de  bureau 
transmettait  hier  les  doléances  de  la  sienne  à  un  re- 
présentant, qui  a  contribué  énergiquement  à  la  dimi- 
nution du  budget. 

«  Je  conçois  vos  murmures,  répondit  le  représen- 
tant; je  comprends  que  vous  soyez  tentés  de  dénigrer 
TKitre  conduite;  mais  vous  aurez  beau  faire,  vous  serez 
forcés  de  nous  rendre  justice. 

—  Comment  cela'? 

—  Parce  que  nous  saurons  vous  réduire  à  la 
demi-ration.  » 


SUR    LE    HTDGF.T    de    l'aCHICULIDRE   et    Dit    COMMF.ncE. 

Le  budget  du  commerce  et  de  l'agricullnre 

Par  la  commission  de  plus  en  plus  s'6|iurc. 

Ses  membres  sont  d'habiles  combjllanis, 

Et  lorsque,  de  ses  fonds  avide. 
Du  ministre,  les  bras  s'ouvrent  à  deux  ballants, 

On  voit  que  le  Buffet  est  vide. 


Sin    LE    BUDGET    DE    l'iNTÉBIEIR. 

Lorquc  Faucher  que  la  rage  conduit 
Parle  sur  les  beaux-arts.  Dieu!  quelle  tviste  chose! 

C'est  le  triste  oiseau  de  la  nuit 
Qai  sur  une  statue  insolemment  se  pose, 

C'est  le  ver  rongeant  un  beau  fruit, 
C'est  le  colimaçon  bavant  sur  une  rose. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SIÎHIEIIX. 


zi  1  : 


CHASSOX    ENVUVEE    A    I.A    HKVIIJ    COlllyllE    PAR    IN    ItLOJA.vr    UEÏOCBATii. 


327 


Il  l'sl  un  mot  du  lan^çage  vulyiirt!, 
Qui  cepcndanl  n'est  pas  i  mépriser; 
Qu'à  l'inforiuiie,  à  la  peste,  à  la  guerre, 
I.e  philosophe  a  rai-on  (ropposer  : 
Zut!  zut;  zui;  zut!  znt  ! 
Zut!  zut!  zut!  zut!  zut!  zul!  zut!  zut! 

Zut  !  zut!  zul!  zui!  zut! 
Zut! zut!  zut!  zut!  zutl  zul!  zul  !  zut! 

J'aime  le  goùl  et  la  cjuleur  charmante  , 
Du  chamberlin,  du  bordeaux,  du  mùcou  ; 
Mais  pour  calmer  la  soif  qui  me  tournieote, 
Si  de  Suresne  ou  m'apporte  un  Hacon  : 
Zut!  zut!  etc. 

D'une  lilletteà  la  taille  élégante, 
Les  dix-huit  ans  ont  les  charmes  vainqueurs 
Mais  vainement  une  vieille  intrigante 
Tend  s>  s  Glets  pour  y  prendre  les  cœurs. 
Zut!  zul!  elc, 

Maître  0  dilon,nnnli  d'un  minislère, 
Prune  des  lois  qu'il  attaquait  jadis. 
Contre  lui-même  alors  qu'il  déblatère, 
Il  se  croit  fort;  quant  à  moi,  je  lili  dis  : 
Zut!  zul  !  elc. 


Léon  Faucher,  rhéteur  plein  de  rancune. 
Lance  sur  nous  son  acerb;  oraison, 
El  de  son  poing  martèle  la  tribune, 
Eu  outrageant  les  clubs  et  la  raison. 
Zut!  zut!  etc. 

De  Changarnier  l'on  rogne  le  salaire. 
Et  des  baO-iuds  disent:  «C'est  immoral  ; 
Vou;  qu'il  soulie  nt  de  son  bras  tulélaire, 
Failes  l'aumdne  au  pauvre  général.  » 
Zul!  zul!  etc. 

(JuanJ  d'un  vieux  r  oi  les  aveugles  alcades 
De  son  courro  ux  menaçaient  la  cité. 
En  février,  du  haut  des  barricades, 
L'n  peuple  immen.se  a  soudain  répété  : 
Zut! zul!  elc. 

De  l'ancien  joug  la  France  est  affranchie  ; 
Et  si  pour  nous  rêvant  un  nouveau  frein, 
Des  insensés  pleurent  la  monarchie, 
Républicains,  chanlon£-leur  ce  refrain  : 
Zut!  zut! zut! zul!  zut! 
Zut!  zut!  zut!  zut!  zut!  zut!  zul!  zut  ! 

Zut!  zut!  zut!  zut!  zul  ! 
Zut!  zut!  zul!  zul  !  zut!  zul!  zut  !  zut! 


L«  pompier  du  15  mai  blaochi    et  remis  à  neuf,  lui  et  ses  buffleteries,  par  les  mains  de  la  justice,  se  dispose  à  rentier  dans  ses  foilliers, 
pour  renoncer  à  jamais  à  Satan,  à  ses  pompes  et  à  ses  œuvres. 


I 


ColonRl  ri  irailé,  blaiiclii  sous  les  drapeaux, 
Tracy  de  la  marine  obtiul  le  iniiiislère  ; 
Mais  le  diyiie  ollicierest  trop  liomine  de  lerie, 
Poiir  bien  tenir  la  barre,  et  virer  à  propos. 
Si  l'on  voyait  sombrer,  sous  l'effort  de  l'orage. 
Le  vaisseau  de  l'iilat,  par  les  vents  ébianlc, 
Tracy  ne  saurait  pas  le  sauvcrdu  r  anfrage. 
Car  lui-même  est  déjà  coulé. 


Dessiné  par  Béguin. 


Gravé  par  Baulant. 


Boi'i.i  VAnn  nr.s  itai  iess. 


3<l  (■('iifilliCH  I»   livraiHon. 


m  p  mniKiiïii,  fiï. 


idilions 

irli  posli 

EVIE.  


a  Souscription    -LiRlvuf       mi  1 1  I  rm  r  m     i       !       v      i  ri       s    j    1  l,e    ,     0 1    r  i  on.  \    0  c  1 1  mes. 

,v  cent    Onsousrrit  pour  lOhvraisou».  Po_'\e,  (kp.irl.nunU.  un.ntr  lu.    mind.it    ur  U  po  te  a  1    r     e    lu  dir  l  eur    de    la 
Pour  loiit  ce  qui  concerne  li  rédaction,  écrire  (franco)  i  M.  Lir.Eis,  au  In.reau  d.,  la  Uevce,  2,  boulevard  des  Italiens. 
WMIIffXBA'r.  ÉDITETTR,  RUE  RICHEIIEU.  52.  2.3'    LlViaiSOtl. 


do  I 

40  ce 


AVIS  AVX   JOURNAUX  »E  PARIS  ET  I»BS  DÉPARTEMENTS. 

Nous  aiiloiisoiis  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  Jievue  comique,  à  la  condltimi  ; 
\o  De  citer  la  Jievue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
2°  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  chaque  numéro. 


AVIS 

AUX  SOTTSCniPTEUnS  DE  I.A  REVUE  COMIQUE. 


Pour  l'épondre  au  désir  expiiiiiô  par  un  grand  uonihru  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  dccompiétcr  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  [jages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volunn'  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  coiuplet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  VINGT-TROISIÈME  LIVRAISON. 


La  Seinalne.  GiMnile  Pharmacie  pulitiqdC.  —  Les  Orgues  de  la  rue  de  Poitiers.  —  Ovation  de  M.  de  iMoiitiileinlicrl.  —  Lollre 
d'Arlliur  à  Aiabelln  —  Procès-verbal.  —  Los  nouveaux  Sergents  de  ville  (note  coniinuniiiuée)  —  Les  Trenibleurs.  —  Un 
grand  Criminel.  —  Une  Visite  à  l'Elysée.  —  Le  Prophèlo  (chanson). 


LKS    'IKOIs    SOnC.lEUF.S    PP.    lA     HIR    DE    IMiUlHl? 
D.'ssiiu;  par  Nadard,  t;rnvé  |iar  L-L.liii-, 

LKS    AMil.AlS    VISrrENT    I.KS    MOXLMEMS. 
Di-ssiné  par  lîertali,  gravé  i  ar  Baulant. 

lîMUÉE    Diî     iiAnETZKV    A     r\:iis. 

Dessiné  par  Nadard,  gravé  par  Uaulant. 

LliS      NOUVEAUX     SEllGEMS     DE      Vil  i.K. 
Dessiné  par  Nadard,  gravé  par  Banlara. 

.lOim-    HUl.I.    A    l'AlUS. 

Cioq  dessins  |iar  Nadard,  (gravés  par  Baulanl. 

M.     I.ACIlOSSr. 
'i'vpe  par  Faliritzuft,  gravé  pa'  Haiilant. 


Nota.  L'ahondance  des  matières  i)oU3  oblige  à  remettre  à  la  procli.iine  livraison  la  suite  de  MOSSIEU  REA(i 


LA  SEMAINE. 


GRANDE    PHARMACIE    PlLITIQLE.    . 

On  trouve  chez  M.  Delamarre,  propriétaire  du  jour- 
nal la  Patrie,  et  pharmacien  ordinaire  de  la  rue  de 
Poitiers,  le  fameux  contre-poison  souverain  pour  gué- 
rir du  choléra  socialiste. 

Ce  remède  agit  également  contre  l'empoisoimement 
par  le  champignon  démocratique  et  social  (agaricvs 
Proudhonianus]  ;  il  est  infaillible  pour  la  destruction 
des  punaises. 

Quelques  personnes  l'emploient  également  comme 
eau  de  toilette.  Il  empêche  les  cheveux  de  tomber  et 
arrête  la  carie  des  dents  ;  il  est  utile  aux  fumeurs, 
dont  il  rend  l'haleine  pure  et  fraîche,  même  après 
avoir  fumé  des  cigares  de  la  régie. 

Le  contre-poison  Delamarre  se  vend  six  francs  le 
llacon,  trois  francs  le  demi-flacon.  Tous  les  flacons  por- 
tent la  marque  de  l'inventeur.  On  fait  des  envois  en 
province  et  à  l'étranger. 

S'adresser  aux  bureaux  de  la  Patrie,  rue  du  Crois- 
sant. 

Le  comité  de  la  rue  de  Poitiers  fait  un  usage  jour- 
nalier du  contre -poison  Delamarre,  et  il  affirme  s'en 
être  toujours  servi  avec  succès. 

De  nombreuses  attestations  témoignent  en  faveur 
de  ce  contre-poison. 

«  Atteint,  depuis  la  révolution  de  Février,  d'accès 
de  socialisme  intermittent,  je  déclare  que  la  lecture 


assidue  de  la  Patrie,   et  l'article  contre-poison   pris  à 
haute  dose,  m'ont  complètement  guéi'i. 

(S  Signe'  Rougeaud, 
('  propriétaire  à  Chàleau-Chinon.  » 

n  M'étànt,  aux  dernières  éleciions  d'avril,  présenté 
comme  candidat  républicain,  et  me  plaignant  de  cette 
infirmité,  on  m'a  conseillé  de  me  mettre  au  régime  du 
contre-poison  Delamarre.  Depuis  cette  époqi^e,  je  suis 
soulagé  de  toute  espèce  de  douleur  républicaine,  et  je 
me  présente  comme  candidat  légitimiste  aux  prochai- 
nes élections. 

«  S/j'ie  BlIURBOUSSON, 

«  représentant  de  Carpentras.  » 

a  Le  contre-poison  Delamarre  m'a  délivré  d'un  ca- 
tarrhe démocratique  contracté  le  lendemain  de  la  ré- 
volution de  Février,  en  montant  ma  garde.  Je  suis  re- 
venu, en  lisant  la  Patrie,  à  la  santé  et  à  la  réaction. 
Je  ne  saurais  trop  recommander  l'usage  de  ce  remède 
à  ceux  qui  se  plaignent  d'une  toux  républicaine  invé- 
térée. 

«  Signé  Lapincueux,  banquier.» 

I       Nous  n'en  finirions  pas,  si  nous  voulions  citer  tous 
les  autres  témoignages  en  faveur  de   l'invention  Dela- 
marre. 
:       On   prétend  que  M.  Véron  veut  inlenlcr  un  procès 
!  à  M.  Delamarre.  M.  Véron  soutient  que   la  pàle-lîc- 


330 


REVUE  COMIQUE 


gnauld  est  également  souveraine  contre  la  République 
et  le  socialisme,  et  que  le  contre-poison  du  journal  la 
Patrie  n'est  qu'une  contrefaçon  dos  articles-Uegnauld 
du  Constitutionnel. 

Les  tribunaux  seront  bientôt  appelés  à  juger  cette 
importante  contestation.  Quant  à  nous,  s'il  faut  dire 
toute  notre  pensée,  nous  préférons  le  con Ire-poison 
Delainarre  à  la  |)àte-Rognauld,  la  Patrie  au  Constitu- 
tionnel. 

Le  contre-poison  a  quelque  chose  de  naïf  qui  rem- 
plit l'àme  d'une  douce  joie  et  la  d.spose  aux  impres- 
sions comiques.  Prenez  seulement  ces  dix  ligues  de 
contre- poison  : 

«  On  cit;\it  dernièremenl  un  mot  de  la  femme  d'un 
Icarien  de  l'avant-garde,  qui  pourrait,  ce  nous  semble, 
faire  le  pendant  de  quelqu'une  de  ces  belles  réponses 
des  femmes  Spartiates  dont  PIntarqne  a  consacré  l'hé- 
roïque souvenir.  On  parlait  devant  celle-ci  des  mal- 
heureux adeptes  de  M.  Cabet,  qui,  manquant  de  tout, 
exténués  de  misère  et  de  faligue,  se  voyaient  con- 
traints de  renoncer  à  ce  désastreux  voyage. —  Quant  A 
moi,  dit-elle,  parlant  de  son  mari,  je  serais  moins  dé- 
solée de  sa  mort  que  de  son  retour.  » 

Il  est  évident  qu'immédiatement  après  avoir  avalé 
cette  faible  dose  de  contre-poison,  vous  rendez  tout  l'ar- 
senic icarien  renfermé  dans  vos  intestins,  et  vous  échap- 
pez à  une  mort  certaine. 

On  sait  que  les  militaires  commettent  souvent  l'im- 
prudence de  cueillir,  en  se  promenant,  des  numéros 
du  journal  le  Peuple,  et  de  les  accommoder  ensuite  au 
gratin.  Les  avis  fréquents  desjournaus  sages  n'empê- 
chent point  les  soldats  de  se  livrer  journellement  à  des 
folies  de  oe  genre.  Puisqu'on  ne  peut  pas  les  empêcher, 
du  moins  fant-il  songer  à  en  guérir  les  victimes.  C'est 
dans  ce  but  que  M.  Delamarre  a  cru  devoir  livrer  son 
contre-poison  sous  la  forme  d'alinéas-pilules. 

«  On  demandait  l'autre  jour  à  un  sous-oflicier  du 
33'  de  ligne  ; 

—  Est-il  vrai  que  les  sous-ofliciers  de  votre  régiment 
soient  socialistes? 

—  Mieux  que  cela,  monsieur,  répondit  le  maréchal 
en  herbe,  nous  sommes  tous  communistes.  Qu'on  nous 
donne  les  démocrates  rouges,  et  nous  nous  les  serons 
bien  vite  partagés.  » 

«Cette  manière  d'entendre  le  communisme  ne  nous 
parait  pas  la  plus  mauvaise.  » 

Ni  à  riuus  non  plus;  seulement  nous  voudrions  sa- 
voir ce  que  les  maréchaux  en  herbe  feraient  des  démo- 
crates rowjes,  lorsqu'ils  se  les  seraient  partagés.  Et 
comment  se  les  partageraient-ils? 

Ici  nous  croyons  que  la  passion  du  contre-poison  em- 


porte M.  Delamarre,  et  nous  avouons  que  ses  alinéas- 
pilules  nous  paraissent  exciter  passablement  les  citoyens 
à  la  haine  des  uns  contre  les  autres. 

iNous  espérons  que  ce  bienfaiteur  de  l'humanité  s'ar- 
rêtera dorénavant  dans  les  bornes  voulues.  En  atten- 
dant qu'on  lui  élève  une  statue  ,  >L  Delamarre  s'est 
décidé  à  livrer  à  la  publicité  la  recette  de  son  contre- 
poison :  deux  onces  de  légitimisme,  vingt-cinq  gros 
d'orléanisme,  quatre  litres  d'agiotage;  remuez  le  tout 
dans  un  encrier,  et  vous  avez  l'eau  infaillible  pour 
la  destruction  dos  républicains. 


Reine  du  monde,  ô  Erance  !  ô  ma  patrie!  soulève 
enlin  ton  front  cicatrisé!  Nous  avons  un  Président  qui 
comprend  ta  grandeur. 

M.  Louis  Bonaparte  passe  sa  vie  à  parcourir  les  ma- 
gasins de  Paris  (cela  s'appelle  maintenant  des  exposi- 
tions d'industrie),  et  à  acheter  des  étoiles.  Nous  vou- 
drions bien  savoir  ce  qu'il  peut  faire  de  tant  de  robes! 

En  attendant,  ses  partisans  se  chamaillent. 

Le  Président,  d'il  l' E uénernent ,  est  l'honone  de  l'au- 
torité ;  c'est,  avant  tout,  l'homme  de  la  révolution,  ré- 
pond la  Liberté.  Nous  avons  le  bona|)artisme  rouge  et 
le  bonapartisme  bleu.  Ceci  est  tout  simplement  de  la 
haute  comédie.  On  veut  renouveler  la  farce  des  héri- 
tiers présomptifs  retenus  par  les  grands  parents  dans 
une  voie  étroite,  mais  très-avancés  au  fonds.  C'est 
ainsi  qu'on  présentait  le  duc  d'Orléans  à  la  génération 
nouvelle;  malheureusement,  pour  les  prétendants, 
cette  farce  est  usée  jusqu'à  la  corde.  Aujourd'hui  on 
ne  peut  plus  faire  de  la  popularité  de  bascule. 

Nous  venons  de  parler  de  l'Evénement.  Ce  journal 
se  transforme.  M.  Victor  Hugo,  de  soleil  va  devenir 
lune,  il  prend  place  au  firmament  des  journalistes  du 
soir.  Le  parti  des  penseurs  rentie  dans  la  nuit.  Fasse 
le  ciel  que  cette  nuit  ne  soit  pas  bientôt  éternelle! 

La  semaine  qui  vient  de  s'écouler  nous  a  révélé  un 
grand  caractère.  Le  vertueux  Boulay  (de  la  Meurtlie) 
s'est  élevé  tout  d'un  coup  à  la  hauteur  des  plus  grands 
hommes  d'État  de  l'antiquité.  L'Assemblée  lui  a  re- 
fusé une  augmentation  de  traitement;  il  a  refusé  le 
traitement  tout  entier.  Cincinnatus  voulait  quatre- 
vingt-huit  mille  francs  ou  rien  ;  pas  un  un  sou  de  plus, 
pas  un  sou  de  moins.  Il  paraît  (jue  c'est  à  ce  taux-là 
seulement  qu'on  peut  être  vice-président  de  la  Répu- 
blique française. 

Désappointement  -  Changarnier ,  désappointemenl- 
Roulay,  désappointement-Véron  ;  ceci  est  la  semaine 
des  désapjiointements. 

Le  baron  Véron,  surintendant  des  beaux-arts,  di- 
recteur honoraire  de  tous  les  théâtres  de  Paris,  pro- 
tecteur de  la  confédération  des  comédiennes,  média- 
leur  de  la  république  des  lettres,  directeui'  du  Constitu- 
tionnel, inventeur  de  la  pâte-Regnauld,  grand-maître 
des  tableaux  vivants,  s'était  imaginé  de  faire  entendre 


l.ES  TROIS  SORCIERES  DE  I.A  RLE  DE  POITIEIîS 

Première  sorcière:  —  Henri,  tu  seras  roi  !  ^ 

Deuxième  sorcière.  —  Philippe,  ta  s  ras  roi  ! 
Troisième  sorcière.  —  Louis,  tu  seras  emperour  et  roi  : 

(Shakespe\rF,  Macbeth.] 


Dessiuê  par  Xadard. 


Imité  des  Sorcières  de  Macbeth,  par  Decamp. 


Gravé  par  Leblanc. 


REVUE  COMIQUE 


chez  lui  la  musique  du  Prophète.  Celait  ainsi  qiio  cela 
se  pratiquait  autrefois.  On  représentait  les  pioLOs  à  la 
cour,  avant  de  les  donner  à  la  ville. 

Cette  soirée  lyrique,  ce  concert  de  primeurs  devait 
avoir  lieu  en  riioiiucur  du  comité  de  la  rue  de  Poitiers. 


MM.   Mole,   Berryer,  Montalenibcrt,   étaient    invités. 
M.  SIeyerbeer  avait  consenti  à  cette  audition,  lorsque  la 
direction  de  l'Opéra  a  nus  son  veto.  Elle  a  refusé  ses 
chanteurs  et  sa  partition  au  dictateur  Véron.  C'est  un     u 
acte  de  courage  dont  il  faut  lui  savoir  gré. 


LES  ORGUES  DE  L.\  RUE  DE  POITIERS. 


—  Ne  négligeons  aucun  moyen  d'influence,  mes- 
sieurs, dit  M.  Thiers  au  comité  de  la  rue  de  Poi- 
tiers. 

—  11  nouS:  semble  que  nous  n'en  négligeons  aucun, 
répondit  avec  aigreur  le  comité. 

Dans  ce  conciliabule  des  amis  de  l'ordre,  on  ne  pro- 
nonce pas  quatre  mots  sans  se  fâcher.  Ce  sont  des  (]ue- 
relles  incessantes  qui  troublent  paifois  cette  rue  de 
Poitiers,  si  paisible  avant  l'invasion  du  parti  de  la  fu- 
sion universelle. 

—  Vous  allez  voir,  reprit  M.  Thiers,  qu'il  y  a  un 
moyen  auquel  nous  n'avons  pas  encore  songé.  iNous 
publions  des  petites  brochures  contre  poison  pour  le 
peuple,  mais  le  peuple  ne  les  lit  pas. 

—  Vous  croyez  ? 

—  J'en  suis  sûr.  11  y  aurait  autre  chose  à  faire;  il 
faudrait  trouver  le  moyen  de  forcer  les  gens  à  avaler 
le  conire-pjison  malgré  eux,  et  ce  moyen,  je  crois  l'a.- 
voir  trouvé  :  il  gît  dans  la  diffusion  des  orgues  de  Rar- 
barie.  Ce  n'est  plus  du  Nord,  c'est  de  l'orgue  de  Dar- 
biiie  que  viendra  la  lumière. 

—  (Comment? 

—  Je  m'explique.  Nous  allons  fonder  un  atelier  de 
chansons  antirépublicaines  sur  des  airs  connus,  com- 
me :  Chinq  sous  ou  le  Clair  de  la  lune,  et  même  sur 
V aiv  ia  Di'inn,  drinn.  Notre  ami  Rémusataura  la  direc- 
tion de  cet  atelier,  à  cause  de  ses  connaissances  spéciales 
dans  ce  genre  de  propagande;  peut-être  même  obtien- 
drons-nous la  collaboration  de  l'ancien  préfet  Romien. 
Cet  atelier  sera  composé  d'autant  de  chansonniei's  que 
nous  en  pourrons  réunir.  Ils  auront  deux  repas  |)îr 
jour  de  veau  rôti,  avec  un  litre  chacun  de  vin  à  quinze. 
Le  veau  pousse  à  la  chanson,  surtout  lorsqu'on  peut 
en  même  temps  sabler  le  vin  à  quinze,  qui  fait,  en 
s'échappant  :  Pan!  pan!  En  outre,  il  sera  alloué  à 
chacun  une  haute  paye  de  1  fr.  30  c.  par  séance. 

—  Après? 

—  .Nous  soudoyons  des  orgues  de  Barbarie  pour  al- 
ler chanter  ces  chansons  dans  les  rues  de  Paris  et  dans 
les  départements;  mais  vous  com[)renez  que  pour  ob- 


tenir de  bons  résultats,  il  est  besoin  d'un  déploiement 
extraordinaire  d'orgues  de  Barbarie.  Us  doivent  s'abal- 
tie  comme  une  nuée  de  sauterelles  sur  toute  la  France, 
encombrer  les  villes,  pénétrer  même  dans  les  plus  ob- 
scurs villages,  dans  les  bourgs,  dans  les  hameaux.  On 
peut  se  refuser  à  lire  nos  petites  brochures;  mais  il 
est  impossible  de  ne  pas  entendre  un  orgue  qui  s'ins- 
talle pour  quelques  heures  sous  vos  fenêtres.  Et  c'est 
fout  simplement  du  contre-poison  qui  pénètre  dans  les 
villes,  à  travers  les  fenêtres  et  les  murs.  Justement, 
voici  le  printemps  qui  s'avance,  les  fenêtres  restent  gé- 
m'-ralemcnl  ouvertes,  et  la  prop.igande  en  sera  d'au- 
tant plus  facile. 

Ce  projet  de  M.  Thiers  fut  adopté  à  l'unanimité,  et 
le  comité  vola  à  l'instant  les  fonds  nécessaires  pour 
constituer  l'atelier  de  chansons,  qui  fonctionne  acti- 
vement à  l'heure  qu'il  est.  On  espère  y  enrôler 
.M.  ClairviUe. 
•Restait  la  question  des  orgues  de  Barbarie. 

Des  émissaires  se  sont  mis  en  campagne  pour  racco- 
ler  tous  les  joueurs  d'orgue  de  Pai'is  et  des  barrières. 
On  s'est  déjà  assuré  du  concours  du  célèbre  vielleur 
du  procès  Fualdès.  Il  en  arrive  tous  les  jours  un  grand 
nombre  devant  la  porte  du  comité,  qui,  en  attendant 
le  moment  d'être  introduits,  et  peut-être  aussi  pour 
donner  aux  membres  du  comité  une  preuve  irrécusa- 
ble de  leur  talent,  tournent  la  manivelle  dans  la  cour 
avec  acharnement.  On  comprend  quelles  luttes  artis- 
tiques doivent  s'engager  entre  ces  virtuoses,  surtout 
lorsque  la  cour  en  est  pleine.  C'est  au  point  que  le  co- 
mité s'est  vu  quelquefois,  à  cause  du  bruit,  forcé  d'in- 
terrompre ses  séances,  et  que  les  liabilanls  de  la  rue 
s'en  plaignent  avec  amertume. 

On  a  enfin  compris  la  nécessité  d'avoir  un  bureau 
spécial  pour  les  relations  du  comité  avec  les  joueurs 
d'orgue,  et  c'est  M.  de  Rémusat  qui  en  a  accepté  la 
direction,  comme  il  avait  déjà  celle  du  bureau  des] 
chansons. 

Quelle  position  pour  un  philosophe  doctrinaire! 


OVATION  DE  M.  DE  MONTAI.E.MBEBT. 


Glace  aux  efforts  de  M.  de  Monlalembert,  l'Assem- 
blée nationale  a  décrété  «  que  la  magistrature  actuelle 
conserverait  ses  fonctions.  » 


Le  pieux  légendaire  auquel  nous  devons  Y  Histoire 
de  sainte  Elisabeth  de  Hongrie,  l'apologiste  du  Son- 
derbund,  le  défenseur  des  prétentions  pontificales,  le 


A  L'USAGE  DES  GRNS  S|:;RIF,UX. 


353 


champion  dos  idt'i's  gotlii(|ui's,  s't-st  iiinnlrc  coiisc^iiiciil 
cil  sonk'iianl  rinaiiiovihilitiS  dos  iiuigistrals. 

Aii«i  les  vieux  juges,  les  vieux  conseillers,  les  vieux 
présidents,  acialileiil-ils  leur  sauveur  des  lémoignages 
Je  leur  lecdiiiiuissaïue. 

Les  uns  i'oiil  di'|)oser  leur  caile  clicz  lui,  lesanlres 
vont  le  coiiipliiiii'iiler  |)ersonneilenH'iil.  Il  en  est  qui 
pro|)ascnt  ;i  l'Acidéinie  française  de  iiicnic  son  éloge 
au  concours  ou  de  lui  déférer  un  prix  Monlliyn.  Quel- 
(]ues-uns  parlent  de  le  faire  canoniser. 

De  tous  les  parquets,  de  toutes  les  cours  de  la  lîépii- 
hlique,  arrivent,  à  l'adresse  de  M.  de  Montaleinhert, 
des  lettres  de  congratulation. 

l'n  magistrat,  qui  remplit  longtemps  les  fonctions 
du  ministère  public,  vient  de  lui  .ulresser,  en  guise 
d'hommage,  la  collection  conipléle  de  ses  réquisi- 
toires, depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  nos 
jours.  C'est  là  une  ingénieuse  llalterie;  car  il  suffit  de 
jeter  les  yeux  sur  ce  curieux  recueil,  pour  comjirendre 
combien  était  difficile  la  défense  de  l'inamovibilité. 

La  première  partie  contient  Its  réquisitoires  anté- 
rieurs à  1850.  Le  magistrat  y  déclame  éloquemment 
en  faveur  de  l'auguste  pelil-fils  do  Henri  IV,  contre  la 
secte  impie  des  libéraux.  «  Il  faut  on  finir,  dit-il  dans 
une  de  ses  péroraisons,  il  faut  en  finir  avec  les  éter- 
nels ennemis  du  trône  des  lis  et  de  notre  sainte  reli- 
gion ;  avec  ceux  qui  opposent  au  droit  divin  l'utopie 
de  la  souveraineté  du  peuple,  la  personne  sacrée  et 
inviolable  d'un  monarque  adoré  ne  saurait  cire  im- 
punément attaquée.  Si  vous  ne  mettiez  un  terme  à 
la  violence  des  rebelles,  si  vous  cédiez  à  une  coupable 
indulgence,  la  société  serait  ébranlée  jusque  dans  ses 


liindcnjonts,  et  la  puissance  légitime  que  les  nourbons 
tiennent  de  leurs  anciHres  serait  cnti-avéc  dans  son 
action.  » 

Ouel(|ti('s  jiapes  plus  loin,  nous  lisons: 

"  l.a  révolution  de  185(J  a  fait  justice  d'un  mo- 
nari|iio  [);iijure  ;  elle  a  appelé  au  trône  un  prince  que 
ses  éniinontes  vertus  semblaient  avoir  |)réde»tiiié  à 
sauver  la  France  ;  et  quand  son  gouvernement  com- 
mence à  réaliser  nos  es|)érances,  voilà  que  les  éternels 
ennemis  île  l'ordre  se  coalisent  contre  lui.  Il  faut  en 
finir,  messieurs,  avec  les  insensés  qui  osent  lôver  la 
Hépublique.  La  personne  sacrée  et  inviolable  d'un  mo- 
narque adoré  ne  saurait  être  impunément  attaquée.  Si 
vous  cédiez  à  une  cou[ial)le  indulgrnco,  la  société  se- 
rait ébranlée  jusque  dans  ses  fondements,  et  la  puis- 
sance, que  le  roi  de  Juillet  tient  du  vœu  national, 
serait  entravée  dans  son  action.  » 

On  lit  encore  dans  les  dernières  pages  de  la  collec- 
tion de  M.  le  procureur-général  : 

«  La  révolution  du  24  Février  a  fait  justice  d'un 
monarque  parjure;  elle  nous  a  donné  la  République: 
le  grand  principe  de  la  souveraine  du  peuple  est  pro- 
clamé. Il  faut  donc  en  finir  avec  les  éternels  ennemis 
de  l'ordre,  et,  sans  se  laisser  entraîner  à  une  coupable 
indulgence,  raft'ermir  la  société  ébranlée  jusque  dans 
ses  fondements,  n 

Le  recueil  du  magistrat  abonde  en  pareilles  con- 
tradictions. Il  faut  en  conclure  que  M.  de  Mon- 
talembcrt  avait  entrepris  une  rude  lâche ,  en  de- 
mandant le  maintien  des  magistrats  actuels,  et  que  si 
leurs  fondions  sont  inamovibles,  leurs  opinions  ne  le 
sont  pas. 


Les  Anglais  visitent,  parmi  nos  monuments,  ceux  qui  sont  les  plus  propres  à  éveiller  leur  curiosité. 


334 


REVUE  COMIQUE 


I.KTTHE  l)'APxTUlî|\  A  AUAnK Ll.A. 


Soyez  sans  inquiotiido,  mon  Aruliella,  vous  n'aurez   1 
pas  besoin ,  ainsi  que  vous  en  aviez   peur,  de  passer 
vous-nième  le  délroit  poui-  venir  ai-nulier  votre  niaii 
aux  délices  de  Capoue. 

Quelletriste  Capoue  que  ce  Paris! 
Figurez-vous  qu'on  ne  voit  maintenant  sur  tous  les 
niui-s  que  des  affiches  de  loterie.  Grande  loterie  pour 
la  colonie  de  Tetit-Bourg,  grande  loterie  pour  les  so- 
ciétés des  peintres,  sculpteurs  et  musiciens.  Les  bals, 
les  fêtes,  les  banquets,  tout  est  prétexte  à  loterie.  Le 
président  de  notre  comité  Je  voyage  a  été  sur  le  pomt 
de  figurer  comme  gros  lot  dans  une  tombola.  On  est 
venu  nous  le  demander,  mais  nous  l'avons  refusé. 

Ce  peuple  français,  qui  passe  pour  le  plus  spirituel 
de  l'univers,  ne  parle  plus  que  de  hausse  et  de  baisse, 
de  prime  et  de  report,  de  trois  et  de  cinq  pour  cent. 
On  ne  songe  plus  qu'à  jouer.  Ceux  qui  ne  prennent 
■pas  de  billets  à  la  loterie  de  l'etil-Bourg  mettent  à  la 
loterie  de  la  Bourse. 

Quant  aux  femmes  qui  excitaient  tant  votre  jalou- 
sie, ma  chère  Arabella,  rassurez-vous  sur  leur  compte 
et  sur  le  mien  :  toutes  les  Parisiennes  que  j'ai  ren- 
contrées avaient  le  bout  du  nez  rouge. 
-  Nous  passons  ici  notre  temps  comme  nous  pouvons, 
■personne  ne  prend  garde  à  nous.  Il  est  certain  que 
-nous  aurions  dû  endosser  un  uniforme,  c'eût  été  le 
moyen  de  nous  faire  remarquer.  Vous  savez,  Arabella, 
que  je  proposai  au  comité  d'adopter  l'habit  rouge  na- 
tional ;  l'intrigue  fit  écarter  ma  motion.  Aujourd'hui, 
j'ai  la  consolation  de  voir  qu'on  me  donne  raison. 

Les  Français  nous  invitent  fort  peu.  Nous  n'avons 
reçu  jus(]u'ici  d'invitation  que  pour  le  Jardin-d'Hiver, 
Valentino,  l'hôtel  des  Princes  et  la  préfecture  de  la 
Seine.  M.  Léon  Faucher  ne  nous  a  pas  même  donné 
un  simple  diner  ;  en  revanche,  il  nous  a  envoyé  des 
permissions  à  profusion  pour  visiter  les  principaux 
monuments  de  Paris. 

J'ai  donc  vu  la  grande  marmite  des  Invalides,  les 
souterrains  du  Panthéon,  le  puits  de  Grenelle,  l'obé- 
lisque et  la  maison  sur  laquelle  pleuvait  chaque  nuit 
nn  déluge  de  moellons  et  de  quartiers  de  roc.  Ara- 
bella, selon  votre  prière,  j'ai  voulu  faire  nn  pèlerinage 
à  la  maison  d'Héloise  et  d'.\badard.  Hélas!  elle  a  été 
détruite,  et  personne  ne  s'est  élevé  conti'e  cclti'  pro- 
fanation. 

Hier,  nous  avons  été  admis  à  visiter  la  grande  cuve 
dans  laquelle  le  comité  de  la  rue  de  Poitiers  jette  l'ar- 
gent qu'il  reçoit  pour  sa  souscription.  On  donnerait 
aisément  un  diner  à  deux  cents  personnes  dan?  cette 
cuve.  Elle  est  n.ainlenant  aux  trois  quarts  ])lcinc  de 
pièces  de  cent  sous. 


J'aurais  bien  voulu  voir  .M.  Paul  de  kocK,  le  premier 
des  romanciers  français;  malheureusement,  il  n'a  pu  nous 
recevoir,  parce  qu'il  était  atteint  d'une  fausse  attaque 
de  choléra.  M.  de  Balzac  s'est  fait  russe,  et  a  quitté  la 
France  depuis  la  révolution  de  Février.  Pour  nous  dé- 
dommager, on  nous  a  conduits  chez  M.  Clairville. 
0  Arabella  !  cet  homme  est  fort  laid. 

Du  reste,  la  laideur  me  paraît  le  défaut  dominant 
des  grands  hommes  français.  Léon  Faucher,  que  nous 
nous  figurons  en  Angleterre  sous  les  apparences  d'un 
demi-dieu  lançant  la  foudre,  ressemble  tout  bonne- 
ment à  un  maître  d'études  de  Cambridge;  Odilon 
Barrot,  auquel  nous  donnons  la  forme  d'un  dieu  tout 
entier,  m'a  fait  l'effet  d'un  alderman  en  colère  ;  quant 
au  lord-préfet  de  la  Seine,  M.  Berger,  son  gros  ventre 
le  rendrait  tout  à  fait  digne  de  faire  partie  du  corps 
municipal  de  Londies. 

Vous  connaissez  le  président  de  la  République  fran- 
çaise, mon  Arabella  ;  vous  l'avez  vu  souvent  mangeant 
des  gâteaux  aux  huîtres  chez  le  pastri-cook  de  New- 
Marquet  :  ceci  me  dispense  d'en  dire  davantage. 

Le  général  Changarnier,  comme  vous  savez,  est  du 
même  âge  que  notre  grand  Wellington;  ils  ont  dé- 
passé quatre-vingts  ans  tous  les  deux.  La  vérité  me 
force  à  dire  que,  malgré  les  cosmétiques,  les  eaux,  les 
poudres  qu'il  emploie,  M.  Changarnier  me  paraît 
moins  bien  conservé  que  Wellington,  et  je  crois  qu'il 
brillerait  moins  que  lui  auprès  des  belles. 

Paris  est  bien  différent  de  Londres.  Les  maisons 
y  ont  généralement  cinq  étages,  et  les  cuisines  sont 
an  rez-de-chaussée,  au  lieu  d'être  dans  les  caves, 
comme  ce  serait  leur  devoir.  H  n'y  a  point  de  imfcli- 
men,  et  l'on  commet  publiquement  des  incongruités 
dont  ma  décence  a  été  révoltée.  Je  me  suis  voilé  la  face 
en  remarquant  sur  les  boulevards  des  colonnes  destinées 

à û  Arabella!  comment  vous  ex[)li(iuer  ce  scandale  ! 

//  if  vcrij  s/iorking  indecd! 

Je  n'attendrai  pas  mes  compatriotes,  mon  Arabella; 
je  brûle  de  vous  revoir;  et  je  ne  vous  cache  pas  que, 
en  outre,  mon  amour-propre  britannique  est  vivement 
froissé  de  l'indifférence  des  Parisiens.  Quoi  !  cinq  cents 
bourgeois  de  Londres  se  dérangent  pour  faire  une  vi- 
site aux  Parisiens,  et  on  ne  les  reçoit  pas  avec  plus 
d'empressement!  Notre  ambassadeur  devrait  deman- 
der ses  passeports! 

Je  vous  quitte  pour  me  rendre  à  une  représentation 
qu'on  donne  en  notre  honneur  au  Théàlre-Conile; 
mais  je  vous  reverrai  bientôt,  mon  Arabella,  oh!  oui, 
bientôt! 

Votre  fidèle 

AhTMUH    (^ItOKENSON. 


ENTIlIiE   DE    RADETZKl    A    PAIIIS. 
TABLEAU    COMM-NDÉ   PAU    LA   KCE    Hli    POITIEKS    POUK    ÊTRE   PLACE   DANS   TOUTES   LES   COMMUNES   DE    FRANCE. 

I  L'artiste  s'o  t  inspiré  du  tableau  dj  GÉRARD,  l'Enlrêe  d'Henri  IV  U  Paris.) 


On  li-oiivcra  pont  èti-c  qiip  le  coinilé  île  la  nie  tic  Poitiers,  en  coiiiMiaii  but  ce  talileati,  est  allé  un  peu  loin  dans 
rcx|M-essioii  lie  ses  vœux;  aussi  ne  faul  il  pas  en  pi-cntli-e  le  sens  à  la  lettre.  L'Union  et  t'.Jssemliléc  nalionulc  in- 
ïo(|iienl  lotis  les  jours  une  nouvelle  sainte-alliance  de  tous  les  pouvoirs  de  l'Kiiropc  contre  l'esprit  ré|)ublicain; 
1 11  d'autres  termes,  riiUervcntion  lîtrangère.  l'AsscmbUe  mUionale  disait  dernièrcnicnt  que  le  salut  dn  pjys  ctjit 
dan    «1  l'aiistocratie  do  race  et  l'aristocratie  militaire.  »  Lisez  et  comprenez! 

Au  centre  du  tableau,  vous  voyez  Radctzki  faisant  son  entrée  à  Paris,  comme  anti-cfois  Henri  IV,  sur  son  clicval 
blanc,  aux  pieds  duquel  s'agenouille  M.  Tliieis.  Est-ce  à  dire  que  M.  ■Jliiers  pitHende  faire  a.-scoir  i;ade:zki  .'tir 
le  trône  de  Franci?  Non,  certes,  car  alors  M.  Tliiers  ne  sci  ait  pas  ministre  ;  i!  serait  peut  être  envoyé  au  âpiclbcrg, 
en  exiiialioii  de  ses  anciennes  fredaines  libérales.  Derrière  Hadetzki  marche  le  ban  Jellachicli,  lires  diii|uel  vons 
apercevez  M.  Guizot,  M.  Hébert,  et  d'antvcs  vieux  soniteurs  de  la  monartliie,  encore  novices  dans  l'art  de  l'in- 
tervention, mais  ayant  confiance  entière  dans  rex]'.cricnce  de  Vlminine  de  Gand.  Sut'  le  prc-UHer  plan,  a  gauche,  un 
a;)erçnil  le  Consliliilioiincl,  les  Dchuts  el  l'Asseiub'ée  nationale,  qui  se  tiennent  embrassés. 

A  droite  et  dans  le  fond  du  tableau,  s'agitent  d'autre.s  masques  faciles  à  reconnaître.  nOii  ne  discute  pas  aiec 
les  socialistes  (li»ez  :  avec  les  républicains;,  on  les  extermine.  ..  Cette  profession  de  foi  d'un  aiiricn  journaliste, 
candidat  à  la  députatioii,  exprime  les  idées  dn  comité  de  la  rue  de  Poitiers  plus  dairemenl  peut-être  cpie  le  comité 
ne  l'aurait  voulu.  L'ordre  comme  à  Varsovie!  c'est-à-dire  le  parti  delà  résistance  elles  invalides  de  la  politique 
consolidés  an  pouvoir  quand  même,  tel  est  le  programme  du  comité.—  Du  balcon  delà  fenêtre  de  droite,  uiadaine 
lïéac  et  ses  demoiselles  envoienl  des  baisers  aux  héros  du  parti  de  l'ordre. 


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REVUE  COMIQUE 


l'UOCKS-Vr.KBAl. 


M'ôtant  Iransporlô,  si'loii  los  orilrcs  ilo  M.  lo  pri'l'ol 
de  police,  dans  un  local  do  la  iiio  de  Poitiers  oîi  se 
tiennent  tous  les  jours  des  réunions  électorales,  j'y  ai 
VII  un  grand  nombre  de  citoyens  réunis  autour  d'une 
table  verte. 

J'ai  surpris  qneUiues  mots  qu'ils  échangeaient 
entre  eux. 

«Vous  n'êtes  pas  de  bonne  foi;  vous  tiicliez  pour 
Henri  V. 

—  Et  vous  pour  l'empercni-  Napoléon  III. 

—  El  vous  pour  la  régence. 

—  El  vous  pour  le  prince  de  Joinviile.  » 

A.  mon  entrée  et  à  celle  de  mes  agents,  les  joneuis 
ont  essayé  de  faire  disparaître  les  enjeux  déposés  sur 
la  table.  J'ai  heureusement  mis  la  main  sur  ime  foule 
de  registres  qui  pourront  fournir  ù  la  police  d'utiles 
indications. 

Le  jeu  que  l'on  joue  dans  ce  tripot  est  le  bacarrat 
parlementaire.  Le  banquier  de  la  maison  s'appelle 
Thiers. 

J'ai  examiné  les  cartes  ;  elles  étaient  bizeautées 
comme  d'habitude. 

Un  très-grand  nombre  de  grecs  polilicpifs  se  trou- 
vaient à  celle  réunion.  >ious  y  avons  lrou\é  les  habi- 
tués ordinaires  de  ces  sortes  de  maisons.  Interrogé 
par  nous,  l'un  des  joueurs  a  déclaré  se  nommer  Mole, 
el  l'autre  Berryer.  Je  crois  que  ce  sont  des  intrigants 
qui  veulent  usurper  ces  noms  respectables.  Je  les  ai 
maintenus  en  état  d'arrestation.  J'espère  que  M.  le 
préfet  me  saura  gré  de  la  fermeté  que  j'ai  déployée 
dans  cette  affaire,  et  m'accordera  l'avancement  que  je 
sollicite  depuis  si  longtemps. 

Le  mobilier  et  les  objets  saisis  ont  été,  en  vertu  de 
la  loi,  envoyés  à  la  préfecture  de  police.  J'ai  fait  ap- 
poser les  scellés  sur  le  local  de  la  rue  de  Poitiers. 

i'/g'ni?  Servachot,  commissaire  de  police. 


Monsieur  le  Ministre, 
Je  crois  devoir  signaler  à  votre  attention  l'existence 
d'une  société  politique  qui  me  parait  en  opposition  fla- 
grante avec  la  légalité  el  le  maintien  de  l'ordre.  Celle 
société  a  son  siège  rue  de  Poitiers. 


Il  ne  s'agit  de  rien  moins,  pai'ini  les  membres,  que 
de  renverser  le  giiuveriicinent  iicliiel  el  de  le  remplacer 
|)ar  la  monarcliie. 

Ici,  heureusement,  la  division  se  glisse  parmi  les 
conspirateurs. 

Les  uns  voudraient  rappeler  la  duchesse  d'Orléans  cl 
la  ])lacer  à  la  tète  d'une  régence. 

Les  autres  sont  pom-  lleni-i  V.    ■ 

Il  y  a  un  parli  puni-  le  prince  de  Joinviile,  et  un 
autre  pour  Napoléon  III. 

Je  ne  comprends  pas.  Monsieur  le  Ministre,  (]ue,  eu 
vertu  delà  loi  de  1700,  si  lieurensement  exhumée  par 
vous,  aiiiiin  commissaire  de  police  n'ait  encore  assisté 
aux  séances  de  ce  repaire  de  consfiiraleiu's,  qui  se  dé- 
guise sous  le  pseudonyme  de  réunion  électorale. 

Il  est  d'autant  plus  urgent  de  s'en  occuper,  que,  dans 
le  local  de  la  rue  de  Poiliers,  on  fond  ouvertement  des 
articles  mâchés,  et  on  fabrique  des  écrits  incendiaires 
destinés  à  faire  sauter  la  néjiubliqiie. 

On  y  comir.el  tous  les  jours,  en  paroles  el  en  actions, 
le  délit  d'excitation  à  la  guerre  civile  et  à  la  haine  des 
citoyens  les  uns  contre  les  antres. 

En  signalant  les  dangers  de  celle  rénnion,  dans  la- 
quelle je  suis  parvenu  .'i  me  faufiler,  je  crois  rendre  un 
service  signalé  au  gouvernement,  et  mériter  une  gra- 
lillcation  que  je  sollicite  de  la  bienveillance  du  mi- 
nistre. 

Siaiir  :  Le  Numriio'ST. 

aKPIINSE    ou    rlll'FKT    [IF.    POLICE. 

\  Monsieiii' Scrvachot,  commissaire  de  police. 
L'administration   se  voit  dans  la  nécessité  de  vous 
révoquer.  Vous  êtes  admis  à  faire  valoir  vos  droits  à  la 
retraite. 

Sifjnc  :  Le  Préffi  de  roi  ice. 

HÉPONSE    DC    JIIMSrilE    I>E    I.'lNTliaiFlR. 

Le  Numéro  11  cessera  désormais  d'adresser  des  com- 
munications au  ministère;  elles  ne  seront  plus  reçues, 
et,  par  conséquent,  elles  ne  seront  plus  payées.  Le  Nu- 
méro 27  n'a  droit  à  aucune  espèce  de  gralilication. 
Pour  le  Ministre, 
Sifjnc  :  Le  Diuecteir  de  i.a  police. 


LES  NOUVEAUX  SERGEMS  DE  VILLE 


(note    COMMCNIQIÉE.) 

Le  préfet  de  police  croit  devoir  donner  les  cxplica-  1  On  a  mi  |iaraitre  depuis  quelques  jours,  dans  les 
lions  suivantes  à  ses  administrés  pour  faire  cesser  un  \ui>  r\  les  lieux  publics,  des  hommes  portant  pantalon 
déplorable  malentendu.  I   et  habit  biens,  avec  des  vaisseaux  d'argent  brodés  au 


A  i;iisa(;k  dks  ck.ns  si^nir.nx. 


337 


collol;  plus,  un  cliijpcmi  à  conios  et  rqu'u  au  ci'lr. 
I,ii  |iii|iiil:ilioii  est  liiiuhro  à  loiir  sujet  ilaus  uin'  giaN(! 
l'iirur. 

Quflipics  pi'isiiiini's  uni  nu  (pir  ccl  iinilnnnc  (■lait 
celui  ilos  i'iii(|  cents  gardes  uatiouaux  anglais  a<  lucllo- 
iiieiit  en  visite  h  Paris.  Pour  avoir  une  Irlli'  nic-i-,  il 
f.uil  évideinnient  no  rien  connailrt!  aux  iiiii-'urs  cl  au\ 
usages  (le  nos  voisins  d'outre-Manclie.  Qui  donc  igiioïc 
que  In  gaide  nationale  est  une  institution  toute  IVau- 
çaise  et  coinpit'ienient  inconnue  à  Londres? 

Mais  il  est  une  autre  erreur  plus  gjave  encore  dans 
laquelle  sont  tombés  les  ineillein's  esprits. 

Comme  ces  habits  bleus  et  ces  tricornes  ont  paru  à 
la  lin  de  la  semaine  sainte,  on  s'est  hMi  d'en  conclure 
que  c'tSlait  une  nouvelle  mode  invenl(''e  |)onr  l.ong- 
chninps,  et  qui  avait  réussi.  Aussitcjt  ipielques  d.indys 
se  sont  empressés  de  connnandei'  des  v("leinents  sem- 
blables chez  leur  tailleur. 

Je  me  hâte  de  prévenir  les  lailleuis  (]ii'ils  aient  à  ne 
pas  livrer  ces  fournitures;  quant  aux  dandys  qui  les 
ont  commandées,  je  suis  forcé  de  leur  rappeler  qu'en 
adoptant  le  costume  en  question,  ils  s'exposeraient  aux 
peines  lixées  par  la  loi  contre  tout  citoyen  (pii  usuipe 
un  uniforme  de  fonctionnaire  public. 

Le  costume  dont  je  parle  est  tout  simplement  celui 
des  anciens  sergents  de  ville,  à  quelques  modiliralions 
près  dans  la  broderie  du  collet,  et  les  lioiiunes  qui  le 
portent  sont  des  sergents  de  ville  qui  viennent  de  reiu- 
placcr  les  anciens  gardien.;  de  Paris. 

Par  suite  de  cette  transformation,  le  coslunic  des 
gardiens  de  Paris  n'étant  pins  ofliciel,  chacun  a  le  dinit 
de  le  porter. 


Mainteininl,  |iNiir  a({cpler  ma  part  de  res|)on«abi- 
lil('  dans  le  iiiali  iilrinlii  (|ue  Je  d('-pl(>re,  j'avouerai  que 
j'ai  en  peiil -l'Ire  (.11 1  d'iqiérer  ce  changeniiMit  d'uni- 
liinoe,  iu^-le  au  ninioiiit  de  Longcliamps.  (/est  ce  qui 
a  occa^iiiiMK'  l'ei  I cm-  d'un  grand  nombre  de  bons  ci- 
toyens, ipii  nul  ('II'  sur  le  piunt  de  se  trouver  en  con- 
IraveMlhiH,  Mi.il^'ii'  Iniil  leur  respect  pour  lc>  ordon- 
uanre^  el  reniements  de  p(di(('. 

Il  fiul  due,  Idiiteiijis,  (Hie  celte  coïncidence  n'a  ])as 
i''l('  lorlnile.  On  s'était  plaint  généralement  cette  an- 
née de  la  suppression  du  bœuf  gras  et  de  son  cortège 
de  masques.  Je  sais  que  le  peuple  aime  les  spectacles; 
aussi  avais-je  pensé  qu'il  élait  de  mon  ileMiii-  de  faiic 
quelque  elujse  pour  Longchamps  :  c'ot  d.iii<  le  but  de 
rendre  ipii'l(|in'  splendeur  à  celte  solennité,  que  j'y 
avais  env.i;c  un  cci  laiu  nombre  de  sergents  de  ville 
sous  leur  nmneau  nistume.  Le  succès  a  dépassii  mes 
espérances. 

Je  voulais  savoii'  seulement  si  le  costtnne  plairait  ;  il 
a  plu,  el  la  preuve,  c'est  que  beaucoup  de  citoyens  ont 
commandé  des  costumes  semblables.  Je  me  hâte  de  les 
prévenir  de  leur  erreur. 

D'un  cijté,  je  suis  lier  do  mon  succès;  de  l'autre, 
l'en  déplore  les  conséquences. 

Un  enseignement  ressort  de  là,  c'est  que  l'uniforme 
du  sergent  de  ville  n'a  pas  cessé  d'être  agréable  à  la 
population  parisienne.  En  remettant  cet  uniforme  à 
l'ordre  du  jour,  je  ci'ois  avoir  rendu  un  grand  service 
à  la  capitale.  H  y  a  eu,  en  effet,  des  préfets  de  police 
ipii  s'occupaient,  avant  tout,  de  la  sécurité  de  la 
ville;  moi,  je  in'tjccupe  des  nnifoi-mes  des  hommes 
(le  la  ]inlice.  I.a  sécurité  tout  entière  est  dans  la  coupe 


Enthousiasme  produit  pat  la  restauration  du  sergent  de  ville,  cette  colonne  du  vieil  ordre  social. 


558 


HEVUK  COMIQUE 


do  riialiil  il  dans  la  forme  du cliapeau.  Qii'alloiidio  do 
bon  dos  gardiens  de  Paris,  qui  portaient  un  oliapcan 
pointti  et  une  tunique  verte?  Quel  servioe  un  honinie 
on  tunique  et  on  cliapeau  pointu  peut-il  rendre  dans 
les  rues  de  Paris?  .Mais  parlez-moi  du  cliapeau  à  cornes 
et  (le  riialiit  liieu  avec  des  vaisseaux  au  collet!  Tout 
est  là. 

.\n  reste,  roxpérience  a  jjrouvé  qii'd  n'y  a  que  les 
saines  traditions  qui  servent. 

Les  gendarmes  de   Charles  X  ont  déjà   reparu,  et 


voi.i  les  sergenls  de  ville  de  l.oiiis-Pliilippe.  Ces  deux 
uui:'ornios,  également  adoiés  de  la  population,  cliar- 
iiieroiil  désormais  tous  les  yeux.  Mais  voici  qui  portera 
au  comble  la  joie  des  lionnètes  gens:  il  est  question  en 
liant  lieu  du  rétablissement  de  la  garde  suisse.  M.  Fau- 
cbers'en  occupe  avec  M.  de  Falloux.  Avec  l'uniforme 
suisse,  la  collection  sera  complète.  E'^péroiis  qu'on 
n'alteudra  pas  longtemps;  c'est  le  vœu  des  lioninies 
sages,  et  [)ai'liculiorenicnt  du  comité  de  la  lue  de  Poi- 
tiers. 


LES  TRF.MHI.EUns. 


Le  choléra  commence  à  jouer  un  certain  rôle  et  à 
préoccuper  quelques  esprits. 

Pendant  deux  mois,  il  a  sévi  clandestinement,  con- 
iiné  dans  les  hôpitaux,  n'osant  attaquer  que  des  gens 
à  moitié  morts*  puis  il  s'est  enhardi,  il  s'est  aventuré 
dans  quelques  rues  étroites  et  malsaines.  Cependant,  on 
doutait  encore  de  la  réalité  de  l'épidéniie,  quand  le 
ministre  Buffet  l'a  reconnue  ofliciellement,  en  deman- 
dant un  demi-million  pour  la  combattre.  L'Assemblée 
nationale  a  accordé  l'allocation  avec  d'autant  plus 
d'empressemsnt  qu'elle  vivait  dans  un  milieu  mé- 
phitique. Elle  a  réfléchi  qu'elle  respirait  un  air 
imprégné  de  discours  nauséabonds,  un  air  infesté  par 
les  harangues  des  Denjoy,  des  Banchard  et  des  Bateau, 
et  que  le  fléau  n'avait  qu'à  se  présenter  dans  la  salle 
des  séances  pour  y  trôner  en  souverain.  C'est  malheu- 
i-onsementce  qui  est  arrivé. 

Depuis  ce  temps,  il  y  a  dans  Paris  bon  nombre  de 
gens  qui  ne  dorment  plus.  La  terreur  s'est  emparée 
d'eux;  ils  s'imaginent  que  le  choléra  rôde  autour  de 
leur  domicile,  et  guette  le  moment  d'en  forcer  la  porte. 
Ils  ne  songent  qu'à  se  mettre  en  mesure  de  repousser 
énergiquement  l'ennemi.  Leur  maison  est  une  cita- 
delle; leurs  instruments  de  guerre,  puisés  dans  l'ar- 
senal pharmaceutique,  sont  d'énormes  jattes  de  chlo- 
rure de  chaux,  des  sachets  de  camphre,  des  monceaux 
de  camomille,  des  citrons  lardés  de  clous  de  girofles,  et 
autres  drogues,  dont  les  odeurs  mélangées  vicient  l'air 
sous  prétexte  de  le  purifier. 

.Malgré  ces  précautions,  le  trembleur  est  dans  un 
état  d'angoisses  perpétuel.  A  chaque  instant  il  s'écrie: 
«  Il  me  semble  que  j'ai  le  choléra;  oui,  je  sens  dos 
gargouillements;  aie!...  les  coliipies  me  prennent;  les 
crampes  me  tordent  les  mollets;  je  n'en  puis  plus 
douter,  je  suis  perdu  ;  j'aurai  à  peine  le  temps  de  faire 
mon  testament.  » 

Et  le  malheureux  envoie  chercher  un  médecin,  (|iii 
le  rassure  en  lui  riant  au  nez  ;  mais  le  trembleur  |)er- 
sisle  dans  ses  inquiétudes,  et  n'ose  ni  remuer,  ni  man- 
ger, ni  boire;  les  aliments  les  plus  salubres  lui  parais- 
sent infectés  d'un  poison  cholérique. 

«Surtout,  dit-il  à  son  cordon  bleu,  ne  me  servez  pas 


de  légumes,  pas  de  farineux.  Hippocrate  et  le  docteirr 
Pauxvels  les  prescrivent  formellemetn  comme  flatueux, 
indigestes,  et  disposant  au  ballonnement. 

—  En  ce  cas,  je  mettrai  un  haricot  de  mouton,  un 
filet  de  bœuf. 

—  Non,  non,  point  de  viandes  ;  elles  irritent  les  pa- 
rois du  tube  intestinal,  épuisent  les  sucs  gastriques  et 
augmentent  d'une  manière  anormale  les  sécrétions  du 
pancréas. 

—  Eli  bien!  une  sole  normande,  ou  un  turbot  à  la 
hollandaise. 

—  Y  pensez-vous?  du  poisson!  Le  poisson  contient 
du  phosphore,  des  sels  qui  sont  éminemment  excitants. 
On  a  remarqué,  en  1832,  que  le  choléra  décimait  les 
populations  ictbyoplinges. 

—  Que  faut-il  donc  servir  à  Monsieur? 

—  Rien,  rien;  je  n'ai  pas  d'appétit.  J'ai  besoin  de 
me  mettre  à  la  diète,  n 

C'est  ainsi  que  parle  le  trembleur,  depuis  l'appari- 
liou  de  l'épidémie;  car,  à  force  de  lire  des  ouvrages  de 
médecine,  il  s'est  familiarisé  avec  le  jargon  médical. 

Le  soir,  la  famille  du  trembleur  lui  propose  d'aller 
voir  les  Montfnigrins. 

Il  Y  pensez-vous!  répond-il  avec  indignation  ;  sortir 
le  soir!  mais  c'est  précisément  le  soir  qu'on  roncoiilre 
le  choléra.  Le  choléra  est  de  la  nature  des  fantômes, 
des  vampires,  des  revenants,  qui  ne  |)araissent  qu'a- 
près le  coucher  du  soleil  ;  (  t  puis  s'enfermer  dans  une 
loge!...  Mais  les  spectacles  sont  des  foyers  d'infection  : 
il  s'y  exhale  des  vapeurs  toxiques,  des  gaz  délétères 
qui  adhèrent  à  l'épiderme,  traversent  le  tissu  sous- 
cutané  ,  et  s'infiltrent  dans  toute  l'économie.  Aller 
au  spectacle  !  la  seule  idée  me  fait  dresser  les  cheveux 
sur  la  tète  !...  m 

Souvent  le  tremlileiir,  de  nature  peu  prodigue, 
n'est  pas  fâché  d'avoir  le  prétexte  d'un  danger  pour 
se  dispenser  d'un  plaisir  coûteux. 

Les  folles  appréhensions  dos  peureux  ne  sont  pas, 
heureusement,  partagées  par  la  majorité  de  la  popu- 
lalion.  I']lle  a  reconnu  que  le  choléra  était  un  vieil- 
lard de  nature  assez  bénigne,  qui  a  épuisé  ses  forces 
en  courant  le  monde.  Il   semble,  en  1848 ,  comme 


Ar. ivée  à  Boulogoe  et  vin  d'hunniur. 


A  riiôiel  d«s  PciDcea.  —  A: 


Les  Curiosités  de  Paris — Visite  à  sir  Léon  Faucher. 
Dessiné  pat  Nadari^. 


Petite  contre-partie  du  lion  de  Waterloo. 

Gtavé  par  BAf  I-aSt. 


SiO 


REVUE  COMIQUE 


1  «-.-■>  avoir  clé  attiré  des  nues  par  le  désir  de  voir  i  surtout  n'y  sougeons  pas;  car  le  choléra  est  sensible 

Z':^Z^ZtX^  villè  fraîche  én,o„lue  aux  attentions  ,u;on  lui  té.o.gne   et  dès  qu  .1  entend 

;:iC!^.S;mais.ui.erdu  son  ancienne  rigueur:  parler  do  lu,    ,1  sou.prcsse  de  rendre  v.s.te  aux  n.- 

il  fui.  devant  une  tasse  de  thé;  il  recule  devant  un  prudents  c,u>  1  ont  évoque. 

verre  de  punch.   >'en   soyons  donc  pas  en  penie,  et  I 


UN  GRAND  CRIMINEL. 


Le  corps  des  huissiers  est  dans  la  désolation. 

Les  clercs  eux-inènies  se  frappent  la  poiUine  en  gé- 
missant, et  s'écrient  que  tout  est  perdu  ! 

Les  saines  traditions  sont  compromises;  les  règles 
sévères  de  la  profession  sont  violées:  un  huissier  vient 
de  commettre  un  acte  de  générosité  ! 

C'est  à  Caudehec  que  la  chose  s'est  passée.  L'huis- 
sier Bettencourt,  chargé  par  un  propriétaire  impitoya- 
ble d'exécuter  un  père  de  famille,  s'est  laissé  attendrir 
par  les  larmes  de  ses  victimes,  et  au  lieu  de  pratiquer 
la  saisie,  au  lieu  d'augmenter  le  chiffre  des  frais,  il  a 
payé  le  montant  de  la  dette  pour  laquelle  le  pauvre 
homme  était  poursuivi  ! 

Horreur!  horreur!  horreur!  dit  Macbeth. 

Les  confrères  de  M.  Bettencourt  se  regardent  comme 
déshonorés.  Le  blason  de  leur  ordre  est  souillé.  Jamais, 
de  mémoire  d'homme,  on  n'avait  vu  un  huissier  com- 
patissant renoncer  aux  bénélices  légitimes  de  son  état, 
trahir  ses  devoirs  pour  désintéresser  complètement  le 
créancier. 


Le  coupable  est  signalé  à  la  vindicte  do  ses  collègues. 
Ou  parle  de  renouveler  pour  lui  les  usages  des  francs- 
juges  ou  des  francs-maçons  iirimitifs. 

Leshuissiers se  réunirent,  parune  nuit  sombre,  dans 
quelque  maison  isolée,  et  citèrent  M.  Bettencourt  à  la 
barre  d'un  tribuual  secret.  Ou  invita  maître  Barroche 
à  rédiger  l'acte  d'accusation,  et  à  requérir  les  plus  ter- 
ribles chàtiuients.  Un  émissaire,  désigné  par  la  voie  du 
sort,  sera  chargé  de  se  transporter  à  Caudehec  et  d'exé- 
cuter la  sentence. 

Le  criminel  sera  condamné  à  lire,  pendant  trois 
jcmrsde  suite,  \iis  premiers- Paris  de  la  Patrie,  jour- 
nal du  soir. 

Ou  à  assister  à  la  représentation  d'un  vaudeville  de 
M.  Clairville, 

Ou  à  entendre  un  discours  de  M.  Odilon  Barrot , 

Ou  à  prendre  sa  part  d'un  raout  tout  cordial. 

Et  les  huissiers  apprendront  ainsi  ce  que  l'on  gagne 
à  être  bienfaisant. 


UNE  VISirE  Â  L'ELYSÉE. 


Le  journal  la  Liberté  nous  a  déjà  fourni  un  article 
que  nous  avons  inséré  dans  la  20,  livraison.  Le  succès 
qu'a  obtenu  cette  touchante  narration  nous  encourage 
à  donner  l'article  suivant,  qui  nous  vient  de  la  même 
source.  En  nous  associant  de  la  sorte  à  cet  estimable 
-journal,  nous  sommes  enchantés  de  trouver  l'occasion 
de  jirouver,  ainsi  que  lui,  l'importance  et  la  force  du 
parti  bonapartiste  : 

«A  ceux  qui  seraient  tentés  de  croire  que  le  iiarti 
bonapartiste  est  mort  depuis  longtemps,  et  ne  saurait 
ressusciter  en  France,  nous  recommandons  l'anecdote 
suivante,  dont  nous  garantissons  l'authenticité  : 

»  Un  brave  fermier  du  département  des  Vosges,  dé- 
partement qui  se  distingue  entre  tous  jiar  son  dévoue- 
ment traditionnel  à  la  famille  de  l'Empereur,  est  ar- 
rivé de  Saint-Dié  à  Paris,  avec  l'intention  bien  arrêtée 
d'être  présenté  à  Louis-Napoléon,  et  ne  voulant,  pour 
toute  récompense  des  soins  qu'il  avait  personnelle- 
ment donnés    à   l'élection   du   10  décembre,  que    le 


bonheur  de  voir  l'élu  de  son  choix  et  de  ses  affections. 

«Ni  les  difficultés  qu'il  rencontra  dans  cette  capi- 
tale, où  i!  ne  connaissait  personne,  ni  la  longueur  du 
temps  et  des.  démarches,  ne  purent  rebuter  son  zèle 
infatigable.  Enlin,  après  quinze  jours  d'attente  et  de 
vaines  (lémarches,  il  a  pu,  par  l'intercession  de  M.  de 
Persigny,  officier  d'ordonnance  de  M.  le  président  de  la 
Républi(iuc,  obtenir,  pour  hier  mardi,  la  lettre  d'au- 
dience tant  désirée.  En  apercevant  le  neveu  de  l'Em- 
pereur, l'excellent  homme,  éperdu,  se  précipita  sur 
la  main  que  lui  tendait  cordialement  Louis-Napoléon, 
et  la  couvrit  de  baisers  en  sanglottant  et  en  s'écriant  : 
«  Je  puis  mourir  maintenant!  » 

n  Le  président,  ému  lui-même  d'un  témoignage  si 
touchant  d'amour  et  de  dévouement,  l'a  plusieurs 
fois  interrogé  sur  sa  famille,  sur  sa  position,  et  l'a 
forcé,  malgré  les  plus  vives  résistances,  d'accepter  un 
billet  de  200  francs,  en  lui  disant  yrarieusement  :  «Je 
veux  au  moins  payer  les  frais  de  votre  voyage,  qui  me 
procure  une  si  buniic  visite.  » 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX, 


\.K    I'I{(M'III;TK 


5il 


Noiivi'lle  lu'iii'iii-ii' !  }<r.iii(lf  Irli  ! 

On  (lit  ((lie  l>ioiil(M  l'im  virra 

DosccikIio  iIii  L-iel  un  priiplirlo 

Sur  la  sci-ne  de  l'Opt^ij. 
Nous  Iri'builions  dans  une  route  ohsiMiri', 
Les  yeux  couverts  d'un  brouillard  incirla  il  : 
Saint  envoyé,  que  ta  voix  nous  rassun  ; 
liiiseigne-nous  (|uel  est  notre  destin  ! 


La  République  est  ronlioe 

Au  parti  des  vieux  oppO;ants  : 

De  la  vierge  sacrifiée 

Ils  prolaueiit  les  jeunes  ,ins. 
De  tout  progrès  entravant  l'espérance, 
Faucher,  Barrol,  Falloux  le  saciistain, 
Vont-ils  longtemps  morigéner  la  France? 
Saint  envoyé,  quel  est  noire  destin? 


Des  magistrats  sexagénaires. 
Jadis  pliilippistes  ardents, 
Lancent  encore  leurs  tonnerres 
Sur  les  journaux  indépendants. 

Du  penseur  franc  la  voix  est  bâillonnée; 

Il  est  aux  fers  jeté  comme  un  mutin. 

La  presse  est-elle  à  périr  condamnée! 

Saint  envoyé,  quel  e.t  notre  destin? 


Renonçons-nous  à  l'héritage 

De  nos  héroïques  aïeux  ? 

Laissons-nous  régner,  sans  partage, 

Les  Aulricliiens  victorieux  ? 
Maîtres  bientôt  de  l'Italie  entière, 
ynand  les  pandours  se  gorgtnlde  butin. 
Attendrons-nous  qu'ils  liassent  la  frontière? 
Saint  envoyé,  quel  est  notre  dtstin? 


l'uile-noiis,  vi.  iUanl  pr.iphetiqui-. 

De»  cliarlalans  du  comité, 

yul  débitent  dans  leur  boutique 

Un  contre-poison  breveté. 
Le  vioiix  Mule  tambourine  à  l'entréi;  ; 
Thitrs  y  fait  voir  les  tours  de  f.igotin. 
liiiuveront-ilsa  placer  leur  denrée? 
Saint  envoyé,  quel  est  notre  destin? 

Brouillons  que  la  liaine  ras>emble, 

Rangés  sur  le  môme  terrain. 

Marcheront-ils  longtemps  ensemble 

Contre  le  peuple  souverain? 
Devons-nous  voir  celte  ligue  hardie. 
Réalisant  un  complot  clandestin, 
Au  nom  de  l'ordre,  allumer  l'incendie? 
S  dut  envoyé,  quel  est  notre  destin? 

0  prophète.'  je  crois  t'entendro 

Prédire  un  meilleur  avenir; 

De  la  France,  lasse  d'atlendre, 

Les  douleurs,  enfin,  vont  finir. 
\ous  confondons  la  perfide  alliance 
Du  libéral  avec  l'ullramontain  : 
La  Républiciue  échappe  à  leur  vengeance 
Saint  envoyé,  voilà  notre  destin  ! 


Prophète,  notre  foi  chancelle  ; 

Relève-la  par  tes  discours; 

Fais  revivre  quelque  étincelle 

Du  ft'u  sacré  des  anciens  jours. 
(Juand  tant  de  gens,  étouffant  la  pensée. 
N'ont  d'autre  dieu  qu'un  métal  arg.'ntin, 
Entreliens-nous  de  la  gloire  passée: 
Y  revonir,  voilà  notre  destin  ! 


QUESTION    NON    RtSOLfK. 

Qui  proposa  la  banqueroute? 

Demandait  l'Assemblée  hier. 
Mais  nos  représentants  sont  restés  dans  le  donle, 
Cir  dans  un  long  discours,  où  l'on  ne  voyait  goittle, 

On  n'a  point  reconnu  Duclerc. 


EIGENE    RASPAlr.. 

En  France  on  ne  doit  point 
Se  s;'rvir  de  son  poing. 
Lorsque  l'honneur  nous  point, 
Maigre  ou  plein  d'einbonpoinl. 
On  crève  le  pourpoint. 
Or,  quand  Raspail  à  Point 
A  donné  cet  à-poiiil. 
Ce  n'était  poiit  à  puiut. 


CONSEIL. 

Lit  l'r.tve  en  vain  nous  prépare 
D.i  préleiidns  contre-poisons  : 
Il  faut  'uir  les  cxhalai-oiis 
Oui  peuvent  s'échapper  du  journal  Deljinaïc 


Une  lemine  aujourd'hui  veut  être  dé|iuté' 
Et  biiMilôt  sur  les  bancs  de  la  législature, 
Elle  compte  acquérir  de  la  célébrité. 

Mais  le  bon  sens  et  la  nature 
Combattent  à  la  lois  celte  candidature. 

N'imposons  pas  à  la  beauté 
Le  pénible  fardeau  d'un  rôle  politique. 
Ce  n'est  que  dans  le  sein  du  foyer  domestique. 
Qu'elle  doit  travailler  pour  la  postérité. 


r.cl  iiiimiialilc  fociél:iire, 
Qui  lui  si  loiiglcni|is  sans  rivaux, 
Depuis  qu'il  est  au  ministère, 
Ne  hrille  pas  dans  ses  Travaux. 
Ses  collègues  peuvent  s'attendre 
A  passtr  ain^i  qu'un  éclair: 
Avec  eux,  il  devra  se  rendre, 
lit  nous  verrons  lu  Crosse  en  l'air. 


Dessiné  par  Fabritzils. 


Gravé  pat  BauulNT. 


30  oondiiK'H  la  lIvriilHon. 

A  compter  tu  20  a\r;i,    lo»  l>ureiiu\  .le-  la  Revue  Comique  (iront  r<-ui.i«  il»/  M    Dumihehay,   52,  rue  Rlchi lir 
cù  toutp»  !.■(  I.tl.,  ■^  ,t  <I.  ii.„..<l,-,  .1,  vroi.l  .-Ir.-  a<lrc%%.  l•^ 


liions  de  la  Sonscrlplion.  —  La  Rtvrt  cuMi^i  i  fi.rnii  ri  un  in.i^iMlh|iir  vi.'iimi-.  îriml  in->!,  piililié  on  ."0  livriiisons  à  "0  centimes, 
la  poste,  -iO  cenl.  On  sousiTil  pour  10  livraisons.  ?•".!'  les  .lc|i.irt,'iEii>Mt-.  envoyer  un  n1.1nd.4t  sur  l,i  |io>te  à  l'nnlre  ilu  Jircclenr  de  la 
lï.  —  Pour  lont  ce  qui  concerne  la  rédaction,  écrire  (franco)  i  M.  LiiiEix,  au  bureau  do  la  Revve,  ,'•'2.  rue  Richelieu. 

oiTMiiVEiiA-r.  ÉDiTEira,  aux  iucicei.ieu,  52.  21'  Livraison. 


AVIS  AUX  JOURNAUX  DE  PARIS  ET  DES  DÉPARTEMENTS, 

Nous  aulDrisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  Revue  comique,  à  la  condition  : 
l'>  De  citer  la  Revue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
2"  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  chaque  numéro. 


AVIS 


AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  I<A  KEVUE  COMIQUE. 


Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  iroiivaient  j 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  déeompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brocher  oti  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  siu-  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  VINGT-QUATRIÈME  LIVRAISON. 


La  Semaiu».  —  M.  Guizol  à  ses  amis,  —  Républi(|ue  contre  République,  —  Les  Bateleurs  politiquos,  —  tjue  l'aire  de  lani 
d'argenl?  —  Les  Pensions  liUéraires.  —  ÇommenI  M.  Tliiers  éciil  l'histoire. 


Graviirei  par  Btiilanf, 

LXK    RÉSlRRECriON    INATTENDL  E. 
Dessillé  par  Nadanl. 

LES    CUIF.LRS    PUBLICS. 
Dessiné  par  Nadard. 

LES    B.VTKLEURS    POLniQUES. 

Dessiné  par  Beriall. 

LA    VIE    PIRLIQUE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    RÉAC. 

Chap.  vm,  —  les  Machiavéliivxes  itc  mossieu  liioc. 

leuillelon  au  crayon  par  Nadard. 

t.V     UILEiTA.ME    A    LA    UEPRKSENTATION    1)L     PUOPlliilE. 
Dessiné  par  Bertnll, 

M.     BARUCIIE. 
Type  par  Fabritzius. 


aniqtlei  i„  LtCKlMPt    Kl.,  el    fui 


LA  SEMAINE. 


Hier  un  couirici-,  arrivé  à  franc  élrier,  est  deicendii 
au  miuislère  de  la  justice. 

—  D'oîi  venez-vous?  lui  demaud.i  le  suisse. 

—  J'arrive  de  iMarseilIc,  a  répondu  le  courrier;  con- 
duisez-moi auprès  de  M.  Odilon  Barrul. 

—  Iin|)ossible  de  le  voir  en  ce  moment,  il  est  en 
conseil  à  l'iiljsëe. 

—  J'irai  à  l'Elysée  ;  la  dépèche  que  je  porte  est  des 
plus  importantes,  et  il  faut  que  je  la  remette  moi- 
même  à  M.  Odilon  Barrol. 

—  Allez  donc  à  l'Elysée. 

Même  scène  à  l'Elysée.  JI.  Barrot  n'est  pas  visible  ; 
il  jiréside  le  conseil,  repassez  une  autre  fois,  etc.,  etc. 

Même  réponse  du  courrier.  Il  insiste  pour  remettre 
sa  dépêche;  on  l'introduit  dans  la  salle  du  conseil. 
M.  Odilon  Barrot  décacheté  le  papier. 

—  0  ciel  !  s'écrie-t-il,  ô  ciel  !  tant  de  faveurs  sur  une 
seule  tète!  je  sens  que  je  vais  m'évanouir. 

—  Qu'y  a-t-il?  lui  demandent  ses  collègues,  pour- 
quoi cette  émotion? 

—  Sa  Sainteté  a  daigné  m'écrire. 

M.  Léon  Faucher  fait  la  signe  de  la  croi\. 

—  Et  de  sa  propre  main. 
Le  petit  Buffet  s'agenouille. 

—  Qu'elle  me  nommait  comte  de  Latran. 

—  Te  Deum  laudamus,  s'écrie  M.  Rulhièrcs. 

—  Et  chevalier  de  l'Éperon  d'or;  en  même  temps, 
le  Saint-Père  m'envoie  les  insignes  de  cet  ordre;  les 
voilà  ! 


-M.  de  l'alloiix  les  liaise  avec  respect. 

—  Ce  n'est  pas  tout,  reprend  M.  Odilon  Barrot, 
Pie  IX  m'accorde  la  permission  de  faire  gras  le  ven- 
dredi et  le  samedi;  de  plus,  il  m'octroye  des  indul- 
gences plénières,  pour  avoir  médit  autrefois  de  la  très- 
sainte  intervention  en  Espagne. 

Pour  avoir  blasphémé  saint  juste-milieu. 

Pt  ur  m'élre  mêlé  aux  hérétiques  qui  niaient  le 
dogme  trois  fois  sacré  du  statu  quo,  et  le  divin  mystère 
de  l'équilibre  européen. 

Le  pape  joint  à  cet  envoi  quelques  reliques  qui,  por- 
tées constamment  entre  peau  et  llanelle,  préservent  de 
la  morsure  des  démocrates,  et  empêchent  les  cheveu.x 
et  les  ministères  de  tomber. 

Les  ministres  ont  aussitôt  supplié  M.  Barrot,  comte 
de  Latran  et  chevalier  de  l'Eperon  d'or,  de  leur  donner 
un  petit  morceau  de  ces  reliques.  Le  président  du 
conseil  y  a  consenti. 

On  annonce  que,  depuis  hier,  M.  Barrot  a  pris  un 
confesseur.  Il  est  certain  que  la  première  séance  de  la 
prochaine  Assemblée  législative  sera  précédée  d'une 
messe  du  Saint-Esprit. 

M.  Rulhières,  ministre  de  la  guerre,  doit  demander 
incessamment  le  rétablissement  des  aumôniers  de  ré- 
giment; en  attendant,  il  compte  présenter  un  projet 
de  crédit  supplémentaire,  pour  que,  outre  le  sabre,  le 
fusil,  la  baïonnette  et  la  giberne,  chaque  soldat  de  l'ex- 
pédilion  de  Civita  Vecchia  soit  muni  d'un  cierge. 

Le  général  commandant  l'expédition,  a  reçu  l'ordre 


>u 


REVUE  COMIQl 


positif,  aiissilôt  le  Sainl-l'èro  ro|)laci"  sni-  son  trône,  do 
baiser  la  mule  du  pajie. 

I."ox|>édition  teriniiu'i-,  il  est  qiioslion  do  grnndos 
rojouissances  pour  coléluei'  la  gloiio  do  uos  arnios. 

Hadelski  doit  venir  séjourner  quelque  temps  à  Paris. 
On  prépare  des  appartements  aux  Tuileries  pour  le  re- 
cevoir.   - 

Le  vieux  niaréclial,  entouré  de  son  état-major, 
MM.  Bugeaud,  Cliangarnier,  RuUiioies,  etc.,  etc., 
passera  nos  troupes  en  revue.  Après  le  délilé,  il  recevra 
le  grand  cordon  de  la  Légion  d'honneur  des  mains  du 
Président  de  la  République.  On  constatera  ainsi,  en 
Europe,  riudissohible  alliance  entre  rAnlricbo  et  la 
France. 

Cette  perspective  des  fêles  prochaines  ne  doit  pas 
nous  empêcher  de  songer  à  celles  que  nous  avons  sous 
les  yeux. 

Parlez-nous  du  Prophète,  critique,  parlez-nous  de 
lui. 

—  Mais  je  ne  l'ai  entendu  qu'une  fois. 

—  Depuis  quand  les  critiques  ne  jugent-ils  plus  à 
première  vue?  D'ailleurs,  auriez-vous  la  prétention 
de  croire  que  moi,  public,  je  jirends  au  sérieux  vos 
jugements?  Ce  que  j'attends  de  vous,  ce  sont  des  ren- 
seignements pittoresques.  Parlons  un  peu  des  pati- 
neurs. Cela  a-l-il  bien  l'air  de  gens  qui  patmenl? 

—  Tout  à  fait. 

—  Cela  produit-il  un  joli  cfTel? 

—  Charmant. 

—  Que  pensez-vons  de  l'intéiieur  do  la  cathédrale 
de  Munster? 

—  Je  le  trouve  très-beau, 

—  Et  le  lever  de  soleil  sur  la  ville  de  Munster? 

—  Admirable. 

—  Et  l'incendie  qui  termine  la  pièce? 

—  Saisissant.  Mais  vous  m'ennuyez  avec  vos  inter- 
rogations perpétuelles.  Je  vais  défiler  mon  chapelet  et 
faire  le  bilan  du  Prophète. 

Décors  et  costumes  —  splendides. 

Ballet  —  charmant. 

Roger — comédien  et  cbauleur  remarqualde,  cos- 
tume malheureux. 

Madame  Viardol-Carcia  —  élans  sublimes  dans  plu- 
sieurs parties  de  son  rôle.  On  semble  redouter  que  ses 
movens  physiques  ne  soient  pas  à  la  hauteur  de  son  In- 
telligence. 

.Mademoiselle  Casiullan  —  insulTisanle. 

Exécution  générale —  excellente. 

Musique  —  digne  de  Meyerbeer. 

Poème  —  digne  de  >L  Scribe.  On  ob>erve  cepen- 
dant que  ce  poëine  manque  d'amour. 

Il  y  a  là  de  (pioi  dnîmer  un  iiugiiiliquo  dividende  de 
recettes  et  de  succès. 

Plusieurs  pei'sounes  croyaient  que  M.NL  I*roudhon, 
Pierre  Leroux  et  Considérant  paraissaient  sur  la  scène, 
déguisés  en  anabaptistes,   et  venaient  chanter  un  cho- 


ral tiré  des  ;  rlu  les  du  Peuple  et  de  la  Démocratie  pa- 
ri/lijiif.  Los  bruits  qu'(ui  a  fait  courir  à  cet  égard  sont 
complètement  dénués  de  fondemont.  Le  Prophète  n'est 
point  une  pièce  politique,  M.  Clairville  n'y  a  point 
collaboré,  et  le  |)rii>cipal  rôle  n'eu  était  point  destiné  à 
madaïue  Octave,  ainsi  (]iie  quebiues  individus  le  pré- 
tendaient. La  question  sociale  est  complètement  mise 
de  côté;  ou  ne  s'occupe  ni  des  phalanstériens  ni  des 
icariens,  mais  tout  simplement  de  Jean  de  Leyde,  chef, 
comme  chacun  sait,  des  anaba|)tistes  de  Munster,  qui 
joue  son  rôle  de  premier  léiior  à  I  Opéra  sans  faire  la 
moindre  excursion  sur  le  terrain  ptditique,  ainsi  qu'il 
convient  à  un  artiste  liieu  élevé. 

A  propos  de  cette  jnemièie  représentation,  on  cite 
rm  mot  admirable  de  madame  (irosnier,  la  gardienne 
de  l'entrée  des  artistes.  Deux  ministres  s'élant  pré- 
sentés pour  entrer  par  là,  MiL  Lacrosse  et  Buffet,  ma- 
dame Crosnier  leur  a  refuse  la  porte,  sous  prétexte 
qu'elle  ne  les  connaissait  pas;  et  comme  ils  insistaient 
et  la  repoussaient,  l'intrépide  gardienne  s'est  mise  bra- 
vement en  travers,  en  déclarant  que  pour  ]iénétrer  il 
faudrait  lui  passer  sur  le  corps. 

Plutôt  que  de  mettre  le  siège  devant  madame  Cros- 
nier, qui,  vu  l'ampleur  de  ses  formes,  est  une  place 
fort  dillicile  à  investir,  les  deux  ministres  se  sont  reti- 
rés, en  véritables  représentants  de  la  paix  à  tout  prix. 
Le  comité  de  la  rue  de  Poitiers  nous  a  donné  égale- 
ment la  première  représentation  de  sa  liste  de  candi- 
dats. Cette  liste  a  été  sifflée. 

Parmi  ces  candidats  figure  le  général  Piat.  Il  est  bon 
de  dire  enfin  la  vérité  au  public  sur  ce  général. 

Le  général  Piat  n'a  jamais  existé.  C'est  un  mythe, 
un  symbole,  dont  on  retrouve  les  traces  chez  tous  les 
peuples  à  toutes  les  époques.  Nous  tracerons  un  de 
ces  jours  sa  palingénésie.  D'autres  soins  nous  récla- 
ment pour  le  moment. 

.Nous  devons  signaler  le  /wsco  complet  de  M.  Cuizot 
à  sa  rentrée.  Cet  ancien  premier  rôle  constitutionnel 
n'a  plus  du  tout  la  voix  ni  le  physique  de  l'emploi; 
son  ut  de  poitrine  est  complélcment  usé;  il  n'est  bon 
tout  au  plus  qu'à  remplir  les  rôles  de  ganache.  M.  Cui- 
zot n'en  vise  pas  moins  à  reprendre  tous  les  rôles  du 
répertoire  monarchique  et  à  remonter  sur  les  planches 
de  l'ancien  pays  légal.  Le  public  pourrait  bien  l'en 
faire  descendre  à  coups  de  pommes  cuites. 

Hélas!  ces  vieux  comédiens  sont  décidément  incor- 
rigibles. Rien  n'égale  leur  sotte  vanité,  si  ce  n'est  leur 
iucrovable  jalousie.  Regardez  ce  baryton  éreinté  qui 
s'appelle  Tliiers,  cet  Elleviou  chauve  et  édenté  qui  ré- 
pond au  nom  de  Mo!é,  avec  quel  dédain  ils  traitent 
Cuizot!  Ah!  vieux  cabotins,  vous  ne  valez  pas  mieux 
que  lui  ;  rentrez  dans  la  coulisse,  tous  tant  que  vous 
êlos;  vous  n'êtes  même  plus  bons  pour  allumer  les 
quinquels  de  la  politi([ue. 

D.'cidément.  jc  vois  que  je  maiitpie  d'esprit  logique. 
J'auiais  di'j  |)roliler  de  l'occasion  du   Prophète  pour 


A  L'USAGK  i)i;s  (;i;>s  sejwkhx. 


345 


vous  (lire  (]iicl(|iics  mots  de  l'autre  grand  succès  du 
luoiiRiil  :  Ailrioine  Levowreur.  Cela  s'appelle  un 
drame  on  cinq  actes;  mais,  en  réalité,  c'est  un  vau- 
deville du  (iymniise,  et,  drame  ou  vaudeville,  yen 
importe.  Tout  le  succès  est  dans  inademoiselle  Huclid 
traduite  en  prose,  et  tout  aussi  belle  pour  le  moins 
qu'en  poésie.  Quand  je  pense  pourtant  qu'il  y  avait  des 
gens  assez  bons  pour  se  |)réoccnper  de  cette  épreuve! 
quand  mademoiselle  Kachel  quittera  la  tragédie!!  !  (|nand 
mademoiselle  Kacliel  voudra  dire  la  prose!!!  l'arlileu, 
voilà  une  bien  grande  difliculté,  et  c'est  se  faire  une 
singulière  idée  du  génie,  que  de  croire  qu'il  est  cir- 
conscrit à  une  forme  de  langage.  Est-ce  que  Frédéric 


Lemaitre  ne  dit  pas  admirablement  les  ver»?  pourquoi 
mademoiselle  Hatliel  ne  dirait-elle  pas  admirablement 
la  prose'/  On  a  bien  vu  l'autre  jour  (|ue  rien  n'était 
|)liis  facile  pour  elle  d'èlre  sublime  dans  les  deux 
génies. 

M.  le  présidciild,'  la  r.(;piil.li(|ue  assistait  à  la  pre- 
mière reprdseiilalioii  A' Adricnni-  Lccouvreur  et  à  celle 
du  l'rojilwtc.  C'est  un  effort  dont  les  auteurs  et  les 
acteurs  doivent  se  montrer  fiers;  car  M.  Louis  Bona- 
parte n'aime  guère  le  tliéàtrc,  du  moins  s'il  faut  en 
croire  les  indiscrétions;  car,  pour  notre  part,  nous 
ne  sommes  nullement  au  fait  des  goûts  de  M.  le  pré- 
sident. 


l  -NE    RESIRRECIIOX    IXATTENDl  E. 


De«inc  par  Nadahd. 


54& 


REVUE  COMIQUE 


Nous  croirions  manquer  à  nos  devoirs  envers  le.  publie  et  envers  nous-a.èmcs,  si  nous  o.Miions  .hns  ceUe  revue  rctros- 
peclivc  et  romi(|ue  île  la  Semaine,  de  ilonner  plaio  au  manifeste  adre.^M-  pir 

M.  CillZOT  A  Si:S  AMIS. 

Tel  est  du  moins  le  litre  un  peu  aml-ilieu,  de  cette  eireulairc  oleclorale  de  TausltTe  penseur.  Nous  In  reproduirons  doue,  ci. 
raccominodanl ,  toutefois,  aux  exigences  de  notre  cadre  modoîle. 


Mes  amis  (!!!...)  me  témoignent  leur  intention  de 
me  porter  comme  candidat  anx  élections  procliaines.  Je 
dois  donc  dire  à  ces  hommes  de  sens  et  de  bien  ce  qu'ils 
doivent  faire,  et  moi  aussi. 

Il  faut  rétablir  l'ordre,  bien  plus  attaqué  qu'on  ne 
le  pense,  bien  moins  défendu  qu'il  ne  le  faut;  attaqué 
à  fond  de  tr.iin  par  un  tas  de  grcdins  effrénés,  insa- 
tiables, qui  auraient  la  prétention  de  faire  eux-mêmes 
leurs  affaires,  do  contrôler  leurs  gouvernants  et  Je  ne 
pas  mourir  à  Ihôpital;  défendu  seulement  à  la  surface 
par  l'artillerie,  l'infanterie,  la  cavalerie,  les  sergents  de 
ville  et  d'honnêtes  gens  qui  croient  que  tout  est  fait 
quand  ils  ont  tué  quelquescenlainesde  révolutioimaires, 
et  qu'ils  en  ont  envoyé  aux  galères  quelques  mille.  C'est 
beaucoup  trop  peu. 

Le  public,  le  vrai  public,  dans  son  grand  instinct, 
le  peuple  (qui  m'a  flanqué  à  la  porte)  sait  cela.  La 
preuve,  c'est  qu'il  a  choisi  pour  président  un  homme 
dont  l'oncle  se  débarrassait,  en  un  tour  de  main,  de 
celui  qui  se  fût  permis  d'avoir  une  autre  opinion  que 
la  sienne,  ne  fût-ce  que  sur  un  alexandrin  de  M.  De- 
lille  ;  ce  nom  a  été-choisi  comme  symbole  de  l'ordre  et 
du  pouvoir  fort. 

Les  trois  éléments  du  parti  de  l'ordre  existent  en 
France,  légués  par  ces  trois  seuls  gouvernements  sé- 
rieux que  nous  ayons  eus  :  l'Empire,  qui  a  bâillonné  la 
presse;  la  Restauration,  apportée  parles  Cosaques,  qui 
a  assassiné  Ney,  Brune,  etc.  ;  et  la  Monarchie  de  l830, 
qui  a  tout  trahi,  tout  vendu,  tout  sali.  Quant  à  la  Ré- 
publique, c'en  une  sotte  qui  ne  compte  pas,  puisqu'elle 
m'a  permis  de  garder  sur  les  épaules  la  tète  que  j'offre 
à  vos  suffrages. 

Les  ventres  engraissés  par  ces  trois  gouvernements, 
par  leurs  principes  et  par  les  habitudes  qu'ils  ont  con- 
tractées, sont  naturellement  les  hommes  d'ordre  qu'il 
vous  faut  choisir.  L'ordre,  c'est  le  mot  magique  à  l'a- 
bri duquel  il  nous  faut  bouleverser  le  pays.  Chantons 
tous  à  ce  pays  candide,  comme  à  lîaziie,  qu'il  est  ma- 
lade, qti'il  a  la  lièvre;  que  Vorilre,  et  le  nôtre  seule- 
ment pourrait  le  guérir,  et  il  linira  par  nous  prei;die 
pour  soigner  la  maladie  que  nous  lui  auront  donnée. 

Si  ces  trois  partis  ont  successivement  échoue,  c'est 
un  enseignement  a^ner,  surtout  quand  on  avait  rêvé 
comme  moi,  l'avantage  de  sauver  son  pays  et  de 
garder   la    présidence   du   conseil.    Les  désirs   nobles 


Je  'mon  cœur  ont  bien  soulVcrt  de  ce  mécompte 
particulier;  mais  ceci  prouve  que  les  impérialis- 
tes, légitimistes  et  orléanistes  ayant  tous  été  mis  à 
la  porte  les  uns  après  les  autres,  il  faut  qu'ils  re- 
viennent tous  ensemble  reprendre  la  place  qu'ils  au- 
ront à  se  disputer  ensuite.  A  chaque  jour  son  œuvre. 
Unissons-nous  aujourd'hui  contre  l'ennemi  commun, 
et  nous  nous  entre-dévorerons  plus  tard,  à  noire 
aise. 

Pour  moi,  je  serai  tel  que  j'ai  été  :  je  n"ai  rien  vu, 
rien  compris,  rien  appris;  j'affirme  encore  et  je  nie 
comme  devant.  C'est  pour  moi  une  question  d'hon  - 
neur.  Et  la  preuve  que  j'avais  raison,  c'est  que  les 
paltoquets  qui  tiennent  en  ce  moment  mon  porte- 
feuille font  absolument  ce  que  j'ai  fait. 

Mais  il  faudrait,  pour  mieux  faire  encore,  que  je 
fusse  là;  car  ces  gens-là,  en  vérité,  ne  font  que  m'es- 
suyer  ma  place.  ISe  laissent-ils  pas  des  ouvriers  s'as- 
socier entre  eux,  pour  faire  concurrence  aux  bouti- 
quiers et  patrons?...  Voyez  donc,  à  côté  de  cela,  nos 
trente-quatre  ans  de  règne.  Mes  amis  les  ministres  et 
les  généraux  étaient  condanmés  par  les  tribunaux 
pour  escroqueries,  les  grands  seigneurs  empoison- 
naient leur  femme,  le  tribunal  de  commerce  enregis- 
trait faillites  fur  faillites,  nous  jouissionsdu  plus  par- 
lait mépris  des  puissances  étrangères!  Voilà  l'ordre 
comme  je  le  comprends. 

La  France  n'a  point  renoncé  à  revoir  ce  temps  heu- 
reux. Elle  m'attend.  Et  certes,  elle  n'est  pas  exigeante, 
puisqu'elle  accepte,  en  in'attendant,  mon  concurrent 
mirmidon  Thiers  et  son  idiot  Odilon,  ijui  lui  déplai- 
>ent  inliniment. 

Il  faut  nous  dépêcher  d'arranger  loul  ça.  Les  trois 
gouvernements  d'ordre  (je  me  répète,  mais  ça  ne  fait 
rien)  ont  laissé  derrière  eux,  à  côté  de  la  Uépublique, 
trois  perspectives  de  gouveriu-iiieut.  Unissons-nous  d'a- 
bord, nous  choisirons  ensuite. 

Inutile  de  dire  que  je  suis  [uêt  à  nie  dévouer  à 
l'intérêt  du  pays,  notre  seule  loi  à  tous  (pai  bleu  !),  et  à 
accepter  de  nouveau  mes  80,000  fr.  de  tr.Vilemenl  et 
le  gouvernement  d'un  peuple  qui,  quoi  que  j'aie  pu 
faire,  conserve  toujours  dans  le  inonde  un  petit  rang 
a-sez  agréable. 

Sir  GruoT,  Esq. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SIÎRIEUX. 


347 


Quelques  crieurs  publics  auxquels  on  devrait  bien  retirer  leur  permis 


RÉIHBI.iyill.]    COMHF.    H  Kl'Ulî  LIQUK. 


(.\  bord  d'un  bâtiment  d 

Un  sergent.  —  Kli  liien,  te  voilà  content  et  satis- 
fait, Diimanet  I 

DouNET.  —  Cuiileut  (le  quoi? 

—  Tu  te  plaignais  l'autre  jour  de  rester  éternelle- 
ment l'arme  au  bras. 

—  Oui,  après? 

—  Eh  bien,  tu  n'y  es  plus,  l'arme  au  bras.  Tu  va- 
t-en  guerre  comme  Malbrough. 

—  Ça  n'est  pas  le  plus  beau  de  mon  histoire. 

—  Parbleu!  Dumanet,  tu  es  un  voltigeur  difficile  à 
contenter.  Quand  tu  as  la  paix,  tu  veux  la  guerre;  et 
quand  tu  es  en  guerre,  tu  demandes  la  paix.  On  va 
croire  à  la  chambrée  que  tu  es  sujet  à  des  vapeui-s. 

—  Entendons-nous,  sergent.  J'ai  dit  l'autre  jour 
que  je  me  colleterais  volontiers  avec  les  Autrichiens. 

—  Eh  bien? 

—  Il  paraît  maintenant  que  nous  allons  faire  le  coup 
de  fusil  contre  les  républicains  de  Home.  Ce  n'est  plus 
la  même  chose. 

—  On  le  choisira  tes  ennemis,  Dumanel. 

—  Pourquoi  donc  pas,  sergent?  Qu'est-ce  que  non? 
allons  faire  à  Rome? 

—  Rétablir  le  pape,  Dumanet? 

—  Qu'est-ce  que  c'est  que  le  pape,  sergent? 

—  11  faut  demander  ça  à  l'aumônier  de  l'escadre. 

—  Pas  besoin  de  rauniônier.  Le  pape,  c'est  comme 
qui  dirait  le  roi  de  Rome.  Comme  pa|)e,  je  le  re>pccle, 
comme  roi,  bonsoir.  Je  suis  républicain. 

—  Prends  garde,  Uumanet,  tu  vas  te  faire  pincer! 

—  On  ne  peut  donc  pas  se  dire  républicain  sous  la 
République? 


l'escailre  d'exp  ■Jition.) 

—  C'est  selon  ;  les  ordres  du  jour  sont  là. 

—  Un  mot,  sergent.  Qu'avons-nous  fait  en  France 
le  24  février? 

—  Nous  avons  chassé  notre  roi. 

—  Qu'ont  fait  les  Romains  en  proclamant  la  Répu- 
blique? 

—  Ils  ont  fait  des  bêtises,  à  ce  qu'il  parait. 

—  Pas  du  tout;  ils  ont  fait  chez  eux  ce  que  nous 
avions  déjà  fait  chez  nous;  ils  ont  chassé  leur  roi 
comme  nous  avions  avant  eux  chassé  le  nôtre. 

—  C'est  un  mauvais  exemple  donné  aux  autres  peu- 
ples, Dumanet. 

—  Ce  mauvais  exemple,  c'est  nous  qui  l'avons 
donné  les  premiers.  Maintenant,  une  supposition, 
sergent. 

—  Va  toujours,  Dumanet. 

—  Que  diriez-vous  si,  pendant  que  nous  allons  à 
Rome  rétablir  le  pape,  les  Cosaques  venaient  à  Paris 
rétablir  le  roi? 

—  Cette  bêtise! 

—  Pourquoi  une  bêtise?  Qui  vous  dit,  sergent,  que 
ça  n'arrivera  pas? 

—  Ues  Cosaques  n'oseraient  pas  s'y  frdtter. 

—  Qu'est-ce  que  cela  prouve?  Ça  fait-il  qu'ils  ne 
seraient  pas  autant  dans  leur  droit  que  nous  en  allant 
rétablir  le  pape?  Or,  notre  gouvernement,  en  se  char- 
geant de  détruire  les  républiques  à  l'étranger,  fait  en- 
tendre clairement  qu'il  désirerait  vivement  détruire  la 
république  chez  nous;  ou  bien  ce  qu'il  fait  aujour- 
d'hui ne  signifie  rien  du  tout. 

—  Uumanet,  lu  es  un  insensé. 


5i8 


REVUE  COMIQUE 


Et  vous,  seigent ,  vous  êtes  colle,  voilà  ce  qui  | 

vous  vexe. 

—  Un  subalterne,  Dunianet,  n'a  pas  le  droit  de  col- 
ler ses  chefs. 

Faites  excuse,  sergent,  c'est  sans  y  penser  ;  mais 

nous  faisons  une  drôle  de  corvée  tout  de  uièuie.  J'en 
SUIS  honteux,  parole  d'honneur  ! 

—  Dumanct,  lu  commences  à  m'envoyer  de  la  mou- 
tarde au  nez.  Je  vois  que  tu  as  beaucoup  trop  fré- 
quenté le  bourgeois,  tu  as  même  lu  des  journaux 
anai'chistes.  Je  vais  plus  loin  :  comme  simple  volli- 


gcur,  tu  n'as  pas  le  droit  d'exprimer  Ion  opinion  sur 
les  interventions  étrangères  et  autres  généralement 
quelconques;  c'est  pourquoi  je  t'autorise  dorénavant  à 
ne  plus  ouvrir  la  bouche,  et  si  lu  reconnnences,  je  te 
flanquerai  aux  fers,  vu  que  nous  sommes  pour  le 
(piart  d'heure  soumis  à  la  discipline  du  bord.  Voilà 
comment  je  me  laisse  coller  par  mes  inférieurs. 

Suflit,  sergent,  on   ne  vous  collera  plus.  On  se 

conduira  en  véritable  soldat  du  pape,  mais  ça  n'empê- 
chera pas  de  crier  tout  de  même  :  Vive  la  Répu- 
blique ! 


«  M.  le  duc  d'Aumalc  est  allé  rejoindre  et  visiter  Madame  la  duchesse  d'Orléans  à  Elsenbach.  Ou 
rattache  à  ce  voyage  la  solution  de  questions  importantes  dans  rintérèt  des  partis  qui  divisent  la 

L,»  Patrie,  Moniteur  officiel  de  la  rue  de  Poitiers. 


LES  BATELEURS  POLlTiyLES. 


Plusieurs  barraijucs  ont  été  établies  aux  Champs- 
Élvsées  par  suile  de  la  foire  aux  élecliuns,  en  vertu  de 
Tautorisatiou  municipale. 

Des  saltimbanques  ont  également  pris  possession 
d'autres  quartiers.  On  cite  principalement  la  rue  l)u- 
phot,  011  s'élève  la  grande  barraque  des  acrobates  lé- 
''itimistes,  où  l'on  montre  des  singes  savants  qui  jouent 
la  grande  pantomime  du  droit  divin,  et  des  serins  in- 
dustrieux qui  font  l'exercice  du  trône  et  de  l'autel  en 
douze  temps. 

La  rue  Montmartre  a  aussi  sa  barraque  bonapaitiste, 
qui  fait  concurrence  à  celle  de  la  rue  du  Mont-Blanc. 
Ou  y  montre  une  collection  de  nez  gelés  en  Russie,  et 
le  fameux  phoque  qui  crie  :  Vive  l'Empereur! 

Ou  y  fait  voir  également  la  jeune  fille  de  dix  ans  et 
demi,  qui  a  le  nom  de  .Napoléon  écrit  sur  la  pupille  de 
l'œil  gauche. 

La  barraque  de  la  rue  de  Poitiers,  aux  Cbamps- 
Élysécs,  est  celle  qui  a  le  privilège  d'attirer  la  foule. 
Le  grand  Bilboquet-Thiers,  et  son  collègue  le  fameux 
Molé-Cabochard,  y  ont  installé  une  parade  ([uotidienne, 
dont  GiilesVéronestle  principal  acteur. 

Movennant  deux  sous  (messieurs  les  enfants  non 
gradés,  et  les  militaires  au-dessous  de  sept  ans,  ne 
payent  que  moitié  place),  on  peut  voir  le  socialisme- 
constrictor,  ce  monstre  qui  peut  engloutir  des  ba- 
taillons entiers  avec  leurs  baïonnettes.  Le  socialisme- 
conslrictor  prend  ses  rei)as  une  fois  par  semaine.  On 
lui  donne  à  manger  quinze  cents  lapins  à  son  déjeuner, 
et  un  millier  de  capitalistes  qu'on  voit  passer  dans  son 
eor|)S,  et  qu'il  digère  facilement  avec  la  peau. 

Bilboquet-Thicrs  extirpe  moyennant  cinquante  cen- 
times les  idées  démocratiques  les  plus  fortement  enra- 


cinées, et  cela  sans  douleur,  il  se  sert  de  son  livre  sur 
la  propriété  et  des  articles  du  Constiiutionnel  en  guise 
de  chloroforme. 

Il  se  sert  pour  ses  opérations  d'un  sabre  de  ca- 
valerie. 

Les  personnes  qui  veulent  préserver  leur  esprit  de 
toute  fluxion  socialiste,  et  maintenir  leur  haleine  dans 
toute  la  pureté  réactionnaire,  trouveront  chez  les 
mêmes  industriels  la  prose  dentifrice  de  la  Patrie,  et 
le  contre-poisoD  seul  approuvé  par  la  faculté  des 
sciences  morales  et  politiques. 

Cabochard-Molé  vend  également  les  capsules  géla- 
tineuses au  baume  de  Dorinval  et  les  dragées  Véroii, 
dont  le  succès  est  infaillible  contre  le  scorbut  et  les 
0|>inions  i-épublicaines  invétérées. 

Les  représentations  du  socialisme-constrictor  oui 
lieu  de  demi-heure  en  demi  heure;  dans  l'inter- 
valle, .M.  Thiers  se  livre  à  des  exercices  de  haute 
prestidigitation  gouvernementale. 

Par  une  bizarre  coïncidence,  on  montre,  dans  une 
barraque  à  côté,  le  capital  du  Gévaudan,  cette  bête 
furieuse,  qui  causa  autrefois  tant  de  ravages  dans  le 
centre  de  la  France.  Le  capital  est  soigneusement  mu- 
selé, et  ne  peut  faire  de  mal  à  personne.  On  est  prié, 
toutefois,  de  ne  pas  trop  s'approcher  de  sa  cage  et  de 
ne  pas  chercher  à  l'agacer. 

Le  socialisme-constrictor  et  le  capital  du  (Jévaudan 
se  partagent  la  curiosité  publique.  Les  barraques  légi- 
timistes et  bonapartistes  sont  vides  les  trois  quarts  du 
temps.  La  lutte  est  entre  le  monstre  du  socialisme  et 
le  monstre  du  ca|)ilal  ;  nous  verrons  lequel  des  deux 
aura  les  honneurs  de  la  foire  électorale.  Le  phoque 
qui  crie  Vive  l'Empereur!  est  complètement  distancé. 


LES    BATtLElRS   POLlTUlLLï 


Dess.né  par  BtRTXLL. 


Gravé  pat  Ballast. 


35Ô 


REVUE  COMIQUE 


QUE  FAIRE  DE  TANT  I)AU(.ENT? 


Tons  It'S  jours,  lu  nie  do  l'oiliers  encaisse  des  soiii- 
nics  fabuleuses  La  souscii[)lion  dépassera  le  eliiHVc  de 
plusieurs  millions.  Qu'en  fera-t-elle? 

Il  esl  évident  qu'on  ne  saurait  dépenser  plnsieuis 
millions  en  petits  livres  et  en  journaux. 

QuTud  la  rue  de  Poitiers  aura  fondé  un  eerlain 
nomhre  de  feuilles,  sous  ces  divers  titres  : 

L'Ordre, 
L  Ordre  mornl, 
IJ Ordre  matériel, 
L'Ordre  social, 
L'Ordre  de  1849, 
Le  vrai  Ordre, 
L'Ordre  français, 
L'Ordre  national, 

il  faudra  bien  cpie  la  rue  de  Poitiers  nielle  nu  tei-me  à 
ses  rréalioris,  el  ([M'elle  songe  à  donner  niie  auli-e  des- 
linalinn  à  ses  fonds. 

Elle  pourra,  il  esl  \\.\\,  dépenser  une  eerlaine  som- 
me à  l'achat  des  journaux  déjà  existants;  mais  celle 
somme  ne  peut  pas  èlre  bien  considérable,  atlendn 
que  ces  jouinaux,  s'il  faut  en  croire  l'Opinion  imhll- 
que,  livrent  des  numéros  à  la  lue  de  Poiliers  an  prix 
de  revient. 

Vous  concevez  bien  que  les  légitimistes  ne  peuvent 
pas  surfaire  M.  Ttiiers,  qui  a  rendu  tant  de  services  cà 
leur  cause. 


Mclte/.  den\  cent  mille  francs  de  brochures,  deux 
cent  mille  francs  de  iiuméi'os  de  /'0/iiiiio)i  publique, 
(oui  cela  ne  fait(|UC  quatre  cent  mille  IVaiLcs,  et  la  rue 
de  Poitiers  a  des  millions. 

.M.  Mole,  dans  la  dernièi-e  séance  qui  a  eu  lien  au 
sujet  di!  l'emploi  de  ces  fonds,  a  demandé  ([u'on  fit 
venir  .M.  Clairville. 

Celui-ci  s'est  lendu  à  l'appel  du  comité. 

—  Moni-ieur  Clairville,  lui  a  dit  le  père  Mole,  il  s'a- 
git de  concourir  à  la  défense  de  la  société  menacée.  Le 
eomilc'  a  compté  s\n-  vous. 

—  Je  suis  tout  au  comité,  a  nqioudu  M.  Clairville, 
et  à  la  société. 

—  11  s'agirait  de  vous  coimnandcr  une  trentaine  de 
vaudevilles  dans  l'inléièt  de  la  pro])riété  et  de  la  fa- 
mille. 

—  J'ai  votre  atiaire. 

—  Nous  aurions  é_^alcment  besoin  de  cent  on  cent 
cinquante  mètres  cubes  de  couplets,  pour  les  rcqiandre 
sur  la  suiface  de  la  France. 

—  Il  m'en  rcsie  juste  celte  quantité,  en  magasin. 

—  C(nobien  de  lemps  demanderiez-vous  pour  livrer 
celle  commande? 

—  lluitjours. 

—  VA  (|uelle  somme? 

—  Je  m'en  rapporte  parfaitement  à  la  justice  du 
comité. 

—  Cinqn  inte  mille  francs  pour  les  vaudevilles? 


TA  VIE  publiqui:  et  privée  ee  mossieu  keac. 

Chap.  VII.  —  Les  machiavélismes  Je.  mossieu  Reac. 


MoMieuJRéac  donc,  pourjsoulciiir  la  République 
el  létablir  In  confiance,  mère  du  crédit,  et  le 
crédit,  fils  de  la  confiance,  commence  par  dé- 
clarer que  la  République  l'a  ruiné  de  fond  en 
comble. 


It  pre&ve  en  conséquence  ses  locatai 
de  payer  leure  loyers. 


A   I.TSAi.i:  DIS  (ii:\S  Sl.iilKCX. 


351 


—  C  esl  dit. 

—  (liii(|iiaiile  mille  francs  |i(iiir  li's  cniiiilets? 

—  MaiiliL' coiuiii  ;  Ut\w  là. 

Nous  disons  donc  deux  ceni  mille  liaïus  de  |ietil> 
livres,  deux  ceiil  mille  francs  du  numéros  de  l'Opiiiiuti 
pi(blii/iie,  cinciuaiile  mille  l'iaiics  de  vaudevilles,  cin- 
(|uanle  mille  francs  de  ciiii|ili'ls  :  celi  iir  fiil  jiin.iis 
qu'un  demi  -niillion. 

M.  de  lléinusat  a  proposé,  à  la  vérilé,  ((u'ou  ikmI, 
aux  (rais  de  la  rue  de  l'oiliers,  un  cerlain  nomltre  de 
cilés  ouvrières  où  on  logeiait  les  ])auvres  préfets  de- 
venus invalides  après  la  révcdution  de  Février; 

Les  jiiiirnali  les  atleinls  p;ir  le  iliùiua^'e  des  l'uiids 
s  crels  ; 

Les  fournisseurs  frappés  par  la  cessalinn  des  pots 
de  vin. 

Outre  la  laMe,  !.■  logement,  le  iVii,  la  chandelle,  les 
lialiilanls  de  ces  cilés  ouvrières  jouiraient  encore  d'un 
pelil  jardin  qu'ils  pourraient  cultiver  à  leur  guise,  et 
au  fond  diupiel  ils  |)onriaietit  [)laeer  le  buste  de  Napo- 
léon, ou  bien  celui  de  M.  Ducbàlel. 

Ce  projet  a  élé  accueilli  avec  beaucoup  de  sjnipalliie. 

Mais,  dans  tout  cela,  nous  ne  voyons  rien  de  radica- 
lement propre  à  sauver  la  société.  Le  comité  de  la  lue 
de  Poitiers  ferait  peul-èlre  bien  d'assurer  un  pri\  de 


cinquante  mille  franc»  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire 
sur  celte  question  :  a  Quel  est  le  moyen  le  pins  propre 
à  sauver  la  soeiélc?  » 

Il  sentit  bon  que  le  ninnti'  prolégeAt  également  les 
inventions  les  plu>  utiles  à  l'iiumanilé,  telles,  par 
exemple,  ipic  : 

Les  patins  à  rnulettcs  ; 

La  vaccine  ; 

Le  page-agrale  ; 

L'enseignement  mutuel  ; 

Les  ci^^aretles  de  cam|)lne; 

L'art  de  diriger  les  ballons. 

Il  devrait  également  pousser  à  la  Ir.igiculture,  cn- 
Luinager  le  reboisement  de  la  France  en  tragédies,  la 
p'antation  des  landes  en  poèmes  épiques.  C'est  par  de 
tels  travaux  qu'on  ariivera  peu  à  peu  à  caln;rr  les 
esprits  agiles  par  la  leiuprle  révululiuiuiaire  ,  et  à 
apiiser  les  ànies. 

La  société  attend  beaucoup  de  la  rue  de  l'oiliri's; 
nous  espérons  (jn'elle  comprendra  les  conseils  que  noi:s 
lui  adressons,  conseils  bien  désintéressés,  car  ce  n'est 
|ias  à  nous  que  SI.  Tbiers  viendra  demander  des  nu- 
méros au  prix  coûtant. 

Les  légiliinislcs  de  l'Opinioit  /lubliqtic  ^e  chargent 
de  lui  en  fournir. 


LKS  l'ENSlO.NS  LUT LU.MHES. 

Il  faut  avouer  que  la  situation  des  littérateurs  a  i  en  indépendance.  Pendant  les  deux  siècles  derniers, 
perdu,  de  notre  temps,  en  richesse  ce  qu'elle  a  gagné  |  surtout,    les   publicistes  et  les  poêles  et  lient  entrele- 


IiA  VIE    FVBI.IQUE   XT    PRIVEE   DE    MOSSIEU    &EAC. 

ClîAP.  vji.  —  L's  7tf:cfiitn-éti$mcs  de  mossieu  Kcac, 


es  petits  moyens  honnêtes  et  t 
modérés  ne  lui  paraissant  pas  tout 
à  fait  suftîsant^,  et  pour  faire  bien  1 
\enir  le  nouvel  ordie  de  choses,  il 
r€paTe  en  bon  républicain  Ifts  mo- 
numenis  publics; 


combinaison  adroite 
pour  faire  payer  des  lampions  à 
ceux  qui  n'aiment  pas  ça. 


qu'il 
moins  utile  que  mora't 


(icxe,  se  fait   dé  éguer  â   la 
mission    du  Luxembourg,   où 
exiue  comme  minimum  de  sala 
25  fr.  par  jour  pour  les  marchan- 
des de  gàieaux  de  NaUerre. 


3S2 


HEVUE  COMIQUE 


nus,  logés  et  iiomiis  pai-  les  grands  seigneurs,  pour 
peu  qu'ils  eussent  de  rainabililé  ou  de  la  complai- 
sance. Les  traitants  disputaient  même  ii  la  ncibiessc 
l'honneur  ou  l'avantage  de  les  avoir  à  leur  table  ou  à 
celle  de  leur  oflice,  pourvu  qu'ils  célébrassent  en  vers 
leurs  niaîtiesjes  ou  dét'endis-.ent  en  prose  leurs  systè- 
mes financiers.  Sans  parler  du  neveu  de  Rameau,  il 
n'est  pas  jusqu'à  l'impudique  Robbé  qui  ne  parvînt  à 
souper  aux  cuisines  et  à  couilier  aux  écuries,  en  flat- 
tant les  vices  et  l'anioiir-propre  des  cochers  de  gran- 
des maisons.  Les  souverains  du  Nord  accablaient  de 
faveurs  et  de  pensions  les  génies  moins  stibailernes; 
le  trésor  des  favorites  et  la  caisse  du  Mercure  enflaient 
de  leur  cô  é  le  patrimoine  des  muses.  Aujourd'hui, 
rien  de  semblable  :  il  n'y  a  plus  de  Mécènes  et  plus 
même  d'Aniphytrions;  plus  de  pensions  et  plus  même 
dediners.  L'Étal  seul  a  conservé  encore  une  feuille  des 
bénéflces. 

C'esi  une  feuille  assez  mince,  beaucoup  plus  mince, 
certes,  que  celle  où  pâturait  la  maigre  mademoiselle 
Guimard  ;  mais  elle  peut  encore  soulager  bien  des  in- 
fortunes, soutenir  bien  des  intelligences  laborieuses 
qui  n'ont  pas  le  don  de  pêcher  à  la  ligne  dans  les  eaux 
troubles  du  feuilleton.  Heureusement,  le  Moniteur, 
qui  vient  de  publier  la  liste  des  génies  malheureux 
que  la  France  a  pris  sous  sa  tutelle,  adonné  en  même 
temps  une  preuve  incontestable  de  la  prospérité  litté- 
raire de  notre  époque.  On  peut  être  assuré  que  la 
presque  totalité  des  illustrations  actuelles  suh^istc  ho- 
norablement sans  le  secours  de  FÉlal,  puisqu'on  ren- 


contre sur  cette  liste  une  telle  majoiilé  d'écrivains  in- 
compris ou  inconnus. 

En  elVet,  n'est-il  pas  consolant  de  songer  (jiie  la 
France  ne  contient  que  cinijMante-fe[)t  écrivains  mâles 
dignes  d'être  pensionnés,  y  conipiis  même  les  skvanis. 
Il  est  vi'ai  qu'on  n'admet  à  cette  faveur  ni  les  roman- 
ciers ni  les  auteurs  dramatiques  ;  car  la  première  série 
n'indicpie  comme  titres  directs  que  ceux  An  poêles,  /lis 
toriens,  critiques,  économistes,  philologues  et  savants. 

Eh  quoi!  rien  que  cinquante-sept  pour  un  |)ays 
comme  la  France?  Mais  la  bibliothèque  d'Alexandrie, 
fondée  par  les  Ptolémées,  nourrissait  et  pensionnait 
plus  de  trois  mille  écrivains  et  philosophes!  Sans 
doute,  la  plupart  des  nôtres  sont  aussi  opulents  qu'il- 
lustres ;  mais  si  l'on  eût  voulu  forcer  dans  leur  médio- 
crité mal  dorée,  et  enrichir  malgré  eux  certains  talents 
qui  s'obstinent  à  mener  une  existence  toute  pythago- 
ricienne, peut-être  aurait-on  pu  commencer  la  liste 
par  deux  noms  plus  illustres  que  ceux  de  Montreuil  et 
de  Pignolet. 

Quand  on  songe  que  Napoléon  faisait  six  mille  Ir. 
de  pension  à  une  douzaine  d'auteurs  tragiques  el  di- 
dactiques, n'est-il  pas  triste  de  penser  que  MM.  I^lon- 
treuil  et  Pignolet  ne  sont  admis  (et  ne  sont  admis 
seuls)  qu'à  toucher  deux  cents  francs  par  mois  de  la 
munihcence  nationale. 

Qu'aurait  dit  Louis  XIV  de  la  seconde  série  de  pen- 
sionnaires à  quinze  cents  francs?  MAL  Aubert  de  Vi- 
try,  Ancelot  et  Barthélémy  sont  connus,  l'un  pour 
avoir  traduit  Goèlhe,    l'autre  Schiller  et  l'autre  Vir- 


IiA    VIE    FUBI,IQUE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    RÉAC. 


Par  malheur  il  lui  arrive  d  être  reconnu 

dans  un  ra!>semblcment 

oli  il  émettait  des  théories  de  ce  genre, 

el  WD  diacours  reçoit  un  accueil    motivé. 


Di'goôtédu  métier  d'agent  provocateur  ,  et  ju- 
geant que  les  temps  sont  venus  de  se  montrer 
bonnet  àpoil  nu.  Mûssieu  Réic  enHo.se  le  har- 
nais militaire,  et  se  dirice  sur  l'Hôtel  de  ville. 


A  L'USAGE  DES  CENS  SÉIUEUX. 


5;;3 


j^ilc.  M.M.  (!.■  (;l,:il(Miiiiciircl  Ciih.n  ..ni  liM,linl,  liiii 
Slioriilaii,  l'.iiilio  l.i  lîilile.  l'orsuimc  iif  Irmnci.i  i  c - 
cinq  pensions  (lr|>iacôc's.  Mais  quoi  !  la  Kiancf  n'.i-l- 
fllc  |)as  un  scnl  l'crivain,  un  seul  puëlc  original,  un 
scnl  savant  ulilo,  à  poilor  en  pins  à  ce  iliilVn'  do 
quinze  ci'iils  fianrs?  Quoi!  inainlenanl  il  nous  fanl 
descendit'  à  ceux  .le  liiiit  à  douze  cenls  francs  anxipiels 
sont  réduites  trente  Irois  illusli-alions  moins  oriicielle- 
nient  constatées?  0  gloire!  o  prospérité  de  noire  pa- 
trie! nous  ne  pouvons  assez  t'adinirer,  non  pour  les 
noms  qui  sont  sur  cette  liste,  mais  pour  ceux  ijui  v 
manquent,  et  dont  la  fortune  est  prolialilemeiil  au- 
dessus  de  ce  faible  secours! 

Ici  nous  rencontions  surtout  (rancien.>  p.. des  .le  l'.l/- 
manai/ifles  .\fuses:  on  le  comprend,  .a  chute  de  ce  re- 
cueil, suspendu  depuis  1800  (année  :>"  de  la  fonda- 
tion), a  mis  sur  le  pavé  bien  des  inlelligences  qui  cul- 
ti\aient  le  jardin  des  muses.  MM.  lîdouard  d'Angle- 
mont,  C.olombal  de  l'Isère,  Denne  Baron,  Paulin  I)é- 
sormeanx  ,  Dupré  de  Sainte-Maure,  Alex.  Maras  et 
Turquety  ont  embelli  bien  longleuips  les  pages  de  ce 
recueil;  M.  Jasmin,  le  coiffeur-poele  d'Agen,  ne  l'au- 
rait pas  déparé  si  ses  premiers  essais  eussent  fleuri  à 
cette  époque.  M.  Pierre  Uidot  porte  i^n  nom  cher  aux 
lettres,  M.  de  Bonnccliose  a  fait  une  tragédie,  M.  de 
Fondras  a  fait  des  o.les,  et  M.  Desportes  csl  proba- 
blement le  même  poêle  qui  vivait  du  leiiips  de 
Louis  Xi  II,  et  qu'a  célébré  lîegnier.  Nous  ne  con- 
naissons pas  autant  MM.  Drake,  Schœn,  l'rom])raull, 
B  «rdas-Dumoulin  ,  qui   sont,  du   reste,   des   savants. 


M.  IVaii.-M.irdekai  est  pr..bal.leiiii'iil  un  boyard  ou 
un  Ariiiénieii  ;  M.  Desloges,  un  libraire;  M.  Félix  doit 
èlre  le  père  l'élix  ;  M.  d'Arnaud  ne  peut  èlie  que  l'au- 
leiir  du  Comli'  (Je  Comiiiiiiije  et  des  /■.'//)eurfs  du  sen- 
Iniunit.  Quanti  .M.  Caillaud,  noti.i  douions  que  ce  soit 
le  même  que  le  disciple  du  Mii/juli,  qui,  depuis  son  en- 
trée dans  la  religion  iimdifnnf,  où  il  est  défi^ndu  de 
porter  un  nom  quclcon.|ue,  signait  toujours  :  «  Celui 
qui  fut  Caillaul.  »  Nous  n'avons  rien  .i  dire  des  noms 
i|ui  reslenl  :  M.\l.  J.-U.  I.alille,  d'Kckslein ,  Latfon- 
l.ab:iltul,  Félix  Lajard  (.le  rinsliiul).  de  Moléon,  de 
Sanazin,  Saiivo,  Quérard  cl  Magallon,  connus  à  dilfé- 
leiits  lilres,  ni  de  .\1.M.  Brizeiix  et.Sandeau,  sinon  pour 
regretter  qu'ils  ne  soicnl  pas  portés  sur  une  feuille  plus 
plantureuse. 

Il  reste  encore  seize  noms  qui,  certainement,  mé- 
ritent on  masse  beaucoup  mieux  qu'une  pension  de  la 
troisième  catégorie,  c'est-à-dire,  do  2(!n  à  COO  francs. 
Il  vaudrait  mieux  que  le  Muniteur  ne  cilâl  pas  les 
noms  voués  à  de  si  faibles  pensions. 

Los  femmes  seules  sont  admises  à  faire  valoir  comme 
tide  celui  d'avoir  écrit  des  romans;  c'est,  quoique  ro- 
mancicr,  que  l'on  peut  èlre  inscrit  dans  la  liste  des 
liiunmes.  Madame  Ancelot  brille,  comme  son  mari,  de 
l'éclat  d'une  pension  de  l,.')00  francs.  Les  autres  noms 
de  femmes  ne  peuvent  donner  lieu  à  aucune  observa- 
tion particulière. 

Kn  résumé,  nous  persistons  à  regroUer,  non  pas  que 
la  pairie  ait  fait  quelque  chose  pour  les  écrivains  cilés 
par  le  Moniteur,  mais  qu'elle  n'ait  pu  faire  davantage 


lA    VIE    PUBZ,IQUE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    nÉAC. 

CHAP.  VII.  _  /;„  mnckinrrtiiimi-s  ilr  m'>..«.'-i(  Rcnc. 


revient  de  .'H.i;el   de  ville  plus  vile  qu'il  n'y  était  allé, 

e:  un  socialiste',  logé  un  peu  haut, 
choisit  cette  occasion  pour  lui  souhaiter  la  fête. 


i  paraît  convcrable  in  terminer  ce  chapitre 

par  un  tableau  synoptique 
res  politiques  successives  de  Mossieu  Héac. 

[La  *«7f  h  la  proclainî  livra'tO",^ 


5o4 


REVUE  COMIQUE 


pourplusieiirscrontreeut...ct|.oiuboam-oi.iurai.l.es.   I   encoie  que  les  rois 
Quatul  lo  peuple  est   nù,  il  convient  qu'il  |■as^e  plus  I   se  montrer  plus  dit 


droit,  il  est  vrai,  île 


COMMENT  M.  TIlllT.S  ÉCIUT  LHISTOIUE. 


le  7'  volume  de  l'ouvrage  de  M.  TLiers  se  tciminc  au 
traité  do  Tilsilt ,  c'est-à-dire  à  l'apogée  de  la  grandeur  m- 
nériale,  à  l'opo que  où  Napoléon,  arrive  au  iominet  de  1  e- 
chcllo  ascendante  de  sa  fortune,  n'a  plus  désormais  qu'à  sui- 
vre rcelioUe  descendante  de  ses  fautes  el  de  ses  revers.  Jusqu  a 
cette  niénioral.le  date,  M.  Tl.iers  s'est  moniré  l'apologiste 
déclaré  ,  continu,  et  pour  ainsi  dire  sans  réserie,  de  l'empire 
et  de  l'empereur;  on  le  conçoit  aisément  :  les  fails  l)Iàmal)lcs, 
depuis  le  18  l.ruin;.ire  jusqu'au  tndié  de  Tilsitl ,  se  trouvent 
uoyés  dans  la  multitude  des  belles  actions  ;  les  projets  ambi- 
tieux sont  justifiés  ou  dissimulés  par  les  attaques  déloyales, 
incessantes,  des  cnm-mis  de  la  révolution,  cl ,  à  part  la  mort 
du  duc  d'Engliicn,  les  atteintes  à  nos  libertés,  la  création  si 
mal  raisounée  d'une  Allemagne  française ,  on  ne  peut  qu'être 
séduit,  entraîné,  par  une  grandeur  si  complète,  si  éclatante, 
si  nationale,  et  l'on  ferme  malgré  soi  ks  yeux  sur  les  désastres 
qui  l'ont  suivie. 

Mais  après  le  traité  de  Tdsilt  commencent  les  grandes  fau- 
tes :  à  l'intérieur,  labolition  du  Iribuiial,  l'organisation  d'une 
nouvelle  noblesse,  etc.,  à  l'extérieur,  les  allaircs  de  Tortugal 
el  d'Espagne ,  l'occupation  de  Rome ,  les  projets  de  partage 
de  l'empire  nfoman.  M.  Tliiers  ,  sur  lequel  tous  les  actes  de 
Napoléon  everccnl  la  plus  grande  séduction,  qui  a  loujouis 
l'air,  quand  il  parle  du  grand  bomme  ,  de  se  mirer  en  lui  , 
qui,  cnlin  ,  si  le  costume  n'était  déjà  pris,  aurait  déjà  endossé 
la  redingntte  grise  ,  M.  Tbiers  va-t-il  continuer  sou  apolo- 
gie? Maintenant  que  le  droit  et  la  morale  abandonnent  les 
actions  de  son  béros,  va-t-il  encore  saluer  de  ses  invocations 
payenncs ,  comme  dans  les  volumes  précédents  ,  la  force  ,  la 
puissance,  la  fortune,  en  palliant  ses  fautes  et  ses  erreurs? 
De  plus ,  un  petit  éte»ement,  ainsi  qu'on  le  disait  il  y  a  quel- 
que temps  dans  le  parlement  anglais  ,  un  petit  événement 
accompli  depuis  la  publicalion  du  7«  volume  :  la  révol 
de  Février  aura-l-elle  iullué  sur  la  manière  blslorique  do 
M.  Tliicrs,  sur  les  puérilités  aristocratiques  de  son  style,  si.r 
sa  réserve  alVcctée  et  diplomatique?  Dans  ce  nouveau  livre, 
le  verra-l-on  fraucbement  historien,  et  non  plus  posant  sans 
cesse  comme  bomme  d'Elal,  comme  le  régulateur  futur  (!c 
l'Europe,  forcé  à  des  ménagements  envers  tout  le  monde,  et 
n'osant  pas  tout  dire,  de  peur  de  compromettre  les  quesUoi  s 
pendantes,  de  peur  de  compromettre  son  propre  avenir? 

Sous  ce  dernier  rapport ,  bàtons-nous  de  le  dire,  il  y  a  pro- 
grès. Les  lecteurs  de  M.  Thiers  doivent  à  l'avènement  de  ' 
Ilépulilique  de  lui  \pir  ,  dans  le  8'  volume  ,  des  allures  ^ 
nettes ,  des  phrases  moins  entortillées  ,  des  politesses  moins 
obséquieuses  envers  les  gouvernements  étrangers.  Ainsi  on  se 
rappelle  quelles  précautions  méticuleuses  il  prenait  pour  ra- 
conter l'assassinat  de  Paul  I'',  quels  ménagements  il  avait 
pour  la  noblesse  russe,  avec  quelles  circonlocutions  et  quels 
ambiges  il  parlait  de  la  complicité  d'Alexandre.  Aujourd'luii, 
il  blâme  très-netlement ,  très-sévèrement  et  sans  réserve  le 
gouvernement  anglais  pour  le  boinbarilement  de  Copenl^gue  ; 
il  lémoi"nc  ouvertement  son  horreur  pour  ce  grand  crime  ;  il 
porte,  sur  les  hommes  el  sur  les  choses,  une  appréciation  plus 
dégagée;  ciiliii  l'on  est  lolit  surpris  de  le  voir  traiter  avec  peu 
de  ménagement  M.  de  Talleyrand  lui-même,  ce  p  :lron  si  vénéré 
de  M.  Tbiers,  dans  leipieloii  pourrait  croire  que  revit  son  esprit. 
Nous  ne  savons  pas  si  l'élection  du  10  décembre  a  empêché 
M.  Tbiers  de  persister  dans  celte  voie  courageuse  à  l'égard 
de  Nap.léon  ;  mais  les  actes  si  tristes,  si  désastreux  de  1807 
et  de  1808  trouvent  en  lui  une  indulgence  extrême  ,  rarement 


t 
:  la  révolution 


mSTOIllE  DU  CONSULAT  ET  DE  L  EMPIRE,  T.  VII. 

un  blâme  mitigé.  L'abolition  du  Tribunat,  ce  dernier  débris 
des  institutions  républicaines,  cette  dernière  tribune  d'où  la 
vérité  se  faisait  entendre  à  travers  le  concert  d'adulation  qui 
enivrait  le  vainipieur  de  l'ricdiaiid  ,  l'abolition  du  Tribunat  , 
il  l'approuve  !  la  création  d'une  noblesse  héréditaire,  triste 
imitation  de  l'ancien  régime  ,  qui  a  tant  contribué  à  la  chute 
de  l'empire,  qui,  depuis  cette  époque,  est  un  obstacle  à  tous 
les  progrès  ,  la  création  d'une  noblesse  ,  il  l'approuve  I  «  L'ex- 
périence a  prouvé,  dit-il,  ([u'une  aristocratie  ne  nuit  point  à 
la  liberté  d'un  pays.  »  L'épuration  de  la  magistrature,  que  la 
constitution  déclarait  inamovible,  il  l'approuve!  11  approuve 
tous  les  essais  de  restauration  de  l'ancien  ordre  social,  les 
pompes  et  les  fêtes  impériales,  les  costumes  et  l'étiquette  pué- 
riles du  palais  ;  il  se  lait  même  le  Dangeau  de  la  cour  et  ne 
craint  pas  d'écrire  ces  lignes  :  «  Pour  achever  celle  résurrec- 
tion des  anciennes  niu-urs,  il  accorda  à  certaines  dames  re- 
nommées pour  leur  beauté,  des  regards  qui  affligèrent  l'im- 
pératrice Joséphine  (p.  171).» 

Mais  si  nous  passons  aux  affaires  extérieures,  les  apprécia- 
tions de  l'historien  nous  paraisseiit  mériter  une  critique  encore 
plus  sévère. 

11  approuve  l'oceiipatiou  brutale  des  États  Romains  ,  mal- 
gré les  protestations  du  saint  pontife  qui  aMÙl  sacré  Napo- 
léon ;  il  approuve  «.  les  tributs  levés  sur  les  lois  vaincus  »  ; 
il  approuve  les  promesses  faites  à  Alexandre  pour  obtenir  son 
amitié,  et  l'abandon  de  nos  antiques  alliées,  la  Suède,  à  qui  Na- 
poléon laisse  enlever  la  Finlande,  la  Turquie,  à  qui  il  laisse 
enlever  la  Moldavie  et  la  Valachie  ;  il  approuve  l'invasion  du 
Portugal,  faite  avec  tant  de  précipitation,  où  Napoléon  montra, 
avec  une  si  grande  ignorance  des  lieux  ,  si  peu  de  commiséia- 
lion  pour  ses  jeunes  soldats.  Enfin  ,  quand  il  arrive  aux  affaires 
d'Espagne,  à  ces  déplorables  intrigues  qui  ont  eu  une  si 
désastreuse  inducnce  sur  les  destinées  de  notre  pays,  s'il  n'ap- 
prouve pas ,  il  blâme  avec  une  réserve  scandaleuse  et  ne  craint 
pas  de  dire  : 

«  Assurément,  si  on  jugeait  ces  actes  d'après  la  morale  or- 
dinaire, qui  rend  sacrée  la  propriété  d'autrui ,  il  faudrait  les 
Uélrir  à  jamais...  mais  les  trônes  sont  autre  chose  qu'une  pro- 
priété privée;  on  les  ôte ,  on  les  donne  parla  guerre  ou  la 
politique ,  cl  quelquefois  au  grand  avantage  des  nations  dont 
on  dispose  ainsi  arbitrairement.  Seulement  ,  il  faut  prendre 
garde,  eu  voulant  jouer  le  rôle  de  la  Providence,  d'y  échouer, 
d'être,  ou  odieux  ou  malheureux,  en  voulant  être  grand,  elde 
ne  pas  atteindre  les  résultats  qui  devaient  vous  servir  d'excuse. 
Il  faut  enfin  se  défier  de  toute  entreprise  si  peu  avouable  qu'on 
est  réduit  à  y  employer  la  fourberie  et  le  mensonge  (p.  474j.» 
Voilà  donc  les  maximes  de  moralité  politique  de  l'homme 
d'Etat  qui  gouvernait  la  France  en  1840,  et  qui ,  aujourd'hui 
encore ,  exerce  sur  ses  destinées  une  iiilluence  occulte  aussi 
puissante  que  dangereuse  !  Il  y  a  une  morale  ordinaire  pour 
les  individus,  il  y  a  une  morale  extraurilinaire  pour  les  rois! 
Il  suffit  d'être  heureux  pour  être  excusé  !  Il  ne  faut  que  se  dé- 
fier des  entreprises  où  l'on  doit  employer  le  mensonge  !  Réus- 
sissez ,  et  vous  jouerez  le  rôle  de  la  Providence  ! 

Non  !  ce  n'est  pas  avec  ces  odieuses  maximes ,  avec  ces  rcs- 
tnclioiis  |éMiilii|iies,  avec  ces  combinaisons  empruntées  à  Ma- 
chiavel ,  qu'on  fait  de  grandes  choses ,  qu'on  fonde  de  grands 
empires,  qu'on  bâtit  pour  réternilé!  Ce  n'est  point  avec  une 
telle  politique  ,  c'est  avec  de  la  loyauté  cl  de  l'honneur, 
que  la  France  est  devenue  grande,  puissante,  respectée!  et, 
pour  ne  citer  qu'un  exemple,   voyons  quelle  fut,  dans  des 


plus 


A  L'USAGE  DES  GENS  S1::RIEUX. 


irninsliiiicos  iiiinlo|,'iics ,  la  i-imlullo  de  ce  Louis  XIV. 
mil  N:i|iiilé(iii  Vdiiliiil  iTSMiscitei-  le  sjsléinc  ])olilh|uf  .  in 
iil!iiiil  siii-  le»  IrAiii's  iilli,-s  lie'  l:i  l'Vmice,  à  N;\|ili>s,  ii  M,i- 
riil,  etc.,  «le»  U(mn|iiiile  à  la  |ilaic  des  Dmirlioii^  :  ciniiine 
'  SI  l'on  i  iiprovi^ail  des  ilyiiastics,  ciiiiiiiie  si  les  teiiiiis  ii'ilaieiil 
|ins  dianm's ,  coiimie  si  les  pactes  do  fainiltcs  ii'avaieiil  |ims 
été  icni|. lacés  par  les  pactes  des  peuples,  cnmiiic  si  le  lien 
moilenie  de  la  Fcniice  et  des  états  misiiis  ne  devait  pas  èlie 
la  similitude  des  institutions!  Miiis  du  nmins  l'ancienne  dj- 
naslio  était  urrivée  à  ce  résultat,  avec  du  temps,  sans  violence, 
s.ins  blesser  les  sjmpatliies,  sans  attenter  à  rindépemiaiiee 
des  mitions.  Ainsi ,  pour  le  Irone  d'Kspagne,  Louis  XIV  atten- 
dit .panr  y  placer  son  petit-llls  ,  que  le  lestumcnt  du  dernier 
roi  1";  ciit  appelé,  loslamenl  (|ui  était  l'expression  delà  vo- 
Icnilé  nationale  1 1  qui  avait  été  imposé  par  les  nntidiililés  du 
royaume;  et,  comme  ilit  Saint  Simon  :  u  Un  llls  de  l-'ianee 
devint  roi  d'Espagne,  sans  une  amorce  tirée  île  notre  part,  à 
l'insu  du  roi,  ù  sou  extrême  surprise  et  de  tous  ses  miiii-lres,  et 
q  li  n'eut  .|ue  l'emharra,  tie  se  déterminer  el  la  prine  d  accqi 
1er  )i.  .\ussi  l'inlippe  V  fut  pour  l'Kspagne  un  roi  national,  et 
le  p:iys  fit  des  ell'orts  liéroiques  pour  le  maintenir  sur  le  trime. 
Au  contraire,  Napoléon  n'iditint  le  trône  d'Espa-ne  que  p:ir 
une  série  d'iulri-ues,  de  trahisons,  de  fourberies,  la  plus  iii 
dense  dont  il  soit  cjuestion  durant  les  derniers  siècles  île  notic 
histoire.  Dans  cette  triste  portion  do  sa  vie,  il  semble  n'être  plus 
.  le  même  bomme  :  c'est  un  Italien  du  seizième  siècle ,  c'est  un 
éle>e  des  Bori,'ia  ;  le  sang  corse  égare  le  génie  et  la  nature  géné- 
reuse du  vainipieur  de  Marengo.  Napoléon  lui-même,  dans  .'es 
méditations  à  Sainte-Hélène,  a  qualifié  sa  conduite  en  cette 
occasion  dans  les  termes  les  plus  sévères;  mais  M.  TliiiTS  se 
contente  de  dire  :  «  Il  fit  en  cette  circonstance  un  emploi  de 
«  son  génie  qu'on  ne  saurait  trop  regretter.  » 

De  plus,  Louis  XIV,  pour  obtenir  le  trône  d'Esp.igne  et  avec 
lui  l'extension  de  l'influence  française,  ne  fit  le  sacrifice  d'au- 
cune partie  de  notre  vieille  politique  :  il  maintint  intact  ce  réseau 
d'alliance  qui  nous  donnait  la  prépondérance  eu  Europe.  Mais 
Nipoléon,  pour  satisfaire  sa  convoitise  sur  l'Espagne,  se  vil  fa- 
talement, aveuglément  entraîné  à  ouvrir  l'Europe  aux  barbares, 
à  sacrifier  à  la  Russie  nos  alliés  de  plusieurs  siècles,  cette  triple 
barrière  qui  arrêtait  les  Cosaques,  la  Pologne  qu'il  n'osa  réta- 
blir, la  Suède  qu'il  livra  à  Alexandre  par  la  perte  de  la  Fin- 
lande, la  Turquie  qu'il  promit  de  partager!  Voilà  quelles  furent 
les  préliminaires  de  l'élévation  de  .M.  Joseph  Bonaparte  au 
trône  d'Espagne  !  Voilà  à  quelles  fautes,  à  quel  oubli  des  in- 
térêts les  plus  vulgaires  des  nations,  se  trouve  eniruinc  le  génie, 
,  lorsqu'il  abandonne  les  voies  du  bon  sens  et  de  la  moralité^ 
pour  ne  sui\re  que  celles  de  la  passion  !  Dans  le  récit  de  celle 
déplorable  affaire,  il  y  avait  là,  sans  ternir  la  gloire  du  grand 
homme  et  en  faisant  la  part  des  faiblesses  humaines,  il  y  avait 
là  de  grands  enseignements  à  tirer;  il  v  avait  à  faire  sortir  de 
gr  ivis  el  solennelles  instructions  pour  l'avenir  ;  il  y  avait  là, 
surtout,  de  la  part  d'un  écrivain  qui  a  eu  l'honneur  de  diriger 
les  allaires  de  notre  pays ,  de  simples  et  nobles  paroles  à  pro- 
noncer :  Mais  non  !  IJue  fuit  M.  Thiers  ?  il  accumule  sans  ré 
serve  et  sans  hlàme  les  détails  de  toute  celte  triste  histoire,  et 
s'il  went  à  parler  de  l'ambition  russe,  de  cet  abandon  de  nos 
alliances  les  plus  précieuses  à  la  convoitise  des  barbares  du 
nord  ,  c'est  pour  faire  cette  sacrilège  prophétie  qui  donne  la 
mesure  de  la  profondeur  des  idées  politiques  de  l'ancien  mi- 
iii>lre  de  Louis-Philippe  : 

«  Lorsqueje  colosse  russe  aura  un  pied  aux  Dardanelles,  un 
autre  sur  le  Sund,  le  vieux  monde  sera  esclave  ;  la  liberté  aura 
fui  eu  Amérique:  chimère  aujourd'hui  pour  les  esprits  bornés, 
ces  tristes  prévisions  seront  un  jour  cruellement  réalisées,  car 
l'Europe  maladroitement  divisée,  comme  les  villes  de  la  Grèce 
devant  le  roi  de  Macédoine, aura  probablement  le  même  sort.  « 
Non  !  monsieur  Thiers,  non ,  cette  prophétie  de  désespoir 
et  de  mauvais  goût,  qui  n'est  sans  doute  qu'une  épigramme 
adressée  à  la  France  républicaine,  à  l'Europe  de  IS18,  cetio 


35."j 

prophétie  ne  se  réuliser.i  pa»!  Non,  l'eselavago  n'eit  point  le 
sort  réservé  l'i  notre  patrie,  réscrié  A  toute  l'Europe,  cl  vous  le 
sivcz  bie.i!  Napoléon  u  dit  :  u  Dan»  cinquante  ans,  l'Europe 
«  sera  républicaine  on  cosaque.  ..  Parodiant  ce  mol  qui  fait 
tressaillir  tout  homme  de  cœur,  dani  v^itre  dépit  des  chose» 
accomplies  depuis  un  an.  uiu»  avez  le  triste  courage  de  dire  : 
a  L'Europe  sera  cosaque.  »  .\ou»,  nous  di>ons  :  E  le  «era  ré- 
publicaine ;  el  ce  sera  la  piiiiitiun  de  \o»  apostasies.  Nous  eu 
altcstons  S!),  \KIH  ,  les  efforts  héroïques  de  nos  pères,  ces 
soixante  minées  de  progrès  el  d'enfantement  d'un  nouveau 
monde,  celle  communauté  de  sentiments  el  d'idées  .|ui  anime 
et  Inspire  aujourd'hui  tous  les  peuples  !  .Non  ,  la  liberté  et  la 
ciNillsalion  ne  seront  pas  absorbées  par  les  barbares,  mais  elle 
les  absorbera  eux-mênu  s.  L'idée,  celle  reine  suprême  de  l'a- 
venir, a-t-elle  donc  été  noyée  dans  le  grand  naufrage  de 
181.":)?  Malgré  trente-cinq  années  de  compression,  n'a-t-elle 
pas  continué  à  fermenter,  a  gagner,  à  conquérir?  N'al-ellc 
pas  fait  enfin  explosion  de  tontes  paris?  Sa  destinée  n'est  pas 
de  s'arrêter  sur  l'Oder  ou  sur  le  Danube;  c'est  d'aller  jus- 
qu'au pôle.  Parce  qu.>  les  races  slaves  ont  sommeillé  pen- 
dant sept  siècles,  sont-elles  donc  des  parlies  bâtardes  et  dés- 
héritées de  l'espèce  humaine?  est-ce  qu'elles  ne  doivent  pas, 
comme  les  autres  ,  à  leur  tour  ,  à  leur  heure  ,  prendre  part 
à  la  régénération  universelle?  est-ce  que  ce  cri  de  liberté  qui 
est  parti  de  Vienne,  l'année  dernière,  à  la  stupéfaction  des 
peuples  et  ries  rois,  vous  ne  pouvez  pas  l'entendre  demain 
sortir  du  Kremlin  el  des  sleppes  de  la  Moscovie?  Au  reste,  il 
parait  que,  depuis  la  révolution  de  Février,  M.  Tliicis  n'a 
plus  d'affection  et  d'admiration  que  pour  les  Cosaques;  el  l'on 
ne  doit  plus  êlre  surpris  de  la  phrase  que  nous  avons  citée, 
lorsqu'on  l'a  vu  tout  récemment,  dans  la  séance  du  ."I  mars, 
a  la  face  de  l'.-Vssemblée  nationale,  oser  dire  que  c'était  de  la 
Russie,  de  ce  gouvernement  du  knout,  de  cet  empereur  bour- 
reau de  In  Pologne,  que  nous  devions  prendre  des  levons!  El 
voilà  le  Richelieu  qui  inspire  toute  notre  diplomatie! 

[La  suite  à  la  prochaine  livraison.) 


Dilettante  empruotast  à  une  ouvreuse,  corrompue  à  prii  d'or, 
son  costume,  son  petit  banc  el  sa  lucarne,  pour  voir  U  Prophèie 


Lecteurs,  en  conlemplanlla  face  déb  onnaire 
Un  grave  magislral  ci-de.'sus  crrijonnc, 
Vous  ne  vous  douiez  pas  qu'à  l'instar  du  tonnerre, 
Dans  riiùtel  Jncques  Cœur  sa  voix  a  résonné. 
Bien  qu'il  *oit  dés  lonf^lenips  llnnneur  de  li  bazoclie, 
Il  a,  dans  certains  cas,  commis  des  quiproquo. 
Mais  doit-on  s'étonner  d'entendre  de  Harochc, 
Des  arunnienls  in  bumcf? 


Deuxé  par  Fabritzm  »• 


Gray*  p»r  Baulant. 


-"^ 


LA  SEMAINE. 


Nous  voici  iUM'ivos  à  !a  vingt-citiquicnie  el  Jciiiièro 
semaine  de  ce  volumo.  J'abandonne  décidément  le  bu- 
rin de  Clio,  pour  le  reprend  ce,  qtiaml?  l'eut-èlie  de- 
main ;  mais,  à  coup  sur,  dans  quelques  jours.  La  He- 
i'ue  comique  se  doit  à  elle-même  el  au  public  d'avoir 
une  longue  postérité  de  livraisons. 

Mous  regardons  derrière  nous,  et  nous  sommes  Tiers 
de  la  manière  dont  nous  avinis  rempli  notre  mission 
d'iiistorien. 

Quel  est  le  grand  événemenldont  nous  n'ayons  point 
prévu,  analysé  toutes  les  conséquences?  Quel  est  le 
grand  homme  auquel  nous  n'ayons  pas  suffisamment 
rendu  justice"? 

En  ouvrant  les  yeux  à  la  lumière,  la  Ri^vue  comique 
a  été  éblouie  par  les  rayons  de  l'astre  impérial,  l'asti- 
née  d'abord,  elle  s'est  peu  à  peu  lialiiluée  à  contein- 
[der  le  soleil  en  face. 

Le  rédacteur  de  cette  chronique  s'est  fait  le  Dau- 
ge.iu  du  Piésident  de  la  République  française.  Grâces 
à  lui,  les  épaulettes,  les  bons  mots,  les  bals,  les  tuni- 
ques, et  les  phaëtons  de  M.  Louis  Bonaparte  iront  à  la 
postérité.  Il  ne  s'est  pas  donné  un  bal,  un  diner,  une 
fête,  dont  nous  n'ayons  rendu  compte. 

On  nous  rendra  également  cette  justice,  que  nous 
n'avons  laissé  dans  l'ombre  aucun  ell'ort  tenté  par  le 
célèbre  Odilon  Barrot  el  le  fameux  Léon  Faucher, 
pour  faire  remonter  le  pays  au  rang  élevé  (|u'il  occupait 
parmi  les  nations,  et  d'oii  les  républicuiiis  auraient 
lini  par  le  faire  descendre. 


Mais,  laissons  le  passé;  et,  au  moment  do  terminer 
te  volume,  constatons  l'élat  de  prospérité  et  d'éclat  à 
1  intérieur  et  à  l'extérieur  dans  lequel  nous  laissons  la 
Kiance. 

A  l'intérieur,  le  gouvernement  verse  des  fli'ls  de 
contrepoison  sur  des  obscurs  blasphémateurs.  Secondé 
par  des  hommes  dune  haute  capacité  et  d'une  mora- 
lité éprouvée,  comme  M.M.  les  banquiers  .\cliille  Fould 
et  Delainarre,  le  pouvoir  réduit  peu  à  peu  les  factions 
au  silence,  et  les  force  à  reconnaître  s(ui  arcendant. 

On  ne  saurait  méconnaître  l'influence  décisive  qu'a 
eue  sur  ce  résultat  la  rédaction  de  la  Patrie. 

Le  National,  converti  aux  idées  napoléoniennes, 
commence  à  reconnaître  la  nécessité,  pour  la  Fiance, 
de  reconstituer  le  consulat  à  vie. 

On  dit  que  M.  Proudbon,  en  moniraut  M.  Louis 
Bonaparte,  s'est  éciié  :  «  Voilà  le  meilleur  des  socia- 
lismes.  « 

/.e  Peuple  n'est  point  éloigné  d'aduieltre  que  ces 
conversions  éclatantes  ont  été  obtenues  par  l'babilelé 
de  .\L\L  Odilon  Barrot  et  Léon  Faucher.  Comprenant 
enfin  que  la  compression  était  le  plus  mauvais  de  tous 
les  systèmes,  et  un  aliment  perpétuel  aux  révolutions, 
ces  deux  grands  ministres  ont  interprcié  la  (lonslilu- 
tion  de  la  manière  la  plus  lai'ge. 

M.  (lirlier  a  été  destitué. 

L  s  sergents  de  ville,  reconnus  coupables  d'avoir 
frappé  les  citoyens  dans  l'exercice  du  droit  de  réunion, 
ont  été  déférés  devant  les  'ribimauv. 


Ô58 


REVUE  COMIQUE. 


Les  associations,  dans  le  but  de  propager  et  de  raf- 
fermir l'idée  républicaine,  ont  été  encouragées,  plu- 
sieurs moine  ont  reçu  des  fonds  du  gouvernement. 

Les  préfets  de  Louis-lHiilippe  ont  été  destitués. 

On  a  ouvert  les  portes  des  prisons  et  des  l)ngnus 
pour  en  l'aire  sortir  un  grand  nombre  d'individus 
égarés. 

Même  grandeur  dans  la  politique  extérieure. 

A  l'heure  où  nous  écrivons  ces  lignes,  une  Hotte  sort 
du  port  de  Toulon  pour  montrer  que  la  France  est  li- 
dèle  aux  sages  principes  posés  par  le  manifeste  du 
gouvernement  provisoire. 

Les  Romains  s'étant  constitués  en  République  à 
notre  exemple,  l'armée  française  a  la  glorieuse  mission 
de  s'opposer  à  ce  qu'aucune  puissance  ne  s'immisce 
dans  les  alïaires  du  nouvel  lïtat. 

En  même  temps,  deux  divisions  de  l'armée  des  Alpes 
ont  franchi  la  frontière  de  Savoie.  Le  vieux  l'.adelski, 
exalté  par  la  facilité  de  sa  dernière  campagne,  veut 
changer  la  constitution  du  Tiémont  et  occuper  ses 
places  fortes,  c'est-à-dire  porter  l'Aulriclie  ju.sqiie  sur 


les  Alpes.  C'est  là  un  résultat  que  nous  ne  saurions 
permettre.  Prolectrice  naturelle  des  l<:tats  faillies,  la 
Képublique  obéit  à  la  politique  tra<litioniU'lle  de  la 
France  eu  prenant  le*1*iéniont  sous  sa  proteclion. 

Le  général  Le  i''lii.  unlre  ambassadeur  à  Saint-Pé- 
tersbourg, a  déclaré  en  inêinc  temps  au  czar  que,  si 
un  régiment  russe  entrait  en  Transylvanie,  la  flotte 
française  recevrait  l'ordre  de  I  lire  un  mouvement  sur 
Constanliiiople. 

En  voyant  iiartoiit  l'allitiide  calme  et  décidi'C  de  la 
France  et  les  progrès  de  sa  pacilicalion  à  rinlérienr, 
iiiie  hausse  considérable  s'est  manifestée  à  la  Bourse. 

Commencé  (|uelqucs  jours  avant  l'élection  du  pré- 
sident, ce  premier  volume  Unit  à  l'anniversaire  de  la 
journée  mémorable  où  l'Assemblée  nationale  iiroclaina 
la  Républi(|ue.  Nous  avons  la  prétention  d'avoir  |)réseii- 
té  un  tabUaii  lidèledes  événements  renfermés  dans  celle 
période.  Des  témoignages  d'adhésion  et  de  sympathie 
nous  arrivent  de  tous  les  côtés,  et  |)lus  d'une  personne 
dira  en  lisant  ce  dernier  résumé  :  —  Voilà  pourtant 
comme  on  écrit  l'iiisloire  ! 


LES  DEUX  COUSINS. 


«  Mon  cher  cousin. 


«  J'apprends  qu'à  ton  passage  à  Bordeaux  tu  as  fait 
des  cancans  sur  mon  compte.  Il  est  très-faux  que  je  sois 
tenu  en  tutelle.  J'ai  la  plus  grande  estime  et  la  plus 
vive  amitié  pour  les  hommes  qui  m'entourent.  J'aime 
Bairot,  je  suis  fou  de  Faucher. 

«  Je  crois  que  tu  feras  bien  de  ne  pas  te  présente!- 
aux  élections  prochaines. 

«  Je  t'embrasse, 

a  Ton  Cousin.  » 

Voici  la  réponse  du  cousin  : 

«  AV    COMITÉ    CENTRAL    BOXAPAaTls'l  E. 

«  Mon  cher  Comité, 

«  D'un  bond  je  franchis  les  Pyrénées  ;  dans  vingt- 
quatre  heures  je  serai  à  Paris  ;  j'accepte  avec  le  plus 
vif  empressement  la  candi<lature  que  vous  m'offrez 
dans  le  département  de  la  Seine. 

0  La  vraie  politique  ne  consiste  pas  à  se  servir  de 
vieilles  ganaches. 

«  li  faut  maintenir  à  tout  prix  la  République  et  la 
Constitution;  voila  ma  profession  de  foi. 

«  C'est  moi  seul  qui  représente  le  parti  napoléonien. 
Mon  prolil  m'en  donne  le  droit.  » 

Arrivé  à  l'aris,  l'iiomme  au  prolil  a  reçu  la  missive 
suivante  : 


«  Mon  cher  cousin, 
i(  Pourquoi  avez-vous  quitté  le  posle  que  je  vous 
avais  assigné?  » 

niipoNsE  nu  cousin. 
«  Parce  que  cela  m'a  plu.  » 

IH     PHliMIlvU    AU    SECONn. 

K  H  faut  |)ouitan.  que  nous  donnions  à  la  France 
une  preuve  de  l'union  louchante  qui  règne  dans  notre 
lamille.  Je  vous  destitue.  » 

IlU    SECOND    AU    PUEMlEll. 

c(  J'entre  pleinemeiil  dans  voire  idée.  Oui,  il  faut 
montrer  au  pays  (|ue  ceux  qui  portent  notre  nom  soni 
entièrement  dévoués  les  uns  aux  autres.  Je  vais  faiic 
afiicher  ma  candidature  aux  quatre  coins  de  Paris.  » 

La  niè  ne  union  se  montre  dans  les  comilés  bona- 
pailisles. 

—  Le  l'résidenl  est  la  pi'oie  d'iine  faclioii,  s'écrie  le 
général  S(un(l  ;  vdlez  [loiir  les  candidats  qui  veulciil 
assurer  sa  liberté. 

—  Le  Président  est  libre  comme  l'air,  répond  le  gé- 
néral l*iat;  volez  pour  les  candidats  de  la  rue  de  Poitiers. 

—  Vous  ôles  des  traîtres  ! 

—  Vous  êtes  de  faux  amis  ! 

11  y  a  des  comités  où  l'on  en  vient  aux  coups.  Chaque 
cousin  a  son  parti.  Nous  savons  bien  comment  Unira 
celte  thébaïde  germaine. 


A  LLSAGL  DES  GENS  SERFEUX. 


359 


Campagne  d'Italie,  pour  faire  peDdanl  aux  batailles  de  Moutenctte,  Arcole  el  LoJ; 


l..\  RIE  DE  POITIERS  ET  SES  SOUSCRIPTEURS. 


On  ne  sait  plus  où  en  est  la  propagande  de  la  rue  de 
Poitiers. 

«  Que  sont  devenus  nos  deux  cent  douze  mille  francs? 
disent  les  souscripteurs. 

—  Nous  vous  rendrons  des  comptes,  »  répund  le 
comité. 

Les  souscripteurs  se  taisent  ;  mais  bientôt  ils  se  re- 
prennent à  murmurer  : 

«  Eh  bien!  quand  nous  sauve-l-on?  Sommes-nous 
tout  à  fait  condamnés,  ou  bien  va-t-on,  décidément, 
nous  retirer  du  bord  de  l'abime  ?  Expliquons-uous,  pour 
que  nous  sachions  si  le  temps  est  venu  de  faire  notre 
testament  ou  de  nous  réjouir. 

—  Cela  ne  me  regarde  plus,  répondit  le  comité. 

—  Conimenl!  cela  ne  vous  regarde  plus!  Qu'est-ce 
que  vous  chantiez  donc  jusqu'ici,  que  nous  avions  la 
fièvre  républicaine  et  que  vous  alliez  nous  traiter.  Est- 
ce  que  nous  n'aurions  plus  la  fièvre,  par  hasard? 

—  Au  contraire,  vous  l'avez  plus  forte  que  jamais, 

—  Alors  guérissez-nous? 

—  Guérissez-vous  vous-mêmes. 

—  Avec  quoi? 

—  Avec  le  contre-poison  de  la  Patrie,  la  pommade 
de  V Assemblée  nationale  el  les  boîtes  de  la  pàte-orléa- 
nisle  du  Constitutionnel. 

—  Mais  l'élixir  que  vous  deviez  inventer? 

—  Je  ne  l'invente  plus. 

—  Pourquoi  ? 


—  Parce  que  nous  n'avons  pu,  dans  le  sein  du  co- 
mité, nous  entendre  sur  la  recette. 

—  Cela  ne  vous  a  pas  empêchés  de  l'encaisser,  la 
recette. 

—  Je  vois  que  nous  ne  nous  entendons  pas.  De 
quelle  recelte  parlez-vous? 

—  Des  deux  cent  douze  mille  francs. 

—  Moi,  je  parle  de  la  recette  de  l'élixir. 

—  C'est  différent  ;  quant  à  l'aulre,  je  vois  bien  qu'il 
y  a  eu  accord  parfait.  Jlais  comment  se  fait-il  que 
d'aussi  savants  médecins  que  vous  l'êtes  tous,  n'aient 
pu  s'entendre  sur  la  recette  de  l'élixir  social? 

—  Cela  vient  justement  de  ce  que  nous  sommes 
trop  savants.  Les  docteurs  légitimistes  ont  argumenté 
contre  les  docteurs  orléanistes,  et  ceux-ci  ont  injurié 
en  latin  leurs  confrères  du  bonapartisme;  de  sorte 
qu'il  a  été  absolument  impossible  de  se  mettre  d'ac- 
cord. Je  vous  avouerai  même  que,  dans  certaines 
séances,  on  est  presque  allé  jusqu'aux  coups  de  poing. 

—  Eh  quoi!  des  coups  de  poing  dans  les  conciliabu- 
les du  parti  de  l'ordre! 

—  La  tradition  l'exige.  Voyez  plulôt  les  docteurs  de 
Molière  :  ils  s'injurient,  ils  se  donnent  des  coups  de 
bâton,  ils  se  jettent  des  pierres,  ils  se  prennent  à  la 
perruque;  ce  qui  ne  les  empêche  pas  de  discuter  sur  la 
Dipepsie  et  la  Bradipepsic.  Voilà  pourquoi  nous  n'a- 
vons pu  nous  entendre  sur  la  recette  de  l'élixir. 

—  En  ce  cas,  vous  rendrez  au  moins  l'argent? 


360 


RKVUE  COMIQUE 


—  Quel  argent? 

—  Les  doiiv  cent  douze  mille  IVancs. 

—  Iinpossilile! 

—  Comnieiil  ,    impossiMe  1     Vous    les   ;ivoz   reçus, 
n'est-ce  pas"? 

—  Sans  aucun  doute. 

—  Rt  vous  n'avez  pas  coni|)osii  ri'lixii'.' 

—  Esculape  ne  l'a  pas  voulu.    - 

—  Alors  rendez  l'argent. 

—  L'argent  meurt  et  ne  se  rend  pas.  D'ailleurs  il  y 
a  les  (rais  de  consultation. 

—  .Vllez  vous  promener  avec  vos  frais  ! 

Nous  n'avons  pas  composé  l'élixir,  il  est  vrai  ; 

mais  nous  avons  encouragé  la  fal)rication  des  contre- 
poison, des  pàtes-orléanistes  et  autres  pommades  avec 
lesquelles  vous  ne  sauriez  trop  vous  frictionner.  Si  cela 
ne  peut  pas  vous  faire  du  l)ien,  ça  peut  du  moins  vous 
faire  du  mal. 

—  Merci.  Alors,  rendez  vos  comptes. 

—  Nous  les  rendrons  en  temps  et  lieu. 

—  Comité  de  l'ordre,  nous  allons  nous  fàclier. 

—  Fàchez-vous  ;  mais  alors  je  ne  vous  sauve  plus. 

—  Je  m'en  moque. 


—  Fort  bien;  alors  vous  tomberez  dans  la  dipejjsie 
(lémocrali(jue. 

—  Ali  !  ouilclie  ! 

—  De  la  (lipo|isie  déniûi'rali(iue  dans  la  lirailipepsie 
I  iiiige. 

—  Vous  dites... 

—  De  la  hradipepsie  l'oiigcduns  l'c^iiilep-^ie  smialisle. 

—  Ali!  mon  Dieu  ! 

—  De  l'épilepsie  socialiste  dans  le  communisme  fou- 
droyant. 

—  .lusle  ciel,  que  Je  nialheuis! 

—  Du  coiiiiiuuiisiue  l'oudroyanl  dans  l'apoplexie 
agraire. 

—  (iràce  !  grâce  ! 

—  Lt  de  l'apoplexie  ag'-aire  dans  la  |)rivation  de  la 
vie  où  vous  aura  conduits  votre  folie. 

—  Pitié  !  pitié!  Gardez  l'argent,  gardez  vos  comptes 
et  pardonnez-nous,  savanis  docteurs,  illustres  apullii- 
caires! 

—  \  la  bonne  heure;  voilà  ce  qui  s'appelle  parler. 
Nous  rendrons  nos  comptes  tout  de  même,  mais  à  loi- 
sir. Lu  attendant,  si  vous  avez  de  nouveaux  fonds  à 
verser,  n'oubliez  pasquc  la  caisse  est  toujours  ouverle! 


COMMENT  M.  TIIIKP.S  ÉCHIT  1.  IIISTOIUK 


1U3T0IRE  DU  CONSULAT  ET  DE  L  ICMPIIIK,  T.  VlII. 


Rcvcnnns  à  \':Ma\vù  d'Espagrie.  On  Siiil  que  -M.  Tliiers 
pnifcsse  le  plus  profond  déilain  pniu-  les  liisloriens  qui  ont 
lr.\ité  le  nicine  sujet  que  lui;  on  sait  qu'd  a  l.a  piétenlion  de 
faire  l'histoire  de  Napoléon  avec  des  pièces  orij;inalos  et  des 
documenls  que  personne  av.int  lui  n'avait  consultés,  et  que,  par 
un  privilège  assez  surprenant,  l'Éiat  lui  a  coolies.  En  ronsé- 


qucnco,  il  cjualific  de  rap.sodies  tout  de  qu'on  a  inquimé  sur  lO 
sujel  avani  lui.  e(  il  se  vante  même  de  ne  l'avoir  pas  lu. 
Dans  lallaire  d'Espagne,  M.  lliicrs  pousse  ces  |)iélenlioiis 
jusqu'au  péJantisnie  :  il  vaulc  à  (ont  propos  l'élude  pro.'bnde 
(pi'd  .1  faite  de  cel  épisode,  la  dilliculté  qu'il  y  avait  de  dcuiè- 
ler  la  vérité,   les  peines   incroyables  qu'il  s'est  données  pour 


L'Italie  entre  l'Autriche  ei  la  France. 


GRANDE  FACuioui;  D'ORDRE  m;  ia  rie  de  poihers. 


Dessiné  par  Nadard. 


Gravé  par  Ballant. 


362 


REVUE  COMIQUE 


arriver  au  résultai  ;  cl  il  ilil  avec  une  modcslie  y\nuc  do  con- 
venance, que  nul  avant  lui  n'a  rien  su ,  que  nul  n'eu  siuia 
davantage,  que  tonle  la  vérité  sur  cet  iuihroglio  étrange  est 
dans  son  livre.  Qu'il  nous  soit  )ierinis  de  déclarer  laimble- 
nient  à  M.  Tliiers ,  nous  qui  n'avons  In  i|ul'  les  ouvrages  iin- 
nriniés  sur  ce  sujet,  et  pas  du  loul  les  documenis  (pic  la  bililio- 
llicque  du  Louvre  réserve  pour  les  liisloriens-ministres,  qu'il 
ne  nous  a  rien  appris,  (pie  tout  ce  qu'il  nous  dit  et  croit  nous 
apprendre,  était  plus  on  moins  longuement,  plus  ou  moins  bien 
r,iconté  dan>  les  livres  qu'il  a  dédaigné  de  lire,  cl  nous  no  lui 
en  citerons  (lu'un  seul  ,  un  seul  dont  il  ne  dit  jamais  mol ,  un 
seul  qui  est,  à  noire  avis,  l'ouvrige  le  plus  clair,  le  plus  con- 
sciencieus,  le  plus  complet  qui  ait  clé  écrit  sur  cette  matière, 
Yllistoire  de  l'Empire,  par  M.  Bignon. 

Est-ce  à  dire  pour  cola  ([u'il  n'y  ait  rien  d'utile  dans  les 
documents  nouveaux  que  M.  Tliiers  a  consultés  '.'  Non  certes  : 
il  y  a  la  confirmation  pleine,  entière,  par  des  témoignages  in- 
coiilestables,  par  les  lettres  originales  do  l'empereur,  de  loul 
ce  que  nous  savions  sur  celte  déplorable  afl'aire  ;  il  y  a  des  dé- 
tails nouveaux,  et  qui  mérilenl  attention,  il  y  a  la  révélalion 
d'un  fait  grave,  mais  qui  ne  nous  semble  pas  parrailement 
prouve  :  c'est  que  Napoléon  ne  s'est  pas  conlenlé  de  pousser 
Cliarlcs  IV  à  s'enfuir  en  Amérique,  pour  s'emparer  ainsi  du 
Irone  qu'il  aurait  laisse  vacant  ;  mais  si  l'on  en  croit  un  docu- 
ment donné  par  M.  Tliiers,  il  a  donné  l'ordre  ù  la  Hotte  de 
Cadix  d'arrêter  ce  prince  au  moment  de  rembaïupienient.  Tout 
cela  acliève  de  rendre  la  conduite  de  Napoléon  inexcusable, 
scandaleuse,  abominable  et  d'imprimer  à  sa  mémoire  une  tache 
qui  ne  s'elï.icera  jamais.  On  ne  peut  lire  les  détails  dans  les- 
quels se  complaît  M.  Tbiers  sans  avoir  la  rougeur  au  front, 
sans  se  sentir  le  cœur  serré  de  chagrin,  sans  gémir  amèrement 
de  voir  l'honneur,  la  puissance,  l'avenir  de  la  France  joués  cl 
compromis  si  aveuglément  dans  cette  fatale  intrigue!  Le  plus 
profond  dégoût  vous  saisit  en  assistant  à  cette  triste  comédie 
de  Bayonne  où  de  part  et  d'autre  ceux  qu'Homère  appelle 
les  pasietirs  des  peuples  jouent  un  rôle  si  méprisable  ou^  si 
odieux'.  Quels  personnages  que  Charles  IV,  Ferdinand  VII, 


la  reine,  le  prince  do  la  Paix!  Quel  désolant  spectacle  que 
celui  de  Napoléon  appelant  traitreusement  à  Bayonne  tous  ces 
princes  pour  les  dépouiller,  forçant  Ferdinand  VII  à  rendre 
la  couronne  h  Charles  IV,  pour  que  Charles  IV  la  lui  donne 
à  lui-même,  puis  la  repassant  ii  Joseph  qui,  à  son  tour,  donne 
la  couronne  de  Nnpics  à  Mural  !  Quel  jeu  !  quelle  dérision  ! 
quelle  moquerie  ignoble  de  la  vie  el  de  la  destinée  des  peu- 
ples! En  présence  de  tels  actes  M.  Tliiers  resta  impassible  ; 
avec  le  scepticisme  de  l'école  de  Talleyrand,  il  se  contente  de 
jeter  en  passant  quelques  paroles  de  blàn  e,  el  l'on  sent  sous 
ce  blàine  le  regret  de  ce  que  le  succès  n'a  pas  juslillé  et  lavé 
toute  cette  odieuse  alïainl  .Mi  !  si  celte  indifférence  pour  le 
bien  et  le  mal  ,  si  cette  politique  d'égnïsme  cl  d'immoialité 
ii'élail  pas  la  plaie  de  noire  époque,  et  surtout  de  la  partie 
éclairée  et  gouvernante  de  la  nalion,  il  suffirait  de  la  lecture 
de  ce  huitième  volume  pour  condamner  M.  Tbier!  comme 
homme  politique,  el  rendre  son  inllueuce  sur  les  affaires  de 
l'État  à  jamais  impossible. 

Descendrons-nous  mainlenanl  à  un  examen  lilléraire  de  ce 
volume"'  Il  a  tous  les  défauts  de  cnmi>osilion  de  ceux  qui  l'ipiit 
précédé  ;  c'est  toujours  la  même  dilTiision,  la  même  confusion, 
c'est  toujours  celte  prodigalité  de  détails  qui  impalicnte  el  noie 
le  lecteur,  c'est  toujours  le  même  style  commun  jusqu'à  la  tri- 
vialité, et  celte  ridicule  manie  de  nous  faire  la  leçon  à  tout  pro- 
pos et  sur  les  choses  les  plus  vulgaires  :  ainsi  dans  les  précédents 
volumes  M.  Tliiers  consacrait  des  pages  à  nous  apprendre  que  lo 
Rhin  passe  à  Bàle,  et  que  les  .Mpes  sont  de  hautes  montagnes; 
d.ins  celui-ci  il  nous  apprend  «  que  bi  rente  S  p.  O/q  signifie 
un  intérêt  de  3  alloué  à  un  capital  nominal  de  100  »  (page  7)  ; 
il  nous  apprend  ce  que  c'est  qu'un  compte  en  partie  simple 
el  en  partie  double;  il  nous  apprend  que  trois  ou  quatre  ba- 
laillons  forment  un  régiment,  deux  rcginieiils  une  brigade, 
deux  brigades  une  division,  etc.  En  vérité,  quelle  opinion  l'au- 
teur a-!-il  donc  de  nous?  Et  croit-il  n'avoir  pour  lecteurs  que 
des  portières  ? 

M.  Tliiers  a  néanmoins  éprouvé  un  grand  embarras  dans  ce 
volume  :  il  n'avait  pas  de  batailles  à  décrire,  pas  le  plus  petit 


X.A    VIE    PUBLIQUE    ET    PRIVÉE   DE   MOSSIEU    B.ÉAC. 

Chap.  vit.  —  Les  machin vétismes  de  mossieu  JRéac. 


C'est  aiorj  que  mossieu  Réac  fit  la 
conDaissance  du  jeune  Aris'o,  g.ir- 
çon  élfgant,  d'un  pliysîque  agiéa- 
ble  et  fcuftoul  d'uoe  intelligence 
soignée. 


Ce  jeune  Iiomrrc  présente  mossieu 
Ré.ic  à  son  papa,  le  général  baron 
Ari8:o  de  Taupi 


K  t  le  général  b: 

pttil  pl;in  de  < 
pagne  pour  le  relablisstment  de 
t'OTdre,  mo93ieu  Réac  s'en  va  trou- 
ver le  gouvernement  provisoire 


A  L'USAGE  DKS  GKNS  SÉRIEUX, 


305 


rnnilinl  à  ganiicr,  pns  le  mniiulro  ptiin  de  r.iiii|)iipiir  A  dévo- 
InppiT.  Or,  cirnciiii  suit  lo  fiiililo  ilc  M.  Tliicrs  pour  li's  nirniros 
ilo  (.'iiciro,  il  so  (-(impliiil,  il  so  di-lrtlc  d.iiK  l"orpiiiii«iilioii  , 
rndniiiii<lnitioii,  les  opéralimis  des  minées;  le  niilil.iiie,  <'e>l 
«a  chose  ,  sa  propriété  ,  son  iloniiiine  ;  et  eoniine  Arliilie  a 
S  ïros.  In  vue  d'une  épée  le  fait  lionilir.  F.nliii,  il  se  sent  tant 
de  talent  pour  Inirc  inanlier  dans  ses  livres  les  l)al;iillons,  cl 
les  di\isions,  pnnr  les  n)éler  ,  les  séparer,  les  ciiilioéirer  à 
la  façon  de  nos  romans  modernes,  «pie  si  nous  le  voidi"in,  el 
si  Kndeizki  était  mort,  il  nous  ferait  en  personne  une  deuxième 
édition  des  eampapiies  de  l'Empire.  On  sait  qu'il  s'en  est  peu 
fallu  cpie  nous  n'enssioiis  ce  triste  spectacle  en  IXltl;  et  Tlia- 
l)ilctè  a\ec  laquelle  il  rappela  noire  Hotte  d'Alexandrie  a  Tuu- 
lon,  demonire  cpi'il  eiil  été  à  la  l'ois,  s'il  n'ciil  manqué  sa 
vocation,  et  un  Turcnne  et  iin  Toiirville. 

M.  Tliiers  était  donc  péné  piur  mettre  du  militaire  dans 
son  linilièine  volume.  Il  s'en  est  <lédoMimagé  en  nous  donnant 
les  détails  les  plus  iiisipnitlanis,  les  plus  soporilicpies,  sur  la 
formation  des  armées  de  l'ortufral  et  d  Espagne  ;  et,  grâce  à 
lui,  la  postérité  saura  les  mnlalions  et  les  mouvements,  non- 
HMilcineiit  de  cliaque  bataillon,  mais  de  chaque  cnnipngnic; 
combien  d'Iiomnus  pris  à  cel!c-ri  ponrverser  à  celle-i;'-  :  com- 
bien de  lieues  la  t  s  par  telle  escouade,  etc.  VA  qu'oii  vienne 
nous  dire  que  M  Tbiers  n'est  pas  un  foudre  de  guerre  !  Aussi, 
quand  il  énumére  les  vingt  armée>  de  l'Empereur,  ses  neuf 
cent  mille  hommes,  les  Etats  qu'il  a  conquis,  rcnx  qu'il  vent 
conquérir,  il  se  sent  pris  de  vertige,  il  a  des  ébloiiissemcnts. 
On  sent  qu'il  s'est  dit,  en  écrivant  ces  lignes  :  k  Qiu-  n'élais- 
je  là?i)  ou  :  «  Que  n'ai-je  ecla?»  Et  il  n'a  pns  un  mot  de 
reproche  pour  celle  poHli<|ue  gigantesque,  avenlureuse,  si 
éloignée  de  la  politiipie  modeste  et  sûre  de  Richclien  el  de 
Louis  XIV,  et  qui  devait  conduire  la  France  dans  un  abime. 

Nous  attendons  avec  impatience  la  publication  des  quatre 
derniers  volumes,  et  surtout  du  douzième;  car  nous  sommes 
curieux  de  voir  si  M.  Tbiers  sera,  dans  son  histoire  de  l'Em- 
pire, lldèle  nu  svsième  qu'il  a  développé  avec  Inil  d'boiiiieur 


etdVclal  dnn«  «on  histoire  de  la  Kévolutinii,  et  qu'il  a  mi« 
plus  d'une  fois  en  pratique  dan»  sa  vie  politique.  Voici  ipiel 
c«t  ce  svsième  : 

.M.  Tbiers  est,  par  nature,  du  parti  de  la  force,  de  la  puis- 
sance, il.-  la  fortune,  des  heureuT.  Tant  qu'un  pouvoir  ejistc, 
quel  qu'il  soit,  il  excuse  ses  fautes,  il  accumule  les  raisons 
qu'il  n  d'exister,  il  s'efforce,  pour  ain>i  din  .  ib'  prolonger  -a 
vie;  mais  dès  qu'il  (st  tombé,  il  le  couvre  de  blàiiic,  il  multi- 
plie les  misons  qu'il  avait  de  mourir,  il  le  foule  aux  pieds, 
("est  l'adorateur  de  la  fortune  aveij;;le,  du  sort  benrein,  di' 
la  fatalité  I 

.\iiisi,  il  est  d'nboid  |  oiir  la  monarchie  constitulionnellc  de 
Louis  XVI  contre  les  (Jirondins;  puis,  quand  cette  monar- 
1  liie  est  tombée,  il  ilémoiilie  que  cela  devait  être,  que  sa  chute 
est  juste,  que  le  progiès  était  à  ce  prix,  et  il  cjallc  le  pouvoir 
nouveau  des  Girondins.  Les  Girondins  tombenlils  à  leur 
tour,  il  apaise  nos  regrets  pour  leur  défaite,  en  nous  prou- 
vant qu'ils  auraient  causé  la  ruine  de  la  France,  el  il  excite 
nos  sympathies  el  notre  eoiifiance  pour  les  Montagnards.  Les 
Montagnards  tombent,  il  les  jelte  aux  gémonies,  cl  se  réjouit 
de  la  léaclinn  Ibermidoriennc.  Puis  le  Direcloire  arrivant,  il 
le  soutient,  il  l'aide,  il  l'excuse,  il  le  loue;  et  quand  le  lec- 
teur bénin  verse  une  larme  sur  sa  cliute,  il  l'engage  bien  vile 
à  l'essuyer,  en  lui  démontiaiil  que  ce  gouvernement  faisait  le 
malheur  du  pays,  et  qu'il  faut  saluer  «racclamations  l'avénc- 
ment  providenliel  de  l'homme  du  18  brumaire. 

Nous  sommes  donc  curieux,  nous  le  répétons,  de  voir  les 
derniers  volumes  de  M.  Tliiers,  pour  juger  s'il  sera  tidèle  à 
son  système  hisloiique.  Bavien  approclie,  .Moscou  n'est  pas 
loin,  Leipsig  est  à  l'horizon.  Allons,  monsieur  Tbiers,  voici  le 
moment  venu  de  passer  du  colé  des  vainqueurs,  et  de  com- 
mencer à  nous  déinonirer  que  Napoléon,  par  son  despotisme 
et  son  aiiibilion,  a  mérité  sa  chute;  que  celte  eliiite  a  élé  le 
bonheur  de  la  France,  puisqu'elle  nous  a  donné  les  Bourbons 
et  le  CitnslilitHoiiiiel,  c'est-à-dire  puisqu'elle  a  préparé  l'avé- 
iiemenl  du  seul  grand  homme  que  la  France  ait  engendré  de- 
puis N.ipiiléon,  de  M.   Piliers! 


£A    VIE    FUBUÇVE    ET    PRIVEE    DE    MOSSIEU    REAC. 

Chap.  VII.  _  Lfs  mncMavilismrs  Je  mnfsieu  Réac. 


Mossieu  Réac  offre  au  gouvernement  provisoire 
un  moyen  linancier  très-simple  ;  il  s'agit  de 
ne  rien  payer  du  tout,  aulremenl  dit  de  faire 
un  trou  dans  la  tune. 


Comme  second  moyen,  Tbonnéie  mossieu  Réac 
propose  au  même  gouvernement  provisoire  de 
faire  venir  les  principaux  capitalistes  qu'il  dé- 
signera, et  de  les  tenir  en  ctiarte  nrivée  jusqu'à 
ce  qu'ils  aient  chacun  déposé  une  somme  de.. 


Ces  deux  procédés ,  non  moins  lionnftes  qu 
modérés,  obtiennent  de  ce  gueux  de  gouver 
nement  provisoire  le  meilleur  accueil. 

{La  suite  à  la  prochaine  l 


I 


Le  Bis  du  roi  Jérùmc  a  riuimeur  complaisante; 
Avec  le  ministère  il  a  toujours  voté. 
On  l'entend  aujOHnlMiui  parler  de  libellé, 
Et  dans  trente  cantons  sans' peur  il  se  présente. 
Pc  son  féjl  cousin  enviant  la  grandeur, 
Pour  conquérir  des  voix  il  se  met  en  campagne. 
.\  la  cour  de  Madrid  il  lut  anil)ass;ideur  : 
N"a-l-il  pas  dfl  b.'ilir  d('S  cliTiteaux  on  KspngncV 


Dessiaé  par  Vauritzil's. 


Gravé  pat  Baulant. 


A  I.TSAf.K  DES  GRNS  SIÎRIKIJX. 


36.1 


I  Al;l  I.  I'()|.(t.\.\|>i: 


(Tniliid  KM  llll.'rjle.' 


Oiiaïul  Dii'ii  cli.issa  le  pèclieiir  du  P.iraili-, 

('. -lioiulaiK  il  ne  voulut  pas  (|'ic  le  p^cliour  nio  iiùl  de  fi:»; 

Il  ordonna  aux  iinges  de  préparer  du  hlé. 

Kl  de  jelir  les  crains  sur  le  elieuilil  de  riuiiiiiMe. 

Adam  viiil,  les  trouva,  les  regarJa  sans  s'approi  lier, 

tl  s'en  alla  :  en-  il  ne  >avait  <|ue  faire  de  ces  grains. 

Mai-,  dans  la  niiil,  il  vint  un  démon  savant  qui  dit  : 

"  Ce  n'est  pas  en  vain  que  Dieu  a  jelé  ici  cette  poignée  do  lié 

«  Il  faut  qu'il  y  ail  une  puissance  secrète  dans  ces  grains. 

«  Caclions-les  avant  que  l'Iiummc  en  <lécouvre  la  valen:!  « 

Il  lit  avec  sa  corne  un  ^illun  dans  la  lerre,  sema  le  blé; 


Les  l.omm.t  de  la  rue  Je  J'oiliert.) 

Il  cracha,  couvrit  la  t.  rre  et  frappa  du  pied, 

I  ier  et  c^  nient  d'avoir  pénétré  un  dessein  do  Dieu, 

II  ilisparut  i  n  linrlant  à  gorge  déployée... 

j   Mais  voici  qu'du  print<  nip>,  an  grand  étonnemiin  du  démon. 
Il  vient  de  l'Ii.'rbj...  des  lleurs  ..  des  épis...  —  le  IjI  •. 


0  vous,  qui  voulez  cnvaliir  le  monde  avec  le  Nord, 
Qui  nomme/  la  ruse  raison,  et  la  méchanceté  f  rce, 
Quiconque  d'entre  vous  aura  irouvéet  enseveli  la  foi, 
Celui-là  ne  trompera  (|ue  luinié.ncen  croyant  tromper  Dieu. 


ÉPII.OGl'E. 


I.a  Revue  au  public  offre  un  premier  volume, 

.Monument  du  crayon  ainsi  iiiie  de  'a  jilume  ; 

IMaisanle  gilerie  où  les  liéios  du  temps, 

Les  grands  hommes  d'Klat,  lespelils  imporlanls. 

Les  occuiles  meneurs  de  la  Législature, 

Passent,  sligmatisds  par  la  caricature. 

.\ucun  d'eu.\  n'est  omis;  nous  avons exploilc 

Lcciiamp  du  ridicule  et  de  la  vanité; 

Nous  avons,  pour  laisser  une  page  à  l'iiisloire, 

Des  sottises  du  jour  vide  le  répertoire, 

f!t  la  postérité  concevra,  grâce  ;i  nous  , 

Combien  on  l)afouait  OJilon  et  Falloiix. 

Nous  vous  disons  merci  !  vous  ,  dont  la  bienveillance 

A  de  notre  recneil  soutenu  la  vaillance  ; 

Frères  d'opinion ,  braves  républicains  , 

Tout  prêts  à  repousser  le  retour  des  Tarquins. 

Quand  nous  avons  frappé  les  épaules  servi  les 

Des  brouillons  ameutés  pour  les  guerres  civiles  ; 

Quand  notre  discipline,  aux  coups  retentissants, 

.\  cinglé  sans  pitié  les  partis  menaçants  , 

A  nos  pamphlets  moqueurs,  à  nos  dessins  caiisliiiiu 

Nous  avez  prodigué  vos  bravos  sympathiques. 

Protégez-nous  encor,  car  nous  persévérons  ; 
Sans  laisser  sur  les  bancs  dormir  nos  avirons; 
Pavoises  à  l'avant  d'un  drapeau  populaire , 
Nous  reprenons  la  course,  et  vogue  la  galère  ! 
Le  devoir  nous  appelle,  à  l'heure  où  le  scrutin 
Va  de  la  France  entière  arrêter  le  destin. 
Il  faut  que  des  soldats  de  la  Démocratie 


P.ir  quiconque  a  du  cœur  la  foule  soit  grossie; 
Il  faut  que  l'écrivain  ,  grave  ou  facétieux  , 
S'arme  de  pied  en  cap  contre  les  factieux. 

.\ussi  nous  sommes  là.  Plus  forte  que  l'épée, 
L'arme  de  la  satire  est  par  nous  retrempée; 
l'otir  mettre  au  pilori  les  fripons  ou  les  sots , 
Nos  artistes  déjà  préparent  leurs  pinceaux. 
Paix,  liberté,  progrès,  telle  est  notre  devise. 
Guerre  à  l'ordre  menteur  qui  trouble  et  qui  divise  ! 
Nous  en  signalerons  les  coupables  fauteurs, 
Nous  saurons  déjouer  l'efTort  des  réacteurs, 
Et  barrer  le  passage  aux  Judas  sans  vergogne, 
Qui  marchent  hardiment  vers  la  place  Bourgogne. 

0  vous  donc,  affidés  du  tripot  poitevin  , 

Amis  de  la  régence ,  amis  du  droit  divin  , 

r>:ilaillons  de  verdets,  légions  girondines , 

Vous  passerez  encor  sous  nos  fourches  caudines. 

Coalisés  pour  nuire,  engraissés  des  cadeaux 

Que  dans  votre  aumônière  apportent  les  badauds  : 

Vous  pensez  réussir;  votre  ligue  immorale 

Erre  dans  l'ombre  ,  autour  de  l'urne  électorale , 

Pour  en  faire  sortir  des  barbons  éclopés, 

Du  regret  d'autrefois  toujours  préoccupés, 

Dont  la  liberté  fait  clignoter  les  prunelles. 

Et  qui  tremblent  d'en  voir  les  clartés  éternelles. 

Vous  comptez  sur  Véron  ,  sur  Thiers ,  sur  les  Débats  , 

Mais  nous  sommes  croisés  pour  de  nouveaux  combats  : 

D'inépuisables  traits  notre  verve  est  pourvue. 

Et  vous  aurez  affaire  à  des  gens  de  lievite .' 

E.  B. 


366 


REVUE  COMIQL'E 


TABLE  DES  MATlERliS. 


Nota.  —  Les  grands  dessins  seuls  sonl  indiqués  dans  la  table. 


QCELQLES  LIGM^S  nt    i>i\iiF.\cr.  —  Dll  t'.liniiiHlf  L'I  llll   Si  rii'U.X.  1 

L'Honmie  ei  lu  Mas(|uc  {ilcssin  anyUiis; 1 

Sailli  Pierre,  saiiU  Paul  el  les  n<^])iiblicaiiis  de  Ij  M-ilIr 3 

Les  deux  Oiiilires  ei  Louis-Napoléoît 3 

Aux  Chefs  de  pnrli "' 

Lepclit  Cliapeaii  dti  rai  d'h.Hot  (dessin  jiar  liiTlall) " 

Ce  que  dit  M.  Tliiers  quand  il  durt.  —  Une  Séance  de  nia- 

gn(<tisnic  à  la  place  Saint-Georges. ...    .  s 

Arrivée  de  l'Oiseau  (dessiné  par  Ollo'; '■' 

Les  deux  Bouaparlisles.  —  Le  Boiiaparlisle   de   la   veille 

(1822),  le  Bonapartiste  du  lendemain  (18'i5) 1" 

Choses  quelconques ''- 

Le  Neveu  de  la  colonne.  (Chanson  avec  six  vignettes,  par 

Bertall) '^ 

L'Homme  de  bronze  el  rilonime  de  |)lâ;re  (dessin  anglais).  1û 

La  Grenouille  et  le  Bœuf  (dessin  anglais) 1 4 

Visite  au  lion  de  Waterloo  (dessin  anglais) IJ 

18  novembre.  —  La  Seihine '5 

Les  Aventures  illustrées  du  Prince  pour  rire.  —  Imuoduc- 
TlON.  Ab  oro.  —  Chap.  V'.  Son  enfance  et  son  éducation. 
—  Chap.  II.  Son  adolescence.  —  Ciiap.  III.  Ses  expédi- 
tions. —  CiiAP.  IV.   A  l'étranger.   (Vingt-trois  vignettes, 

par  Nadard) 10  ^t  suiv. 

Ce  que  c'est  qu'un  Prétendant !•> 

Le  Parti  crétin '  ** 

Bababeck  et  les  Fakirs  en  1848 '^D 

Le  Bonapartisme  rural 21 

Une  Histoire  de  demain 23 

LeDuel  de  MM.  Baraguay-d'Hillierset  Goudchauv    '20 

Boutade  d'un  Républicain  ((-haiison) 27 

Dans  quelques  semaines   (dessin  anglais) 28 

25  novembre.  —  L»  Semaine -'■' 

Un  souteneur  de  candidature  (de.ssin  jiar  Bertall)    31 

A  Madame  Delphine  Gay  de  Girardin.à  propos  du  leuilktou 

ûe  la  Presse  da  28  iioienibre  18i8.  (Chanson) 31 

Suite  des  aventures  du  Prince  pour  rire.  — Cuap.  V.  i'undi- 

daliire.  (Dix  vignettes  par  Nadard) 32 

Un  Club   napoléonien 3-2 

Les  Comités  bouaparlisles 3a 

Tyrannie  occulte  du  despotisme  des  lunettes.  (Seize  vi- 
gnettes sur  les  Inuetles,  par  Bi  rlall) 37 

Votons  pour  Bonaparte.  (Chanson) Si 

Icare  impérial  (dessin  anglais) 'i2 

2  décembre.  —  La  Sem  mse î  3 

Suite  des  Avcnlurcs  du  Prince  pour  rire.  — Cuap.  VI.  ,//;/- 

théose '''' 

l'orlrait  d'un  conleiiiporaiii 'i'' 

A  MM.  Biigeaud,Tliiersct  Mole û"' 

M.  Véron,  homme  politique 'lO 

Exposilion  du  grand  concours  onvcrl  pour  le  poitrail  du 
Prince  pour  rire,  avec  les  notes  du  jury.  (Dix-sept  vi- 
gnettes, par  Bertall,  Nadard  et  Fabrilzius) '|8 


PolU 


m  ulxeiiu  le 


,d  p. 


Boutades  en  vi'rs 

Les  deux  Sosies  (de.ssin  anglais).... 
Nez  ilii  prince  pour  rire  pendant  la  le 

la  Cdiislitiitiiiu 

TuiEiis  (type  |iar  l'abriuius) 


■liire  de  l'article  08  de 


!.7 


9  décembre.  —  La  Semai ^E -''•^ 

Questions  électorales  (dessin  par  Bertall) Cl 

Los  Parvenus 62 

Aiidures  l'nrtuna  juvul  (dessin  par  Otto) M 

Les  Clubs  en  i)lein  vent Cfi 

Le  Parti  des  domestiques 67 

Soldais,  voilà  Caiin  ! fi» 

La  Tour  de  Babel ''C 

Le  Pietour  des  cendres  de  celiii-lâ ''1 

Au   voleur  !  au  voleur!  (dessin  anglai.'.} 1^ 

PliHigcon  de  la  Républii(ue  (dessin  par  Ollo) 7.1 

Le  Mariage  imprévu  (dessin  par  Ollo) 'h 

16  décembre.  —  La  Semaine •  ■  •  ^1 

Coup  d'oeil  sur  le  nouveau  ministère   ''I 

Les  Hninmcs  du  leiuleinain **'- 

Je  nesuis(|u'iinefeiiinie,  une  folle,  une  buse  (dessin  par  Otto).  83 

Sur  certain  l'.iiître.  —  Avènenienl.  —Quatrains 83 

Au  général  Cavaiguac,  la  femme  d'un  de  ses  électeurs f-h 

Le  colonel  Véron *>'' 

Vie  politique  et  littéraire  de  Vipérin,  journaliste  et  industriel. 

(Vingt-deux  vignettes  par  Nadard) 8(1 

Donnez-nous  donc  des  nouvelles  de  M.  île  (iiranlin,  .....  87 

Confiance  1  coiiliance! ^^ 

La  discorde  au  camp  d'Agrainant 'J" 

Arrivée  des  Coi'ses.  —  Le  Constitvtiunnel  et  'a  Presse 01 

l'élite  Lxplication  d'une  grande  majorité.  (Chanson) .....  02 

Béclamalion  d'un  courlier  électoral.  (Cliansou) Oi 

Les  Variations  d'un  Parisien.  (Chanson; 03 

ViiiiON  (type  par  Fabi'ilzins) 9'' 

23  décembre.  —  La  Semaine 09 

Noël ino 

Une  rai.soii  pour  expliquer  l'échec  de  M.  Lainaniiie 102 

Au  général  Cavaignac ^"2 

Portrait  en  pied  du  général  Cavaignai- '02 

Au  ciloyeu  Louis  Bonaparte,  Président  de  la   llépublique 

française 1"' 

Portrait  en  pied  de  Louis-Napoléon  Bonaparte lO'l 

Un  mot  de  Cbarles-Quiiit.  —  L'Aigle  en  papier H'â 

lin  terrible  logicien 1'"' 

Pr.oUDUON  (type  par  Bertall)  ...    "■'' 

Les  Lampions "" 

CnÉMiEUX  (ty|ie  par  Nadard) "" 

Les  Journaux  devant  le  noiueaii  gouvernemenl 108 

Testament  politique  du  sieur  Emile  de  Girardin ^Oi) 

Gir.ABDiB  (lypc  par  Fabrilziu.s) 112 


A  I;L'SAGE  des  gens  SÉIIIEUX. 


367 


1»' janvier  1849.  —  Le  Cslciiilrlrr   Mi 

Alin.itiarli  ri'piililuMin,  a>cc  les  granilrs  pr(<(llcllniis.  pdiir 

IX.VJ,  i-iirlchi  il.s  p.ii  (rails  dis  iiii-inliiYs  ilii  (hmiuiii cm 

prcMisiliro  cl  ilc  scènes  rcin.spcdiics.  (\  iiii;l-i|iiali.' \i- 

lliiclics,  p.ir  N.nl.inlj |  j/j 

lic\  lie  rfliospccliïcd,- 18/18  — Tulilctiesd'iiii  Iniirislp.iiiKlnis.  157 

I  iMiMiiis  (lypc  pu-  r,iliij|/.iiis) Hh 

l.c  Gllcau  des  idis  di;  MH'J  (dessin  par  l'abiilzins. li!i 

L'n  riiitivcau  10  mal  (dessin  par  Nadaid) . .    ...  1  : () 


6  janvier.  —  La  Sl:uAI^E I 

l.rs  I^IIVIUICS.  .  .     I 

1. 'S  mandes  héies  de  la  Lilierl.;  (dessins  par  Nailard 1 

ll'foiine  po.slali> j 

r>'  riilaiion  d'nnR  raloninie I 

l  ne  l  nion  li'gilijnée j 

I  ne  Calnnniic  à  propos  dw   liéKcnl J 

liapporl  de  la  poliiiq.ic  aven  la  pipe ^ 

Le  coniniandenient  du  giSniSral  Cliangarnicr 1 

(iioses  <piclconipies y 

l.c  Prcsenl  et  r.\\cnir _  I 

Queslion  à  l'ordre  lin  jour  (liianson ] 

lii'piiblique  puléonne  (dcs^in  par  Ollo) I 

13  janvier.  —  I,A  Si:mii\e 

1.1  i'iililiqne  mise  A  la  portée  des  ciifanis 

O  \\  asiiinglon  !  ô  Franklin  ! ^    

.M.  de  .N'oaillcs  à  l'.Acadéniic  ! 

les  Fnn  urs  dn  Cinflihilitiiinel 

L'S   ligules  roiulioiis  digesliu-s  cl  polilii)ues  de  1848-1859 

(dessin  |iar  Bertall)..        

|ln  nnuiean   lô  mai 

I-es  Pétillons  contre  l'Assi'nil)l(!c  nationale 

Les  Di'ni'sotions 

Le  Ketour  de  Sibérie 

liirardiiiade  tartnfde 

Choses  quelconques 

Alloi litron  d'un  courtier  réactionnaire  (chanson) 

F.»LLCix  (type  par  FabriUius} 


20  janvier.  —  La  Scuaim; -li;  1 

CnisciRMER  (type  par  Fabritzius) ^63 

lu  Miiiisire  éternel jcj 

Les  -Mystères  du  parti  honnële lOj 

Icarie  {coriespomlancc  particulière} . jfig 

néihiiiiaiions  cmure  lesquelles  on  pourra  bien  réclamer. . .  168 

Vue  de  la  Californie  (d'apn  s  un  daguerréotype  .    ]  fiÇ) 

Le  Con.ser\aloir.'. j-jO 

Deux  utopies 171 

Choses  ipielcuiiques 5  72 

Bcr.GER  (type  par  Fabriizius)    .  j7;, 


175 


27  janvier.  —  L»  Semaine   

Le  diic  de  Bordeaux  et  sa  famdl'e  à  Frosdorff  pris  Vienne. 

Détails  curieux  et  autheixiqnes  recueillis  sur  place 

lue  ricstauration  en  peinture 

Festin  donné  par  .M.  de  Falloux  (dessin  par  Nadard) 

R.  aiip.iriiion  du  père  Bu,'caiid  à  la  tribune  de  l'Assemblée 

nationale,  le  24  janvier 

;M.  Llioniiinier 

Les  Joniiianx  <|iii  ne  parais.sent  pas 

Les  Répnblicopliobcs 

L'Knergie  d'un  boulet  (dessin  par  Otto) 

Ciiosis  (pirlcnni{iies 

Le  Retour  de  M.  Giiizot  fcbanson) 

Coi  L4Ï    type  par  Fabriuius) 


3  février.  —  La  Semai>e 189 

Les  Joujoux  d'un  enfant  terrible  (dessin  par  Bertall) 191 

L'n  Sabre j  95 

Le  Soinnieil  de  M.  Marrasl 1 93 

Les  Arrestations HU 

Le  Budget  d'un  représentant li,j 

Voyage  en  Europe 595 

Avis  aux  journaux  indépendants .  19S 

Choses  quelconques 198 


liisM.i     type  par  Fabriizlu»)    |ge 

1*1111111    i)|iu  par  Fuhriulu!)} .' . .  202 

10  février.  —  L»  SiUAinr ' j,,} 

Ne  réicillez  pas  le  chat  (|iii  dori  (desMii  par  Bcilall) 20.-1 

Midelles  parli'ineiilairi's.  —  Kstpi  ssns  niin  n<riiiqiie<.  -  Pre- 

iniéies  \iideiies:  M.  ILiré \    . . .   ÎCrt 

Deux  grands  Malaninrcs.. '    '   .,jg 

L'Asseinblce  cl  le  Présiileni \    '..'.'   '0« 

Monument  en  Uionncnr  du  Gium.  Oi.|i.o.>  Uaiikoi  (dVsViii  ' 

par  Fdbrliziiis)    j„,j 

La  Poule  aux  ceifs  d'or 210 

M.  nngeand  fais.inl  coiiuai-saiice  a\ec  la  lillc  ilc  llourg'-s.  ..211 

Les  Patrouilles  aiec  raiiuii jjj 

Lettre  d'un  \oliur  i  M.  de  llerkeren.. '....'.'...   2U 

(Choses  (picIcmiqni'S ! .  214 

Dupiji  (laid-nez),  (type  par  Fabrltzius) ......'.  214 

17  février.  —  La  Semusk 4(7 

Un  suicés  de  M.   liateaii '..'..'..'..   2l8 

Duc  et  niari|uis  (dessin  par  Ollo, '...'...'.  219 

Départ  pour  la  Califuriiie  (dessin  par  Fabrilzins) 220 

Oraison  périgonidinc  de  M.   Ilngeaud 230 

Les  rives  du  Sacramenio  idissin  par  Nadard) 2   I 

Coinnicut  M.  Tliiers  défend  M.   Faucher  (Léon) ..'.   221 

Les  jongleries  d'nii   saltiiuliancpie  («érie  de  dix  vignettes, 

par  .Nadard) '  jjj 

Dé»oueiuent  cl  cciliqne ^.,2 

M.  Bngeaud  et  le  Jmnnal  des  Dib'ils ..."   223 

Nouveaux  détails  sur  le  duc  de  Bordeaux  et  sur  la  durlie.s'sé 

de  Berry ojj 

Proposition.    jjj 

Dialogue  des  morts  ,  par  un  \isioiinaire 2*0 

La  pyramide  humaine  (dessin  par  Nadard] 227 

Choses  quelconques j^S 

Lauautine  (iy])e  par  Faluiizius) 230 

24  février.  —  La  Semaine 231 

Mieux  vaut  préienir  que  réprimer 232 

Deux  républicains  du  parti  honnête  (dessin  parLorcnl/).    .  233 

Violette  parlementaire.  IL  M.  Avond . .   23t 

Le  nouveau  cheval  de  bois 2ôC 

Encore  le  bœuf  gras;  ré>élation  du   système   politique  de 

M.  Barrot ,  A  propos  du  bœnfgra» 238 

.\  propos  d'une  loi  favorable  aux  maris 2S9 

Un  inot  sur  M.  le  comte  Mortier 2i0 

A  M.  le  viionite  de  Falloux 2i0 

Choses  quelconques gj| 

2i  février  ,  chanson 343 

Souvenirs  de  février,  chanson 243 

MosTALEUBEBT  (type  j>ar  Fabiilzius) 24  4 

3  mars.  —  La  Sekaixe 2/,5 

Différents  points  de  vue  .sons  lesquels  on  voit  M.  P.-J.  Prou- 

dhon   (.série  do  iinit  vignettes ,  par  Bertall; 247 

Confession  du  Cniisliliitirii,  e> 248 

La  \ie.  publique  et  privée  de  .M.  Piéac  (série  de  vingt-quatre 

vignettes,   par   Nadard) 248 

M.  Morlier  et  M.  Dandré 219 

Les  Précautions  de  M.  Pierre  L'  roux 250 

Sailli  Falloux 252 

Coiuaic  quoi  le  Préside;  l  de  la  r.épiib!iqne  est  une  mine  de 

Califo.iMc  . 254 

Quelques  mots  a  propos  du  dernier  livre  de  M.  de  Laojar- 

tine    Cl  Haphael  » 254 

Choses  quelconques 256 

DcvEBGiEii  DS  HicnANxE  (type  par  Nadard) 258 

10  mars.  —  La  Semaixe 259 

Le  ConslUutinuiiH  dépouillant  le  vieil  homme  (dessin  par 

Bertall; 2g| 

Les  vaudevilles  réactionnaires jgj 

La  vie  publiiue  et  privée  de  mossieu  Réac  (série  de  vingt- 
quatre  vigneltes ,  par  Nadard) 2C2 

L'ari)re  du  24  février 264 

Si  un  mari  a  droitde  vie  et  de  mort  sur  sa  femme 265 


368 


HEVUi:  COMIQUF. 


Les  faux  sous  oiriricrs •      •    ■.■,•••■..■ 

Leltie  .10  S.M.  C.iiJUSaniioi-  1",  <lil  l!>'i!;aiii..tl.N  r.»  .1.^  1  ans, 
B,.M„.lcl  Su,.-M.,-  el  autres  lieux  .  à  S.  M.  Bu^î-aud  1-. 
.nriiugemanl,  roi  <le  I-you,  Bourses  el  lions  ciicoiuni- 
sins 

Choses  iiuelcoiu|ues • 

Les  l-auchcuis  ilc  l.i   llipiibliiiue  (ehanson) 

M.  LE  COMTE  MoLÊ  (Ivpe  par  Fabrilzius) ...    


2r.7        7  n-rll.  —  I.v  SniAi\F.   

1    Le  l'ie  ili;  la  rvacllon  (ilessiii  par  Na.laiii;.. 

La  Lil)erié  uiililaire  coMinic'  en  l'.ussie 

!    Hiuiics    pi.lili(iues   à    l'Asseiiililée    iialioiiale 

2rS    ]        :;i   mars 

S('||.)    i    Le   llaiM|uiei' île 'riéliisonile 

Ti\     I    On  il.'inaiule  (les  gens  cl'espiit 

Le  Cliiiléni  lie  1810  . 


S.'anc 


.  ..    3L'. 

. ,.  ;in 
. ..  '.us 

(lu 


17  mars.  —  L*  Sejuink 

L<  s  Centimes  (li^ciiilKs ■  •    • 

A,-Ie,ini..aile  (s<<rie  de  M.C  Nignetles,  p  ir  ()uiile.d..,is) . 

M.  Hidliii-res ;  •  ■■-■  ■  ■;  •/  '  •  '  ;  ; 

La  Vie  publiipie  et  piiviie  de  uinssien    l.iae  ^^eln    ui. 

vignettes,,  par  Nadard 

Une  coiniuande  impérieuse 

Profession  de  foi  Idgilinilsle 

Si  Dieu  le  voulait 

Le  loto  asiaiicpii" 

Ortliograplie  de  ia»alerie 

Choses  (picleonipies 

La  Marie  niontanlc  (poésie) 

Desjoy  (lypo  par  t'abrilzius) 

24  noarî.  —  Lv  S^ll»l^^    '  ' 

Violette  païKinenlaire.  -111.  M.  Mouton. . ... ...  . 

Le  Thé  de  Madame  Gibou  et  de  Madame  Poehet  (de>, 

Beriall •  ■ 

Les  Chartes  iidroyées 

Visite  à  Saint-Lcu  ,  avec  illnstratmns 

Le  Calife  imprudent  (conte  oriental) 

Manifeste  du  romiié  électoral  de  la  rue  île  1  odiers. . 

Les  trois  soutiens  de  la  civilisation  austio-croale  (dessni  pa 

Fabritzlns) ,/  n  '  'i' 

Quelques  mots  sur  le  15  mai  et  sur  M.  Bu.b.'z 

Choses  quelccnuiucs 

VlElutAP.o  (type  par  Tabrluins) ■  •  •  • 


319 

320 

321 

322 

!    La  \ie  pubrupiect  privée  do  mossiou  l'.é'ae  (série  de  (juiuze 

I        vinneltes  par  Nadard ■'^'' 

'  ;<2â 

3S0 

327 

32S 


Déoliéanee  de  Longrhaiiips. 

Choses  (|iioleon<pies 

Znl.zul  (eliansiuO 

])i;'|-r,u.v  (type  par  liognin). 


32fl 

par  Nailaril).  331 

332 

332 

33'. 


2".7    j    14  avril.  —  La  SmnnE 

2'0    !    Los  Irois  Sorciéros  de  la  rue  d.'  Poitiers  (d 

Ï80        Los  Orgms  île  la  rue  do  Poitiers 

ÏS2    !    Ovalinu  .lo  SI    de  Moulaleniberl 

283  I    Liilo  (1  Ailluir  i  Araix'lla 

284  Musée  uatinual  français  :  Knirée  de  liadolzki  ù  Paris  ;dossni 

283  par  Nadard 

286    I    Prooès-verbal 

I    Los  n(uneaux  Sor:.;onts  di'  \illo •    •  ■ 

Les  ■rronddeurs... 

Jidni  liull  il  Paris  (série  i 

Lu  grand  Ciiminol 

Lue  Vi-ile  à  l'filysée.  .  ., 
1.0  Proidiote  (ohauson) . 
LAcr.ossr.  (lyi>e  larFabii 


287    I 


Ï90 


.   2  3 

.   293 

2'J5 
207 

2ns 

30O 


335 

■'■'.'..."..., 330 

[[[,  , .  .   336 

"...... 338 

l'ugiiollos,  par.Nadar/....    330 

SiO 

'\\ ..   340 

.    ..341 

3'ii 


,.  âci 

302 


31  mars.  —  La  Sejuijie •    •, 

Le  Thermomètre  politltiue,  avec  la  niamtre  de  s  en   soiMi 

(dessin  par  Deriall) 

Un  nêve  rélrosppclif •,■,■"", "  ',  '  ■, '„'i 

Altitude  du  gouvrrncmciil  de  la  Uépublicpie  Iran.'aise  uevaui 

les  événements  européens  (d.ssiii  |iar  Nadard) •-'" 

La  l'.ue  de   Poitiers  demande  l'anm.-)»- yj^ 

11  le  fallait ,'■■.■■".  ■„■,■.' 

Grand  Tournoi  rinancior  à  armos  omi,to,s,.s  .dessin  pa,  Uei-  ^^^_^ 

tall  ) 3Qg 

La  Pudeur  de  M.  Thiers ■,•■;•; ■■„<. 

Violettes  parlementaires.  -IV    M.  de  kerdrol o()8 

Préparatifs  do  guerre ;  'Z  '  V  V.'    ','    ]  .' ,  ',.'.,'( 

La  vie  publique  el  privée  de  Mosmou  lloae  (s.Tie  de  d,x-,.u,l   ^^^ 

vignetlos  ,  par  Nadard) „ll 

L'Iloinmc  invisible ^j.^ 

Choses  (|ueU-onques ;.■,■',"■; ■lia 

Le  Ft.LD-ovi>oiiAL  BiiJEAi'U  (ivpe  par  labrilzius, 


21  avril.  —  La  Semmvu  . 343 

Une  Késurrocliun  inatlondue  ;d.'ssiil  par  Nadard; 3'a5 

M.  Guizol  à  ses  amis ^^* 

r.épiild  (pio  cniilre  l'.épubliiiue.  K  bord  d'un  bâtiment  de 

l'osi  a  Ire  d'expédition ^'l' 

Lc.<  C  l'.elcurs  poliliquos  (dessin  par  Dertall). .  • .  848 

Que  faire  de  tant  d'argent? 350 

La  Vie  pnblii|iie  et  privée  de  niofsieu  Réac  (série  de  douze 

,ignolb.s  par  Nadard) [^0 

Los  Prusiolisliltéralres •■■•  ^''^ 

Ci.minonl  M.  Thiers  écrit  rhisloirc  ;  Histoire  du  Consulat  et  ^^^^ 

,1,.  riiuipiro ■•■ 

Miiii-.K  Uahooiu;,  tvi»"  par  l''.d:iilziiis 


3.")6 


23   avril.  —  L\  Di;r,Mi:;.E  Sr.iivixE 

I.iv  doux  Cousin^ " 

La  Hue  de  Poitiers  ol  ses  souM-ripteurs 

Comment  M.  '1  hiers  éo:  it  1  hislnire  (liul 

Grande  Fabriii,,.'  d'or.!,.'   do  la  ..lo  de  Poiliors  (.lessin  par 

Nadard) ;  '  '  Z -,  .' "    ;■•■■, 

l.a  Vie  privée   C:tpubli<ine  de  n  osslou   lîéao  (-eue   de  sopl 

vignoiles  ))ar  Nadard) 

Naoum-on  r,oxAi'»r,TE  (lyi  e  par  Fabril/ius) 

raid,,  polmiaiso 


.  357 

.  oj8 

.  359 

.  300 


ôfil 

.  30: 


365 
305 


riN  1)1'  T(t\ir.  l'i'.i.MiKii- 


PARTS.—  TYPOGRAPHll':  PLUN   FRÈRES, 

ll„r  ,1..  \  ...aiTM.l.  :tr,. 


I.A 


REVUE  COMIQUE 

A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 

MISTOIHE     MOBALE,      P  11  I  L  O  SO  IMl  IQ  C  E  ,      POLITIOtE, 

CniTlyUE,     LITTERAIRE     ET     ARTISTIQUE 

DE     LANNÉE      1849. 


EV>   VKRTOT,  C.  CVRAf.lFL,  A.   LIRKIV,  t.  DK    H    BKDOLLlfcRE,   GI^JIARD    DK    NERVAL,  FKLIX    TOin.NACHll>  ,    \.   FAUHfJlY  ,  ETC.,  ETC. 


BKRTALL,    NADAR,    I  VIllUTZIl  s  ,    OTTO,    UmENTZ  ,    REX-lIN  ,    QITLLENBOIS  ,    ETC. 


MAI  18'i9.  —  nÉr.EMBRF.  18 


PARIS 


AU   BlRKAl    DE    LA    REVUE    COMIQUE, 

•>2,    RD£    RICHEUEU. 


PROFESSION  DE  FOI. 


Amis  Je  ce  recueil,  vous  qui  le  protégez, 
Innombrables  lecteurs  qui  nous  encouragez. 
Lorsque  de  nos  brocards  ravivant  la  malice, 
Pour  la  seconde  fois  nous  entrons  dans  la  lice  , 
Nous  devons  vous  apprendre  à  quel  but  nous  allons 
Quelle  est  notre  bannière,  et  ce  que  nous  voulons. 

De  Télat  des  partis,  si  l'on  fait  son  étude, 

On  ne  trouve  qu'errenr,  désordre,  incertitude, 

Indicible  chaos,  qu'à  peine  l'on  conçoit , 

Où  Dieu  dirait  en  vain  :  «  Que  la  lumière  soit!  » 

Par  mille  opinions  la  France  travaillée, 

En  mille  sens  divers  tour  à  tour  tiraillée, 

Semble  un  vaisseau  perdu,  que  la  mer  et  le  vent 

Balancent  à  leur  gré  sur  le  gouffre  mouvant. 

Pour  ramener  au  port  cette  épave  qui  flotte. 

Où  rallumer  un  phare?  où  choisir  un  pilote? 

Les  uns,  montrant  du  doigt  les  plages  du  passé, 

Cherchent  à  rétablir  le  trône  renversé, 

Et  pensent  qu'il  suffit,  pour  conjurer  la  lame. 

D'arborer  au  grand  mât  la  gothique  oriflamme. 

D'autres  tournent  les  yeux  vers  des  bords  ignorés, 

Où  les  peuples  enfin  seront  regénérés; 

Où  le  bonheur  suivra  l'homme  dès  son  enfance; 

Où  la  terre  féconde,  avec  munificence, 


A  tous  les  fils  d'Adam,  sevrés  de  leurs  douleurs. 
Prodiguera  des  fruits,  de  l'ombrage  et  des  fleurs. 

Nous,  nous  ne  suivrons  point  la  bande  aventurière 
Qui  s'élance  en  avant  ou  se  jette  en  arrière. 
A  ceux  qui  jusqu'aux  rois  veulent  rétrograder, 
Nous  disons  :  «  Seul,  le  peuple  a  droit  de  commander. 
Les  monarques  s'en  vont;  le  sceptre  héréditaire. 
Que  tenaient  fièrement  les  maîtres  de  la  terre. 
Par  des  sujets  majeurs  relégué  dans  un  coin. 
N'est  qu'un  bâton  moisi  dont  on  n'a  plus  besoin.  » 
Aux  autres,  trop  hâtifs,  nous  crions  :  «  Patience! 
Laissez  faire  le  temps,  la  raison,  la  science. 
Lasse  du  joug  présent,  rêvant  des  jours  meilleurs. 
Votre  âme  sympathise  avec  les  travailleurs, 
i  Et  pour  changer  la  part  que  le  sort  leur  a  faite. 
Vous  bouleversez  tout,  des  bases  jusqu'au  faite  : 
Pressés  d'échaffauder  les  systèmes  nouveaux. 

Dont  le  plan  gigantesque  encombre  vos  cerveaux; 

Mais  toujours  une  idée,  avant  d'être  entendue, 

En  des  limbes  obscurs  reste  longtemps  perdue. 

Lentement  elle  arrive  à  se  concilier 

Des  cœurs  pour  la  servir,  des  bras  pour  l'appuyer; 

Et  le  temps  démolit  pierre  à  pierre,  à  coups  d'ailes. 

Des  tenaces  abus  les  fortes  ciladelles. 


REVUE  COMIQUE 


Voyez-vous  l'architecte,  à  (luelque  nionuinenl. 
Dès  ses  premiers  efforts  poser  rentableinent, 
Et  l'artiste,  créant  la  beauté  (]iril  médite. 
Ciseler  en  un  jour  la  Vénus  Apluodite"?  » 

Pourtant  ne  croyez  p.A<,  ô  gens  du  slafii  qitu! 

Parmi  nos  rédacteurs  rencontrer  de  l'écho. 

11  faut  que  le  pouvoir,  d'une  main  diligente. 

Travaille  à  nous  donner  toute  réforme  urgente. 

Et  qu'en  sa  résistance,  obstiné  comme  un  ninr. 

Il  ne  combatte  pas  le  progrès  déjà  mû]-, 

Contre  l'indépendance  armer  une  croisière, 

Tenir  les  citoyens  sans  cesse  à  la  lisière. 

Opposer  auï  penseurs  des  obstacles  mesquins. 

Tel  est  l'unique  but  des  faux  répu])licains. 

Mais  nous,  nous  demandons  qu'on  marche  et  qu'on  a  vanci 

La  République  doit  être  une  eau  de  Jouvence, 

Source  vivifiante,  où  la  société 

Puisera  de  nouveau  la  force  et  la  santé. 

Nous  vous  réservons  donc  nos  plus  rudes  ci'i tiques. 

Confrères  de  Barrot,  eunuques  politiques, 

Rhéteurs,  qui  vous  paytz  d'emphase  et  de  grands  mots. 

Sans  apporter  remède  au  nioiudie  de  nos  maux. 

Pour  ce  que  vous  valez  nous  vous  ferons  connaître  ; 

Car,  sur  les  libertés,  qui  s'empressaient  de  nailre. 

Vous  avez  appliqué  votre  profane  main. 


Et  remettez  toujours  les  progrès  à  demain. 
Vous  c]iii,  pleins  d'un  beau  zèle,  avec  acrinnuiie 
L)'unau>lere  ijiliiganl  blâmiez  la  tyrannie, 
.Maintenant  que  la  roue,  en  louinant  au  bavard, 
Nous  élève  à  côté  du  neveu  d'un  César, 
Du  char  républicain  cochers  retardataires, 
^  ous  faites  ce  qu'ont  fait  les  anciens  ministères  ; 
Comme  si  de  Juillet  le  monarque  vieilli 
Présidait  le  conseil  au  château  de  .Neuilly. 
D'autres  vous  tres-eroul  des  couronnes  de  cliène  ; 
Nous  votons  contre  vous  dans  la  lutte  prochaine, 
Et  Faucher  sous  nos  coups  doit  tomber  immolé. 
Avec  Quentin  Reaucbard,  Denjoy,  Foiild  et  Mole 
Nous  combattrons  aussi  les  elforts  du  pygnue 
Qui  mène  de  Poitiers  l'astucieuse  année  : 
-Nous  nous  rexèlirons  du  casque  et  du  haubert. 
Pour  délier  Crandiu,  Herryer,  Monlalembert, 
Et  Bugeaud,  qui,  bouffi  de  sa  gloire  africaine. 
Croit  pouvoir  démolir  l'ai-cbe  républicaine. 

La  Conslilulion,  voilà  noire  drapeau! 
Couvrons  de  nos  dédains  le  royal  oripeau  ; 
Laissons  à  l'avenir  les  questions  ardues. 
Qui,  dans  la  foule  encore,  ne  sont  pas  descendues  ; 
Et  sans  examiner  ce  que  les  partis  font. 
Consolidons  la  forme  avant  d'atteindre  an  fond. 

E.  B. 


IKHOMK  CVB.VSSOL 


.<    LA    RECHtUClIt     m-     1,A     MKU.l.l.lHK     DES    LISTES    ELECTORALES. 


LE    DELEGUE    DE    LA     HAl  TF.-r.AUONNE. 

0  Cabassol,  m'ont  dit  plusieurs  habitants  de  mon 
département  domiciliés  à  Pans,  tu  es  un  garçon  intel- 
ligent,  tuas  l'habitude  des  hommes;  ton  oncle  Saint- 
Ybars,  mort  depuis  peu  en  oJeur  de  tragédie,  t'a  fiil 
donner  une  excellente  éducation  ;  rends-nous  un  ser- 
vice. 

—  Parlez,  messieurs,  poi'lez  ;  je  suis  tout  entier  à 
votre  disposition. 

—  Le  moment  des  élections  approdie  ;  la  situation 
est  grave;  nous  ne  voudrions  pas  faire  des  choix  indi- 
gnes de  la  Haute  Garonne;  les  listes  affluent  :  com- 
naent  nous  éclairer'?  la<[uelle  choisir?  En  celle  occur- 
rence, nous  avons  jeté  les  yeux  sur  loi,  Cabassol. 


I       —  Que  fiut-il  que  je  fasse? 

I  —  H  faut  parcourir  les  clubs,  les  comités,  les  bu- 
I  reaux  de  journaux  ;  écouler  ce  qu'on  y  dit  sur  les  ean- 
1  didals,  et  nous  faire  un  rapport  là-dessus.  C'est  d'après 
I  ce  rapport  que  nous  dresserons  notre  liste.  Te  sens- 
tu  capable  de  remplir  cette  délicate  et  importante 
\   mission? 

j  —  Je  suis  ])énélré  de  reconnaissance  pour  la  marque 
!  de  confiance  que  je  reçois  de  mes  compatriotes,  et  je 
j  m'efforcerai  de  la  justifier.  Comptez  sur  moi,  électeurs 
j  <le  la  Haule-Caroniie  ;  et  si  jamais  il  m'est  donné  de 

I    vous  représentera  une  Iribiinr  plus  haute » 

i  Ici  les  sanglots  étouffèreiit  ma  voi.x;  l'émotion  m'em- 
j  pécha  de  conlinuer,  je  me  jetai  dans  les  bras  de  mes 
!  compatriotes;  et  je  partis,  résolu  à  mourir  ou  à  rem- 
i    plir  la  glorieuse  tâche  qu'ils  m'imposaient. 


LA    RIE    DE    POITIERS.  TOILETTE    DE    CIRCONSTANCE. 

"  Faut  un  peu  de  rouge,  j>as  trop  n'en  faut.  ■ 


Dessiné  par  Bertall, 


Gravé  par  BaulanT. 


REVUE  COMIQUE 


INK    111-lUF.rSE    UENcON'HIK. 

(Aiiiiiiie  je  maivluiis  avoc  niiiidilé  (laus  la  rue,  nie 
Jii-isoant  vers  le  comité  de  la  nie  de  Poitiers,  je  fus  ar- 
rêté par  un  de  mes  amis,  ancien  employé  au  Monl-de- 
Piété. 

Il  Tiens!  c'est  Cabassol. 

—  Lui-même. 

—  Par  quel  liasaid? 

—  Ce  n'est  pas  le  hasard;  c'est  bien  par  un  eiVel  di- 
rect de  ma  volonté  que  je  suis  aujourd'hui  dans  la 
rue.  Je  cherche  une  chose  des  plus  imporlanles. 

—  I^aquelle? 

—  La  meilleui-e  des  listes  électorales.  C'est  assez 
diflicile  à  trouver.  11  y  en  a  tant. 

—  C'est  vrai  ;  il  y  aurait  pout-êti'e  un  moyen... 

—  Voyons. 

—  Si  nous  consultions  un  somnambule. 

C'est  une  idée  ;  mais  où  trouver  nu  sûiiinaiiil>ule 

électoral  '! 

—  Voilà  notre  aflairc,  s'écria  mon  ami,  et  il  nie 
tendit  un  journal.  En  ell'et,  je  lus  à  la  quatrième  page  : 

M.    THIERS  ,      SOMNAMBULE    rOtnlQUE.    CONSCLTAÏlOJiS 

DE    MIDI    A    CINO    HEIKES.    (LUCIDITE    GARANTIE.) 

Nous  monlâmcs  chez  M.  Thiers. 


III 


UNE    SÉANCE    DE    MAGNETISME    ELECTORAL. 

L'antichambre  était  remplie  de  gens  qui  venaient 
consulter  le  somnambule.  On  y  voyait  des  anciens 
préfets,  des  receveurs  généraux,  des  conseillers  d'Élat, 
des  fonctionnaires  de  tous  les  genres.  Ils  venaient  lui 
demander  des  conseils  sur  la  meilleure  manière  de 
traiter  leur  candidature. 

Nous  attendîmes  pendant  plus  d'une  heure;  enlin, 
notre  tour  vint. 

Le  somnambule  électoral  (lucidité  garantie)  était 
assis  dans  un  fauteuil  à  la  Voltaire  ;  il  se  leva  à  demi 
pour  nous  saluer. 

«  Messieurs,  nous  dit-il ,  je  suis  le  grand  Thiers,  au- 
trefois des  Bouches-du-Rhône,  maintenant  de  la  Seine- 
Inférieure,  en  attendant  d'être  de  la  Seine  véritable, 
ce  qui  ne  tardera  pas  à  arriver,  si  j'en  crois  les  pronos- 
tics de  la  science.  Vous  venez  me  consulter  sur  les  élec- 
tions? 

—  Précisément. 

—  Donnez-moi  une  mèche  de  vos  cheveux. 

—  Je  suis  chauve. 

—  Alors  je  me  contenterai  d'un  objet  vous  ayant 
appartenu  de  près,  votre  tabatière,  par  exemple,  un 
vieux  bouton  de  guêtres,  un  de  vos  sous-pieds,  ou  la 
mèche  de  votre  bonnet  de  nuit. 


—  Pourquoi  faire? 

—  Pour  me  inellre  en  communication  avec  vous,  et 
vous  dire  insuile  (piel  genre  de  candidats  convient  à 
votre  tempérament.  Dites-moi  votre  nom. 

—  Jérôme  Cabiissol. 

—  Votre  âge? 

—  Quarante-cinq  ans. 

—  Votre  état? 

—  Fabricant  de  parapluies. 

—  Votre  pays? 

—  Saint-Ybars. 

—  C'est  très-bien.  .Mainteiuint,  laissez  agir  le  fluide. 
Meiruau,  étes-vous  prêt? 

—  Oui,  monsieur.  J'ai  le  Constitutionnel  elVHis- 
toire  du  Consulat.  Faut-il  donner  à  ces  messieurs  le 
grand  sommeil  ou  le  petit  sommeil? 

—  Le  grand  sommeil.  Lisez-moi  VlJisfoife  du  Con- 
sulat. 

Après  avoir  écouté  la  lecture  de  deux  ou  trois  pa- 
ges, le  grand  Th'iers  ferma  les  yeux,  et  il  repoussa  ce- 
lui qu'il  avait  appelé  Merruau;  [luis  il  reprit  d'une 
petite  voix  : 

«  C'est  fait.  Vous  pouvez  me  demander  ce  que  vous 
voudrez,  ou,  plutôt,  je  vais  répondre  sans  que  vous 
m'interrogiez  :  la  seconde  vue  m'a  révélé  vos  plus  se- 
crètes pensées.  Vous  voulez  savoir  quels  sont  les  can- 
didats les  plus  propres  à  l'aire  le  bonheur  de  la  France  ? 

—  Précisément. 

—  D'abord,  la  France  ne  peut  être  heureuse  que 
sous  la  monarchie.  H  nous  faut  un  d'Orléans  sur  le 
trône.  Prenez  la  liste  des  candidats  de  la  rue  de  Poitiers. 

—  K\i)liquez-nioi  pourquoi.  Il  me  semble  que  la 
monarchie  est  morte  sous  un  d'Orléans,  et  que  choisir 
un  autre  d'Orléans  est  une  singulière  manière  de  la 
relever. 

—  Vous  voulez  que  je  vous  explique?...  attendez... 
je  n'y  vois  pas  bien...  Ce  diable  de  Merruau  ne  m'a 
pas  suflisarament  endormi...  Revenez  demain  ;  je  serai 
plus  lucide.  Oh!  là  là;  l'épigastre...  j'ai  un  mal  de 
tète  affreux...  L'épigastre,  l'épigastre!  » 

Il  nous  fut  impossible  d'en  tirer  un  mot  de  plus. 


IV 


I.'ÉLECTOSCOl'lE. 

—  Ce  somnambule  ne  m'a  guère  satisfait,  dis-jc  en 
sortant,  à  mon  ami  ;  je  ne  suis  guère  plus  avancé  qu'au- 
paravant. 

—  Il  faut  en  consulter  un  autre. 

—  Un  autre  somnambule? 

—  Non.  J'ai  entendu  parler  d'un  certain  Rerryer 
(|iii  devine  les  candidats  comme  l'abbé  Paramelle  de- 
vine les  sources.  Allons  le  voir. 

Nous  nous  rendîmes  chez  Bcrrycr. 

—  Messieurs,  nous  dit-il,  après  avoir  écouté  ce  que 
nous  lui  demandions,  je  n'exerce  le  métier  d'e'Iec- 


A  i;i  SACi:  DKS  CENS  SERIEUX, 


I  tosi-i)|H'  i[n'ri\  :iiii:il(iii-  cl  |miui'  rendre  service  h  ma 
aniis  (|in  Mil'  Iniil  ;i|i{ii'li'i  un  iiioiiient  des  éleclioiis  ; 
iii:iis,  dans  le  I(Mii{is  mi  nous  vivons,  tout  le  monde 
doil  r.iire  Hi'ivii  les  dons  ijn'il  n  reçus  de  lu  l'iovidence, 
ù  la  défense  <le  la  société  menacée.  Je  vais  donc  décou- 
vrir les  c.indidals  qui  vous  sont  nécessaires.  Frère 
Iliancej  ! 

—  Me  VOICI,  monsieur. 

—  Ma  Lcip;uelle  de  coudrier. 

—  La  Voilà. 

—  Mainicnant ,  portez-moi  les  listes  électorales. 
.Messieurs,  reprit-il,  celte  baguette  de  coudrier  a  la 
singulière  propriété  de  tourner  tiilre  mes  pouces  si  tôt 
qu'elle  se  trouve  sur  un  endroit  oii  il  y  a  une  bonne 
liste  de  candidats.  Vous  allez  en  juger  par  vous  mêmes. 

Liste  (lu  romité  démocratique  et  socialiste. 

Vous  le  voyez,  la  baguette  reste  immobile  dans  mes 
mains.  Cette  liste  ne  vaut  rien. 

Liste  du  comité  des  amis  (le  la  Constitution.  , 

Ceci  est  une  liste  républicaine;  or,  nous  savons  tous 
que  la  France  ne  peut  être  sauvée  que  par  la  monar- 
chie légitime.  Elle  a  seule  la  consécration  des  siècles  et 
des  principes.  La  baguette  ne  remue  pas. 

Liste  du  comité  de  la  rue  de  Poitiers. 

Voyez,  messieurs,  la  baguette!  ce  n'est  plus  une  ba- 
guette, c'est  >me  roue.  Comme  elle  tourne!  conmie 
elle  tourne!  Mous  avons  trouvé  la  véritable  source  qui 
peut  donner  deux  mètres  cubes  de  candidats  purs  et 
frais  à  la  minute.  Prenez  la  liste  de  la  rue  de  Poitiers. 


LA    DAME    HE    COEl'll. 

A  peine  dehors,  je  ne  pus  m'enipècher  d'interroger 
mon  ami, 

A  ça,  croyez-vous  à  toutes  ces  simagrées  de  ba- 
guette, lui  dis-je;  pour  moi,  je  ne  suis  guère  édifié. 

—  Ni  moi. 

—  Il  m'a  semblé  que  cette  baguette  était  pipée,  et 
que  l'électoscope  Berryer  la  faisait  tourner  lui-même 
sur  sa  liste.  Qu'en  pensez-vous? 

—  Je  pense  que  le  somnambulisme,  l'élcctoscopie, 
sont  des  inventions  modernes  dont  il  faut  se  méfier. 
Tenons-nous-en  aux  croyances  de  nos  pères;  pour  moi, 

,     j'avoue  que  je  n'ai  eu,  jusqu'ici,  qu'à  me  louer  des 
I     tarots.  Si  nous  allions  faire  une  petite  visite  à  madame 
Mole? 

—  Qu'est-ce  que  c'est  que  madame  Mole? 

—  C'est  elle  qui  a  succédé  à  la  fameuse  mademoi- 
selle Lenormand.  Elle  lui  a  laissé  sa  recette  pour 
trouver  des  numéros  bons  à  mettre  à  la  loterie,  et  des 
candidats  qui  doivent  infailliblement  sortir  de  l'urne 
électorale. 


—  Je  ne  veux  pas  que  mes  commettants  me  rc(iro- 
ciicnt  d'avoir  négligé  quoi  que  ce  soit  pour  les  éclairer. 
Allons  chez  madame  Mole. 

Nous  trouvâmes  une  petite  vicillarde  ridée,  sécliée, 
ratatinée,  proprette  au  demeurant;  elle  nous  dit  qu'elle 
n'avait  pas  toujours  fait  le  métier  où  nous  la  trouvions 
réduite,  qu'elle  avait  joué  un  rôle  important  sous 
l'empiie  et  sous  la  monarchie  de  Juillet;  que  la  der- 
nière révolution  la  forçant  à  utiliser  ses  petites  connais- 
sances; elle  avait  acheté,  avec  les  fonds  des  amis  de 
l'ordre,  la  clientèle  de  mademoiselle  Lenormand;  que, 
Dieu  merci,  elle  faisait  assez  bien  ses  petites  af- 
faires, etc.,  etc.,  etc. 

Nous  primes  le  parti  d'arrêter  la  petite  vieille,  et 
nous  lui  exposâmes  l'objet  de  notre  visite. 

—  Très-bien  ,  messieurs  ,  reprit-  elle  ,  très-bien  , 
comme  il  s'agit  d'une  affaire  importante,  nous  allons 
faire  le  grand  jeu. 

Madame  Mole  étala  en  même  temps  un  jeu  de  caries 
sur  la  table. 

—  L'as  de  pique  !  c'est  le  comité  démocratique  et 
socialiste  qui  se  met  en  travers  d'une  bonne  liste  que 
vous  devez  recevoir.  La  dame  de  cœur!  c'est  la  régence 
de  la  duchesse  d'Orléans  qui  vous  veut  du  bien.  Si 
elle  n'est  pas  contrariée  par  l'as  de  pique,  la  dame  de 
cœur  triomphera  à  la  grande  satisfaction  de  la  France, 
car  ce  que  nous  voulons  tous,  c'est  la  régence  de  la 
duchesse  d'Orléans.  Le  valet  de  carreau!  c'est  le  co- 
mité de  la  rue  de  Poitiers.  Ceci  vous  prouve  que  vous 
recevrez  une  bonne  nouvelle  avant  peu,  et  que  vous 
volerez  pour  la  liste  de  la  rue  de  Poitiers.  L'as  de  pique 
est  enfoncé,  ainsi  que  le  dix  de  trèfle  qui  représente 
une  vieille  femme  qui  veut  vous  embrasser,  et  ie  co- 
mité des  amis  de  la  constitution.  Êtes-vous  contents? 

Je  ne  l'étais  guère  pour  ma  part,  mais  je  ne  fis  rien 
paraître  de  mon  mécontentement;  il  faut  être  poli 
avec  les  dames. 


VI 


oc    JEROME    CABaSSOL    FAIT    IXE    REFLEXION. 

Une  réflexion  me  vint,  et,  en  sortant  de  chez  ma- 
dame Mole,  mon  premier  soin  fut  de  la  communiquer 
à  mon  ami. 

—  D'où  vient,  lui  demandai-je,  que  M.  Tliiers,  qui 
soutient  les  prétentions  du  prince  de  Joinville  ;  M.  Ber- 
ryer, aux  yeux  duquel  le  seul  salut  de  la  France  est 
dans  Henri  V  ;  madame  Mole,  qui  prétend  que  tout  le 
monde  veut  la  régence,  et  qui,  par  conséquent,  sont 
entièrement  divisés  d'opinion,  nous  conseillent  tous  les 
trois  de  prendre  la  même  liste? 

—  Je  l'ignore,  répondit  mon  ami;  il  faut  qu'elle  ait 
quelque  vertu  secrète  que  nous  ne  devinons  pas,  car 
vous  connaissez  bien  le  papa  Sourdenville? 

—  Ce  vieux  colonel  seurd  qui  joue  au  trictrac  dans 
notre  café  ? 


REVUE  COMIQUE. 


—  Précisément. 

—  Qui  voulait  couper  en  quiUro  tous  ceux  qui  no 
voleraient  pas  pour  Louis-Bonaparte? 

—  Lui-même.  Voilà  un  bonapartiste  curage. 

—  Sans  doute,  l'^h  liieu? 

—  Il  m\i  encore  menacé  de  me  couper  eu  (piatrr,  si 
je  ne  votais  pas  pour  les  candidats  inscrits  sur  la  liste 
du  comité  de  la  rue  de  Poitiers. 

Orléauistes,  légitimistes,  régentisles,  liouapartisles, 
tout  le  monde  prenant  la  luême  liste,  il  doit  y  avoir 
quelque  gabegie  là-dessous,  m"écriai-je;  j'en  aurai  le 
cœur  net.  Laissant  mon  ami,  que  ses  affaires  appe- 
laient ailleurs,  et  qui  n'avait  jias  une  mission  aussi 
importante  à  remplir  que  la  mienne,  je  me  dirigeai 
du  côté  de  la  iiie  de  Poitiers. 

VU 

COMITÉ    r>E    L,\    1U:E    DE    POITIERS. 

On  faisait  queue  à  la  porte  du  comité.  Voici  quelles 
couversations  j'entendais. 

«Comment!  vous  voilà,  Lapinclieux? 

—  Tiens!  c'est  vous,  Mufl'olard. 

—  Que  venez-vous  faire  ici  ? 

—  Et  vous? 

—  J'apporte  au  comité  une  commande  de  cinquante 
kilogrammes  d'articles  contre  la  Républi(|ue. 

—  Et  moi,  je  viens  me  faire  solder  quinze  litres  de 
contre-poison,  que  j'ai  livrés  depuis  trois  jours. 

—  Eichtre  !   Est-ce  que  les  fonds  seraient  rares? 

—  Eh  eh  !  nous  sommes  tant  de  défenseurs  de  l'or- 
dre et  de  la  société! 

A  chaque  instant  la  queue  grossissait.  C'était  une 
véritable  procession  de  gens  suivis  de  commissionnai- 
res portant  sur  leurs  crochets  des  livres,  des  brochu- 
res, des  estampes,  des  exemplaires  de  journaux  payés 
au  prix  coûtant,  comme  l'Opinion  piiblirpœ.  Tous  ces 
gens-là  demandaient  la  caisse  à  grands  cris.  Comme  je 
n'étais  embarrassé  par  aucun  paquet,  je  parvins  à  j)é- 
nétrer  au  milieu  de  la  foule,  et  après  avoir  joué  des 
pieds  et  des  mains,  je  pus  gagner  l'escalier  et  me  trou- 
ver bientôt  au  siège  du  comité. 

Un  monsieur  chauve  et  décoré  écrivait  sur  un  bu- 
reau masqué  à  demi  par  des  dossiers. 

«Monsieur,  lui  dis-je;  je  viens  pour... 

—  Je  vois  à  votre  accent,  me  répondit-il,  que  vous 
êtes  Gascon.  Les  Gascons  doivent  se  souvenir  du  Béar- 
nais. Je  sais  ce  que  vous  voulez.  Prenez  à  droite,  cou- 
loir Henri,  vous  trouverez  votre  affaire. 

—  11  ne  s'agit  pas  de  M.  Henri,  mais  de... 

—  Fort  bien.  Je  vois  que  je  me  suis  trompé  d'a'-,- 
cent.  Vous  êtes  Provençal.  Admirable  population  ma- 
ritime. Ce  qu'il  vous  faut,  c'est  un  marin  :  corridor 
Joiaville  ;  entrez  à  gauciie. 

—  Li  marine  n'entre  pour  rien  dans  mon  affaire  ; 
et  si  vous  vouliez  me... 


—  Vous  indiquer  la  galerie  Hélène,  rien  de  plus  fa- 
cile, mousieui-;  vous  êtes  de  ces  âmes  sensibles  et  che- 
valeres{iues,  qui  protestent  en  C  cur  d'une  femme  et 
d'un  enfant  ;  ce  sentiment  vous  honore.  Montez  à  l'é- 
tage supi'i'icur. 

—  Non,  mousieui';  je  désirerais 

—  Mille  millions  de  gargousses  !  pardonnez-moi  de 
n'avoir  pas  compris  [ilus  tôt  ce  que  vous  désiriez.  Vous 
êtes  un  vieux  de  la  vieille.  Entresol  Marengo  ;  c'est  ici 
au-dessous  ;  vous  n'avez  pas  six  marches  à  descendre. 

J'eus  bi'aiiidiip  de  peine  à  lui  faire  comprendre  que 
je  désirais  (ibleuir,  au  nom  des  habitants  de  la  Haute- 
(iaronne,  pii'si'iils  à  Paris,  quelques  renseignements 
sur  la  liste  du  comité  de  la  rue  de  Poitiers, 

—  Bien  de  plus  facile;  prenez  la  peine  de  vous  as- 
seoir un  instant,  l'heure  des  consultations  gratuites  n'a 
point  encore  sonné.  Lamberl  ! 

Un  huissier  se  leva. 

—  Qui  est-ce  qui  est  de  service  auj(Uird'liui? 

—  M.  Victor  Hugo. 

—  l'ichlre,  miinsieur,  les  babilants  de  la  Haule- 
Gaionne  tombent  bien.  On  n'a  pas  tous  les  jours  des 
consultations  gratuites  de  M.  Victiu'  Hugo, et  vous  au- 
riez b':en  pu  rencontrer  uii  Chambolle  quelconque. 

—  Je  désirerais  surtout  entretenir  le  comité. 

—  Cela  n'est  guère  possible,  monsieur;  le  comité 
est  obligé  de  se  partager  la  besogne,  autrement  il  n'y 
suflirait  pas. 

Le  malin,  à  dix  heures,  conférences  de  M.  Dela- 
maire  sur  les  diverses  manières  de  fabriquer  le  contre- 
poison. 

A  onze  heures,  cliniijue  de  M.  Cousin  sur  le  déve- 
lopiiement  des  maladies  électorales  et  la  manière  de  les 
traiter,  d'après  la  méthode  du  vicaire  savoyard. 

A  deux  heures,  économie  jiolitiquc,  par  M.  Achille 
Fould.  Le  professeur  traite  de  la  banqueroute. 

A  trois  heures,  consultations  gratuites  à  tous  ceux 
qui  viennent  demander  des  conseils  et  des  explications 
sur  la  manière  d'appliquer  la  liste  du  comité.  Chaque 
membre  est  de  service  à  son  tour. 

Je  passe  sur  une  foule  d'occupations,  et  notam- 
monl  la  correspondance.  Vous  ne  vous  figurez  pas, 
monsieur,  ce  qui  nous  arrive  tous  les  jours  de  la  pro- 
viiue.  Ce  s'int  de  milliers  de  lettres  auxquelles  il  faut 
lépimdre  ;  j'en  fais  le  dépouillement,  et  ce  n'est  pas  une 
pclile  alfaii'e.  Vous  pouvez  en  juger  vous-même  par 
ces  quelques  extraits. 

Je  jetai  les  yeux  sur  un  secrétaire,  et  je  parcourus  le 
dossier  marqué  sous  ce  titre  : 

KC.LAIIICISSESIKMTS. 

Au  Coinili'  (II'  la  rue  Je  /'oi/icrs. 

«  Les  électeurs  de  Brives-la-Gaillarde  désireraient 
«  savoir  s'il  n'y  aurait  aucun  inconvénient,  pour  le 
«  quart  d'heure,  à  porter  le  citoyen  Napoléon  Bona- 


VlAMM  I.I.I.ilOUM.I-: 


Le*  impériaux,  le»  légitimistes  et  les  orléanistes  se  livrent  à   la   pêche   du  goujon  électoral,  pendant  que  Tircis-V'éron  joue  d^la  flûte  sur  la  rive 

fleurie  de  manifestes  de  la  rue  de  Poitiers.  —  ApVès  avoir  amorce  avec  un  engin 

mélangé  d'ordre,  de  liberté  et  d'union  à  la  façon  de  ces  messieurs,  la  mère  Mole  vient  de  piquer  un  goujon. 

Les  principaux   personnages  que  vous  apercevez  sur  la  rive  fleurie  attendent   impatiemment  le  résultat   delà   p^che. 


S'il  y  avait  beaucoup  de   goujons  pris,  on    l 

mettrait  dans  la  réserve  du  brochet  royal 

pour  en  faire  des  goujons-électeurs-mudèles. 


un  bocal    pour  les  voir  fonctionn: 
loisir  pou:  les  menus  pla-sirs  de  S.  M. 
et  de  LL.  AA.  RR. 


r>e  la  réserve  et  du  bocal  à  la  poêle  à  frin 
il  n'y  a  que  la  main. 


G.-and  bauquet  définitif  où  les  goujo 
Dessiné  par  Kadard. 


cteurs-modèles  auraient  l'honneur  d'être  croqués  par  les  brochets  royaux,  s'ils  tenaient  à  cet  honueur 
—  mais  ils  n'y  tiendront  pas. 

Gravé  par  Bailant. 


REVUE  COMIQUE 


I  parle  el  le  citoyen  ïartempioii.  11  semble  au  comilé  1 

de  Brives-la-Gailiarde  que  le  piemier  de  ces  can  li- 
;  dats  suit  dei)uis  quelque  temps  une  marche  assez  tor- 
(  tueuse.  Donnez-nous  quelques  cclaiivissements  à  cet 
t  égard  a 

liéponsc  du  Condt>'\ 

«  Il  ne  serait  guère  prudent  de  nommer  en  ce  mo- 
i  ment  le  citoyen  Napoléon  Bonaparte.  Sa  conduite 
(  donne  beaucoup  de  chagrin  à  ses  parents.  On  en  est 
<  fort  mécontent  à  l'iîlysée.  Voyez,  du  reste,  ce  que 
;(  vous -avez  à  faire;  nous  r.e  prétendons  en  rien  gêner 
;(  votre  liberté.  Quant  au  citoyen  Tartempion ,  nous 
;(  croyons  pouvoir  vous  dire,  tant  en  notre  nom  qu  en 
a  celui  du  gouvernement,  que  son  élection  ne  nous  pâ- 
te rait  devoir  gêner  en  rien  la  politique  générale  que 
I  nous  soutenons.  » 

Au  Comité  de  la  rue  de  Poitiers. 

«  Les  électeurs  de  Carpenlras,  avant  de  porter  leurs 
«  suffrages  sur  le  citoyen  Napoléon  Bonaparte,  croient 
«  devoir  consulter  le  comité  sur  ce  choix.  On  dit  que  ce 
«  jeune  homme  vise  à  fonder  l'Empire  démocratique  et 
«  social.  Les  mêmes  électeurs  pensent  que  le  comité 
«  ne  verra  pas  d'inconvénient  dans  le  choix  qu'ils  ont 
«  fait  de  M.M.  Falenipin,  Bourbousson  et  Caslil-Buloz, 
«  diiccteur  de  la  Revue  des  Deux-Mondes.  » 

Réponse  du  Comité, 
a  Nous  ne  ■»'bus  dirons  pas  :  ne  nommez  pis  >apû- 


11  léou  Bonaparte;  mais,  si  vous  le  repoussez,  vous  ferez 
(c  bien.  Entre  nous  soit  dit,  c'est  un  homme  dangereux. 
K  Le  comité  verrait  avec  plaisir  MAL  Falenipin  et  Castil- 
«  Buloz  à  la  Chamhre.  Il  serait  enchanté  d'y  retrouver 
«  l'aimable  Bourbousson.  »> 

Au  Comité  de  la  rue  de  Poitiers- 

a  On  prétend  à  CasleKSarrazin  que  M.  Napoléon 
«  Bonaparte  se  moiiuo  partout  de  son  c  nsin  le  Prési- 
M  dent,  et  qu'il  est  allé  dans  un  dîner  juscju'à  lui  lancer 
V  des  boulettes  de  mie  de  piin  au  visage.  Une  piclie- 
«  nette  sur  le  nez  passe  encore,  cela  se  fait  entre  cou- 
«  sins,  mais  des  boulettes!  Devons-nous  le  rayer  de 
«  notre  liste,  et  le  romplacr  par  Barbanclui  ?» 

Réponse  du  Comité. 

a  L'histoire  des  boulettes  est  apocryphe  ;  mai»  il  y  a 
«  du  mic-mac  dans  la  famille.  Nous  ne  pouvons  vous 
•   «  dire  qu'une  chose  :  nommez  Barbanchu.» 


VIII 


J'allais  continuer  ma  lecture,  lorsque  l'huissier  vint 
me  dire  que  M.  Victor  Hugo  était  prêt  à  me  recevoir. 

Le  grand  poëtc  (les  journaux  le  désignent  toujours 
ainsi)  me  lit  asseoir  avec  bonté.  Je  lui  dis  que  j'étais  le 
délégué  des  électeurs  de  la  Haute-Garonne  domiciliés  à 
Paris,  et  que,  m'étant  mis  à  la  recherche  de  la  meil- 
leure liste  électorale,  j'étais  bien  aise  de  savoir  comment 
les  légitimistes ,  les  bonapartistes,  les  orléanistes,  les 


Î.A    VIX    PUBLIQUE    ET    PRIVÉE    SE    MOSSIEU    RÉAC. 

CllAP.  VU.  —  Les  machinvchsmcs  rie  mossieu  Rè,ic. 


e  fondant  ^'.r  r-.v*.  f:x  ■■  i-'.  ^i ' 
Eéac,  assisl.-  du  jeune  Ansio.  va  dire  partout 
que  le  Gouvernennent  provisoire  est  un  voleur; 
qu'il  a  payé  ses  huit  cent  mille  fraccs  de  det- 
tes avec  l'argent  de  la  caisse  d'épargne,  et 
qu'on  fait,  ârbôteldevîlleet  au  Luxembourg, 
des  or^es  à  re^er  sois  la  table. 


Il  ne  néglige  pas  d'ajouter,  auprès  des  paysans, 
que  les  républicains  «ont  tous  des  parttig'ux, 
qui  veulent  tout  en  commun,  même  les  pay- 


ée procédé,  qui  consiste  à  parcourir  les  rues 
en  criant  :  A  bas  tes  communitlttl 


A  I,  TSAiii',  in:s  (;r..\s  skiîiimx. 


9 


ri'gi'iilislcs  st>  Iruiivau'iit  d'aicuiil  |iiiiii'  n'coiiiiiiaiiilcr 
li'S  iiièincs  Ikhiiihcs. 

M.  Vutoi  1Iiil;.p  rcjclii  ses  cheveux  en  anièic,  mit  sa 
main  j;auilii'  il.uis  IV'cliaiu-riirc  de  son  gilet,  et  me  l'é- 
pondit  : 

«  Yuiei  ee  (in'dn  l'iiliiid  mm-  l.i  Moiituyiie  au  sujet  des 
candidats  de  la  rue  do  Poitiers.  Il  n'y  a  que  den\  laces 
dans  l'ail  ;  le  dcame  cl  la  tragédie,  deux  formes  de 
gouvernements,  la  répidjliiiue  et  l.i  nionarcliie.  I.e 
drame,  c'est  la  monareliie;  la  tragédie,  c'est  la  ré|ni- 
Idiqiie.  htes-vous  pour  le  drame  ou  poui-  1 1  trayédie? 
1«  est  toute  la  question. 

J'ai  dit  que  la  r('|)ulilii|ue  e'élail  la  tragédie. 

M  11  eliel  : 

La  républic]ue  se  compose  de  trois  choses  :  le  prési- 
dent, l'assemblée,  le  peuple. 

La  tragédie  compte  trois  choses  également  ;  1  expo- 
sition, le  nœud,  le  déiioûinent. 

Liberté,  Kgalilé,  Fraternité. 

Tirade,  Songe  et  Uécit. 

La  république  est  terne  et  froide  comme  la  tragédie. 
La  monarchie  est  splendide  comme  le  drame. 

Mais  il  y  a  une  monarchie  à  créer. 

C'est  la  monarchie  à  la  fois  drame  et  é|)opée  :  pitto  - 
resque,  mais  poétique;  réelle,  mais  idéale;  vraie,  mais 
grande,  qui  enchâssera  Louis  XIV  dans  Napoléon. 

C'est  ce  qui  explique  la  liste  de  la  rue  de  Poitiers. 

—  Mais  cela  n'explique  pas,  dis-je  en  l'interroin- 
pmt,  pourquoi  cette  liste  plaît  également  aux  légiti- 
mistes, aux  orléanistes,  aux  bonapartistes,  à  tous  les 


gens,  eiilin,  (|u'oii  siju|i(;()iine  de  n'avoir  pas  une  affec- 
tion bien  vive  pcjiir  la  Képiibliipic. 

—  Ave/.-vons  jamais  éeoutii  ce  que  la  vague  dit  à  la 
grève'.' 

—  Niin,  ii'|)oudis-je  à  M.  Victor  Hugo,  jamais. 

—  Ce  qui'  le  papillon  dit  à  la  lleiir? 

—  Non. 

—  Ce  que  le  r.iyon  dit  à  l'étoile? 

—  .Non. 

—  Ce  ipie  le  vent  dit  à  la  \ieille  toui  ? 

—  Non. 

—  Ce  cpie  le  Vaeqneiie  dit  à  l'/ùy-ifiiieiU? 

—  Non. 

—  La  v.igiie,  le  p.ipillon,  le  raym,  le  \enl,  le  Vac- 
qnerie,  tout  cela  dit  à  la  grève,  à  la  (leur,  à  l'étoile,  à 
la  vieille  tour,  à  V Evénement,  que  la  liste  de  la  rue  de 
Poitiers  est  ce  qu'elles  préfèrent.  Pounjuoi  les  orléa- 
nistes, les  bonapartistes,  les  légitimistes,  ne  feraient-ils 
pas  comme  la  création  tout  entière? 

—  Les  républicains  ne  font  donc  pas  partie  de  la 
création? 

—  Crande  question  ! 

—  Pourquoi  n'y  a-t-il  point  de  républicains  sur  la 
liste  de  la  rue  de  Poitiers. 

—  Question  profonde  ! 

—  Pourquoi  M.  Thiers  vole-l-il  comme  M.  Rerrvcr, 
et  aM.  Cousin  comme  M.  de  Montalembert? 

—  Question  immense  ! 

II  me  fut  impossible  d'en  tirer  davantage  de  M.  Victor 
Hugo.  Je  lui  tirai  ma  révérence,  de  plus  en  plus  emhar- 


IiA   VIE   PUBI,IQU£    XT    PRIVÉE    DE   MOSSIEU    RÉAC. 

Chap.  vn.  —  Les  mnch^nvélismcs  de  mossieu  R.ac. 


Ci.iit  iiuatit  son  petit  système, 
mosîieu  Réac,  officier  de  la  garde  nationale, 
pour  rétablir,  dit-il,  la  tranquiUitê, 
fait  battre  le  rapp?l  tons  les  jours  à  quitre  lieu'es  du  ] 


mossieu  Héac  casse  un  bocal  qui  contient  de;  poissons 
de  cette  couleur. 


10 


UF.Vli:  COMIQl  F, 


rassée  sur  ce  inie  Je  iéi)oinlriiis  à  mes  toiimiellints 
la  Haule-Garoiine. 


IX 


l.KS    C.VNniliAr^    1>1'    l'I  lU.MllMlE. 

Coinnic  je  traversais  le  hiiieau  aux  éclaii'cissenioiil-;. 
je  vis  défiler  dans  la  galerie  une  lons:ne  procession  de 
gens  avec  des  cierges  allumés. 

—  Qu'est-ce  que  cela?  deinandai-jc  au  secrétaire. 

—  Ce  sont  des  fidèles  qui  se  rendent  à  neutre  cha- 
pelle, placée  sous  l'invocation  de  Notre-l)ame-de-F.ui- 
cher.  Ces  pèlerins,  que  vous  voyez  maintenant  si  iii- 
gan)l)cs,  se  trouvèrent,  il  y  a  un  an  à  peine,  c'est-à-dire 
à  la  révolution  de  Février,  perclus  de  gouttes,  de 
rhumatismes,  de  sciatiques.  On  avait  liquidé  leur 
pension  de  retraite,  et  ils  se  voyaient  relégués  pour 
jamais  dans  le  corps  des  invalides  administratifs,  lors- 
que, par  un  simple  attouchement,  M.  Léon  Fau- 
cher les  a  guéris.  Vous  n'ignorez  pas  sans  doute  que 
ce  grand  ministre  a  reyu  de  la  Vierge  le  don  des  mi- 
racles. .\ussi  le  comité  a  t-il  consacré  une  chapelle  à  la 
mère  de  Jésus,  sous  le  nom  de  Notre-Dame-de-l'"auclier. 
Cette  procession  est  faite  pour  implorer  les  bénédic- 
tions sur  les  candidatures  des  préfets,  car  ces  inlîrmes 
sont  maintenant  assez  guéris  pour  courir  les  départe- 
ments qu'ils  administraient,  et  y  travailler  la  matière 
électorale  à  leur  profit. 

J'entrai  dans  la  chapelle. 

MM.    Cousin  et  Rémuzat,   habillés  en  enfants    de 


i-lni'ui-,    servaient  la  messe.    M.   ïhiers  oITiciait  sa 
doiile,  mais  je  ne  pus  pas  le  distinguer. 

J'.iju'rçus  une  assez  grande  quantité  de  troncs  dans 
la  chapelle: 

Tronc  pour  l'œuvre  de  la  rédeniiitidii  des  socialistes. 

Tronc  pour  les  royalistes  honteux. 

'l'ninc  pour  la  pi'opaaatioii  de  l'ieiivre  de  la  nie  de 
Poitiers. 

Comme  je  sortais  de  la  chapelle,  on  me  dit,  en  me 
tendant  le  goupillon  :  «N'oubliez  pas  les  pauvres  can- 
didats du  purgatoire.  « 

Je  donnai  deux  sous  et  je  m'en  allai  foi-t  intrigué. 
Que  signiliaient  ces  mots  :  Candidats  du  Purgatoire'? 

L'homme  aux  éclaircissements  me  lira  encore  une 
fois  d'embarras  : 

«  Nous  appelons  candidats  du  Puigaloire,  me  dit-il, 
les  malheureux  qu'en  raison  des  circonstances  nous 
sommes  obligés  de  laisser  dans  les  limbes.  Tels  sont  : 
MM.  Guizot,  Diichàtel,  Salvandy,  Hébert,  Cunin-Gri- 
daine,  etc.,  elc.  Nous  faisons  célébrer  tous  les  jours 
des  messes  pour  le  rachat  de  leurs  péchés,  et  afin 
qu'ils  puissent  entier  liientôt  dans  le  paradis  électoral. 
Ainsi  soit-il.  .\men.  n 

—  Qui  m'aurait  dit,  pensais-je  en  me  retirant,  que 
moi,  Cabassol,  je  donnerais  un  jour  deux  sous  pour 
faire  dire  des  messes  pour  M.  Guizot!  Une  faut  jurer 
de  rien  en  temps  de  révolution.  Mais  ce  n'est  pas 
tout.  Que  vais-je  répondre  à  mes  commettants,  quand 
ils  me  demanderont  quelle  est  la  meilleure  liste  élec- 
torale ? 


I.A  VIE     PUBLIQUE    ET    FKIVÉE    DE    MOSSIEU    REAC. 


Le  temp 
moaaien  Reac  pojs  '-  ;i    iv 
candidature. 


lise  présente  dans  une  réunion  topulaire. 
OBle  titre  d'ouvrier,  poureolever  tes  suffrages. 


Heconnu  par  quilque»  assistants. 

et  EomiBé  de  s'expliquer. 

Il  dit  qu'en  effet  il  est  ouvrier,  —  ma 

ouvrier  rentier. 


A  L'USAGE  I)KS  GENS  SftKIICUX. 


il 


J'ai  ou  iH'iciiiis  un  iii,i;;ii(Hisiiu', 

A  la  liagiicllf  lie  c Ii  ifi-, 

An  joii  (le  c.ii'lt's, 

Kl  aucun  (le  tes  iuo\i'iis  ne  m'a  ii'u^si.  J'.ii  cini-ulli' 
1111  grand  pot'lo,  cl  je  n'iii  |)as  C(jni|iii>  un  mMiI  uml  a 
ce  qu'il  m'a  dil.  Que  t'aiic'.' 

Je  1110  st>u\ins  alors  ([u'il  y  avail  dans  niuii  (|n  n  licj 
un  coniilô  hdiiaparlisle  au(|uel  je  pourrais  ilcMnan<lcr 
«inoliinos  roiisei^'ncinenls.  J'y  courus. 


X 


COMBIKN    I)K    BONAl'AKTISMKS    l'Kt\  KM     SE    MCIIEU     lUNSLA 
i:FII\K1I.K    llKS    MO\l\lE,>. 

La  (liscnssicin  élail  des  plus  auinu'es  quand  j'enirai 
dans  le  clnli. 

—  (hii,  ciliiyens,  s'ccriail  un  orateur,  Lucien,  seul 
de  lous  ses  frères,  a  compris  la  pensée  de  IF-nipeieui-. 
Ralijons-nous  au  fils  de  Lucien. 

—  Je  souliens  que  c'est  Jérôme.  L'Lmpereur  la  dil 
à  Sainlo-Hélèiie  :  «  Jérôme  .seul  ma  compris.  »  Nom- 
mons le  lilsde  Jérôme. 

—  J'aflirme  que  rLuipereur  a  dil,  en  ISI."),  à  un 
sergent  de  la  garde  qui  me  l'a  répété  :  «  .\li  !  si  lous 
mes  frères  avaient  été  comme  Joseph,  nous  ne  serions 
pas  où  nous  en  sommes.  »  Noiiimons  le  liU  de  Joseph. 

—  il  n'y  en  a  pas. 

—  Niunmons  alors  son  neveu. 

—  Kl  Louis!  Qu'est-ce  tpie   iiiois  l'ai>(>iis  du   luave 


Louis'.'  V.iilà  le  véritahie  frère  de  rKiu|,ereui-!  Nom- 
mous  le  lils  de  Louis. 

—  Il  est  présidenl  i\<:  la  l'u'piildiqiie. 

—  (.'est  égal,  tiomiuoii>-le  li.ujuuri. 

—  Vi\e  Lucien  '. 

—  Vi\e  Jose|)li  I 
Vive  Ji'iriiiie  I 

—  Vive  Louis! 

(»ii  allail  en  venii- au\  coups,  |,.i>iiue  je  [ins  le  sige 
parti  de  m'esquivor. 

Je  me  rendis  encore  dans  deux  aulres  cliihs,  ou  plu- 
tôt dans  deux  comités  électoraux;  car  je  vis  hieii  que 
l'on  disciilait  des  questions  que  l'on  n'aurait  pas  osé 
soulever  à  la  Irihiine  d'un  cliil). 

Le  premier  de  ces  comités  était  orléaniste. 

—  La  régence  a  les  sympathies  de  la  l'rauce.  U 
duchesse  d'Orléans  csl  le  .seul  menihie  de  la  famille 
qui  soit  resté  po|)ulaire. 

—  Kl  Joinville'? 

—  Joiuville  est  sourd.  J'aiiue  mieux  d'Aumale. 

—  Je  préfère  Montpensier,  il  nous  ap|)orlerail  l'al- 
liaiice  de  l'Kspagne.  D'Aumale  est  un  hou  soldat, 
mais  il  n'a  pas  d'inlelligence. 

—  S'il  vous  faut  de  rinlelligence,  prenez  alors  la 
duchesse  d'Orléans. 

—  Jamais.  C  esl  une  amhiliense.  Elle  a  t'ait  une  op- 
position perpétuelle  à  Loiii,s-|'lnli|)pe.  C'est  elle  qui 
esl  cause  de  tout  ce  qui  esl  arrivé  :  elle  v(uilail  régner 
à  la  place  ilu  roi. 

—  Allons  donc! 


LA    VIE    rUBUQCX    XT    PRIVEE    SE    MOSSIEU    RÉAC. 

Chap.  vu.  —  T.ei  mnchiavélismei  ilt  mossieii  Rinc. 


'cruLate:;r  au  dt;p  ..u...tuit:iit  des  votes  électoraux ,  mossjeu  Réac  dé- 
couvre ce  jour-U  qu'il  a  la  vue  très-basse;  et,  en  conséquence,  il  ap- 
pelle le  nom  de  Thiers  toutes  les  fois  qu'il  trouve  celui  de  Thoré. 


rcus  ces  petits  moyens  triomphent,  et  mo.ssieu  Réac  fait  son  entrée  : 
à  la  Chambra. 

{La  suite  h  la  prochaine  livraison.) 


14 


REVUE  COMIQUE. 


-fO 


M.    LE    MARytlS    DE    LA    ROCHEJAQUEI.EIN. 


Cel  bomme,  au  nom  fameux  dans  la  guerre  civile, 
Fut  peint  en  Février  près  de  l'Hôtel-de-Ville. 
Si  vous  ne  trouvez  point  son  portrait  ressemblant, 
C'est  que  le  royaliste  alors  n'était  pas  blanc. 
Aujourd'hui,  Vendéen  de  la  sliicle  observance, 
Il  voit  dans  les  Bourbons  lus  mailres  qu'il  nous  faut  ; 
Mais  peul-il  èlre  vrai  dans  tout  ce  qu'il  avance, 
Lui  qui  connaît  si  bien  le  niaiiui;e  Duphot? 


Deuiiié  par  Nai>ar[] 


Grav^  par  B»ul. 


I  centiiiii'f. 


DtJMIIUEBAT.   ÉDITEPR,   BUK  RICHEI.IKU,  53 


27'   Livraison. 


/    \\  j  fr)? 


ro:SDlTIO>S  DK  LA  S01SCRIPTI0\.  —  La  Revue  comiqve    to 
0  centimes.    Le  premier  Tolume,  composé   des   i5  premières  I 
second  voUime  parait  en  livraisons.  Oo  souscrit,  i-our  ce  \olumi 


1  deux  volumes  gr.nrd   in-S",    publiés  en  nO  livraiso  s  à  30  cenlimes.  par  la  poste 

,-clieve  le  28  arrH  1849.    Prix  de  ce  volume  :  7  fr.  50  c„  par  la  posi»  10  fr.   Le 

paykbt?  fr.  OU  c.  pour  Paris,  et  10  fr.  pour  les  départements. 


Le  premier  volume  de  la  Revie  couiqce,  renfermnnt  environ  .500 caiicalurcs  politiques,  esl  orferl  moyennant  5  fr.  aux  nouveaux  souscripteurs 
lui  n.iveront  la  souscription  au  tome  2.  .\insi,  en  iiavain  12  fr.  5u  c.  pour  Paris,  el  17  fr.  50  c.  pour  les  départcmenls  (y  compris  2  fr.  aO  pour 
te  port  franco  du  volumel,  on  reçoit  immediatemriit  le  premier  volume,  puis  successivement  les  livrai'oiis  du  second.  Les  demandes  des  ile- 


parlemenls  doivent  ^ire  accompagiicos  .l'un  mandai  sur  la  posle  â  l'urdc  de  M    1 


AUX  SOUSCBJtPTEOaS  DE  tA  BEVUE  COMIQUE 

I  e  premier  feuillet  de  -haciuc  livraison,  reproduisant  uniforinémeut  le  dessin  de  la  couverture,  doit 
être  enlevé  à  la  brochure.  -  Alin  de  varier  le  verso  de  ce  premier  feuillet,  sans  toutefois  y  insérer  nen 
d'important,  dont  la  suppression  aurait  queUpie  inconvénient,  ce  verso,  à  raveu.r,  sera  occupe  par  la 
crre^pondance  de  la  Revue,  par  des  annonces  drolatiques,  ou  quelque  autre  sujet  accessoire  en  dehors 
de  notre  cadre;  de  telle  sorte  que  lorsque  les  souscripteurs  réuniront  en  volumes  la  collection  des  livrai- 
son.^ ce  feuillet,  enlevé,  ne  supprimera  aucune  partie  intéoraute  de  rouvrage.  Le  dernier  feuillet  de  la 
coum-ture,  formant  la  dernière  et  ravant-dcruière  page  de  chaque  livraison,  devra  être  relié  avecTou- 
vra"-e  complet,  dont  il  ne  peut  être  détaché. 


AU  ROI  DE  P£USSE. 

i  '  _j:iace  de  kBo,ui3. 


U-  pr,-mier  volume  de  la  Rerw  Comique,  renfermant  environ 
500  caiiciilures  iio;iliiiues,  est  offea  moyennant  5  Ir.  aux  noii- 
veaux  sciiscnoteurs  qui  p^iyeroni  la  sous.-nrii^n  au  lome  .2 
Ain.i,  en  payant  12  fr.'  50  e.  pour  Pans,  et  17  fr  50  c.  pour  les 
déparlemenls  (y  compris  '2  fr.  50  c.  pont  le  |.oci  Irani-o  du  vo- 
lume! on  recevra  immédialeinent  le  premier  volume,  puis  suc- 
cessivement les  livraisons  du  second.  Les  demandes  des  dépar- 
tements doivent  être  accompagnées  d'un  mandat  sur  la  puste  a 
l'ordre  de  M.  D.iminerav.  Messieurs  les  libraires  des  départe- 
ments 5..nt  ésdlement  prié,  d'adresser,  à  Tavenir,  leurs  man- 
dats à  l'ordre  de  M.  Dumineray,  M.  de  G.ision  etint  artuelle- 
menlj.par  suite  de  modifications  dau,  radinm.stralîon,  eatie- 
lemeLi.  étranger  à  la  Reçue  Comique 


MâNÉGE  LEBLANC, 

42,  Faubourê-Monmar'ire, 


VtîEllLMS  b'UUlllIES 

PrisFue. 


CORUESPO.VD.^NCE. 


SOCIÉTÉ  1 

BORDELAISE -BOUGUIGNONNE 

dM.Vt.a'cS'f-.a.'SH..''",  11. 


\  M.  c   C. 

nt''  N.-S.-G.,  57. 

-  Les  eveiieiiieuLs  piililiipie 

mar- 

toLrc  uriicle  se  Lrouv 

i  aujuurd'liui  llors  de  saison 

Quant 

iiix  proposition. 

que  vous  noUâ  adre 

=SC2,  elles  serout  Tobjel  d 

""  "" 

A  M.  Niv., 

à  Arras    -   Les   é 

e.liou!  parisiennes  répond 

ront  à 

voire  i.bserialiii 

11. 

A  M.  A.  Q. 

0  Paris.  —  .N'eus 

avons  reçu  voire  Dialogu 

E  d'un 

si'rgciit  /nrn 

içitts  el  de  son  inje 

rieur.  Le  cadre  esl  un  peu 
dans  la  lUVCE.  La  sepliéi 

Trime. 

esl  .i.»e..êe  la., 
leur  coiiiOel  no 

l'it   d'une  maniè.-e  llei 
is  parait  iiti'e  celui-ci 

reuse,  laiilol  forcemenl.  L 

meil- 

Cesl  du  joli  1  pour 

un  troupier. 

Tu  pa.les  eu  jes 

Ile; 

Nuus  alleu.-  faire  ui 

be.iu  inelier, 

Melire  le  dial.le 

en  luile; 

Au  lieu  de  l.iml 

ours. 

Otiu'  les  discou 

> 

mm  iti  soiR 

d'octobre  a  avril. 

SÉANCES    POCB     LBS     DÀHES 

de  II  h.  \lih  2  h. 


COfflESTIBLES. 

Polel-ChcL-'.,  r.  Vr.'ismie,  27 
Primeurs     •^  ^     Couscrv.s 


En  fait  de  i 
No 


de  la  Trappe  ; 


Que  les  soldais  du  Pape  ! 
A  M.K....CU,  ù  Loc-Muiia-Ker  {Morbihan) 
ni  n'en  de  quêt  lieinb  ra:s< 
collet  quel  calon.  TCil  dra- 


i.  HiCî  liou  peèt  un  laïuiq  palienta-d 
liaduu  qitJl. 


BAINS  CHAUDS  DE  LA  SAMARITAINE. 


Vins  de  BoBDEACX  et  de  BotRi'OG:<E, 

i  39,  iu  et  511  cent,  la  bout. 

110.    150   el    HO    francs  la    piice. 

Vins  SOPBRIBCRS  à  50  el  75  c.  la  bout. 

175  4  Î05  fr.  !..  pièce. 
Vi!is  ri!i»  de  I  à  6  froBcs  la  bouteille. 


de  toutes  espèces. 

Bateau  sur  la  Seine,  quii  de  l'Ecole,  près  le  Pont-Neuf, 


^,.^ „„.  __  lèles  chautesll! 

Chci  l'inventeur,   M.   Leopotn   LoB, 

cbimiste,  rue  Saiiil-Honoré,  281. 

Flacons  i  3  et  10  fr.  En  prenant  poui 

10  fr..  on  reçoit  paixco. 


JÏ^hSi     PLEYELETC" 


OBmfi  CUOll 

de 

PIAXOS 

de 
W  1.  le.  seore.. 


Suctaisilti 
I  lïÀim  tl  i  LiUt. 


pi.%:\o  uuuii 


MARIAGES. 


Mon. 


DiKC'iiÉrioM 


UIStCUCTIOM 


Magasin  rue  (^rangc-Baiellère,  I. 


ih,  rue  d'Engltleii.   affrauchli-.j 


•  ..'...a.  I..  1  âiiiiiiKs  Kl  f'iiur.  rue  DuinieUe,  -. 

Tire  aut  presse,  iiiecaiiiqiiei  de  LALiiAlii'i-.  kii-iimi. 


LES  MILLE  ET  UNE  PEURS  DE  M.  HÉAC  DE  LA  JOBARDIÈRE 


PENDANT    LA    SEMAINE    Qll    VIENT    DE    S  ECOULER. 


—  Toinon,  s'écria  M.  Réac  de  laJobardière,  en  ren- 
trant chez  lui  d'un  air  effaré,  fermez  les  portes  et  les 
fenêtres.  Allons  vite,  est-ce  fait? 

—  On  y  va,  net'  maître,  on  y  va  ! 

—  Si  on  sonne,  gardez-vous  d'ouvrir.  Donnez-moi 
mes  rasoirs. 

—  M'sieu  s'est  fait  la  barbe  ce  matin. 

—  C'est  pour  raser  mes  moustaches. 

—  M'sieu  sait  bien  qu'il  n'en  a  pas. 

—  Je  ferai  tomber  mes  favoris. 

—  M'sieu  n'en  a  jamais  porté. 

—  C'est  égal,  il  faut  que  je  me  déguise.  Ah!  Toinelle, 
il  me  vient  une  idée!  vite,  déshabillez-vous. 

—  Mais,  m'sieu. 

—  Je  me  déguiserai  en  cuisinière.  Refuseriez-vous 
de  sauver  votre  maître,  Toinon  ! 

—  Mais  qu'y  a-t-il  donc,  not'  maître;  qu'y  a-t-il 
donc  ■? 

•^  Il  y  a  ime  coalition  organisée  pour  renverser  le 
ministère  sur  la  question  italienne;  le  ministère  ren- 
versé, on  s'attaquera  au  président  lui-même.  Les  anar- 
chistes n'attendent  plus  que  ce  moment  pour  relever 
les  barricades  de  juin.  C'est  M.  Léon  Faucher  qui  l'a 
dit  à  un  représentant  de  mes  amis.  Nous  sommes 
perdus,  la  chose  est  sûre.  Mon  nom  me  désigne  d'avance 
aux  vengeances  du  comité  de  salut  public.  Toinette, 


prête-moi  tes  habits,  je  quitterai  Paris  en  costume  de 
femme.  Ah!  Toinon,  il  est  trop  tard. 

—  Pourquoi  donc,  not'  maître? 

—  Entends-tu  ces  cris? 

—  Parbleu  ! 

—  On  proclame  sans  doute  les  suspects;  écoute  si 
mon  nom  n'est  pas  sur  la  liste. 

C'est  Pierre,  votre  vendeur  habituel,  qui  crie  les 
numéros  de  la  Patrie,  n'entendez-vous  pas?  Tenez  : 
«  Achetez  la  Patrie,  résultat  du  vote  de  l'Assemblée  ; 
«plus  de  deux  cents  voix  de  majorité  pour  le  ministère; 
«  achetez  la  Patrie,  achetez  !  » 

—  Dieu  soit  loué  !  s'écria  M.  Réac  de  la  Jubardière, 
la  coahtion  est  vaincue;  nous  pouvons  dormir  tran- 
quilles celte  nuit.  La  France  est  sauvée  ! 


II 


—  Toinon,  mon  enfant,  approchez. 

—  Me  voici,  m'sieu. 

—  .\i-je  toujours  été  pour  vous  uu  bon  maître? 

—  Oui,  m'sieu. 

—  .Vvez-vous  quelque  chose  à  me  reprocher? 

—  Non. 

—  Vous  ai-je  toujours  tidèlement  payé  vos  gages? 

—  Oh  I  oui,  m'sieu. 

—  Eh  bien  !  Toinette,  levez  la  main. 


16 


REVUE  COMIQUE 


—  La  v'ia. 

_  Jurez  maintenant  que   vous  ne  me   dénoncerez 


pas. 

Je  le  jure,  foi  d'honnête  lille. 

_  Fort  bien.  A  présent  je  vais  soulever  cette  tapis- 
serie et  ouvrir  une  porte  secrète;  ceci  fait,  je  m'nitro- 
dnirai  dans  une  cachette  que  j'ai  fait  pratiquer  dans  le 
mur.  Vous  viendrez  tous  les  jours  m'apporter  de  4110. 
manger.  Si  quelqu'un  vient,  vous  direz... 

Que  m'sieur  est  sorti  t 

—  Cela  ne  suffirait  pas. 

—  Qu'il  est  en  voyage? 

—  Mieux  que  cela.  Tu  diras  que  je  suis  mnrt  du 
choléra.  Avant  d'entrer  dans  ma  cachette  j'éprouve  un 
besoin.   Toinon,  il  faut  que  je  te  bénisse  ;  tiens  je  te 

bénis.  . 

—  Ahl  ah!  ah!  ah!...  quoi  qu'il  y  a  ddiic,  qu  U 
faut  que  m'sieii  me  bénisse  et  qu'il  suit  mnrl  du  clio- 

léra? 

_  Ne  pleure  pas.  Tonton,  ne  pleure  pas ,  tes  larmes 
pourraient  être  un  crime  aux  yeux  de  nos  tyrans,  lu 
veux  savoir  ce  qui  arrive  '? 

—  Oui,  nol'  maître. 

Tu  sais  bien  ce  grand  ministre  pour  lequel  je  t'avais 
recommandé  de  prier  matin  et  soir. 

—  M.  Léon  Faucher"; 

—  Lui-même,  ïomette,  lui-même.  11  vient  d'être 
obli-é  de  donner  sa  démission.  C'en  est  fait  du  gouver- 
nem'ent,  c'en  est  fait  de  la  famille,  c'en  est  fait  de 
la  propriété,  c'en  est  fait  de  la  société  tout  entière; 
l'anarchie  a  triomphé;  lui  seul  retenait  le  torrent.  Ah  . 
ciel  !  Ah  !  grand  Dieu  !  que  viens-je  d'entendre? 

—  Quoi  donc  ? 

_  Ce  n'est  rien,  j'avais  cru  entendre  une  explosion. 
Faucher  parti,  quoi  d'étonnant  que  la  société  secrMe 
des  bombardeurs  se  livrât  à  ses  exercices?  Tu  as  lu  la 
Ga-Ptte  des  Tribunaux,  Toinon,  et  tu  sais  que  les  éter- 
nels ennemis  de  l'ordre  se  sont  organisés  en  une  foule 
de  sociétés  secrètes. 

«  Nous  avons  d'abord  la  société  des  bombardeurs, 
destinée  à  faire  sauter  les  principaux  édifices. 

«  U  société  secrète  des  brûleurs,  qui  se  propose  d  in- 
cendier les  études  de  notaires,  d'avoués,  d'huissiers, 
les  archives,  le  registre  des  hypothèques,  en  général 
tout  ce  qui  renferme  des  titres  de  propriété. 

a  U  société  secrète  des  fusiUeurs,  dont  le  but  est  de 
fusiller  tons  ceux  qui  ne  partagent  pas  le=  idées  de 
M.  Cabet  ou  Pierre  Leroux. 

a  La  société  secrète  des  pilleurs. 
a  la  société  secrète  des  égorgeiiis. 
a  La  société  secrète  des  étoiilVeurs. 
a  La  société  secrète  des  empoisonneurs. 
a  Lesquelles  reçoivent  le  mot  d'ordre  il'nn  gouver- 
nement qui  porte  le  nom  de  :  Comité  d'exterminalion 
générale. 

«  Je  dois  être  désigné  aux  vengeances  de  ce  comité 


comme  ami  d'un  ami  de  M.  Léon  Faucher.  On  frappe 
à  la  porte  ;  vite  dans  ma  cachette  ,  et  toi ,  Toinon,  ne 
manque  pas  de  dire,  aux  sectionnaires  qui  vont  se  pré- 
senter, que  je  suis  mort  du  choléra.  » 


III 


—  Paii,  p;in,  p:iu. 
_  Qui  va  là  ■; 

C'est  moi,  m'sieu.  Je  vous  apporte  votre  déjeuner 

et  vos  journaux;  avez-vous  bien  dormi  dans  votre  ca- 
chette? 

Dormir,  Toinettel  comment  veux-tu  qu'on  dorme 

dans  des  temps  pareils.  Cris,  tumulte,  explosion,  voilà 
ce  que  j'ai  entendu  toute  la  nuit.  Personne  ne  s'est 
présenté,  Toiiietle? 

—  Non,  m'sieu.  Attendez,  si... 

Des  hommes  avec  une  carmagnole  et  une  casquette 

en  queue  de  renard. 

—  Non,  un  individu  qui  portait   une  veste  en  ve- 
lours vert;  il  tenait  un  papier  à  la  main. 

Sans  diuite  un  huissier  du  tribunal   ré\olution- 

nrire  :  que  lui  as-tu  dit,  Toinon? 

Que  vous  étiez  mort  de  choléra,  not'  maître. 

\  merveille.  Es-tu  descendue  dans  la  rue,  Toi- 

netle? 

P.irdine,  comme  tous  les  matins. 

lu  a  vu  sans  doute  une  cioix  ronge  au-dessus  de 

la  porte. 

—  Non,  iirsieii. 

Klle  doit  V  être  pourtant.  Je  ne   puis  manquer 

d'avoir  été  désigné  à  leur  fureur.  Ils  viendront  tout  à 
rheiire  faire  une  visite  domiciliaire  ;  lisons  mon  journal 
en  attendant.  Que  d'horreurs  il  doit  contenir!  Je  vais 
apprendre  que  ce  mallieuivux  Léon  Faucher  a  été 
massacré  par  unv  populace  eu  délire,  et  que  sa  tête, 
placée  au  houl  d'une  pique,  a  été  promenée  dans  tout 
Paris.  Ali  !  ciel  .Toiiiou  I 

—  Quoi  ipril  \  a.  nol"  maître? 

—  Sais-tu  lire? 

Pargué,  vous  le  savez  bien. 

Lis-moi  le  nom  qui  e-^t  au  li;is  de  cette  lettre. 

—  Denjoy. 

Je  ne  m'étais  pas  trompé!  Lis  la  lettre  tout  en- 
tière, Toinette;  qui  aurait  jamais  cru  que  les  choses 
tourneraient  ainsi! 

.41  iitiiM.TF.rii  F.N  iiiKF  IM   Jdurniil  '/(•.-.■  Ilélints. 

(I  Monsieur, 

«Nous  avons  sacrilié  Léon  Faucher  aux  rancunes  de 
ses  adversaires  et  des  nôtros  ;  c'est  une  infamie  ! 

uM.  Léon  Faucher  est  l'homme  le  plus  liontiéte,  le 
ministre  le  plus  pur  qui  soit  au  monde. 


BÉVE    D  UN    HEACTIONNAIRE. 
Nouveau  Louis  XIV  entrant  tout  botté  et  éperonné  dan»  le  parlement 


Ce  qu'on  désire. 


Frein  gouvemcmenul. 


Ce  qui  pourrait  bien  arriver. 


Detsiné  par  Nadard. 


GraTé  par  BArLAST. 


IS 


REVUE  COMIQUE. 


a  On  ne  peut  lui  roproclier  que  de  trop  grands  scru- 
pules. 

aLa  constituliou  ne  défend  nullement  d'envoyer  des 
dépèches  télégraphiques  dans  les  départements  et  de 
faire  connaître  aux  électeurs  le  vote  de  leurs  représen- 
tants. 

a  Pour  moi,  loin  de  blâmer  M.  Léon  Faucher,  je  le 
loue  formellement,  et  je  demande  pour  lui  une  récom- 
pense nationale,  bien  décidé,  quoi  qu'il  arrive,  à  rester 
son  tidèle  Greppo  pour  la  vie. 

9  Oenjoy.  » 

—  Puisque  le  Journal  des  Débats  insère  de  pareilles 
lettres,  c'est  la  preuve  que  le  pays  n'est  point  complè- 
tement livré  aux  mains  des  terroristes  comme  je  le  crai- 
gnais. Toinon,  vite  ma  douillette,  il  faut  que  j'aille 
prendre  un  peu  l'air  et  me  remettre  des  alarmes  de  la 
nuit. 


IV 


—  Ce  cher  Mufflambert. 

—  Ce  digne  Piéac! 

—  D'où  sortez-vous  donc. 

—  De  chez  moi,  parbleu. 

—  Quelles  nouvelles? 

—  L'intérieur  ne  va  pas  trop  mal,  mais  rextérieur.. 

—  Vous  voulez  parler  de  l'expédition  d'Italie. 

—  Précisément,  mon  cher  Réac,  précisément. 

Croyez-vous  que  nous  ne  viendrons  pas  à  bout 

d'une  poignée  de  brouillons,  surtout  si  nous  sommes 
appuyés  par  les  Napolitains  et  les  Espagnols? 

—  On  dit  qu'Oudinot  n'est  pas  très-fort. 

Mais  Gonzalve  de  Cordoue,  qui  commande  les 

Espagnols,  est  un  grand  capitaine.  Il  a  fait  investir  la 
ville  du  côté  du  généralife,  et  il  s'est  déjà  emparé  de 
l'Âlhambra,  malgré  une  vigoureuse  sortie  des  Abence- 
rages  de  Garibaldi.  Les  Maures  républicains  seront 
chassés  de  Rome,  et  leur  roi,  Ben-Mazzini,  ne  tardera 
pas  à  tomber  entre  nos  mains. 

—  Et  les  Hongrois? 

—  Est-ce  que  ça  existe,  les  Hongrois?  Lu  Journal  des 
Débats  affirme  que  Kossuth  est  un  mythe.  S'il  n'y  a 

que  les  Hongrois  pour  renverser  l'Autriche Ce  n'est 

pas  l'extérieur  qui  me  préoccupe,  c'est  l'intérieur. 
Heureusement  que  nous  n'avons  pas  trop  à  nous 
plaindre  de  ce  côté;  avez-vous  lu  la  magnifique  lettre 
de  M.  Denjoy  en  faveur  de  M.  Léon  Faucher? 

—  Non. 

—  Lisez-la;  elle  vous  prouvera  mieux  que  toute 
autre  chose  les  progrès  qu'ont  accomplis  les  idées  d'or- 
dre et  de  modération.  Après  une  telle  manifestation  , 
il  n'est  plus  permis  de  douter  du  triomphe  définitif  de 
la  raison  en  France.  Demandez  plutôt  au  citoyen  Trot- 
tenville  qui  s'avance. 


—  Messieurs,  tout  est  perdu. 

—  Que  se  passe-t-il  donc,  mon  cher  Troltenville? 

—  Croyez-moi,  mon  cher  Réac,  et  vous  aussi,  mon 
cher  Mufflambert,  il  n'y  a  pas  un  instant  à  perdre,  fi- 
chez le  camp,  émigroz.  Il  y  aura  des  vengeances  terri- 
bles. Les  rouges  triomphent.  Vous  savez  sans  doute  la 
nouvelle? 

—  Quelle  nouvelle? 

—  Boichot  est  nommé. 


VI 


—  Ah  !  ma  pauvre  Toinon  !  Ah  !  si  tu  savais,  Toi- 
nette! 

—  Qu'avez-vous  donc  encdie  ,  nul'  maître?  Vous 
voilà  pâle  comme  un  déterré. 

—  Tu  sais Boichot? 

—  Eh  bien? 

—  Il  est  nommé!  L'armée  va  se  mutiner  et  procla- 
mer Greppo  empereur  :  nous  serons  obligés  de  vivre 
sous  le  règne  de  Greppo  1"'.  On  va  ordonner  une  levée 
en  masse,  et  nous  partirons  tous  pour  la  campagne  de 
Russie.  J'irai  là-bas  m'endormir  sous  la  neige,  et  le 
tambour  ne  me  réveillera  plus. 

—  Mais,  m'sieu  ,  vous  pouvez  acheter  un  rempla- 
çant. 

—  C'est  vrai,  Toinette,  je  puis  acheter  un  rempla- 
çant. Je  vais  de  ce  pas  me  faire  inscrire  dans  les  bu- 
reaux d'une  compagnie  d'assurances.  Merci ,  Toinon  , 
c'est  ton  idée  qui  m'a  sauvé. 


Vil 


—  Déjà  rentré,  not'  maître? 

—  Toinon....  Toinelte  !.... 

—  Pourquoi  tremblez-vons  ainsi? 

—  Il  est  nommé  ! 

—  Boichot?  vous  le  saviez  déjà. 

—  Pire  que  Boichot. 

—  Qui  donc? 

Ledru-RoUin.  Nous  voilà  revenus  au  temps  des 

circulaires.  Louis  Blanc  rentrera  bientôt  au  Luxem- 
bourn-.  Les  chefs  du  gouvernement  vont  se  gorger  de 
sang  et  d'ananas  ;  on  va  faire  de  la  purée  d'aristocrates 
et  des  compotes  de  bourgeois,  qu'on  servira  dans  leurs 
festins. 

—  Mais,  not'    maître,    M.   Tbicrs  aussi  jjcut  être 
notnriu'. 

—  C'est  vrai. 

—  VA  M.  Mole  pareillement. 

—  En  effet. 


A  I/USACE  DES  GENS  SI;;UIF:IIX. 


10 


—  M.  TliiiTs  (>t  M.  Mule  sont  bien  plus  qup  siiffisaiil-' 
pour  ('iiip("'(lu'i-  I!nl(liiit  de  |)mcl.itii(>r  Ciicppo  I"'  cl 
I.i'dni-Unlliii  lii"  fiiic  (■niili'flioiiMiM'  lii'-;  piui'i's  d'.ii-is- 
Incratcs. 

—  C.i'ilt'  liilo  l'sl  (k'cidi'iiienl  ploiiio  de  sens,  loi- 
iicltc.  Ion  liiisonncnicnt  me  iMssme;  je  vais  de  ce  pas 
sur  la  place  de  ri!o(cl-de-Villc  entendre  proclanier  le 
résultai  définitif  des  élections. 


vm 


—  Où  courez  vnns  ainsi,  mon  rliei'  monsieur  Héac 
de  la  Jobardicre? 

—  Et  voMs,  mon  brave  monsienr  narbaiicliir  ? 

—  Je  cours  au  bureau  de  mon  journal  pour  deman- 
der la  mise  en  accusation  du  coinilé  de  la  l'iie  de  l'oi- 
liers.  C'est  sa  cou.pable  incurie  qui  a  perdu  la  F''rance. 
Vous  avez  souscrit  pour  la  propagande  anti-socialiste? 

—  J'ai  donné  deux  francs  cinquante  centimes. 

—  Vous  avez  donc  le  droit  d'exiger  un  rendement 
décomptes,  l'ourquoi  le  comité  n'a-t-il  pas  pulilié  ma 
brocliure  ? 

—  Vous  aviez  donc  fait  une  brocbure? 

—  Dans  Ia([uelle  je  pulvérisais  le  parti  socialiste. 
L'apparition  de  celle  brochure  aurait  singulièrement 
modilié  le  résultat  des  élections.  Le  parti  modéré  tout 
entier  s'est  conduit  comme  un  seul  cuistre  dans  cette 
affaire.  Il  m'a  refusé  cent  cinquante  misérables  francs 
de  mon  travail.  Aussi,  voyez  ce  qui  arrive. 

—  Qu'arrive-t-il  donc? 

—  Boichot  est  nommé, 

—  Je  le  sais  ;  mais  M.  Thiers  aussi. 

—  Ledru-Rollin. 

—  L'élection  de  M    Mole  fait  compensation. 

—  Ni  Thiers,  ni  Mole,  ni  Bugeaud  ne  figurent  sur 
la  liste. 

—  0  ciel  ! 

—  A  la  place,  mettez  Félix  Pyat,  Pierre  Leroux, 
Considérant,  etc.,  etc.,  etc.  Dix  socialistes  ont  été 
nommés. 

—  Grands  dieux  ! 

—  Ht  pour  comble  d'abomination,  Cavaignae  aussi. 
Voilà  ce  que  c'est  que  de  n'avoir  pas  fait  imprimer 
ma  brocliure. 


1\ 


—  Oui,  not'  maître. 

—  Eii  bien  !  ce  comité  est  un  infâme  I  Qu'a  t-il  fuit 
des  deux  francs  cinruante  renlirnes  (|ue  je  lui  aval» 
conficîs  pour  défendre  la  société,  la  famille  et  la  reli- 
fçiou?  Uien.  Il  n'a  pas  métiu!  publié  la  brochure  de 
lîiiibatichu,  qui  devait  pulvériser  le  socialisme. 

—  Ah  1  bail! 

—  C'est  comnu!  j'ai  l'honneur  de  te  le  dire,  Toinon  ; 
ils  ont  refusé  la  brochure  de  Barbanchu  ;  aussi,  c'en 
est  fait,  les  socialistes  l'emportent.  Demain,  aujour- 
iriiui,  tout  à  l'heure  peut  être,  ils  viendront  ici. 

—  Pourquoi  faire,  not'  maître? 

—  Pour  me  prendre  tout  ce  que  je  possède,  et  se  le 
partager  ensuite,  les  infâmes!  Quant  à  toi,  ma  pauvre 
Toinelte... 

—  F,st-re  ((u'ils  vicndiMiit  me  ])artagor  aussi? 

—  Ces  gens-là  ont  un  i-lirT  ([n'ils  apprllciil  le  Pro- 
phète. 

—  Ensuite? 

—  On  te  conduira  devant  lui. 

—  Après? 

—  Comme  tu  es  jeune,  fraîche,  jolie,  il  t'épousera. 

—  Tiens,  tiens,  liens. 

—  Pauvre  innocente!  apprends  que  le  Prophète  a 
trente  femmes;  que  dis-je,  trente!  autant  cpiil  peut 
en  é|)Ouser  ;  tu  seras  peut-être  la  cent  cinfpianlième. 
Mais  il  me  semble  qu'on  sonne,  Tomelte. 

—  El  d'une  jolie  force  encore,  not'  maîlre;  mais 
comme  c'est  le  Prophète,  je  n'ouvrirai  pas,  je  ne  veux 
pas  être  sa  centième,  ni  sa  vingtième,  ni  sa  dixième 
femme  ;  qu'il  sonne  tant  qu'il  voudra. 

—  Si  tu  n'ouvres  pas,  ils  enfonceront  la  poi-te. 

—  Qu'ils  l'enfoncent. 

—  Dans  leur  fureur,  ils  nous  massacreront.  Les  en- 
tends-tu taper  du    pied;  ils  s'iinpalienlent.  Ciel!  je 

crois  que  la  porte  cède  à  leurs  efforts....   Les  voilà 

ma  dernière  heure  est  arrivée. 


—  Eh  bien,  Toinon,  qucsignifu'nt  ces  retards;  pour- 
quoi ne  m'ouvrez-vous  pas? 

—  Vous  n'êtes  pas  le  Prophète? 

—  Ne   reconnaissez-vous  donc  pas  ma  voix.   C'est 
moi,  Athanase  Patochon,  le  neveu  de  mon  oncle. 

—  Alors  c'est  diffcrent,  entrez. 


\l 


—  Toinette,  mon  enfant,  vile  un  verre  d'cin  et  un 
siège;  mes  jambes  fléchissent. 

—  Que  se  passe-t-il  donc  encore?  i       — Ciel!  que  vois-je  !  mon  oncle  étendu  sur  le  ca- 

—  Tu  sais  quelle  confiance  j'avais  dans  le  comité  de       napé. 

la  rue  de  Poitiers?  I        —  Tapez-lui  dans  les  mains. 


—  C'est  une  attaque  de  choléra. 

—  Non  c'est  une  attaque  de  peur;  il  vous  a  pris 
pour  le  prophète  des  socialistes. 

—  Moi,  Alhanase  ratochon. 

—  Vous-même. 

_  Décidément,  mon  oncle  est  plus  malade  que  je 
ne  croyais.  Frottons-lui  les  tempes.  Mon  oncle!  Mon 

oncle! 

—  Eloigne-toi,  abominable  Proudhon. 

—  Je  suis  Âthanase 

—  Va-t-en,  affreux  Considérant. 

—  ...  Patochon 

—  Ne  me  touche  pas,  Pierre  Leroux. 

—  Voli'e  neveu.... 

—  Vous  me  parlez  de  mon  neveu  !  Partagez-lc-vous, 
si  vous  voulez,  mais  laissez-moi  mes  propriétés. 


—  11  ne  s'agit  pas  de  me  partager,  mais  de  me  recon- 
naître. 

—  Je  saerilie  mon  neveu  sur  l'autel  de  la  patrie, 
pourvu  qu'on  ne  me  prenne  pas  mes  capitaux.  Vive  la 
république  démocratique  et  sociale  !  Kt  ça  ira  !  ça  ira  ! 
ça  ira  ! 

— 11  extravague. 

_  Vous  ne  me  tuerez  pas ,  ô  grand  Prophète!  vive 

Babeuf! 

—  Décidément,  il  est  fou. 

—  fl  ne  tardera  pas  à  le  devenir ,  si  on  le  laisse  à 
Paris  ;  il  faut  le  conduire  à  la  campagne. 

—  Tu  as  raison,  Toinon,  nous  partirons  ce  soir. 
Fais  atteler  la  carriole. 

Nous  raconterons  peut-être  un  jour  les  aventures 
de  M.  Réac  de  la  Jobardiérc  chez  les  paysans. 


IKON...    VALCHE! 


A  i;ilSA(;h  DKS  GENS  SKIUKUX. 


LAVANT-GARDE    IIKS    COSAQIES 


MON  TKSTAMEiM", 


AVEIX    ET    CONSEILS     DINE    ASSEMBLEE   NATIONALE    SENSIBLE    ET    EliAUEE. 


Moi.  soussignée,  Assemblée  Constituante  franraise, 
en  ce  moment  près  de  ma  fin  et  saine  toutefois  de 
corps  sinon  d'esprit ,  je  déclare  que  ceci  est  mon  tes- 
tament. 

Élue  par  un  sufîrage  universel  qui  nous  arrivait  peut- 
être  un  peu  trop  tôt  pour  savoir  bien  se  servir  de  lui- 
même,  je  fais  amende  honorable  pour  les  faulesque  j'ai 
pu  commettre  et  le  dommage  que  j'ai  pu  causer  ;  décla- 
rant que,  si  j'ai  cru  devoir  si  souvent  plier,  c'était  pour 
ne  pas  rompre,  et  que  si  je  me  suis  trompée  ainsi  bien 
des  fois,  ce  dont  je  me  repens  avec  amertume  aujour- 
d'hui, c'était  en  bonne  intention  et  sans  penser  à  mal. 
Je  laisse  à  ma  fille,  la  Législative,  le  soin  de  réparer  mes 
fautes  et  d'accomplir  ainsi  mes  dernières  volontés. 

Je  lègue  au  pays  un  budget  à  bien  peu  de  chose  près 
monarchique,  n'ayant  pas  eu  le  courage  de  tailler  dans 
le  vif  et  révolutionnairement.  La  France  aura  donc  à 
payer  cette  année  ,  par  ma  faute,  la  liste  civile  de 
1,200,000  fr.de  M.  Bonaparte,  le  petit  entretien  de  sa 
maison  et  autres  menus  profits,  sans  compter  ce  que  ce 


citoyen  peut  gagner  par  sa  petite  industrie  particulière. 
J'aurais  pu  diminuer  les  charges  si  lourdes  du  pays,  et 
exiger  au  moins  que  les  quelques  petites  économies  des 
commissions  portassent  sur  les  gros  traitements  et  non 
sur  les  petits  employés.  Mais  j'ai  eu  peur  de  contrarier 
le  gouvernement  qui  me  faisait  grand'  peur  de  la  Répu- 
blique rouge.  C'est  le  gouvernement  qui  m'a  perdue,  et 
c'est  par  lui  que  j'étais  destinée  adonner  au  monde  cet 
étrange  et  nouveau  spectacle  d'une  fille  née  honnête, 
qui  se  laisse  séduire,  qui  cède  à  son  suborneur  et  que 
l'on  viole.  Je  n'ai  pour  excuse  que  mon  repentir,  l'œil 
si  languissant  de  M.  Tracy  et  la  petite  bouche  si  appé- 
tissante de  Barrut,  le  plus  beau  des  enfants  des  hommes; 
et  puis,  comme  il  portait  crânement  le  costume  mili- 
taire, ce  président  tant  joli,  avec  son  amour  de  nez  à  la 
Roxelane...  Mais  n'appesantissons  point,  dans  ce  mo- 
ment solennel,  notre  pensée  sur  ces  souvenirs  enivrants, 
et  continuons  nos  pénibles  aveux. 

Je  regrette  de  toute  mon  âme  et  de  toutes  mes  forces 
d'avoir  donné  tort  au  citoyen  Billault,  qui  voulait  me 


REVUE  COMIQUE 


faire  examiner  le  budget  des  receltes  avant  de  passer  à 
celui  des  dépenses.  J'ai  eu  la  faiblesse  de  traiter  cette 
proposition  d'économie  élémentaire,  comme  s'il  se  fût 
a"!  de  savoir  si  c'est  la  poule  qui  fait  l'œuf  ou  l'œuf 
qui  fait  la  poule.  Ma  fille  aura  à  refaire  entièrement 
ma  besogne  budgétaire,  et  Dieu  veuille  qu'elle  s'en  tire 
mieux  que  moi  ! 

Une  fois  sur  la  route  du  vice,  on  ne  s'arrête  plu^. 
J'ai  consenti  à  tout  ce  qu'on  a  voulu  de  moi  contre  la 
liberté  de  la  presse,  contre  le  droit  d'association,  pre- 
mières conquêtes  d'une  révolution  à  qui  je  devais  tout, 
puisqu'elle  m'avait  fait  ce  que  j'aurais  pu  être.  Mais 
mon  séducteur  de  gouvernement  élait  là;  si  je  ne  cé- 
dais à  tous  ses  caprices,  cette  République  rouge,  que  je 
craignais  tant,  pouvait  s'emparer  de  lui,  du  moins  me 
le  répétait-il  toujours. —  Je  commence  à  croire  aujour- 
d'Iiui  que  cette  rivale  n'était  pas  si  dangereuse  pour 
moi  qu'il  me  la  faisait,  et  je  ne  la  vois  plus  aussi  laide 
qu'elle  me  semblait  alors.  .\près  tout,  ses  cheveux  sont 
d'une  couleur  à  laquelle  on  s'habitue,  et  c'était  peut- 
être  une  bonne  tille  avec  qui  j'aurais  pu  m'entendre. 
Je  suis  certaine,  en  tout  cas,  qu'il  excitait  à  faux  ma  ja- 
lousie, car  elle  et  lui  n'auraient  pas  fait  long  ménage. 

Mais  j'avais  l'imagination  frappée,  et  ceci  explique 
toutes  mes  fautes:— comment,  après  avoir  repoussé  le 
droit  au  travail,  je  n'ai  même  pas  assuré  le  droit  à 
l'assistance:  —  comme  quoi  je  n'ai  pas  voulu  de  l'impôt 
progressif:  —  comme  quoi  j'ai  voté  le  maintien  du  rem- 
placement militaire  :  —comme  quoi  j'ai  abandonné  tous 
les  peuples  à  qui  j'avais  promis  aide  et  soutien  :  — 
comme  quoi  j'ai  même  souffert  que  le  drapeau  Iran- 
çais  marchât  contre  eux.  Je  me  suis  laissé  maltraiter 
par  un  général  qui  sentait  la  pommade,  et  je  n'ai  pas 
même  eu  la  force  de  m'en  plaindre. 

Violentée  et  trahie  par  mon  séducteur,  vivant  au 
milieu  de  toutes  les  craintes  qu'il  me  suggérait,  j'ai  été 
assez  aveugle  pour  croire  en  lui,  même  lorsqu'il  a  voulu 
se  défaire  de  moi  par  mes  propres  mains.  11  voulait  ej 
débarrasser  d'une  assemblée  dont  il  avait  eu  les  pré- 
mices et  qui  l'ennuyait  aujourd'hui  :  il  m'a  persuadée 
de  me  suicider,  me  répétant  que  c'en  élait  fait  de  moi 
si  je  n'obéissais,  et  je  me  suis  tuée  de  peur  de  mourir. 
Il  a  poussé  la  cruauté  et  l'ironie  jusqu'à  ôler  à  mon 
suicide  tout  appareil,  toute  mise  en  scène  qui  pussent, 
sinon  l'ennoblir,  au  moins  le  décorer  :  il  a  choisi  lui- 
même  l'instrument  dont  je  devais  me  frapper,  l'instru- 
ment le  plus  ridicule  :  un  Râteau  ! 

Il  m'a  fait  cruellement  expier,  par  ses  mépris,  dans 
mon  agonie  trop  longue  encore  à  son  gré,  toutes  mes 
faiblesses  et  mon  aveuglement. 

Je  ti'ai  ouvert  les  yeux  qu'à  la  fin,  je  ne  sais  trop 
pourquoi,  et,  un  beau  jour,  j'ai  flanqué  le  petit  Fau- 
cher à  la  porte  par  les  épaules  avec  519  coups  de  pieds 
quelque  part.  Mais,  je  l'avoue  humblement,  il  ne  fau- 
drait pas  me  savoir  trop  gré  de  cette  énergie  passagère  ; 
je  n'oserais  dire  qu'elle  me  fut  inspirée  par  mes  re- 


mords et  ma  honte Tout  simplement,  j'avais  tou- 

joiu-s  détesté  ce  petit-là  parce  qu'il  était  laid,  et  qu'il 
ressemblait  tous  les  jours  davantage  à  un  tirebouchon. 
Ici  se  termine  cette  pénible  confession.  Si,  par  l'aveu 
de  mes  fautes,  et  parle  repentir  amer  qui  me  dévore 
aujourd'hui,  j'ai  pu  mériter  quelque  compassion,  je 
lègue,  à  tous  les  bons  citoyens,  le  soin  de  faire  grandir 
et  d'élever  ma  lille  légitime,  la  Législative,  qui,  au 
moins,  j'emporte  cette  consolation,  ne  portera  pas  dans 
le  monde  le  nom  tristement  célèbre  de  sa  coupable 
mère. 

Si  ma  fille  veut  m'en  croire,  elle  ne  s'abusera  pas 
sur  le  pouvoir  (|ue  lui  crée  sa  majorité  probable.   Ce 
ne  sont  pas  les  minorités  qui  perdent  les  assemblées, 
mais  les  majorités.  Qu'elle  se  dise  bien  que  cette  ma- 
jorité est  plus  apparente  que  réelle.  J'ai  eu  le  tort  d'a- 
vancer quelquefois  sur  le  pays  ;  qu'elle  ne  se  donne  pas 
celui,  plus  dangereux  mille  fois,  de  retarder  sur  lui. 
Qu'elle  n'attende  pas  pour  marcher  que  le  peuple  se 
mette  avec  ses  gros  sabots  sur  ses  talons;  qu'elle  laisse 
de  temps  en  temps  ouvrir  la  soupape  de  sûreté  qu'on 
nomme  le  progrès,  sinon  la   machine  pourrait  bien 
éclater.  Qu'elle  se  débarrasse  de  Changarnier  au  plus 
vite:  Changarnier  n'est  autre  chose  qu'un  Faucher  pom- 
madé. Qu'elle  fasse  fondre,  dès  qu'elle  le  pourra,  dans 
un  verre  d'eau,  ce  petit  bâton  de  sucre  d'orge  qui  porte 
le  nom  de  Thiers.  Pour  peu  qu'elle  tienne  à  vivre  ses 
trois  ans  et  à  mourir  dans  son  lit,  qu'elle  renvoie   à 
ses  moutons  et  à  ses  électeurs  de   Seinc-ct-Marnr, 
M.  Drouin  de  Lhuys,  cet  inepte  meurtrier  de  l'Italie, 
le  Faucher  de  l'étranger.  Qu'elle  serre  Buffet  dans  une 
vieille  commode  ;  qu'elle  fasse  etnpailler  .Mole,  ([u'cllc 
paie  une  soutane  neuve  à  M.  de  Falloux  et  à  M.  de 
Montnlembert,  et  les  dépêche  à  Fribourg,  patrie  des 
jésuites.  Que  si  elle  aie  malheur  de  retrouver  Deiijoy 
sur  ses  bancs,  elle  ait  l'espiit  de  le  forcer  à  parler  et 
non  pas  à  se  taire  ;  qu'elle  se  modère  enfin  par  son  côté 
rouge;  que  si  le  président  delà  ré[)uhlique  lui  écrit 
de  la  même  encre  qui  a  servi  à  écrire  à  son  premier 
ministre  de  l'intérieur  et  à  Oudinot,  elle  lui  apprenne, 
dès  le  début,   qu'un  président  n'est  pas  un  maître  ; 
qu'elle  crie  Vive  la  république  de  temps  en   temps; 
que  Dieu  la  protège,  etc.,  etc. 

Je  lègue  à  ma  fille  mes  vingt-cinq  francs  par  jour 
et  l'exemple  de  la  façon  dont  je  les  ai  consacrés  unique- 
ment à  ma  personne  :  car  il  n'est  |)as  d'exemple  que  j'en 
aie  fait  un  seul  jour  l'abandon  pour  secourir  les  pauvres 
ou  pour  ravitailler  quelques  cautionnements  de  jour- 
naux que  je  laissais  dévorer  par  le  fisc. 

Avec  ces  vingt-cinq  francs  que  je  lui  lègue,  ma  fille 
pourra  peut-être  faire  honneur  à  ses  petites  affaires. 
I,e  reste  est  pour  le  garçon. 

Signé,  in  extremis, 

L'Assemblée  Natiosale. 


A   I,  rsA(.l';  hl.S  CKNS  SKIilKlIX. 


23   ! 


\Mi|lnlS    M  MIIFIHFIN. 


Vieux  de  la  vieille,  flis  de  mes  œuvres  et  de 
mon  épéei  pupille  du  grand  homme,  je  me 
présente  pour  continuer  l'œuvre  du  10  décem- 
bre !  Gloirrrri'!  VietoT'rre!  Honneurrrr  !!;'.... 


1  Comte,  fils  de  comte,  ouvrier  moi-ni.m< 
me  présente  avec  confiance  au  suffrage  de 
concitoyens   » 


Nouvelle  Jeanne,  je  relève'lc  gant  que  nous 
jelé  un  sexe  usurpateur.  A'moi,  femmes!  vie 
times  d'un  abus  sacrdége,  je  vitns  redresse 
le  ficRU  de  la   labnrn.  ■■ 


A  PROPOS  DK  PANTOUFLES. 


Nos  colonies  des  Indes  viLMinent  de  nous  envoyer  leur 
représentant,  lequel  arrive  juste  au  moment  où  la  re- 
prtiscntation  Unit.  Il  n'aura  que  le  temps  d'adliérerà  la 
République  et  de  toucher  quatre  à  cinq  fois  23  francs, 
après  en  avoir  dépensé  cinq  mille  pour  son  voyage. 
Kt  ce  sera  toujours  comme  ça.,.  Quel  pénible  mandat  ! 

Il  est  vrai  que  cet  bonor^ble  représentant  nous  ap- 
porte des  nouvelles  toutes  fraicbes  de  Pondichéry,  et 
de  deux  ou  trois  autres  lieux  indous,  où  flotte  le  dra- 
peau tricolore,  sans  préjudice  des  droits  divins  de  Bra- 
ma. Il  faut  convenir  que  ces  localités  étaient  enaore 
plus  arriérées  que  nos  autres  colonies  en  fait  de  civili- 
sation. On  n'y  brûle  plus  les  veuves,  depuis  la  tragé- 
die de  M.  Lemière,  où  Larivc,  en  général  français,  ar- 
racha des  flammes  la  belle  et  tendre  I.anassa.  Mais  le 
Paria  de  M.  Casimir  Delavigne  a  eu  moins  d'influence 
sur  les  mœurs  que  la  Veuv'!  du  Malahur,  11  était  ré- 
servé à  notre  révolution  rfc  Février  de  déraciner  un 
préjugé  contre  lequel  la  tragédie  s'était  montrée  im- 
puissante. 

.\  peine  eut-on  proclamé  la  République,  qu'un  mil- 
lier de  parlas  environ,  jusque-là  plus  misérables  et 
plus  méprisés  que  les  noirs,  se  sentirent  relevés  dans 
leur  dignité  d'hommes.  Ils  conçurent  tous  immédiate- 
ment la  même  idée,  celle  de  porter  des  pantoufles  jaunes. 

On  comprend  quel  scandale  ce  fut  dans  le  pays, 
quand  les  aristos  des  quatre  castes  supérieures  aper- 
çurent deux  mille  pantoufles  jaunes  aux  pieds  impurs 
des  parias.  Jusque-là,  la  pantoufle  jaune  n'avait  fait 
connaissance  qu'avec  leurs  chausses.  Et  encore  ont-ils 
des  chausses?  —  Car  c'est  dans  tout  l'Orient  la  couleur 
dislinctive  de  la  plus  haute  condition.  Les  brames  et 
les  chatrias  ont  seuls  droit  au   marocain  jaune;   les 


veissias,  qui  représentent  ce  que  nous  apitelons  ici  la 
bourgeoisie,  n'osent  porter  que  des  pantoufles  jaunes, 
et  les  soudras  n'en  portent  pas  du  tout,  bien  que  celte 
classe  se  compose  en  grande  partie  de  ceux  qui  les  fa- 
brifiuent. 

L'émeute  silencieuse  des  parias,  se  promenant  deux 
[lar  deux  dans  les  rues  poudreuses  de  Pondichéry,  avec 
des  pantoufles  jaunes,  produisit,  parmi  les  Indous  des 
quatre  premières  castes,  une  stupéfaction  que  n'égala 
jamais  celle  des  bons  bourgeois  de  Paris,  quand  les  ga- 
mins de  la  même  capitale  se  promenaient  en  chantant  : 
—  Deslampions  !  —  des  lampions  !  —  Et  d'abord,  le  fait 
seul  de  pénétrer  dans  la  ville  était  un  sacrilège  énor- 
me :  quiconque  a  lu  la  Chaumière  indienne,  sait  que 
les  parias  ne  peuvent  habiter  que  tes  forêts...  Toutes 
les  portes  se  fermèrent;  et  les  Indous  résolurent  de  ne 
plus  sortir  de  leurs  maisons  jusqu'à  ce  qu'une  cérémo- 
nie religieuse  ei'it  puriflé  les  rues  souillées. 

Les  parias  ne  poussèrent  pas  plus  loin  leur  victoire. 
Après  avoir  planté  un  arbre  de  la  liberté  devant  la 
porte  du  gouverneur  français,  ils  regagnèrent  les  bois 
en  chantant  •  «  Mourir  pour  la  patrie  !  »  (musique  de 
M.  Varney)  ;  ce  qui  était  d'autant  plus  beau,  ([u'oii  ne 
leur  accorde  même  pas  d'avoir  une  patrie. 

Cependant,  quand  les  brames  eurent  purilié  les  rues 
en  y  répandant  de  la  bouse  de  vache  (animal  sacré), 
bien  des  idées  nouvelles  avaient  germé  dans  les  quatre 
premières  castes  de  la  population.  —  iNous  n'aurions 
pas  l'insolence  de  porter  des  pantoufles  jaunes,  se  di- 
rent les  soudras,  mais  pourquoi  n'en  aurions-nous  pas 
de  rouges,  comme  les  vessias  (les  bourgeois)?  —  Par 
Brama  !  se  dirent  ces  derniers,  il  est  bien  ridicule  que 
nous  ne  puissions  pas  au  moins  en  porter  une  jaune  et 


S4 


REVUE  COMIQUE 


une  rouge,  car  nous  tenons  au  peuple  d'un  côté  et  à  la 
noblesse  de  l'autre. 

—  Vous?  s'écrièrent  les  cliatrius  (les  noliles),  vous 
sortez,  comme  le  peuple,  des  pieds  de  Brama,  dont  les 
parias  ne  sont  que  la  poussière.  Seulement  vous  êtes 
sortis  du  pied  droit,  tandis  que  les  soudras  sortent  du 
pied  gauche.  Or,  ce  ciui  vient  des  pieds  n'a  jamais 
beaucoup  de  parfum  ! 

—  Kt  vous  donc?  répliquaient  les  bourgeois,  vous 
vous  dites  issus  de  l'un  des  bras  de  notre  Créateur,  mais 
ce  n'est  que  du  bras  gauche,  on  le  sait  bien,  puisque 
ce  sont  les  brames  qui  disent  venir  du  bras  droit. 

Tel  est,  aujourd'hui,  l'état  des  esprits  à  Pondichéry  ; 
on  voit  que  les  idées  révolutionnaires  y  font  leur 
chemin.  Plusieurs  journaux  ont  paru  déjà  pour  sou- 
tenir les  prétentions  de  chaque  caste;  on  y  raisonne 


pantoufle  en  attendant  mieux.  Un  publiciste,  de  la 
caste  des  soudras,  a  découvert  un  texte  qui  prouve  que 
les  classes  privilégiées  ont  usurpé  le  pouvoir  et  la  pro- 
priété en  vertu  d'un  singulier  titre.  Ixurs  ancêtres, 
dit-il,  se  nonnnaient  Cnllers,  et  pratiquaient  le  vol 
comme  prérogative  héréditaire.  Les  principaux  voleurs 
arrivaient  à  la  dignité  Ae  prince,  qu'ils  transmettaient 
à  leurs  enfants,  sauf  le  cas  d'indignité,  c'est-à-dire  de 
probité  accidentelle;  en  volant  ils  étaient  censés  faire 
leur  devoir,  et  user  seulement  d'un  droit  inné  (1). 

La  question  eu  était  à  ce  point,  lorsqu'est  parti 
M.  Dubreuil,  le  représentant  de  nos  colonies  des  Indes. 
—  Les  Anglais  ont  établi  nii  cordon  sanitaire  sur  les 
limites  de  nos  possessions. 


(V)  Textuel.  Voir  l'ouvrage  <li 
rinde. 


M,  J.-A.  Diibois,  «ur  les 


PAÏRIÂNA 


or  LE  MANIKI.  UES  RÉPCBLICAINS  HONNÊTES  ET  MODERES. 

1!  y  a  des  gens  que  la  lecture  de  la  Patrie  met  en  Figurez-vous,  Monsieur,  que  ces  petits  articles  si 

colère.  J'ai  un  ami  qui  ne  manque  jamais  de  dire  le  ,   spirituels,  où  il  arrive  toujours  qu'un  agent  socialiste 

matin  quand  il  descend,  en  la  voyant  chez  son  portier:  1   en  tournée  de  propagande,  se  trouve  rossé  par  des  vil- 

La  Patrie  du  matin...  chagrin!  Ça  lui  fait  l'effet  des  i   lageois,  ce  qui  fait  pousser  un   gros  éclat  de  ru-e  au 

araignées.  Moi-même,  qui  suis  un  homme  doux  et  mo-  !   journal  du  père  Delamarre  (quel  honnête  homme!...), 

déré,  il  m'est  arrivé  parfois  de  la  froisser  avec  quelque  |   ces  entre-filets   si  délicats,  ces  longs  articles  si  digérés, 

indignation.  —Mais,  depuishuit  jours ,  je  m'en  donne  tonte  cette  belle  marchandise  qui  s'appelle  coiitre-poi- 

bien  garde.  sort,—  eh  bien  !  tout  cela  sort  de  la  plume  d'un  vieux 

Je  sais  maintenant  le  dessous  des  cartes.  socialiste,  malin  comme  un  singe,  qui  est  entré    à  la 


I.A    VIE    FUBI.IQUE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    RÉAC. 

Chap.  vin,  —  Faits  et  gesles  parlemenlatTrs  de  mossieu  Rcac, 


Au  quinze  mai, 
il  commence  par  s'enfuir  à  toutes  jambes. 


Et  l'ordre  rétabli, 

il  revient  proposer  de  déclarer  par  décret 

qu'il  a  bien  mérité  de  la  patrie- 


Mais  depuis,  il  est  tellcmtnt  agité  par  les  sou- 
venirs de  cetU  journée,  qu'il  a  une  peur  atroce 
chaque  fois  que  quelqu'un  s'approche  de  fcon 
banc  ;  il  croit  toujours  que  c'est  le  pompier. 


A  i.'is\(ii;  i»i:s  (iKNs  sr.nirtx. 


2S 


léilaclioii  <ie  celte  honnùle  feuille,  où  il  leur  on  lailvoir 
do  toutes  les  couleurs.  —  <<  Je  ne  servirai  jauKiisniieux 
nioii  parti,  a-t-il  peusé,  ([ue  dans  le  camp  iiineiiii.il 
ne  s'agit  (pu- de  n'être  pas  reconnu  iiareiix.  » 

Ce  strata}i;i>rne  ingénieux  lui  a  réussi  parl'aitenu'iil, 
car  il  avait  alFaire  à  des  gens  ipii  sont  lins  iusteiiunt 
comme  un  cou|)  de  fusil.  Il  a  comiuencé  par  prendre 
un  recueil  d"(/»(/,  (|u'il  a  copié  ligne  pour  ligne  et 
vendu  à  lu  l'n/riv  à  bon  compte  ;  notez  —  et  c'est  là  le 
plus  joli  —  que  notre  socialiste  quoitiiie...  est  fort  Imu- 
nète,  et  que  cet  argent  de  la  rue  de  Poitiers  va  tout 
droit  à  la  caisse  des  amendes  du  Pnij,/i'.  Ainsi  il 
écrivait  : 

«  l'ii  plaisant  disait  à  un  autre  :  — Je  crois  que  ce 
Proudhon  est  un  ùtiinjiiigle.  — .\li  !  ali  1  répomlit  l'autre, 
vous  dites  cela  à  cause  de  sa  banque. 

tt  La  société  se  mit  à  lire  et  leur  pardonna  leur 
manque  d'usage  en  faveur  de  celte  saillie.  » 

Total  (50  centimes  les  traits  d'esprit)  :  5  lignes  à 
50  centimes,  —  2  francs  50  centimes. —  Ce  n'est  pas 
cher,    mais  c'est  payé. 

Tant  il  en  a  fait  et  fourni  de  ces  petites  machines-là, 
qui  sont  hèles  comme  des  pieds  et  insolents  jusqu'à 
l'impudence,  à  la  grande  juhilalion  de  l'honnête  ban- 
quier Delamarre  (quel  honnête  homme  !  ),  qui  trouve 
son  joiirnalle  plus  joli  de  tous,  —  que  notre  socialiste 
s'est  trouvé  bientôt  au  fond  de  son  sac. 

11  avait  épuisé  tous  les  (ma  des  quais.  En  homme 
habile  et  qui   n'attacheiait   pas  les  rédactenis  de  la 


l'nirii'  avec  des  saucisses,  il  s'est  mis  i  faire  du  Conlre- 
jiulmm  socialiste  |)ar  la  Médecine.  Il  en  fera  demain 
p. 11  la  Chiriimancie,  ou  avec  VArl  ifrlrror  dcf;  /npips^ 
.le  M.  Aciiille   Cmile. 

Aillai,  l'ai  In  hic  r  au  soii-  d.ins  ce  iDiirnal  infoi  tiillé 
ipu  ii'i  liaiill'e  le  siiilali^te  eu  (pieslinii  dan-  smi  sein  : 

«  On  >iit  qu'en  temps  d'épidémie  les  agitations  mo- 
M  raies  a|oiitcnt  beaucoup  à  l'intensité  du  mal  ;  r'psl  te 
Il  y"/  i:i/)liqiif  (|iie  la  dernière  recrudescence  du  clio- 
"  li'ia  ait  coïncidé  avec  les  inquiétiiilcs  suscitées  par  les 
Il  muges  et  parlesnionlagnards  de  l'Assemblée.  La  jour- 
ci  née  de  jeudi  dernier,  ilnns  laquellp  on  s'attendait  à 
u  une  nouvelle  prife  d'armes,  est  celle  aussi  où  il  a  été 
«  admis  le  plus  grand  nombre  de  nouveaux  cholériques 
«dans  les  liopitaiix.  On  assure  que  beaucoup  de  ces 
«  infortunés  étaient  porteurs  de  journaux,  socialistes 
«  les  plus  avancés,  ou  qu'ils  ont  avoué  quils  en  fai- 
u  sriienf  continuellement  la  lecture.  » 

J'a\  ri  comme  une  fulle  et  j'ai  reconnu  du  coup  mon 
socialiste. 

Mais  je  crains  bien  que  ce  iliable  d'homme  n'éveille 
pour  le  coup  les  soupçons  et  ne  se  fasse  licencier.  Celle- 
là  est  un  peu  trop  forte,  elle  père  Delamarre  lui-même 
(quel  honnête  homme,  grand  Dieu!  quel  honnête 
homme!)  pourrait  bien  ne  pas  la  gober.  Je  sais  bien 
que  moi  je  ne  la  goberais  guère;  mais  il  faut  dire  que, 
sans  avoir  la  malice  de  la  chenille,  je  ne  suis  pas  tout  à 
fait  aussi  liete  que  la  Patrie  en  a  l'air. 


X.A    TIE    FUBZâlQVE    ET    PRIVEE    DE    MOSSIEU    REAC. 


Aux  journées  de  juin, 

ossieu  Réac  a  la  colique  et  se  cache  dans  son  lit  le  nez,  sous  soD  oreiller; 

il  a  l'impudence  de  s'endormir  sur  le  ventre, 

et  dans  cette  position  il  rêve  que  la  republique  rouge  a  le  dessus. 


»  eiani  heureusement  retourné  sur  le  dos,  le  cauchemar  cesse,  et 
mossieu  Reac  voit  les  deux  dauphins,  le  retour  chori  de  toutes  les 
branches  de  son  choix;  il  comprend  alors  le  parti  que  les  gens  hon- 
nêtes comme  lui  peuvent  tirer  des  journées  de  juin. 

{La  suite  à  la  prochaine  îirraison.) 


26 


REVUE  COMIQUE 


Li:S  MASQUES. 


Air  dus  Missionnatres  [de  Béraiige 


Le  Dieu  malin  tlii  carnaval 

A  laissé  sur  la  lerre 
Un  dijjne  hérilier,  un  rival 

Dans  noire  niinislère. 
Au  pouvoir,  de  notre  temps, 
Ou  ne  voit  que  cbarlalaiis, 

Traîtres  couverts  de  masques, 
Vieux  hypocrites  raffiné;, 

Poltrons  coiffés  de  casques, 

Hommes  faux,  et  faux  nez! 

Que  de  brillants  et  hauts  salons 

Remplis  de  mascarades, 
Oii  le  bruit  sourd  des  trahisons 

Se  mêle  aux  sérénades; 
Un  Ton  murmure,  en  dansant, 
Certains  mots  gonflés  de  sang  ! 

On  vous  connaît,  beaux  masques. 
Vieux  hypocrites  raffinés, 

Relirez  donc  vos  casques, 

Relirez  vos  faux  nez  ! 

Dieu!  si  de  tout  ce  qui  s'y  fuit 
On  tenait  des  registres! 
C'est  d'abord  Lacrosse  et  Buffet 
Déguisés  en  ministres; 
Rulliières  en  sacristain, 
Falloux  en  républicain. 
On  vous  connaît,  beaux  masques, 
Vieux  hypocrites  raffinés, 
Relevez  donc  vos  casques. 
Retirez  vos  faux  nez! 

Thiers,  en  costume  de  pêcheur. 

Voudrait  nous  faire  mordre 

Certain  appit  plein  de  fraîcheur 

Qu'il  dore  du  nom  d'ordre; 

Mais  la  France,  vieux  poisson, 


Sait  ce  que  vaut  l'hameçon  ; 
On  vous  connaît,  beaux  masques, 
Vieux  hypocrites  raffinés. 
Relevez  donc  vos  casques, 
Retirez  vos  faux  nez! 

Barrot,  de  l'ancien  bauqueteur 

Dépouillant  la  défroque. 
Pour  celle  d'un  conservateur 

La  rejette  et  la  troque  ; 
Il  conserve,...  on  peut  le  voir,... 
Son  traitement,  son  pouvoir... 

On  vous  connaît,  beaux  masques. 
Vieux  hypocrites  raiflnés. 

Relevez  donc  vos  casques. 

Retirez  vos  faux  nez! 

Un  vieux,  mais  coquet,  spadassin 

Reproduit  don  Quichotte; 
Il  prend  pour  la  voix  du  tocsin 

Toute  voix  qui  chuchotte; 
Montre  sans  cesse,  aux  soldats. 
L'émeute...  qu'il  ne  voit  pas  ; 

On  vous  connaît,  beaux  masques, 
Vieux  hypocrites  raffinés, 

Relevez  donc  vos  casques, 

Relirez  vos  faux  nez  ! 

J'en  pourrais,  dans  ce  léger  chaut. 

Faire  passer  bien  d'autres. 
Qui  suivent  l'exemple  touchant 
De  tous  ces  bons  apôtres  ; 
A  ce  carnaval  complet 
Répondons  un  long  sifflet, 
SitDons,  sitUousces  masques, 
Ces  hypocrites  raiflnés. 
Si  peureux  sans  leurs  casques. 
Si  laids  sans  leurs  faux  nez! 

E.  A.,  étudiant. 


LA  RÉl>U[5l.lQl!K  SOC. 


PAB    LN    REPRESE^TA^T    DtMOC    ET    SOC. 


.\m  .  Les  gueux,  les  gu 


La  Soc,  la  Soc 
Rendra  la  Démoc 
Ferme  comme  un  roc. 

Vive  la  Soc. 

C'est  en  vain  que  l'on  invoque 
L'accord  du  sceptre  et  du  froc, 
Le  vieux  monde  se  disloque. 
Il  n'attend  qu'un  dernier  choc. 

La  Soc,  la  Soc,  etc. 


Le  peuple  est,  à  chaque  épo(iue 
Fait  au  même...  par  raccroc; 
Mais  lui,  que  rien  n'interloque, 
Se  rattrape  par  un  bloc. 

La  Soc,  la  Soc,  etc. 

Amis,  faisons  un  colloque, 
Réunis  autour  d'un  broc; 
La  piquette  nous  provoque, 
Uélas  !  c'est  notre  médoc. 

La  Soc,  la  Soc,  etc. 


\  LUSAGK  DES. GENS  Sf.RIElîX. 


27 


(,liii'  U.irrul  (l'un  luii  liuri'i>i|iic, 
N..I1S  parle  «6  hue  l'I  «4  h„c. 
Son  aii-t'iil  de  veiilrilonue 
Sur  nous  Tuit  l'elïel  it'un  luk. 

L;i  Soc,  la  Soc,  clc. 

0  KepuliliiiUL'  eiiiiivoi|ùe.' 
QiunU  la  jii|iea  maint  accroci 
Ce  n'est  |)ln>(lirune  deliuiiiie 
yu  il  te  faut  suspeiiilre  au  croc. 

La  Soc,  lu  Suc,  etc. 

Marcbanils  ()ue  la  banque  escroque, 
El  voui  qui  portez  l'estoc, 
Vous  que  l'atelier  convoque. 
Vuus  doul  la  unin  tient  le  soc, 

La  Soc,  la  Soc,  etc. 

<i  Rougesl  ■>  ilit-on...  l'on  s'en  moque. 
Il  est  temps  de  faire  uu  troc 


Celle  couleur  vous  sulloque.. 
C'est  la  cocarde  du  co<| 


La  Suc,  la  Suc,  etc. 


Sur  l'air  des  gueux  ..  ça  vuus  choque... 
J'ai  mis  ma  chanson  en  oc  ; 
C'est  que  les  (!ueiix,  sous  leur  luque, 
Ont  uu  cueur  qui  t'ait  tic  toc. 


La  Soc,  la  Soc,  etc. 


^Ct^upUl  vtillx   dtl 


des  Ajfairet  tirangires-] 


Il  existe  a  l'Oreiioiiue 

Un  présiileni  fort  mastoc, 

Que  sa  nation  révoque 

El  chasse  comme  uu  escroc. 

La  Soc,  la  Soc 
llendra  la  Démoc 
Ferme  coinme  uu  roc, 

Vive  la  Soc. 


L.\  C.\NAILLi;. 


AïK  dts  Fous  (de  Béranger). 


«Canaille!»  Les  aristocrates 
Donnent  ce  nom  aux  roturiers. 
Les  monarchiens  aux  démocrate!, 
El  les  bourgeois  aux  ouvriers. 
Les  jésuites,  la  prêtraille. 
Nomment  ainsi  les  mécréants... 

—  Ah!  qu'il  est  beau  d'être  canaille 
A.h\  yeux  de  ces  honnêtes  gens! 

Le  cervier  qui  yagne  à  la  Bourse 
Son  carrosse  ou  son  phaeion 
Traite  de  canaille,  en  sa  courte. 
L'humble,  mais  probe  piéton  : 
Ainsi  le  pauvre  qui  travaille 
Est  berné  par  les  fainéans. 

—  Ah  :  qu'il  est  beau  d'être  canaille 
Aux  yeux  de  ces  honnêtes  gens! 

Si,  par  hasard,  de  nos  écoles 
Surgit  un  savant  généieux. 
Dont  la  pensée  et  les  paroles 
S'appliquent  à  nous  rendre  heureux, 


Qui  le  conspue  et  qui  le  railie'^.. 

—  C'est  la  tourbe  des  ignorans. 
Ah!  qu'il  est  beau  d'être  canaille 
Aux  yeux  de  ces  honnêtes  gens  I 

Lorsqu'un  peuple,  aux  masses  énormes, 
En  grondant  réclame  ses  droits. 
Au  lieu  d'accepter  des  réformes, 
■I  Canaille  !  »  répondent  les  rois. 
Mais  un  jour,  maigre  la  mitraille, 
La  victoire  reste  aux  manans. 

—  C'est  alors  qu'on  voit  la  c  inaille 
Faire  grâce  aux  honnêtes  geus  I 

Lorsque  Socrate  et  Galilée, 
Dans  les  fers  et  par  le  poi?on. 
Virent  leur  science  immolée, 
«Fous!  canaille!..."  leur  criait-on. 

—  Et  lorsqu'un  Dieu,  né  sur  la  paille, 
Mourait  sur  la  croix  des  brigands, 
C'était  une  sainte  canaille. 

Et  Ses  bourreaux...  d'honnêtes  geus! 

E.  A.,  étudiant. 


LA    LISTE   DE    LA    RIE    DE    POITIEES. 

Admirez  du  scrutin  la  chance  ale,itoire  ! 
Dix-^ept  journaux  ligués  complaient  sur  la  victoi 

Mais  leur  liste  est  mise  à  l'écart  ; 
El  de  son  premier  nom  réalisint  l'auyiire. 

Elle  tombe  en  déconUture... 
De  Bar. 


28 


REVUE  QOMIQUE. 


I.E    (itNERAL    OLDINOT,    DL'C    DB    HEGGIO. 


Ce  général  nous  semble  un  peu  conscrit, 
Dans  le-i  conibals  eoinmi'  en  diplomalie. 
Les  plans  qu'il  ierl,  les  discours  qu'il  écrit, 
Sont  un  outrage  à  la  démocratie. 
Près  des  soldats  d'un  prince  meurtrier, 
Il  vent,  à  Rome,  établir  son  étape, 
l.e  père  était  un  illuitre  ijueiricr; 
Le  tils,  helas!  n'est  qu'un  soldat  du  pape! 


Dessiné  par  Nadard. 


Grâvé  par  Ballant. 


I  ceiiltiiif^. 


BDHIMEHAY.    ÉDITEPH,   HUE   BICHELIEC,  S3 


'IH'   Livraison. 


■JJU  .    .    .  .:'x...  ..Mll^,l],i|[l||(|ll|,ll|J||l,ll|lwj|jl|j||l!lj,^|jl,l|l|n^ 


(:O.XD)TIO^S  DE  LA  SUlSURIPnO.  —  L;i  Ke\  le  cjmwi  t    formera  deun  voi'.mcs  gc.ir.i    m-o  ,    puw..e»  e>. ri.  o  -  i  :..i  cen;:mei.  (-ir  U  pj>-e 

ceniime*.  Le  premier  loiume  compose  des  2.)  premières  livraisons,  a  été  achevé  le  28  avril  IS49.  il  tenlerme  environ  ilio  earicaturrs  po  itiques.  —  Prix  ae 
vol'ime  :  7  tr.  M  c,,  nar  la  posie  10  fr-  Lf  seond  volume  pa'ait  eD  livraisons.  On  souscrit,  pour  ce  volum.-,  en  payai.t  7  fr.  50  c.  pour  Paris,  el  10  fr.  pour 
déjjarlemeoïs. 


AUX  SOUSCRIFTEUaS  DE  XA  HEVUE  COMIQUE. 

l.e  prcniitT  fcuilld  do  liiuine  llviaisun,  ro|iioiliiis,iiil  uiMruniic'iiicnl  li' ik'ssiii  de  la  coiiveiiiii'o,  dnit 
être  enlevé  à  la  lircieliurt-.  —  Aliii  de  varier  le  verso  île  ce  premier  ieiiillel,  sans  toutefois  v  insérer  rien 
d'important,  ilont  la  suppression  aurait  ([iielipie  incouvénieul,  ce  verso,  à  l'avenir,  sera  oecupé  par  la 
correspondance  de  hi  IIkvle,  par  des  annonces  drolatiques,  ou  cjnelcine  antre  sujet  accessoire  eu  dehors 
de  notre  cadre;  de  telle  sorte  ([lie  lorsque  les  souscripteurs  réuniront  en  volumes  la  collection  des  livrai- 
sons, ce  feuillet,  enlevé,  ne  sup|)rimera  aucune  pai'tie  intégrante  de  l'onvraj^e.  Le  dernier  feuillet  de  la 
couverture,  formant  la  dernière  et  i'avanl-dernière  pa<;e  de  cliaipie  livraison,  devra  être  relié  avec  l'ou- 
vrage complet,  dont  il  ne  peut  être  détaché. 


SOCIEI'É 

BORDELAISE- BOUGUIGNONNE 


Sl-Aitguslm,  II. 


Très-boni 

Vint  de  BoBositix  ci  de  BocitGOG?(B, 

i  39,  4U  et  50  renl.  la  bout. 

110,    150   et    140   Irmcs  la    pi.'r>>. 

YinssopÉniEiilisà  60  el  75  c.  la  bniil. 

1T5  à  i05  fr.  I.  pièce. 
Vins  ri-i?  du  I  .^  6  fran.s  lahouleilic. 


AU  HOI  DE  PBDSSE. 

H  .place  de  ;aBo,\r;2, 


Ï£TE1IE.\TS  D'UUlllItS 


COXFECTIOSSÉS  BT  SUR  MESl'B 
Prii  Fi«. 


A\1S  AIX  JOlliWlX  lit  l'AlllS  ET  DES  IIÉl'ARTEllEJiTS. 


Nous  autorisons  la  reproduction  des  articUs  contenus  dans  la 
Rirue  comique,  à  la  condition  : 

i"  De  citer  la  Revue  en  lui  empruntant  ses  articles; 

2°  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  liera 
des  matières  contenues  dans  chaque  numéro. 


CORRESPO.NDANCr;. 


A  M.  J.  K...,  H  Pnris.  —  Noii^  .iviserons. 

A  .U.  M.  B...,  à  Lille.  —  Noire  ligne  politique  esl  invuriablemcnl 
trarêe  pai-  la  prolession  de  foi  qui  est  placée  en  léle  du  second  volume. 
Nous  y  serons  lidùles. 

A  M.  R...,  il  Mamrrs.  —  1 


10,000  fr      .     c 

'KMi     IIK     l.Oll 


fait 


>ou>ser    et  épais-ir    le 
clieveus  sur  les  Icles  chauve»!  1  ! 
Chez  l'inventeur,   M.    Lcopold   Lub 

chimiste,  rue  Sainl-Hou.>rè,  2$l. 

Flacons  à  3  et  10  Tr.  Fn  prenant  pou 

10  fr.,  ou  reçoit  pniNCO. 


votre  disposiliou. 


,  qui  ne  r.i  pas  jui;c  admissible.  Nous 


A  M.  T.  B.,  à  Strnsbourij  —  Vous  recevrei.  par  les  messagetit 
les  2,T  volumes  que  vous  nous  demandci,  puis  »ucce-siïcment  Us  livra 
sons  par  la  poste. 

A  M.  C,  à  Morlnijnt.—  C'est  une  bonne  idoe  i  laquelle  nous  avo 
déji  songe;  en  elfet,  il  ser.>it  utile,  et  pour  nos  idées  et  pour  nous,  q 
la  Revue  soit  répandue  dans  tous  les  cafés  et  établissements  publii 
Mais  il  faudrait  rencontrer  dans  chaque  ville  des  correspondants  au: 
dévoués  iiue  vous.  Xous  avons  euresislrê  les  six  abonnements. 


HâNËGE  LEBLANC, 

4 2 ,  P3 ui^ourNr.'î'jnn-iartre, 


LEço^^  1)1'  soin 


JARDIN  D  HIVER. 


GRANDE  FETE  AD  BÉNÉFICE  DES  PAUVRES  HONTEUX  DE  LA  VILLE  DE  PARIS. 


SOIRÉE  D.tXS.\:iTF. 

Dus  laquelle  le  ballet,  composé  spécialement  pour  le  Jardin  d'Hiver,  sera 

eiecute  par  les  artistes  du  ^-rand  Opcra. 

DEl'X  onriIESTHES 

8ous  la  direction  de  MU  Vjldteufeld  et  Dominique,  ciécuteronl  des  airs  de  dans 

et  de  ballet.  —  La  lalle  du  Musée  sera  transformée  en  salon  de  danse. 

Pbix  p'extrbb  :    5  francs.  —  Ou  se  procure  d'av 


-i  I  administration  du  Jardin  d'Ui' 


II«I.I.ET 

et  en  avant  de  la  pelouse,  par  les  artistes  du  frand  Opci 
et  devant  oITrir  uu  coup  d'a'il  fecri<]uc. 
FR(J  D'AIITIFICK 

*ement  général  du  jardin  qui  terminera  la  soirée. 
Le  jardin  restera  libre  pour  la  promenade 
prix  de  15  fr.,  des   billels  de  famille   pour  quatre    personnes  :  —  ches  les  Haines  Patroncsi 


I  Métieslret,  2  bit,  i 


,  —  cl  rhes  Bernard  Latte,  boulevard  des  llalii 


SatOD  de  Tollrilr 


Vinaigre  de  Tollelie 


i  franc 


PARFUMERIE  DE  lA  SOCIÉTÉ  HYGIÉNIQUE. 


IMDniAliLI'IIILOCÛlIF. 

tueu-t  cl  f,H,<i.mtL-.',Ti..l 

Hotiplei ,  U»  Tiiit  é|iajii5ir 
el  lesemp^rlitdetoinhcT. 
(    fr.  oOr.   LE  FLiiCm. 

Cold-<:reain. 

2  fr.  1,1  VOT. 


Beioeoup  de  personnel  ignorent  qoe  le«  ride*  pn-tnalun'' 
deoU,  etc.,  proTÎennent  de«  ditertei  prép.ir4liont  dont  cHei 
«fue  de*  pr^pvatiuoi  iTint  de*  qualilci  réellei,  h 


mm.  iiEMiFiticE. 

Action  douce  et  inno- 

2 francs 

cente,  qui  fortiiie  les  j.'cii- 

cUes    et    «ntrelieut    Ic" 

dents  dins  l'état  de  saute 

le 

]p   pliM   parfait. 

i    fr.  LK  ll.aiM». 

F  litron. 

iiaii  Deiilirrice. 

ide«je   de  la   peau,  la  chrrlv  de*  rltevi>iii   nri   leur  IjlnnrluMir  précnrc.  I.i  r-arie   et  la  perle  du 
nt  pour  leur  loiletlc.  La   Sociktk  iivr.lKMQue  a  Ac  rréi-c  duns    le  l'ul  de  ne  Inrer  an  i>ul<li 
Uleei  al  exempUi  de  tout  inconvénient  et  de  tout  dan^'er. 


niques  de  Lacra 


[)atniel(e,  2. 


].\  SEMA  IIS K  DE  I,A  EETTRE. 


Il  s'agit  de  saviiir  si  l'amialilo  Cliangariiier  a  c'crit  (Ui 
n'a  pas  ocril  sa  fameuse  letlie  à  tous  les  chefs  de  corps 
de  la  garnison  de  Paris. 

«  Général, 

«  Le  petit  père  Marra-'t  s'imagine  ([n'il  a  le  droit  de 
reipiérir  la  force  année.  Je  n'ai  pas  voulu  contrarier  ce 
jianvre  bon  homme  à  la  tribune  de  l'Assemblée  natio- 
nale. Le  sujet  n'en  valait  pas  la  peine.  La  politesse  exige 
d'ailleurs  que  j'aie  l'air  de  flatter  sa  manie.  Quant  à 
vous,  mon  cher  général,  vous  ferez  de  ses  petits  pa- 
piers l'usage  que  vous  voudrez,  et  si  les  huissiers  de 
r.\sseinl)lée  demandent  inie  réponse,  vous  leur  répon- 
drez :  zut  1 

«  Sur  ce,  je  prie  iJieu  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte 
garde  et  digne  protection,  la  présente  n'étant  à  autre  lin. 
«  Changabmer. 

Cl  P.  S.  Vous  feiez  mettre  cette  lettre  à  l'ordre  du 
jour  et  la  placarderez  à  la  ])orte  des  cliainbrées.  » 

La  missive  avait  son  importance  coinuie  on  voit,  et 
l'Assemblée  nationale  s'en  est  émue.  Le  montagne  a 
rugi,  la  colline  a  ci'ié,  la  plaine  ne  laissait  pas  que 
d'être  légèrement  en  colère. 

On  est  venu  avertir  Changarnier. 

—  Général,  l'Assemblée  s'occupe  de  votre  lettre. 

—  Ah  bah  ! 

—  On  parle  de  vous  mettre  en  accusation. 

—  liens,  tiens,  tiens. 


—  Noms  feriez  bien  d'aller  vous  défendre. 

—  Monsieur,  vous  n'êtes  point  njihtaire  '! 

—  Dn  tout. 

—  Tant  mieux,  car  sans  cela,  avec  l'extrême  poli- 
tesse qui  me  caractérise,  je  vous  ferais  jeter  dans  uu 
cul  de  basse-fosse.  Un  homme  comme  moi  ne  se  défend 
jamais. 

—  Mais  l'Assemblée  nationale  exige 

—  Ceci  regarde  Barrot  et  les  Pékiiis  du  ministère, 
je  suis  spécialement  chargé  de  désobéir  à  l'Assemblée 
nationale  ;  je  me  soucie  d'elle  comme  de  Colin-Tampon. 

—  Cependant 

—  Cependant,  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  je  vous 
fasse  flanquer  à  la  porte  si  vous  continuez.  Par  respect 
poiii'  les  convenances,  je  vous  autorise  à  ficher  le  camp. 

Pendant  ce  temps-là,  l'Assemblée  inter|)ellait  le  ci- 
toyen Barrot. 

—  Le  général  a-t-il  écrit  cette  letle? 

—  Avant  toutes  choses,  qu'il  me  soit  permis  de  vous 
faire  remarquer  l'inconslitutionalité  de  cette  demande. 

—  Répondez  oui  ou  non. 

—  Quand  j'examine  l'article  d  lô  delà  Constitution... 

—  .V  la  (]nesti()u  !  à  la  question  ! 

—  Plus  je  scrute  le  sens  de  l'article  \i'2 

—  La  lettre!  la  lettre! 

—  A|)rès  une  carrière  politique  de  dix-huit  années, 
vous  peimettrez 

—  La  lettre  a-t-elle  été  écrite  parle  général'? 

—  Certes,  mon  titre  de  gendre  de  Labbey  de  Pom- 
pières  me  dispenserait  de  répondre,  mais  je  ne  veux 


II. 


30 


REVUE  COMIQUE 


pasabritt'i-  îii;i  responsabilité  sous  ce  titre,  je  n'iiésite 
donc  pas  à  (léclarer  que  le  général  n'a  pas  écrit  cette 
lettre.  Vous  en  croirez,  j'espère  ma  vieille  probité. 

l.a  lettre  existe  cependant,  on  en  a  porté  des  copies 
i»  l'Assemblée.  On  inleipelle  de  nouveau  le  ministre. 

—  Vertueux  Baiidt,  celle  lettre  (|ue  voici  a  du  èlre 
écrite  par  quelqu'un. 

—  Je  ne  saurais  en  disconvenir. 

—  Par  celui  qui  Ta  signée. 

—  Le  général  (lliangarnier  ne  l'a  pas  écrite,  (.royez- 
en  ma  vieille  probité. 

—  Qu'a-t-il  donc  fait? 

—  11  l'a  dictée. 

Vous  comprenez  l'indignation  de  rAssenililée,  mais 
le  vertueux  Barrot  descend  de  la  tribune,  el  >e  pin- 
niène  dans  les  couloirs.  Tout  le  monde  l'éMle.  Il  se 
porte  sur  le  passage  de  ses  collègues.  M.  I.eihn-rinlliii 
paraît,  il  se  précipite  dans  ses  bras. 

—  Ab!  mou  clier  l.elru,  je  vois  Imii  (jue  voii-  iiieii 
voulez. 

—  Il  me  semble  que 

—  Hélas'  je  suis  le  plus  malbeuieuv  des  bonimes. 
Si  vous  saviez  quelles  mauvaises  passions  s'agitent  an- 
lonr  de  ce  Bonaparte. 

—  Koinpez  avec  lui. 

—  Qui  retiendrait  le  torrent  quand  je  ne  serai  plus 
là.  Figurez-vous  qu'hier,  pas  [dus  laid  qii'liiei .  il  m'a 
fait  appeler  à  TRlysée. 

—  Barrot,  ma-t-il  dit,  je  vous  ai  mandé  poui  u  le 
affaire  grave. 

—  De  quoi  s'agit-il,  altesse  (.si  je  ne  lui  donnais  pas 
ce  titre,  il  me  fourrerait  immédiatement  à  Vinceimesl. 

—  Vojez-vous  cet  habit? 

—  Il  est  rouge. 

—  Et  ce  manteau? 

—  Il  est  semé  d'abeilles  d'or. 

—  Le  costume  de  général  de  la  garde  nationale 
m  ennuie.  Il  m'en  faut  un  autre,  rroiue/.-voiis  que 
le  costume  de  premier  consul  maille  bien  ? 

—  A  ravir  (si  j'avais  répondu  antre  chose  il  m'aii- 
i-ait  fiiit  fusiller). 

—  Je  préfère  celui  d'emptreiir  ;  c'est  déLidciiniil  ce 
costume  que  je  choisis.  Allez  vous  commander  un 
habit  à  la  française  et  un  chapeau  à  plumes,  von*  as- 
sisterez à  mon  sacre,  baron  Barrot.  Voilà  pourtant  oii 
nous  er.  sommes,  mon  cher  Ledru,  voyez  s'il  est  dur, 
après  une  carrière  politique  s.ins  tache  de  dix-hnit 
ans,  d'être  traité  de  baron,  el  dites-moi  si  je  ne  faispas 
bien  de  ménager  le  Président  et  ses  amis. 

KIocon  traverse  la  salle:  M.  Barrot  court  a|)rès 
lui. 

—  Il  faut  <|ue  ie  vou>  ou\re  mou  cieiir,  cher  cnl- 
'égiie  ;  vous  voyez  devant  vous  le  |)lns  iufoiluiié  des 
mortels.  Si  l'.Vssemblée  a  l'air  de  contrarier  Bonaparte, 
tout  est  perdu.  Il  n'attend  qu'un  prétevte  (loiir  se  li- 
vrer aux  dangereux  cnn>^eillers  (jiii  rentourenl.  Lihnc/- 


moi,  ne  nous  oiciipnus   plus   de   celle  lettre;  je  vous 
adjure  au  nom  de  ma  vieille  |iidl)iti'. 

—  Pourquoi  ne  doiiiifz-\oii>  pas  voire  deiiiissiou  ? 

—  Préféreriez-voiis  a\oir  un  ii.iiiisleie-l'ialin  ?  Le 
moment  n'e>t  ])as  encore  venu  d'agir  ;  altiiulons  la 
Législalivi . 

M.  Ledru-Bollin  a  décerné  a  .M.  Odiloii  Barrot  un 
brevet  de  Qnin/.e-Vingts.  Mous  coiuiuençuiis  à  douter 
liès-foit,  pour  notre  part,  de  la  cécité  politique  du 
ministre  de  la  justice.  C'est  avec  ces  lamentations  mê- 
lées d'alarmes  qu'on  est  parvenu  h  assoupir  l'ardeur 
d'une  partie  de  l'Assemblée  nationale.  .M.  Odilon 
Barrot  se  livre  au  marivaudage  parleiueulaire  ;  il  re- 
fait les  Fiinases  Confidences  au  prolît  de  l'Elysée-Bour- 
boii.  La  vieille  probité  du  chef  de  rancieniie  gauche 
pouirail  bien  n'être  que  de  la  rouerie. 

En  attendant,  le  général  (iliangarnier  continue  à 
faire  la  nique  à  l'Assemblée.  Il  gouverne  avec  des 
ordres  du  jours  : 

Ordre  de  ne  poinl  obéir  aux  réc|iiisilioiis  du  jnési- 
deiil; 

Ordre  aux  soldais  de  crier  :  Vive   .Napoli'on  ! 

.M.  Changarnier  répond  à  la  Beprésentatio^  natio- 
nale par  des  revues;  il  |iréside  des  séances  au  Champ 
de  Mars.  Aux  interpellations  parlementaires,  il  répond 
par  des  explosions  d'enihousiaiine  en  douze  temps,  el 
par  des  IV ca/s  de  peloton,  sous  |)eine  de  salle  de  po- 
lice. 

J'ai  rencontre  l'aiilie  jour  un  .-[léculaleur  qui  reve- 
nait de  la  revue. 

«  La  France  est  sainée,  s'est-il  écrié;  on  peut  iiiaiii- 
lenaiit  acheter  des  rentes. 

—  l'oiir(|noi  donc? 

—  l'aice  (jue  les  soldats  ont  crié  ;  Vive  lionapaile! 
vive  Napoléon  ! 

—  Vous  ne  redoiilez  donc  plus  les  socialistes? 

—  Ils  n'existent  plus  depuis  la  re\ui-  ;  la  >ociélé  et 
la  bourse  peuvent  dormir  sur  Iciiis  qii.ilie  oreilles.  » 

La  bourse,  en  etfi't,  de  hausser  depuis  ce  moment-là. 
Si  la  iiolice  a\a;t  en  l'idée  de  faire  pousser  dans  linéi- 
ques groupes  le  cri  :  .\  bas  Boicliol'.  la  renie  serait 
maintenant  an  pair. 

Hélas!  la  police  ne  songe  pas  à  Imil. 

Le  sergent -major  lîoichot  est  le  linii  ilii  iii.uiiciil  ; 
ses  collègues  Battier  et  Commissaire  sont  eiiliereiuciil 
éclipsés.  On  vend  dans  les  rues  ; 

Le  jioitiail  de  Boiclmt. 

La  biogia|)liie  de  Boicliot. 

Des  chansons  sur  Buicliol. 

(tu  lait  courir  les  Iniiils  les  plus  exiravaganis  sur 
son  comjile.  On  est  allé  juscjn'à  le  présenter  comme 
entièrement  dévoué  au  parti  légitimi.-te. 

Le  représentant  Boichot  a  démenti  par  une  lettre 
toutes  ces  calomnies.  Mmis  attendons  mainlenant  qu'il 

soit  ariiv(''  "i  i'As^embléf  législilive  | 'juger  son  mé- 

rilr.   niianl  à   >a  \ie,  elle  a  élc'    iii-i|irà  ce  jour  celle 


-.^. 


'^ 


i.i   |'I:m    iiK  i:ll'i,iii 


Des  iné  pa-  N.\daki>. 


Gnré  pat  Baitast. 


32 


REVUE  COMIQUE 


d'un  sous-oflicier  d'élite,  que  ses  camarades  désignè- 
reut  au  choix  de  la  déniocialie  dans  le  l'auieux  lian(iuet 
de  sous-of(icieis ,  dont  les  journaux  réactionnaires 
nièrent  l'existence,  et  sur  le  compte  duquel  ils  firent 
tant  iraiinables  plaisauleries.  Qu'eu  iieuscnl-ils  au- 
jourd'hui ? 

Tâchons  de  savoir  inamtenaut  ce  qu'est  devenue  la 
lettre  de  M.  Changarnier.  Pendant  que  nous  nous 
occupons  de  la  Bourse  et  de  la  Hevue,  de  Boichot , 
l'Asseuihiée  aura  peut-être  pris  une  décision. 

Entrons  dans  la  salie  des  séances. 

Ce  n'est  plus  la  vieille  probité  d'Odilou  Barrot  (lui  est 
à  la  tribune,  c'est  la  jeune  éloquence  de  M.  de  Falloux. 

Il  a  relevé  jusqu'au  coude  les  nianciies  de  sa  sou- 
tane, il  brandit  son  bonnet  carré.  Dieu  uie  pardonne, 
je  crois  qu'il  a  des  moustaches. 

—  Comme  l'abbé  de  Condi. 

—  Et  une  barbiche. 

—  Toujours  comme  l'abbé  de  Gondi. 

M.  de  Falloux  est  r.\ramis  du  ministère  ;  .M.  I'.uIIiutcs 
qui  ne  comprend  jamais  rien  à  ce  qui  se  passe,  est  l'or- 
tlios.  Décernons  à  M.  Odilon  Barrot  le  surnom  d'A- 
thos,  en  raison  de  ce  qu'il  a  été  trompé  par  milady  (pro- 
noncez Louis-Bonaparte  ).  Quant  à  d'Artagnan  ,  je  le 
cherche  en  vain.  D'.\rtagnan,  si  fécond  en  ressom'ces, 
l'inventeur  de  tant  de  stratagèmes  télégraphiques,  le 
hardi  ,  l'infatigable  d'Artagnan  a  donné  sa  démission 
dans  la  personne  de  Léon  Faucher.  J'aperçois  Carlier, 
son  lidèle  Planchel,  qui,  du  haut  d'une  tribune,  jette 
un  regard  douloureux  sur  la  place  vide  de  son  maître, 
lîassuretoi,  lidèle  serviteur,  d'Artagnan-Faucher  n'est 
point  mort;  on  nous  |)rotnet  sa  résurrection  un  de  ces 
jours:  vous  recommencerez  vos  belles  cam|)agnes  d'au- 
trefois. 

En  attendant,  Aramis  s'excrime  à  la  tribune;  il 
jette  par  poignées  le  sel  altique  du  feuilleton  du  Siècle 
dans  les  yeux  de  ses  adversaires.  Quel  esprit,  (juelle 
verve,  quelle  fine  ironie  !  Vous  deviendrez  général  des 
jésuites,  monseigneur! 
.Mais  la  lettre,  la  lettre! 

Est-ce  que  le  brillant  Aramis  se  soucie  de  la  lettre. 
Il  parle  de  tout,  et  de  bien  autre  choses  encore  ,  des 
ateliers  nationaux,  des  ferrets  en  diamants  de  la  reine 
Anne,  de  Trestaillons,  de  la  duchesse  de  Chevreuse,  de 
la  Bévolution  française,  et  de  son  ami  le  surintendant 
Fouquet. 

Il  nie  formellement  avoir  donné  l'ordre  au  général 
Changarnier  de  fortilier  Belle-Isle. 
M.  Trélat  demande  à  répondre. 

—  A  propos  de  ferrets  d'Anne  d'Autriche. 

—  .Non  au  sujet  des  ateliers  nationaux. 

Voilà  l'Assemblée  qui  se  met  à  perdre  de  vue  la 
lettre  et  à  écouter  une  kirielle  de  feuilletons. 

—  Quant  à  la  lettre,  reprend  Aramis,  un  peu  las  de 
tant  de  frais  d'imagination,  savez-vous  ce  (|ue  j'aurais 
fait  à  votre  place? 


—  Ecoutons,  écoutons."" 

—  Vous  vous  êtes  plaints  une  picMiièrc  fois  des  pro- 
cédés de  M.  Changarnier  à  l'c'gard  de  l'Assendilée 
nationale.  J'aurais  prié  le  buri'au  di'  l'Assemblée  na- 
tionale de  prendre  des  renseigiu-irieiils  sur  ce  lail  entiè- 
rement dénué  de  fondement. 

La  seconde  fois  j'aurais  agi  de  même. 
La  troisième  fois  pareillement. 
La  quatrième  fois  itou. 

Je  ne  suis  pas  membre  de  l'Assemblée  luitionale, 
citoyen  Aramis  ;  je  prends  cependant  la  liberté  de  vous 
interrompre. 

Happe1ez-vous  l'histoire  du  général  Courlais. 

Quand  vous  et  vos  amis  l'avez  soupçonné  d'un  at- 
tentat contre  la  sûreté  de  l'Assemblée,  avez-vous 
chargé  le  bureau  de  s'informer  si  le  fait  était  vrai  ? 

Vous  lui  avez  arraché  ses  épaulettes. 

Vous  lui  avez  arraché  sa  croix  d'honneur. 

Vous  avez  insulté,  battu  un  vieillaid  sans  di'fense. 

Vous  l'avez  traîné  eu  priscjii. 

Il  fallait  alors,  vous,  monsieur  de  l'alluux,  vous  le- 
ver de  votre  banc,  et  jirotesler  contre  ces  indignes  vio- 
lences; peut-être  coni|U'endrions-nous  inainteuaiil  que 
vous  prissiez  la  défense  de  M.  Changarniei'. 

L'essentiel  était  de  faire  oul)lier  la  lettre  ;  il  ne  fal- 
lait rien  moins  que  l'imagination  d'un  mousquetaire, 
d'un  abbé  galant  et  d'un  jésuite  réunis,  pour  arrivera 
ce  résultat. 

L'Assemhlée  est  bien  vieille  cependant  pour  se  lais- 
ser endormir  par  des  sornetles. 

Toute  la  semaine  s'est  passée  pourtant  à  savoir  si 
.M.  Changarnier  avait,  oui  ou  non,  écrit  une  leltie. 

Si  dicter  une  lettre  n'était  pas  la  même  chose  (]ue 
l'écrire. 

Et  si  l'ayant  écrite  ou  dictée,  ou  loi  inlligerail  un 
simple  blâme  ou  une  destitulinn. 

A  l'heure  oii  nous  écrivons,  rien  n'est  résolu  à  cet 
égard.  Les  orateurs  républicains  perdent  leur  temps  à 
l'époudre  aux  feuilletons  d'un  jésuite. 

Cela  est  tiiste. 

Triste  surtout  au  Miomeiit  où  la  \ieille  Europe  tres- 
saille sur  ses  bases. 

Où  le  Busse  Barbare  met  le  pied  sur  le  sol  de  la 
civilisatiiHi. 

Oii  l'Autriche  bombarde  les  villes  et  décime  les  po- 
])ulations  abandonnées  de  l'Italie. 

Où  notre  armée,  campée  devant  Borne,  assiste, 
l'arme  au  bras,  à  regorgement  des  répnbliiiues  ita- 
liennes. 

L'Assemblée  nationale  meurt  dans  le  doute  et  dans 
l'indécision.  Ou  attendait  autre  chose  d'elle.  , 

Jkan  Vkihot, 

auteur  de  Jirome  Cabmsol  et  (Ji-'S  Mille  cl  une  Peurn 
rie  M.  Jieac  de  lu.  JobardUre. 


Peiil-on  cnlr 


LE  DERMER  DES  IROQl'OIS, 

rOt'R    FAIh)^   SîflTE 
M      PKKMEn     liKS    M0H1i:AN>. 


Au  lumps  uii  les  Visaiies-IViles  coiiimon(,aient  à  s'é- 
lahlir  diins  le  Canada,  les  Hiuons  étaient  un  peuple 
aimé  des  Manitous.  Il  possédait  de  vastes  territoires  de 
chasse  ;  quand  il  levait  le  tomahawk  de  la  guerre,  les 
Onéidas,  les  Onondip^as,  les  Moha\\ks,  tremblaient 
rninmc  la  feuille  de  l'érable  agitée  par  le  vent  du  nord. 
I.i's  Hurons  étaient  une  nation  de  braves,  qui  suspen- 
il  lient  à  leurs  wigwams  les  chevelures  de  leurs  enne- 
mis; les  Hurons  étaient  une  nation  de  sages  que  les 
tribus  consultaient  toujours  avec  empressement,  et 
ilonl  les  pai(des  étaient  accueillies  comme  une  révéla- 
lion  du  Grand-Lièvre  ;  ils  avaient  la  force  de  Tours  et 
la  sagacité  du  serpent. 

Mais  enfin  les  Onondagas  se  lassèrent  de  cette  s)i- 
prématie.  Ils  rassemblèrent  autour  du  feu  du  conseil 
les  chefs  des  peuplades  voisines,  et  leur  dirent  : 

0  Pourquoi  souffrons-nous  que  les  Hurons  scalpent 
nos  guerriers  et  emmènent  nos  squavvs  prisonnières? 
Pourquoi  leur  abandonnons -nous  les  bois  où  l'on 
trouve  en  plus  grande  abondance  les  bisons  et  les 
élans?  Chacune  de  nos  tribus  est  faible;  mais  les 
wampuras,  qui  ne  sont  que  de  petits  coquillages,  font 


de  beaux  colliers  quand  ils  sont  réunis;  les  mince 
écorces  du  bouleau  deviennent  des  liens  solides  quand 
on  les  joint  ensemble.  Soyons  comme  les  nampums  et 
les  écorces  du  bouleau  :  liguons-nous  pour  combattre  les 
Hurons,  etdéterrons  contre  eux  la  hache  de  la  guerre  !  » 
La  coalition  eut  lieu  ;  toutes  les  Tribus  résolurent 
de  marcher  dans  le  sentier  des  combats,  même  celle 
des  Macaques,  qui  ressemblent  moins  à  des  hommes 
qu'à  des  singes.  Les  Hurons  furent  écrasés;  la  trahison 
se  glissa  dans  leur  camp  comme  un  serpent  noir;  ils 
luttèrent  vainement  depuis  la  lune  des  nids  jusqu'à 
celle  du  chevreuil  qui  jette  ses  cornes;  les  Onondagas 
s'abattirent  sur  eux  comme  des  volées  de  corbeaux  sur 
la  carcasse  du  buftle  terrassé.  Les  Outchipicois  et  les 
Muscogulges  vinrent  pècherdansles  rivièresdelagrande 
Nation;  ils  lui  imposèrent  pour  Sagamores  des  chefs 
qu'elle  avait  autrefois  bannis,  et  qui  fumèrent  le  calu- 
met de  la  paix  avec  les  Chicassas  et  les  Macaques.  Triste 
temps  pour  les  braves!  Heureux  temps  pour  les  jon- 
gleurs ! 

Les  neiges  d'un  grand   nombre  d'hivers  furent  fon- 
dues par   le  soleil  du  printemps  avani  que  le  Grand- 


HF.Vll':  COMKtlK 


Ksprit  ranimât  les  Hiirons  jibnltu»  par  lour  iléfaile.   ! 
Kniiii  ils  se  relevèrent,  secouèrent  le  joua;  qu'on   leur  i 
avait  imposé,  et  renvoyèrent  leurs  vieux  cliels,  (|ui  se   I 
eouihiisaienl  comme  des  squaws.  Quand  le  dernier  de 
celte  race  maudite  eut  disparu,  les  Sachems  de  la  llu- 
ronie  se  demandèrent  qui  devait  le  remplacer;  mais  la 
pipe  remplie  de  pétun  lit  plusiem-s  fois  le  tour  de  ras- 
semblée  sans  que   ses  odorantes  fumées  inspirassent 
aux  vieillards  la  moindre  résolution. 

Ils  hésitaient  encore,  quand  un  guerrier  inconnu  se 
présenta.  11  était  petit,  de  chétive  apparence,  assez  mal 
tourné,  remarquable  seulement  par  la  courbe  d'un 
nez  volumineux.  Son  front  était  déprimé  ;  ses  yeux 
semblaient  naturellement  mornes,  mais  il  avait  essayé 
de  leur  donner  quelque  animation,  en  buvant  à  longs 
traits  de  l'eau  de  feu,  ce  fatal  présent  des  visages  pâles  ! 
Il  avait  fait  une  toilette  spéciale  pour  paraître  devant  le 
conseil,  l'ne  plume  d'aigle  traversait  la  touffe  qui 
couronnait  son  ciàne,  rasé  suivant  la  coutume  in- 
dienne. Les  lignes  bleuâtres  de  sa  peinture  de  guerre 
figuraient  les  emblèmes  les  |)lus  belliqueux.  11  s'avan- 
ça d'un  air  martial  au  milieu  des  Saciiems,  et  leur  dit  : 

«  .\jouh-Oyah-.41iuya!  Que  les  .Maniions  vous  pro- 
tègent et  gardent  de  tout  mal  la  moelle  de  vos  osl  Je 
suis  Nigorondac,  le  ^ez-de-Corbeau,  descendant  du  fa- 
meux Timaraba,  qui  terrassa  les  Ouondagas;  je  suis  le 
dernier  rejeton  des  Sagamores  Iroquois.  » 

In  murmure  flatteur  accueillit  ces  paroles,  et  les 
vieux  guerriers  qui  avaient  suivi  Timaraba  jusqu'aux 
bords  du  .Mississipi  applaudirent  avec  transport.  Il  fai- 
sait sombre;  dans  leui-  folle  ilinsinn,  ils  crin-ent  voir 
dans  le  prétendant  Iroijuois,  au'fronl  déprimé,  le  grand 
Timaraba,  la  Tèle-pleine-de- Vicloires  ,  ipii  revenait 
de  la  terre  des  Esprits. 

«  ^omnlez-n)oi  votre  cbef,  reprit  rirtKjUdis,  et 
votre  nation  sera  de  nouveau  la  mère  de  toutes  les  au- 
tres. Je  vous  ferai  connaître  de  magnifi(|ues  territoires 
de  chasse,  et  vous  chasserez  avec  moi  le  buffle  et  le 
castor.  Je  soumettrai  à  vos  lois  tontes  les  tribus,  de- 
puis les  .\lgonquins  jusqu'aux  Delawares.  Vous  aurez 
de  belles  fourrures  de  marte  et  d'ours  pour  vous  cou-  I  1 
vrir  en  hiver;  vos  wigwams  regorgeront  de  richesses; 
vous  serez  plus  forts  que  lccliène,])lusgiands(|ue  le  peu- 
plier,plus  heureux  queiesabeillesdans  nu  champd'be- 
lomas.  »  (jacubo  le  Husé  Vieillard  lui  avait  fait  la  leçon. 

A  ces  mots,  les  .Sachems tirent  entendre  un  cri  d'ap- 
prohation,  et  l'Iroquois  Nigorondac,  descendant  de  Ti- 
maraba, fut  proclamé  Sagamnre  des  Hurons. 

Plusieurs  lunes  s'écoulèrent  et  les  Sacbem--  at- 
tendirent l'effet  des  promesses  de  rirot|uois;  mais 
celui-ci,  loin  de  déterrer  la  hache  de  guerre  ,  loin  de 
mener  les  tribus  à  la  poiirsuilc  des  bètes  fauves,  restait 
dans  Son  wigwam  à  boire  l'eau  de  feu  avec  les  Ikones- 
sens  .  au  lieu  de  poursuivre  l'Orignal  sur  les  collines, 
on  de  s'occuper  du  bonheur  du  peuple  autour  du  feu 
du  conseil,  il  prolongeait  dans  la  nuit  ses  orgies. 


Les  Sachems,  mécontents, l'allèrent  trouver  et  lui  di- 
rent :  «îro(|uois,  lu  nous  avais  promis  degrands  biens,  et 
nous  sommes  nus;  tu  devais  nous  conduire  à  la  chasse, 
et  les  castors  folàlrent  en  paix  dans  leurs  lacs;  lu  nous 
faisais  espérer  la  défaite  de  nos  ennemis,  cl  les  Ma- 
caques,  enx-mèmes,  nous  appellent  lâches;  lu  devais 
nous  faire  resplendir  comme  le  soleil  du  midi,  et  nous 
sommes  enveloppés  de  ténèbres  comme  dans  une  nuit 
d'orage.  Iroquois  Nigorondac,  descendant  de  Timaraba, 
tu  es  indigne  de  ton  aïeul.  » 

Kt  les  Sachems  lui  jetèrent  des  gouttes  d'eau  au 
visage  en  ajoutant  :  «lro(|uois,  tu  nous  déshonores.» 
.Mais  Nigorondac  se  consola  de  cette  humiliation  en  bu- 
vant la  flamme  liquide  avec  les  Ikouessens.  » 

—  Pourquoi  écouter  les  reproches  des  Sachems?  lui 
dit  un  de  ses  chefs  favoris,  Chingachgu,  le  Hal  Mus- 
qué. Je  vous  dis  que  ce  sont  des  chiens;  ils  aboient 
après  vous  comme  après  la  lune  étincelante;  mais  ils 
sont  le  ravin  et  vous  êtes  la  imintagne.  Ne  craignez  pas 
de  lever  icnilii'  eux  le  tomahawk,  invoquez  Athaënsic, 
le  manitou  de  la  haine  et  de  la  vengeance! 

Issu  des  Macaques  par  les  teinines,  Chingacligii 
avait  apporté  dans  la  noble  race  des  Hurons  les  iiia- 
nrières  efféminées  et  les  inclinations  perverses  de 
cette  tribu  justement  méprisée.  Peu  favorisé  de  la  na- 
ture, qui  l'avait  doué  d'un  mas(|ue  assez  laid,  il  cber- 
cliait  à  se  donner  une  beauté  factice  an  moyen  de 
drogues  qu'il  achetait  très-cher  aux  jongleurs.  D'un 
caractère  envieux,  il  voyait  avec  peine  d'aiiires  guer- 
riers mériter  par  leiiis  exploits  le  suffrage  de  la  tribu, 
et,  pour  les  renverser,  il  avait  brigué  la  faveur  de 
riro(|uois.  Tous  deux  étaient  dignes  de  se  comprendre. 
(Cependant  Nigorondac  l'Iroquois  hésita  d'abord  à  en- 
trer dans  les  vues  de  son  ami  ;  mais  celui-ci,  qui  con- 
naissait les  goûts  prédominanls  lie  l'Iroquois,  lui  versa 
une  pleine  calebasse  d'eau  de  feu.  Le  descendant  de 
Timaraba  se  concerta  avec  lui,  et  le  Rat  Miisipié  passa 
la  nuit  suivante  à  préparer  sa  peinture  de  guerre.  Il 
se  frotia  le  visage  de  graisse  d'ours  et  de  charbon  pilé, 
sans  oublier  de  se  cerner  gracieusement  les  yeux  avec 
e  bel  d'une  vipère;  il  se  passa  daus  les  narines  et  dans 
les  oreilles  de  larges  anneaux  de  cinvic  roiii^e;  il  nul 
une  jupe  d'écorce  demiiner,  Ulle  iiu'i'ii  |icirteiit  le> 
Ikouessens,  et  des  mocassins  de  peau  île  daim  bordées 
de  dards  de  porc -épie. 

Le  lendemain  ,  .Nigorondac  hésitait  encore;  fatigué 
lies  libations  de  la  veille,  il  était  plongé  dans  la  torpeiil'; 
mais  (vliiugacbgu  \nt  lit  boire  leaii  de  feu,  et  uni' 
lueur  de  courage  pointu  dans  le  cieiir  vide  du  pi  èleii- 
daiit.  L'lro(|Uois  suivit  le  l\at-.Musqué  ,  assembli  .ses 
jeunes  guerriers  ,  et  leur  déclara  que  le  lilre  de  Saga- 
more  ne  lui  snllisait  plus,  et  qu'il  réclamait  celui 
d'Ornikarilnia,  l'Kloile  des  étoiles.  Mais  les  jeunes 
giiurriers  lui  rirent  au  nez.  Le  Kat  Musqué  leur 
promit  de  grandes  ri'cciiiipciises  >  il  Muilaieiit  appuyer 
l'Iroquois,  et  faire  quitter  aux  Sachems  les  sépultures 


m  iti, \ii  i»i'  i'i.\i;i:\ii:\T 

[■ni  II     US     Hll'tll^l  NTWTH     "'KNS     KMI'l.nl. 


UIVK[t<.IKIl    I>l£    IIAtKANNl:: 

Professe   l'anglaise,  la    cimive, 

la  ronde;  il  transcrit  la  consiiluion 

en  bâtarde. 


CLASSt 


AU  DES   MOURRXES 


Sollii-ile  un  emploi  de  pi   n  rhez  M.  P.ldelod 
hiinme  sevé  e,  mais ju-le. 


CAHNIEK-PAGES 

Entre  chez  un  financier, 
qui  le  trouve  apte  à  faire  un  gari,-on  rie  recette. 


CHAMBOLLE 

Vend  de  l'eau  tiède 
"US   p-ëtexte    de  co 


Atin  de  ne  pas  abandonner  le  restaurant  Pestel, 
&'y  1  n^age  en  qualité  de  garçon. 


Dessiné  par  Nadard. 


Gravé  par  B*IiLA%T. 


Ô(i 


RKVUE  COMIQUE. 


de  leurs  pèies.  Jlais  les  jeunes  guerriers  l'appelèrent 
traître  et  lui  jetèrent  au  visage  l'eau  du  déshonneur. 
«  Les  Sachems  sont  nos  pères,  direnl-ils;  nous  boirons 
avec  eux  le  sorbet  noir,  nous  l'umerons  avec  eux  le 
calumet,  parce  qu'ils  ont  l'inspiration  du  Kilsi-Mani- 
lou.  Vous,  vous  agissez  sous  l'influence  de  Micliabouje 
txrand  Chat-Tigre  ;  vous  êtes  de  vieilles  fennnes!  !!  » 
Nigorondac  et  le  Hat-Miisiiué  coururent  de  wigwani 
en  vvigwara  pour  se  faire  des  partisans.  Ils  furent  se- 
condés par  le  jongleur  Faloulyawissia,  le  Corbeau- 
lilanc  à  tète  noire,  et  par  Odiliabarrossi,  le  Geai  Mu- 
eissant;  mais  ils  étaient  en  révolte  contre  le  reste  de 
l-i  nation.  La  lune  des  Fraises  allait  succéder  à  la  lune 
des  Fleurs,  quand  les  conspirateurs  furent  surpris  par 
leurs  concitoyens,  et  liés  au  tronc  d'un  être  pour  y  at- 
tendre leur  sentence. 


«  Et  que  ferons-nous,  se  demandèrent  les  Sachems, 
de  ces  enfants  du  grand  Chat-Tigre'? 

Par  le  conseil  des  sages,  on  les  mit  dans  mu'  pi- 
rogue d'écorce  d'érable,  et  on  les  abandonna  au  cou- 
rant du  Mississipi,  qui  les  porta  dans  le  pays  des  Ma- 
caques. On  n'entendit  plus  parler  d'eux  ;  sans  doute, 
le  K.it  Masqué  continua  à  farder  sa  petite  ligure  de 
vieille  squaw  ;  le  Nez-de-Corbeau  rougit  probablement 
sa  protubérance  nasale  par  de  nouvelles  absorptions 
d'eau  de  feu;  mais  la  nation,  heureuse  et  flère,  dé- 
daigna de  s'occnperdes  indignes sagamores qui  l'avaient 
opprimée.  Elle  redevint  ])uissante  à  la  guerre,  à  la 
chasse  ;  elle  eut  de  belles  fourrures,  qu'elle  vendit  aux 
Visages  pâles;  elle  scalpa  ses  rivaux,  qui  se  cachèrent 
en  vain  comme  l'Orignal,  et  Nigorondac  fut  le  dernier 
des  Iroqiiois.  F.  de  la  T.. 


CINCINNATUS-ODILON. 


Le  lli?:Uri'  rc|ire«ciite  un  rul>inel  île  Ir.ivail. 


SCENi:   UNIQUE. 

ODILON  FT  ODILONF. 
ODiLON,  se  promenant  de  long  en  large  avec  agitation. 
Ils  ne  viennent  pas;  o  rage!  J'avais  flatté  l'Autri- 
chien superbe  et  gagné  le  cœur  du  Russe  intraitable. 
J'avais  pour  moi  l'estime  d'un  Bonaparte,  le  sabre  pro- 
tecteur de  Bergamotte  et  la  bénédiction  de  Pie  IX. 
Montaleinbert  priait  pour  moi;  et  je  tombe,  comme 
en  1851  !  je  tombe  accompagné  de  plusieurs  autres! 
Falloux  plante  ses  choux  ;  Drouin  ferme  l'huis  de  sa 
maison;  Faucher  fauche  ses  foins;  Buffet  vend  de  la 
faïence,  et  moi,  je  n'ai  plus  qu'à  labourer  mes  champs, 
comme  Cincinnatus.  Qu'on  m'apporte  mon  Cujas  et 
mes  Pandectes  :  car  c'est  là  ma  charrue.  (//  déclaiiic 
avec  emphase.) 

Au  banquet  polilique,  inforluiié  convive, 

J'apparus  un  jour,  et  je  meurs. 
Je  meurs,  et  sur  la  tombe  où  lentement  j'arrive 

Nul  ne  viendra  verser  des  pleurs. 

ODiLONK,  haussant  les  épaules. 
OdiloTi,  tu  m'affliges.  Au  lieu  de  soupirer  à  fendre 
les  murs,  que  ne  vas-tu  à  l'Elysée?  Tu  lâcheras  une 
tartine  au  patron  :  il  n'y  verra  que  du  feu,  et  te  sup- 
()liera  de  retirer  ta  démission.  Homme  faible  !  y  a-l-il 
du  bon  sens  d'aller  donner  sa  démission  lorsqu'on  peut 
faire  autrement?  Tu  tenais  le  portefeuille,  et  tu  le  dis- 
poses comme  un  nigaud  1 


inn.ON,  soupirant. 


Il  lefallaitl 


ûuiLONE,  fxasppree. 
Il  le  fallait,  imbécile?  Eh  bien!  je  te  déclare  qu'il 
me  faut  mon  grand  fauteuil,  où  je  trônais  si  bien  dans 
les  salons  de  la  justice.  Arrange-toi  comme  tu  voudras: 
11  me  le  faut,  ou  prends  garde  à  toi.  Ne  t'imagme 
point  qu'après  avoir  été  perchée  si  haut,  je  consentirai 
à  me  reposer  dans  ce  siège  crasseux  que  tu  offris  jadis 
à  tes  clients.  Vive  Dieu!  est-ce  une  position  sociale? 
Est-ce  asseoir  une  femme?  je  n'entends  pas  cela.  Il  me 
faut  mon  tiône. 

ODILON. 

Pardonnez-lui,  Seigneur;  elle  ignore  mes  desseins 
et  mes  espérances. 

ODILONE. 

Qu'est-ce  à  dire?  Tu  as  des  espérances  et  tu  ne  me 
comptes  pas  cela!  Tu  as  des  secrets  pour  moi!  (Elle 
saisit  un  grattoir  sur  le  bureau.)  Fanl-il  enfoncer  ce 
fer  dans  ma  cuisse,  comme  Portia,  pour  t'apprendre  à 
me  connaître?  Parle  donc,  et  pas  de  phrases. 

oniLON. 

Voici  mon  secret.  Vainement  ils  se  ligurenl  qu'ils  se 
passeront  d'Odilon.  J'avais  laissé  bien  loin  derrière  moi 
Guizot  lui-même.  Le  chien  sautait  bien:  j'avais  sur- 
passé le  chien.  J'ai  fui  connue  une  ombre,  sans  leur 
dire  :  je  reviendrai.  Ils  reviendront,  je  les  attends.  Re- 
garde par  cette  fenêtre,  ô  mon  épouse!  ne  vois-tu  rien 
venir? 

ouii.o>iE,  regardant. 

Je  ne  vois  que  les  maronniers  qui  verdoient  et  les 
bonnes  d'enfants  qui  promènent  leurs  mioches. 


A  l.l'SAC.K  DKS  GENS  SÉRIKUX. 


37 


"DILON. 

I.e  scili'il  iri'>t  i|ir,'i  la  inoilié  de  sa  cairiiire.  (//  >•'■- 
flrcliil .)  J'.ii  mal  jugé  les  liotiimcs  :  si  j'eusse  duiiné 
l'iiilériour  à  HiilFet  t!t  ragi'iculliire  i  Faucher,  je  se- 
rais eiHoïc  llllnl^tll•. 

(Hiii  cim:,  «  In  fi'nrire. 

Je  vois  des  jjardes  ualioiiaii\  (pii  s"a\aiuerit. 


J'en  élais  sùi' I  Ils  \ieiuiti]|,  au  imui  dis  quatmze 
légions,  in'oUVir  le  |)ouvoir.  Je  céderai  aux  prières  des 
cenlurious:  mais  ils  lue  trouveront  modeste  et  grand, 
auniir.e  (linciiiMalii>.  Vdici  le  iiioiiient  d'olei'  uja  tu- 
lotte. 


(iarde  les  vêtements; 
l>aiii{uc(  démocratique. 


soldals-citovens  vont  à  un 


l'auslérité  de  ma  calvitie  a  froissé  le  sentiment  natin- 
nal.  (//  fredonne  sur  l'iiir  d'Orp/ire.) 

i'n'i  |)('i'dii  mou  niiiiislérc 
Kipii  n'i'^alc  iiin  douleur. 

(llUl.OMR. 

As-tu  bientôt  liin  celte  cliauson  de  croque-mort? 
Crois-lu  que  le  ministère  te  tombera  tout  rôti  dans  la 
bouche?  Habille-loi,  te  dis-je,  et  va-t'en  à  l'Klysée... 
Mais  je  vois  un  dragon  (|iii  |)orle  une  dépêche.  Il  s'ar- 
rête devant  notie  maison.  Il  (leniaudc  un  re(;u  au  con- 
cierge, ("est  une  eslaletle  du  palais  de  la  Présidence. 


Kiiliii,  le  moment  est  donc  venu]  (  //  nte  ad  rulo/le; 
un  domestique  apimrte  une  lettre.)  François,  tu  témoi- 
gneras de  ce  fait,  que  le  message  de  notre  auguste  pré- 
sident m'a  trouvé  en  chemise. 


l'n  banquet!  nn  banquet!  .Mut  sinistre  et  fatal!  (// 
réfléc/iit.)  J'ai  méconnu  les  Français  :  si  j'eusse  loué 
une  loge  pour  assister  aux  représentations  de  Murât, 
je  sciais  encore  ministre. 


Oui,  .Monsieur. 


Hfdiii. 


ODIl-ÛNE. 

Je  vois  un  régiment  d'infaulei 


([ui  délile. 


OPILON. 

Plus  de  doute!  l'armée  vient  me  supplier  de  veiller 
encore  sur  son  honneur.  Je  me  rendrai  à  ses  vœux  ; 
mais  elle  me  trouvera  dans  un  appareil  simple  et  sans 
ambition.  Otons  nui  culotte. 

OniLO.>E. 

Ne  détache  pas  tes  bretelles,  [.'infanterie  revient  de 
la  revue. 

0DI1.0N. 

Les  insensés!  ils  passent  des  revues,  et  ils  n'ont  point 
de  ministres!  (//  réfl('chit.]  Le  pouvoir  m'a  aveuglé;  si 
j'eusse  porté  perruque  et  parfumé  mon  linge,  j'aurais 
encore  mon  portefeuille.  Hergamotte  est  plus  habile 
(pie  moi  :  Il  a  su  se  donner  cet  éclat  emprunté,  qui  ré- 
pare des  ans  l'irréparable  outrage.  Compagne  de  mes 
succès  et  de  mes  revers,  penses-tu  que  je  puisse  entrer 
dans  une  combinaison  nouvelle  avec  Lamoricière  et 
Uufaure? 

nllILONE. 

Cornichon!.,  toutes  les  combinaisons  sont  bonnes, 
pourvu  que  tu  rattrapes  ton   poi  teleuille. 

ODILON. 

Eh  bien,  je  ne  repoujserai  point  leurs  ouvertures. 
[Il  ré(lpcf)it.\   J'ai   mal   compris  mes   contemporains; 


«Le  présiiiont  de  la  l'iépublique  [irie  Monsieur  et  Ma- 
dame Cincinnatus-Odilon  de  lui  faire  riiouneur  de  venir 
passer  la  soirée  à  l'Elysée  le  ...  mai  1849,  à  neuf 
heures.  On  dansera.  »  —  Ils  dansent,  et  moi  je  me 
promène  dans  mon  cabinet!  Ils  dansent  sur  l'abîme  de 
la  crise  ministérielle  ! 

oltlLUNE. 

Que  tu  es  béte,  mou  homme!...  Tu  ne  vois  pas 
(ju'on  l'a])pelle  pour  faire  nn  nonvcaii  IS  brumaire. 

olin.nN. 

Impriidenle  !  parle  plus  ba>.  Ils  veulent  me  nommer 
second  consul?  Quel  trait  de  lumière!...  Mais  il  va 
peut-être  du  danger.  Ma  grande  àine  redoute  les  périls. 
J'ai  peu  de  goût  pour  les  passages  de  Hiibicon...  Si  je 
les  laissais  faire  sans  moi  ce  IS  brumaire? 

ODILOE. 

Bien!  Il  ne  manquait  plus  que  cela!...  Fausser  com- 
pagnie dans  le  moment  critique  ;  avoir  peur,  comme  le 
"2-2  janvier  1818,  et  lâcher  pied...  Au  diable  les  pol- 
trons!.. Odilon,  si  tu  continues  ce  jeu  là,  je  m'insurge; 
je  me  fais  femme  forte. 

ODlLON 

Tu  l'es  déjà.  Ne  mets  au  monde  que  des  fils,  car  la 
trempe  de  ton  came  énergique  ne  convient  qu'à  des 
mâles.  Puisque  tu  l'exiges,  j'irai  à  ce  bal.  Je  ne  résiste 
plus.  Assez  longtemps  je  fus  tribun;  assez  longtemps 
je  fus  ministre.  Soyons  Cambacérès...  Qu'on  rae  donne 
ma  culotte  des  dimanches.  Le  second  consulat  m'ap- 


pelle. Aleajaclo  est. 


58 


RF.VllK  C.OMTOl'K 


TAin  r.iTi.s. 


M.  (^ImngaiiiitM'  (>st  il  un  uiiiml  iliiiii^fr  poiii-  le 
pays?  Non  ;  mais  il  est  iin  ilanger  sétiiMi\  |ioiir  le  gou- 
vcrnoinent  qui  le  laisse  iVire  ce  qu'il  fail,  due  ic  i|nll 
dil,  être  ce  qu'il  est.  —  ('.idil-mi  iihum  ne  ili-;iiiiie  les 
gens  qu'à  coup  de  fusil,  el  i|u'iiii  piu  de  juslc  |)ii|iii- 
larité  ne  serait  pas  nécessaire  au  chel  investi  des  pou- 
voirs de  M.  C.hangarniir.  Si,  ce  i\it'h  l>ii'u  ne  plaise, 
les  partis  en  viennent  un   junc  au\   mains,  li  pii'-ciu-e 

de    M.    Cliangarnier  à   la   tète  do   l'-irnu'e  aniail  ] r 

elFet  d'irriter  la  lulte,  de  la  rendre  plus  saiiL;laute  et 
l^^lus  implacable.  Ksl-rece  qu'on  \enl? 


Les  gratTimairieus  axaient  invi-nlé  pnur  la  svut:i\e 
latine  la  fameuse  règle  du  qve  uriKANCiiÉ.  M.  (ilian- 
garnier  a  inventé  celle  de  VossciiiOirc  retrnnrhre.  — 
Vous  n'obéirez  qu'à  moi  —  suus  eutciuhi  :  et  au  pré- 
sident de  l'Assemblée. 

Pauvre  M.  Barrol ,  à  (|uoi  l'on  vous  use! 


.M.  de  I''allou\,  dair>  un  disronis  li.ibde  et  plein 
de  lilléraluie,  a  fail  perdre  la  pi>te  à  l'opposition  el  a 
sauvé  SI.  (^liangaruicr  en  faisant  un  loius  d'bisloire 
rétrospective  ingénieux   el  amusant.  Dan.;  un  des  pas- 


sages de  ce  iliscours,  connue  il  venait  de  dire  ;  si  la 
l'raiH'e  ne  veut  pas  di-s  tremblcuis,  idle  ne  veut  pas 
non  plus  di'  ceux  (|ui  tout  Irenibler,  .M.  Odiloii  lîarrot, 
à  qui  ce  discours  donnait  du  ii'pit  et  rendait  (pielipie 
gaieté,  se  tournant  mi  -  i|iit'li|iies  députés  :  «  La  Fraïue 
ne  veut  pins  de  personne,  dit- il  ;  voilà  la  vérité.  » 

Au  liind  de  ce  mol,  un  |ieu  léger  dins  la  bnuclie 
d'iiii  président  du  conseil,  ne  pourrail-on  pas  liri"  ceci  : 
«  l,a  l'ianue,  ne  voulant  plus  de  M  (tddou  Barrot,  ne 
peut  plus  vouloir  de  ])ersoniii'.  ji  ♦ 


Au    1 ibre   des  gens    ipii    sont   capables   de    tout, 

M.  Falloii.v  compt(-l-il  M.  le  l'résidint  de  la  Uépii- 
liliqiie,  ou  préfère  t-il  le  placer  an  uoinbre  de  ceux  qui 
ne  sont  capables  de  rien'.' 


«  Mon  clier  Barrot,  disait  un  malin  représentant  au 
président  du  conseil,  au  nionient  où  il  descendait  de  la 
tribune;  vous  aviez  une  bien  meilleure  explication  à 
nous  donner  .le  la  lettre  de  .M.  Cbangarnier  ;  mallien- 
renseinenl  celle  e\|ilication  étant  la  vraie,  vous  ne  la 
.saxie/.  pas.  »  VA  comme  M.  lîarrot  prêtait  l'oreille,  -on 


IiA    VIE    FUBI.IQUE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEO    REAC. 

Chat.   vip.  -   F„.ls  .1  -VS'es  pdrlmenl.nyr,  ,lr  mois'.,,    A'.-.:. 


Dtoé,  ne  ievc  a  la  hàte.rt  crie  qtie 
le»  insurf;''?;  ont  commis  des  hor-  ' 
reurs.  —  U  écrit  au  Conxtiiution- 
nel  qu'ils  ont  chargé  leurs  fusils  ' 
de  projectiles  qui  empoisonnent. 


Il  assure 

qu'il»  ont  scié  le  n^z  de  M.  Véron 

entre  deux  planche», 


A  I.I  s.\(.l.  DIS  (.INs  m;|;||  I  \ 


Ctillèyili-,  im  (If  cfux  (|iii  (Mit  l'ail  avec  lui  ilc  ropposi- 
liOM  pi'inlaiil  ili\  aii-i  ;  «  Je  tiens,  tlilil,  avci-  un  ;;osle 
i|ui  i-fconiinaiidail  ,  le  Jii\^lt'ic  cj'un  anlf-dc  <aini) 
ili-  M.  Cliangaiiiii'i-,  i|iic,  >'il  a  iViil  cfllc  lillir.  l'olail 
aliii  lie  iiR-tlii'  un  (•in|)èciieinent  anv  coups  ilKlaliini! 
|hiuriail  nii'tliloi-,  >ans  son  aven,  M.  I.onis-Napolt'on,  el 
poui-  l'iiiilie  CL's  coups  d'Kl  il  iinpossililcs.  " 


Il  l'aut  en  pieuilic  son  parli ,  la  l<L'pulili(|iit'  ne 
p.iil  plus  être  Uicf.  —  On  ne  lue  pas  une  institulion 
<pii  a  pour  force  cl  poui-  ap|)ui  ce  qui.  seul,  peut  ren- 
verser- les  gouvernenieuls,  une  opposition  forniiclal)le. 

(iliose  bizarre,  c'est  l'opposition,  i\\u  est  répulili- 
came,  qui  défend  la  constilulion  !  ce  sont  les  chefs  de 
celte  opposition  à  tous  les  dej.'rés  qui  jurent  de  nnuirir 
au  l)esoin  pour  elle,  tandis  que  ceux-là  même  qui  ont 
accepté  la  mission  de  la  défendre  sont  avares  de  pro- 
testations pour  elle!  On  en  est  encore  à  altenilre  de 
M.  <',lianj,'arnicr  le  mot  qui  puisse  lui  èlie  opposé  le 
jour  où  il  trahirait  son  mandat. 

Ce  serait  si  facile  pourtant  de  rassurer  ce  peuple 
>|ui  ne  demande  qu'à  l'être  l^ue  M.  Napoléon,  à  l'ou- 
\erlure  de  la  Législative,  vieinie  volonlairement  re- 
nouveler son  serinent  de  lidélité  à  la  Hépulilique  et  à 
la  constitution  ;  qu'il  déclare  ipie,  voulùt-on  l'en  faire 
sortir,  et  fût-ce  à  sou  prolit,  il  répéleiail  (|M'il  est 
résolu  à  déposer  son  mandat  dans  trois  ans,  et  je  vous 
€"»<siii'o  que  la  sitiialinn  sera  bientôt  détendue. 


yiie  de  leur  coté  M\l.  (iliangarnier,  Thiers,  Mole, 
s'engagent  envers  la  It('puhli(|ue  par  i|uelqiies  paroles 
très-nettes,  et  surtoiit  pu  <|ui!l(|iies  actes,  et  la  liaiue 
qu'ils  amassent  sur  eux,  <|iii  grandit  tons  les  jours,  <|ni 
les  écrasera  peut-être,  cette  liaiiie  fondra  peu  à  peu  ; 
car,  il  faut  hicn  qu'ils  le  sachent,  ils  sont  aujourd'hui 
les  vrais  révolutionnaires,  et  c'est  à  eux,  bien  plus 
qu'aux  socialistes,  (|u'il  faut  s'en  prendre  de  l'inquié- 
liiile  011  nous  soiiiiiies. 

On  n'a  pas  voulu  de  la  lii|iiilili(|iie  modérée. 
Nous  avons  dit,  nous  avons  écrit,  nous  avons  mis  en 
peinture  que  l'on  nous  menait  à  la  Hépiiblique  rouge; 
que  .M.  Bonaparte,  un  bandeau  sur  les  yeux,  y  était 
mené  par  ses  perfides  conseillers.  Qu'on  lui  ôle  le 
banileaii,  et  iju'il  regarde  ciilin  :  s'il  fait  un  pas  de 
plus,  il  )  est. 

(Croyez-vous  que  ce  soit  à  M.  l.edru-lioUin  que 
nous  devions  cet  accroissement  immense  du  parti  so- 
cialiste en  France?  Non,  c'est  à  .M.  Faucher,  à  .\t.(-lian- 
garnier  et  au  président  de  la  Hépiiblique,  trois  Faii- 
chers  de  formes  dilférentes,  de  fonds  pareils.  Hi'iiis 
soient  ces  trois  grands,  hommes  ! 


l.'Asseniblée  nationale  était  en  avant  sur  le  pays, 
l'Assemblée  législative  sera  en  relard  sur  lui;  c'est  un 
grand  danger,  puisque  cela  veut  dire  (|ue  le  gomerne- 
nient  n'aura  pas  rinitiati\e,  mais  qu'il  la  subira. 


I.A    VIE    PCBUQCX    ET    PKIVXE    SE    MOSSIEU    RÉAC. 

ChaP.  IX.  —  (iielt/iifi  npiui'm.l  lit  mi>S$i'-n  R-'nr. 


Au  reste,  loi.iours  conséquent  avec  lui- 
il  vote,  comme  il  les  comprend 
la  liberté  de  la  prcsr-e. 


■iO 


REVUE  COMIQUE 


M.  Drouyn  de  l'Huys  a,  en  trois  mois,  compromis 
toute  notre  politique  exlorieure.  L'expédition  d'Italie 
est  jugée,  n'en  parlons  donc  pas,  ses  collègues  eux- 
mêmes  se  mordent  les  doigts  jusqu'aux  coudes,  de 
l'avoir  laissé  entreprendre.  Mais  sa  conduite  en  Alle- 
magne est  vérilahlement  celle  d'un  fou  ;  la  politique 
française  a  toujours  été,  en  Allemagne,  de  séparer  la 
Prusse  de  l'Autriclie,  pour  laisser  comme  barrière 
entre  nous  et  la  lUissie,  tout  le  pays  qui  est  entre  la 
Prusse  et  nos  frontières,  et  la  l'russe  elle-même. 
M.  Dronyn  de  THuys,  par  peur  de  la  chimère  de  l'unité 
allemande,  a  fait  de  sou  mieux  pour  réunir  la  Prusse 
à  l'Autriche,  et  rAutrichc  à  la  Russie.  Il  a  réussi. 
Ainsi,  en  haine  de  Francfort,  il  a  mis  contre  nous  celte 
forniidablecoahtion  des  trois  grandes  puissancesdu  nord. 

Si  les  questions  extérieures  étaient  aussi  connues  en 
France  que  les  questions  intérieures,  ce  n'est  pas 
M.  Faucher  qu'on  eût  expulsé  du  ministère,  c'eût  été 
M.  Drouyn  de  l'Huys,  car  celui-là  fait  le  mal  de  façon 
à  le  rendre  inguérissable,  il  le  fait  dans  la  plénitude  de 
son  insuftisance  et  de  sa  fatuité,  en  homme  qui  se  croit 
infaillible.  La  France  se  souviendra  longtemps  du  pas- 
sage de  AL  Dronyn  de  l'Huys  aux  affaires  étrangères; 
vingt  ans  ne  sauraient  réparer  les  fautes  de  M.  Dro\iyn 
eu  .Vllemagne  et  en  Italie. 

Il  nous  est  arrivé  de  dire  quelques  mots  de  M.  Dan- 
dré,  chef  de  cabinet  de  M.  Drouyn  de  l'Huys,  ce  sin- 
gulier personnage  que  M.  Mortier  a  rendu  célèbre  par 
le  portrait  qu'il  en  a  fait;  nous  nous  étions  contentés  de 
le  croire  nul,  et  par  conséquent  inoffensif,  nous  voilà 


revenus  de  notre  erreur  :  «  Que  fait  M.  "",  ambassa- 
deur de  France  à  ***,  lui  disait  un  hormne  qui  avait  le 
droit  de  lui  faire  cette  question. —  Il  y  fait  merveille, 
répondit  .M.  handri';  il  est  ciiciire  pins  réactionnaire 
que  moi.  » 

Aimable  garçon,  que  cela  est  bien  dans  votre  bsu- 
clie  et  dans  votre  place,  et  que  voire  [latron  doit  être 
lier  de  vous  avoir  à  ses  côtés.  ■ 


«  Comptons-nous,  disait  im  réactionnaire  à  un  so- 
cialiste, vous  verrez  que  nous  avons,  à  Paris  même,  le 
nombre  pour  nous. 

—  Mon  brave  liomnie,  lui  n'piinilit  rapôlre  de  l'ave- 
nir, aux  158.000  voix  qu'a  eu  M.  Ledru-Rollin,  ajou- 
tez les  r)0,000  voix  de  la  population  flottante  de 
Paris,  celle  qui  loge  dans  les  garnis,  celle  qui  n'a  pas 
six  mois  de  domicile  constaté,  et  cinquante  autre  mille 
qu'on  trouverait  dans  cette  partie  de  la  population  qui 
ne  vote  pas  encore,  mais  qui  a  prouvé,  en  février, 
hélas!  et  même  en  juin,  avec  qui  elle  serait  au  besoin, 
je  veux  parler  des  enfants  de  l.'i  à  '21  ans. 

«  Ajoutez  ces  100,000  voix  aux  158,000  voix  de 
M.  Ledu-Rollin,  et  criez  bien  vite,  et  de  bon  cœur, 
avec  eux:  vive  la  République!  vous  les  verrez  alors, 
mais  alors  seulement,  doux  comme  des  agneaux  ; 
écoutez  ce  conseil  et  suivez-le,  croyez-moi.  il  est  sage  : 
et  tout  au  moins,  ne  criez  i)as  autre  chose,  vous  en 
seriez  le  mauvais  marchand.  » 


I.A  VIE    PUBIIQUE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    ILÉAC. 

Chap.  IX.  —  Quelques  opinions  de  mossieii  Réac. 


\\  vole  pour  deux  cbaœbie.. 

(/,a  suite  à  la  prochaine  lii 


A  L'USAGE  UKS  GKiNS  SÉIUEUX. 


M 


AUTAM'  r,N   KMIMlItll':   l,K  VKM, 


Am  ilrt  linntiijm.h. 


Vous  ipii  redoutez  la  U'ni|ii'>i.', 
riviiihlciirs  qui  croyez  loiil  |ii-iilii, 
l.e  leii  (lu  ciel  sur  voire  lôle 
N'e^l  pas  encore  descenJii. 
I.e  i^aiig  .-e  ylace  dans  vos  veines: 
Vous  voyez  l'orage;  arrivant: 
li;innissez  ces  alarmes  vaines; 
Aniant  en  eniporle  le  venl. 

NoU'c  nloi'itMise  patrie 

A  toujours  sa  vitalité  ; 

Klle  ne  peut  t'ire  flétrie 

l'ar  un  complot  discrédité. 

A  la  nation  indignée 

Les  chaînes  qu'on  forge  en  ri^vaut 

Ne  sont  (pie  toilts  d'araii-'née  : 

Autant  en  emporte  le  vent. 

Les  couilisins  de  l'ÉlysOe 
Montrent  le  désir  imprudent 
Qu'une  couronne  soit  posée 
Sur  le  front  de  leur  président. 
Laissez  à  ces  fous  leur  cliimère  ! 
D'un  Kuipire  espoir  décevant, 
Hepri-e  du  Dix-Huit  Brumaire: 
Autant  en  emporte  le  vent. 


Cliangarnier  traite  l'Assemblée 
(Minime  une  bande  d'Africains; 
Si  vieille  lame,  un  peu  fêlée, 
Menace  les  lépublicains. 
Complice  d'une  sourde  intrigue. 
Aux  soldais  sans  cesse  écrivant, 
D'ordres  du  jour  il  est  prodigue: 
Autaiil  en  einporl;  le  vent. 

De;  la  l'rauce  déinoerali(|ue 
(.lui  peut  entraver  les  do^tiu^? 
Kst-Ci!  l'alloiix  le  jésuitique, 
Grand-niallre  des  ij/norantins'? 
Des  moines  il  loucherait  l'àme, 
.S'il  péroniit  dans  un  couvent; 
^lai.  quand  à  la  l^.hamlire  il  dédain 
Autant  en  emporte  le  veut. 

Mais  des  sauvages  de  rilkrainc 
Vous  entendez  le  long  liounvili. 
Et  croyez  que  sur  nous,  sans  peine 
Celle  horde  débordera. 
Dans  la  Hongrie  elle  chemine, 
Tieiiiblanle,  sur  un  sol  moiivanl. 
(Jiie  de  loin  Nicolas  fulmine. 
Autant  en  emporte  le  vent. 

i;.  B. 


Ori  ne  peut  dire  en  vérité 
yue  de  l'ordre  public  Lvon  soit  l'adversaire, 

Lorique  cette  grande  cité 
Vient  de  uoiiiiiut  un  i^ummissaire. 


Les  malheurs  de  Mural,  l'illustre  capitaine, 
Ont  cortlé  bien  des  [jleurs  à  nos  yeux  attendris. 
Le  premier  élu  de  Paris 
A  (iù  son  tiioinphe  à  la  Seine. 


,1  Cli_i:ij;;irnier  !  Encore  uiiç 
pour  lUO  sera  au  pair  1 
i'il  île  (ombt  à  0. 


ii 


HKMIK  COMig*  I 


Lorsque  pour  Franconi  le  temps  elail  prospère, 
Mural  i.hliiit  :i"  Cirque  un  succès  eclalaiil. 
C'est  à   force   de  voir  représenter  le  père 
yiie  Paris  a  Ju  lils  fuit  un  reprisentanl. 


Demoé  par  Nadahd- 


Gravé  par  Baula 


"  itiiliiiif^.  DCHIMEHAT.  toiTcim,  aos  &icH£Lico,sa  i>;i'  l^ùiaiiun 


,-!« 


OIMDITIOIVS  DE  L*  SOrSCRIPTIO\.  -  La  ïiE^vv.  oomw.  k    formera  dei,x  volumes  grand   in-s'    pubUé.  en  iù  hvra-o«.  4  ÔO  «ni™,.  i 

rumT,  'Jr  "-InT'"  ""T"-  ""îrr  -i''   -•'  P'^™'""^  ""^'^'>°'-  ^  ^'*  ^"''^  >=  ^^  «vrU  iai9.  Il  rei.Lme  ,av,ro„  MO  «r  mar",  pli    Zl,  "f  p,,^,",'! 
I  pTrteraeQ  ;        "  ^         '"""°  '"  ^'^   ''^  """"^  """"*  P^""  '°  »"»'^<«"-  On  souscrit,  pour  ce  volume,  en  pavant  7  fr.  50  c.  rour  Par.ret  lo  fr    pour 


AUX  SOVSOHXFTEUB.S  DE  ZiA  BEVVE  COMIQUE. 

Le  premier  feuillet  de  .-iMijne  livraist)n,  repriiduisanl  uniforinémenl  le  dessin  de  la  couverture,  doit 
être  enlevé  à  la  hrocluire.  —  Aliu  de  varier  le  verso  de  ce  premier  feuillet,  sans  toutefois  y  insérer  rien 
d'iiiDortaiit,  dont  la  suppression  aurait  quelipie  inconvénient,  ce  verso,  à  l'avenir,  sera  occupé  par  la 
correspondance  de  la  KKvtE,  i)ar  des  annonces  drolatiques,  ou  quelque  antre  sujet  accessoire  eu  dehors 
de  notre  cadre;  de  telle  sorte  que  lorsque  les  souscripteurs  réuniront  en  volumes  la  collection  des  livrai- 
sons, ce  feuillet,  enlevé,  ne  supprimera  aucune  partie  intéijrante  de  l'ouvrage.  Le  dernier  feuillet  de  la 
couverture,  IVinnant  la  dernière  et  ravanl-tlernière  page  de  chaque  livraison,  devra  être  relié  avec  l'ou- 
vrage complet,  dont  il  ne  peut  être  détaché. 


BIBLIOCiRAPHIF. 


Une  partie  de  cette  page  sera  de  temps  en  temps  consacrée  au  compte-rendu  des  ouvrages  dont  les  auteuis  ou  éditeurs  déposeront 
deux  exemplaires  au  bureau  de  la  Kevue  comique. 


PRÉCIS   DE   L'HISTOIRE 

ut 

LA  RÉ\0LlT10i\  ET  DE  L'EliriRE 

FRANCE   ET    EUROPE   —    J789-18Li 

l'A  H 

GAHII.I.E  RQUSSET 

PROFESSEIK    d'histoire  Al'    LYCEE    BONAPAKIE. 

Les  graves  préoccupations  du  présent  nous  ramènent  aux  premières  phases  de  notre  grande  Révolution. 
Les  leçons  de  l'expérience  doivent  aujourd'hui  guider  nos  pas,  et  nous  faire  éviter  les  ccueils  où  nos  de- 
vanciers ont  sombré. 

Aussi  nous  empressons-nous  d'annoncer,  comme  une  œuvre  d'utilité  publique,  le  précis  de  l'Histoire 
de  la  Récolution,  par  Camille  Rousset.  Ce  résumé  n'est  pas  toujours  conçu  à  notre  point  de  vue  poli- 
tique; néanmoins,  nous  rendons  justice  à  la  loyauté  de  l'auteur,  et  à  l'exactitude  avec  laquelle  il  a  re- 
tracé les  événements  de  la  grande  période  de  178',)  à  1815.  Du  reste,  laissons  parler  l'auteur.  Voici 
quelques  phrases  extraites  de  sa  préface. 

«  Ce  livre  n'est  pas  autre  chose  qu'un  modeste  précis  pour  l'enseignement;  c'est  à  dire  que  j'y  ai 
mis  tout  le  soin  que  réclament  des  études  sérieuses. 

«  Toutefois,  si  ce  travail,  qui  n'est  pas  fait,  je  le  déclare  humblement,  pour  affronter  la  difficile 
épreuve  du  monde,  venait  à  franchir  les  limites  de  nos  collèges,  je  m'en  alarmerais,  sans  aucun  doute, 
pour  mon  amour-propre  d'écrivain,  nullement  pour  ma  conscience  d'honnête  homme. 

M  Dans  cette  route  pénible  et  semée  de  difficultés,  je  me  suis  tenu  constamment  entre  deux  guides 
infaillibles,  l'impartialité,  qui  est  le  premier  devoir,  et  la  liberté  d'opinion,  qui  est  le  premier  droit  de 
l'historien,  b 

Dans  un  volume  in-S"  de  ôOO  pages,  M.  Camille  Rousset  a  su  concentrer  la  matière  des  volnmineu.ses 
compilations  de  Thiers,  de  Bûchez,  de  Toulongeon  et  de  Montgaillard.  Son  récit  est  rapide,  net,  coloré, 
et  n'omet  rien  d'essentiel.  Après  une  introduction  largement  conçue,  sur  les  mœurs,  la  philosophie  et  les 
idées  du  dix-huitième  siècle,  l'auteur  éclaircit  les  causes  multiples  qui  amenèrent  la  convocation  des 
Etats-Généraux  ;  jjuis  il  déroule,  dans  une  narration  lucide,  semée  de  réflexions  habilement  intercalées, 
les  péripéties  du  drame  révolutionnaire. 

«  Ce  livre,  dit  M.  Camille  Rousset,  n'est  qu'un  modeste  précis  pour  l'enseignement.  »  iSoiis  pensons 
qu'il  peut  être  lu  avec  fruit  par  tout  le  monde,  et  qu'il  est  préférable,  dans  sa  concision,  à  beaucoup  de 
publications  où  les  mêmes  annales  sont  longuement  délayées. 

La  première  partie,  qui  vient  de  paraître,  contient,  en  500  pages,  toute  l'histoire  de  la  Révolution, 
rAssemblée  constituante,  l'Assemblée  législative,  la  Convention  et  le  Directoire.  —  Il  n'existe  aucun 
autre  ouvrage  aussi  concis  et  aussi  complet  sur  cette  période  remplie  d'événements. 

Il  n'est  pas  hors  de  propos  de  noter  ici  la  modicité  du  prix,  (|ui  donnera  entrée  dans  la  bibliothèque 
la  plus  modeste  à  l'histoire  de  la  Révolution,  —  dont  jusqu'ici  aucune  édition  n'existait  dans  de  pa- 
reilles conditions. 

In  volume  in-8'',  —  Prix  :  \  Ir. 

Chez  CHUMEROT,  rue  du  Jardinet,  13,  —   t-t  AnioT,   rue  de  la   Paix,   8. 
On  trouve  aussi  des  exemplaires  chez  DUMIlkERAV,  rue  Richelieu,  52. 


Tiri-  JU1  prpffi'f  nitfciniqiiei  de  T.ACRiMPl  itCovp.  rn«  Dtmictie,  t. 


A  CAUSE  DE  KÉAUMUR. 


Je  passais  l'autre  jour  devaut  iiii  tcnaiii  oiitoun:  de 
planches,  lorsque  j'entendis  une  \oix  qui  criait  : 

—  Alleution  au  coimnandenient  ! 

—  Préparez...  poumons  !  prenez...  couteaux! 

—  Une,  deux;  une,  deux,  à  l'ordre!  Ça  ne  vaut 
rien;  recommencez -moi  ce  lenips!  Une,  deux,  à 
l'ordre  !  C'est  ça.  M.  Baze,  vous  me  ferez  deuï  jours 
de  salle  de  police  pour  ne  pas  avoir  frappé  trois  fois  de 
votre  couteau  de  bois  après  le  premu>r  mouvement. 

Je  m'approchai,  et,  a  travers  une  fente,  j'aperçus  le 
sergent  Denjoy  et  le  caporal  Tasclicreau  qui  faisaient 
faire  l'exercice  de  l'interruption  en  douze  temps  ù  une 
escouade  de  recrues  parlementaires. 

La  gaucherie  de  ces  i-eprésentants-conscrits  était  ex- 
trême. On  voyait  cejiendant,  à  la  lourdeur  de  leurs 
mouvements,  qu'ils  parviendraient  à  se  former.  Kn 
effet,  nous  en  avons  eu  la  preuve  dès  les  premières 
séances  de  l'Assemblée  législative. 

Les  citoyens  Uenjoy  et  Taschereau,  instructeurs  du 
parti  honnête  et  modéré,  ont  vraiment  fait  merveille. 
Les  conscrits  de  la  réaction,  qui  voyaient  le  feu  pour 
la  première  fois,  ont  manœuvré  comme  de  vieilles 
troupes.  Aucun  d'eux  ne  s'est  débandé,  et  il  a  fallu 
conteair  la  fougue  de  ceux  qui  voulaient  enlever  les 
redoutes  de  la  Montagne  à  l'arme  blanche. 
^  Cette  ardeur  n'est  pas  sans  quelque  danger  pour 
1  avenu'.  Il  esta  craindre  que  le  citoyen  Denjoy  et  son 
lieutenant  Taschereau  ne  lancent  un  jour  leurs  préto- 


riens contre  l'Assemblée,  et  ,|u'ils  ne  lassent  un  dix- 
huit  brumaire  à  leur  profit.  On  prétend  même  qu'ils 
ont  fait  des  ouvertures  à  M.  Baze.  On  formerait  un 
gouvernement  ainsi  composé  : 

Denjoy,  premier  consul. 
Taschereau,  deuxième  coiimiI. 
Baze,  troisième  consul. 

Le  comité  de  la  rue  de  Poitiers  s'alarme  sérieuse- 
ment de  ces  prétentions.  On  annonce  que  les  conspi- 
rateurs, dans  les  dernières  séances  du  comité,  ont  laissé 
percer  leurs  intentions. 

-M.  Mole  ayant  insisté  plusieurs  fois  p„ur  répondre 
a  une  observation  du  citoyen  Denjoy,  ,elui-ci  lui  a 
coupé  la  parole  en  lui  disant  ; 

«  Taisez-vous,  Pékin.  » 

Taschereau,  en  désignant  M.  Thiers  du  doigt  da 
façon  à  ce  que  personne  ne  put  s'v  méprendre  s'e-^l 
ecrié  :  11  faut  en  finir  avec  les  bavards  et  les  idéologues  ; 
ce  sont  eux  qui  perdent  tout.  " 

guant  à  M.  Baze,  on  a  remarqué  que,  toutes  le.  fois 
qu'il  se  rendait  à  la  buvette,  il  affectait  de  marcher 
en  avant  de  ses  collègues,  et  de  se  faire  servir  avant 
eux. 

Le  comité  de  la  rue  de  Poitiers  a  annoncé  que  <=a 
tache  n  était  pas  linie  avec  les  élections.  11  est  décidé  ù 
continuer  son  œuvre;  mais,  quelle  œuvre?  voilà  pré 
ciscment  la  question. 


'il 


REVUE  COMIQUE 


—  Belle  question  !  ranivre  Je  la  rue  Je  l'uilieis  osl 
la  reeonslruclion  Je  l'ordre. 

—  De  quel  onlre  '? 

De  l'orJre  selon  les  orléanistes. 
De  l'ordre  selon  les  légitimistes. 
De  l'ordre  selon  les  bonapartistes. 

Je  voudrais  liien  qu'on  nie  fournît  <ineli]ues  (iclair- 
cissenients  à  cet  égarJ. 

Ces  divisions  ne  peuvent  (iii'ètre  fatales  à  la  rue  Je 
Poitiers.  Les  eiloyens  Denjoy,  'l'aseliereau  et  Baze  ne 
niani[ueront  pas  d'en  profiter  pour  pousser  leur  pointe 
eonsnlaire.  Us  Uniront  par  réussir,  poussés  qu'ils  sont 
])ar  l'instinct  Je  plus  en  plus  lielliqueux  des  nouveaux 
membres  de  l'Assemblée  législative. 

Le  gouvernement  est  inquiet  de  celte  nouville  di- 
rection que  [)rennent  les  esprits,  et  celte  inquiétude  a  as- 
sombri le  banquet  qui  a  eu  lieu  cliez  M.  Odilon  Barrot 
poui'  célébrer  les  fuuéraillesile  iii  Conslituanle.  M.  Léon 


Faucber  avait  été  adhiis  à  ce  banquet.  Aux  yeux  de  ses 
anciens  collègues,  M.  Léon  Faucher  n'a  point  cessé 
d'elle  ministre.  On  lui  réserve  une  place  à  tous  les 
gueuletons  ofliciels,  où  il  mange  avec  tout  l'apiiétit  J'un 
économiste. 

Qui  aurait  dit  au  minislère  que,  (juelques  jours  seu- 
lement après  l'ouverture  de  l'Assemblée  législative,  le 
danger  lui  viendrait  de  ses  amis?  (l'est  là  pourtant  ce 
qui  arrive.  Les  montagnards,  (ju'on  nous  avait  faits  si 
terribles,  si  menaçants,  sont  les  meilleures  gens  du 
monde,  de  vrais  moutons  pour  la  douceur.  La  Montagne 
a  |)erJu  sa  foudre  et  ses  éclairs  :  ées  orages  sont  dans  la 
plaine. 

—  Oii  en  èles-vous  maintenant  en  l'"iiince?  m'écrivait 
hier  un  Je  mes  amis. 

—  Nous  en  sommes,  lui  ai-je  réponJu,  à  trente- 
Jeux  degrés  Béanmur  à  l'ombre. 

C'est  ce  (\\n  explique  pauiquoi  je  me  lulte  d'inter- 
lonqire  cette  chronique. 


LES  17  BBUMAIUE. 


A  M.  I.E  DlllF.CTFlH  1)K  I.A   IIEvrB  cnsilQrE. 

Monsieur, 

Pardon,  excuse  si  je  vous  dérange.  U  faut  absolu- 
ment que  vous  me  tiriez  d'un  doute.  Lorsqu'on  m'a 
appris  à  lire,  écrire  et  compter,  dans  ma  jeunesse,  on 
m'a  positivement  assuré  qu'après  le  nombre  17  venait 
immédiatement  le  nombre  18.  Mais  il  paraît  que  de- 
puis tantôt  six  mois  on  a  changé  cela.  Si  le  calendrier 
radote,  il  serait  bon  d'en  avertir  le  public.  Peut-être 
avez- vous  quelque  renseignement  à  ce  sujet.  Soyez 
assez  aimable  pour  me  dire  si  votre  almanach  est  pa- 
reil au  mien.  Il  est  dur,  à  mon  âge,  de  ne  pas  savoir 
trouver  le  quantième  du  mois. 

En  Jeux  mots,  .Monsieur,  voici  ce  qui  me  met  en 
peine  :  Jeptiis  le  D)  décembre,  il  est  venu  maintes  fois 
des  gens  me  Jire  :  a  Père  Ramponneau,  vous  ne  savez 
pas?  c'est  aujourJ'hui  le  17  brumaire. 

—  Qu'entenJez-voiis  par  là?  leur  ai-je  JemanJé'. 

—  Nous  entendons  que  demain  ce  sera  le  IS  bru- 
maire. » 

Etonné  de  ces  paroles,  et  ne  connaissant  pas  celte 
date-là,  je  prends  mon  guide-àiie  et  je  l'examine  avec 
soin  :  je  n'y  vois  pas  le  17  brumaire,;  mais  je  pense 
que  le  lendemain  ce  sera  peut-être  le  18.  puisqu'on  le 
répète  avec  assurance.  Le  lendemain,  pas  pins  de  IS 
brumaire  que  sur  ma  main.  Je  me  dis  que  c'est  une 
bêtise;  que  ces  gens-là  se  trompent,  et  je  n'y  songe 
phis.  Quelques  jours  après,  d'autres  personnes  viennent 
me  dire  encore  : 

—  Père  Ramponneau,  c'est  aujjurd'hui  le  17  biii  • 
maire. 


—  Ce  jom-là  n'est  pas  sur  mon  almanach,  iiue  je 
leur  réponds. 

—  C'est  vrai,  me  dit-on  ;  mais  cette  façon  de  parler 
signifie  que  demain  ce  sera  le  18  brumaire. 

Je  cherche  encore  avec  acharnement.  Je  relis  mon 
calendrier  d'un  bout  à  l'aulre;  j'y  trouve  la  Passion, 
Quasimodo,  Oculi  et  Saiut-Ëloi;  quant  au  18  bru- 
maire, pas  l'ombre  :  il  est  à  tous  les  diables.  Je  com- 
mence à  croire  qu'on  s'est  gaussé  de  moi.  Mais  voilà 
que  d'autres  gens,  qui  ne  songeaient  pas  le  moins  du 
monde  à  me  jouer  un  tour,  et  qui  causaient  tout  bon- 
nement ensemble,  se  mettent  à  dire  entre  eux  :  «  Au- 
jourd'hui, nous  sommes  au  17  brumaire.  »  Je  n'y 
comprends  jilus  rien  ;  je  soupçonne  que  c'est  qnebjue 
bamboche  politique  ou  un  terme  d'argot  :  je  prends 
patience  et  je  me  tiens  coi.  Le  temps  est  un  grand 
maître. 

Un  soir  donc,  c'était  le  28  janvier  1849  (j'en  suis 
parfaitement  sùi),  on  me  répète  que  nous  sommes  au 
IT  brumaire.  Je  hausse  les  épaules,  et  je  ne  Jis  rien. 
Le  lenJemain,  j'entenJg  battre  le  rappel.  Je  m'infor- 
me, et  savez- vous  ce  qu'on  me  répond?  —  «  C'est 
(pi'ori  veut  faire  un  18  brumaire.  »  Et  puis,  au  bout 
dc^  deux  heures,  ou  m'annonce  que  le  18  brumaire  est 
manqué,  cl  (|ue  ce  sera  |)om'  une  autre  f(jis.  Eu  edet, 
je  me  suis  a.ssuré  ipic  ('('tait  bien  le  29  janvier,  et  pas 
autre  chose. 

Le  20  mai  ilernier,  même  aventure.  On  me  dit  que 
nous  sommes  au  17  brumaire;  et  puis,  le  lendemain, 
point  de  18.  Nous  retombons  en  plein  au  21  mai,  tel 
que  le  bon  Dieu  et  le  calendrier  l'ont  fait.  Monsieur, 
je  vous  en  prie,  quel  est  donc  ce  mystère? 


KSSAI  Dl-  CIILOUOFORMISATION 

DE«TI>É    *   rORF.  Sinin    A  I.A    Rll'lOLIOUE      FRANÇAIS!:,  PENDANT   SA   LÉTIlARCrF.,  l/uPtRATION  DE  LA   NATIOVALOIlllTIE, 
»nc  iccuiir>G:<i>i>?<r  di  Li«q»  siiunto,  »ou«  triRii  lo^  iino  laop  cumot  »•  liiiiti. 


Aides  opérateurs. 


Grâce  à  sa  vieUle  probité,  l'honnètc  Barrot  a  su  peisuader  une  seconde  fois  la  malade  :  elle  lui  a  livré  sa  tête L'opérateur  Fba-Fali  ot ï  double 

la  dos«,  suivani  la  prescription  du  petit  docteur  Thiers,  qui  suit  attentivement  les  progr.^s  de  l'affaissement  du  sujet. 
La  mère  MoiÉ  prépare  un  breuvage  drstiné  à  entretenir  l'immobilité. 


Pendant  ce  temps-là    . 
Dessiné  par  Naoard. 


AAn  que  l'opération  i 
loit  pas  troublée. 


Pendant  ce  temps-là.-. 

Gravé  par  BAtiUiST. 


46 


REVUE  COMIQUE 


Quand  on  me  dit  :  n  C'est  aujourd'hui  samedi,  n  je 
songe  intérieurement  que  ce  sera  le  lendemain  diman- 
che, et  jamais  cela  ne  manque.  D'où  vient  donc  que 
tous  ces  1"  brumaires  ne  sont  jamais  suivis  du  18? 
Savez-vous  que  c'est  étonnant!  Il  y  a  donc  des  gens 
qui  tentent  de  changer  les  dates,  et  qui  n'y  réussissent 
pas?  S'fl  en  est  ainsi,  priez-les  de  ramener  le  samedi 
plus  souvent  qu'à  son  tour.  Je  tiens  un  cabaret  hors 
barrière,  et  si  nous  avions  beaucoup  de  samedis  par 
semaine,  nous  aurions,  je  le  suppose,  plusieurs  di- 
manches. Je  pourrais  chanter  :  Ah!  comme  on  vien- 
drnit  boire  à  mon  cabaret'.  Mais  pour  cela,  il  ne  fau- 
drait pas  que  le  dimanche  fit  au  samedi  la  même  farce 
que  ce  18  brumaire  fait  toujours  au  17,  en  lefusant 
obstinément  de  venir  à  la  suite. 

De  grâce,  .Monsieur,  éclairez-moi.  On  m'a  bien  dit 
quelquefois   :     «  Telle  chose  viendra  la  semaine   des 


trois  jeudis.  »  Mais  c'était  une  façon  de  parler  pour 
exprimer  que  cette  chose  n'aurait  jamais  lieu.  S'il  en 
est  de  même  du  18  brumaire,  donnez-m'en  avis,  s'il 
vous  plait.  11  ne  faut  pas  badiner  avec  le  rappel  elles 
roulements  de  tambour.  Cela  éloigne  les  buveurs  ;  cela 
empêche  le  plaisir  ;  cela  dérange  le  commerce  et  in- 
quiète les  particuliers.  Puisqu'il  n'y  a  point  de  18 
brumaire,  on  devrait  bien  aussi  nous  épargner  le  17. 

Je  veux  être  raisonnable.  Monsieur,  et  ne  pas  me 
tourmenter  mal  à  propos  ;  c'est  pourquoi,  en  attendant 
votre  réponse,  je  me  figurerai  qu'il  en  est  du  |7  bru- 
maire comme  de  cette  enseigne  bien  connue  d'un  bar- 
bier extrêmement  farceur  :  «  Ici  on  rasera  (jratis 
demain.  » 

Recevez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération 
distinguée. 

Ramponneai-,  marchand  de  vins. 


EX  LIBRIS  DE  FALLOUX. 


Il  était  onze  heures  du  soir,  et  je  flânais  encore  de 
long  en  large  et  de  large  en  long  dans  le  passage  Choi- 
seul.  Le  gardien,  en  petite  tenue  de  Napoléon,  se 
tenait  dans  un  angle  sombre,  les  bras  croisés  sur  la 
poitrine,  et  la  corne  de  son  petit  chapeau  réveillait  en 
moi  les  souvenirs  du  beau  temps  passé  de  nos  gloires 
militaires. 

Donc,  il  se  faisait  tard  :  le  gazier  avait  sonné  une  pre- 
mière fois,  et  les  rares  promeneurs  défendaient  de  leur 
mieux  la  tête  et  les  reins  des  angles  de  volets  qui  sur- 
gissaient de  toutes  les  portes.  Une  seule  boutique  était 
encore  grand'ouverte.  Des  flots  de  lumière  inondaient 
de  petits  bibtots  d'une  physionomie  étrange  et  laide  que 
je  me  pr'.s  à  considérer.  Un  monsieur  ,  fort  bien  cou- 
vert, ma  foi  !  et  décoré  de  la  rosette  de  Saint-Louis,  se 
pencha  à  mon  oreille  et  me  désignant  le  pharamineiix 

étalage  : 

—  Vous  êtes  amaten  r  d'objets  d'art ,  me  dit-il  en 
m'offrant,  dans  une  boite  dor  niellé,  une  prise  d'un 
tabac  fin  comme  tout  :  que  pensez-vous  de  ceux-ci  ? 

—  Ce  que  j'en  pense,  lui  répondis-je  avec  des  yeux 
danslesquels se  peignait  peut-être  quelque  défiance, je... 

Le  vieux  monsieur  décoré  m'interrompit  en  souriant. 

—  Soyez  tranquille,  me  dit-il,  nous  sommes  seuls, 
et  ce  marchand,  notre  ami,  est  on  homme  sur  et  dis- 
cret; il  sera  bien  certainement,  un  jour,  Grand-Porte 
quelque  chose,  et  il  l'aura  bien  gagné.  Si  vous  voulez, 
entrons  chez  lui,  et  je  vais  vous  mettre  entre  les 
mains  une  petite  perle  toute  fraîche  émoulue. 

—  Mais,  monsieur,  je  ne  vous 

—  Chut  donc!  fit  l'entêté  vieillard,  votre  fanatisme 
vous  égare;  allez-vous  pas  crier  tout  haut  :  vive 
Henri  V  ! 

Je  ne  suis  heureusement  pas  poltron  ;  je  n'étais  pa» 
fâché  de  voir  l'inlcrieur  de  la  boutique  du  célèbre  trois 


étoiles,  qui  sera  Grand-Porte  quelque  chose,  et  je  vou- 
lais connaître  l'émail  de  la  perle  fraîche  émoulue  ; 
—  j'entrai. 

Tandis  que  mon  introlucteur  marmottait  tout  bas, 
à  l'oreille  du  maître  de  la  maison,  je  passai  en  revue 
les  petits  crucifix  en  ivoire,  couronnés  de  fleurs  de 
lis,  et  portant,  comme  signe  particulier,  un  ventre 
que  l'on  ne  prête  ordinairement  pas  aux  figures  de 
Christ;  l'entrée  de  Charles  Vil  à  Paris,  —  toujours 
avec  du  ventre,  et  la  collection,  plus  variée  que  toutes 
les  collections  connues  de  tulipes,  de  Dieu  le  veut. 
Dieu  le  voudra.  Dieu  ne  le  veut  pas.  Dieu  l'a  voulu, 
ah!  si  Dieu  le  voulait,  etc.,  etc. 

Je  fus  tiré  de  ma  contemplation  des  soi-disant  vo- 
lontés divines  par  mon  vieux  monsieur  décoré,  qui  me 
remit  entre  les  mains  un  petit  volume,  édition  diamant, 
doré  sur  tranches,  relié  de  salin  vert  et  fleurdelisé 
d'argent. 

Voyez  ceci,  me  dit-il  myslérieusemenl  en  faisant 

claquer  les  doigts  de  sa  main  gauche;  lisez  et  proliiez. 
Chut!! 

Voilà  ce  que  je  vis  et  ce  que  je  lus. 

Sur  la  première  page  je  lus  :  ^x  librit  de  Falloux. 

Je  tournai  et  je  vis  : 

PETITES  PRIÈBES 

A     MO!»     LSAUE     PABTICL1.IEI1. 

Au  nom  du  Pape,  du  conue  de  Chambord   el  de  la  S.in  .--Allianre  de. 
autocrati-'S  Russe,  Pra»sien  el  Aulr. chien.   AiiiM  suil-il. 

PHIÈRE    EN    ME   LEVANT. 

Je  vous  rends  grâces,  6  mon  Dieu,  du  pouvoir 
que  vous  m'avez  donné  el  que  vous  m'avez  conservé 
jusqu'à  cette  heure  ;  je  vous  rends  grâces  du  tilre  glo- 
rieux d'homme  de    cour  et  d'homme  politique   que 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


47 


vous  m'avez  conslilué  dans  l'avenir  ,  quand  luira  le 
grand  jnnr  de  clémence  où  vous  laisserez  tomber  de 
l'azur  du  ciel  la  couronne  lleurdelist'e  qui  remplacera 
l'aïu'éole  du  martyr. 

Dieu  tout-puissant,  donnez-moi  la  force  (pii  me 
fera  vivre  jusque-là  ;  car  elle  sera  radieuse  ,  Seigneur, 
la  renaissante  aurore  où  l'on  immolera  rexécrable 
raison  humaine  sur  les  ronges  autels  de  la  sainte  In- 
([uisition  ,  où  la  sainte  Ilermandad  fonctionnera  au 
nom  de  ses  pouvoirs  absolus,  oîi  les  privilèges  de  la 
noblesse  seront  glorieusement  proclamés,  où,  dans  nos 
provinces,  le  mari  se  signera  dévotement  devant  la  san- 
dale du  bon  moine  qui  fermera  l'huis  de  sa  porte,  où  le 
paysan  redeviendra  serf ,  bàtonnable  et  corvéable  à 
merci,  où  l'Église,  géante  enfin,  pèsera  de  tout  son 
poids  sur  les  toiubeaux  de  deux  révolutions  enterrées 
à  jamais.  Ainsi  soit-il. 

l'RlÈRE   EN    MONTANT   A    LA   TRIDCNE. 

Dieu,  tout-puissant,  je  vais  aborder  la  tribune  par- 
lementaire :  faites-moi  la  grâce  de  m'inoculer  un  peu 
le  venin  de  la  vipère.  Insinuez-moi  quelque  grosse 
injure  que  je  puisse  adresser  indirectement  h  l.edru, 
qui,  tous  les  jours,  me  lance  en  pleine  face  des  mois 
cruels  que  je  compte  bien  lui  faire  payer  plus 
tard ,  et  faites  que  je  retrouve  an  fond  du  verre 
d'eau  sucrée  constitutionnel  l'astucieuse  et  cauteleuse 
inspiration  qui  taquine  le  démon  montagnard  ;  faites 
aussi  que  mes  trucs  et  ficelles,  tels  que  :  sourire  miel- 
leux à  l'hérétique  Barrot,  jeu  modeste  et  pudibond  des 
paupières  devant  l'honorable  bienveillance  que  m'ac- 
corde la  droite  de  l'Assemblée,  —  faites,  dis-je,  que  ces 
petites  ressources  mimiques,  qui  ne  m'ont  point  encore 
fait  défaut  à  mon  banc,  ne  me  manquent  pas  aujour- 
d'hui à  cette  tribune  ;  délivrez-moi  des  interpellateurs 
de  la  nature  des  Joly.  Ainsi  soif-il. 

PRItnE    EN    DESCENDANT    DE    LA    THIDUNE. 

Pardonnez-moi  ,  mon  Dieu  !  je  viens  encore  d'en- 
tendre blasphémer  le  saint  temps  du  bon  plaisir  sans 
employer  toutes  les  ressources  de  cette  éloquence  à 
trente-six  tranchants  dont  vous  m'avez  gratifié  ;  j'ai 
aussi  entendu  les  cris  discordants  de  Vive  la  Répu- 
blique! et  je  n'ai  pu  obtenir  des  lettres  de  cachet 
contre  les  croquants  et  manants  qui  avaient  blessé  mes 
orciMes  de  ce  cri.  Hélas  !  c'eût  été  si  commode  autre- 
lois  !  Mais  il  n'y  a  plus  de  Bastille,  vous  nous  l'avez 
retirée  dans  un  jour  d'épreuves:  que  votre  volonté  soit 
faite  !  J'ai,  en  descendant,  presque  fraternellement  serré 
la  main  au  schismatique  Barrot,  sans  paraître  me  rap- 
peler qu'il  a  proposé  la  régence  quand  il  pouvait  de- 
mander la  restauration  du  droit  divin.  Pardonnez-moi, 
mon  Dieu  ! 

Avant  de  me  relever,  je  sens  le  besoin  de  vous  répéter 
encore,  ô  mon  Dieu,  que  toutes  mes  actions,  qui 
paraissent  blâmables  en  elles-mêmes  sont  faites  dans 


unliullnualilc,  etque,  quoi  qu'il  arrive,  je  mourrai  dans    1 
la  foi  (le  mes  |ières  ,  légitimiste  et  jésuite.  Ainsi  soit-il.     | 


IHIKIIE   EN   ME  COUCHANT. 

Je  me  confesse  à  vous,  mon  Dieu  !  et  à  la  légion 
des  saints  et  des  archanges  qui  vous  entourent,  à  notre 
cher  enfant  du  miracle,  digne  fils  de  ses  illustres  an- 
cêtres, qui,  à  l'instar  des  bêtes ii  cornes,  a  horreur  de 
tout  ce  qui  est  ronge,  qui  ne  m'a  jamais  appelé  ci- 
toyen et  qui  n'a  point  omis,  une  seule  fois  dans  sa  vie, 
de  mettre  mon  titre  et  ma  particule  devant  mon  nom  ; 
je  me  confesse  aussi  au  général  de  la  vertueuse  com- 
pagnie de  Loyola  et  à  l'honorable  vicomte  d'Arlinconrt, 
qu'aujourd'hui  encore  j'ai  salué  d'un  très-aimable  sou- 
rire le  président  de  la  République,  mais  c'était  toujours 
pour  le  bien  de  la  sainte  cause.  Je  souriais  à  cette  plan- 
che jetée  entre  la  République  et  la  légitimité,  et  sur  la- 
quelle nous  marcherons  bientôt  à  reculons  vers  les  beaux 
jours  du  moyen-âge.  Je  ne  cherche  pas  à  me  faire 
meilleur  que  je  ne  suis,  et  je  frappe  ma  poitrine;  mais 
ce  n'est  pas  ma  faute ,  ce  n'est  pas  ma  faute  ,  ce  n'est 
pas  du  tout  ma  très-grande  faute,  si  le«  petites  affaires 
n'entrent  pas  plus  activement  dans  une  voie  meilleiu'e. 
Faites  donc,  ô  mon  Dieu  !  que  nous  finissions  enfin  d'é- 
craser l'insurrection  italienne,  et  avec  la  restauration 
du  pape  et  la  suppression  brutale  des  républicains-so- 
cialistes, nous  y  veri'ons  plus  clair  et  nous  pourrons 
rapidement  nous  débarrasser  des  républicains  et  des 
libéraux  ordinaires. 

Vous  savez,  ô  mon  Dieu  !  si  mon  cœur  est  pur,  si 
j'exècre  le  centre,  la  gauche  et  la  Montagne  !  Si  je  res- 
pecte l'inviolabilité  de  l'Assemblée,  je  ne  crois  pas  aux 
assemblées  constituantes  et  législatives!  Mais  je  crois 
en  vous,  mon  Dieu,  comme  je  croisa  la  compagnie  de 
Jésus,  àl'eiTipereurde  Russie,  à  Ferdinand  Bomba,  à  l'in- 
vasion prochaine  des  trois  puissances.  —  Soutenez-moi 
donc,  ô  mon  Dieu  !  dans  ces  croyances,  et,  jusqu'au 
grandjourde  la  régénération  du  vrai  principe,  ne  me  lais- 
sez jamais  succomber  à  aucune  tentation  de  réforme  pro- 
gressive dans  l'accomplissement  de  mon  mandat  de 
ministre  de  l'instruction  publique,  et  délivrez-moi  de 
la  démocratie.  Ainsi  soit-il.  — 

Je  jetai  l'affreux  petit  livre  dans  les  tibias  du  citoyen 
trois  étoiles;  mon  introducteur,  à  ce  mouvement, 
sauta  en  arrière,  comme  si  la  bête  de  l'Apocalypse 
l'avait  mordu. 

—  Nous  sommes  trahis!  s'écria-t-il  en  faisant  un 
signe  de  croix. 

Et  je  m'enfuis,  à  toutes  jambes,  de  ce  mauvais  lieu, 
en  me  frappant  la  poitrine  et  en  disant  du  fond  de 
mon  cœur  : 

—  Seigneur!  Seigneur!  délivrez-nous  des  vilaines 
gens  que  voici  !! 

Amen  !!! 

A.  F. 


A8 


REVUE  COMIQUE 


COURRSPONDANCE  D'UN  ÉMIGRÉ. 


LE    MAnOlI*    tit'    HELDEH    Al'    VICOMTE    HE    DLRANtl. 

Clior  vicomte, 
Que.  je  te  plains  d'être  iosti5  dans  celte  liisle  ville  de 
Paris,  en  proie  au  choléra  et  à  la  démocratie!  Le  cho- 
léra, ce  n'est  rien  sans  doute;  il  ne  s'attaque  qu'au 
petit  monde,  il  n'emporte  guère  que  les  bourgeois  et 
la  canaille  entassés  dans  des  quartiers  malsains,  ou  des 
représentants  naïfs  qui  consentent  à  s'empiler  par  cen- 
taines dans  la  caque  nationale  de  l'ex-palais  lîourlion. 
Au  nioyen-àge,  nous  avions  le  trousxe-gnlimt,  qui 
n'épargnait  pas,  lui,  les  gens  de  qualité!... 

La  démocratie  est  bien  une  autre  épidémie.  C'est 
elle  que  j'ai  fui  outre  mer,  que  je  fuirais  jusqu'aux 
conlinsdu  céleste  empire  chinois,  dernier  asile  des  plus 
pures  traditions  monarchiques. 

Ce  qui  te  retient,  toi,  je  le  sais  trop  :  c'est  la  malheu- 
reuse illusion  que  tu  te  fais  d'une  restauration  de 
l'Empire.  Homme  de  noblesse  nouvelle,  fils  d'un  mu- 
nitionnaire  général,  nommé  comte  par  l'usurpateur,  tu 
ne  dois  mon  amitié  qu'à  tes  bons  sentiments  et  à  tes 
goûts  aristocratiques,  ainsi  qu'à  notre  longue  collabo- 
ration au  Bnn  Ton,  journal  des  tailleurs. 

N'hésite  plus  ;  le  Ilot  monte,  l'hydre  révolutionnaire 
n'épargnera  pas  même  les  parchemins  inolTensifs  contre- 
signés Cambacérès;  on  prendra  vos  têtes  à  défaut 
d'autres  ,  et  l'on  vous  prouvera  que  vos  aïeux  sont 
allés  aux  croisades;  tu  protesteras  en  vain  que  ton 
grand-père  était  huissier,  on  te  prouvera  qu'il  a  com- 
battu à  Fontenoy. 

Tel  est  le  caractère  des  procureurs  de  la  République, 
il  leur  faut  leur  compte  de  têtes;  il  leur  faut  la  con- 
fiscation, surtout! 

Il  est  vrai  que  ni  toi  ni  moi  n'enrichirions  beaucoup 
la  nation  de  nos  dépouilles  ;  les  derniers  débris  de 
nos  patrimoines  ont  disparu  dans  les  mains  des  Lom- 
bards, mais  ceci  serait  une  raison  de  plus  de  venir  me 
rejoindre.  Songe  bien  qu'à  Londres  le  plus  beau  moyen 
pour  faire  figure  c'est  d'être  sans  le  sou.  L'aristocratie 
anglaise,  toujours  fidèle  à  ses  principes,  s'empressera 
de  consoler  nos  illustres  infortunes...  C'est  mon  espé- 
rance, du  moins! 

Nous  sommes  ici  plusieurs  sortes  d'émigrés  ;  ceux 
de  la  branche  aînée,  ceux  de  la  branche  cadette,  et  les 
partisans  de  Joinville,  qui  rêvent,  en  ce  moment,  une 
descente  par  mer  du  côté  d'Eu.  Enfin,  chacun  a  son 
bonhomme,  comme  toi-même  tu  as  le  tien.  Les  oiléa- 
nistcs  parodient  tristement  l'émigration  de  90.  Les  uns 
affectent  de  se  faire  tourneurs,  d'autres  coiffeurs,  et 
d'autres  maîtres  à  danser.  I^e  baron  de  Cuir-de-Laine, 
ce  vieux  pair  de  Louis-Pliilippe,  met  sur  le  compte  de 
la  Réjjublique  ses  déconfitures  commerciales.  .S'étant 
découvert  un  très-grand  talent  pour  assaisonner  et  re- 
tourner la  salade,  il  a  renouvelé  la  spéculation  du  mar- 


quis de  R"*,  sous  l'ancienne  émigration,  et  opère, 
dans  les  grandes  maisons,  moyennant  vingt-cinq  gui- 
nées.  Quant  au  marquis  de  Clinudrognac,  il  s'annonce 
comme  maître  d'italien,  et  enseigne  le  patois  de  Li- 
moux  aux  yoiiny  ladies.  Il  n'a  pas  renoncé  pourtant  à 
la  tcrtine  doctrinaire,  et  en  bourre  hebdomadairement 
le  Spectateur  de  Londres.  Le  vidame  de  Canivpl,  qui 
faisait  l'ornement  de  ce  fameux  bal  des  pierrots  que 
donnèrent  les  princes  de  la  l)ranchc  cadette,  ayant  con- 
servé son  costume,  et  n'ayant  point  d'autre  ressource, 
s'est  engagé  comme  rlown  au  théâtre  de  madame 
Vestris. 

Les  dames  de  la  noblesse  orléaniste  ne  sont  pas  réduites 
aux  mêmes  extrémités.  Quelques-unes  ,  jeunes  encore, 
ont  trouvé  de  chauds  partisans  dans  la  haute  fasldon  de 
Londres.  D'autres  ont  fondé  de  petits  établissements 
pour  la  vente  des  gants  et  des  bretelles.  La  vicomtesse 
de  Romainville,  qui  signait  de  si  élégantes  revues  de 
modes  dans  les  journaux  où  nous  racontions  les  exploits 
du  sport  et  les  chroniques  du  grand  monde,  tient  un 
garni  dans  Picadilly;  on  y  joue  la  nuit  le  lansquenet, 
sans  craindre  la  visite  d'un  commissaire  en  écharpc  tri- 
colore... Londres  est  le  véritable  asile  de  la  liberté. 
Quant  à  la  baronne  Chalumeau,  c'est  jusqu'ici  la  plus 
favorisée;  elle  est  devenue  la  femme  de  charge  d'un 
nabab  qui  n'a  pas  d'enfant. 

Telle  est  la  situation  générale  des  trois  ou  quatre 
émigrations  royalistes  que  possède  la  ville  de  Londres. 
Je  ne  parle  pas,  bien  entendu,  de  ceux  qui,  comme  on 
dit,  avaient  mis  du  foin  dans  leurs  bottes.  Mais  ceux- 
là  vivent  la  plupart  dans  la  province  et  de  la  façon  la 
plus  modeste  pour  échapper  aux  obsessions  des  néces- 
siteux. Chacun  pour  soi ,  chacun  chez  soi!  continue  à 
être  leur  devise;  et  à  ceux  de  leurs  frères  d'exil  qui 
les  relanceraient  dans  leur  retraite,  ils  diraient  encore  : 
Enrichissez-vous  I 

Quant  à  nous,  gentilshommes  de  vieille  roche  et  de  bon 
aloi ,  nous  nous  isolons  de  ces  messieurs  de  la  branche 
cadette  et  nous  sommes  les  seuls  quo  la  société  anglaise 
admette  dans  ses  salons.  L'aristocratie  du  juste-milieu 
espère,  en  s'unissanl  à  nous,  pouvoir  un  jour  prendre 

part  au  futur  milliard  d'indemnité Je  déclare  que 

ces  bourgeois  s'abusent. 

Nous  sommes  loin  de  nous  abandonner  au  repos. 
11  se  prépare  une  nouvelle  armée  des  princes,  qui  a 
déjà  formé  ses  cadres.  Tous  les  gi-ades  sont  distribués  ; 
on  confectionne  de  brillants  uniformes.  Il  ne  manque 
|)lus  que  des  soldats. 

Si  nous  ne  parvenons  pas  à  jeter  une  armée  en  Alle- 
magne, nous  tenterons  d'ici  à  peu  une  petite  desceiila 
à  Quiberon. 

Adieu,  cher  vicomte, et  à  bientôt,  soitqiie  tu  viennes 
nous  rejoindre,  soit  que  nous  rentrions  avec  les  alliés. 
Le  marquis  du  Heldeh. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SERIEUX. 


iO 


STEEPLE-CIIASE.   —  Grand  prix  :   une  indulgence  PLÉNIÈnE. 

(Dcssihfî  sur  un  croquis  d'après  nature  envoyé  par  un  soldat  de  l'expédition  d'Itjlic.) 


IL  N'Y  A  RIEN  DE  CHANGE  EN  FRANCE. 


Tout  le  nioiido  connaît  ce  mot  touchant  que  Cluir- 
les  X  n'a  jamais  prononcé  :  «  Il  n'y  a  rien  de  changé 
en  France;  il  n'y  a  qn'un  Français  de  plus.  »  Le  roi- 
chevalier  était  honnête  homme  :  toutes  les  fois  qu'on 
le  félicita  de  ce  mot  heureux,  il  nia  formellement  l'a- 
voir dit,  et  il  suffisait  de  voir  sa  bouche  béante  et  la 
sérénité  banale  de  son  visage  auguste  pour  compren- 
dre qu'il  était  sincère.  Le  bon  mot  était  de  M.  Beu- 
gnot;  il  eut  un  immense  succès  dans  son  temps. 

Parole  de  roi  et  serment  d'amour,  autant  en  em- 
porte le  vent.  Malgré  le  mot  charmant  que  Charles  X 
n'avait  pas  prononcé,  la  Restauration  changea  tout  en 
France  du  bleu  au  blanc.  Elle  changea  tant  de  choses 
que  le  pays,  en  veine  de  changement,  voulut  changer 
de  gouvernement.  Il  mit  à  la  porte  les  aînés  et  prit  les 
cadets. 

Louis-Philippe,  né  malin,  retourna  le  bon  mot  de 
l'homme  à  la  bouche  béante  :  «  Il  y  aura  du  change- 
ment en  France,  dit  il  ;  la  charte  sera  désormais  une 
vérité.  »  Cependant  il  appliqua  toute  sa  vieille  malice 
à  maintenir  ou  ramener  les  choses  au  même  état  que 
sous  la  Restauration.  Il  ne  changea  que  les  apparences 
et  sauva  le  fond.  El,  contrairement  à  sa  parole,  la 
charte,  qui  avait  été  un  mensonge,  mensonge  demeura 
comme  par  le  passé. 

Si  bien  que  le  pays,  ennuyé  de  se  voir  escroqué  pour 
la  seconde  fois,  se  fâcha  encore  et  renvoya  les  cadets 
rejoindre  leurs  aînés.  Il  effaça  de  ses  tablettes  le  mot 


de  Monarchie  pour  y  substituer  celui  de  flé()ul)liqué. 
il  renouvela  de  fond  en  comble  ses  institutions,  et 
rentra  dans  sa  tente  le  cœur  un  peu  soulagé,  en  se  di- 
sant :  «  Cette  fois,  ce  sera  bien  le  diable  si  nous  n'a- 
vons pas  du  changement.  » 

Mais  le  mensonge  politique,  dans  ce  beau  pays  de 
France,  a  la  vertu  du  bouchon  de  liège  :  on  le  daube  à 
coups  d'aviron,  il  plonge  et  reparaît.  L'imposture  est 
une  vessie  :  on  l'enfonce  un  moment  par  un  vote  écra- 
sant, elle  revient  à  la  surface  plus  légère  et  plus  fraîche, 
comme  Vénus  sortant  du  sein  des  flots. 

Qu'a  fait  le  gouvernement  de  Louis-Philippe,  né 
malin?  Il  a  menti  à  son  piogramme;  il  a  abandonné 
ses  alliés;  il  a  laissé  périr  la  Pologne  et  river  les  fers 
de  l'Italie.  La  liberté  éventrée  à  Varsovie,  meurtrie  à 
Milan,  foulée  aux  pieds  à  Naples,  endormie  en  France, 
a  quitté  l'Europe  et  s'est  enfuie  en  .\mérique. 

Que  va-t-il  arriver  de  la  Hongrie?  Qu'allons-nous 
faire  à  Rome?Qu'y  a-t-il  de  changé  en  France? —  Des 
apparences  et  des  mots. 

Le  ministèie  Cuizot  mentait  à  ravir  :  que  fait  le  mi- 
nistère Barrot? 

«  Nous  n'avons  point  reçu  de  lettres,  »  diï^ait  Cuizot 
lors  de  l'alTaire  de  Taïti.  Que  disait  M.  Drouin,  lors 
de  la  nouvelle  de  notre  échec  à  la  porte  .Saint-Pan- 
crace? —  Nous  n'avons  pas  reçu  de  lettres.  »  Et  tout 
le  monde,  à  Paris,  avait  reçu  des  lettres  de  Rome,  hor- 
mis M.  Drouin. 


50 


REVUE  COMIQUE 


Du  temps  de  Louis-Philippe,  né  malin,  le  sentiment 
national  voulait  une  chose  et  le  gouvernement  voulait 
tout  le  contraire. 

Que  vent  aujourd'hui  le  sentiment  national?  —  La 
liberté  à  Uome;  la  garantie  des  nationalités;  point 
d'intervention  de  la  Russie  en  Allemagne.  Que  veut 
le  souvernement?  —  Point  de  liberté  aux  Romains; 


point  de  garantie  des  nationalités;  carte  blanche  au 
despotisme  du  nord. 

Le  mot  sublime  que  Charles  X  ne  prononça  jamais 
est  de  saison  bien  plus  qu'en  1814.  —  En  vérité,  en 
vérité,  la  Revif.  Comiqce  vous  le  dit  :  «  U  n'y  a  nen 
de  changé  en  France.  Dieu  seul  est  Dieu,  et  M.  Beu- 
gnot  a  été  prophète.»  Amen. 


LETTRE  DU  PAPE  AUX  ÉVÉQUES  DE  FRANCE. 


L'Église  a  horreur  du  sarg. 

C'est  une  maxime,  mes  très-chers  frères,  dont  je  ne 
veux  pas  contester  la  vérité  ;  mais  de  quel  sang  peut-il 
être  question? 

Il  est  évident  que  l'Église  a  versé  le  sang  des  Juifs, 
—  le  sang  des  Ariens,  —  le  sang  des  Manichéens,— 
Le  sang  des  Albigeois,  —  le  sang  des  Hussites,  —  le 
sang  des  Protestants. 

Je  puis  bien,  par  conséquent,  faire  verser  le  sang  de 
ces  nouveaux  hérétiques  qui  s'appellent  républicains. 

Ces  iniidèles  nient  l'unité  du  pouvoir  spirituel  et 
temporel  dans  la  personne  du  pape.  C'est  absolument 
comme  s'ils  refusaient  d'admettre  la  présence  réelle 
dans  l'eucharistie. 

Ils  prétendent  que  l'homme  doit  être  libre,  qu'il  a 
le  droit  de  publier  ses  opinions  sans  être  soumis  à  la 
censure,  qu'il  est  assez  éclairé  pour  se  gouverner  lui- 
même  sans  le  secours  des  prêtres.— Erreurs  dangereuses 
que  tous  les  fidèles  doivent  combattre,  et  dont  nous 


Le  grcaieux  fcoyer  Df  pin  monte  avec  ardeur  le  coursier  qui  a 
déur;oimé  le  petit  r»re  MahkaST. 


triompherons ,  grâce  à  l'intercession  des  saints. 

Je  vous  engage  donc,  mes  très-chers  et  très-vénérés 
frères,  à  faire  célébrer,  dans  vos  églises,  une  neuvaine 
en  l'honneur  de  saint  Ferdinand-Bombardeur, 
Une  neuvaine  en  l'honneur  de  saint  Radotski, 
Une  neuvaine  en  l'honneur  de  saint  Oudinot. 
C'est  sous  le  patronage  spécial  de  ces  trois  bienheu- 
reux que  j'ai  placé  la  papauté  et  l'Église. 

L'intercession  de  saint  Radetski  m'a  valu  l'entrée 
dans  les  Marches  de  plusieurs  régiments  d'anges  exter- 
minateurs qui,  sous  le  pseudonyme  d'Autrichiens,  ont 
saccagé,  pillé,  bombardé  Bologne. 

Six  mille  austro-anges  font,  d'un  autre  côté,  le 
siège  d'Ancône  qu'ils  bombarderont,  pilleront  et  sacca- 
geront un  de  ces  jours. 

Saint  Oudinot  est  descendu  du  ciel  à  la  tète  de  la 
légion  thébaine  pour  s'emparer  de  Rome.  J'y  rentrerai 
sous  ses  auspices  un  de  ces  quatre  matins.  11  en  coû- 
tera la  vie  à  plusieurs  milliers  de  mes  sujets  bien  aimés, 
mais  ils  sont  devenus  hérétiques,  et  cela  me  console. 

Du  reste,  lorsque  j'aurai  été  réinstallé  sur  le  trône 
pontifical,  que  le  roi  de  Naples  aura  fait  pendre  les 
principaux  meneurs  de  l'insurrection,  que  j'aurai  exilé 
les  autres,  mon  intention  formelle  est  de  rentrer  dans 
la  légalité  et  les  voies  de  douceur.  U  me  restera  pour- 
tant! donner  un  grand  exemple  au  monde  par  le  châ- 
timent des  triumvirs. 

Je  me  propose  de  faire  brûler  paternellement  Maz- 
zini  sur  la  place  del  popolo,  après  avoir  fait  constater 
solennellement,  devant  le  tribunal  delà  très-sainte  in- 
quisition, qu'il  était  hérétique  et  sorcier. 

Après  quoi  je  m'enfermerai  dans  mon  palais  du 
Vatican,  où  je  passerai  ma  vie  à  jouer  aux  quilles  et 
à  colin-maillard  avec  mes  cardinaux.  Telle  est  la  mis- 
sion auguste  que  remplit  en  ce  moment  la  papauté. 

Je  compte  beaucoup  sur  votre  concours,   mes  très- 
chers  frères,   pour  m'aider  dans  l'exécution  de  cette 
tâche  divine.   Maintenez   Fra-Falloux   au   pouvoir,   s. 
vous  voulez  que  ma  restauration  soit  complète. 
Falloux  est  le  lils  aîné  de  l'Église. 
En  lui  donnant  ce  titre,  je  n'ai  fait  qu'acquitter  la 
la  dette  de  la  catholicité  tout  entière.  Pourquoi  faut-il 
qu'il  n'ait  reçu  encore  que  les  ordres  mineurs!  Je  le 
nommerais  tout  de  suite  au  dernier  archevêché  vacant^ 
1  qui  est  celui  de  Blagopolis  in  partibus  inftdelium. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


oJ 


Courage  (Jonc,  mes  très-chers  frères,  les  anges  exler- 
minaleurs.qiii  opèrent  ù  mon  prnlit,  ne  borneront  pa» 
là  leur  œn\re.  I.a  main  de  Dieu  les  pousse,  il  faut 
qu'ils  aillent  en  avant  pour  assurer  le  règne  de  la  jus- 
tice. Dans  peu  ils  franchiront  les  Alpes,  comme  un  tor- 
rent, afin  de  mettre  à  la  raison  les  républicains  de  Fran- 
ce, comme  ils  viennent  de  faire  pour  ceux  de  l'Italie. 


Ordonnez  un  jeune  général  pour  lidter  la  venue  de 
ce  grand  jour,  et  rassurez  les  (idèies  sur  mon  compte. 
Je  rentrerai  à  Home  sous  peu.  .Saint  Oudinot  se  préci- 
pitera le  |)remier  à  l'assaut,  les  rebelles  seront  passés 
au  lil  de  l'épée.  Que  Dieu  et  la  sainte  Vierge  vous 
soient  en  aide,  mes  très-cliers  frères,  tous  pourrez 
faire  bientôt  chanter  un  Te  Deum  en  mon  honneur. 


INE  PUOMF.N 

Df    CAI.IFE    AAnOCN-AL-RASCIlID 

Le  Calife  était  fort  ennuyé;  il  était  a^sis  devant  sa 
table  verte,  ne  lâchait  pas  sa  plume,  qu'il  tenait  de  la 
main  droite —  depuis  plus  d'une  bonne  heure,  —  et, 
de  la  gauche,  il  se  grattait  avec  énergie  le  nez,  qu'il  a 
l'habitude  de  porter  fort  long.  Rien  ne  venait. 

C'était  une  chose  d'autant  plus  surprenante,  qu'il 
ne  négligeait  pas  de  demander  des  inspirations  à  une 
manière  de  ivWercome,  comme  on  dit  dans  le  bon  vieux 
pays  des  Souabes  ;  ce  vidercome  était  placé  près  de  lui, 
et  rempli  encore  à  moitié  d'une  liqueur  généreuse. 

C'était  une  chose  d'autant  jihis  surprenante,  je  le 
répète,  qu'il  avait  écrit,  avant  d'èlre  Calife,  des  petits 
traités  assez  coulants,  dans  le  but  de  préserver  de  la 
pauvreté  les  pauvres  gens.  Il  faut  bien  dire  que  ces 
petits  traités  n'avaient  eu  d'autre  résultat  que  d'ajou- 
ter au  nombre  desdits  pauvres  gens  un  éditeur  de  plus. 

Mais  enfin,  c'étaient  toujours  des  petits  traités,  et 
puisqu'ils  étaient  là,  c'est  que  quelqu'un  les  avait 
écrits,  —  le  Calife,  sans  doute,  puisqu'ils  étaient  si- 
gnés de  son  nom. 

Quoi  qu'il  en  fût,  ce  soir-là  il  ne  pouvait  rien  faire, 
et  il  restait  là,  bouche  béante,  l'œil  au  plafond,  la 
plume  en  arrêt  entre  ses  doigts  tendus,  et  se  grattant 
toujours  de  l'autre  main  ce  même  nez. 

C'est  qu'il  s'agissait  d'une  besogne  assez  difficile  :  le 
Calife  devait  envoyer  le  lendemain  à  la  réunion  des 
Mages,  —  qui,  parun  droit  vraimentdivin,  ont,dansce 
pays,  le  pouvoir  de  contrôler  le  gouvernement  du  sul- 
tan, —  un  lirman  exposant  sa  conduite  depuis  qu'il 
avait  été  choisi  calife  aux  acclamations  de  la  multitude, 
et  les  desseins  qu'il  comptait  mettre  à  exécution.  C'é- 
tait quelque  chose  comme  ce  que  nous  appelions  chez 
nous  un  discours  de  la  couronne.  Il  était  bien  pénible 
au  pauvre  Calife  de  faire  quelque  chose  de  royal  ;  car, 
au  moral  non  plus  qu'au  physique,  tout  semblant  mê- 
me de  diadème  ne  pouvait  guère  s'adapter  à  ce  crâne 
de  poule.  Il  est  convenable  d'ajouter  aussi  que  le  Ca- 
life n'avait  pas  fait  jusque  là,  ou  ()lutôt  qu'on  n'avait 
pas  fait  faire  au  pauvre  cher  homme  grand'chose  de 
bon  qu'il  put  dire,  et  que  ce  qu'il  c.mptait  faire  en- 
suite ne  valait  guère  davantage. 

Dans  le  moment  le  plus  difficile  de  sa  gestation  infé- 
conde, le  visir  Giafar  entra. 

C'étaitunhomme  maigreetblond,  d'assez  chétive  fi- 
gure, mais  auquel  sa  haute  position  devait  faire  des  en- 


\DE  DE  NUIT 

ET    DE    SON    CRAND-VISm    GIAFAR. 

vieux.  L'amitié  du  calife,  et  il  faut  bien  le  dire,  la  fai- 
blesse des  Mages,  avait  réuni  dans  ses  faibles  mains 
deux  pouvoirs  auxquels  rien  ne  peut  résister,  j'entends 
jusqu'à  un  point  donné:  c'étaient  les  commandements 
réunis  des  troupes  du  Sultan  et  de  la  milice  bour- 
geoise. Cet  homme,  sec  à  prendre  feu  sous  le  bâ- 
ton, et  dont  la  figure  était  ridée  comme  celle  d'une 
vieille  femme,  ou  comme  le  fruit  du  pommier  qui  a 
passé  dans  le  coffre  des  ménagères  la  saison  des  froids, 
cet  homme  était  musqué,  cosmétique  :  en  un  mot, 
comme  disent  encore  aujourd'hui  les  portières  de  Ras- 
sora,  tiré  à  quatre  épingles.  Je  suis  heureux  de  ne  l'a- 
voir point  connu,  car  je  ne  puis  supporter  l'odeur  de 
bergamote  qu'il  préférait  aux  autres,  et  dont  il  était 
parfumé  de  la  tête  aux  pieds. 

Dans  le  pays,  il  passait  pour  être  l'âme  damnée  du  Ca- 
life et  le  pousseràdesextrémités fâcheuses;  en  im  mot, 
pour  le  trahir  et  ramener,  grâce  à  ses  excès,  la  dynas- 
tie précédente,  que  le  peuple  avait  chassée  afin  d'élire 


O  lys!  tu  es  une  plante  qui  embaume! 
Notre  parti  est  un  parti  embaumé. 


52 


REVUE  COMIQUE. 


notre  Calife;  mais  c'est  toule  une  it'volutioiiqiril  serait 
bien  long  de  vous  raconter. 

«Ah!  vous  voici,  Giafar?  s'écria  le  Calife.  Je  suis 
ravi  (le  vous  voir;  et...  Voulez-vous  prendre  quelque 
chose  ? 

—  Ce  que  vous  huvez  est  beaucoup  trop  fort  pour 
moi,  dit  le  visir  en  minaudant,  —  en  faisant  des  ma- 
nières, selon  la  locution  alors  en  usage  à  Bagdad.  — 
Si  c'était  du  Parfnit  Amour,  passe  encore;  mais  du 
riium,  pouah  !... 

—  Vous  ne  savez  pas  ce  qui  est  bon  ,  dit  le 
Calife,  en  riant  de  son  plus  gros  rire,  et  en  ajou- 
tant un  juron  militaire  ;  car  le  Calife  avait  la  ma- 
nie de  ces  jeunes  marchands  de  Tunis  qui  ont  passé 
leur  vie  au  comptoir  et  au  harem,  et  qui  affectent  les 
allures  des  redoutables  janissaires.  Il  piquait  volon- 
tiers sur  son  turban  de  grands  plumets  et  des  aigrettes, 
noircissait  sa  moustache,  que  la  nature,  indulgente 
pour  la  longueur  de  son  nez  et  celte  innocente  mono- 
manie, lui  avait  donnée  épaisse  el  longue. 

—  Et  ce  iirman  ?  dit  le  vieux  Giafar. 

—  Ne  m'en  parlez  pas  !  dit  le  Sultan.  Voici  deux 
heures  que  je  suis  occupé  à  me  casser  ce  qui  me  sert 
de  nez  sur  la  première  phrase. 

—  Il  importe  peu,  reprit  Giafar  ;  vous  le  ferez  écrire 
demain  par  l'un  de  vos  neuf  grands  eunuques,  Ali- 
l.ou-Fa,  par  exemple,  qui  vous  arrangera  cela  aux  oi- 
seaux. C'est  son  aflairc  plutôt  que  la  vôtre. 

—  Voilà  qui  est  bien  dit!  s'écria  le  Sultan,  renon- 
çant aussitôt  à  une  besogne  qui  était,  il  est  vrai,  trop 


forte  pour  une  intelligence  un  peu  faible  comme  In 
sienne.  —  Eh  bien,  Giafar,  reprit-il,  j'ai  une  idée  à 
mon  tour  :  vous  n'êtes  pas  sans  savoir  que  je  fais  tout 
mon  possible  pour  suivre  les  traces  de  mon  oncle,  le 
grand  Aaroun-al-Rascbid  :  je  veux  exécuter,  en  votre 
compagnie,  une  promenade  nocturne  comme  mon 
oncle  les  aimait,  dit-on,  et  courir  les  rues,  le  port  et 
les  casernes,  pour  apprendre  ainsi  ce  que  le  peuple 
pense  de  moi.  Eh!  eh!  eh!  elle  est  bonne  celle-là, 
n'est-ce  pas?  dit  le  Calife  en  riant  aux  éclats  de  son 
idée  qu'il  trouvait  fort  malicieuse. 

—  Eh  !  eh  !  eh  !  toussota  le  Giafar,  qui  avait  ses  rai- 
sons pour  n'être  pas  de  cet  avis,  je  ne  dis  pas  non.  — 
Soit,  un  de  ces  soirs,  nous  verrons  cela. 

—  Pardieu,  dit  le  Calife,  nous  le  verrons  cette  nuit 
même  ;  —  et  il  se  couvrait  déjà  d'un  manteau  couleur 
muraille. 

—  Mais,  reprit  Giafar  interloqué,  —  c'e.st  peut-être 
dangereux.  Vous  pouvez  attraper,  incognito,  quelque 
mauvais  coup... 

—  Bah  !  vous  m'avez  assiné,  et  mon  chef  de  la  po- 
lice aussi,  que  les  rues  de  ma  capitale  étaient  fort 
sûres. 

—  Sans  doute,  mais  enfin  si  on  vous  fichait  quelque 
atout?... 

—  Ne  scriez-vous  pas  là  pour  me  défendre  ,  visir 
Giafar?... 

Il  fallut  s'exécuter.  Quoiqu'en  pût  dire  Giafar,  il  des- 
cendit bientôt  l'escalier  derrière  le  Calife,  marmottant 
entre  ses  dents  :  L'animal!  le  butor!  me  faire  trimer 


LA    TIE    FUBI-IQUE    XT    PRIVEE    SE    MOSSIEU    REAC 

ChaP.  X,  —  Dfccptinns. 


Muuieu  Réac,  Iroutanl  que  la  Coiisliluonte  e«l  mal 

te  rallie  atec  acbatoemenl  à  la  pcopobition  Kateau, 
qui  le  rcnTerra,  y«o»e-t-il,  i  la  Légielative  tn  bien  meilleure  compagn 


Par  malheur,  les  él.  ctcurs  sur  lesquels  mosieu  Kéac  comptait  bien  plus 
qu'aux  premières  élection»,  ne  lui  donnent  pas  leursvoii,  et  mossieu 
Kéac  i»l  emporté  par  cette   même  proposilio-  "-•-'■■ 
tant. 


Bateau  qui  lui  : 


A  i;USAGE  DES  GI•:^S  Sl'iUKUX. 


ainsi  touti!  une  nuit...  Il  iic  va  pas  inaïKiucr  d'a|i])r»Mi- 
dre  ce  i]ne  nous  avons  lanl  d'inlL'itH  à  lui  tacliir  !  — 
Sans  coinplorquo  demain  j'aurai  les  yeii\  lialUis  à  n'u- 
ser pas  me  i-egaidei!...  Tu  me  |),iii.'r.is  cela  |iius  elier 
que  lu  crois  !... 

Ils  arrivèrent  bientôt  au  (]u.utiei'  du  niaieli(',  — 
quartier  où  l'on  trouve  du  monde  dclioutà  toute  lieuii', 
quartier  plus  hruyant,  plus  agité  encore  la  nuit  (|ue  le 
jour.  Les  hommes  de  la  campagne ,  ipii  approvisionnent 
Bagdad  de  fiuits  et  de  légumes,  aijnafent  beaucoup  le 
(lalife  en  souvenir  de  son  oncle,  qui  leur  avait  fait  ce- 
pendant plus  de  mal  que  quiconque,  en  les  envoyant 
se  faire  tuer  dans  les  intérêts  de  sa  gloire  et  de  sa 
famille  nombreuse,  qu'il  avait  à  entrûncr  n'importe 
oïl.  Giafar  —  qui  l)ien  (|ue  malin,  n'était  pas  com- 
plètement au  f;iit  de  ce  qui  se  passait,  vu  sa  position 
élevée,  car,  dit  le  moraliste  l'ersan  ,  «  la  cime  du  |)a!- 
inier  n'entend  i)as  ce  (pie  disent  ses  racines,  »  — (iial'ar 
espérant  que  les  paysans  avaient  conservé  leur  même 
félicbisme  pour  tout  ce  qui  portait  le  nom  du  grand 
Aar,  avaitoun  guidé  les  pas  du  Calife  de  ce  côté.  Il  comp- 
tait qu'assoupi  et  satisfait  de  (luebpies  boulfées  d'un 
encens  grossier,  le  Calife  renireiait  au  palais  pour  y 
dormir  jusqu'à  la  douzième  heure.  Mais  nous  allons 
voir  qu'il  n'en  fut  rien. 

Justement,  deux  villageois  avaient  entre  eu\  (|ue- 
relle  pour  le  priv  de  quelque  dem-ée,  au  moment  où 
nos  promeneurs  arrivaient,  et  le  premier,  celui  qui  se 
disait  frustré,  menaçait  l'autre  en  ces  ternies  : 

—  Puisqiu;  tu  es  un  liumine  >i  iujusie,  je  porterai 


l'affaire  devant  notre  grand  Calife,  qui  nous  aime  et  dont 
les  balances  sont  égales.  Il  le  condamnera  à  me  payer 
et  à  l'amende. 

—  Fîon,  pensa  Ciafar, voyant  que  tuul  allait  bu  m,  

taudis  que  les  narines  du  Calife,  comme  des  huîtres  à 
l'air,  humaient  cet  éloge. 

—  Imbécile  !  dit  l'autre  paysan,  le  Calile  se  moi|ne 
|)as  mal  de  toi  et  de  moi  aussi.  La  première  des  vingt 
sentinelles  qui  le  gardent,  échelonnées,  t'aurait  bientôt 
chassé  à  coups  de  manche  de  son  arme,  si  tu  étais  assez 
sot  jiour  t'y  aller  frotter.  ... 

—  Eh  bien  1  s'écria  l'autre,  j'irai  trouver  notre  cadi. 

—  Va-s-y!  Notre  cadi,  c'est  l'ancien  cadi  que  ton  Ca- 
life nous  a  redonné;  et,  C(jmme  l'an  dernier,  à  ce  mo- 
ment où  tous  les  cadis  du  pays  n'étaient  pas  trop  à  leur 
aise,  tu  as  menacé  celui-là  de  révéler  certaines  pe- 
tites choses  qu'il  ne  destinait  pas  tout  à  fait  au  grand 
jour,  il  te  fera  perdre  ta  cause.  Encore  faudra-t-il  que 
tu  aies  d'abord  une  somme  à  déposer  jionr  les  pre- 
mières dépenses  de  justice. 

—  Alors,  je  n'ai  plus  qu'à  me  |)ayer  de  mes  mains 
sur  ta  personne  !... 

—  Avance  :  je  suis  plus  robuste  que  toi,  je  te  bat- 
trai ;  et  comme  je  crie  plus  fort  que  toi,  la  ronde  de 
nuit  viendra,  qui  te  conduira  en  prison,  où  tu  auras 
le  temps  d'invoquer  ton  Cable  tout  à  ton  aise. 

Alors  l'autre  s'écria,  m  s' arrachant  la  barbe  : 
«  Malheureux  que  je  suis  !  Je  suis  volé  et  raillé  pin- 
ce mécJuint,  et  je  n'en  aurai  pas  justice!  Maudit  soit 
le  CalilV,  en  qui  j'avais  confiance  et  que  j'avais  choisi. 


lA    VIE    PUBLIQUE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    RÉAC 


Aux  pren 


^res  nouvelles 

/anl  la  liste  de' 
jorité,  tombe  à  la  renvei 
—  Serions-nous  débarrassés  de  mossieu  Réac 
cette  bonne  fois!.  . 


élections,  mos^^ieu     Helas!  non;  car,  étant  a'.ic  reprL'ndre  des  forces 

ges  obtenir  la  ma-  I      à  la  campagne,  mossiau  Kéac,  en  recevant  le 

sentiment,  j      Constitutionnel,  est  étonné    non   moins  que 

i  de  l'avenir  que  lui  montre  encore  son  hon- 


e-.e  )0 


romprenanl  alors  la  nérp.s.^e  dp  >.-.imr  plus  que 
jamais  bourgeois  aui  nobles,—  toujours d.-ins 

l'intérêt  df  CoRDRE.  bien  entendu! mossieu 

R-ac  demande  et  obtient  la  main  de  mademoi- 
selle Aristo  de  Taupinois. 

[La  suite  à  la  prochaine  livraison.) 


54 


REVUE  COMIQUE 


Le  nez  du  Calife  s'allongeait  sensiblement  pendant  i 
cette  petite  scène.  Giaf'ar  l'entraîna. 

—  Laissons  ces  bètes  brutes,  dit-il,  et  rentrons  au 
palais,  seigneur.  Vous  devez  être  fatigué,  et  moi  j'au- 
rai demain  les  yeux  tout  battus. 

Mais  le  Calife,  apercevant  un  polit  endroit  lumineux 
où  se  tenaient  delmut  beaucoup  de  gens,  au  bout  d'une 
espèce  de  couloir,  voulut  y  entrer,  —  histoire  de  se 
rafraicbir.  —  Giafar  essaya  en  vain  de  s'y  opposer. 

Un  grand  vieillard  maigre,  les  vêtements  en  lam- 
beaux et  souillés,  était  au  milieu  du  groupe  des  bu- 
veurs. Il  parlait  ainsi  : 

«  J'ai  soixante  ans.  J'ai  travaillé  pendant  cinquante- 
deux  ans  dix  heures  par  jour,  gagnant  tout  juste  ma 
vie.  Aujourd'hui,  que  la  vieillesse  m'aôté  la  force  de 
travailler,  je  suis  sans  asile,  n.endiant  le  jour  et  vaga- 
bond la  nuit.  Je  ne  me  suis  pas  marié  :  pas  une  fem- 
me n'aurait  voulu  de  moi,  et  moi  je  n'aurais  voulu 
d'aucune  femme,  parce  que  je  suis  honnête  et  que  je 
ne  voulais  pas  créer  des  êtres  qui  auraient  été  aussi 
misérables  que  moi,  et  qui,  de  plus,  auraient  peut- 
être  été  méchants.  Je  n'ai  plus  qu'àmourirà  la  prison 
des  pauvres  ou  à  la  maison  de  Dieu,  qui  reçoit  les  mi- 
sérables que  la  maladie  y  amène.  J'y  mourrai  seul, 
sans  que  personne  de  mon  sang,  désormais  éteint,  soit 
près  de  moi  pour  me  fermer  les  yeux  et  faire  la  prière 
au  prophète. 

a  On  m'avait  dit  que  le  CaliTe  changerait  tout  cela, 
et  je  l'ai  choisi.  On  dit  aujourd'hui  qu'il  n'agit  que 
par  les  conseils  de  gens  qui  ne  se  sont  jamais  inquiété 
de  mes  affaires.  Je  n'en  sais  rien;  mais  je  sais  que  je 
ne  complais  pas  sur  les  promesses  de  ceux-là,  et  que  je 
comptais  sur  le  Calife;  et  je  vais  mourirseuloù  je  vous 
disais.  Maudit  soit  le  Calife!  a 

Ici  le  Calife  vida  son  verre  et  gagna  la  rue,  sans  son- 
ner mot  au  visir  Giafar.  11  se  dirigea  pour  le  coup 
vers  son  ])alais. 

En  route  ils  tombèrent  dans  un  groupe  d'hommes 
au  costume  négligé,  la  tête  couverte  de  manières  de 
petits  turbans  en  papier,  de  forme  bizarre,  et  les  mains 
noircies.  C'étaient  les  artisans  d'une  fabrique  où  se 
confectionnait  pendant  la  nuit  la  Gazette  de  Borjda/J. 
Ces  hommes,  jeunes  ])our  la  plu])art,  et  qui  n'ont  pas 
l'habitude  de  voiler  leur  pensée,  parlaient  trop  haut 
pour  qu'il  fût  possible  au  Calife  et  à  son  compagnon  de 
passer  sans  les  entendre. 

«J'ai  choisi  le  Calife, disaitl'im.  Je  comptaisqu'ilme 
rendrait  mon  jeune  frère,  à  qui  la  misère  avait  mis  les 
armes  à  la  main  :  avec  mon  frère  et  vous,  j'espérais 
fonder,  sous  la  protection  du  Calife,  une  association 
qui  nous  aurait  permis  de  demander  à  notre  travail  tout 
ce  qu'il  produit,  -  enfin  de  vivre,  nous  et  les  nôtres,  et 
de  nous  assurer  le  toit  et  le  pain  pour  nos  vieux  jours. 
«  J'attends  toujours  mon  frère  ;  et  les  hommes  qui 
se  disent  amis  du  Calife,  non-seulement  ne  nous  aident 
pas  à  nous  associer,  mais  frappent  l'association  voi- 


sine. —  C'est  une  leçon  pour  moi  ;  je  ne  voterai  plus 
pour  les  califes!...  » 

—  Venez  donc  !  seigneur,  dit  à  mi-voix  Giafar  en  en- 
trahiant  le  Sultan. 

Et  dans  sa  pensée  Giafar  cherchait  un  moyen  de 
réparer  le  mauvais  effet  que  pouvaient  produire  sur  le 
Sultan  de  pareils  propos.  Ils  passaient  justement  devant 
un  corps-de-gai-de,  et  (liafar,  qui  se  croit  adoré  du 
soldat,  s'approcha  de  la  sentinelle,  disant  au  Calife  : 
Voilà  notre  force.  Avec  ces  braves  gens-là,  nous  au- 
rons aisément  raison  de  la  canaille  et  des  braillards  ! 

—  Eh  bien!  l'ami,  dit-il  au  soldat,  comment  va- 
t-on  par  ici  ? 

Le  soldat  s'arrêta  dans  sa  marche  des  vingt-cinq 
pas  et  parut  exammer  son  interlocuteur  avec  quelque 
défiance.  Il  se  décida  cependant  à  répondre  avec  assez 
de  mauvaise  humeur  : 

—  On  va  mal.  On  n'est  pas  content  de  ne  pouvoir 
voter  librement,  ainsi  qu'il  avait  été  promis.  On  n'aime 
pasà  rester  en  place,  attendant  lesauvage  d  u  Nord  qui  ar- 
rive, et  on  se  soucieraitbeaucoup  plus  d'aller  au-devant 
de  lui  que  de  se  déguiser  en  soldats  du  Pope  et  de 
tirer  des  coups  de  fusil  aux  malheureux  Houmans  qui 
ne  nous  veulent  pas  de  mal,  et  demandent  seulement  que 
nous  les  laissions  tranquillement  faire  leurs  affaires  eux- 
mêmes.  Le  Calife  est  mal  entouré,  et  je  voudrais  qu'il 
pût  nous  entendre,  nous  autres. — Ah!  ce  n'est  pas  le 
vieux  Aaroun-al-Raschid  qui  nous  aurait  fait  jouer  ce 
jeu-là.  Pas  si.... 

—  Comment  !  drôle... 

—  Halle-là!  dit  le  soldai,  en  reculant  d'un  pas  et 
croisant  du  même  coup  sa  pique  avec  résolution  ;  si 
vous  insultez  la  sentinelle,  malheur  à  vous  ! 

—  Je  suis  le  grand  visir,  et  je  t'enverrai...  là-bas. 

—  Possible!  dit  le  soldat,'  qui  avait  bien  un  peu 
l'air  d'avoir  reconnu  le  masque  ;  mais,  en  attendant, 
je  ne  connais  que  ma  consigne,  et...  passez  au  large  ! 

Giafar,  tout  à  fait  décontenancé  sur  ce  coup,  em- 
mena le  malheureux  Calife,  qui  semblait  réfléchir  sé- 
rieusement. Giafar  ne  savait  plus  à  quel  saint  se  vouer. 

Comme  ils  approchaientdu  palais, —  situé  dans  le  plus 
beau  quartier  de  la  ville,  —  deux  lioinnies  richement 
velus  passèrent  près  d'eux.  Giafar  sentit  là  des  alliés, 
et  il  allait  proposer  à  son  noble  compagnon  de  mettre 
leur  pas  à  l'unisson  des  deux  passants  et  d'écouter  en- 
core ;  mais  il  se  ravisa  tout  à  coup  et  lui  fit  brusque- 
ment rompre  en  visière  à  la  nouvelle  compagnie. 

Parmi  quelques  mois  d'agiotage,  de  sinistres  et  d'es- 
poirs prochains,  il  avait  entendu  l'un  des  i\tiu\  dialo- 
gueurs  prononcer  en  ricanant  le  nom  d'Aaioun-al- 
/iotsc/iild... 

Ce  mauvais  et  irrévérent  calembourg  l'avait  éclairé 
à  temps.  Les  passants  étaient  des  boursiers  de  Bagdad 
qui  pensaient  mal,  ou  plutôt,  au  fond,  selon  (liafar, 
qui  pensaient  fort  bien,  mais  qui  parlaient  trop 
haut. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SIÎHIEUX. 


5» 


On  cUait  arrive-  an  palais.  Le  Califu  congédia  avec 
une  froideur  louli;  nouvelle  son  visir,  et  numla  pensif 
dans  son  ealiinel. 

Ah  !  quel  beau  firnian  il  nous  eût  donné  dans  ce 
nionient-là!  mais,  par  malheur,  il  se  sentit  trop  fa- 
lii'ué  par  la  promenade  et  autres,  il  dormit  et  se  leva 
lard  le  lendemain. 

Le  iirniaii  était  attendu  depuis  trois  jours  par  le 
peuple  ;  il  fallait  cpie,  ce  matin-là,  (irman  il  y  eût  : 
Ali-hm-Fa,  le  digue  derviche,  qui  n'est  |)as  manchot 
à  la  besogne,  s'en  était  chargé.  Il  le  présenta  tout  écrit 
au  Calife  à  son  réveil. 


—  El  le  pauvre  Oalifc  n'cutqucia  peine  de  l'expédier. 
Seulement  Ali-Ldu-Fn  et  les  huit  autreseunn(|uesnu 

lui  imposèrent  pas  d'écrire  au  dessus  de  son  nom,  se- 
lon l'usage,  l'our  cojiir  rniifurmi',  car  on  n'y  voyait 
même  pas  son  nom. 

—  Ni  son  nom,  ni  le  li'ur  ;  personne  n'avait  osé  si- 
gner ça. 

Si  bien  que,  d'après  ceci  et  les  textes  divers  (jui  en 
furent  répandus  dans  le  pays,  personne  ne  voulut  croire 
à  ce  lirman,  et  chacun  le  traita  comme  non  avenu. 

Et  je  pense  que  c'est  ce  qu'on  pouvait  faire  de  mieux. 

IN....U. 


LES  AMIS  DE  L'ORDRE. 


Am  :  la  Treille  de  Sii 


Sans  (liimonlrc, 

Amis  do  l'orilro. 
Faisons  la  guerre  aux  novateurs  ; 
Supprimons  Cii  perturbateurs  !  (Bis.) 

Pliilémon,  grand  propriétaire, 
Disait  à  Damis,  gros  rentier  : 
u  Trouves-tu  pas  que  ne  rien  faire 
u  Est  un  agréable  métier?  (Bis.) 
«  Que  tout  est  bien  dans  la  nature  1 
■  Que  Dieu  créa  tout  sagement  ■' 
et  Ceux-lù  sont  bien  sols,  je  le  jure, 
»  Qui  demandent  du  cbangenient.  » 

Sans  démordre. 

Amis  de  l'ordre, 
Faisons  la  guerre  aux  novateurs; 
Supprimons  ces  perturbateurs  ! 

Les  beaux  marquis  de  noire  époque 
Se  désolent  de  voir  qu'enfin 
Le  peuple  raisonne  et  se  moque 
Du  blason  et  du  parchemin.   (Bis.) 
<i  Quoi  1  disent-ils.,     ces  misérables, 
0  Ces  va-nii-picds  et  ces  marauds, 
Il  Parce  qu'ils  sont  tous  nos  semblables, 
t  Voudraient  devenir  nos  égaux  !  « 

Sans  démordre. 

Amis  de  l'ordre, 
Kai-oi!S  la  guerre  aux  novateurs; 
Si'pprimom  ces  perturbateurs! 

Le  danuy,  qui  prcn.l  pour  niailrisse 
L'enfant  du  peuple,  ii  prix  d'argent, 
Trouve  mauni^-.  qu'à  la  détresse 
On  veuille  arracher  l'indigent.  (Bis.) 

•  Quoi!  —  fjit-il,  —  le  peuple  i;  ses  lilles 
(1  Donnerait  d'honnêtes  époux? 

»  Les  manants  auraient  des  familles 

•  Pour  eux-méme....  et  non  plu_  pour  nous? 

Sans  démordre, 
A..ii3  de  l'ordre, 


Faisons  la  guerre  aux  novateurs; 
Supprimons  ces  perturbateurs! 

Mon  curé  se  plaint  qu'à  confesse 

Les  pénitents  ne  donnent  plus, 

Que  les  vieux  amis  de  la  messe 

Ne  se  soucient  plus  d'être  élus!  (Bis.) 

a  Grand  Dieu  I  — vienl-il,  —  on  lil  Voltaire 

«  Au  lieu  d'écouter  mes  sermons! 

0  Vite  il  faut  chasser  de  la  terre 

»  Les  renégals  et  les  démons  I 

Sans  démordre. 

Amis  de  l'ordre, 
Faisons  la  guerre  aux  novateurs  ; 
Supprimons  ces  perturbateurs  ! 

Si  la  classe  pauvre  est  instruite 
Au  gré  de  ces  réformateurs, 
Nous  n'aurons  plus,  —  dit  un  jésuite,  — 
De  mouchards  ni  de  délateurs!   (Bis.) 
Apprêtons,  contre  un  tel  régime, 
Fer,  poison,  calomnie  et  f,  u; 
L'Église  pardonne  le  crime 
Commis...  pour  la  gloire  de  Dieu!... 

Sans  démordre. 

Amis  de  l'ordre, 
Faisons  lu  guerre  aux  novateurs  ; 
Supprimons  ces  perturbateurs  ! 

11  faut  voir  nos  vieux  censitaires 
S'aborder  d'un  air  malheureux. 
Depuis  que  fermiers,  prolétaires, 
Vont  au  scrutin  voter  contre  eux  !   (Bis.) 
(I  Comment  !  le  valet  cl  le  maître 
1.  Ont  mêmes  devoirs,   mêmes  droiLs! 
«  ....  —  Si  jamais  l'ordre  peut  renaître, 
(.  Comme  nous  refiroi     les  lois  !  » 

Sans  démordre, 

Amis  de  l'ordre. 
Faisons  la  guerre  aux  novateurs; 
Supprimons  ces  perturbateurs! 

E.  .\, ,  étudiant. 


56 


REVUE  COMIQUE. 


Plus  irilll  ^c'iILTllI  l'Mls;iil  l^ipe, 
Fl,  par  lie  perfiilos  nin\fiis. 
Voulait  aux  •iolilatsi'itdjcns 
ni^piitir  le  (Iroil  (If  siitlVa^f . 
Uoirliol,  p:ir  ton  i-lerliori, 
Noii-c  cspi-i-anrc  c^l  raiiiinri' ; 
Kl  pourlaiil  la  rcarlion 
l'i-iil  ^c  >aiiler  d'(-lre  alurmre. 


D«Miné  [ar  Naoard. 


Gravé  par  BxULant. 


•U)  riviliiiii's. 


DUMINBHAV     ÉDITEUR      RUE   RICHELIEU 


.{()'     I.iririlsdti. 


COXDITIOXS  DE  I.A  SOUSCRIPTION.  -  La  RsvuEÎcoMTwUB  formera  deux  volumes  srand  in-S-,  publ.és  en  50  livraisons  à  30  ce„Um<  s-  parla  po.te 
•to  centimes.  Le  premier  volume .  composé  des  25  piemières  livraisons,  a  été  achevé  le  28  avril  1849.  Il  renlerme  environ  500  carie  tures  poliUgueï  —  Prix  jè 
|-evolume:7tr.  50c.;rarla  poste,  10  fr.  Le  second  v,,l„me  parait  en  livr.iisons.  On  souscrit,  pour  ce  voinme.  en  payant  7  fr.  50,-.  pour  Paris ,  eUO  fr  ponr 
les  aepartemoDt-'-.  "^  "^  '  r 


AUX   SOUSCRIPTEURS   BX   lA    REVUE  COMIQUE. 

lonrnnier  feuillet  de  chaque  livraison ,  reproduisant  uniformémeut  le  dessin  de  la  couverture .  doit 
0„e'.  "  la  brociuu-e.  -  Aftn  de  varier  le  verso  de  ce  premier  feuille,,  sans  toulefu.s  y  n.serer  r.en 
in,portan, ,  dont  la  suppression  aurait  quelque  inconvénient,  ce  verso,  i.  l'avenir,  sera  occupe  par  la  cor- 
esp  ndance  de  la  Ut.vti= ,  par  des  annonces  drolatiques,  ou  quelque  au.rc  sujet  accesson-e  en  en,  de 
notre  cadre  ;  de  telle  sorte  que  lorsque  les  souscripteurs  réuniront  en  volumes  la  collect.on  d  s  m  .  a.sons. 
Ju  et ,  nlevé ,  ne  supprimera  aucune  partie  intégrante  de  l'ouvrage.  Le  dernier  feu  let  de  la  couver- 
Une,  formant  la  dernière  et  ravanl- dernière  p.ge  do  cl.aque  livraison,  devra  être  rehé  avec  1  ouvrage 
compl.'t ,  dont  il  ne  peut  être  détaché. 


AVIS    AUX    JOURNAUX    DE    PARIS    ET    DES    DÉPARTEMENTS. 

Nous  autorisons  b  ivproducUon  dos  artiHos  coBlcnus  clans  la  licrur  comUiue ,  à  la  condition  : 

1»  De  citer  la  Itevue  en  lui  empruntant  ses  articles; 

2=  Do  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproaucl.on  au  tiers  eles  matières  contenues  dans  chaque  numéro. 


CORRESPONDANCE. 


A  M.  A.  G...,  à  Prtc/.'î.  — L'arlideiiiiitulé  :  la  Merpo- 
pulah'"  voyago  raconté  par  une  étoile  filante,  renfermait 
des  détails  piquanU.  Le  comité  de  rédaclion  était  sur  le 
point  de  l'admellre,  lorsque  les  événements  politiques 
ont  rendu  inopportune  la  publication  de  cet  opuscule. 

A  M.  E.  F...  ,0  Versailles,  avenue  de  Sainl-Cloud. 
—  Votre  chanson  :  les  Bourgeois  de  la  liépiMique, 
n'est  pas  admissible  en  ce  moment  ;  car  il  faudrait  sub- 
stituer des  lignes  de  points  à  la  plupart  des  vers. 

A  M.  J.  M..  .,  à  Aix.  —  Notre  irrégularité  est  due 
aux  embarras  de  toute  espèce  que  nous  suscitent  les 
circonstances;  elle  cessera  dans  des  temps  plus  tran- 
quilles. 

A  M.  Ad.  F....,  cité  de  l'Oratoire.  —  Le  refrain  de 
hlanc  blanc  ,  que  vous  avez  adapté  ingénieusement  à 
une  chanson  sur  l'air  de  drin,  drin,  suffirait  au  succès 
de  votre  œuvre  ;  mais  vous  concevez  aisément  pourquoi 
nous  ne  la  publions  pas. 

A  M.  J.-A.  P....,  de  Bordeaux.  —  Nous  vous  avions 
préparé  une  réponse;  mais  aujourd'hui  l'homme  qui 
est  l'objet  de  votre  critique  est  proscrit,  et  vous  com- 
prendrez comme  nous  qu'il  serait  de  mauvais  goût  de  le 
mettre  en  scène. 


X  M.  _  Votre  couplet  sur  ht  montagne  qui  accouche 
est  venu  trop  lard. 

A  M.  Laurent  PIST...,  à  Nantes,  rue  duGigant.  — 
Nous  regrettons  vivement  que  votre  article  ne  nous 
soit  pas  parvenu  il  y  a  quatre  mois;  il  aurait  été  par- 
faitement de  circonstance. 

A  M.  B.  C.  —  Notre  collaborateur  est ,  en  effet,  au- 
teur d'un  ouvrage  intitulé  :  Histoire  des  mœurs  cl  de  la 
vie  privée  des  Français,  que  vous  trouverez  chez  Lecou, 
rue  du  Bou'oi ,  53  ;  cet  ouvrage  remarquable  vous  don- 
nera tous  les  renseignements  que  vous  désirez  sur  le 
développement  des  idées  démocratiipies  en  France. 

A  M.  BOUR.. . ,  à  Nevers.  —  Nous  payons  à  la  poste , 
pour  affranchissement,  le  prix  de  librairie.  Ce  prix 
est  tarifé  à  10  cent,  par  livraison  ;  ce  qui ,  pour  le  vo- 
lume de  2!j  livraisons,  produit  une  augmentation  de 
2  fr.  50  cent.  En  effet  nous  trouvons ,  comme  vous , 
considérable  cette  augmentation,  puiscpi'elle  est  do 
33  pour  cent  sur  le  prix  de  l'ouvrage.  Les  journaux 
jouissent  d'une  réduction  de  plus  de  moitié  sur  le 
tarif;  mais  nous  ne  sommes  pas  dans  celle  catégorie. 
A  M.  P.  M...,  0  .l/onfauban.  —  Les  cinq  exemplaires 
ont  été  expédiés  de  suite  par  la  poste;  ils  doiveni  être 
arrivés. 


t^nvon  lie  Tnllrtlc. 


Entrepôt  Général ,  rue  .I.-J.  nousseau  ,  8 

PARFWmEDELASOCIlM 


Tiiinlsi'c  «l»"  Tolli'Mo 


luruBf  (-1  fuiidanti' ,  rriiil 
1,)    clirvriii    lirillaiill   ri 

.o„|,l...  Ip.  r«il  vp> r 

rllrsrinpnliccli'liimh  r. 
.  I  ru. .-,»  c.  i.i:  yt.mn. 

Cold-Crcnm. 


Arlion  douce  cl   inn.i- 
Miile.  c|ui  furlilii'  lo«  jli'n- 

,1 du...  frlal  lie  s^i.l,- 

I,.  pl„«  p.rfail. 

2  Kn.  i.K  n.iciiv. 

Rnii  nontifrlre. 


Praorn-.p  dr  prrmniir»  koorrnl  qui-  1r.  riàit  priimnli-.rrr» ,  b  ii  dcMO  i\>-  I .  po-i" .  1»  i-l'ulf  <1"  rlic»cui  ou  leur  Umc\,enT  priT-nrc      i  "''J'  '     "  l'''' j",  .V' 
doDl. .  et  1  p,o.i,-n,  fM  dr.  di.|.r.r.  prfp.t«li..n.  .I.ml  .!!«  .0  .nivr.„t  pour  Itur  loilcllf.  !..  S.m^.TK  „vr,lfAlguK  a  ,1.  crm'  d»...  !.■  Lui  di  .,e  Inror       pu. 
que  an  pi.paraliui,»  a|aiil  drs  ■|uJ.li.  iCi-llr» .  I  i.  11  coimIlIcci  <  I  rxmpl.  »  do  loal  iiiconiïniinl  il  de  loul  danger. 


l'.Ul».  —  Tvi.oerapl.i 


T»r  ik-  Vail?lrnra 


LA   REVUE   COMIQUE'  E.N   RÉVOLl  TIO>. 


C'i'lail  jeudi  ma- 
tin. 

Jamais  on  n'a- 
vait vu  quelque 
chose  (le  si  gai ,  de 
si  pimpant,  de  ^i 
rayonnant  que  la 
ReviieComique 
grimpant  dès  huit 
licnrcs  l'escalier 
de  son  bureau  ! 

Chose  inouïe 
dans  ses  fastes,  et 
bien  digne  assurément  de  rendre  si  fort  allègre  une  Re- 
vue qui  nc'passe  pas  pour  engendrer  mélancolie ,  —  dès 
jeudi  matin  !a  copie,  copie  de  premier  choix,  é!ait  prête 
et  au  delà;  les  desMns,  dessins  spirituels  s'il  en  fut, 
étaient  gravés,  gravés  b  faire  rêver  Calamatta  ou  Mer- 
curi!  Tout  était  prêt  ei.fin;  il  n'y  avait  plus  qu'à  livrer 
à  l'imprimerie,  et  cctle  fois  la  l\evue  pirai>sail  à  heure 
dite,  le  samedi  matin! 


Si  vous  aviez  le  malheur  de  faire  des  revues ,  ô  lec^ 
leur,  s'il  vous  élail  donné  d'apprécier  à  sa  juMe  valeur 
ce  nint  d'un  de  nos  plus  spirituels  collaborateurs,  que 
Il  l'apiiarition  de  chaque  numéro  d'un  journal  est  le 
plus  inouï  des  miracles  connus  ou  à  connaî  re,  •■  vous 
comprendriez  celte  satisfaction  qui  illuminait  la  face 
joyeuse  de  notre  digne  Revue  jeudi  dernier  au  matin  ! 

EWe  tourna  gaiement  le  boulon  de  la  [  orte,  et  s'é- 
lança dans  le  bureau... 

Au  même  instant,  au  milieu  d'un  grand  lumulle  et 
d'un  nuage  de  poussière  qui  l'empêchait  de  rien  voir 
encore  autour  d'elle,  elle  sentit  passer  une  foule  de 
petites  choses  entre  ses  mollets 

C'était  les  caractères  de  l'imprimerie  qui  s'en- 
fuyaient, comme  s'ils  eussent  eu  à  leur  poursuite  tou- 
tes les  trente-deuxièmes  demi-brigades  de  M.  Rebilloi. 

La  Revue  Comique  reconnut  les  fugitifs,  et,  siu- 
péfaite  d'abord  de  cette  débandade  subite,  elle  se  n)it 
à  les  rappeler  de  sa  voix  la  plus  retcniissnnte. 

Hélas!  les  malheureux  n'cnicndaient  rien,  et  ils 
éiaiciil  loin  déjà  ! 


HKVUE   COMiyi K 


►  Hé  !  —  se  (lit  la  Revue,  car  celait  là  oii  jamais  un 
de  ces  cas  où  il  est  permis  de  se  poser  une  qucilion  à 
soi-même,  —  à  qui  en  ont -ils  ('onc ,  et  quelle  rage 
de  courir  ainsi!...  » 

Et  elle  rentra... 

Ce  qu'elle  venail  tlo  voir  n'était  rien  auprès  de  ce 
qu'elle  vit  alors. 

Figurez- vous  les  tables  renversées,  les  chaises  bri- 
sées, les  glaces  en  morceaux,  les  vitres  abolies,  la 
caisse,  —  y  avait- il  une  caisse?  —  forcée,  les  plumes 
écrasées,  les  crayons  en  poudre,  les  manuscrits  en  cen- 
dres et  les  gravures  en  copeaux!  Le  grattoir  lui-même  , 
qui  gisait  dans  un  coin  et  comme  frappé  de  syncope , 
était  parfaitement  en  mesure  de  stupéfier  la  poule  qui 
l'aurait  trouvé  pour  se  conformer  au  dicton  :  o  H  était 
sans  lame!  »  C'était,  en  trois  mots,  un  bureau  cen 
dessus  dessous,  — ainsi  que  M.  de  Balzac  veut  qu'on 
l'écrive  ! 

<■  Grand  Dieu,  s'écria  alors  la  Revvc  Comique. 
que  s'est-il  donc  passé  ici,  et  que  vais  jedcvenir!...  u 

Et  elle  descendit  quatre  à  quatre  l'escalier. 

Elle  frappa  brusquement  au  vasistas  de  la  femme 
Pimprenelle. 

C'est  la  concierge. 

«  Madame  Pimprenelle,  qui  est  monté  là-haut  depuis 
hier? 

—  Personne,  monsieur. 

—  Comment ,  personne  I 

—  Personne,  o 

Cette  femme  Pimprenelle  avait  dans  le  geste  et  l'ac- 
cent une  puissance  d'affirmation  qui  eût  déconcerté 
M.  Baroche  lui-même;  —  mais  la /{^i'hc  Comique!... 

"  Ah!  personne?...  Vous  osez  me  soutenir  que  nos 
bureaux  n'ont  pas  été  envahis  par  une  bande  de  Pan- 
dours?... 

—  Je  n'ai  pas  vu  de  Paudours. 

—  De  Cosaques?... 

—  Depuis  1815,  monsieur,  jias  un  Cosaque  ne  m'a 
approchée. 

—  De  brigands  ôrinés?... 

—  Je  voi}s  jure,  monsieur,  qu'il  n'cvi  \tnn  ni 
brigands,  ni  cosa'iucs,  ni  Painhuirs! 


La  Revue  Comique,  les  liras  croisés,  regardait  In 
femme  Piuipreiielle  et  souriait  amèrement. 

<c  Bien,  très- bien,  madame  l'imprenelle  !  c'csi  en- 
tendu, n'est-ce  pas  :  il  n'est  venu  personne? 

—  Per.sonne...  ah!  cependant,  attendez  donc...  j'ai 
vu  passer,  hier  au  soir,  devant  ma  loge,  un  mossieu  .. 

—  In  mossieu? 

—  Un  mossieu  à  (pii  je  n'ai  pas  eu  le  temps  de  de- 
mander où  il  allait. 

—  Ah!  —  et  comment  était-il,  ce  mossieu? 

—  Oli  !  un  mossieu  très -bien  :  décoré,  maigre, 
avec  un  grand  nez. 

—  Maigie,  décoié,  un  grand  ne/.!...  achevez, 
fenmie  Pimprenelle,  achevez...  avez-vous  remarqué  ses 
oreilles?... 

—  Pardine,  elles  sont  assez  grandes  pour  ça! 

—  Ah!  s'écria  la  Ikvue,  je  ne  me  trompais  point, 
ei  je  sais  tout  à  i)résent  :  c'est  iios,sii:f  RtÎAc! 

—  \ous  m'appelez  véacl  dit  la  femme  Pimprenelle 
à  la  fin  émoustillée  et  dont  l'oreille  est  im  |)eu  dure  : 
réac  vous-même,  mauvais  arislo!  « 

Qu'importait,  je  vous  le  demande  ,  qu'importait,  en 
ce  moment ,  à  la  Revue,  ijue  la  femme  Pimprenelle  l'ap- 
pelât aristo?  La  Revue  avait  bien  autre  cho.se  en  tête  !  Il 
n'y  avait  plus  à  douter  :  c'était  mossieu  Réac  lui-même 
qui,  pour  répondre  à  tant  d'attaques,  avait  profilé  de 
la  commotion  de  la  veille  pour  se  venger  à  sa  façon. 

Qu'y  faire?  —  Agir. 

La  Revxie  sauta  dans  un  cabriolet  et  courut  chez 
ses  rédacteurs,  dessinateurs,  graveurs:  leur  exposer 
la  situation  fut  l'affaire  d'un  instant.  Il  fallait  se  reniel- 
ire  à  l'œuvre,  refaire  en  une  journée  au  plus  la  lente 
besogne  de  toute  une  semaine,  reconstituer  enfin  le 
nunH'ro,j|détruit. 

L'n  si  beau  numéro  pourtant!  Le  meilleur  assuré- 
ment (|ui  eût  jusque-là  paru  ! Enfin  !!!... 

Le  premi<r  rédacteur  relevait  à  peine  d'une  attaque 
(le  choléra,  et  les  événements  politicpies  qui  venaient 
de  se  passer  avaient  surexcité  son  organisme  au  point 
ipie  le  docteur  redoutait  une  congestion  cérébrale. 

1.  Regardez,  dit  il  à  la  Rvvui- ,  (piepuis-je  faire 
avec  iinr  |)lnme  rèduile  en  un  si  pitovable  èial?... 


—  Pauvre  plmne  et   [auvre    rédariein- 
Revue. 


dit    In 


El  elle  courut  chez  son  princijia!  dessinateur. 

Le  de.ssinalenr  était  tout  ahuri.  Il  craignait  d'èire 


A  LL.SA(iK   DKS  (ÎI•:^S   SIIUII  \. 


iltl('l('    ((MllMH'    soii|ir()iiiii'    (l'("lrt'   Ml.spccl    d'.noii     \ii 
piissfi     sur    11'     l)iiili\iiiil    1,1     maiiifestnliiiii     ilc     l.i 


Il  III'  Milail  pas,  cil  cet  iiistaril,  iiiic  hachure. 
If  n'.ii  plus  (le  cia\oi)  ,  dil-il,  le  iiiicii  chl  cassé. 


—  Voici  (|uaiaiilu  mius,  ilil  gi'iu'ix'usciin'nl  la 
Hei'ue;  achelt'Z-i'ii  ! 

—  Ouais!  dit  le  dcssiiialcur,  Vdus  voudriez  me  faire 
cioire  (pi'il  n'est  pas  défendu  niainleiiant  de  \endrc  des 
crayons,  cl  vous  m'en  envoyez  demander  pour  me  faire 
arrêter,  l'as  si  abonné  de  la  Pairie! 

—  Cet  homme  timoré,  se  dit  la  llcvuc  en  lui  lançant 
un  regard,  que  moi  je  n'aurais  pas  lai.ssé  passer  comme 
ça,  cet  homme  timoré  est  de  plus  un  abominable  fai- 
néant et  un  crétin  renforcé.  Allons  ailleurs!  " 

xAlais  où,  ailleurs?  S'il  faut  dire  toute  notre  pensée 
avec  la  franchise  qui  nous  caractérise,  il  n'est  pas  facile 
(le  trouver  tout  de  suite  sons  la  main  dessinateur  efrc- 
il.iclcur  il  la  hauteur  ordinaire  de  la  Revue  comique. 


Ce  h  (|uoi  pensant,  la  Ilevuc ,  (|ui  ne  se  désespère 
I  (inrtanl  pas  aisément,  se  mit  à  entrevoir  des  difficultés 
plus  graves  qu'elle  n'en  avait  cru  avoir  à  vaincre  au 
prcinier  abord. 

Elle  était  ceiiendant  encore  bien  loin  de  renoncer  à 
on  numéro,  lorsqu'au  coin  d'une  rue  elle  vit  un  col- 
leur qui  collait  une  affiche  portant  ces  mots  sinistres  : 

ÉTAT   DE   SIÉGt;  !  !  ! 

La  Revue  se  sentit  mal  à  l'aise. 

«  Pour  le  coup,  la  question  devient  sérieuse,  réllé- 
(liit-elie.  Oc  quel  encrier  pourrai-je  aujourd'hui  tirer 
'  on  nuniéio? 


"  ...  Sans  compter  encore  que  ce  n'est  pas  tout  de 
faire  ce  niaudil  numéro!  Il  faut  qu'il  file  doux  et  ne 
fasse  froncer  le  sourcil  à  personne;  car  l'éliit  de  siège 
n'v  va  pas  de  main  moi  te. 


»  ...  lit  qui  s'a\iserait  de  me  plaindre  .si  j'avais  la 
maladresse  de  me  faire  conduire, —  confié  à  laijarde 
nationale  et  à  tous  tes  citoyens,  — connue  dit  la 
Constitution  ;  passez-moi  le  mot  ,  sur  les  pontons?... 


RKVIE  COMIQllK 


..  Soyons  pnidciile!  se  dit  la  licvue,  cl  ma  loi, 
pour  plus  de  prôcaulions ,  faisons  iiolic  miinno  iioiis- 
luOiiio. 


Il  Nous  verrons  après  !  » 

Or,  voici  ce  que  la  prudcnlc  llcviic  pnului-it  en 
niisc  d'arlicle. 


iÊ^'vm  jH'  ut~i.rf*:^a^     .^-i^ii/n^uM^  i^-^^Ç^y,    ^iny^^tM-C 


<>'«*SU  insuffisant. 

La  kUivui,  f|ui  est  au  f.irui  une  pcisunnc  iclliéc, 
avaii  pensé  surtout,  en  rédigeant  cet  ai  tide  pétillant,  au 
proverbe:  -  Comme  on  fait  son  til,  vu  necaucln:» 


El  à  coup  sûr,  en  se  faisant  elle-même  un  numéro 
de  celte  prudence-là,  elle  élail  bien  certaine  de  n'aller 
pas  coucher  le  soir  à  la  Conciergerie. 

Mais,  nous  le  répétons,  c'était  insuffisant. 


A    LL'SAGK    DKS  GK.NS  SKIUKLX. 


Iiisudisani ,  roininc  texte  :  hioii  que  les  écrivain»  do 
haut  noùt  adii  iiH'iit  qu'il  faut  laisser  de  la  besogne  à 
rinl('llii;rnfe  du  leeteur.  Il  y  avait  ahus  de  ce  piucédO. 

lusullisanl  comme  illustiatious;  — car  il  est  évident 
que  la  lima',  malgré  ses  relations  quotidiennes  avec 
desarlistescélèbres,  et  malgré  les  intentions  de  gaietéque 
nous  voulons  bien  reconnaiire  dans  ces  timides  essais,  en 
était  encore  à  l'ABC  de  l'art,  (.'.a  manquait  de  patte  ! 

La  lUviic  comprit  son  impuissance  et  arrêta  ses  ten- 
tatives vaines.  Son  imagination  seule  se  remit  en  course 
à  la  piste  des  inspirations. 


A  «|ui  se  vouer?  Lllc  se  rappela  qu'elle  avait  connu 
deux  ou  tiois  jeunes  gi'us  de  lettres,  de\enus  aujour- 
d'hui, par  suite  du  malheur  des  temps,  rédacteurs  en 
|Mcd  de  journaux  blancs.  Ces  petits  jcfuncs  gens  .se  fus- 
sent mis  bien  volontiers  à  la  disposition  de  la  Hevue  dts 
(pi'ellc  aurait  fait  reluire  queUiues- uns  de  ces  «/•(/«• 
imnls  auxquels  Rasile  ne  trouvait  pas  de  réplique,  el 
eussent  d'autant  i)lus  facilement  imposé  silence  à  leur 
conscience  qu'ils  n'en  avaient  pas. 

Mais  allez  donc  demander  de  la  rédacli'iu  pour  la 
Kcvuc  comique  à  des  visages  pareils  '.' 


Que  vous  dirai-je  ?  la  Ile  vue  eût  même  l'idée  de  s'a- 
dresser à  M.  Peldeloup-hoiiime-sévère-mais-juste.  Mais 
.M.  Peldeloup-honime-sévère-inais-juste,  ne  lui  aurait 
pu  fournir  que  des  jeux  de  mots  latins  et  des  calem- 
bours par  la  géographie  de  l'abbé  Gautier. 

La  pauvre  Ikvuc  laissa  tomber  alors  son  front  entre 
ses  mains.  La  non-apparition  de  son  nmiiéro  la  mettait 
sous  le  coup  de  l'article  l"  de  la  loi  sur  le  désabonne- 
ment .  —  loi  votée  par  une  majorité  factieuse  de  lec- 
teurs qui  se  croient  tout  permis,  contre  une  minorité 


d'éditeurs  auxquels  est  refusé  mèjne  le  mince  recours 
d'une  protestation  pacifique. 

La  Revue  comique  était  donc  plongée  dans  ses 
tristes  réflexions,  lorsqu'elle  crut  entendre  derrière  elle 
un  petit  bruit  et  comme  un  ricanement  amer 

La  Heviic  se  retourna  tout  à  coup  et  aperçut  le  bout 
d'un  nez ,  et  ce  bout  de  nez  était  plus  long  à  lui  seul 
que  bien  des  nez  entiers.  Elle  s'élança  d'un  bond,  en 
renversant  son  fauteuil,  et  saisit  à  deux  mains  ce  nez  in- 
trus qui  surpris  se  disposait  déjà  ii  battre  en  retraite. 


(i2 


RKVUE  COMIQUE. 


Iloni'iii!  c'était  monsieur  Uéac  lui-iiièine,  qui  avait 
l'iin|HKliMicc  de  venir  coiitt-iuplcr  sou  œuvre  et  jouir  de 
Min  Iriiimplie. 

'■  Ail  !  brigand  ,  je  le  tiens! 

—  I.àelie-moi ,  infâme  syrnplianle  ! 

—  Ail  I  pendard  ! 

—  Assassin  ! 

—  Pillard  ! 

—  Scélérat  ! 

—  Ah!  tu  viens  me  voler,  nie  ruiner,  moi  et  tontes 
les  famillesque  je  fais  vivre! 

—  Aiil  lu  veux  m'étrangler  ei  me  cou|)cr  ions  les 
jours  par  petits  morceaux  ! 

—  Tiens,  pare  celui-là  ! 

—  Attrape  celle-ci! 

—  Pif!  .. 

—  Paf  ! .. 

Ici  mossieu  Réac  ,  par  un  effort  suprême,  parvint  ii 
dégager  son  nez,  et,  s'eiiiparant  d'un  déhris  de  chaise, 
se  réfugia  dans  un  coin  de  la  pièce. 

La  llevuc,  de  son  côté ,  saisit  un  pied  de  table,  et 
le  grand  assaut  commença. 

Les  coups  pleavaient  comme  grêle,  et  luossieu  Réac 
en  recevait  sa  bonne  pari. 

Mais  1.1  /Irrtic  trouva  bientôt  que  cet  exercice  élail 
assez  bête,  surtout  pour  quia,  comme  elle,  l'habitude 
de  manier  des  armes  autrement  puissantes;  cl  connue 


mossieu  Réac,  essoufflé,  perdait  du  terrain,  elle  lui 
proposa  de  parlementer.  —  Mossieu  Réac  ne  deman- 
dait pas  mieux. 

—  Quevenaislu  f.iire  ici?  lui  dit-elle. 

—  Ma  foi  !  je  ne  ni'allendais  pas  à  vous  trouver  si 
gaillarde ,  et  je  venais  vous  mettre  sous  le  séquestre. 

—  Qu'eiitends-tu  par  là? 

—  Eh!  bon  Dieu,  c'est  bien  simple  :  le  séquestre 
consiste  h  retirer  une  entreprise  des  mains  de  son  ex- 
ploiteur, et,  pour  qu'elle  ne  périclite,  à  l'exploiter  aux 
lieu  et  place  de  celui-ci.  (;'esl  ce  que  le  gouvernement 
a  fait  pour  le  ciiemin  de  fer  d'Orléans. 

—  Ah  !  bah  !  »  exclama  la  Revue. 

Une  idée  lumineuse  lui  traversa  le  cerveau  ,  et  elie  se 
sentait  tirer  du  pied  une  fièrc  épine:  Mossieu  P>éac  lui 
même  allait  lui  faire  son  numéro ! 

«Eh  bien!  soit!  dit-elle  ;  séquestrez,  mossieu  Iléac, 
—  et  prenez  ma  place.  « 

Mossieu  Réac  s'avança  avec  quelque  déliaiice. 

«  Par  où  commence-t-oii  ?  dit-il. 

—  Il  faut  d'abord  songer  aux  gravures.  Vous  m'avez 
détruit  les  autres,  il  ne  me  reste  plus  que  ceci. 

—  Qu'est-ce  que  c'est  que  ça? 

—  Une  plaisanterie  sur  la  (lotte  allemande,  rêve  i|ui 
a  déjà  dévoré  quelques  millions  prussiens. 

—  Mais,  je  ne  la  vois  pas,  votre  (lotte  ;  —je  ne  \oi.s 
que  des  oiseaux 


—  (pii  font  (onime  vous,  (pu  la  cherchent. 

—  ni  !  hi  !  hi  !  (^'esl  très-gai ,  et  vous  avez  ipielipie- 
fois  beaucoup  d'esprit.  —  Va  pour  la  flotte  allemande. 

—  (,'esl  palpitant  d'acliialilé.  — Ensuite? 

—  l  II  grand  dessin  sur  la  publique  élrangère. 

—  lîoii  pour  celui-là;  l'extérieur  est  moins  daiige- 
ieu\  (jue  l'intérieur.  —  Mais  (|u'csl-ce  (pie  je  vois?  Le 
geste  amliigii  de  la  Russie  pourrait  prêter  à  de  iiié- 
chanles  insimiations.  —  Refusé  !  refusé  ! 

—  le  crois  rpic  vous  avez  tort ,  cela  vous  donnerait 
après  les  paroles  que  M.  Estancclin  a  prononcées  mardi, 
cela  vous  donnerait  un  certain  relief  national  ,  un  petit 
vernis  patriolif)uc. 

—  liah  !  ce  jeune  Kslanrelin  est  si  ji'uiie  —  ei  d'ail- 
leurs le  Constitutionnel  a  fort  bien  dit  qu'il  ne  sa- 
vait pas  !(•  français.  C'est  une  misère  1 


—  Je  pense  au  moins  autant  que  le  ('nnxlilulidn- 
n(;t(\uc  cet  homme-là  ne  soupçonne  pas  ipie!!'  huiguc 
il  faut  parler  en  l'iance. 

«  Eh  !  eh,  mossieu  Réac,  ce  jeune  étourdi  est  de  votre 
bord,  el  il  vous  a  nui  qucbpie  peu  ;  croyez-moi  !  après  de 
pareilles  fautes  de  français,  vous  avez  besoin  de  quelque 
petite  chose  qui  ait  l'air  d'une  réparation;  prenez  mon 
dessin.  Cela  d'ailleurs  ne  vous  engage  p.is  à  gi  and'chose. .. 

Mos.sicu  Réac,  pendant  ce  spcach,  tournait,  retour- 
nait et  examinait ,  sous  toutes  ses  faces ,  le  dessin  sus  • 
pect. 

"El d'ailleurs,  insista  la  llevuc ,  il  nous  faut  absolu- 
menl  un  grand  bois  dans  chaqui;  livraison  ,  et  vous  ne 
pouvez  choisir  que  celui-là,  aitendu  que  c'est  le  seul. 

—  Metiez-le  donc,  conseniit  M.  Réac  en  soupirant. 

—  Après? 


L.\   RCSSIE  BECONSAIT    L\    RÉPLBLIQOK   FR.\NÇAISE. 


Dessiné  par  N*d\rd. 


Gravé  par  Baclast. 


REVUE   COMIQUE 


—  Un  lypo;  j'en  ni  toujours  un  ou  deux  d'av.nuce  : 
voici  celui  d'un  de  vos  amis,  un  personnage  non  po- 
litique. 

—  Bon  ,  l)ien  alors.  —  lùisuilc? 

—  Maintenant  occupez-vous  du  texte  ;  vite  ! 

—  Vos  dessins  ne  me  vont  pas  trop;  mais  je  xais 


flanquer  h  vos  anarchistes  de  lecteurs  un  petit  article... 
Oh  !  je  leur  ôtcrai  du  couji  l'envie  de  rire,  moi  ! 
—  Peul-èlre,  ô  mossieu  Héac!  —  Dictez,  j'écris.  » 
Mo.ssieu  Réac  fit  gravement  plusieurs  tours  dans  la 
ciiambre,  se  gratta  l'oreille,  toussa  ,  craciia ,  se  mou- 
cha et  commença  en  ces  termes. 


L.\  NUL  VELLE  REVLl-:  COMIOUE  EXPl  RGÉE. 


PAUMOOIE. 


Il  La  Revue  Comique  avait  été  entraînée  jusqu'à  ce  jour 
dans  une  voie  funeste,  qu'elle  a  résolu  d'abandonner  avec 
éclat  aujourd'lmi.  Elle  saura  accomplir  ses  nouveaux  de- 
voirs, et  c'est  en  pleurant  ses  fautes  passées,  en  se  ral- 
liant au  parti  de  l'ordre  qu'elle  espère  mériter  l'estime  de 
ses  vingt  mille  souscripteurs ,  dont  la  conversion  ne  peut 
manquer  de  suivre  la  sienne. 

»  Elle  se  décide  résolument  enfin  à  rompre  avec  cette 
horde  anarcluque  de  conspirateurs  de  bas  étage,  lâches 
coquins,  forçats  libérés,  sans  culottes,  escarpes,  grinchcs, 
rdous,  malandrins,  escrocs,  piliers  d'estaminet,  culotleurs 
de  pipes,  coupeurs  de  bourses  et  de  jarrets,  assassins, 
meurt-de-faim,  révolutionnaires,  socialisles,  communis- 
tes, partageux,  scieurs-de-gardes-mobiles-entre-deux- 
planches,  goussepains,  galoupiats,  gaspaillous  etpoils-de- 
carotles  '.  !  ! 

—  Hein?  dit  crànemcut  mossieu  Réac ,  en  s'arrèlani 
pour  respirer. 

—  C'est  magnifique!  dit  la  Revue  .•  on  dirait  que 
vous  avez  rédigé  toute  votre  vie  le  Constitutionnel. 
Si  ces  grcdins  do  rouges  ne  sont  pas  convaincus  par 
les  bonnes  raisons  que  vous  leur  dites  là,  ils  méri- 
tent que  le  loup  les  soupe  et  tout  à  l'iieure.  —  Conti- 
nuez, je  vous  prie  ! 

»  Qu'où  ne  vienne  donc  plus  lui  dire  que  la  Constitution 
peut  être  interprétée  de  différentes  manières  ;  ceux  qui 
tiennent  ce  langage  se  rangent  dans  la  catégorie  des  mi- 
sérables, des  fanfarons,  des  lâches,  des  éternels  ennemis 
de  la  société. 

»  Qu'on  ne  vienne  plus  lui  proposer  d'attaquer  l'illustre 
Odilon  Barrot!  Ce  Décius  moderne,  auquel  la  postérité  élè- 
vera des  statues ,  est  désormais  l'idole  de  la  Revue  Comi- 
que. 

»  Qu'on  n'essaie  pas  d'engager  la  Revue  Comique  à  sou- 
tenir la  liberté  de  la  presse  ou  le  droit  de  réunion;  on  n'y 
réussirait  point. 


—  Ici  mossien  Réac  fil  une  pose  —  majestueuse  et 
se  legarda  avec  complaisance  dans  la  glace,  (pii  n'exis- 
tait plus  au-dessus  de  la  cheminée. 

"  Il  faut  en  finir  avec  ces  éternels  ennemis  de  i  oidre! 
qui ,  Il  comme  le  dit  si  justement  monsieur  Changarnicr! 
V  ilejiuis  vingt  ans  sont  toujours  les  mêmes  et  qu'on  a  vus 
figurer  d.ins  toutes  les  conspirations  1   » 

<i  Déjà  ébranlée  par  l'éclatanle  victoire  du  29  janvier,  la 
Revue  attendait  le  triomphe  non  moins  illustre  du  13  juin 
pour  se  rallier  au  parti  do  l'ordre  et  réparer  ses  anciennes 
err.urs.  Mais  que  l'Odilon  Barrot  qui  n'a  pas  fait  sa  pe- 
tite opposition  ,  lui  jette  la  première  pierre  1 

»  Désormais  la  Revue  Comique  se  trouvera  au  premier 
rang  dans  celte  lutte  généreuse  où  la  Patrie  el  l'Assemlilée 
nationale  ont  déjà  cueilli  des  palmes  dont  elle  veut  sa  part. 
Elle  transporte  ses  bureaux  au  milieu  de  la  rue  de  Poitiers, 
d'où  elle  traitera  comme  ils  le  méritent  tous  ces  préten- 
dus amis  de  la  Constitution  et  gardes  nationaux  manques, 
avec  leur  liberté  de  la  presse  et  leur  droit  d'association  ; 
«  car  il  est  temps,  comme  dit  l'élu  du  10  décembre  dans 
son  Message ,  que  les  bons  tremblent  et  que  les  mé- 
chants.... 

C'est-à-dire  non  ! 

Il  II  est  temps  que  les  méchants  tremblent  et  que  les 
bons  se  rassurent! 

»  Elle  appuiera  le  gouvernement  réellcmcnl  paloriiel  que 
nous  possédons;  mais  à  cette  condition  qu'il  se  montrera 
sans  pitié  pour  les  ennemis  de  notre  ordre  social  :  La 
FAi'LX  KE  DISCUTE  PAS  AVEC  l'ivraie  ;  et,  comuie  dit  Rabe- 
lais :  «  Brusiez,  tenaillez,  cizaillez,  noyez,  pendez,  em- 
»  palez,  espaultrcz,  desmombrez ,  descoupez,  fricassez, 
1)  grillez,  escarbouillez,  escarlelez,  dehingiiandez  ,  carbo- 
»  nadez  ces  méchants  hérétiques,  pires  que  homicides, 
»  pires  que  parricides!.  .  »  El  la  Revue,  qui  dédie  à  mon- 
signor  de  Falloux  ce  numéro  inauguralif  de  sa  nouvelle  ère, 
espère  bien  que  ce  pieux  ministre  de  l'instruction  publique 
souscrira  pour  cinq  cents  exemplaires  à  l'intcnlion  des 
bibliothèques  publiques.  » 


ESPIÈGLERIES. 


a  Je  crois  que  ces  gaillards-là  veulent  se  venger  en  nous 
faisant  crever  de  faim... 

—  Ah!  bah!  répondit  le  voisin,  nous  les  mangerions 
plutôt!  » 

Ah!  M.  Clairville  a  bien  raison,  quand  il  dit  :  «  Que  les 
rouges  sont  de  vrais  bâtons  endommagés  :  on  ne  sait  par 
quel  bout  les  prendre!  » 


i^  Ciloycn  liiaillcur  de  Vincennes,  tout  pour  la  Consiita 
lion  démocraiique  et  sociale! 

—  Cambronne  t 

—  C'est  ça,  Cambronne  pour  la  Constitution!...  » 

On  a  remarqué  ,  comme  une  singularité  des  plus  étran- 
ges, que  la  petite  rue  dans  laquelle  se  sont  trouvés 
M.M.  Ledru-Rollin,  Considérant,  Boicliot et  Rattier,  aj 
être  sortis  du  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers ,  se  nomme 
la  rue  des  Quatre-Voleurs. 


A  LTSAGK  DES  GEiNS  SERIEUX. 


65 


En  fiiil  do  (lames  qui  n^ilaionl  louis  mouctioirs,  nous 
n'avons  aperçu  qu'uiio  alTioiiso  f^aupe  iMTcliée  romnio  une 
curneillo  ric  mallicui'  sur  un  balcon  du  boulovaiil  Mont- 
niaiire,  cl  noassant  :  \  ire  laConslilulwn!  lillo  déployait 
en  olTel  un  mouchoii-  à  tabac,  et  envoyait  à  ses  frères  et 
amis  des  baisers  amoureux  du  bout  do  ses  grilles  noires  el 
de  ses  défenses  jaunes. 

Le  43  juin  ,  sur  la  place  Saint- Sulpice,  le  ciloycn  C..., 
capitaine  d'état  -  major  de  la  i;ardc  nationale  dégommé, 
s'elTurçait  d'onibaucher  un  jeune  tourlourou  qui  était 
paisiblement  assis  sur  son  sac  : 


«  La  Constitution  a  été  violée!  hurJail-il. 

—  Co  n'est  pas  ma  sœur,  »  répondit  flegmatiipjenicnt 
le  militaire. 

—  Eh  !  eli  !  fit  mossieu  Réac ,  que  dites-vous  de  ces 
espiègleries  ! 

—  (;'esl    peut-être    un    peu se    perniil    l;i 

J  te  vue. 

—  Allons  donc!  vous  ne  lisez  pas  les  jouinaux  hon- 
nêtes et  uioilérés  ?  » 


Iji  re  moinonl  cuirait  un  personnage  nouveau  , 


le  sieur  Cauiaut,  graveur  en  chef  delà  Revue  Comique. 
Ce  jeune  liomnic  recomniaudable,  et  qui  a  le  rare  pri- 
vilège d'allumer  l'amadou  avec  ses  yeux ,  était  chargé 
des  produits  délicats  de  sa  fabrique. 

"  Qu'est-ce  que  c'est  que  ça?  dit  mossicu  Réac. 

—  Ma  foi ,  dit  la  Revue  un  peu  embarrassée ,  et  en 
mettant  prudemment  les  bois  sous  sa  main ,  —  c'est  la 
suite  de  votre  Vie  politique  et  privée. 

—  Et  vous  croyez  que  je  vous  permettrai  de  mettre 
ces  abominations  dans  un  numéro  signé  par  moi  ! 


—  l'iuJASons- en  ,  mossieu  Uéac  ,   il  est  tard  et  mon 

numéro  périclite.    Il  faut  un  iionibre  de  dessins 

—  Tenez,  terminons  aujourd'hui  cette  série  dont  vous 
allez  vous  trouver  ainsi  débarrassé  à  tout  jamais. 

—  lih  bien!  dit  mossicu  Uéac,  iila  condition  que  vous 
sup])rinierez  dans  celle  fin  finale  tout  ce  (jui  a  rapport  à 
la  politique  ,  — je  v;  usabandoinie  ma  vie  privée,  con- 
sentit-il non  sans  soupirer  à  quel(|ue  souvenir » 

L'insensé  Réac  ignoiait  quelle  arme  cruelle  il  venait 
(le  donner  à  la  Revue  ,  dans  ce  dernier  chapitre  de  ses 
aventures.  —  Car  ce  que  mossicu  Réac  ne  sa\ ait  pas,  c'est 
((ue  la  licvucsMl  tout  — et  bien  d'autres  choses  encore. 

11  Mainlenant,  dictez-moi  autre  chose  bien  vite  ! 

—  Comment,  ce  n'est  pas  siillisant!  dit  nios.sieu  Réac, 
(|ui  cou]nicnçail  à  avoir  assez  de  son  métier  nouveau  ; 
mais  je  ne  sais  plus  que  dire,  moi.  —  Voyons,  n'avez- 
vous  pas  dans  quelque  coin  quelque  ciiose  d'inoiïensif , 
quelque  revue  théâtrale  de  M.  Hippolytc  Lucas,  —  de 
quoi  remplir,  enfin? 

—  Je  n'ai  là  qu'un  petit  proverbe.  Trop  parler  nuit. 

—  Eh  bien,  voilà  votre  affaire  !  Trop  parternuit  ! 
le  titre  est  fort  honnête  et  de  bon  conseil.  Un  proverbe, 
c'est  comme  qui  dirait  un  vaudeville.  C'est  presque 
toujours  tris-bien  écrit ,  dans  les  bonnes  idées  et  rare- 
ment méchant.  H  y  a  un  monsieur  Clairville  qui  fait 
comme  cela  des  choses  charmantes. 

—  Va  pour 


TROP  P-VRLER  NUIT,  TROP  GRATTER  CUIT, 

PETIT   PROVERB£   ES   US  ACTE,   REPRÉfESTÉ   POUR  LA   PREMIÈRE   FOIS  X  PARIS  DANS    US    CAFÉ   DV    >URA15   ET   DANS   BEAUCOUP 
d'autres  cafés,  avec  (JUELqUES  TIRIANTES,  LE   15  JUIN  1849. 

Personnages.  —  Durand  ,  petit  rentier,  décoré  de  juillet,  caporal  de  la  garde  nationale. 

Isidore,  commis  voyageur,  bavard  et  barbu,  mais  bonne  personne  au  fond. 
Accessoires.  —  Gens  comme  il  faut  de  différents  âges  ;  habitués  comme  il  faut  aussi  ;  garçons  de  service. 


(La  scène  se  passe  dans  la  salle  du  café-etlaminel.  ) 

cnœuR  d'habitués  et  de  personnes  comme  il  fait. 
Double  six,  je  coupe,  quinte  et  quatorze,  échec  et  mat. 


soufflé  n'est  pas  joué  ;  garçon,  un  grog;  impériale  d'as; 
ah  !  comme  les  morceaux  de  sucre  sont  petits  !  à  vous 
la  raaiu,  à  vous  la  pose ,  je  passe,  j'en  donne,  etc. ,  etc. 

DURAND.  {Il  occupa  une  table  à  lui  tout  seul;  il 


fume  gravement  et  murmure  avec  quelque 
inquiétude  la  romance  de  :  Fleuve  du  Tagc. 
Isidore  entre  avec  grand  fracas  et  va  tomber 
dans  tes  bras  de  Durand,  qui  devient  très-pâle 
et  se  débat  comme  tin  possédé.) 

Mercredi,  je  n'ai  rien  crié  du  tout....  En  cet  in- 


66 


RKVliE   COMIQUK 


stant ,  j«'  cliaiilais  Flntie  du  Tagc,  il  n'y  a  pas  de  mal 

à  ça Il- n'ai  jamais  pu  apprendre  un  seul  couplci  de 

ta  Motsiilfiiisc....  Je  suis  un  défenseur  de  l'ordre... . 

ISIDORE,  riant. 

Ali  çà  !  farceur  ,  vous  ne  me  reconnaissez  donc  pas  ? 
J'arrive  à  la  minute  ;  voire  portière  m'a  dit  que  je  vous 
verrais  au  petit  café.  Ce  vieux  petit  café  où  nous  fai- 
sions, il  y  a  deux  ans,  notre  partie  de  dominos  tous  les 
soirs.  La  mère  Pierre  ne  m'a  pas  trompé ,  je  vous  re- 
trouve assis  à  la  même  table,  fumant  dans  la  même  pipe. 
(Il  lui  frappe  sur  le  fcntcc), Seulement  un  peu  mai- 
gri. Mais  cjue  je  vous  presse  donc  encore  sur  ma  poi- 
trine! {Use  précipite  dans  les  bras  de  Durand 
tl  porte  plusieurs  fois  sa  tête  de  qauche  à  droite 
cl  de  droite  à  gauche,  comme  dans  les  seines 
de  reconnaissance  des  pièces  du  (Ji/ninase.) 

DLRAiND,  se  remettant  un  peu. 

Ouf!  quelle  émotion! — Ce  n'est  qu'un  ami,  c'est  ce 
cher  Isidore  ! 

ISIDORE. 

£li!  oui!  c'est  ce  cher  peiit  Isidore,  qui  arrive  en 
droiic  ligne  de  Saint-Pétersbourg;  ali  !  Durand,  quel 
drôle  de  pays,  et  le  pauvre  peuple,  bon  Uieu  ! 

DURAND,  (/ui  s'cjit  remis  tout  à  fait. 

C'est  vrai ,  le  peuple  russe  est  peu  avancé.  Un  voya- 
geur de  Hies  amis  m'a  assuré  que,  dans  les  combats,  les 
soldais  se  servent  encore  de  llèches. 


ISlDOIll'. 

Oh!...  bon  Durand,  voire  ami  a  été  Iroj)  iniii.  Mais 
en  somme  le  pays  n'est  pas  agréable.  Figurez  -vous  que,, 
pendant  les  deux  mortelles  années  que  j'y  ai  séjourné, 
je  n'ai  rien  su  de  ce  qui  se  passait  en  France.  Mes  let- 
tres étaient  décachetées  et  les  journaux  ne  me  donnaient 
que  les  nouvelles  des  théâtres  et  du  bal  Mabille. 

DLR.\.ND.  1 

(>'esl  déjà  (|ueli[uc  chose.  ■ 

ISIDORE. 

Oui,  mais  c'est  insullisant  pour  les  gens  curieux. 
Néanmoins  je  n'ai  pas  trop  perdu  mon  temps  lii-ba.s. 
Pendant  sept  cent  trente  soirées  j'ai  narré  les  épisodes 
de  la  Uévolution  de  juillet.  On  avait  caché  juscju'alors 
aux  bourgeois  de  Saint  -  Pétersbourg  cet  incident  du 
notre  histoire  moderne. 

DURAND. 

\\\\  ba>t! 

ISIDORE. 

Parole  d'bonnem-  !  et  toutes  les  fois  que  dans  un  cer- 
cle je  m'apprêtais  h  fournir  quelques  détails  sur  la  dé- 
chéance de  la  monarchie  de  Charles  X  ,  on  s'enfermait 
à  double  tour  et  une  personne  sûre  veillait  à  la  porte 
afin  de  savoir  si  l'empereur  n'écou'.ait  pas. 

DLUAND,  tristement. 

Ah  !  ce  sont  de  bonnes  gens  de  mœurs  douces  et  ti- 
mides. Hélas  !  le  peuple  français  n'a  pas  la  douceur  el 


X.A  VIE    FUBI.I9VI:   XT    FRTVXX    DE   MOSSIEU   REAC. 

CllM',   \.   —   Dcceiiliuns. 


Mais,  horreur  !  en  rentraitt  un  jour  chez  lui  à  Timproriste ,  il  surprend 
madame  Réar.  née  Aristo  de  Taupinois,  en  conversation  intime  avec 
un  affreux  In-crgé. 


Mossieu  Réac,  ulesi 
opinion*!  polilioue 
Âri!,lo  deT^in|>ine 


'  à  la  fuis  dans  son  honneur  conjugal  tt  tlum 

.  veut  plaider  en  sf  pnralion  de  corps;  ni.ii-  le  jeuiiel 

9  lui  demande  rtii^cn.et  Georges  Uandin  nieduux.r 


A    I.ISAGK    DKS  GKNS  SKHIEIIX. 


1,1    liiiiidilt:   (les    Russes;  cl  depuis   la   (lécliéaiice  de 
Charles  \  ,  il  s'est  passé  ici  des  choses  bien  graves. 

ISIlinltt:. 
J'ai  appris  tout  cela  eu  luiilatit  le  pied  siu-  le  sol  na- 
tal. Oh!  \oiis  vous  êtes  joliment  conduits!  Mais  vous, 
Durand,  vous  deviez  être  à  la  tète  du  mouvement  de 
iM^rier?  Vous  êtes  nu  répid)licaiu  dans  les  fauionses 
idées;  un  hou  ,  quoi ,  —  un  solide? 

D1JI\AND,  avec  fiiil/arios. 
l'ai  lez  moins  luiiil ,  je  vous  prie \ous  compre- 
nez  

isit)Oi\t;. 

Coinmenl  donc!  mais  je  ue  comprends  pas  du  tout. 
Ksi -ce  que  nous  ne  sommes  pas  eu  Répubiicpie,  sapre- 
lotte!  Vive  la  Constitution  ! 

DiRANO,  avec  int/uicliulc. 

De  grâce,  parlez. moins  haut ,  je  vous  en  supplie 

vous  me vous  vous  compromeltcz 

ISIDORli. 
Je  m'y  perds!  Aurait -ou   profité  de  mou  sommeil 
pour  me  ramènera  Saint-Pétersbourg?  ou  si  c'est  qu'on 
ne  peut  plus  parler  de  son  pays  dans  son  pays? 

ne  R  AND. 
l'ardon  ,  mou  ami ,  mais  il  faut  en  parler  avec  la  mo- 
dération qui  convient  h  des  hommes  établis,  à  des 
hommes  mariés. 


jsiDOKi:. 
liens,  \oiis  êtes  marié? 

DURAND. 

Non.  mais  je  jiourrais  rétic.  Vous,  Isidore,  viuisavez 
toujours  ru  la  lètc  trop  prés  du  bonnet;  il  faut  |)rendre 

garde 

jstDoiii;. 

Allmis!  bon,  n'allez-vous  pas  me  faire  passer  à  pré- 
seul pour  uu  révoluliouuaiie,  im  cannibale,  im  bu\eur 
de  sang.  En  1830,  j'ai  tiré  des  coups  de  fusil  contre 
les  ordonnances  :  nous  tiri(uis  ensembh'.  Eu  1832,  j'ai 
blâmé  le  licenciement  des  gardes  nationah  s  :  nous  blâ- 
mions ensemble.  Eu  octobre  1.S/|(),j'ai  protesté  contre 
le  ministère  Guizot  :  nous  protestions  ensemble.  En 
février,  et  je  pense  que  cette  fois  encore  nous  eussions 
élé  ensemble ,  je  me  serais  battu  pour  la  réforme  élec- 
torale cl  le  dioit  de  réunion.  C'est  tout  simple,  ça  ! 

Di'RAM),  tiKiissaiil  les  cpaulvs. 
Mon  Dieu  oui!  en  février,  je  ne  dis  |)as.  Mais,  vous 
autres  jeunes  gens,  quand  on  vous  en  laisse  prendre 
long  comme  le  doigt  vous  voulez  eu  avoir  long  comme 
le  bras;  c'est  toujours  vous  C[ui  compromettez  la  situa- 
tion :  ainsi ,  depuis  la  proclamation  de  la  République  , 
nous  avons  eu  le  13  mai  et  le  26  juin. 


Si  je  dois  en  croire  deux  vieux  numéros  des  Débats 
que  j'ai  trouvés  dans  ime  table  d'hôte  à  Valeuriennes,  je 


IiA  VIE    PUBLIQUE   ET    PHIVEE   DE   MOSSIEU   REAC. 

CilAi-.  \.   -  Dècei.lious. 


Ceci  pour  expliquer  comme  quoi  mossieu  et  madame  Eéac  inée  iristo  de  Taupinois)  eurent  beaucoup  d'enfants,  qui,  par  suite  àa  regard 
iiu'a  eu  madame  Eéac.  viennent  tousjau  monde  avec  des  bonnets  rouges.— Vous  verrez  qu'on  pourra  faire  quelque  cliose  de  ces  petits-14  !!. . 


I  rouges. — Vous  verrez  qu'on  pourra  f 

lE   PCBLIQUE    ET  PRU  ÉE   DE  MO^IEU   RÉ.KC. 


REVUE  COMIQUE 


blâme  le  mouvement  du  15  mai  et  rinsurrcction  du 
•2!>  juin.  Mais,  hier,  j'ai  rencontré  dans  le  wagon  un 
monsieur  fort  bien ,  qui  m'a  mis  au  courant  des  der- 
nières affaires  politiques?...  Et  il  me  semble  ([ue  cette 
manifestation  toute  pacifique 


Un  monsieur  fort  bien ,  ah  !  ah  !  ah  !  Un  monsieur 
fort  bien ,  il  avait  une  grande  barbe  ronge  et  les  ongles 
crochus ,  n'est-ce  pas?  —  Celait  un. farouche  Monia- 
guard  qui  fuyait  le  glaive  jusfc  mais  sévt're  des  con- 
seils de  guerre. 

ISIDORE. 

Durand,  vous  êtes  fou,  mon  ami,  avec  votre  glaive  ; 
ce  monsieur  ne  fuyait  pas,  puisqu'il  était  dans  le  même 
wagon  qui  me  ramenait  à  Paris.  Et  quant  à  cette  ma- 
nifestation toute  pacifique 

DURAND. 

Voilà  bien  les  gens  qui  arrivent  de  loin  et  qui  n'ont 
rien  vu ,  ils  abîment  l'histoire.  Si  vous  aviez  lu  les 
journaux,  vous  ne  tiendriez  pas  cet  extravagant  lan- 
gage. La  manifestation  se  composait  exclusivement  de 
forçats,  de  faux  gardes  nationaux  et  d'anciens  gardiens 
de  Paris  destitués  et  armés  jusqu'aux  dents,  c'était 
effroyable  ! 

ISIDORE. 

Mais ,  cependant ,  il  y  a  eu  fort  peu  de  coujk  .  .   . 

DURAND,  interrompant. 
Halle  là!  pas  d'insinuations;  ne  touchez  pas  an  feu  I 
vous  vous  brûleriez.  Diable  !  l'état  de  siège  ne  permet 
pas  qu'on  louche 

ISIDORE. 

Ne  permet  pas  qu'on  louche!...  On  doit  au  moins 
loucher  à  cet  état  de  siège  proposé  par  un  ministre  qui, 
si  j'en  crois  l'un  des  numéros  des  Ddùats  que  je  trou- 
vai à  Valenciennes,  s'éleva  irès-vivcmenl  contre  cette 
rigoureuse  mesure ,  à  une  époque  où  assurément  elle 
était  plus  indispensable  qu'aujourd'hui.  C'est  encore 
une  assez  bonne  farce  de  la  part 

DURAND,  interrompant  plus  fort. 

Halte  là  !  donc ,  ne  touchez  pas  à  la  politique  trans- 
cendaïUc  de  ce  grand  homme  d'État.  S'il  agit  ainsi, 
c'est  qu'il  a  ses  raisons.  11  y  a  sans  doute  là-dessous 
quelque  grave  (pieslion  conslitulionnelle.  Eh  puis  , 
fichtre  :  (ichtre  !   l'éiat  de  siège  ne  permet  |)as  ([u'on 

louche 

ISIDORE,  s'échnufl'anl. 

Ah!  mais  h  la  fin,  avec  vos:  ne  permet  pas  qu'on 
louche...  11  me  semble  que  tous  ces  petits  messieurs 


passent  après  la  Législative-,  et  la  Législative  après  la 

Constilulion. 

DURAND. 

Eh  bien? 

ISIDORE. 

Eh  bien!  li  Constilulion  a  été  interpré.....* 


DURAND,  iiilcrrompaiit  avec  terreur. 

Où  allez-vous,  malheureux!  La  droite  a  prononcé,  la 

Conslitution  n'a  jamais  été vu   l'état  de  siège... 

Diable!  litchrrrrre  !  !  Si  on  vous  laissait  faire,  vous  en 
diriez  de  belles  ! 


Durand ,  je  suis  très-calme.  Seulement  je  constate 
une  triste  chose,  c'est  qu'on  ne  peut  même  plus  causer 
iranquillement  comme  autrefois.  —  Sous  le  tyran,  je 
me  souviens  forl  bien  que  nos  réunions  dans  ce  calé 
étaient  souvent  consacrées  à  de  petites  conférences  po- 
litiques, qui  n'inquiétaient  personne. 


Ali!  oui...  autrefois...  c'est  vrai.  Mais  au  reste  vous 
le  voyez ,  rien  n'est  changé  ici  :  on  se  réunit  toujours. 

[Le  chœur  des  habitués  et  des  personnes  comme 
H  faut ,  qui  a  souvent  froncé  te  sourcil  en  écou- 
tant à  la  dérobée  îe  langage  incendiaire  d'Isi- 
dore, continue  avec  fureur  en  enflant  tes  notes 
et  en  appuyant  sur  le  texte.) 


Mon  bon  ami ,  si  je  n'avais  pas  vécu  si  longtemps 
avec  vous,  et  si  je  ne  vous  avais  pas  toujours  connu 

abonné  au  journal  la  Réforme,  je  vous  croirais 

Mais,  à  propos  de  ta  Jléforme,  elle  doit  être  aujour- 
d'hui la  feuille  officielle  du  gouvernement  7 

UNE  PERSONNE  COJI.ME   IL  FAUT,  Se  levant. 

Il  est  impossible  de  terminer  celle  partie.  Je  me  re- 
tire. Demain  nous  jouerons  la  belle,  si  ce  monsieur  ne 
revient  pas. 

DURAND. 

Quelle  folie!  Vous  voyez,  Isidore,  combien  vous  êtes 
compromellanl? 

ISIDORE,  exaspéré. 

Mais  qu'est-ce  que  j'ai  donc  fait?  ,1'arrivc  de  Russie  , 
je  demande  des  renseigneinenis ,  c'est  bien  iiatiiicl,  et 
je  suis  dans  mon  droit,  ,1e  maintiens  mon  inlerrogalion  : 
je  veux  savoir  ce  ([u'est  devenue  la  lié  forme? 

DUf.AM). 

Eh  bien!  mon  ami,  elle  est  supprimée,  ainsi  que 
tous  les  journaux  (|ui  jetaient  la  perturbation  dans  les 
es|)rits. 


A    L'IISAGK  DKS  (iKNS  SKIUKUX. 


ISIDORE. 
Ah  !  bast  !  lili  bien  !  cl  la  liljcrlé  de  la  presse? 

liNF.  SKCONDi:    PKRSONNi:    COMMK   IL   KACT,  SC  levant. 

Garçon ,  vous  me  mciiro/.  ma  hoiileille  de  bière  de 
côté.  Si  ce  iiinnsieur  avait  des  favoris,  ma  parole  d'Iioii- 
lU'iir,  je  croirais  «piu  (V'sl  Icdrii-lloilin.  Abl  l'élal  de 
siège  devrait  bien  faire  justice  de  tous  ces  gens-là. 

lUJUAND. 

La  liberté  de  la  presse  existe  toujours,  mais  seule- 
ment pour  le  Cotistitutioniiel,  les  Débals,  V As- 
similée nationale  et  la  Patrie.  Au  resle  cela  sulTit 
h  tout  le  monde ,  ou  fait  des  tirages  si  considérables  ! 

ISlDORi;,  s'essui/ant  le  front. 
Je  crois  que  mon  voyage  m'a  rendu  stiipide.  lîcou 
lez,  r)urand.  l"aUes-moi  l'amitié  de  venir  chez  un  bon 
patriote,  un  ancien  ami  commun.  Tous  trois,  nous  cau- 
serons tranquillement  sans  nous  fâcher  ;  vous  mettrez 
bien  les  points  sur  les  choses,  et  je  comprendrai  peut- 
être  l'état  dans  lequel  nous  vivons. 

DURAND,  faisant  les  bras  d'un  homme  qui  a  ren- 
contré une  très-méchante  bête. 
Isidore  ,  c'est  ma  perte  que  vous  avez  jurée;  votre 
conversation  me  fait  frémir,  et  je  sens  ma  chevelure 
toute  droite  sous  mou  cli:ipeau.  Malheureux!  vous  me 
proposez  de  nous  réunir  à  trois,  et  pour  causer  poli- 
tique encore!  !!  Le  droit  de  réunion la  liberté  de 

la  presse Sachez  donc  bien  que  l'état  de  siège  ne 

permet  pas  qu'on  louche...,.  C'est-à-dire,  si l'état 

de  siège  permet  qu'on  louche....  On  a  touche Bon 

Uieu  ,  Seigneur  I  Je  ne  sais  plus  du  tout  ce  que  je  dis.. , 

Tenez,  laissez-moi  partir,   partir  seul J'ai  besoin 

d'elle  seul  ;  je  ne  vais  pas  du  même  côté  que  vous. 

ISIDORE. 

Pauvre  Durand  1   vous  êtes  bien chose.  Est-ce 

que  par  hasard  vous  seriez  devenu  fou  ou  lâche? 


DURAND,  mettant  une  main  sur  son  cœur. 

Monsieur,  je  ne  permets  pas  ([u'on  touche  à  mon 
courage,  à  mon  honneur,  à  mon  dévoueini'Ut  à  mon 
pays.  J'ai  \ieilli  sous  l'uniforme,  il  y  a  dix-huit  ans  (jue 
jesersdanslafjarde  natiouale,et  je  ne souiïi  irai  jamais... 

{Il  est  neuf  heures  moins  vn  quart  ;  depuis 
dix  minutes  environ  tous  les  haùitués  et  toutes 
tes  personnes  comme  il  faut  sont  parties  en  fai- 
sant des  fieslcs  d'épouvante.) 

ISIDORE,  tristement. 

Pardon ,  Durand ,  pardon ,  mon  ami  ;  je  n'ai  pas 
voulu  vous  faire  de  peine.  Suis-je  Russe  ou  l'Yançais,  je 
ne  le  sais  guère  ;  je  n'ai  plus  la  tète  à  moi ,  et  je  ne 
vois  pas  bien  au  juste  lequel  de  nous  deux  est  fou.  Il  y 
a  si  longtemps  ipie  je  ne  vis  plus  dans  mon  pays  que  j'ai 
peut-être  perdu  tout  sentiment  national,  et  je  dois  dire 
des  bêtises.  Tranquillisez-vous,  Durand,  vu  l'étal  de 
siège,  je  ne  vous  demanderai  plus  rien.  Je  vais  rentrer 
chez  moi  ;  là  je  consulterai  nu  vieux  dictionnaire  à 
l'endroit  de  RÉPUBLIQUE,  et ,  selon  le  sens  du  mot , 
que  je  crois  cependant  bien  connaître,  je  saurai  si 
demain  je  dois  crier  :  Vive  la  République  ! 

DURAND,  qui  s'est  bcaucoup  radovci. 
Un   conseil,    Isidore  :  qu'importe  la   définition  du 
dictionnaire,    que    je   connais   aussi  bien   que   vous. 
Croyez-moi,  ni  demain,  ni  après ,  ne  criez  pas  Vive  la 
République  ! 

ISIDORE. 

Mais  cependant  sous  la  monarchie ,  quand  on  criait 
Vive  le  roi!  ou  obtenait  au  moins  le  sourire  d'un  ser- 
gent de  ville? 

DURAND. 

Oui!  mais  c'est  qu'alors  on  n'était  pas  sous  l'état  de 
siège. 

A.  F.  —y. 


«  Ouf,  s'écria  ta  Revue  en  s'essuyant  le  front,  voilà 
donc  ce  damné  numéro  fini ,  courons  vite  chez  l'im- 
primeur !  " 

Et  comme  mossieu  Réac  prenait  son  chnpeau  et  se 
disposait  à  l'accompagner  : 

u  Je  me  charge  du  resle  ,  lui  dit-elle,  et  je  n'ai  plus 
besoin  que  de  votre  signature,  —  une  formalité!...  » 

Mossieu  Réac  signa ,  et  comme  il  tendait  à  la  Re- 
vue la  plume  avec  un  sourire  tout  amical  : 

"  Bien  obligé,  mon  cher  monsieur  Réac,  lui  dit-elle 
avec  un  sourire  —  qu'on  eût  pu  trouver  peut-être  équi- 
voque, —  nous  nous  reverrons  au  premier  numéro  !...  » 


Que  vous  dirai  je?  En  un  clin  d'œil  la  Revue  cul 
trouvé  sou  imprimeur  et  le  numéro  fut  tire. 

Elle  jugea  alors  le  moment  venu  de  prendre  un  re- 
pos qu'elle  avait  si  bien  gagné,  el  ,  pour  ôter  à  l'état  de 
siège  tout  prétexte  de  venir  troubler  .'■ou  sommeil,  elle 
n'eut  garde  d'oublier  au  bas  de  celte  feuille  en  for- 
malité dernière  : 

Bon  à  tirer, 
RÉAC. 

Pour  cop'e  ccit/'intie ^ 
NADARD. 


REVUE  COMIQUE. 


T)»-*siné  par  N^D^Rt) 


(.1'  baron  de  la  Germanie 
Kr>t  llallé  [lar  des  polerilals. 
Il  rommandile  les  Kials; 
L'argent  lui  lient  lieu  de  géiue. 
En  lui  vous  voyez  à  la  fois 
I.e  roi  de?  juifs,  le  juif  des  rois. 


\é  par  BiLI  ^'^T 


30  centimes 


DUMINBHAV     ÉDITEUR  ,    HUE   RICHELIEU  ,   3  J. 


':0\Î>ITIO\S  DE  LA  SÛLSCRIPTIOX.  —  La  R£\UE  cûMlyCE  (ormera  deux  volumes  2raDd  în-b-,  publiés  en  rjMivraisons  a  ;iO  ct^nlimes  :  par  la  poste» 
centimes.  Le  premier  volume»  composé  des  25  premières  livraisons,  a  été  achevé  le  28  avril  1&49.  Il  renferme  enviroa  500  caric.itures  politiques.  — Prix  de 
volume  :  7  Tr.  50  c;  par  la  poste,  10  fr.  Le  second  volume  parait  en  livraisons.  On  souscrit ,  pour  ce  volume  .  en  payant  7  fr.  50  c.  pour  Paria  .  et  10  Ce.  poiu 

'Ipoflrt  ornent» 


AUX  SOUSCHIPTEURS  DE  lA  REVUE  COMIQUE. 

Le  premiiT  fouillot  de  chaque  livraison,  reproduisant  unifoimémeiU  le  dessin  de  la  couvcilnre,  doit 
Olre  enlevé  à  la  brochure.  —  Alin  de  varier  le  verso  de  ce  |)rcmier  feuillet ,  sans  inutefois  y  insérer  rien 
d'important ,  dont  la  suppression  aurait  (pielque  inconvénieni ,  ce  verso,  ii  l'avenir,  seja  occupe  par  la  cor- 
respondance de  la  Uevue,  par  des  annonces  drolatiques,  ou  quelque  autre  sujet  accessoire  eu  dehors  de 
notre  cadre:  de  telle  sorte  que  lorsque  les  souscripteurs  réuniront  en  voiiunes  la  colleclion  des  livraisons, 
ce  feuillet,  enlevé,  ne  supprimera  aucune  jiartie  intégrante  de  l'ouvrage.  I,e  dernier  feuillet  de  la  couver- 
ture, formant  la  dernière  et  l'avant- dernière  page  de  chaque  livraison,  dc\ra  être  r. lié  avec  l'ouvrage 
complot ,  dont  il  ne  peut  être  détaché. 


AVIS    AUX    JOURNAUX    DE    PARIS    ET    DES    DEPARTEMENTS. 

Nous  autorisons  la  leproducliim  des  aitirles  coiUoiuis  dajis  la  Ikruf  runii.jw  ,  à  la  roniiitu.n  : 
\  »  De  riler  la  fici-uc  en  lui  eraprunlani  ses  articles  ; 
I  '1°  Do  limiter,  pai-  chaque  semaine,  la  reproduetion  au  tiers  des  matiùres  contenues  dans  chaque  numéro. 


CORRESPONDANCE. 


A  M.  .I.-A.  Z...,  à  Draquignan.  —  Il  faut  un  pou  de 
patience;  toutes  ces  améiloratioiis  arriveront  successi- 
vement. 

.\  M.  l'nTiB...  à  (\ilior<.  —La  rarotlc  n  raison, 
et  le  navet  ;i  Icrt. 

A  M.  .1.  li.,  «'  Aix.  —  Nous  vous  répondrions  volon- 
tiers, mais  nous  avons  sulii  une  cruelle  épreuve 

avant  la  lettre. 

A  M...,  avenue  de  Sair>l-Cloud.  —  Ce  chemin  serait 
bien  moins  direct. 

A  M.  .l.-B.  Q-,  à  Anvers,  rw  du^abol.  —  Bali! 

A  madame  L.-B.  de  T....  —  Nous  nous  sommes  em- 
pnssés  denreç;istrer  les  trois  souscriptions  que  vous 
nous  ave/,  transmises.  L'intérêt  que  vous  voulez  bien 
prendre  à  notre  publication  est  un  encourat;enient  qui 
nous  est  bien  précieux  au  milieu  ries  riiilicullés  du 
moment. 

A  M.  A.  F. ,  '■//(■  rfc  l'Oratoire.  —  Votre  chanson  de 
Vlilatde  .S'/(;;/('estinarimi!-sible.  Attaquer  en  re  moment 
les  boursiers,  les^énéralC  ..,  les  ministres,  et  même  .., 
ce  serait  prendre  la  uirande  route  des  pontons. 


A  M.  A.  D..  rédacteur  du  Bien  du  Peuple,  à  Nevers. 
—  Merci  des  encouragements  bienveillants  que  vous 
nous  avez  souvent  adressés.  Nous  recevons  régulière- 
ment voire  journal,  et  nous  lisons  avec  une  vive  satis- 
faction vos  articles  pleins  d'énergie,  de  verve  et  de  bon 
sens.  Si  toutes  les  feuilles  départementales  étaient  ré- 
digées dans  le  même  esprit ,  le  suffrage  universel  ne 
nous  amènerait  plus  desBaze,  des  Vezin  et  des  Benoît, 
marquis  d'Azy. 

A  M.  A.  G.  —  Noos  avons  reçu  la  fin  de  votre  ar- 
ticle ,  que  nous  persistons  à  ne  pas  insérer.  Votre  Etoile 
filante  est  une  allusion  trop  directe;  vos  vers  sur  la 
Réaction  ne  peuvent  non  plus  paraître  sans  danger. 
Vous  avez  déployé  trop  de  verve  en  attaquant  ce 
monstre  qui  a 

Les  cosaques  pour  fils,  pour  nom  Réaction. 

Au  LYCÉEN  DE  4  11  ANS.  —  Courage,  jeune  liomme!  !  ! 
Perge,  puer!  aie  itur  ad  astra. 

A  M.  Molli ,  à  Stra'iljounj.  —  Vous  nuus  élonnezl  11  ! 

A  M.  Matiuec  ti.,  n  la  l'ointe-, il'ilre  'Guadeloupe;. 
—  Nous  attendons  avec  impatience  vos  dessins.  Vous 
concevez  qu'il  ne  faut  pas  leur  doimer  un  caractère 
.  trop  actuel. 


■r„llel«-.  EnlrepùlGémTal,  rue  J.-J.  Housscau ,  3.  »lnolKi-e  .le  ToIIt-ae. 

PARFDMFMDE  LA  SOŒTÉ  HYGIÉ»'E. 


POMMADK 

Cfllp  pn-paratiiMi,  on 
liipuii'  el  r.,ii(l»iili'  ,  rpii 
len    rh»eii>    linlln»l> 
><,uplr>.  Ini  fiiil  «p«i» 
.•ll.'ii'ilipL'rlii'drIoiiil.. 

I  ir...-.n.,.  en  n,\.:..\. 

f 'old-Crcani . 


Atlù.n  •louci.  fl  iniio- 
cnle,  qui  lorUli,'  le.  i|pi.- 


,l,.|,li  ilarii  r.'l»!  A» 
I,.  plu.  p.rf.il. 


Flacon 


Boaoroup  ,|P  p„,„nnn.  i,„„«„.  qu.  l,-.  ,idf.  prru tk..  .  I.,  ,u,l....  .!.•  U  p.....  .  la  .l,,,!,-  .le.  rt.....< ur  hl.,u.|„.ar  pr.r,,,.     I.,  en.-  H  lu  p-l.  .1. 

d-nl. .  H., .  pr,.,  i 0.  d..  d,v.,.,..  prrp.-,r;,.i»,..  Jun.  ,11 ..■...■■.1  po..,  leu,  loilHIe.  1,.  SocpTK  ,»....  v...  l  «  .1.  rr.e»  d,n.  !.■  1"..  d.  „,  l,.re,  .,„  p„l 

.|u«  dft  pf,.p«r»lic.i..  ..jani  d.-.  .lual.l,-.  i.  plli'. .  blrn  ron.lahc.  i-l  .■.i-roplr.  de  loul  inrouv.rn.i.l  .1  df  loul  .lanu.T. 


l'ari».  —  Typ'.eraplilc  Plnn  Wri><    nie  de  Vaneirani ,  30. 


^^-^ 


LES   TROIS    r.KVES    DK   MOSSIEl     KEAC. 


Depuis  qu'il  a  assumé  sur  sa  tète  la  responsabiliié  dp 
la  rédaction  en  chef  de  la  Jierue  f'omh/ue,  mossieu 
Réac  a  perdu  cette  douce  paix  de  l'esprit  si  chère  au 
sage. 

Mossieu  Réac  n'est  pas  un  ignare,  il  a  fait  toutes  ses 
classes.  Malgré  les  embarras  sans  nombre  qu'ij  a  ren- 
contrés à  chaque  pas  dans  sa  carrière  industrielle,  il  a 
conservé  une  petite  teinture  littéraire  qui  ferait  certes 
honneur  à  quelques  députés  de  la  droite  et  à  tous  les 
coulissiers  du  passage  de  l'Opéra.  C'est  un  homme  qui 
sait  beaucoup.  Il  admire  J.-B.  Rousseau,  La  Harpe  et 
Dclille,  trouve  le  style  de  Bossuet  irès-élevé,  et  dit  par- 
tout que  Voltaire  était  un  écrivain  fécond  et  spirituel. 
11  sait  de  plus  qu'Achille  est  fils  d'Anchise,  Ulysse  di- 
\in  fils  de  Laërte,  et  que  l'Amour,  fils  de  Vénus,  fut 
toujours  un  petit  dieu  malin. 

Mossieu  Réar  au  besoin  rimerait  dans  une  noce  le 
couplet  ù  la  mariée  et  tournerait  fort  joliment  un  acro- 
stiche, mais  il  n'est  pas  encore  bien  roiupu  au  rude 
métier  de  journaliste.  Jusqu'au  18  juin  dernier  il 
n'avait  pas  mis  la  main  à  la  |iàle  et  n'avait  participé  à 
la  confection  de  journauv  et  revues  que  par  l'intention 
et  des  mandats  sur  la  poste.  Sa  plume  élnil  presque 
vierge. 

Mais  dans  les  circonstances  graves  oii  nous  nous  tron- 
vons,  l'homme  privé,  l'homme  du  monde  de  la  Chaus- 
sce-d'Antin,  doit  faire  place  à  l'écrivain-patriote.  Mossieu 


Réac  se  résignera  donc  à  .sacrifier  sa  tianquillité  paiii- 
culière  à  la  tranquillité  générale. 

Il  restera  rédacteur  en  chef  de  la  Bévue  Comique 
en  vertu  de  In  loi  suprême  de  l'état  de  siège  et  du  salut 
public. 

Mais  dans  quelle  voie  conduira-t-il  ce  recueil  jusqu'à 
ce  jour  si  dangereux  à  la  société,  et  si  subversif  de 
toutes  les  lois  disines  et  humaines?  C'est  là  une  grave 
question  qui  fait  l'objet  des  méditations  de  mossieu 
Réac. 

Rédigera-t-il  la  Beiue  Comique  avec  des  citations 
de  Montesquieu  ,  de  G  rotins ,  de  PulTendorf  et  de  Tar- 
tempion  '.' 

En  fera-t-il  un  journal  d'initiative  et  d'alinéas,  four- 
nissant à  ses  abonnés  au  moins  une  idée  par  jour? 

.Mettra-t-il  la  Revue  Comique  à  la  disposition  du 
parti  de  l'antithèse,  et  prendrat-il  ses  collaborateurs 
dans  la  bande  des  penseurs? 

Ou  bien  encore  lui  dounera-t-il  cette  allure  badine  , 
spirituelle,  enjouée,  imprissible,  bon  genre,  et  pas  mau- 
vaise langue  du  tout  de  la  feuille  autrefois  Répu!)lit:iine. 
puis  Conservatrice,  puis  nonaparti>le,  puis  Légitimiste, 
qui  s'élucubre  nu  passage  .loulTroy? 

Les  tragiques  ont  fait  des  tentatives  auprès  de  mosMcu 
Réac ,  mais  il  veut  rester  fidèle  à  la  fantaisfe  et  à  la  rime 
riche  ,  ces  deux  faces  du  binôme  social. 


REVUE  COMIQUE 


La  France  altend  avec  impatience  la  décision  de 
nidssieu  H6ac.  On  comprend  la  haute  iHflnrncc  que  la 
Revue  Camique ,  placc^e  sous  rusccndanl  d  un  tel 
homme,  e.vt  distincc  à  exercer  sur  les  prochaines  élec- 
tions. 

Sous  le  poids  de  ces  graves  iiréoccupalions,  niossieu 
Réacs'tsl  beaucoup  abîmé  le  froiu  toute  la  semaine,  et 
il  a  vingt-qiialie  fois  pris  la  plume  et  dessine  en  tile 
d'un  fouillet  blanc  une  majuscule  digne  de  M.  Prud- 
homme,  élève  de  Brardet  Saint-Onier. 

Il  était  mercredi  à  tous  les  calendriers,  et  matin  à 
toutes  les  pindules.  Mossien  Réac  se  réveilla  dans  un 
état  de  surexcilaiion  impossible  à  décrire.  Il  se  jeta  au 
bas  du  lit  et  courut  à  sa  table  de  travail.  Vingt-quatre 
feuil!els  du  plus  beau  papier  portaient  en  marge  les 
vingt-quatre  lettres  majuscules  de  l'alphabet.  On  lésait, 
mossieu  Réac  n'est  pas  un  ignare ,  il  a  une  main  su- 
perbe, mai^il  ne  se  dissimula  pas  qu'en  utilisant  toutes 
ces  feuilles  éparses  il  ne  compléterait  jamais  le  second 
numéro  de  son  journal. 

Le  nouveau  rédacteur  en  chef  s'habilla  à  la  hâte , 
prit  ses  papiers,  ses  lettres  et  ses  journaux,  et  se  trans- 
porta dans  les  bureaux  de  la  Revtw. 

Quand  il  passa  ie  seuil  de  son  cabinet ,  il  retrouva  les 
traces  du  boulevari  de  la  semaine  dernière;  un  grand 
désordre  régnait  encore  parmi  la  table  et  les  deux  chai- 
ses. Il  trouva  aussi  un  petit  jeune  homme  coifTé  d'un 
bonnet  tirant  sur  le  rouge  et  vêtu  d'une  bouse  blanche 
qui,  familièrement  assis  sur  le  poêle,  cassait  à  belles 
dents  un  énorme  croûton  de  pain. 

—  Qui  êtes-vous  et  que  faites-vous  là ,  jeune  indis- 
cret? demanda  mossieu  Réac  avec  quelque  inquiétude. 

—  Paibleu  je  suis  un  petit  de  l'iniprimeiie.  Je  tra- 
vaille à  la  casse  des  tètes  de  clous.  C'est  moi  qui  com- 
pose les  canards  de  la  propagande  anti-sucialisie.  .Sans 
compter  que  j'ai  pousse  dans  ces  publications  des  petites 
coquilles  assez  inlelligentcs.  —  Je  viens  de  la  part  de 
M.  Antoine  chercher  la  copie  du  numéro. 

—  Ah!  la  copie murmura  mossieu  Réac  en  se 


mettant  le  front  en  compote;  oui!  oui!  La  copie 

elle  avance Mais  la  Ri  vue  où  donc  est-elle? 

—  La  Revue  comptait  sûrement  sans  son  hôte,  et 
elle  est  allée  déjeuner  à  ^A^sociation  fraternelle  des 
Cuisiniirs. 

—  Joli  endroit!....  Enfin!....  Eh!  moi  qui  ai  ^iiigl- 
qualre  colonnes  d'enseignement  moral  et  de  saine  lec- 
ture à  livrer  à  l'impression  pour  ce  soir,  après  une 
quinzaine  comme  celle  ci  et  une  nuit  comme  la  der- 
nière. Ah!  vous  autres  jeunes  gens,  vous  êtes  bien 
heureux!  vous  dormez  sur  les  deux  oreilles,  tandis  que 


—  Oh!  nous  ne  dormons  pas  toujours.  Hier,  après 
la  journée  faite,  nous  sommes  allés  nous  promener  dans 
les  bois  où  nous  avons  passé  la  nuit  à  chanter  en  chœur 
d(s  chants  patriotiques. 

—  Ils  se  promènent  !..,.  Us  chantent  !....  Quelles 
mœurs!  Tandis  que  moi  je  dors!  mais  de  quel  .som- 
meil, grands  dieux!  et  quels  rêves!  broumni  !  La  nuit 
dernière.  Tiens,  petit,  tu  es  irapiimeur,  sais-tu  lire? 

—  Celte  bête  de  question  ! 

—  Eh  bien  !  je  veux  te  conter  mes  trois  rêves  de  cette 
nuit.  Ce  sera,  je  crois,  une  bonne  œuvre  :  ça  te  mettra 
du  plomb  dans  la  tête. 

—  Ouh!  ouh  !  j'aimerais  mieux  composer  un  nu- 
méro du  journal  le  Peuple. 

—  Je  t'assure  ,  petit ,  que  si  j'écrivais  aussi  bien  que 
je  rêve ,  ce  serait  écrit  en  très  joli  français. 

—  Oui,  dans  la  manière  du  francais-Clairville.  Connu. 

—  Oh!  fit  mossieu  Réac  avec  modestie,  si  c'était 
mon  état  de  faire  des  livres,  mes  œuvres  seraient  peut- 
être  aussi  bien  pensées  que  celles  de  M.  Clairville,  mais 
à  coup  sûr  elles  ne  seraient  point  stylées  aussi  pu- 
rement. 

Mossieu  Réac  s'arrangea  de  son  mieux  sur  une  des 
deux  chaises,  il  se  moucha  absolument  comme  se  fût 
mouché  i\L  Casimir  Bonjour —  notre  dernier  conteur  : 
genre  impérial,  —  et  il  commença  le  débit  du  songe 
N°  1. 


Sache  donc  bien,  petit,  que  j'ai  l'habitude  d'aller 
tous  les  soirs  faire  ma  partie  de  dominos  au  divan  Le- 
pelctier.  Hier,  je  fus  comme  à  mon  ordinaire  au  café. 
Mais  mes  nouvelles  fonc  ions  de  rédacieur  en  chef 
m'obligeaiit  1  la  lecturedisfeuillespubliques,  je  sacrifiai 
mon  délassement  favori  à  une  chose  presque  aussi  sé- 
rieuse —  la  question  de  politi(|ue  étrangère.  Ce  qui , 
rentré  cluz  moi,  m'occasionna  une  insomnie  fort  pé- 
nible. 

Depuis  trois  heures  au  moins  j'avais  planté  l'éteignoir 

I    sur  ma  bougie  et  je  voyais  encore  d>'liler  une  procession 

incessante  de  Kossuth,  de  Nicolas,  de  papes,  de  (.hainil, 

d'Henri  V,  de  Ferdinand  Bomba,  d'Oudinot,  de  Joseph, 


de  Victoria  et  de  Christine;  j'assistais  !i  un  mèli-niêla 
féroce  de  gardes  nationaux,  de  Tyroliens,  de  guérillas,  de 
landvver,  de  Cosaques,  de  Caucasiens,  d'insurgés  et  de 
hussards  hongrois;  j'entendais  confusément  un  remue- 
ménage  sinistre,  un  cliquetis  étrange,  et  je  ne  pouvais 
me  rendre  compte  si  le  bruit  [)rovenait  d'un  condil 
européen  ou  si  ce  n'était  tout  bonnement  que  la  Saint- 
Barihéleniy  organisée  par  le  brave  capitaine  Vieyrat  et 
une  compagnie  des  amis  de  l'ordre  contre  les  presses 
de  MM.  l'roux  et  Boulé.  Je  triomphai  enfin  de  celle 
anxieuse  somnolence  et  je  m'assoupis  du  sommeil  d'un 
bon  citoyen  qui  dans  la  journée  du  1,1  juin  n'a  pas  i  rié 
Vive  la  Constitulion  ! 


A    LISAGK   ])KS  GKiXS  SKRIEU.X. 


Je  n'eus  pas  plutôt  les  yeux  fermés,  qu'une  force  1  hongrois,  chamarré  d'or  sur  toutes  les  coutures.  L'ha- 

iiivinciblo  nir  remit  Mir  pird,  JN'i.ùs  ciic^r.in.l  ruMiiiiic  |  hiindr  me  pim^y.t  de  rcrluf  sur  le  divan.  Il  fallait  dor- 


mir coinnic  uin;  toupie  d'AllL'tiiaijiit'  pour  somnnnibu- 
liscr  à  pareille  heure  vers  un  café,  et  l'on  ne  saura 
jamais  par  quel  trou  la  puissance  magnétique  me  fit 
pénétrer  dans  la  salle. 

Ce  dont  je  me  souviens,  c'est  que,  malgré  les  issups 
hcriiiéliquement  closes  par  d'épais  volets,  je  me  trouvai 
tout  d'un  coup  installé  à  une  table  de  marbre,  en  face 
d'un  monsieur  barbu  qui  ressemblait  à  un  ermite  dé- 
croché d'un  cadre  de  Goya.  Il  fumait  gravement  dans 
une  énorme  pipe  en  bois  sculpté,  dont  le  fourneau  re- 
présentait à  s'y  méprendre  la  tête  de  M.  Dupin.  A  la 
pâle  clarté  d'une  chandelle,  Biiptiste  rangeait  les  chai- 
ses, et  ne  prenait  pas  plus  garde  à  nous  que  si  nous 
n'avions  jamais  existé. 

<■  Qu'est-ce  que  c'est  que  ça  ,  Baptiste?  interrompit 
brusquement  l'apprenti  compositeur. 

—  Ce  petit  est  trop  bête,  pensa  Jl.  Réac,  il  ne  sait 
seulement  pas  ce  que  c'est  que  Baptiste  :  Baptiste  est  le 
garçon  du  divan.  »  Et  il  reprit  : 

Que  les  rêves  sont  donc  une  sotte  chose  !  Je  me  pris 
à  envisager  la  guerre  de  Hongrie  à  un  point  de  vue 
absolument  faux.  Je  considérais  cette  lutte  énergique 
et  désespérée  comme  un  sublime  elïort  commandé  par 
mi  profond  sentiment  d'amour  national.  Dans  cette  ri- 
dicule hallucination,  je  ne  sais  plus  au  juste  si  je  n'ex- 


cusai p:is  Us  Iloinains  de  défendre  leur  territoire  et  la 
liberté  (|u'ils  croient  avoir  chez  eux  de  se  donner  la 
forme  de  gouvernement  qui  leur  convient. 

Enfoncé  dans  les  coussins,  je  regardais  mon  vis-h-vis, 
qui  ne  paraissait  pas  en  veine  de  lier  conversation,  ab- 
sorbé qu'il  était  à  faire  fumer  la  tête  de  l'honorable 
président.  Je  jouais  a\ec  la  dragonne  do  mon  sabre,  je 
prenais  des  ailu;  es  crânes  que  le  général  Bem  doit  avoir 
en  face  des  Autrichiens,  et  je  criais  à  tue-tête  ce  refrain 
imité  d'une  chanson  touchant  les  Polonais  : 

Les  Hongrois  seront  toujours  de  la  Hongrie, 
La  Hongrie  sera  toujours  la  pairie  des  Hongrois; 
Car  si  les  Hongrois  n'étaient  pas  de  la  Hongrie, 
La  Hongrie  ne  serait  pas  la  pairie  des  Hongrois. 

Je  ne  sais  pas  pourquoi  ce  refrain  me  séduisait  beau- 
coup; j'aurais  voulu  pou\oir  le  chanter  au  beau  milieu 
d'une  séance  de  l'Asseiublée  législative.  Mais  le  mon- 
sicur-ermiie  me  souffla  au  nez  une  énoruie  bouffée  de 
tabac  qui  bouleversa  com;iléiement  le  sens  de  mes  idées 
et  replaça  la  question  à  son  véritable  point  de  vue.  Je 
ne  désirais  plus  alors  qu'une  chose  :  voler  sous  les  murs 
de  Rome ,  et ,  du  tranchant  de  mon  sabre ,  élargir  la 
fameuse  brèche  dont  .M.  Oudinnt  cniretionl  le  minis- 
tère depuis  environ  deux  mois. 


HEVUE  COMIQUE 


Oli  !  oui ,  luï'criais-je  avec  énergie  ,  noire  époque 
pourra  devenir  une  grande  époque  parmi  les  grandes 
époques  I  Vive  l'ordre  1  vive  la  discipline!  Si  j'avais  la 
nionlnre  qui  esl  le  coniplénienl  indispensable  de  te 
maudit  costume  de  Hongrois,  je  pousserais  jusqu'aux 
Invalides  réveilKr  les  vieu\  braves  des  braves,  et  je 
leur  dirais  :  Kcndormez-vous  tranquilles;  nous,  ci- 
lovcns  de  l'ordre  et  de  la  dfscipline ,  nous  sauvegardons 
riionneur  de  la  l-'rance,  nous  veillons  sans  cesse  sur  nos 
trois  couleurs  ! 

Le  monsieur  barbu  nie  regarda  en  souriant  d'une 
assez  drôle  de  façon,  et,  m'envojant  une  seconde  bouf- 
fée de  tabac,  il  prit  un  numéro  de  la  Pairie  du  soir, 
oublié  sur  une  table,  le  tailla  en  un  carré  parfait,  le  ploya 
plusieurs  fois  sur  lui-même,  et  en  quelques  secondes 
confectioima  ce  (jue  les  enfants  appellent  une  eocotie. 

Il  me  présenta  ce  joujou  en  m'assurant  ((u'il  rem- 
placerait avec  avantage  la  meilleure  bêle  de  la  cavalerie 
hongroise. 

Je  crus  presque;!  une  mauvaise  plaisanterie.  Cepen- 
dant, pour  satisfaire  cet  homme  d'âge,  qui  jusque-là 
avait  été  convenable  avec  moi ,  j'enfourchai  le  petit  che- 
val en  papier.  Mais  je  R'eus  pas  plulôl  la  cocotte  entre  les 
jambes  que  je  me  sentis  emporté  vers  le  plafond,  et 
dans  ma  brusque  ascension  je  manquai  fracasser  la 
lampe-Carcel  qui  fait  un  des  plus  beaux  ornements  du 
café  fA'pcletit'r. 


Je  me  remis  un  peu  d'une  première  émotion  dés- 
agréable, et,  solidement  ciamponné  à  un  entre-liietdu 
journal  Dcfdmarrc'n'  lançai  ma  mouture  vers  la  porte, 
que  je  traversai  malgré  la  fermeture  des  volets,  et  je 
partis  coinnte  une  lléche  dans  la  direction  des  Invalides. 

Les  arbres  et  les  monuments  publics  passaient  comme 
des  visions  échevelées  dans  un  conte  fantastique.  I.a 
cocotte  allait  mieux  que  le  vent,  mais  la  brnscpierie  do 
ses  mouvemenis  et  ses  soubresauts  étranges  me  répon- 
daient dans  la  poitiine  et  me  meurtrissaient  tout  le  cor|)s. 
Quand  j'arrivai  à  la  porte  de  l'IIôlcl  des  Invalides,  j'étais 
épuisé,  la  sueur  ruisselait  de  mon  front  et  un  engour- 
dissement général  s'éiait  étendu  sur  tous  mes  membres  ; 
je  fermai  involonlairenient  les  yeux.  Je  descendis  et  je 
me  traînai  plutôt  (lue  je  ne  marchai  jusqu'à  la  porte 
cnir'ouverte  d'une  salle  immense  qui  ressemblait  à  un 
dortoir.  La  vue  d'un  lit  fit  sur  moi  un  effet  extraordi- 
naire. Je  ne  pensais  plus  aur  Hongrois,  aux  Prussiens 
ni  aux  Russes;  je  n'aspirais  qu'à  me  débarrasser  de  mes 
cauchemars  et  à  retrouver  un  peu  de  tranquillité  dans 
le  sommeil.  Je  me  déshabillai  à  la  hâte  et  je  me  glissai 
sous  la  couverture. 

J'avais  à  peine  assujetti  le  traversin  sous  ma  tête, 
quand  je  vis  s'élever  vers  moi ,  du  fond  de  la  salle,  un 
groupe  d'abord  confus  et  silencieux.  Peu  à  peu  je  dis- 
tinguai des  formes  humaines,  et  quand  le  cortège  fut 
près  de  mon  lit,  je  reconnus,  aux  longues  moustaches 


A    I.  l  S\(,l.    l)i;S   (iKNS   SI-.lUKl  \. 


grises,  aii\  fniiil>  (Irniidis  ii  ;iii\  niiilDiriiPs  Hélris,  k-s 
infatigables  coinbalUinls  de  la  uramlc  arméi". 

Toutes  ces  grandis  lipiies  cmpieiiites  d'énergie  cl 
de  résolution  lixaienl  sur  moi  des  regards  où  je  ne  li- 
sais ((ue  douleur  cl  rcproclies;  les  bouches  contractées 
murmuraient  les  mots  héroïsme...  pairie...  honneur... 
courage...  liberté...,  et  rien  ((ue  le  liriiil  de  ces  mots 
me  faisait  saigner  les  oreilles. 

Ln  rayon  de  feu  illumina  soudain  tous  ces  paies  xi- 
sages,  et  la  jeunesse  revint  avec  le  souvenir  il  ces  vieilles 
moustaches.  Les  bourbes  contractées  murmuraient  : 
1792...  Knrùlemenls...  MaisciUaisi-... 

Kt  tous  montraient  a\ec  orgueil  la  place  d'un  bras 
ou  d'une  jamiie  oubliés  h  Jemiunppe.  li  .'*laren;jo,  aux 
l'jramides. 

o  Nous  faisions  partie  de  la  cavalerie  ié|»ublicainc 
française,  disaient  les  r.ns;  la  cavalerie  républicaine 
française  n'avait  pas  de  chevaux  alors.  A  Verdun,  nous 
mettions  nos  sabres  à  nos  dents,  ei ,  nous  prenant  par 
la  main,  nous  courions  sur  la  cavalerie  prussienne.  lille 
avait  des  chevaux,  la  cavalerie  prussienne,  et  pourtant, 
après  le  choc,  les  escadrons  ennemis  se  débandaient 
dans  la  canipague;  et  nous,  nous  nous  tenions  encore 
par  la  main  !  > 

D'autres  rouvraient  leurs  blessures ,  mais  de  ces  jilaics 
béantes  il  ne  sortait  rien;  et  les  bouches  contractées 
nmrnuiraient  Champ- Aubert...  .Montereau... 


Tous  s'écriaient  :  a  .Nous  avons  fondu  les  cloches  pour- 
en  faire  des  canons,  et  aujourd'hui  on  fond  les  canons 
pour  en  faire  des  cloches.  La  France  est  couchée  dans 
un  cercueil,  qui  donc  la  réveillera?  ■• 

Kt  les  mots  héroïsme,  patrie,  honneur,  courage,  li- 
berté me  tympanisaient  toujours  plus  fort. 

Je  m'arrachai  violemment  à  ce  cauchemar,  et  je 
m'enfuis  ii  toutes  jambes.  .Je  ne  m'arrêtai  que  sur  la 
place  de  la  (;oncorde,  où  je  tombai  anéanti  sur  le  pavé. 

Mais,  au  bout  de  quelques  minutes,  le  démon  qui 
s'attachait  !i  moi  vint  encore  me  tirer  par  les  pieds.  .Je 
levai  les  yeux  et  je  me  vis  entouré  |>ar  un  régiment 
de  presses  d'imprimerie;  il  y  en  avait  de  toutes  les 
formes  et  de  toutes  les  époques,  et  elles  se  serraient  les 
unes  contre  les  autres,  semblant  s'être  donné  le  mot 
pour  m'enfermer-  dans  un  cercle  infranchissable. 

Cette  fois  la  colère  m'envahit  tout  entier.  Des  presses, 
d'horribles  presses!  et  qui  venaient  me  rire  au  nez  en- 
core! (y était  trop  d'impudence.  L'une  d'elles,  (|uc  je 
reconnus  parfaitemeiil,  et  que  je  fus  même  très-étonné 
de  voir  encore  en  vie,  se  tenait  à  portée  de  ma  main. 
J'ajustai  l'insolente  afin  de  l'immoler  ii  mon  juste  les- 
sentinient  en  la  fracassant  sur  le  pavé;  mais  je  n'eus 
pas  plutôt  avancé  le  bras  pour  la  saisir ,  qu'un  méca- 
nisme infernal  écarta  les  rouages  qui  se  refermèrent 
brrrsquerricnl  avec  un  épouvantable  bruit  de  nràchoires. 

,Ic  reculai  d'épouvante  en  poussant  lur  i  ri  féroce.  Ma 


REVUE  COMIQUE. 


main  était  linchée  à  la  hauteur  du  poignet  et  je  ne  ra- 
menai à  moi  qu'un  tronçon  sanglant  et  meurtri.  Toutes 
les  presses  se  prirent  à  grincer  des  ressorts  et  s'éva- 
nouirent. 

Alors  une  tioupe  de  gens  coiffés  de  bonnets  de  papier 
succéda  aux  fantastiques  instruments. 
•  Ils  passaient  sans  mot  dire,  seulement  chacun  d'eux 
s'ariétait  un  instant  prés  de  moi  et  me  présentait  son 
honnel  de  papier  fait  d'un  numéro  du  Moniteur.  Il 
me  forçait  à  lire  un  alinéa  au  bas  duquel  figurait  un 
nom  célèbre  dans  les  fastes  parlementaires  et  dans  les 
assemblées  législatives. 

Ces  lignes,  dont  la  source  remontait  à  des  événements 
l)lus  sérieux  que  ceux  au  milieu  desquels  nous  vivons 
aujourd'hui ,  flamboyaient  en  lettres  d'un  feu  si  vivace 
qu'on  aurait  pu  croire  qu'elles  avaient  été  dites  et  im- 
primées le  matin  même. 

Voici  ces  extraits,  qui  se  sont  à  jamais  gravés  dans 
ma  mémoire  : 

«  Il  y  a  un  symptôme  qui  n'ii  jamais  failli  dans  ce  pays. 
Toutes  les  fois  que  nus  gouvernements  ont  été  en  progrès, 
qu'ils  ont  été  associés  à  tous  les  élans  généreux  vers  la 
liberté,  la  civilisation,  savez-vous  à  quoi  nous  l'avons 
reconnu?  A  deux  circonstances  qui  n'ont  jamais  trompé  : 
à  l'extension  des  attributions  du  jury ,  an  respect  pour  le 
droit  de  discussion  et  d'examen.  Toutes  les  fois,  au  con- 
traire, que  le  gouvernement  a  été  en  voie  de  réaction  et 
de  contre-révoluiion,  c'est  le  jury,  c'est  la  presse  qui  en 
ont  subi  le  contre-coup. 

I)  Vous  êtes  en  voie  de  réaction,  messieurs,  car  vous 
avez  porté  la  main  sur  le  jury ,  sur  la  presse.  >< 

Odilon  B.iRROT.  (A/onîfeur,  28  août  1835.) 

i<  Il  n'y  a  qusdeux  espèces  de  gouvernements  possibles 
en  ce  monde  ;  les  uns  ,  qui ,  s'appuyant  sur  la  force  maté- 
rielle, commandent  l'obéi^sanee  p-issive  et  ne  permettent 
pas  le  droit  d'examen.  Ceux-là  sont  conséquents;  ils  recon- 
naissent que  toute  discussion  de  la  base  sur  laquelle  ils 
reposent  doit  être  dél'enlu  •;  que  la  lioerté  de  la  presse, 
en  un  mot,  est  incompatible  avec  leur  existence,  et  ils 
l'attaquent  par  tuus  les  moyens,  par  toutes  les  armes  pos- 
sibles  

»  Mais  vous,  avez-vous  ces  moyens  d'étouffer  la  liberté 
de  lu  presse?  Non,  vous  ne  les  avez  pas,  et  vous  les  au- 
riez que  vous  ne  voudriez  pas  les  employer.  Vous  voulez 
donc  de  la  liberté  de  la  presse.  Eh  bien ,  acceptez-la  fran- 
chement, loyalement  et  avec  toutes  ses  conséquences 

C'est  alors  que  par  une  liberté  de  discussion  AltSOLUE  vous 
acquerrez  des  forces  ;  mais  touli'.s  ces  mesures  de  répression, 
au  lieu  d'arrêter  le  mal,  ne  font  que  l'irriter.  Ce  svstè.me 
BATARD,  en  un  mol,  n'a  jamais  été  essayé  dans  les  gou- 
vernements modernes,  et  vous  voulez  l'essayer  aujour- 
d'hui '.  » 

ÛDiLO.N  BAiinoT.  [Moniteur  du  7  février  1834.) 

«  Si,  dans  notre  pays,  il  ne  peut  y  avoir  de  grandes 
réunions  et  de  grandes  manifestations  que  celles  qui  auront 
été  préalablement  réglées,  organisées,  réglementées  par 
les  auiorilés  officielles;  à  la  bonne  heure:  mais  dans  un 
pays  libre  il  faut  bien  s'accoutumer  à  ce  que  de  pareilles 
manifestations  se  règlent  elles-mêmes;  que  l'ordre  s'y 
maintienne  par  les  bonnes  habiiudes,  par  une  sorte  de 
di-cq)liiie  libn-,  oITicieuse,  qui  s'établit  :  ce  sunl  là  les 

MOEURS   DE    l,A    LIBERTÉ. 


Mais  la  compression  que  vous  établissez ,  ne  vous 

le  di-simulez  pas,  et  je  le  dis  avec  douleur,  tend  une  posi- 
tion déjà  trop  tendue,  ajoute'à  des  sentiments  exaspérés 
Un  neuve  m  degré  d'exaspération. 

11 Vous  n'avez  pas  voulu  de  I'ordre  avec  et  par 

LA  LIBERTÉ,  subisscz  douc  Ips  couséqueiices  de  la  situation 
que  vous  avez  faite  I  » 

Obilon  Barrot.  [Moniteur  du  22  février  18i8.) 

K  Messieurs,  quand  une  telli  atteinte  a  été  portée  à  la 
Co7tslilulion  du  pays,, W  ne  sudil  pas  que  les  tribunaux 
aient  prononcé,  aient  déclaré  que  la  Constitution  avait  été 
violée,  il  y  a  d'autres  devoirs  à  remplir  pour  ceux  qui, 
par  leurs  serments',  ont  pris  l'engagement  de  défendre 
cette  Constitution.  Sicile  a  été  violée  sans  motifs  d'excuse, 
sans  aucune  circonstance  alténiiante,  le  devoir  est  tracé  : 
il  n'y  a  aucun  motif  qui  doive  les  empêclier  de  formuler  un 
acte  d'accusation  !  y> 

(Odilo.n  Babrot,  Moniteur  du  l*''  drcembre  1832.) 

«  L'état  de  siège ,  lorsqu'il  n'y  a  plus  même  étal  de 
guerre,  est  un  mensonge.  C'est  un  moyen  détourné  d'en- 
lever des  accusés  à  leurs  juges ,  de  substituer  au  jugement 
du  pays  le  jugement  par  commission.  » 

(Odilo.n  Babrot,  13  juin  1832.) 

■  «  Pour  moi ,  ce  qui  me  confond,  c'est  qu'après  de  tels 
exemples...  vous  vous  étonniez  que  chacjue  joiir  les  classes 
qui  gouvernent  deviennent  plus  suspectes  aux  classas  qui 
son'  gouvernées.  Ce  qui  me  confond ,  c'est  qu'il  vous  pa- 
raisse singulier  qu'entre  les  unes  cl  les  autres  un  abîme 
se  creuse ,  et  que  sous  nos  pieds  mêmes  des  idées  fune.-tes , 
anarchiques,  antisociales  fassent  quelquefuis  explosion. 
Vous  dues,  je  le  sais,  que  ce  sont  nos  discours,  nos 
journaux,  nos  banquets  qui  font  cela.  Je  suis  heureux  de 
rencontrer  voire  pensée.  Eh  bien!  nous  disons,  nous, 
que  ce  sont  les  doctrines  que  vous  professez,  la  politique 
que  vous  pruliqnez,  les  exemples  que  vous  donnez!  » 
(Odilon  Barrot,  Moniteur,  7  février  1848.) 

))  Et  à  quoi  voulez-vous  que  les  populations  se  rat- 
tachent? Comment  voulez-vous  qu'elles  aient  une  foi ,  une 
religiiin  poliiique,  des  primiiics  fixes,  lorsiqiiVlIcs 
ont  fait  une  ré*oliitîoii  au  non»  do  rep- 
lainit  prinripea.aii  nonulocorlaliie»  ifi4>4>s 
pour  a«i«iircr  le  iriompli»*  Ue  corlaliies» 
floftrinen,  et  quVIIes  voit-nt  ciue  «•«•*  prlii- 
cipeN,  CCS  idée»*,  ces  doctrines,  lout  cela 
est  abandonné!  » 

Odii.on  Barrot.  [Monilcurûu  31  déc  1834.) 

((  Eh  bien!  messieurs,  <oiJS  ces  gouvernements  sont 
tombés,  ilssesonl  ainsi  donné  (]uelques  jours  d'exigence, 
et  puis,  quand  il  a  fallu  compter  avec  le  pays ,  quand  l'ef- 
fervescence était  passée,  l'odieux  de  leurs  mesures  est  re- 
tombé sur  leur  télé,  et  a  fini  par  les  anéantir. 

»  Nous  avions  espéré,  messieurs,  que  ces  leçons  d'his- 
toire ne  seraient  pas  perdues  pour  le  gouvernement,  qu'il 
renoncerait  à  ces  moyens  extraordinaires  employés  sous  le  * 
prétexte  de  salul  public;  qu'il  se  renfermerait  dans  la  léga- 
lité :  nous  avons  été  trompés.  » 

Odilon  Baruot.  [Moniteur  du  1'''  décembre  1832.) 

Je  lus  cncofc  des  fragments  de  discours  de  nos  plus 
brillants  parleurs  :  Iloyer-Collard ,  Tocqucville  el  Du- 
faurc.  Tous  étaient  à  peu  près  courus  dans  le  sens  des 
précédents. 

Je  sentis  saigner  mon  bras  .sans  pouvoir  arracher  une 
plainte  de  ma  puitriiie  cl  ce  fut  seuleiueni  lonsque  la 


A  LTSAGK  DKS  GE^S  SKRIEUX. 


I)aiiilc  (lis  liomiiH's  coiiïi-s  dis  honncIs/I/tjnjVcMr  eut 
silencifu^ciiiciil  drlili- jusqu'au  dciniiT,  qui' j'osai  pro- 
uidirr  iiu  ri'g.ird  autour  dt-  lutii. 

A  la  place  (Hru|)('c  pr  les  maudites  presses ,  sous 
deux  manleaux,  l'uu  parsemé  d'abeilles,  l'autre  de  fleurs 
de  lis,  se  dessinaient  vaguement  des  formes  humaines. 
A  leurs  pieds  gisaient  les  ca(la\res  do  Polignac,  de  Pey- 
ronnct,  de  Guizoï  et  de  plusieurs  autres  encore  ;  une 
é|R'e  tordue  et  un  sceptre  hrisé  s'en  allaient  à  vau-l'eau.. . 

Mais  un  petit  air  métalli(]ue  vibra  dans  la  nuit  :  c'é- 
tait ma  pendule  à  musique  (pii  exécutait  la  valse  de 
Bobiit-iles-Itois. 

.le  me  réveillai. 


VÀi  bien!  jeune  homme,  ajouta  M.  Uéac  eu  s'es- 
s'iyanl  le  front ,  que  pensez-vous  de  ce  rêve? 

—  Je  pense,  répondit  le  petit  à  la  calotte  rouge ,  que 
vous  deviez  vous  être  couché  un  peu  sur  le  côté  gauche. 

—  Toul  juste!  Et  moi  qui  dans  ma  vie  politique  el 
intime  professe  une  telle  aversion  pour  ce  côté  que 
j'en  suis  venu  à  me  mépriser  la  moitié  de  n;oi  -  même. 
(;'esl  sans  doute  à  cause  de  ce  tupsus-cotialic  que  cet 
liorrible  rêve  me  poursuivit  avec  autant  de  fureur. 

—  Parbleu  ! 

—  Eh  !  pourtant,  ajouta  mossieu  Réac  en  sj  grattant  le 
nez,  je  me  mis  immédiaieinciit  sur  le  dos,  ce  (|ui  n'em- 
pêcha pas  qu'un  second  songe  fort  désagréable  vînt  en- 
core m'assaillir. 

—  Vrainieul?  Oh!  pauvre  mossieu  Réac! 

—  N'est-ce  pas? — Tiens,  petit,  von-;  êtes  bonne 
personne,  et  si  vous  me  promettiez  de  uc  plus  chauler 
d'airs  patriotiques,  je  vous  raconterais  mon  second 
rêve,  et  un  de  ces  jours  je  vous  ferais  entendre  ma 
pendule  à  musique. 

—  Va  pour  le  rêve,  mossieu  Réac;  quant  à  la  seri- 
nette, je  lui  préfère  les  chœurs  de  la  Société  des  or- 
phéonistes. 

—  Pouah!  préférer  des  orphéonistes  à  une  pendule 
qui,  si  l'on  poussait  un  petit  bouton,  jouerait  lou'e  la 
journée  Robin  des  bois!  Et  l'on  dit  que  le  peuple  a  le 
sentiment  des  beaux-arts  et  que  la  musique  le  civilise  ! 
Socialistes,  \a! 

—  Enfin,  jeune  homme,  ajouta  mossieu  Réac  un  peu 
pique,  écoutez  donc  le  second  épisode  fantastique  de 
ma  nuit. 

Cette  fois,  je  dormais  sur  l'échiné.  Le  diable  qui 
avait  juré  de  ne  pas  respecter  mon  repos,  abusa  encore 
de  ma  position.  Le  ciel  de  mon  lit  s'éleva  doucement, 
les  rideaux  qui  m'enveloppaient  s'écartèrent ,  et  après 
quelques  secondes  de  brouillard,  je  distinguai  très-bien 
au-dessus  de  ma  tête  un  immense  vitrage.  En  m'orien- 
tant  je  m'aperçus  que  j'étais  au  Louvre,  couché  au 
beau  milieu  du  Salon-Carré. 

Jusque-là,  rien  de  désagréable.  J'aime  la  peinture, 


les  tableaux  de  maître;  j'ai  chez  moi  les  auvres  de 
.Schoppin  et  d'Horace   Vernet  gravées  !i  la   manière 
noire,  et,  certes,  c'est  une  d(s  plus  jolies  manieies. 
^       .le  me  relevai  donc  el  je  portai  mes  pas  dans  les  ga- 
leries eiivironiianies.  A])rès  avoir  accorlé  une  aiieniion 
médiocre  à   la  monstrueuse  série  de  M.   Huliens,  je 
m'arrêtai  longtemps  devant  les  œuvres  (  harinantrs  de 
Gérard,  de  Giiddel  et  de  Guériu. 
I       Je  caressais  du  regard  les  formes  élégantes  de   la 
I  reine  de  Carlhage,  lorsque,  par  un  phénomène  que  je 
compare  aux  changements  h  vue  des  ombres  chii  oisrs, 
I  Euéc,  Didon,  lit  de  repos,  esclaves,  (lotte  lointjine  et 
j  ciel  bleu  s'enfoncèrent  dans  le  mur  et  se  fondirent  en 
une  vague  teinte  grise.  La  place  resta  noire  un  instant, 
puis  un  sujet  plus  sombre  s'y  dessina  soudain. 

J'étais  en  fare  de  ce  tableau  représentant  Égisthe  qui 
pousse  Clvlemnostre  à  tuer  Agamcmnon. 

Je  le  considérai  longtemps,  le  menton  dans  la  main. 
Alors  je  me  prisa  songer  que,  semblables  à  des  (Jylem- 
neslre,  nous  dépensons  nos  forces  en  infamies  suggérées 
par  des  Égisilie,  qui,  sans  que  nous  le  sachions  dous- 
mêmes.  contrecarrent  nos  propres  inspirations,  influen- 
cent nos  idées  les  plus  saines  et  nous  poussent  fatale- 
ment à  accomplir  des  actes  que  nous  n'avions  jamais 
rêvés. 

—  Eh!  ehl  mossieu  Uéac,  encore  un  petit  mouve- 
ment comme  celui-là,  et  vous  vous  réveillerez  sur  le 
côté  gauche. 

—  Petit,  ne  m'interrompez  donc  pas,  vous  me  ferez 
perdre  le  fil  de  mon  rêve.  » 

Et  mossieu  Réac  continua  : 

'■  Tout  à  coup,  par  un  nouveau  jeu  fanlasmagciriiiiie, 
le  tableau  de-cendit  jusqu'au  niveau  du  parquet  et  s'a- 
vança lentement  vers  moi.  L"ne  force  attractive,  puis- 
sante, invincible,  me  poussait  tout  d'une  pièce  au-de- 
vant de  celte  toile;  au  fur  et  à  mesure  que  nous  nous 
rapprochions ,  les  sombres  personnag'  s  perdaient  la 
netteté  de  leurs  contours  et  nous  scmblions  devoir 
nous  confondre  les  uns  dans  les  autres.  Je  fus  bientôt 
si  proche  du  tableau  que  je  sentis  à  mon  front  le  froid 
du  cadre.  Je  fus  pris  alors  d'une  terreur  Dévreuse, 
une  sueur  glacée  s'attacha  à  la  racine  de  mes  cheveux, 
mes  membres  semblèrent  atteints  de  celte  maladie  de 
tressaillements  qu'on  appelle  la  danse  de  Saint-Guy  ,  et 
mes  dents  se  brisèrent  dans  une  contraction  horrible. 

Cette  fièvre  douloureuse  un  peu  calmée,  mes  yeux 
se  dessillèrent  et  j'osai  lancer  un  regard  timide  sur  ce 
qui  m'entourait. 

J'étais  enfermé  dans  le  cadre  du  tableau  d'Agamem- 
non  et  j'y  occupais  la  place  de  Clueiiiucstre,  mais  au- 
tour de  moi  les  personnages  étaient  changés. 

A  mes  côtés  se  tenait  un  homme  masqué,  vêtu  de 
blanc  et  portant  sur  l'épaule  une  croix  semblable  à 
celle  qui  servait  de  signe  de  ralliement  aux  croisés.  Il 
me  serrait  le  bras  avec  force  et  me  montrait  en  face  de 
nous ,  couchée  derrière  un  rideau ,  une  belle  jeune 


Icmini'  Liulormie.  Le  sommeil  de  celte  femme  élail  coii- 
liaiit  ;  son  visage  respirait  l'amour  et  la  cliaiilé,  et  tout 
en  elle  exprimait  francliise,  force,  courage  et  jeunesse. 
L'Iiomuie  qui  se  tenait  à  mes  côtés  m'étreignil  le 
liras  plus  violemment  et  me  parla. 

Chose  étrange!  à  chacune  de  ses  paroles,  il  me  .sem- 
lilail  voir  le  visage  de  la  belle  femme  se  décomposer. 
Celle  énergiriue  expression  df  courage  et  de  lierlé,  (jui 
m'avait  d'abord  prcscpie  séduit,  n'était  |iUis  à  mes  veux 
(|ue  de  l'audace  et  un  dédain  profond. 

L'iKjmme  masqué  me  parlait  toujours.  L'ne  iiaine 
implacable  contre  cette  femme  s'infdtrait  dans  mon 
cu!ur  à  chacune  des  paroles  que  je  recueillais.  .le  sentis 
un  poignard  se  glisser  dans  ma  main ,  je  le  saisis  avec 
rage  et  je  levai  un  coin  du  rideau. 

.riiésilai  cependant;  mais  l'hnmme  masiiué  me  poussa 
en  mêlant  à  ses  paroles  de  iiaine  de  (laiteuses  promesses 
pour  mon  avenir  et  des  louangis  dorées  sur  mon  cou- 
rage civil.  .Ir  tiiai  brusquement  le  rideau  et  d'un  bond 
je  m'élançai... 

Eu  ce  moment  un  nuage  m'enveloppa,  un  vertige 
effroyable  s'empara  de  moi  et  je  tombai  dans  l'espace 
suspendu  entre  le  plafond  et  le  sol  ;  je  ne  sais  combien 
je  fis  de  chemin  dans  l'iumiensc  galerie.  Je  me  fracas- 
sais au  marbre  des  colonnes,  aux  angles  des  cadres,  aux 


lenèires,  aux  portes  cl  aux  murs:  j'étais  harassé,  meur- 
tri, et  je  ne  pouvais  cesser  cette  course  vagabonde,  il  me 
fallait  toujours  bondir  et  rebondir  sansm'arrêter  jamais. 

J'allai  enfin  donner  sur  une  loile,  dans  laquelle  je 
m'enfonçai  comme  une  masse  inerte. 

Je  restai  longtemps  ainsi ,  dans  un  étal  d'effrayante 
prostration.  Quand  je  repris  mes  sens,  je  me  mis  péni- 
blement sur  mon  séant;  j'avais  les  membres  engourdis 
et  tordus  par  la  terreur ,  la  têie  me  pesait  comme  un 
monde  sur  les  épaules ,  et  j'y  voyais  à  peine. 

Peu  à  peu,  cependant,  je  retrouvai  le  sens  de  la  vue; 
mes  regards  distinguèrent  vaguement  les  costumes  de 
tous  les  pays,  les  verts  paysages  et  les  formes  roses  en- 
fermés dans  de  petits  et  de  grands  cadres  d'or.  J'étais 
toujours  au  Louvre  ;  seulement  je  ne  pouvais  me  rendre 
compte  de  ma  position  :  je  me  sentais  pencher  en  avant 
et  je  dominais  d'une  assez  grande  liauteur  le  parquet  de 
la  galerie. 

Je  cherchai  près  de  moi,  j'étais  assis  sur  une  Krre 
aride;  je  levai  les  yeux,  je  vis  un  ciel  sans  soleil;  puis 
le  cauchemar,  plus  terrible  que  jamais,  me  reprit  par 
les  épaules,  et,  malgré  ma  lassitude,  me  dressa  tout  droit. 
Agamemnon,  Clytenincstre  ,  homme  masqué,  n'é- 
taient plus  lii ,  je  figurais  dans  un  autre  tableau,  et  pmr- 
lant  W  cadavre  de  la  belle  femme  couchée  de  ma  pre- 


A   l.lSACiK   l)i:S   GENS  SKRIKl  \. 


tiV»US  NATIONAL  rRANVAlK.  —  LA  J08TI0K  KT  LA  VENaSANCS  DIVIN!  l'OUlUUlVCNT  LU  CHIH);. 


iniùre  hallucination  gisait  à  terre  ,  les  yeux  fermés  ,  la 
face  blême.  Je  voulus  écliapper  à  ce  cadavre ,  à  ce 
sang ,  à  ce  crime.  iMais  je  sentis  peser  sur  ma  tète  la 
malédiction  divine,  je  me  retournai  et  je  reconnus, 
venant  à  moi ,  la  justice  et  la  vengeance. 

Je  ne  pouvais  endurer  les  regards  brûlants  de  ces 
anges,  et  de  mon  bras  je  me  cacliais  le  v  isage. 

Pourquoi  me  poursuivre?  deinandais-je,  et  (nii  donc 
est  cette  femme?  lî-il-ce  la  Republique  romaine?  mais 
alors  de  quoi  suis -je  coupable?  Les  Humains  sont  des 
brigands  infâmes  qui  minent  leurs  monumenis  pour 
écraser  nos  soldais  sous  les  décombres;  l'armée  italienne 
est  un  ramas  de  condottieri  et  de  supjjôts  de  salles  d'armes 
de  toules  les  contrées.  — Non,  le  remords  est  impossible. 

—  l'sl-cc  la  République  des  États  allemands?  leurs 
brigandages  oui  dépassé  de  beaucoup  ceux  des  Italiens 
eux-mcnies;  ce  sont  des  fous,  des  rêveurs,  des  utopis- 
tes ,  qui  veulent  niveler  la  société  ;  ils  ont  allumé  la 
guerre  civile  d'un  bout  à  l'autre  de  l'Aulriclie;  ils  pren- 
nent pour  des  espions  les  observateurs  les  plus  inno- 
cents et  nous  empêchent  de  jouir  des  délices  de  Spa  et 
des  casinos  de  Hombourg!  Quel  grand  mal  y  aurait-il  à 
avoir  tué  cette  piètre  Réimblique?  Allons,  disparaissez, 
fantômes  que  la  raison  modérée  fait  évanouir,  le  re- 
mords est  impossible  ! 

Je  crus  sincèrement  que  je  pouvais  alors  retirer  mon 


bras  et  voir  s'éteindre  cauchemar  et  fantômes,  mais  ou 
anathème  terrible  |)rononcé  sur  moi  me  lit  ployer  les 
genoux  ;  et  la  vengeance  et  la  justice,  plus  majestueuses 
et  plus  menaçantes  que  jamais,  me  brûlèrent  le  cu-ur 
de  leurs  regards  flambloyaiils. 

Une  folie  furieuse  s'empara  de  tout  mou  êiif;  dans 
un  effort  surhumain  je  brisai  le  cadre  qui  m'arrèlait  et, 
pas.sant  ii  travers  le  mur,  je  m'enfuis  dans  les  airs. 

Puis,  sans  que  j'aie  jamais  pu  me  rappeler  cumment 
ce  changement  était  survenu,  je  me  trouvai  dans  la  cité 
de  Londres,  au  milieu  d'une  troupe  de  coiir.tables,  <|ui 
m'accueillaient;!  bras  ouverts  et  à  verres  plein.s.  J'èlais 
si  fort  à  l'aise  auprès  d'eux  qu'il  me  semblait  que  j'a- 
vais déjà  vécu  de  celle  vie  et  que  les  tours  de  gourdins 
ne  m'éiaient  |)as  inconnus. 

Un  vigoureux  coup  dr  biilon  que  je  reçus  à  la  nuque 
me  réveilla  brusquement  ;  j'eusse  j)ayé  beaucoup  pour 
ne  point  faire  ce  second  songe.  J'étais  moulu  ,  j'avais  la 
tête  brûlante  et  la  fièvre  me  dévorait. 

t.  Mais  peiii ,  ajouta  mossieu  Réac,  la  /ferwc  déjeune 
bien  longtemps,  il  me  semble?  Il  est  trois  heures,  nous 
ne  paraîtrons  jamais  cette  semaine. 

—  Vous  oubliez  que  ce  n'est  pas  la  Revue  qui  man- 
que à  mossieu  Réac,  mais  bien  la  copie  qui  manque  à  la 
Revue. 


REVUE   COMIQIE 


—  Ail  !  oui,  la  copie  !  c'est  vrai ,  fit  mossieu  Réac  en 
se  nicurtiissant  le  front,  diable  ('ccnpe!  Mais  atten- 
dons encore  un  peu,  nous  en  causerons  dans  nn  instant. 
Laisséz-nioi  d'abord  nie  débarrasser  de  mon  troisième 
et  dernier  rêve.  Il  me  poursuit  et  m'absorbe  si  fort  qu'il 
me  serait  impossible  en  ce  moment  de  m'nccuper  avec 
fruit  de  tout  autre  sujet. 

—  .Mossieu  RéacShéérazade,  coniinuezdoiic,  je  \()us 
prie,  on  vous  écoute  avec  le  plus  \ii  intérOl. 

—  Petit,  vous  êtes  bien  bon.  Si  vous  le  voulez  cette 
fois,  nous  nous  rendormirons  sur  le  côté  droit? 

—  Va  pour  le  côté  droit,  <■  côté  du  cœur.  » 
Mossieu  Réac  se  retourna  sur  sa  chaise,  se  recueillit 

pendant  quelques  minutes  .  puis  il  CdUimença  son  irni- 
sième  récit  en  ces  termes  : 

Je  me  promenais  dans  un  magniliciue  j.irdiii.  L'eau 
jaillissait  de  mille  endroits  touffus,  l'air  était  parfumé 
d'ambre,  d'iris  et  de  benjoin  ;  les  arbres  verts  alTectaient 
des  formes  de  pain  de  sucre,  et  sur  un  immense  tapis 
vert  papillonnaient  au  soleil,  seigneurs,  financiers,  pe- 
tits collets  et  danseuses. 

J'avais  moi-même  un  costume  assez  coquet  :  jabot  et 
manchettes  en  point  d'Angleterre,  veste  de  taiïetas  à 
paillettes,  gilet  à  fleurs,  culotte  de  soie,  bas  bien  tirés 
et  rouge  aux  pommettes  et  aux  talons. 

Pardon,  mossiruf^éac,  interrompit  l'apprenti  com- 
positeur, vous  aviez  doue  déshabillé  défunt  le  dernier 
marquis  français  ? 

—  Lequel  ? 

—  Eh,  ce  fameuc  marquis,  joueur  de  tambour  de 
basque,  qui,  pour  deux  sous,  lançait  de  la  rue  au 
quatrième  étage  ses  chansons  roulées  en  jwpillottes.  — 
Il  est  mort  deruièremcnt  d'une  bouteille  d'eau  de-vie 
à  la  barrière.  » 

Mossieu  Réac  se  contenta  de  iiausser  les  éjiaules  et 
continua  : 

■■  J'aitendais,  je  crois,  une  petite  friponne  h  qui  je 
voulais  du  bien,  lorsque  je  vis  venir  à  moi  un  per.'onnage 
maigre  et  barbu,  d'un  certain  âge  et  d'un  aspect  assez 
bizarre;  il  était  vêtu  d'une  longue  soutane  et  portait  sous 
son  bras  un  porteftu  lie  rouge.  Sa  physionomie  tenait 
à  la  fois  de  celles  de  Charles  IX  ,  de  Louis  XIV  et  du 
père  Lori(iuet.  Un  gros,  fort  bien  ,  ma  foi ,  à  cravate 
blanche  et  en  redingote  qui  jouait  la  soutane,  le  suivait 
de  près.  Celui-lii  avait  aussi  sous  le  bras  un  portefeuille 
rouge  sur  lequel  on  lisait  :  État  de  siège. 

Ils  m'entraînèrent  sans  mot  dire  et  me  conduisirent 
dans  uue  salle  tendue  d'une  étoffe  noire  larmée  d'ar- 
gent. 

Je  m'assis  dans  un  grand  fauteuil  qui  ressemblait  à 
une  cathédrale  et  qui  était  surmonté  d'une  couronne 
fleurdelisée.  Les  deux  personnages  aux  portefeuilles  se 
placèrent  l'un  à  ma  droite,  l'autre  à  ma  gauchi',  et  je  re- 
cueillis de  leur  bouche  des  nouvelles  de  la  plus  haute 
importance. 


De  petits  événements  avaient  agité  le  pays. 
Quelques  individus  mal  famés,  d'anciens  forçats,  des 
repris  de  justice  avaient  essayé  de  se  révolter  contre 
l'ordre  de  choses  établi,  et  ils  avaient  même  obtenu  pen- 
dant un  moment  un  certain  succès;  mais  des  mesures 
cilicaces.  prises  par  des  parents  à  moi,  avaient  triomphé 
des  coujiables  menées  et  maintenu  l'équilibre  gouver- 
nemental. 

Lu  de  mes  cousins ,  honune  adroit ,  voul.int  se  débar- 
rasser des  journalistes,  leur  avait  envoyé  tout  simple- 
ment l'ordre  de  s'ouvrir  les  quatre  veines  dans  un  bain. 
Non -seulement  les  journalistes  s'étaient  empressés 
d'obéir,  mais  encore  en  mourant  ils  avaient  institué 
mou  cousin  leur  légataire  miiversel.  Procédé  qui  fit 
qu'après  leui  décès  on  leur  pardonna  beaucoup  de 
choses. 

Lu  autre  de  mes  cousins,  cardinal,  présidait  un 
concile  à  Carpeniras.  Le  concile  ayant  à  juger  un  cer- 
tain nombre  d'hérétiques  accusés  de  nier  formellement 
l'infaillibilité  du  ministère  actuel  ainsi  que  le  dogme  de 
la  très-sainte  triuiiè  Falloux,  Faucher,  Ruihières,  les 
hérétiques,  ne  voulant  pas  se  rétracter,  mon  cousin  le 
cardinal  leur  avait  fait  administrer  la  question  ordinaire 
et  extraordinaire;  après  quoi,  on  les  avait  brûlés  à  petit 
feu  sur  la  place  publique  de  Carpentras. 

Au  son  des  cloches  de  l'église,  on  avait  réuni  tous  les 
membres  de  ma  famille,  qui  habitent  les  beaux  quar- 
tiers de  Paris,  et  ils  avaient  courageusement  chargé 
les  socialistes,  les  amis  de  la  Constitution  et  autres  par- 
paillots. 

Quelques-uns  de  ces  sectaires  ayant  été  épargnés, 
un  arrière-pctit-Réac  très-induent  avait  été  obligé  de 
révoquer  l'édit  de  Nantes.  Plus  tard,  tous  ceux  qui  ne 
pouvaient  justifier  d'un  certificat  de  bonne  vie  et  mœurs 
délivré  par  la  rue  de  Poitiers  étaient  forcés  d'aban- 
donner le  royaume. 

D'autres  cousins  enfin,  venus  de  Russie,  d'Autriche 
et  de  Prusse,  avaient  franchi  les  frontières,  tranché 
la  question,  et  pendu  tous  les  rebelles. 

Vous  le  vovez,  me  disaient  les  hommes  noirs,  Diru 
est  grand,  il  ramène  l'Iiumanité  à  la  foi  des  bous  jours, 
et  il  veut  que  vous  régniez  sans  conie.ste  sur  le  beau 
pays  de  l'rance. 

J'étais  éhaubi.  Ces  étranges  nouvelles  m'avaii  ut 
bouleversé  la  cervelle.  Il  devenait  évident  pour  moi  que 
Louis  XVI  avait  achevé  paisiblement  son  règne,  que 
Louis  XVII  lui  avait  succédé,  puis  Louis  XVIII,  puis 
Charles  X,  surnommé  le  Père  du  peuple  à  cause  de 
ses  fameusss  ordonnances. 

Ainsi  donc,  je  ne  pouvais  pas  croire  3  la  Révolution 
frança  se. 

La  République  était  un  mythe. 
L'Empire  un  Rêve. 

Par  conséquent  la  Restauration,  les  journées  de  juil- 
let 1830  et  celles  de  février  l«/iS  n'étaient  plus  sim- 
plement que  des  fictions  arrangées  en  ariettes  par  des 


A   L'USAGK  DES  GENS   SÉRIEUX. 


81 


gons  atisvi  mcntfiirs  qiio  le  rliantro  de  l'Iliudc,  des 
tromî'ies  et  des  troiibadoiiis  iiiodiTiics. 

Le  peuple  n'avait  pas  liiunchr'  iVtinr  sciiulle  depuis 
le  moyen  âge. 

Tout  en  reinonlaiit  le  ciiurs  de  ce  désordre  liislorique, 
je  me  senlis  lianslonné  en  haron  du  vieux  icnips. 

(loiflV'  d'un  l)ic(i(piel  et  rliaiissé  de  souliers  ii  l:i  pou- 


laine,  je  ressemblais;)  uionsieiu-  liorca^e  dans  la  Tour 
de  Nc.ste. 

Je  jouissais  de  tous  les  [grands  et  menus  droits  du 
seigneur,  y  compris  le  droit  de  ja  iibane  et  une  foule 
d'autn  s  droits  fpie  lu  juideur  m'cuipèrlie  de  nomuiir, 
mais  dont  j'usais  avec  un  malin  plaisir. 

Mes  sujcis  étaji'ul  lirs-lnun  u\  .  tic-s  beuri  u\. 


Je  leur  apprenais  à  battre  avec  des  bâtons  l'eau  des 
fossés  de  mon  casrel ,  afin  d'empêcher  les  grenouilles  de 
troubler  mon  sommeil. 

Je  leur  faisais  ériger  sous  mes  yeux  des  châteaux 
forts  ei  des  églises.  Ces  traNaux  gigantesques  leur  plai- 


saient beaucoup  à  faire. 

J'avais  remis  en  vigueur  la  pratique  des  vœux  ,  des 
processions  et  des  pèlerinages. 

J'honorais  de  ma  présence  presque  toutes  les  pre- 
mières nuits  de  noces. 


.\yant  entendu  dire  qu'un  .Allemand  venait  d'inventer 
l'art  de  reproduire  l'écriture  au  moyen  de  caractères 
mobiles,  je  le  déduirai  atteint  de  sorcellerie  et  je  le 
condamnai  au  bûcher,  ainsi  que  tous  les  gens  coupa- 
bles d'avoir  acheté  des  livres  sortis  de  cet  atelier  du  dé- 
mon. 

Ayant  eu  vent  aussi  que  quelques  hérétiques  vau- 
liens,  au  nombre  de  soixante-dix  mille,  avaient  l'im- 
piété de  croire  qu'il  était  possible  d'introduire  des 
modifications  dans  le  dogme  catholique,  je  suppri- 


mai ces  quelques  drôles. 

.Mes  sujets  comprenaient  très- bien  l'impurtance  de 
ces  petites  mesures,  et  ils  ne  soufflaient  mot.  Ils 
croyaient  toujours  fermement  aux  loups-gnroiis  et  à  la 
sainte-ampoule  apportée  par  une  colombe  dans  la  sa- 
cristie de  Reims. 

On  me  craignait,  on  me  respectait  et  on  m'honorait. 

Je  le  répète,  mes  sujets  étaient  très-heureux,  très- 
heureux  ,  et  quand  ils  avaient  dit  :  «  MOSSEIG.necr 
Réac  et  .mon  Dieu!  »  ils  avaient  tout  dit. 


I\EVITK  COMIQIE 


Mais.  luMas!  au  moment  où,  de  l'ogive  d'une  fenê- 
iiT.  j'assistais  à  rexécutioii  d'une  bastonnade  appliquée  à 
l'ôciiine  d'un  braconnier,  je  me  sentis  enlevé  par  un 
bras  invisible  qui  me  lanra  rudement  sur  le  pavé ,  et 
celte  chute  me  brisa  le  corps. 

l.orsrpie  je  repris  mes  sens  j'étais  pieds  et  poings  liés 
s,n  Muéchafand,  des  Cosaques  frappaient  m.'S  épaules 
d'un  fouet  à  i)Uisieurs  lanières;  mon  sans;  éclaboussait 
autour  de  moi  une  foule  inunense  qui  assistait  silen- 
cieusement à  mon  supplice. 

—  Chiens!  criais-je  à  cette  foule  qui ,  sans  bouger  , 
me  rei;ardait  mourir,  chiens',  vous  n'êtes  plus  Français, 
xous  qui  me  laissez  déchirer   ainsi  par  le  fouet  des 

Russes! 

A  mes  paioles  la  fmile  s'éloigna  craintive  de  mon 
échafaud,  et  le  rire  strident  des  hommes  qui  frappaient 
toujours  mit  lin  à  cet  horrible  supplice  en  me  réveil- 
lant. 

—  Crédié  !  exclama  inossieu  Réac  en  grinçant  des 
dents  et  en  levant  les  yeux  au  plafond ,  encore  deux 
nuits  comme  la  dernière,  et  j'aurai  les  cheveux  tout 
blancs. 

—  Il  est  vrai  que  ces  visions  sont  loin  d'être  aussi 
"aies  que  les  saltimbanques,  mais  en  revanche  elles  ont 

un  certain  côté Si  vous  voulez  nous  en  bercerons 

cette  semaine  les  lecteurs  de  la  Revue. 

—  Allons  donc  ,  petit,  vous  êtes  fou  ! 

—  Dam!  alors  mettez-vous  à  ce  bureau  cl  bàclez- 
moi  bien  vile  de  la  copie. 

—  De  la  copie,  de  la  copie...  Parbleu,  croyez- vous 
pas  que  j'eusse  été  embarrassé  de  remplir  les  quelques 
colonnes  du  journal;  si...  J'ai  là  des  articles  commencés 
dans  une  ligne  politique  très-sage  et  très-modérée,  ob- 
serva mossieu  Réac  en  tirant  de  sa  poche  les  vingt-qua- 
ire  feuillets  aux  majuscules;  mais,  que  diable!  ces  sa- 
tanés rêves  !...  Attendons  la  A'c eue.' 

—  Gentil  mossieu  Réac,  qu'à  cela  ne  tienne,  me  voilà  ! 
fit  le  petit  jeune  h(mimc  à  la  blouse  blanche  en  snulant 

I    en  bas  du  poêle. 

Et  il  tira  de  sa  poche  une  paire  de  lunettes  qu'il  bra- 
(pia  sur  son  nez  ,  une  barbe  postiche  qu'il  s'attacha  au 
!  menton,  et,  frappant  sur  son  genou  sa  calotte  rouge, 
j  elle  se  développa  et  s'allongea  en  trois  petites  cornes 
I  aiguës,  à  l'extrémité  desquelles  élincelèrent  de  petits 
I    grelots  d'or. 

La  Revue,  rendue  à  sa  véritable  forme,  se  prit  à 
danser  une  folle  sarabande  autour  de  mossieu  Réac.  et 
I    les  petiis  grelots  d'or  rendirent  un  son  joyeux. 
i        —  Comment,  c'était  vous?  dit  mossieu  Réac  avec  un 

air  hébété;  moi  qui  vous  croyais  aux  Cuisiniers 

Choses;  —  eli  bien  !  ([u'est-ce  que  vous  pensez  de  mes 
rêves? 

—  Je  pense  qu'il  faut  les  imprimer. 

—  Oh!    fichtre!    fichtre!    fichtre!   je   m'écarterais 


trop...  le  comité  de  la  rue  de  Poitiers...  la  nouvelle  li- 
gne politique  de  la...  Oii  !  oh  !  oh!  c'est  impossible. 

—  Mossieu  Réac,  dit  la  Revtie  en  prenant  un  air 
grave  et  en  imposant  silence  à  son  endiablé  bonnet , 
prenez  garde  à  ce  que  vous  allez  faire.  Un  journal  ne 
peut  pas  traiter  ses  abonnés  ainsi  qu'une  jolie  femme 
iraile  ses  amants.  Dans  aucun  cas  le  journal  ne  doit 
manquer  au  rendez-vous  qu'il  donne  à  ses  lecteurs. 
—  Exempli'  :  j 

J'avais  un  collègue  qui  publiait  en  province  un 
compte-rendu  du  mouvement  quotidien  de  la  vente  des 
"rains,  des  toiles  et  des  petits  couteaux.  Je  ne  sais  pour- 
quoi un  soir  il  manqua  des  documents  indispensables  à 
sa  spécialité  ;  il  ne  se  découragea  pas,  remplaça  l'article 
firoiiis  par  un  extrait  de  Paul-Louis  Courier;  l'article 
loties  par  un  fragment  du  Contrat  social,  et  l'article 
petiis  couteaux  par  un  discours  de  Robespierre.  Le 
lendemain  le  journal  parut ,  et  de  ce  jour  il  prit  une 
importance  telle  qu'il  fut  obligé  d'agrandir  son  formai, 
et  que  le  gouvernement  daigna  s'en  occuper  en  en- 
vovaul  le  rédacteur....  Je  ne  sais  plus  où  il  envoya  le 
rédacteur. 

Vraiment!  fit  mossieu  Réac  à  moitié  convaincu. 

Mais  en  admettant  que  je  veuille  bien  publier  mes  rêves, 
ce  qui  serait  préférable  à  des  extraits  de  Robespierre, 
nous  ne  trouverons  jamais  le  temps  matériel  que  de- 
mande la  transcription  de  ces  événements  fantastiques. 

—  Ne  vous  inquiétez  pas,  dit  la  r,evue  en  sou- 
riant. • 

Et  elle  ouvrit  une  grande  armoire  dans  laquelle  se 
tenait  caché  un  sténographe  très -habile,  qui  déposa 
sur  la  table  trente  feuillets  compactes  de  copie  en  tête 
desquels  on  lisait  :  Les  TBOIS  RiIves  demossiel'  Reac. 

—  Ah  !  bast  !  Eh  bien  1  et  les  bois  ? 
Sous  l'état  de  siège ,  comme  sous  l'état  de  siège  , 

nous  en  avons  de  la  semaine  dernière  qu'en  rarrangeanl 
un  peu  on  pourra  facilement  faire  passer.  El  puis  voici 
une  petite  chanson  à  votre  adresse  sur  un  air  de  chasse 
bien  connu. 

—  Je  n'y  suis  plus  du  tout ,  du  tout ,  du  tout ,  s'écria 
mossieu  Réac ,  et ,  le  diable  m'emporte ,  je  crois  que  je 
dors  toujours. 

Peut  être,  répondit  la  iievue.  Nais  dépêchons. 

Vous  vous  réveillerez  en  lisant  le  prochain  numéro. 
Signez.  » 

Mossieu  Réac  soupira  ,  prit  la  plume  et  mil  an  bas  du 
dernier  feuillet  de  copie  : 

Bon  à  tirer. 


RÉAC. 


f'oKf  a(éiio<liapliie  ton/un 
A.   I".   —  I. 


A  la  suite  de  celle  signaliire,  le  stéiiogiaph.'  ajouta  : 


A   I.'ISAGK  DKS  GENS  SKRIKl  \. 


83 


I.K   (iU  \M)    S  \(; 


Alliins,  lirjMV  lie  l.i  ihcimici  i'. 
lh\  lii  riiinciisi!  Ii\^iuii  ; 
Tdiilon.  Iiinlun  ,  UintiiiiH'.  Iunlun 
llrvoillcz  voire  iir.liMii'  '^in'i  r-icii' , 
Kl  S'iiMv-iiioi  lui'  ('.(ni-lléniii. 
Tuiilun  ,  liiiiUiirii' ,  luiilcin. 

OUe  rue  (Sl  îles  plus  nuil-aliif»; 
Oi\  y  fabrique  du  poison. 

Tunlon ,  clr. 
Mais  lie  liraillciiis  ilc  Vincpiincs 
Avec  lions  man-liLMin  lialailloii. 

Toulon ,  de. 

fions  do  l'ordre,  an'oiiro/  en  fonle 
l'onr  l'piie  gran  le  exi'nrsioii. 

Toulon ,  etc. 
Malgré  moi  j'ai  In  c'.iair  de  poule  : 
Nous  allons  entrer  chez  Proiidlion  !  !  1 

l'onlon  ,  etc. 

On  n'a  pas  peur;  mais  le  dirai-je' 
Je  crois  pourtant  (pi'il  serait  bon 

Tonton ,  cic. 
.\\ant  de  commencer  le  sieste, 
D'envoyer  cliercher  du  canon. 

Tonton  ,  etc. 

S'il  faut  en  croire  l'apparence  , 
Tout  est  calme  dans  la  maison  : 

Tonton .  etc 
Mais  n'avancez  qu'avec  prudence  , 
Car  je  crains  quekiiie  trahison, 

Tonlon .  etc. 


.Messieurs,  croisez  la  baïonnelle 
là  pousse-/,  une  charge  a  fond. 

Tonlon  ,  etc. 
Los  briiiands  ont  fait  maison  netle  : 
Sur  l'horuieiir,  ils  ont  eu  rai-on. 

'l'onlon  ,  elc. 

Allons  donc  ,  que  chacun  m'imile  1 
Itavagez  tout,  point  de- façons. 

Tonton  ,  elc. 
.■\  coups  de  cro-se  on  a  bien  vile 
Démoli  portes  et  iloison-;. 

Tonton  ,  elc. 

(^.haises,  bureaux,  glaces,  pupitre-, 
.Meubles  d'eniréo  et  de  salon  , 

Tonton,  etc.. 
Papiers,  journaux,  |)endule  el  vitres 
Sautez,  sautez  à  l'unisson! 

Tonlon ,  elc. 

Quoi  !  le  fracas  se  calme  et  cesse  ? 
(Ju'allons-nousfaire?  —  Écoutez  donc 

Tonlon  ,  elc. 
N'est-ce  pas  le  bruit  d'une  presse?.. 
Courez!  que  ça  ne  soit  pas  long  ! 

Tonton,  etc. 

Plus  prompts  cent  fois  que  la  Justice 
Brisez  cette  œuvre  du  démon  ! 

Tonton,  elc. 
Tarissex  la  source  du  vice , 
Fondez  en  balles  tout  ce  plomb. 

Tonlon  ,  etc. 


IJuel  e.-l  ce  inelal  qui  ii'-.ijrMie  ■' 
Dr  l'.irgenl  ce  •-ont  les  (!oii\  vjn». 

'l'union  ,  ele. 
Noiisfeiiin-  a\eer:i  1  aumône  ; 
\li'  |i.ir  rliaiilé  .  rama--0Ms  ! 
Tunlon,  cl.'. 

l'ont  est  cas.sé,  tout  est  en  pnielie 
Il  ne  reste  que  le  plafond. 

Tonlon  ,  elc. 
A  |)arlir,  il  faut  se  résoudre. 
A  moins  d'aballre  la  niai-oa. 

Tonlnii  ,  elc. 

San<  doute  la  Démoiralie 
Suliil  le  même  carillon. 

Tonton ,  etc. 
Les  Itoiues  perdent  la  partie. 
Qui'  ça  leur  serve  <le  lerun .' 

Tonlon     eli- 

|{t  si  l'un  deux  en  sa  furie 
Veut  par  hasard  hausser  le  ton 

Tonlon,  elc. 
Qu  il  aille  à  la  Conciergerie, 
l!'est  l'anlichiHubre  du  ponton. 

Tonlon ,  elc. 

(Ih!  bravo!  Ruines  compleles! 
L'œil  n'aperçoit  que  des  tronçons. 

Tonton,  elc. 
Voilà  comme  les  gens  honnêtes 
Doivent  Irailerles  polissons. 

Tonton  ,  elc.  V.  D. 


"^ïïT^taWiîÉni^^ 


-  Ma  foi  '  mossifu  le  Mare,  j'nns  voté  jusqu'à  présent  pour  des  ceux  qui  gardaient  tout  pour  eux-, 

c  te  fois,  j'  vous  essayer  des  autres.  Pisque  c'est  des  Parlageiix,  comme  Tous  dites, 

i'  m' laisseront  p't-étre  ma  part: 


84 


REVUE  COMIQUE. 


Maiire  (Jrundiii  d'Elbeuf,  dont  voici  la  |ififtUirf, 
Est  un  homme  enrayôde  modération 
Anim6  d'un  dwir  de  fabrication , 
De  draps  et  de  romplols  il  tit-nl  maniilactuie. 
Que  ses  présages  noirs,  ses  sinistres  éclats, 
Amis,  ne  jettent  pomt  le  trouble  dans  vos  âmes. 
Ce  marchand  croit  toujours  tHre  en  de  vilains  drap;- 
Et  voit  de  tous  côtés  des  tissus  et  des  trames. 


Dessiné  par  Nadarp. 


(iriiTD  pat  Bmilant, 


'^»*l». 


Kl    ri'nliiiic 


DUMINERAV.    CDITBUR  ,    HUE   RICHELIEU      .^'J 


:J'-''    l.irraiion. 


0\DITIO>iS  DE  LA  SOI  SCRIPTIOX.  —  La  RivuE  COMIQUE  [ormera  deux  volumes  crand  in-S»,  publiés  en  M  livraisons  à  30  ceii  limes  :  parla  poste, 
■entimcs.  Le  premier  volume ,  composé  des  25  premières  livraisons,  a  été  achevé  le  28  avril  l(i49.  Il  renferme  environ  500  caricatures  politiques.  —  Prix  Je 
olume:  "  fr.  50  c;  par  la  poste.  10  fr.  Le  second  volume  parait  en  livraison?.  On  souscrit,  pour  ce  volume,  en  payant  7  fr.  50  c.  pour  Paris ,  et  10  fr.  p  mr 
départements. 


AUX    SOUSCRIPTEURS   DE    lA    REVUE   COMIQUE. 

le  premier  feuillet  de  chaque  livraison,  reproiluisant  uniformément  le  dessiu  de  la  couverture ,  doit 
être  enlevé  à  la  brochure.  —  Afin  de  varier  le  verso  de  ce  premier  feuillet,  sans  toiitrfuis  y  insérer  rien 
d'important,  dont  la  suppression  aurait  quelque  inconvénient,  ce  verso,  i  l'avenir,  sera  occupé  par  la  cor- 
respondance de  la  RuvL'iî,  par  des  annonces  drolatiques,  ou  quekiuc  autre  sujet  accossonc  en  dehors  de 
notre  cadre;  de  telle  sorte  que  lorsque  les  souscripteurs  réuniront  en  volumes  la  collection  des  livraisons, 
ce  feuillet,  enlevé,  ne  supprimera  aucune  partie  intégrante  de  l'ouvrage.  Le  dernier  feuillet  de  la  couver- 
turc,  formant  la  dernière  et  l'avant- dernière  page  de  chaque  livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage 
complet ,  dont  il  ne  peut  être  détaché. 


AVIS    AUX    JOURNAUX    DE    PARIS    ET    DES    DÉPARTE  WIENTS. 

Nous  autorisons  \a  reproduction  des  artieles  contenus  dans  la  Revue  comique,  à  la  condition  : 

1°  De  citer  la  Uei'ue  en  Ini  empruntant  ses  articles; 

2°  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  chaque  numéro. 


CORRESPONDANCE. 


A  M.  H.  B.,  à  Colincir.  —  Noui  concevons  combien 
ces  retard*  doivenl  exciter  rie  mécoiUenlenient  ;  mais 
nous  avons  pris  des  mesures  pour  paraître  désormais 
régulièrement. 

A  M.  LE  DOCTEUR  H.  M.  —  Divcrscs  circonstances 
ayant  retardé  notre  publication,  la  jolie  clianson  que 
vous  nous  avez  adressée  ne  nous  semble  plus  de  cii-- 
conslance;  les  idés  n'en  sont  plus  assez  neuves,  quoi- 
que le  refrain  soit  ingé'nieusement  trouvé. 

A  M.  A.  Q  ,  étudiant.  —  "Votre  Mn  populaire,  la 
nèaciion,  Y  Action,  \e  Progrés  sont  des  œuvres  dignes 
d'encouragement;  nous  ne  pouvons  cependant  les  con- 
sidérer que  comme  d'heureux  essais 

A  M.  Lavess  ...'..  —  Gardez-vous-en  bien  !!!!!!!!! 


Al-  JECNE  IsmoRE.  —  Vous  avez  de  grandes  disposi- 
tions ,  il  faut  les  cultiver. 
A  M.  T.  N.  —  Il  faudrait  beaucoup  de  capitau.x. 


A  M.  Jean  Cascaret,  à  Alger.  —  Votre  chanson  est 
imprimée  dans  le  présent  numéro,  et  nous  vous  en 
remercions  sincèrement. 

A  M.  A.  Y.,  à  Lancastel.  — 11  y  aurait  certainement 
lieu  de  s'occuper  de  cette  question  ;  mais  à  chaque  jour 
sutEt  sa  peine. 

A  madame  B***.  —  Vous  trouverez  cette  fois,  dans 
la  livraison  ,  une  vignette  comme  vous  en  désirez. 

A  M.  Ose...  D —  Nous  ne  doutons  pas  de  votre 

véracité;  mais  il  faudrait  prendre  la  chose  en  flagrant 
délit  et  nous  envoyer  un  dessin  au  daguerréotype;  ce 
serait  le  moyen  de  mettre  notre  responsabilité  à  cou- 
vert; puisque  vous  seul  avez  accès,  et  accès  à  toute 
heure,  vous  pouvez  nous  donner  facilement  celte 
preuve;  et,  si  vous  réussissez,  nous  nous  empresse- 
rons de  communiquer  une  copie  de  la  chose  à  nos 
abonnés,  qui  vous  en  sauront,  ainsi  que  nous,  infini- 
ment de  gré. 


Pour  "paraître  dans  le  courant  d'août  chez  MARTINOiN,  rue  du  Coq-Saint- Honoré,  l\. 
LE  GRAND  ET  MAGNIFIQUE 

ILlANiCll  DE  U  REVUE  COIIDIII 

poiin      Ic^OO  ^ 

Renfcrinani  la  très-célèbre  prédiction  pour  cette  étonnante  année  découverte  en  1550  et  attribuée  au  grand 
Mi^chskol^ke.^ki  III  et  Irès-connuc  dans  les  provinces  danubiennes  sous  le  nom  de  Prophétie  Slave. 

Un  joli  volume  grand  iii-lO  illustré  de  noinbi'eu.ses  vignellcs, 
Far  EERTALI.,  NADARD,  FABRITZIUS,  etc. 

PkIX    :    50    CENTIMES. 


parij.  ~  Typa|r»p)ile  ri"n  Ui-m.  rus  i«  Vjustfjr4,  3C, 


i^ 


LA    BELLE    M'    lîOlS    DORMANT. 


Tous  ceux  qui  ont  appris  l'histoire  aux  sources  véri- 
tables savent  bien  qu'il  naquit ,  le  vingt-quatre  février 
18i8,  une  fille  légitime  de  la  Révolution  de  1789. 

Sitôt  qu'elle  vint  au  monde  à  l'Hôtel-de-Ville  de 
Paris,  où  se  font  ordinairement  ces  sortes  d'accouche- 
ments ,  toutes  les  fées  du  pays  de  France  se  présen- 
tèrent pour  doter  l'enfant  qui  venait  de  naître. 

a  Laissez-moi  entrer  ,  disait  la  fée  Mole,  j'ai  le  plus 
joli  cadeau  à  faire  à  la  petite  Révolution. 

—  Et  moi  aussi ,  criaillait  une  vieillotte  au  menton 
aigu,  qu'on  appelait  la  fée  Thiers,  sans  moi  l'enfant  res- 
tera rachitique  et  ne  pourra  jamais  marcher.  » 

11  vint  cinquante  autres  fées  de  première,  de  seconde 
et  même  de  troisième  puissance,  qui  toutes  préten- 
daient douer  le  marmot  de  quelque  charme  et  de  quel- 
que vertu  extraordinaire. 

Parmi  les  sages-hommes  qui  entouraient  le  berceau 
de  la  nouvelle  Révolution ,  les  uns  étaient  d'avis  qu'on 
admît  les  fées,  les  autres  voulaient  au  contraire  qu'on 
leur  fermât  la  porte  au  nez. 

Nous  n'avons  que  faire ,  disaient  ces  derniers,  de  ces 
vieilles  fées  qui  accourent  à  chaque  Révoluiion  qui  vient 
au  monde,  sous  prétexte  de  lui  faire  une  destinée  heu- 
reuse et  brillante ,  et  dont  l'influence  funeste  finit  tôt 
ou  tard  par  la  perdre.  Voyez  ce  que  la  fée  Thiers  et 
la  fée  Mole  ont  fait  de  la  Révolution  de  juillet.  Passons- 
nous  enfin  des  fées,  les  choses  n'en  iront  que  mieux. 

Comme  ce  sentiment  était  celui  du  peuple,  et  qu'en  ces 

jours  de  réjouissance  où  une  Révolution  naît  on  n'a  rien  à 

lui  refuser ,  les  fées  ne  furent  point  admises  à  l'Hôtel- 

de-ViUe,  ce  dont  elles  conçurent  un  vif  ressentiment. 

«  Que  deviendrons-nous,  se  dirent-elles,  si  nous  ne 


pouvons  plus  avoir  aucune  part  aux  affaires  publiques, 
et  si  on  nous  laisse  dans  notre  coin  ? 

—  Il  faut  nous  venger ,  dit  une  des  fées. 

—  Mais  comment  ?  demanda  la  fée  Mole,  la  petite  est 
bien  gardée,  tous  nos  efforts  pour  nous  emparer  d'elle  se- 
raient inutiles  et  nous  en  serions  pour  notre  temps  perdu. 

—  Il  faut  savoir  attendre,  répondit  la  fée  Thiers; 
quand  la  petite  Révolution  sera  grande  ,  elle  voudra 
marcher  toute  seule  ,  nous  nous  porterons  sur  son  pas- 
sage, et  après  ra\oir  enlevée  nous  la  conduirons  dans 
la  demeure  d'un  ogre  de  ma  connaissance ,  qui  la  cro- 
quera à  la  sauce  Robert.  Nous  pouvons  en  attendant 
vider  notre  gibecière  à  malices ,  et  lui  jouer  tous  les 
mauvais  tours  dont  nous  sommes  susceptibles. 

—  Bravo!  répétèrent  les  fées,  c'est  toujours  notre 
commère  Thiers  qui  est  la  plus  maligne,  »  et  tout  de  suite 
elles  se  mirent  à  l'œuvre. 

Nous  ne  raconterons  pas  une  à  une  toutes  les  ma- 
nœuvres que  les  fées  dirigèrent  contre  la  Révolution. 
Cette  énumération  grossirait  trop  notre  récit.  Comme 
l'enfant  grandissait  toujours  et  menaçait  d'atteindre 
paisiblement  sa  majorité,  les  fées  étaient  furieuses,  la  fée 
Thiers  surtout.  C'est  alors  que ,  la  rage  et  le  dépit 
aidant ,  il  lui  \int  une  idée. 

Tout  le  monde  a  entendu  parler  du  grand  empereur 
Cantalabutte,  premier  et  dernier  du  nom.  Ce  monarque, 
qui  régna  pendant  plusieurs  années  sur  les  Français, 
conquit  l'Inde,  la  Palestine  ,  la  Sibérie  ,  la  Thrace,  la 
Mésopotamie  ;  son  fils,  qui  devait  lui  succéder,  mourut 
après  lui,  il  ne  resta  de  la  famille  du  grand  Cantala- 
butte qu'une  ribambelle  de  neveux. 

Des  neveux  gras ,  des  neveux  maigres ,  des  neveux 


REVUE   COMIQUK 


blonds,  des  neveux  bruns,  des  neveux  qui  avaient  le  nez 
court,  des  neveux  qui  avaient  le  nez  long,  le  plus  bel 
assoiiinienl  de  neveux  qu'on  vit  jamais  sur  la  terre. 

Cantalabutle  le  Grand  était  de  son  vivant  un  fort  bon 
prince ,  qui  aimait  à  faire  ses  quatre  volontés  et  qui 
poussait  pcut-èire  cet  amour  un  peu  trop  loin;  mais  le 
licuple  français  honorait  fort  sa  mémoire,  parce  qu'il 
avait  conquis  la  Mésopotamie  :  les  paysans  surtout,  qui 
étaient  persuadés  (jue,  si  Cantalabutte  eût  vécu,  il  les 
ain'ait  tous  fait  maréchaux  de  France. 

Connaissant  bien  tontes  ces  dispositions  et  ayant  reçu 
les  instructions  de  la  fée  ïhiers,  les  fées,  couvertes 
de  divers  déguisements,  se  mirent  en  campagne.  La 
fée  Mole  était  vraiment  adorable  en  mameluk  de  la 
garde  de  Cantalabutte. 

Alors  on  vit  se  répandre  dans  tous  les  bourgs,  villa- 
ges et  bamraux  des  gens  qui  disaient  en  levant  les 
mains  au  ciel  :  «  Laisserons-nous  plus  longtciups  pourrir 
dans  l'exil  les  soixante  neveux  du  grand  Cantalabutte? 
A  quoi  sert  d'avoir  fait  une  révolution  et  d'être  en  ilé- 
publi(iue,  si  la  famille  de  Cantalabuite  est  bannie  de 
France?  Écoutez  un  vieux  soldat  qui  a  fait  la  guerre  de 
Mésopotamie,  nous  ne  serons  pas  heureux  tant  que  nous 
ne  verrons  pas  revenir  les  Cantalabutte.  » 

Ces  menées  eurent  le  résultat  que  vous  connaissez. 
La  frontière  fut  ouverte  aux  descendants  de  Cantala- 
butte le  Grand.  La  fée  Thiers  et  tous  les  petits  génies  qui 
obéissent  à  ses  ordres  ne  cessaient  de  crier  dans  le  Consti- 
lutionnet  :  «  La  Républi([uc  se  fait  grande,  il  faut 
songer  à  lui  donner  un  mari  ;  et  quel  autre  mari  pour- 
rions-nous choisir  que  le  neveu  du  grand  Cantalabutle? 

—  Mais  lequel?  il  y  en  a  soixante. 

—  Celui  qui  a  le  nez  le  plus  long. 

—  C'est  cela  ,  c'est  cela,  reprirent  les  pajsans,  ma- 
rions la  République  à  celui  qui  a  le  nez  le  plus  long, 
vive  Cantalabuite  neveu  !  Cantalabutte  ou  la  mort  !  » 

Le  mariage  a  eu  lieu  comme  vous  le  savez ,  et  la  re- 
lation de  la  cérémonie  a  |)aru  dans  le  temps  dans  toutes 
les  gazettes  de  Tturopc.  La  noce  fut  splendide.  On 
ressuscita  pour  la  circonstance  quelques-uns  des  usages 
de  l'ancienne  monarchie.  LeducVéron,  recou\ert  d'une 
armure  splendide  en  pâte  de  Regnauld,  et  le  baron 
Berlin,  étincelaut  de  rubis  taillés  dans  le  style  de  M.  Ja- 
nin ,  tinrent  le  poêle  au-dessus  de  la  tête  des  mariés. 
Les  fées  cette  fois  furent  de  'la  fête.  IClles  voulurent 
faire  leur  cadeau  à  l'épousée. 

«  Ma  chère  Répidilique,  lui  dit  la  fée  Thiers  en  s'a- 
vançanl  la  première,  je  vous  donne  l'expédition  de  Rome. 

—  Et  moi,  ajouta  la  fée  .Mule,  l'abandon  de  Venise 
et  de  la  Hongrie. 

—  Je  n'ai  peut-être  pas  le  droit  de  nie  faire  entendre 
ici,  murmura  modestement  la  fée  Berryer,  mais  je  suis 
bien  aise  de  vous  témoigner  tout  l'attacheinenl  que  je 
\ous  porte  ainsi  qu'à  votre  auguste  époux  ,  et  à  toute  la 
race  des  Cantalabutte,  daignez  accepter  de  ma  pari  ce 
simple  Falloux.  » 


Les  autres  fées  vinrent  ensuite  offrant  chacune  leur 
présent.  Ceux  qui  sont  curieux  d'en  voir  la  liste  exacte 
n'ont  qu'à  consulter  le  Moniteur.  Après  le  départ  des 
fées,  les  nouveaux  époux  entrèrent  dans  la  cluuubre 
nuptiale.  Les  premiers  qui  virent  la  jeuiu'  République 
le  lendemain  matin  s'a|)erçurenl  que  son  aii-  était  fort 
triste,  et  même  qu'elle  avait  pleuré. 

Voilà  donc  les  fées  inaîlresses  du  logis,  et  le  jeune 
Cantalabutte  ne  se  conduisant  que  par  leurs  conseil.s. 
Files  lui  persuadèrent  de  prendre  pour  gérer  ses  affaires 
un  \ieux  bonhomme  qui  s'appelait  Odilon  et  qui  était 
oiuièrement  h  la  dévotion  des  fées.  Tout  alla  bien  dans 
les  commencements;  les  fées,  toutes  d'accord  quand  il 
s'agissait  de  semer  la  zizanie  entre  Cantalabutte  et  sa 
femme,  se  divisèrent  lorsque  celui-ci  s'avisa  de  vouloir 
la  répudier.  Chacune  des  fées  proposait  une  fiancée.  La 
fée  lierryer  voulait  qu'il  épousât 

»  Qui  donc? 

—  La  Belle  au  bois  dormant. 

—  Enfin ,  nous  y  voilà ,  me  répond  le  lecteur  avec  un 
bâillement  prolongé ,  il  y  a  une  heure  que  vous  auriez 
dû  m'en  parler. 

—  Il  fallait  bien  débuter  par  un  prologue  pour  expli- 
quer la  situation  de  Cantalabutte. 

—  A  quoi  bon?  commencez  tout  simplement  comme 
ou  commence  :  Il  y  avait  une  fois. 

—  Comme  vous  voudrez.  Je  continue 

—  Dites  plutôt  que  vous  commencez. 

—  Je  commence  donc.  Il  y  avait  une  fois 

—  Un  roi  et  une  reine  :  bravo! 

—  C'est  ce  qui  vous  trompe.  Il  y  avait  une  fois  un 
prince  gros,  gras  et  blond,  fort  aimable  du  reste,  et 
même  un  peu  boiteux.  11  s'appelait 

—  Je  brûle  de  savoir  son  nom. 

—  Il  s'appelait  M.  Crédit.  Un  papetier  du  passage 
Choiseul ,  M.  Jeanne ,  lui  avait  donné  ce  nom  bizarre, 
que  ses  jiarlisans  avaient  adopté  avec  enthousiasme.  Il 
avait  bien  reçu  un  autre  sobriquet  autrefois. 

—  Lequel  ? 

—  Celui  d'Enfant  du  miracle ,  mais  en  prenant  de 
rembon])oint  il  y  avait  renoncé. 

—  Cette  marque  de  goût  honore  infiniment  ce  jeune 
prince  aimable  et  bossu. 

—  J'ai  dit  boiteux. 

—  Aimable  et  boiteux,  pourMiiMZ.jesuis  loul  oieilles. 

—  L'Enfant  du  niirarlc 

—  Vous  venez  de  dire  (pi'il  s'appcbiit  i\L  Crédit. 

—  C'est  vrai,  AL  Crédit  ou,  pour  nous  exprimer 
plus  convenablement  (pie  AL  Jeanne,  papetier  du  pas- 
sage Choiseul,  le  prince  (jédil  avait  été  élevé  dans  un 
château  de  la  Mauritanie.  Lue  magicienne,  amie  de  sa 
famille,  avait  |)rédit  à  sa  mère  (ju'il  était  destiné  à  dés- 
enchanter la  véritable  monarchie,  qui,  comme  on  sait, 
dort  depuis  près  de  ceni  ans  d'un  .sommeil  qui  lui  a  été 
inlligé  par  un  mauvais  génie  qu'on  appelle  le  Peuple. 

—  J'avoue  que  je  ne  le  savais  pas. 


DKi  A  Kiri-ns  Diii-Kiîi  \  is  im;<)m:\\m    dk  i.\  \m.mk  cmsk. 


M)i  \i:i,i,i,s  i»i-:  iniNt.Mi.. 


l.cs  Russes  ont  i-nvalii  la  Hon- 
j        griu  par  quatre  puïiils    différcnta. 
.        L'armée  autficliienne  qui  s'usi  con- 
centrée aux  environs  de  Preshourg 
"~.v^         ■»  prendre  vigo.irtîuscment  luIT^n- 
A  ^        hivc,    et    l'insurrtclicn    Mnggyarc 
s'-ra  prompteincnt  étoufTée  sou^  ks 
forces  rt'unieij  des  deux  empires. 


L-  s  Ma^gyarts  ne  peuvent  son 
f^tT  à  ttsister;  de  tous  côtés  ils  se 
retirent  devant  lea  difTérents  corps 
d'armée  qui  avancent.  Pest  et  Bade 
ont  été  abandonnés  par  eux  en 
même  temps  que  Debreczin  était 
occupé  par  le  niaréclial  Paskewitch. 


L  s  Russes  et  les  Autrichiens 
marchent  en  avant  sans  rencontrer 
de  véritable  résistance.  Partout  les 
Miggyares  se  retirent  après  quel- 
ques combats  où  l'avantage  reste  \ 
aux  Impériaux  Bienlùt  les  insurgés 
seront  enfermés  dans  les  marais  de 
la  Theiss,  leur  dernier  refuge. 


Le;  M^f;gyar<:s  ont  repris  l'i  IÎlu- 
sive  sur  toute  la  ligne  ;  leur  retraite 
vers  les  marais  de  la  Tlieiss  n'était, 
il  parait,  qu'une  liubile  manœuvre, 
et  ils  ont  fait  payer  cher  aux  Impé- 
riaux leurs  premiers  succès.  H'un 
côté,  l'infatigable  Bem  a  détruit  les 
troupes  du  ban  Jelhichich,  pendant 
que  DembinsUi  et  Georgey  d'autre 
part  taillaient  en  pièces  une  divi- 
sion russe. 


REVUE   COMIQUE 


—  Vous  m'interrompez  sans  cesse,  et  vous  nie  faites 
perdre  le  fil  et  le  ton  de  ma  nairalion. 

—  Je vousdoraaude un  million  de  i>nidons,  conliiuicz. 

—  Or  donc  le  prince  Crédit  s'amusait  un  jour  au 
royal  jeu  de  tonneau  dans  la  cour  de  son  château  en 
compagnie  de  son  gouvcrnetu-,  lorsqu'on  vint  lui  dire  : 

—  Sire,  voici  une  lettre  qu'on  m'a  chargé  de  vous 
remettre. 

—  Est-ce  le  Ciial  botté  qui  l'a  portée? 

—  C'est  un  monsieur  en  habit  noir,  qui  attend  voire 
réponse. 

—  Qu'il  attende. 

Le  prince  Crédit  lui  la  lettre  suivante  : 

Sire , 

Placé  en  observateur  pour  vous  prévenir  exacte- 
ment du  jour  où  sonnerait  l'heure  de  la  délivrance , 
je  crois  devoir  vous  écrire  que  le  moment  est  venu  de 
tirer  la  monarchie  au  bois  dormant  de  son  sommeil 
centenaire.  D'après  l'ordre  des  génies,  vous  seul  pou- 
vez opérer  le  désenchantement  de  la  princesse.  Ac- 
courez donc,  c'est  l'instant,  c'est  le  moment,  ou  n'at- 
tend plus  que  vous. 

De  Votre  Majesté  le  1res -humble,  trés-obéissant , 
très-fidèle  serviteur  et  sujet , 

Don  Fallax. 

Aussitôt  cette  lettre  lue,  le  prince  Crédit  demanda 
ses  socques  et  son  parapluie,  et  il  partit  en  disant  à  son 
gouverneur  :  Suivez-moi,  fidèle  serviteur  de  mes  temps 
d'adversité,  avant  qu'il  soit  huit  jours  nous  jouerons  au 
bouchon  dans  le  palais  de  mes  pères. 

Au  bout  de  huit  jours  eu  effet,  le  prince  Crédit  niellait 
le  pied  sur  l'escalier  du  château  où  dormait  la  monarchie. 

Il  entra  d'abord  dans  une  avant-cour  où  tout  ce 
qu'il  vit  était  capable  de  lo.glacer  de  crainte.  C'était  un 
silence  affreux,  l'image  de  la  mort  s'y  présentait  par- 


tout, et  ce  n'était  que  des  corps  étendus  d'hommes  qui 
paraissaient  sans  vie.  En  s'approchaiit  de  la  fenêtre,  le 
prince  vit  sur  le  boid  des  fossés  du  château  des  vilains 
ariués  d'un  bàlon  qui  |iaraissaienl  tréi)assés  devant  des 
grenouilles  défuntes. 

Il  monte  l'escalier,  il  entre  dans  la  salle  des  mous- 
quetaires, qui  étaient  rangés  en  haie,  la  pertuisane  sur 
l'épaule,  et  ronflant  de  leur  mieux.  11  entre  dans  une 
salle  toute  dorée  ,  et  il  voit  sur  un  lit,  dont  les  rideaux 
étaient  ouverts  de  tous  côtés,  le  plus  beau  siiectacle 
qu'il  eût  jamais  vu  :  une  princesse  qui  paraissait  soixante 
il  soixanic-dix  ans,  et  dont  l'éclat  resplendissant  avait 
quelque  chose  de  lumineux  et  de  divin.  Il  ap[uocl)a  en 
tremblant,  et  se  mil  à  genoux  aui)rés  d'elle.  Alors, 
comme  la  fin  de  l'enchantemenl  était  venue,  la  prin- 
cesse se  réveilla ,  et  le  regardant  avec  des  yeux  plus 
tendres  qu'une  première  vue  ne  semblait  le  permcltre  : 

—  Est-ce  vous,  cher  Crédit?  lui  dit-elle. 

—  Moi-même ,  répondit  le  prince. 

—  Vous  vous  êtes  bien  fait  attendre  ! 

—  Mieux  vaut  lard  que  jamais. 

—  Charmant  !  divin  !  c'est  tout  le  jwrtait  d'Henri  IV! 
s'écrièrent  alors  une  foule  de  voix. 

On  leconnut  à  ces  exclamations  que  la  fin  de  l'en- 
chantement était  aussi  venue  pour  les  courtisans,  et 
qu'ils  commençaient  à  se  réveiller. 

Cependant  tout  le  palais  s'était  réveillé  avec  la  Mo- 
narchie, chacun  songeait  à  faire  sa  charge. 

Les  grenouilles  coassèrent  et  les  manants  battirent 
l'eau. 

—  Par  la  mordieu  ,  s'écria  le  Hniil  de  jambage, 
voilà  bien  longtemps  que  je  ne  fais  rien  ,  allons  voir  si 

mes  vassaux  se  marieut  toujours Venire-saint-gris, 

voilà  une  assez  gentille  jouvencelle  qui  sort  de  l'église  ; 
qu'on  m'amène  cette  jeune  manante,  et  que  ce  marou- 
fle allende  que  je  l'aie  honorée  de  ma  vi^ite. 


LA   BELLE  AU  BOIS  DORMANT. 


Dessiné  par  Bertall. 


Gravé  par  Balx.o<t 


90 


REVUE  COMIQUE. 


Çà  !  qu'on  amène  ce  vilain  devant  M.  le  sénéclial , 

et  qu'on  le  loiluie  un  peu  pour  savoir  où  il  a  tut-  ce 
lièvre. 

—  Qu'on  m'apporte  tous  les  livres  qui  ont  paru  pon- 
dant mon  sommeil  ;  j'or^loune  qu'on  les  fasse  brùh  r  en 
masse  par  la  main  du  bourreau. 

Les  exempts  qui  bâillaient  encore  se  mirent  à  cou- 
rir [wur  exécuter  l'ordre  du  parlement  ;  tandis  que  les 
soldats  delà  marécliaussée,  en  s'étirant  les  bras,  mar- 
clièrent  h  la  découverte  du  braconnier. 

La  dame  d'iionneur  vint  dire  tout  liant  à  la  prin- 
cesse que  la  \iande  était  servie.  Le  prince  Crédit  aida 
Il  prip.cesse  à  se  relever  ;  elle  était  tout  habillée  et  fort 
niagniliquenKut  a\ecdes  paniers,  mais  il  se  garda  bicii 
de  lui  dire  qu'elle  étiiit  vêtue  comme  sa  mère  grand' 
et  qu'elle  avait  un  collet  monté.  Ils  passèrent  dans  un 
salon  de  miroirs  et  y  snupèrcnt  servis  par  les  otticiers 
de  la  Monarchie,  qui  ét.iiont  à  savoir  : 

Le  grand  écbanson  ; 

Le  grand  i)anelicr  ; 

Le  grand  sommelier  ; 

Le  grand  confiturier. 

Les  douze  petits  violons  et  les  hautbois  jouèrent  de 
vieiUes  pièces,  mais  excellentes,  quoiqu'il  y  eût  plus  de 
cent  ans  qu'on  ne  les  jouât  plus,  et  après  souper,  sans 
perdre  de  temps,  le  grand  aumônier  les  bénit  et  la  dame 
d'honneur  leur  tira  le  rideau.  Ils  dormirent  peu,  la  Mo- 
narchie n'eu  avait  pas  grand  besoin  ;  et  le  prince  la 
quitta  dès  le  matin  pour  aller  terminer  l'enchantement 
de  tous  ses  sujets. 

Il  réveilla  : 

Les  corporations  et  les  jurandes; 

Les  apanages  et  les  dotations  ; 

Les  petits  et  gran  's  droits  fé  '! r.ix  ; 

Les  gabelles  ; 

La  géhenne  et  la  torture; 

La  roue  et  le  gibet; 

L'inquisition  ; 

Les  jésuites  ; 

Enfin  tous  les  appuis  et  les  soutiens  de  la  Monarchie. 

Un  des  courtisans  qui  avait  le  plus  applaudi  l'ai- 
mable réponse  du  prince  dont  nous  avons  jjarlé  tout  à 
l'heure  fut  chargé  de  réveiller  les  vieux  dictons  des 
vieux  rois  de  France  : 

0  Je  veux  que  tous  mes  sujets  aient  la  iiDuleau  put;  » 
«  liien  n'est  chanijé,  H  n'y  a  qu'un  Français  de  plus;  » 


et  toutes  les  autres  facéties  dont  l'énuméraiion  sérail 
trop  longue. 

on  essaya  de  réveiller  les  étals  généraux,  mais  en 
vain.  A  peine  remis  sur  leurs  jand)es,  ils  se  détraquè- 
rent et  tombèrent  en  mille  pièces. 

Il  en  fut  de  même  de  l'assemblée  des  notables,  d(mt 
on  ne  put  i)arveiiir  à  rajuster  les  morceaux, 

De  moineni  eu  moment  le  château  se  remplissait  de 


gens  que  l'on  croyait  morts  et  dont  l'enchantement  ve- 
nait de  finir  avec  celui  de  la  Monarchie.  Les  surinten- 
dants, les  gouverneurs  de  province ,  les  traitants ,  les 
sous  traitants,  les  lieutenants  criminels,  les  sénéchaux, 
les  baillis,  le  respectable  corps  des  archers,  précèdes  de 
M.  le  chevalier  du  guet. 

Ce  cortège  défila  devant  la  Monarchie,  qui  ne  se 
la^sait  pas  d'admirer  l'air  de  jeunesse  et  de  fraîcheur 
répandu  sur  toutes  ces  figures. 

Dans  la  journée,  le  prince,  qui  prit  dès  lors  le  litre 
de  Crédit  I",  s'entreiint  plu-ieurs  fois  avec  don  Fal'a'c 
et  daigna  faire  une  partie  de  bouihon  avec  lui.  Cette 
haute  marque  de  faveur  et  d'estime  fit  même  murmurer 
les  courtisans,  qui  trouvèrent  que  c'était  trop  d'honneur 
accordé  à  un  homme  de  robe;  mais  ils  se  turent  quand 
on  sut  que  le  roi  lui  avait  confié  la  feuille  des  bénéfices. 
Réveillé  dès  la  veille,  l'abiié  de  Genoudc  devait  le 
soir  même  faire  devant  la  cour  l'cs.sai  de  sa  nouvelle 
machine  de  gouvcriiemcut,  dite  supagc  imivcvsd 
à  deux  deijrcs;  mais,  comme  on  découvrait  la  ma- 
chine eu  présence  du  grand  chancelier ,  M.  de  Genoude 
s'aperçut  qu'un  des  rouages  était  brisé.  Aussitôt,  se 
mettant  en  fureui-,  il  déclara  qu'il  se  vengerait  de  ce 
mauvais  tour  de  ses  ennemis  ;  et  il  quitta  la  cour  le  soir 
même  en  menaçant  le  roi,  la  relue,  et  tout  l'auguste 
bataclan,  du  refus  de  l'impôt. 

—  Qu'ils  lassent  vendre  mes  meubles,  s'écria-t-il  en 
parlant,  je  renonce  'a  servir  des  gens  qui  brisent  les 
rouages  du  suffrage  luiivcrsel  à  deux  degrés. 

La" joie  générale  empêcha  qu'on  ne  prîl  garde  à  cet 
incident,  qui,  en  d'autres  temps,  n'eût  pas  manqué  de 
fnire sensation.  Il  y  eut  gala  au  château  et  bal,  où  Cré- 
dit I"  se  montra  fort  gracieux  dans  le  menuet.  Sur  le 
minuit  un  grand  bruit  se  fit  entendre  dans  les  airs  tra- 
versés par  un  char  de  feu  traîné  par  des  dragons  volants  ; 
le  char  s'arrêta  sur  le  balcon  de  la  salle  de  bal ,  et  on 
en  vit  descendre,  en  costume  "de  génie,  le  papetier 
Jeanne  du  passage  Choiscul:  il  salua  trois  fois  le  couple 
roval  et  déposa  une  corbeille  de  petits  busles  à  ses  pieds. 
Crédit  1"  releva  avec  boulé  le  papetier  Jeanne,  qui 
s'était  agenouillé,  et  lui  accorda  des  lettres  de  noblesse. 
Une  pluie  de  médailles  inonda  au  même  moment  la 
saile.  Jeanne  remonta  sur  sju  char  pour  retourner  au 
passage  Choiscul.  Après  quoi  le  roi  et  la  reine  furent  se 
uMirc  au  lit,  el 

—  Je  connais  la  lin  du  conte  :  "  Us  furent  heureux 
.)  et  ils  eurent  beaucoup  d'enfants.  » 

—  C'est  précisémenl  là  ce  qui  vous  trompe.  Mais  n'an- 
ticipons pas  sur  les  événements. 

Le  lendemain,  pour  terminer  cuiiii)léicment  celle 
restauration  nnraculeuse ,  le  roi  annonça  (pi'il  allait  se 
faire  sacrer  à  Reims. 

Tout  le  monde  était  donc  réuni  sur  le  perron  du 
château  ,  prêt  à  pariir  pour  le  sacre ,  husque,  au  mo- 
ment de  sonner  le  boute-.selle,  les  ironiiicttes  tombèrent 
des  mains  des  trompettes. 


A   LUSAGK   DES  GE^S  SÉRIEUX. 


ttl 


Quoiqu'il'  ont  donc  à  vouloir  i 


■  p'iisqu'il  est  mort. 


Les  liérau's  d'iimifs,  qui  criaient  «  Noël  !  Nuël!  «  se 

tUIXMll. 

Les  inntisqiiclaircs,  prèis  à  niouter  à  cheval ,  se  scii- 
lirciil  cloués  à  terre.  Les  courtisans  restèriiil  comme 
liges  leur  chapeau  à  la  main. 

La  Monanhie  venait  de  se  rendormir,  et  Crédit  1" 
gisait  aussi  h  son  côte  s-jr  les  banquettes  de  la  voiture 
du  sacre.  Ils  dormaient,  mais  celle  fois  c'était  pour  tout 
de  bon. 

—  Ce  n'est  pas  ainsi,  autant  qu'il  m'en  souvient, 
que  Duit  le  conte  de  Perrault. 

—  Uu  temps  de  Perrault  la  fée  Ilévoluliou  n'existait 
pas  encore.  Elle  n'avait  eu  qu'à  se  montrer  et  à  toucher 
ces  spectres  de  sa  baguette  jwur  les  faire  rentrer  dans 


le  néant.  Ainsi  finit  l'histoire  du  prince  Crédit  et  de  la 
Monarchie  au  bois  dormant. 

—  Déjà  ? 

—  C'est  bien  assez  long  comme  ça. 

—  Puisque  je  ne  dors  pas  encore,  achevez-moi  l'his- 
toire de  Cantalabutte  neveu  et  de  la  fée  Iliiers.  Nous 
en  étions  restés  au  moment  où... 

—  Je  vous  raconterai  celle  histoire  une  aulre  fois. 

—  Quand? 

—  Dans  vingt  ans,  lorsque  nous  ne  serons  jjIus  eu 
élat  de  siège.  » 

Jea>  VERTOT. 


CE  QUE  CHACLN    DIT. 


Lis  journaux  bonapartistes  tl  autres  parlent  d'une 
revue  de  cent  cinquante  mille  hommes,  armée  et  garde 
nationale,  qui  doit  être  passée  le  15  août  par  le  prési- 
sidenl  de  la  Pvépublique. 

I'  En  l'honneur  de  la  Vierge? 

—  Du  tout,  c'est  pour  célébrer  la  fête  de  l'empereur 
Napoléon. 

—  Qu'a  de  commun  Napoléon  l'empereur  avec  la 
RépubUque  ? 

—  Cherchez. 


—  J'ai  beau  clurchcr. 

—  Cherchez  encore. 

—  Je  ne  trou\e  rien.   N'est-ce  pas  Napoléon  qui  a 
renversé  la  République  ? 

—  Sans  doute. 

—  N'a-t-il  pas  rcm;>lacé  la  hberlé  par  le  gou\erne- 
mcnt  despotique? 

—  Certainement  ! 

—  Moi,  qui  suis  républicain  ,  je  ne  vois  pas  pour- 
quoi je  célébrerais  la  fête  de  l'emptreur  Napoléon.  » 


REVUE  COMIQUE 


Un  peu  plus  loin  vous  rencoiUrcz  un  Icgiiimislc  : 
..  Savcz-vous  pourquoi  le  président  passe  en  revue 

les   troupes   de   la  garnison  et  la  garde  nationale  le 

15  août ,  vous  ne  devinez  pas  ! 

—  Non. 

—  Le  15  août  est  le  jour  de  la  fête  de  Napoléon. 

—  Eh  bien  ? 

—  Ne  faut-il  pas  solenniser  cet  anniversaire  !  Nous 
célébrerons  donc  la  Saint-Napoléon. 

—  Un  joli  saint,  qui  a  fait  fusiller  le  duc  d'Enghien  ! 
Je  trouve  vraiment  bizarre  qu'à  une  époque  prétendue 
de  liberté,  on  veuille  me  forcer  à  célébrer  l'anniversaire 
d'un  tel  homme.  On  peut  battre  le  rappel  tant  qu'on 
voudra ,  je  pars  demain  pour  la  campagne.  » 

Au  coin  de  la  rue,  un  orléaniste  vous  aborde  ; 
o  Nous  avons  donc  une  grande  revue  le  15  ? 

—  Les  journaux  le  disent 

—  J'aurais  préféré  que  ce  fût  le  10. 

—  Oui,  mais  le  15  est  le  jour  de  la  fcte  de  l'empe- 
reur Napoléon. 

—  Qu'importe  ? 

—  Comment,  qu'importe!  Mais  c'est  pour  célébrer 
cette  fête  que  la  journée  a  lieu. 

—  L'empereur  Napoléon!  plus  souvent  que  je  célé- 
brerai sa  fête  !  Si  le  roi  Louis-Philippe  n'avait  pas  placé 


sa  statue  sur  la  colonne  de  la  place  Vendôme,  s'il  n'avait 
pas  fait  revenir  ses  cendres  à  Paris ,  et  laissé  l'exalter 
avec  une  imprudence  vraiment  sans  exemple,  nous  ne 
serions  pas  où  nous  en  sommes,  et  je  sais  bien  qui  au- 
rait été  nommé  le  10  décembre  à  la  place  de  >1.  Louis 
Bonaparte.  La  fête  de  Napoléon!  je  m'in  moque  pas 
mal!  S'il  n'y  a  que  moi  pour  la  célébrer,  je  vous  assure 
qu'on  ne  verra  personne  à  la  revue. 

Il  est  de  fait  que  personne  ne  s'explique  la  célébra- 
tion de  la  fête  de  l'empereur  Napoléon  ,  à  moins  que  la 
République  française  ne  se  réjouisse  en  rimmieiir  de 
celui 

Qui  déporta  les  républicains  ; 
Qui  supprima  les  journaux  ; 
Qui  emprisonna  les  écrivains; 
Qui  exila  les  penseurs  indépendants  ; 
En  un  mot,  qui  pendant  quinze  ans  plaça  la  Fiance 
et  Paris  sous  le  régime  de  l'état  de  siège  moral. 

Certes  le  gouvernement  apprécie  tous  ces  titres,  mais 
il  paraît  que  la  revue  du  15  a  un  autre  but. 
«  Lequel? 

—  Vous  êtes  trop  curieux  ;  ce  sont  là  de  ces  choses 
que  dans  les  temps  où  nous  vivons  il  est  permis  de 
dire,  mais  qu  il  faut  bien  se  garder  d'écrire.  D'ailleurs, 
vous  n'avez  pas  longtemps  à  attendre  pour  en  savoir 
autant  que  moi.  » 


PROCLAMATION   DU   GENERAL   OUDINOT   A   L'ARMÉE  FRANÇAISE. 


Mes  trls-chers  frï;res,  | 

Le  pape  va  prochainement  faire  son  entrée  dans  ^ 
Rome.  Il  faut  nous  préparer  h  cette  grande  solennité,      j 

Les  Romaius ,  malgré  notre  présence ,  persistant  à 
rester  sous  la  pression  d'une  poignée  de  factieux ,  c'est 
l'armée  française  qui  sera  chargée  de  suppléer  à  leur 
enlhousiasme.  Avec  l'aide  de  sainte  Pliilomène  ,  il  faut 
espérer  qu'elle  en  viendra  à  bout. 

J'ai  ordonné  à  cet  effet  qu'on  adressât  des  prières 
publiques  à  cette  sainte ,  et  j'ai  prescrit  que  chaque 
homme  récitât  à  l'appel  du  soir  un  Pater  et  un  Avé  à 
celte  intention. 

Soldats  mes  très-chers  frères,  vous  venez  de  termi- 
ner une  campagne  pénible  et  glorieuse  ,  une  récompense 
vous  est  due  pour  tant  de  travaux;  cette  récompense, 
soldats  !  est  digue  de  vous  et  de  la  France. 

On  tirera  au  sort  dans  chaque  compagnie  un  soldat 
qui  sera  admis  à  1  insigne  honneur  de  baiser  la  mule  du 
pape.  Ceux  qui  seront  l'objet  de  celte  faveur  précieuse 
auront  droit  à  des  indulgences  plénières,  et  ils  seront 
exemptés  de  la  nécessité  de  faire  maigre  pour  le  reste 
de  leurs  jours. 


Tous  les  officiers  de  l'armée  française ,  sans  distinc- 
tion de  grade  ni  d'arme,  baiseront  également  la  mule 
du  pape.  Votre  général  ne  demande ,  pour  prix  de  ses 
efforts ,  que  l'insigne  honneur  de  remplir  ce  devoir  le 
premier. 

Le  reste  de  l'armée  aura  sa  part  des  réjouissances. 
Le  sacré  collège  a  rédigé  un  Programme  que  je  dois 
porter  à  la  connaissance  de  tous. 

Article  l".  — Pendant  la  journée,  des  deux  fontaines 
de  la  place  du  Peuple  couleront  des  scapulaires. 

ART.  2.  —  Chaque  soldat  recevra  double  ration  de 
I  vin  et  un  chapelet  bénit. 

I  ART.  3.  —  Il  y  aura  un  mât  de  cocagne  devant  le 
j  Vatican,  au  sommet  duquel  sera  suspendu  un  vrai  mor- 
1  ceau  de  la  vraie  culotte  de  saint  Pancrace. 

Rien  n'est  oublié,  on  le  voit,  pour  rendre  cette  fêle 
digne  de  celui  qui  en  est  l'objet.  Soldats!  il  faut  vous 
préparer  à  jouer  votre  rôle  dans  cette  cérémonie  par  la 
prière  et  la  sanctification. 

Allez  à  la  messe  tous  les  matins. 

Confessez-vous  deux  fois  la  semaine. 


A  L'USAGK   DKS   GENS  SKRIKUX. 


Ceux  ([ui  maii([iieioiil  ù  ces  prcscriplioiis  iront  pciiir 
deux  JDurs  h  la  salle  de  |)olice.  A  la  |)rcuiière  récidive, 
le  cachot. 

Il  faut  prouver  au  monde  (pie  nous  sonini(  s  les  sol- 
dats du  président  Irès-chrélieu  et  que  la  Ré|)ul)li(iue 
française  est  la  fdle  aînée  lU-  l'Église. 

Votre  général  vous  donnera  l'exemple.  Demain  vous 
le  verrez  partir  en  costume  de  pèlerin  pour  Nolre-Damc- 
de-Lorclte.  J'y  vais  passer  quelcpies  jours  dans  le  jeûne 
et  dans  la  pénitence  pour  me  rendre  digne  d'aiiproelier 
le  souverain  pnntife. 

Continuez  pendant  mou  absence  à  donner  l'exemple 
de  toutes  les  vertus  militaires  ;  forcez  vos  ennemis  à 
vous  admirer. 


Que  les  factionnaires  portent  les  armes  à  la  soutane. 

Que  les  soldats  qui  passent  devant  une  madone  au 
coin  de  la  rue  saluent  et  fiéchissent  le  genou. 

Si  un  cardinal  vient  It  passer  devant  un  poste,  que 
l'oflicier fûSH'  sortir  tous  les  soldats  et  qu'ils  reeoiMiit  à 
genoux  la  héiiédiclion  de  Son  Imminence. 

,Ic  ne  vous  cacherai  point,  soldats,  que  le  pape,  lou- 
ché des  services  que  je  lui  ai  rendus,  m'a  offert  la 
pourpre;  j'ai  refusé  (lour  ne  |)oint  vous  (pjiticr,  je  veux 
vous  ramener  dans  vos  foyers.  Soldats  de  l'expédition 
romaine,  vos  pères  ont  pu  dire  :  Nous  avons  pris  Vieiuie, 
Moscou,  Berlin;  vous  direz  à  vos  enfanis  :  Nous  avons 
baisé  la  mule  du  pape! 

UON  (JL'DiNor  Di;  Re(;gio. 


FEU  ET  ENTHOUSIASME  d'ARTIFICE 

à  l'usage  (les  Romains . 
Paroles,  musique  et  exécution  du  révérend  Don  Oudinut  de  Keg 


UKVUK  COMIQUI-: 


IL  FAUT  RETABLIR  LES  JEUX  ET  LA  LOTERIE. 


J'ai  rciicoiilrO  hier  dans  la  rue  de  la  l'aiv  une  longue 
lile  de  gens  vOlus  d'habits  noirs  làjx's. 

..  Quels  sont  ces  hommes?  deniandai-je  à  un  mar- 
chand qui  regardait  passer  le  cortège  sur  la  porte  de  sa 
boutique. 

—  r.c  sont  les  anciens  e roupiers  de  Fiascati  qui  vont 
porter  leurs  félicitations  à  M.  Véron. 

—  A  M.  Véron!  Pourquoi? 

Parce  qu'il  soutient  un  projet  qui  consi-le  a  faire 

subventionner  l'Opéra  par  la  \ille  de  Paris,  qui  rece- 
vrait en  échange  le  produit  de  la  ferme  des  jeux.  ■■ 

J'ai  pris  des  rens;  ignemcnts  plus  détaillés  ;  et  je  suis 
bien  aise  de  dire  que  M.  Véron  dans  cette  affaire  n'est 
que  le  représentant  de  la  rue  de  Poitiers,  et  qu'il  pa- 
trone  avant  tout,  dans  le  Coiistitutionnd,  me  idée 
d'ordre  et  de  conservation. 

Si  nous  voulons  gouverner  en  paix,  a  dit  M.  Thiers, 
il  faut  distraire  le  public  des  idées  politiques.  C'est  la 
suppression  des  jeux  qui ,  bien  plus  que  le  refus  de  l'ad- 
jonction des  capacités,  a  renversé  la  nionarcliic  de 
juillet. 

Il  faut  des  dérivatifs  aux  passions  des  masses;  mais 
les  passions  ne  se  remplacent  que  par  d'autres  passions. 
A  la  passion  révolutionnaire,  substituez  la  passion  du 
jeu. 

Ces  paroles  ont  fructifié  dans  les  âmes  honnêtes  et 
modérées.  Il  faut  rouvrir  Frascati  !  telle  est  la  réponse 
des  Calons  de  la  rue  de  Poitiers  à  toutes  les  questions 
qu'on  leur  adresse. 


—  La  silualion  est  grave. 

—  Il  faut  rouvrir  Frascati  ! 

—  Les  affaires  ne  reprennent  pas. 

—  Il  faut  rouvrir  Frascati  ! 

—  Les  Ciipitaux  se  resserrent. 

—  Il  faut  rouvrir  Frascati  ! 

Mais,  par  exemple,  il  faudra,  si  celle  réouverture  a 
lieu,  que  l'on  modifie  le  règlement  de  l'élablissement. 

Ainsi  je  deniaude  formellement  qu'on  y  soit  admis  en 
blouse  et  en  casciuette,  et  même  en  manches  de  che- 
mise ; 

Qu'on  abaisse  le  taux  des  mises  jusqu'à  vingt-cinq  cen- 
times: il  faut  bien  faciliter  aux  ouvriers  les  abords  du 
tapis  vert,  tous  les  citoyens  ne  doivent-ils  pas  être 
égaux  devant  la  roulette  ! 

La  société  ne  saurait  trouver  un  meilleur  cxutoirc  que 
Frascati. 

Dounez  à  Proudhou  la  facilité  de  piquer  tout  le  jour 
des  martingales  et  de  chercher  les  nioxens  de  résou- 
dre le  grand  problème  de  gagner  toujours  au  jeu ,  et 
je  vous  assure  qu'il  ne  songera  pas  à  lancer  sur  la  so- 
ciété des  bond)cs  chargées  d'antinomies  incendiaires. 

Est-ce  que  Pierre  Leroux  aurait  inventé  la  triade  s'il 
avait  pu  passer  son  temps  à  trouver  une  combinaison 
pour  faire  sauter  la  banque? 

Quant  aux  conspirateurs,  Frascati  les  détruit  tous. 
Est-ce  que  les  joueurs  ont  jamais  fait  des  conspirateurs 
sérieux  ? 

Frascati  est  le  palais  de  la  fortune.  Commeni  serait- 


IXS   AVENTURES    DIVERTISSANTES   ET    NON    POLITIQUES 

J),:  iMi'ilrr  Liipji  cl  de  son  apiiriali  ril'fS. 


Pipps,  l..rsque  sortaol  de 
l'école  il  entre  chez  maî- 
tre Lapp  pour  appren- 
dre la  noble  profession 
de  uillenr. 


Mailrc  Lapp  trouve  quelque  chose  &  r<  prendre  dans  le 
costume  de  son  apprenti ,  et  l'habille  d  une  manière 
plus  convenable. 


Pipps  a  été  livrer  un  habillement  complet  à  un  étran- 
ger, et  rapporte  la  facture  impayée,  avec  celle  obser- 
vation :  Ce  mossieu  passera  demain. 


A    i;rSAflK   DKS  GKNS   SKIUKLX. 


on  malheureux  lors(iUf  l'un  peut  se  dire  :  Avec  cinq  sous, 

jf  puis  sngiier  nue  rorliuic!  l.'espi'Tanre  lioin|)e  la  fiiiin, 
l.ii.ssoiis  resp(''ianci'  aii\  iiialheuiouv. 

Prenez  garde  aux  vols,  aux  suicides,  dirent  les  pi)ii- 
tiipies  liniiiies,  le  jeu  est  le  père  de  tous  les  rrinics. 
(^uand  il  y  aurait  (pielques  suicides  et  (juelques  vois  de 
plus  à  la  fiu  de  l'auiiée,  le  beau  malheur  !  Les  catastro- 
phes iu(li\idu(llis  fout  la  sécurité  de  la  société  tout  en- 
tière. Sans  soupapes,  le  niuude  éclaterait.  Rétablissons 
la  grande  soupape  du  jeu. 

Mais  point  de  deuii-inesurc  ;  il  faiii  an  rétablissement 
des  jeux  un  corollaire ,  c'est  le  léiablissement  de  la  lo- 
terie. Les  portièiTs,  les  femmes  du  peuple,  les  oiivrièri's 
ne  peuvent  ])as  aller  à  Frascati,  ou\rons-leur  h  chaque 
coin  de  rue  des  Frascati  en  magasin.  Distribuons  des 
bmeaux  (le  loterie ,  cela  nous  fera  quelques  créatures 
de  plus,  et  le  grand  parti  de  l'ordie  eu  a  besoin.  I.a  lo- 
terie, c'est  le  trente  et  quarante  des  femmes,  la  rou- 
lette du  proléiaire  en  jupon.    Hévcz  ambes,  extraits, 


quateriies,  jeunes  fdles,  cl  votre  chambrcitc  vous  paraî- 
tra moins  froide  l'hiver;  et  vous,  vieilles  femmes,  vous 
oid)liere/.  vos  infirmités  .sur  votre  grabat,  et  si  votre 
dernière  jiimnée  de  travail,  votre  dernier  écu  d'écono- 
mie dispaiaissent  sur  le  tapis  vert  de  la  loterie,  la  ri- 
\ière  est  là  ,  elli;  coule  pour  tout  le  monde.  Le  récit  de 
votre  mort  sera  mis  dans  les  journaux,  et  il  servira  en- 
core à  procurer  des  émotions  aux  femmes  nerveuses  et 
délicates  des  agents  de  change,  des  banquiers  et  des  cou- 
lissiers. 

Le  Consiiiutiiiniiit  n'a  point  encore  produit  au 
yrand  jour  ce  projet  .  auiiuel  les  inembr.s  les  plus  in- 
Hucnts  de  la  rue  de  Poitiers  prêtent  leur  appui,  f.o  gou- 
vernement est  trop  ami  de  la  politiipie  hojinète  et  mo- 
dérée pour  ne  point  le  sanctionner.  Je  ri'g:u-de  le 
rétablissement  des  jeux  et  de  l,i  loterie  comme  |)arfaite- 
nient  réalisé ,  quoiqu'il  y  ait  des  gens  (]ui  ])réteiident 
(|ue  la  manifestation  des  croirj)icrs  de  Paris  auprès  de 
-M.  Vén,n  l'st  nrém  iliirée. 


LE  DÉCR^:T  Dl    SILE.NCK  KSI  INEXKCl  TAIîLK. 


•'  Fh  bien!  ce  que  nous  vous  disions  est  arri\é. 

—  Que  nous  disiez-\ous  ? 

—  Qu'il  faudrait  rapporter  ce  décret  du  silence,  qui 
semble  exhumé  des  mauvais  temps  du  gou\einenieni 
provisoire,  et  rendre  la  parole  aux  autorités  ronsliluées. 
L'éloquence  des  préfets,  des  maires,  des  présidents  de 
tribunal  ,  des  commissaires  de    police   et  des  gaides 


champêtres  est  un  des  plus  beaux  ornements  du  gou- 
\erncnient.  Malheur  au  gouvernement  sur  les  pas  des- 
quels on  ne  .sème  pas  des  Heurs  de  rhéiorique. 

—  Ainsi  donc  la  parole  est  lendue  aux  corps  consli- 
lués  ? 

—  Lisez  le  Moniteur.  Les  révolutionnaires  ont  beau 
dire  et  beau  faire,  il  y  a  des  usages  qu'ils  m'  par\ien- 


UES   AVENTURES    DIVEHTISSANTES   XT   VtOJS   POXÎTIÇUES 

De  mnttre  î.npp  et  de  son  a//prenti  rijtps. 


f  ur  ces  entrerailes.  Vétran- 
^t-r,  habilïé  oe  neuf,  part 
précipilamment  ;_  ce  que 
remarque  maître  Lapp 
soipélait. 


^^aitre  Lapp  prend  la  résolution  de  se 
mettre  avec  Pipps  à  la  poursuite  de 
Célranger,  et  raccommode  préalable- 
ment son  apprenti. 


REVUE   COMIQUE 


droiu  jamais  à  déraciner,  la  harangue  est  dans  nos 
mœurs ,  il  y  a  longtemps  que  Boilcau  l'a  dit  : 

Le  FraïK'ais  né  malin  inventa  la  harangue. 

—  Boileau  a  dit  cela  ? 

—  Parbleu! 

—  Je  lui  en  fait  mon  compliment  sincère.  A  propos, 
pourriez-vous  me  dire  quel  est  le  Cuvillier-Flenry  ou  le 
Trognon  cpii  rédige  les  réponses  du  pouvoir  exécutif? 

—  Je  l'ignore! 


Tant  pis,  j'aurais  été  bien  aise  de  lui  faire  mon 

compliment.  Courtisant  la  brune  ou  la  blonde  ,  la  légi- 
timité et  l'empire ,  parlant  de  Bonchamp  et  de  Cam- 
bronne,  amalgamant  les  blancs  et  les  bleus,  ce  Jocondc 
de  l'art  oratoire  ne  manque  pas  de  talent,  et  je  propose 
de  créer  en  sa  faveur  la  charge  de  secrétaire  des  haran- 
gues à  l'usage  de  tous  les  gouvernements  qui  se  succé- 
deront en  France. 

Vous  avez  raison ,  et  je  cours  donner  au  Consti- 
tutionnel l'idée  de  demander  la  création  de  cet  emploi 
(pii  manque  à  l'éclat  de  la  présidence.  » 


Air  rte  jU.  et  madame  Denis. 


LA   LIBERTÉ. 

Quoi  !  vous  me  fêlez  ainsi  ! 
Foin  de  l'amoureux  transi  ! 
Jadis  vous  étiez  brûlant, 
Souvenez-vous- en  ,  souvenez-vous-en  : 
Et  suivant  vos  beaux  discours, 
Vous  deviez  l'être  toujours. 


M.  ODILON  se  retournant. 

Mais  je  faisais  mille  efforts 
Pour  èlre  ministre  alors  ; 
El  je  le  suis  maintenant, 
Souvenez-vous-en ,  souvenez-vous-en  : 
Nos  actes  et  nos  discours 
Ne  sauraient  cadrer  toujours. 


lES  AVENTURES  DIVERTISSANTES   ET    NON    POUTIQUES 

De  miiUi-e  Liilip  et  île  son  aiiprenli  Pipps.  


Maître  et  apprenti  se  hissent  à  cheval  afin  de 

rattraper  pliu  vite  l'étranger.  JA,_,  ji. 


Ils  croient  remarquer  que  les  che 
lellés  à  l'envers. 


ODÎLON  BARROT  ET  LA  LIBERTÉ, 

Somenirs  noclumes  Je  deux  amoureux  du  dernier  régne, 
PAR   JEAN    C.\SC.\RET. 


lependant  maître  Kt-ill ,  le  boucher, 
faisait  sa  méridienne, 

[La  suite  à  bie7ilôt.] 


A    i;i:S\GK   DKS 

GKNS  SKRIKIJX. 

!>7 

LA  LiBEitTÉ  se  ravisunl. 

M.    ODILON. 

En  mil  liuil  cent  trente,  un  soir. 

Comme  votre  douce  voix 

Je  Irons  ;ii  #oii>  mon  bougeoir, 

Mo  chatouillait  autrefois! 

Relié  fort  |;;ilaninien[ , 

Vous  étiez  si  bonne  enfant , 

Souvenez-vous-en ,  souvenez- vous-en , 

Souvenezvous-cn ,  souvenez-vous-en  ; 

L'n  recueil  de  vos  discours 

Mais  à  présent  nuits  et  jours 

Dont  je  raffole  toujours. 

Vous  criez  presque  toujours. 

M.    ODILON. 

Diable  !  vous  les  avez  lus , 

LA    LIBERTÉ. 

Tans  pis;  mais  n'en  parlons  plus: 

C'est  que  vous  me  démontez 

Rien  n'est  si  désobligeant, 

P:ir  vos  infidélités; 

Souvenez-vous-en ,  souvenez-vous-eii. 

Je  vous  l'ai  dit  bien  souvent , 

Autres  temps,  autres  discours; 

Sou\enez-vous-en ,  souvenez-vous-en. 

Or  le  temps  file  toujours. 

Petit  monstre,  de  vos  tours 
Je  me  vengerai  toujours. 

LA    LIBERTÉ. 

Je  vous  ai  connu ,  je  crois  , 
A  Saint-Germain-l'Auxerrois. 

M.  ODILON  lui  offrant  une  prise  de  tabac. 

Vous  étiez  bien  éloquent , 

.Moi,  vous  trahir!  croyez- vous 

Souvenez-vous-en ,  souvenez-vous-en. 

Qu'une  autre  ait  vos  yeux  si  doux? 

Les  émeuliers  étaient  sourds. 

Je  jure  d'être  constant. 

Et  vous  leur  parliez  toujours. 

LA  LIBERTÉ  tenant  la  prise  de  tabac  sous  son  nez. 

M.  ODILON  se  mettant  sur  son  séant. 

Souvenez-vous-en,  souvenez-vous-en. 

Comme  j'étais  étoffé  ! 

M.  ODILON  rentrant  dans  son  lit. 

LA  LIBERTÉ  s'osscyant  de  même. 
Comme  vous  étiez  coiffé  1 

Ne  suis-je  pas,  mes  amours, 
Votre  esclave  pour  toujours? 

M.    ODILON. 

Bonnet  rouge  à  revers  blanc, 

LA  LIBERTÉ  se  recouchant . 

Souvenez-vous-en ,  souvenez- vous  en. 

Oui,  bel  esclave,  ma  foi, 
Qui  me  fait  toujours  la  loi  ; 

LA    LIBERTÉ. 

Vous  me  traitez  en  sultan. 

Escarpins  et  bas  à  jours , 
Qui  vous  distinguent  toujours. 

Souvenez- vous-en ,  souvenez-vous-en. 
Puis  vous  faites  des  m'amours , 
Et  vous  m'engluez  toujours. 

(  Cuntinuant.  ) 

(  Ici  if .  Odilon  fait  faimable.) 

Comme  en  habit  de  préfet 

Vous  me  paraissiez  bien  fait  ! 

Vous  étiez  mieux  qu'à  présent, 

LA  LIBERTÉ  minaudant. 

Souvenez-vous-en ,  souvenez-vous-en. 
Vos  membres  deviennent  lourds. 

Comme  vous  vous  échauffez  '. 
Mon  ami ,  vous  m'étouffez  ! 

M.    ODILON. 

ji.  ODILON  toussant. 

Pourtant  je  saute  toujours. 

Mais  c'est  en  vous  embrassant , 
Souvenez- vous-en  ,  souvenez- vous-en. 

(S'animanl.) 

LA  LIBERTÉ  rajustant  son  bonnet. 

De  ce  jour-là  votre  cœur 

Fut  percé  d'un  trait  vainqueur. 

J'en  décochais  diablement , 

Ah  :  voilà  bien  de  vos  tours, 
Vous  me  décoiffez  toujours. 

Souvenez-vous-en,  souvenez-vous  en. 

Traits  forgés  par  les  Amours, 

Que  ne  piquez-vous  toujours  ! 

Ici  le  couple  bâilla, 
S'étendit  et  sommeilla. 

LA    LIBERTÉ. 

L'un  marmottait  en  ronflant: 

Quand  de  banquets  en  banquets 
Avec  vous  je  me  risquais, 
Comme  c'était  amusant  1 

Souvenez-vous-en,  souvenez-vous-en  ; 
L'autre  :  Voilà  de  vos  tours, 
Vous  me  décoiffez  toujours. 

Souvenez-vous-en ,  souvenez-vous-en. 
Viandes  froides!  chauds  discours  1 

Jean  CASC.ARET 

Je  vous  regrette  toujours. 

UKVIIE  COMIQUE. 


MONSIEUR  CREDIT, 

(;()i.0Ni;i.  (.i'nkhm    ht--  (Uius-iiiis  iiK,  lIn^Cl'.   i;i    i>i'.  n^namu: 
Di-  [i.-ir  le  jjninii  in\icûr\  .lu  rc.Mnime,  Ji-anne. 


Ce  liiillant  niililiiire  ost  onr.int  du  iiiinitlo; 
Pourlaiil  miiis  le  croyons  diiiis  les  cnfanls  [leiil 
Car  les  républicains  ,  nialgié  plus  d'un  (irade, 
Narijuent  le  prélciidant  el  ses  droils  prélendiis. 
A  sa  gloire  futiiio  on  rime  des  hommages; 
D'artistes  maladroits  le  pinceau  l'enlaidit: 
Mais  on  voit,  à  l'aspect  de  ces  piètres  images, 
Qu'on  ne  réussit  guère  à  le  nieltre  en  crédit. 


Dessiné  par  K«hrit/k 


Gravé   par  B^ui.< 


3(1  ceiUinies. 


DUMINBHAT     ÉDITEUH  .    HUE   HICBCLIEO  .   Hi. 


|T;^pi|ippPBMPiyrr,i,,;i|,ii,|i|^^ 


T~^ 


COXDITIOXS  DE  LA  SOfSCRIPTIOX.  —  La  Rt\tE  coMH(i.E  formera  deux  relûmes  erand  in-8° ,  publiés  en  50  livraisons  à  30  centimes:  parla  poste, 
0  centimes  Le  premier  volume,  composé  des  25  premières  livraisons,  a  été  achevé  le  28  avril  1849.  Il  renferme  environ  500  caricatures  politiques.  —Prix  de 
e  volume:  7  fr.  50  c.;  parla  poste,  10  (r.  Le  second  volume  parait  en  livraisons.  On  souscrit,  pour  ce  volume,  en  payant  7  fr.  50  c.  pour  Paris,  et  10  fr.  p,.nr 
es  départements. 


AUX    SOUSCBIPTEURS    DE    I.A    REVUE   COMIQUE. 

Le  premier  feuillet  de  chaque  livraison,  reproiluisani  uiiiforuiéuicnl  le  dessin  de  la  couvcrlure ,  doit 
être  enlevé  h  la  brochure.  —  xVIiu  de  varier  le  verso  de  ce  [Hemier  feuillet,  sans  toutefois  y  insérer  rien 
d'important ,  dont  la  suppression  aurait  quelque  inconvénient,  ce  verso,  î.  l'avenir,  sera  occupé  par  la  cor- 
respondance'de  la  Revue,  par  des  annonces  drolatiques,  on  quehiuc  aulre  sujet  accessoiie  en  dehors  de 
notre  cadre;  de  telle  sorte  que  lorsque  les  souscripteurs  réuniront  en  volumes  la  collection  des  livraisons, 
ce  feuillet,  enlevé,  ne  supprimera  aucune  partie  intégrante  de  l'ouvrage.  Le  dernier  feuillet  de  la  couver- 
ture, formant  la  dernière  et  l'avant- dernière  page  de  chaque  livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage 
complet ,  dont  il  ne  peut  être  détaché. 


AVIS    AUX    JOURNAUX    DE    PARIS    ET    DES    DÉPARTEMENTS. 

Nous  autorisons  lu  i-epmduction  d.-s  articles  coulcnus  dans  la  Iteriie  comiijue ,  à  la  condition  ; 

I  »  De  citor  la  /ii'nip  en  lui  empruntant  ses  articles  ; 

2"  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  chaque  nimiéro. 


CORRESPONDANCE. 


A  M.  A.  T.  ,  à  Bezivrs.  —  Votre  rlianson  intitulée  : 
la  Pluie  de  crapauds  est  irès-originale  ;  elle  fyit  les  dé- 
lices des  eoiiiposileiirs  de  la  Revw  -  Comique  ,  qui  h\ 
rhantent  du  malin  au  soir,  au  grand  divertissement  de 
ceux  qui  l'entendent  :  mais  il  n'est  pas  possible  de  la 
publier  ;  elle  est  trop  vraie  et  pourrait  être  moins  favo- 
rablement interprétée  en  certains  lieux. 

A  M.  C.  D.,  à  Grenoble.  —Nous  sommes  très-Qaltés 
des  éloges  que  vous  voulez  bien  donner  à  notre  publi- 
cation ;''c'est ,  en  effet ,  une  œuvre  de  conviction  ,  et 
nous  acceptons  de  grand  cœur  les  offres  si  obligeantes 
que  vous  nous  faites  de  propager  nos  livraisons. 

A  M.  DE  T.,  à  Bordeaux.  —  Vous  pourriez  bien 
vous  tromper.... 

A  M.  Am.vble  V —Nous  sommes  très-sensibles  à 

vos  oï'înafcte  pronostics  ;  vous  trouverez  justement  dans 
•  la  présente  livraison  un  dessin  qui  semble  inspiré  par 
vos  asréables  intentions  ,  et  qui  certainement  vous 
•réjouira  beaucoup. 


.\  M.  D.  BiN à  Besanron.  —  Il  n'y  n  plus  à  y 

penser. 

A  M.  Un ,  à  Liverpool.  —  Il  fatidrail  commencer 

par  établir  un  télégraphe  électrique. 

A  MADEMOISELLE  LoRENTiNE  DE  B. . .  —  Vous  êtes  ado- 
rable  

A  M.  Thu..  s...  —  Adressez-vous  à  M.  Jeanne,  in- 
venteur de  la  chose ,  passage  Choiseul.  Il  vous  dira  à 
la  suite  de  quelle  action  d'éclat  son  héros  a  été  armé 
premier  cuirassier  de  France,  et  quelle  combinaison 
financière  lui  a  valu  le  titre  de  monsieur  Crédit.  — 
Veuillez  nous  excuser  si  nous  ne  pouvons  vous  donner 
le  mot  de  ces  énigmes,  qui  vous  semblent  de  bien  nmu- 
vais  yoût  ;  peut-être  les  trouverez-vous  plus  spirituel- 
les quand  vous  en  connaîtrez  l'origine. 

A  MADE.MoisELLE  X.  Z.,  poste  restante,  à  Valence. 
—  C'est  un  homme  très-aimable! 

A  M.  Ignace  R ,  —  Oh  !  oh  !  oh  !  monsieur,  cela 

serait  trop  comique,  même  dans  la  Revue-Comique! 


Pour  pnraîlre  dans  le  conram  d'août  chez  MARTINOiX,  rue  du  Coq-Saint-Honoré,  l\. 
LE  GRAND  ET  MAGNIFIQUE 

illIMACII  DE  LA  REVUE  COIIWE 

l'OLU        I    OO"    ^ 

Renf.iinant  la  très-célèbre  prédiction  pour  cette  étonnante  année,  découverte  en  ir).'')0,  attribuée  au  grand 
Mischskolskeski  III  et  très-coimue  dans  les  provinces  danubiennes  sous  le  nom  de  Prophétie  Slave. 

l  M  joli   voliiine  Liiaiid  iii-l<>  illiisift'  de  ii()iiibreu.ses  vignelles, 

Par  BERTALL ,  NADARD ,  FABRITZIUS,  etc. 

Pni\     :     .")0    CE.MIMES. 


Pari».  —  Typolîrapliie  Pl'.n  frèr. 


LES  VACANCKS  PARLKMKNTAIRKS. 


I. 


»  Il  me  semble  entendre  le  galop  d'un  cheval. 

—  Drelin ,  dielin ,  drcliu. 

— •  Foi  de  Jobin,  je  crois  qu'on  sonne. 

—  Ouvriras- tu,  maraud,  ou  me  laisseras-tu  me  mor- 
fondre pendant  une  heure  à  cette  porte? 

—  Est-il  possible,  notre  maître,  c'est  vous  ? 

—  Moi-même,  Jobin,  cela  t'étonne  ? 

—  rardine,  vous  nous  aviez  dit  que  vous  étiez  parti 
pour  trois  ans. 

—  Je  le  croyais,  mais  la  rue  de  Poitiers  en  a  décidé 
autrement  ;  j'obéis  à  la  rue  de  Poitiers  et  à  ses  décrets 
impénétrables  ;  je  pense  que  tout  va  bien  ici,  et  que  les 
saines  doctrines 

—  Ça  ne  va  pas  trop  mal ,  Dieu  merci  ;  les  seigles  , 
les  froments ,  les  avoines  de  monsieur  sont  plus  belles 
que  jamais  ,  ses  vignes  promettent ,  son  potager  est 
plantureux  ,  ses  juments  poulinières  sont  pleines,  tout 
est  donc  pour  le  mieux;  quant  aux  saines  doctrines,  je 
crois  qu'elles  vont  bien  aussi,  malheureusement.  . 

—  Que  veux-tu  dire,  Jobin? 

—  Que  je  ne  sais  pas  ce  que  c'es:. 

—  Je  te  l'apprendrai. 

—  C'est  cela,  notre  maître;  en  attendant  je  vais  dire 
à  tout  le  pays  que  vous  êtes  arrivé. 

—  Pas  encore,  je  veux  avoir  le  temps  de  me  re- 
poser, n 


■<  Avez-vous  bien  dormi ,  notre  maître? 

—  Pas  lual,  |)as  mal. 

—  Le  séjour  de  Paris  n'a  ]ias  maigri  iM'sieu. 

—  Tu  trouves  ? 

—  Mais  oui ,  mais  oui. 

—  Jobin  ! 

—  Noire  maître  ? 

—  C'est  aujourd'hui  dimanciie. 

—  Je  m'en  suis  bien  aperçu  ce  malin  en  me  levant 
une  heure  plus  tard. 

—  Est-ce  que  vous  n'allez  pas  à  la  messe,  mon  ami  ? 

—  Je  n'ai  pas  le  temps;  il  faut  que  je  rentre  mes 
haricots. 

—  Jobin,  vous  êtes  un  impie,  un  voltairien. 

—  In  impie,  un  voltairien  !  Qu'est-ce  que  c'est 
que  ça  ? 

—  Un  voltairien  est  celui  qui  ne  va  pas  à  la  messe 
le  dimanche. 

—  Bah  ! 

—  Qui  ne  salue  pas  son  curé. 

—  Tiens,  tiens,  tiens  ! 

—  Qui  ne  lit  pas  matin  et  soir  le  Conslllutionnel, 

—  Vraiment  ! 

—  Qui  désapprouve  l'expédition  de  P>ome  ,  qui  ne 
souscrit  pas  pour  la  propagande  antidémocratique,  qui 
AOte  pour  les  candidats  républicains. 


REVUE  COMIQUE 


—  Vous  avez  donc  été  vollairiL'ii,  notre  iiiaîlre? 

—  Chut  !  j'cu  demande  pardon  h  Dieu.  D'ailleurs 
M.  de  Falloux  m'a  donné  l'absolution  au  prix  deciuinw 
Paler  cl  de  vingt-cinq  Jve  Maria.  La  grâce  m'a 
louché ,  et  je  vois  bien  qu'il  faut  sauver  l'ordre  par  la 
religion  et  la  religion  par  l'ordre. 

—  Maintenant,  notre  maître,  dites-moi  ce  que  c'est 
qu'un  impie? 

—  L'impie  est  celui  qui  manque  les  vêpres ,  qui 
n'envoie  pas  ses  enfants  chez  les  frères  ignorantins,  qui 
ne  se  confesse  pas,  qui  prend  la  taille  dos  filles 

—  M'est  avis  que  vous  étiez  joliment  impie  dans  vo- 
tre temps  :  on  dit  que  c'est  vous  qui  avez  établi  la  pre- 
mière école  d'enseignement  mutuel  dans  le  déparle- 
ment, et  ça  vous  a  fait  fièrement  d'honneur;  ([uant  à  la 
taille  des  filles,  la  grosse  Nanon  ,  la  grosse  Jcanneton  , 
la  grosse 

—  Silence!  j'ai  expié  mes  erreurs  en  me  confessant 
à  M.  de  Montalembert,  et  je  les  ai  réparées  pannes 
votes.  La  morale  est  la  base  de  toute  société.  Vive  la 
morale,  la  religion  et  l'ordre  !  Songe  à  aller  h  la  messe, 
sinon  je  te  chasse. 

—  On  ira,  notre  maître,  on  ira  !  » 


riL 


.  Tu  as  annoncé  la  nouvelle  de  mon  arri\ée? 

—  Oui,  notre  maître,  je  l'ai  dit  à  tout  le  monde. 

Eh  bien!  Jobin  ,  quel  effet  cette  nouvelle  a-t-tile 

produit? 

—  Quel  effet? 

—  Oui.  Qu'as-tu  donc  à  te  gratter  l'oreille? 

—  C'est  que,  voyez-vous... 

Quand  auras-tu  fini  de  reloinner  ton  chapeau  en- 
tre tes  mains?  Voyons,  parle. 

—  Ils  ont  dit  comme  ça... 

—  Qu'ont-ils  dit? 

Que  vous  auriez  mieux  fait  tout  de  même  de  rester 

où  vous  étiez. 

—  Ah!  ah!  ah! 

—  Que  vous  ne  touchiez  pas  neuf  mille  francs  par 
an  pour  prendre  ainsi  deux  mois  de  vacances,  quand  il 
y  a  tant  de  choses  à  faire. 

—  Ils  ont  dit  cela? 

—  El  bien  d'autres  choses  encore. 

—  Quoi  donc? 

—  Que  lorsqu'on  ne  fait  rien,  on  ne  se  fait  pas  payer 
comme  si  on  travaillait;  que  quand  on  ne  veut  j)as 
faire  les  affaires  du  pays  on  donne  .-a  démission  ;  que... 

—  Assez,  Jobin,  assez,  je  vois  où  ces  gens-là  ont 
puisé  leurs  doctrines.  Ceci  me  prouve  la  nécessité 
de  la  loi  sur  la  presse  et  de  la  prorogation  de  l'As- 
scroblée.  Notre  présence  était  indispensable  pour  relever 


l'esprit  public  dans  les  départements.  Dés  demain ,  je 
commencerai  ma  tournée.  Prenons  en  attendant  quel- 
(jnes  renseignements  sur  l'attitude  des  fonctionnaires 
de  l'arrondissement,  ils  sentent  furieusement  l'hérésie.  >. 


IV. 


«  Est-on  conteni  du  maire  dans  le  pays? 

—  Le  capitaine  Milard? 

—  Précisément.  Crois-tu  qu'il  soit  à  la  hauteur  des 
circonstances,  Jobin? 

—  Je  ne  sais  pas  de  quelles  circonslances  notre  maître 
veut  parler;  mais  à  dix  lieues  à  la  ronde,  on  ne  jure 
que  par  lui  :  c'est  un  bien  brave  homme. 

—  Est-il  bien  avec  M.  le  curé? 

—  Comme  chien  et  chat.  C'est  absolument  comme 
lorsque  vous  étiez  maire,  notre  maître;  vous  vouliez 
qu'on  dansât,  le  curé  ne  le  voulait  pas;  le  curé  faisait 
des  processions,  vous  refusiez  d'y  aller;  il  demandait 
qu'on  fermât  les  cabarets  le  dimanche,  vous  leur  don 
niez  la  permission  de  minuit  ;  pendant  qu'il  chantait  ses 
cantiques,  suivi  des  badauds  de  la  procession,  vous  en- 
tonniez avec  vos  amis  les  chansons  de  Béranger  sur 
celte  petite  terrasse  que  je  vois  là.  l^orsquc... 

—  C'est  bien,  Jobin,  on  ne  vous  en  demande  |)as 
tant;  je  vois  que  vous  avez  bonne  mémoire.  Que  pense- 
t-on  du  sous-préfet? 

—  On  l'aime  bien  tout  de  même;  c'est  un  bon  jeune 
homme  qui  a  voulu  lui-même  mettre  le  feu  au  feu  de 
la  Saint-Jean ,  comme  c'était  l'usage  dans  le  pays. 
"  Mes  enfants,  a-t-il  dit,  respect  aux  vieilles  coutumes 
qui  ne  font  pas  de  mal.  Vive  la  Républiipie  !  » 

—  Il  a  crié  Vive  la  République  ? 

—  Comme  vous,  notre  maître,  le  lendemain  de  la 
révolution  de  février.  Nous  avez-vous  fait  crier  Vive  la 
République!  Il  y  en  avait  qui  disaient  comme  ça  que 
c'était  parce  que  vous  aviez  peur  ;  mais  je  vois  bien 
maintenant  que  c'était  pour  notre  bien;  aussi  nous  .som- 
mes tous  devenus  républicains  dans  le  pays  ;  vous  serez 
content,  notre  maître,  allez.  Vive  la  République! 

—  Trêve  à  votre  enthousiasme,  maître  Jobin.  Et  le 
maître  d'école,  comment  traite-ton  le  maître  d'école? 

—  Oh!  pour  celui-là,  notre  maître,  on  le  vénère. 
C'est  un  jeune  homme  comme  notre  soiis-préfcl ,  mais 
il  a  l'air  d'un  prêtre ,  et  bien  siu-  qu'il  vil  aussi  sainte- 
ment que  pas  un  évèque  ou  curé.  Il  y  a  eu  dernière- 
ment une  épidémie  dans  le  pays,  il  n'a  pas  (juillé  le 
chevet  des  malades;  la  semaine  dernière  il  a  sauvé  l'en- 
fant à  Marie- Jeanne,  ijui  était  tombé,  en  jouant,  dans 
l'écluse  du  Moulin-Vieux.  C'est  lui  qui  nous  a  appris  à 
aimer  et  à  comprendre  la  Ré|)ublique.  C'est  vous  qui 
l'avez  fait  nommer  dans  le  temps,  et  celte  fois  votre  re- 
commandation,  on  peut  le  dire,  est  bien  tombée  ,  vous 
avez  fait  un  véritable  cadeau  à  notre  contrée. 


LES    BULLES    DE    SAVON. 


Dessiné  par  Bertall. 


Gravé  pat  Bauunt 


REVUE  COMIQUE 


—  C'est  bu'ii.  Passons  maiiitcnanl  au  juge  de  paix. 

—  Le  père  Carambcau,  voire  aiicieu  ami?  En  avez- 
vous  fait  ensemble,  de  ces  farces.  Mon  oncle  Pierre, 
qui  pour  lors  était  au  service  de  M.  Carambeau ,  m'en 
a-t-il  raconté  sur  votre  compte  !  Vous  étiez  deux  fameux 
gaillards,  comme  on  dit ,  aimant  la  bouteille,  le  cotillon 
et  délestant  les  calotius.  Le  père  Carambcau  ,  nous  l'ap- 
pelons ainsi  dans  le  pays,  est  loujoms  à  peu  près  le 
même  ;  il  a  renoncé  à  la  bouteille  depuis  qu'il  est  ma- 
gistrat, mais  il  aime  toujours  un  peu  la  fdleitc.  Du  rcsle, 
personne  ne  rend  la  justice  comiue  lui  :  riche  ou  pau- 
vre, paysan  ou  bourgeois,  c'est  tout  un  devant  lui.  Le 
père  Carambeau,  c'est  l'honneur  et  la  probité  même; 
j'aurais  des  millions  que  je  les  lui  confierais  sans  la 
moindre  signature. 

—  Va-t-il  à  la  messe  ? 

—  Allons  donc!  Pas  plus  que  vous  n'y  alliez,  noire 
maître. 

—  On  ne  vous  demande  pas  de  réllexions ,  maîlre 
Jobin.  Que  devient  le  garde-champêtre? 

—  Oh  !  pour  celui-là ,  il  fait  une  rude  guerre  aux 
maraudeurs.  Ce  n'est  que  depuis  qu'il  est  là  que  les 
pêches  mûrissent  ;  c'est  un  ancien  volontaire  de  92  ;  un 
vieux  dur-à-cuire  qui  ne  connaît  que  deux  choses  :  sa 
consigne  et  son  général  Moreau.  Un  brave  homme ,  du 
reste,  et  qui  ne  se  met  en  colère  que  lorsqu'on  veut 
soutenir  que  son  vieux  général  a  été  tué  dans  les  rangs 
de  l'armée  russe;  il  prétend  que  ce  sont  ses  ennemis 
qui  font  courir  ce  bruit-là.  Notre  maître  a-t-il  encore 
quelque  chose  à  me  demander?  autrement,  avec  sa 
permission ,  j'irais  donner  à  manger  aux  canards. 

—  Occupez-vous  des  canards  ,  Jobin  ,  vous  en  êtes 
le  maître.  Je  vais  rester  seul  un  instant.  « 


Monsieur  le  Ministre, 

Je  m'empresse  de  vous  transmettre  les  détails  conG- 
dentiels  que  vous  m'avez  demandés  sur  les  fonctionnaires 
de  mou  arrondissement. 

Elgè.\e  Merville,  sous-préfet.  —  Il  compromci 
l'autorité  en  assistant  aux  saturnales  démagogiques  aux- 
quelles se  sont  livrés  les  habitants  le  jour  de  la  Saint- 
Jean.  Il  a  mis  le  feu  lui-même  aux  fagots  aux  cris  de 
vive  la  République.  Dangereux. 

Le  capitaine  Mtaid.  —  Voltairien,  impie,  ennemi 
du  pouvoir  temporel  des  papes,  ne  se  concertant  jamais 
a\ec  l'autorité  religieuse  pour  les  mesures  de  son  admi- 
nistration. Très-dangereux. 

Cara.mbeau,  juge  de  paix.  — Homme  de  mœurs 
dépravées,  n'allant  jamais  à  la  messe.  Excessivement 
dangereux. 


ANDRK ,  maîlre  d'école.  —  Cachant  sous  des  dehors 
de  vertu  et  de  dévouement  les  idées  les  plus  subversi- 
ves :  il  soigne  les  malades  et  sau\e  les  enfants.  C'est  le 
plus  dangereux  de  tous. 

Testulat,  garde-champêtre.  —  Ancien  terroriste, 
plus  lard  l'un  des  mécontents  de  l'armée  de  Moreau, 
ne  cachant  pas  son  projet  de  tenter  une  conspiration  eu 
faveur  de  son  général,  qu'il  ne  croit  pas  mori;  eimemi 
juré,  par  conséquent,  de  la  famille  régnante.  Homme 
capable  de  loul. 

Une  destitution  en  masse  de  tous  ces  fonctionnaires  est 
seule  capable  de  rendre  le  calme  et  la  sécurité  au  pays. 
Je  ne  répondrai  pas  de  mon  arrondissement  tant  qu'il 
sera  en  de  pareilles  mains.  Demandez  un  sous-préfet  à 
M.  de  Montalemberi. 

En  attendant  la  prompte  réalisation  de  la  mesure  que 
,e  sollicite ,  j'ai  l'honneur  d'être  ,  monsieni-  le  ministre, 
avec  le  plus  profond  respect,  voire  très-humble  et  très- 
obéissant  serviteur, 

J.-P.-C.  Cascaret, 

RepréscntaDt  du  pcople 


VL 


«  Notre  maître? 

—  Qu'y  a-t-il  donc? 

—  C'est  monsieur  Cabassol  qui ,  ayant  appris  votre 
arrivée ,  demande  à  vous  parler. 

—  Va  électeur  des  plus  inauents  !  Qu'il  entre  tout  de 
suite!  Eh!  bonjour,  monsieur  Cabassol! 

—  Je  suis  bien  le  vôtre ,  monsieur  Cascaret. 

—  Comment  se  porte  madame  Cabassol? 

—  A  merveille.  C'est  beaucouj)  d'honneur  que  vous 
nous  faites. 

—  Et  votre  charmant  enfant  Dodophe? 

—  Il  a  la  coqueluche  pour  le  moment. 

—  Pauvre  cher  irésor!  Et  Azor? 

—  Azor  est  mort! 

—  Hélas  !  monsieur  Cabassol ,  nous  sonmies  tous 
mortels! 

—  C'est  ce  que  je  disais  à  madame  Cabassol  ;  elle 
n'en  a  lias  moins  fait  une  maladie.  Mais  je  viens  pour 
causer  d'affaires  avec  vous.  Je  suis  délégué  ,  en  qualité 
de  vice -président  du  Comité  électoral ,  pour  vous  de- 
mander des  éclaircissements. 

—  Sur  quoi  ? 

—  1"  Sur  l'expédition  de  Rome ,  2"  sur  la  i>roroga- 

lion,  et  enfin  sur.... 

—  Vous  êtes  Français,  monsieur  Cabassol,  je  suis 
Français;  vous  êtes  un  homme  d'ordre,  je  suis  un 
homme  d'ordre,  nous  voulons  tous  l'ordre  ;  je  puis  donc 
m'cxprimer  franchement  avec  vous  ei  aborder  les  ques- 
tions de  front.  En  ce  qui  concerne  l'expédition  romaine. 


A    LUSACiK   DES  GK.NS  SEIUKL'X. 


103 


VOUS  «ivcz  pu  croire  un  instant  que  le  gouvernenieni 
voulait  la  rcsircindro  aux  proportions  (ixres  par  l'Assciii- 
l)lt'e  consliiuantc  ;  rassurez-vous ,  Irllc  n'ajam.iis  i'-U-  son 
intention  :  l'cxpodiiion  romaine  ,  dans  la  pensée  du  ca- 
binet, a  été,  avant  toute  chose,  ralli(iii(|uc,  apiislolifiiie 
et  romaine;  nous  avons  \oulii  réiaiilir  lu  ponvciir  spi- 
ritucl  cl  temporel  des  papes. 

—  C'est  là  ce  que  le  gouvernement  a  voulu  faiie'.' 

—  Posiliveuienl  ;  je  suis  cliainié  d'en  fiiire  part  à  ses 
amis  :  c'est  un  acheminement  pour  arriver  à  rendre  en 
France  l'état  civil  au  clergé;  sans  cela  nous  n'amious 
jamais  d'ordre  réel  cl  |iosilif.  Quant  à  la  prorogaliou.... 

—  Voyons  un  peu  la  prorogation. 

—  Il  n'a  pas  dû  échapper  à  un  esprit  aussi  perspicace 


que  le  vôtre  qu'en  prorogeant  l'Assemblée  on  voulait 
tout  simplement  ceci  :  prouver  que,  même  en  répuhli- 
(pie,  une  assend)lée  délibérante  est  un  rouage  inutile, 
et  f[uc  le  véritable  gouvernement  réside  dans  le  pouvoii- 
exécuiif.  \ous  comprenez  bien  toutes  les  conséquences 
de  ce  principe? 

—  Parbleu  ! 

—  Vous  a\ie/.,  ji'  crois,  une  Iroisième  question  à 
m'adresser. 

—  Oui ,  an  sujet  des  fonds  du  la  souscription  de  la 
rue  de  Poitiers.  Nous  avons  souscrit  pour  une  somme 
assez  considérable ,  et  nous  sciions  bien  aises  qu'on 
nous  rendît  des  comptes. 

—  Des  com])tes  I 


t.N   ÉPISODE   DES   PKaMËNAUES   PllESIDENTIELLES. 
Sentinelles  pUicées  en  observation  dans  un  village  bien  pensant  pour  signaler  rapproche  du  convoi. 


REVUE  COMIQUE. 


—  Sans  doute .  puisqu'on  nous  les  a  prorais. 

—  Esl-ce  qu'on  lient  jamais  ces  promesses-là  !  Est-ce 
qu'un  homme  politique  comme  vous  consentirait  jamais 
à  foiccr  un  gouvernement  à  lui  rendie  compte  des  fonds 
secrets! 

—  La  rue  de  Poitiers  assimile  donc  son  action  à  celle 
de  la  rue  de  Jérusalem?  .le  croyais  qu'elle  faisait  de  la 
propagande,  et  non  pas  de  la  police.  Ainsi  nous  n'au- 
rons pas  de  comptes  ? 

—  Sauvons  d'abord  la  société,  il  sera  toujours  temps 
d'apurer  les  comptes,  ,1'espère  que  c'est  aussi  votre  avis, 
monsieur  Cabassol? 

—  J'y  réfléchirai,  monsieur  Cascarcl,  j'y  réfléchirai.  » 


\1I. 


<'  Je  te  trouve  l'air  mystérieux  depuis  (pielques 
jours,  Jobin  ;  tu  ine  caches  quelque  chose. 

—  Moi,  notre  maître? 

—  Toi-même.  Soyez  franc,  maître  Jobin  ;  vous  a\ez 
enteudu  dire  qu'on  me  piéparait  (piebiue  surprise  dans 
le  pays. 


—  Une  surprise  !  qu'esl-cc  (pic  c'est  que  ça? 

—  Une  sérénade. 

—  Personne  ne  parle  de  .sérénade. 

—  In  hal. 

—  Il  n'est  ULdlrnienl  question  de  danse. 

—  Un  banquet. 

—  Je  n'en  ai  pas  entendu  dire  un  mot  ii  la  dernière 
;';iire  des  bestiaux. 

—  Ou  se  cache  de  toi,  de  pem  que  lu  ne  \ienncs 
me  redire  ce  qui  se  préparc. 

—  C'est  possible,  m'sieu,  c'est  possible. 

—  Sûrement,  il  se  trame  quelque  chose  en  mon 
honneur  :  je  vois  tous  les  jours  Cabassol  en  grande  con- 
férence avec  les  membres  du  comité  électoral.  Il  y  aura 
une  manifestation,  j'en  suis  certain,  un  de  ces  jours, 
peut-être  aujourd'hui  même;  non,  il  est  trop  tard,  on 
l'aura  remise  à  demain.  Allons  nous  coucher,  Jobin. 

—  Koniie  niiil,  notre  maître. 

—  Demain,  c'est  jour  de  marché;  lu  le  lèveras  de 
bonne  heure  pour  aller  aux  informations,  et  lu  me  rap- 
porteras des  nouvelles. 

—  Soyez  tranquille,  m'sieu,  soyez  tranquille.  •> 


IIKOIME   01  Dl.VOT-  l'Ai. LOI  X 

Au'ivid  les  Koniains  auront  bien  de  la  peine  à  se  faire 


A   LlSACiK   DKS   GK>S   SKRIKl  X. 


VIII. 

"  M'sieu  (lascarcl,  noire  inailic,  niMeii  (_:iiscarel  ! 

—  Qu'y  a  l-il?  que  se  passe-t-il?  d'où  vieiU  loul  ce 
oairinc? 

—  C'est  la  surprise,  m'sieu,  réveillez-vous. 

—  Quelle  surprise? 

—  La  inanifeslatioii  que  vous  attendiez  pour  demain, 
il  lirait  (pi'elie  aura  lieu  ce  soir.  Tout  le  peu|>ie  est  en 
rumeur. 

—  .Mais  c'est  un  charivari  ! 

—  Oui,  notre  maître,  c'est  comme  cela  ([u'ils  l'ap- 
pellent tous.  La  ville  entière  est  sous  vos  feiièlres.  Quel 
bruit,  grand  Dieu!  jamais  mes  oreilles  n'ont  rien  en- 
tendu de  pareil,  et  ils  ont  promis  de  le  faire  durer  jus- 
qu'il demain.  Tout  le  monde  est  furieux  contre  vous. 

—  J'ai  de  la  peine  à  m'expliqiier  cette  fureur. 

—  Ils  prétendent  qu'où  a  destitué  le  suus-préfet ,  le 
maire,  le  juge  de  paix,  le  maître  d'école,  le  garde 
champêtre ,  et  que  c'est  m'sieu  qui  a  fait  le  coup  pour 
les  remplacer  par  des  jésuites. 

—  J'ai  remplacé  les  démagogues  par  des  lioiiimes 


d'ordre,  comme  c'était  mon  devoir,  et  les  homine.s 
d'ordre  m'en  sauront  gré.  Laissons  hurler  tous  ces  so- 
cialistes; demain  les  amis  de  la  famille  et  de  la  pro- 
priété me  vengeront.  Je  m'étonne  cependant  que  (ja- 
bassol,  (|ui  commande  la  garde  nationale ,  ne  disperse 
pas  cette  canailli'.  D'un  charivari  à  une  barricade  il  n'y 
a  qu'un  pas.  Où  allez-vous  donc,  Jobin  ? 

—  Sur  la  place,  notre  maître.  Puisqu'on  ne  peiil  pas 
dormir,  autant  vaut  aller  faite  cumme  eux. 

—  Il  était  temps  de  prendre  des  mesures  radicales , 
l'esprit  d'anarchie  aurait  fini  par  gangrenei'  tout  le  pays.» 


IX. 


"  Comment,  Cabassol ,  vous  étiez  à  la  campagne? 

—  Oui ,  mon  cher  Cascarct. 

—  Vous  n'étiez  donc  pas  prévenu  de  l'affaire? 

—  Au  contraire ,  mais  je  n'aurais  pas  pu  m'\  opposer. 

—  Vous  vous  seriez  laissé  opprimer  par  une  mino- 
rité turbulente  et  factieuse  ? 

—  Dites  par  la  majorité ,  mon  cher  Cascarel.  Que 
voulez- vous?  nous  sommes  las  de  clianger  de  gouver- 


EŒJOnSSA.NXES   PUBLIQUES 
Etservées  pour  le  jour  de  la  rentrée  du  sacré  collège  à  Borne. 


I 


106 


REVUE   COMIQUE 


EXPOSITION  DE  L'INDUSTRIE    —  MODES  UTILES. 


Costume  d'été  contre  la  poussière. 


Costuroi;  d'iiiver  contre  la  pluie  et  lu  bouc. 


nemeiit,  la  République  nous  suffit,  el  nous prcicndons 
nous  y  tenir.  Nous  ne  croyons  ni  qu'il  soit  nécessaire 
pour  sauver  la  société  de  rendre  Télat  civil  au  clergé  , 
ni  que  le  pouvoir  exécutif  doive  empiéter  sur  le  pouvoir 
législatif,  ni  qu'on  ait  agi  sagement  de  verser  le  sang 
de  la  France  pour  rétablir  le  pape.  Nous  étions  con- 
tents de  nos  fonctionnaires,  vous  les  avez  fait  destituer 
pour  les  remplacer  par  des  administrateurs  sortis  des 
séminaires  ;  cela  seul  valait  bien  un  charivari ,  convenez- 
en  ,  cher  Cascaret? 

—  Monsieur  Cabassol? 

—  Monsieur  Cascaret. 

—  Voulez-vous  savoir  mon  opinion  sur  votie  compte. 

—  Parlez. 

—  Vous  êtes  un  rouge. 

—  Allons  donc'. 

—  Vous  abandonnez  le  grand  parti  de  l'ordre. 

—  Nous  ne  l'entendons  pas  de  la  même  manière  ,  et 
je  vous  préviens  ([u'il  y  a  ici  beaucoup  de  gens  qui 
pensent  comme  moi. 

—  Qu'est-ce  à  dire? 

—  Souvenez-vous  de  cet  avertissement  aux  pro- 
chaines élections;  à  bon  entendeur,  salut!  » 


X. 


1  Jobin  ! 

—  M'sieu  ? 

—  Mes  ordres  sont-ils  exécutés? 

—  Oui,  notre  maître,  les  malles  sont  prêtes. 

—  Les  chevaux  sont-ils  commandés? 

—  M'sieu  veut  donc  partir  tout  de  suite? 

—  Dans  cinq  minutes. 

—  Et  que  fercz-vous,  notre  maître,  à  Taris  pendant 
i  deux  mois  de  vacances? 

J'irai  me  promener  au  jardin-des-Plantcs. 

—  M'sieu  devrait  bien  m'aniencr  avec  lui. 

—  Pourquoi  faire? 

—  Pour  vous  distraire,  notre  maître.  ■> 


.IliAN    VlilîTOT. 


A   L'USAGK   DKS   GKISS  SKRIELX. 


Des  armes  à  Teu  !  en  état  de  siège  ! 


ndéraent  il  n'y  aura  d'harmonie  à  la  chambre  que  lorsqu'on  [ne 
prendra  pour  représentants  que  des  musiciens. 


GAUDISSART  NEVEU,  COMMIS- VO Y AGElR  EN  COUPS  D'ÉTAT. 


«  Eh  !  voilà  ce  cher  Gaudissart  !  Enchanté  de  vous  voif, 
monsieur  Gaudissart. 

—  Monsieur,  je  suis  bien  le  vôtre. 

—  Toujours  commis-voyageur  ? 

—  Dites  :  plus  que  jamais, 

—  Pour  quelle  partie  voyagez-vous? 

—  Pour  les  coups  d'État.  Je  cherche  en  ce  moment 
à  en  placer  un  qui  sort  des  ateliers  Changarnier ,  Mon- 
lalembert ,  Falloux  et  C'=  ,  maison  puissante  et  fort 
avantageusement  connue. 

—  Eh  bien,  parviendrez-vous  à  vous  en  débarrasser? 

—  Difficilement  !  on  se  méfie.  J'ai  beau  dire  aux 
acheteurs  :  prenez-le ,  vous  serez  contents ,  ça  ne  mord 
pas. 

—  Avez-Tous  parcouru  tous  nos  départements? 

—  Quelques-uns  seulement,  mais  je  compte  les  visi- 
ter tous. 

—  Commencez  par  le  Midi;  on  prétend  que  les  coups 
d'État  sont  beaucoup  demandés  dans  le  Bordelais. 

—  Les  gens  de  la  Gironde  crient  beaucoup ,  je  ne 
dis  pas  le  contraire  ;  mais  quand  il  s'agit  de  conclure  le 
marché,  ils  hésitent. 

—  Si  vous  alliez  en  Provence  ? 

—  Les  Provençaux  ont  assez  de  conûance  dans  les 
produits  de  la  maison  Changarnier,  Montalembcrt,  Fal- 
loux et  C'%  mais  le  coup  d'État  dont  je  voudrais  me 


défaire  n'est  point  fabriqué  à  la  mode  du  pays.  Il  faut 
faire  pour  eux  les  choses  plus  en  grand,  et  les  indus- 
triels en  question  ne  sont  pas  encore  assez  convenable- 
ment outillés  pour  cela. 

—  Un  homme  comme  vous,  et  dans  les  circonstances 
actuelles  ,  où  cet  objet  de  consommation  est  assez  re- 
cherché, devrait  trouver  à  se  débarrasser  d'un  coup 
d'Étal  dont  on  garantit  la  durée. 

—  Pour  dix  ans  seulement,  pas  davantage. 

—  On  pourrait  après  cela  renouveler  le  brevet  d'in- 
vention. 

—  Je  ne  dis  pas...  si  on  voulait. 

—  Quelles  objections  vous  fait-on  quand  vous  pro- 
posez votre  coup  d'État? 

—  On  me  crie  :  Vive  la  République  ! 

—  Vraiment  1 

—  C'est  comme  j'ai  l'honneur  de  vous  le  dire.  Im- 
possible alors  de  déployer  mes  échantillons.  C'est  ce 
qui  m'est  arrivé  en  Touraine  ,  en  Anjou,  eu  Picardie, 
partout.  J'ai  reçu,  il  faut  le  dire,  un  accueil  charmant, 
le  nom  de  l'illustre  Gaudissart ,  mon  oncle ,  est  trop 
connu  dans  toute  la  France  pour  que  son  neveu  ne 
profite  pas  un  peu  de  sa  popularité.  On  me  choyait,  on 
m'invitait  à  dîner,  mais  le  dessert  venu,  lorsque  je  vou- 
lais parler  d'affaires  et  toucher  quelques  mots  du  petit 
coup  d'Étal  que  je  portais  dans  ma  valise ,  on  me  ré- 


I 


RKVUK   COMIQUK 


pondail  :  A  la  saïUé  de  l'illustre  Gaudissarl,  buvons  à 
ses  màiii's  iiiuslrcs  ! 

Ou  bien  :  Vive  la  République  ! 

—  Il  doit  y  avoir  de  votre  faute  ,  mon  cher  Gau- 
dissarl, et  à  votre  place  votre  oncle  se  serait  bien  vite 
débarrassé  de  cette  marchandise  encombrante  qu'on 
appelle  un  coup  d'État. 

Je  n'ai  pas  le  bagou  de  l'illustre  Gaudissart,  c'est 

vrai,  mais  on  a  sa  petite  blague  tout  de  même  ,  et  on 
sait  cmpaimicr  la  pratique  à  peu  près  comme  le  pre- 
mier veuu. 

En  matière  commerciale ,  je  suis  de  l'avis  de  Jo- 
conde ,  je  courtise  la  brune  et  la  blonde  :  légitimiste 
avec  les  Augevius,  conservateur  avec  les  Picards,  pres- 
que libéral  avec  les  Tourangeaux,  partout  où  j'ai  voyagé 
selon  les  pays  j'ai  changé.  La  Vendée ,  Waterloo ,  les 
blancs,  les  bleus,  les  compliments  h  la  maîtresse  et  au 
maître  de  la  maison  ,  les  bonbons  aux  enfants,  les  flat- 
teries aux  domestiques,  j'ai  tout  luèlé,  tout  employé, 
personne  ne  m'a  dit  seulement  :  <•  Déballez  votre  coup 
d'État  pour  que  je  voie  uu  peu  combien  en  vaut  l'aune.  » 

—  Peut-être  y  a-t-il  des  concurrences? 

—  Il  y  a  bien  la  maison  Thitrs-  Mole  et  C"  ,  qui  fabri- 
que aussi  les  coups  d'État;  mais  pour  le  moment  ces 
messieurs  ont  éteint  leurs  fourneaux  et  renvoyé  leurs 
ouviiers. 

—  Qui  sait  si  la  maison  Changarnier-Monlalemberi- 
Falloux  n'envoie  pas  des  commis -voyageurs  avec  une 
marque  de  qualité  supérieure,  tandis  que  vous  avez  la 
fausse  marque  qui  éloigne  les  clients? 

—  Vous  pourriez  croire — 

—  Écoutez ,  jeuue  homme  :  la  maison  en  question  fil , 
lans  le  temps  qu'elle  était  en  d'autres  mains,  des  pro- 
positions à  l'illustre  Gaudissart ,  Gnudissart  I",  comme 


tout  le  monde  l'apiwlait ,  votre  oncle  n'accepta  pas  le 
coup  d'État ,  de  la  réussite  duquel  on  voulut  le  charger 
moyemiant  une  bonne  commission.  Il  faut  en  convenir, 
votre  oncle  aima  mieux  travailler  pour  sou  compte;  on 
ne  le  lui  a  point  pardonné ,  et  c'est  sur  vous  aujourd'hui 
(|ue  pourrait  bien  retomber  la  vengeance  des  prédéces- 
seurs de  Changarnier,   Montalembert,  Falloux  et  G'". 

—  Je  me  tiendrai  sur  mes  gardes. 

—  El  vous  ferez  bien.  Quant  h  votre  coup  d'État... 

—  On  me  fait  csjiérer  que  je  pourrai  m'en  débarras- 
ser en  Normandie  ;  je  vais  partir  dés  demain  jiour  ce 
pays. 

—  Les  Normands  cependant  n'aimenl  guère  les  coui)s 
d'Étal. 

On  a  distribué  deiiuis  quelques  mois  beaucouj)  de 
prospectus  dans  les  campagnes,  et,  avec  l'aide  des  curés 
et  des  colonels  en  retraite ,  je  finirai  par  tirer  un  assez 
bon  parti  de  ma  marchandise. 

—  Je  crois  que  l'on  se  trompe  si  on  vous  a  fait  croire 
cela. 

■—  Est-ce  qu'on  |ieul  irom|)er  le  neveu  de  1  illustri' 
Gaudissarl? 

—  Tout  comme  un  autre;  j'arrive  delà  .Normandie. 

—  Depuis  ([uaud? 

—  Depuis  une  heure ,  et  je  puis  vous  assurer  qu'eu 
Normandie  ou  ne  vous  donnera  pas  seulement  vingt- 
cinq  centimes  de  votre  coup  d'Etal. 

—  Alors  je  le  ferai  démonter,  et  je  le  vendrai  en 
détail. 

—  Vous  ferez  bien  mieux  de  le  rendre  à  la  maison 
Changarnier,  MouUlemberU,  Falloux  elC". 

—  Je  m'arrêterai  peut-être  à  ce  dernier  parti. 

—  C'est  le  plus  sûr,  croyez -moi;  quittez  les  coups 
d'État ,  cl  voyagez  pour  une  autre  partie. 


IXS   AVENTURES    DIVERTISSANTES   ET   NON    FOIITIQUES 

/).   m.nirr.  Lo/,/'  cl  de  sou  cp/ircdi  Pipi  S- 


Maître  Keill  est  r^eillé 
.aâsez  aubitement. 


Maître  Lapp  cherche  à  éloigner  s 
de  la  fenêtre  de  maitre  Ke 


Ce  qu 


nalgré  l'assistance  dan  valet  philanthropiqu 
devient  impossible. 


A    L'USAr.K   DKS  GKNS   SKlUKliX. 


LA  SCKNK  SK   l'VSSK  A  (iAK'Il-; 


"  ()uo  (lésirpz-voiis,  colonel  ? 

—  Je  viens  de  remettre,  de  la  pari  du  m'riéral  Oiidi- 
not ,  les  fiefs  de  Rome  an  Sainl-Pèro,  cl  je  désire  parler 
au  sacré  colléj^e. 

—  Il  est  en  prières  avec  l'andjassadenr  de  Naple>. 

—  Nos  soldats orciipeiit  Rome,  les  triumvirs  sont  en 
fuite  ,  (larihaldi  est  parti  ;  le  générai  désire  sa>oir  (piaiid 
le  sacré  collège  entrera  dans  la  ville  élernelleV 

—  Pas  encore  ,  pas  encore.  « 
l.e  colonel  remonte  à  cheval. 

>.  Ou'ya-t-il  pour  votre  service,  comiiiandaiii? 

—  Mon  générai  m'a  donné  une  mission  pour  le  sacré 
collège,  je  voudrais  lui  parler  sur-le-champ. 

—  Impossible!  il  récite  son  chapelet  avec  l'ambassa- 
deur d'Autriche. 

—  Ce  cha|)elet  est-il  long? 

—  Très-long,  c'est  un  chapelet  extraordinaire.  L)on- 
uez-moi  votre  message,  je  le  transmettrai. 

—  C'est  un  message  purement  verbal.  Le  général  fait 
signer  à  force  des  adresses  pour  demander  le  retour  du 
pape.  Les  cafés  où  l'on  tenait  des  propos  séditieux  sont 
fermés,  les  insignes  de  l'ancien  gouvernement  sont  ré- 
tablis partout;  le  général  demande  si  les  cardinaux 
viendront  bientôt  s'installer  au  Vatican? 

—  Pas  encore  ,  pas  encore.    ■ 

Le  commandant  se  dirige  vers  le  quariier  général. 

!•  Que  demandez-  vous ,  capitaine  ? 

— ;- Je  demande  à  entretenir  sans  rciard  le  sacré  collège. 


—  Il  est  il  matines  avec  l'audjassaili'ur  d'Kspagne. 

—  Après  matines? 

—  Il  entendra  la  mi-sse  avec  le  {|iar'.;é  d'jlljires  de 
Russie. 

—  Après  la  messe? 

—  Il  ira  à  vêpres  avec  le  ministre  de  l'iisrane. 

—  .Après  vêpres? 

—  Il  se  couchera. 

—  Le  sacré  collège  est  donc  invisible? 

—  Pour  aujourd'hui  ;  mais  si  c'est  (|uel(|ne  chose 
(pi'on  puisse  lui  dire? 

—  Diles-lni  que  les  journ.iux  sont  su|)priniés,  que 
Rome  est  en  étal  de  siège ,  qu'on  a  expulsé  tous  les  gens 
(pi'on  |)ouvait  soupçonner  de  la  moindre  nuance  de 
libéralisme;  le  général  voudrait  savoir  d'une  manière 
calégori((ue  si  le  sacré  collège  ne  trouve  pas  (|ue  le 
moment  soit  favorable  pour  opérer  sa  rentrée. 

—  Pas  encore  ,  pas  encore.  ■< 
Le  capilaiiie  retonriie  à  Rome. 

"  Qui  va  là  , 

—  C'est  moi. 

—  Qui,  vous? 

—  L'abbé  de  Falloux.  Le  sacré  collège  esi-il  visible? 

—  Pour  vous,  toujours. 

—  Annoncez  moi. 

—  Eminences,  voici  l'abbé  de  Falluux. 

—  Qu'il  entre,  et  qu'on  lui  donne  un  siège  d'hon- 
neur. » 

L'abbé  de  Fallonx  s'asseoit. 


I.ES    AVENTURES   DIVERTISSANTES   ET   NON    FOUTIÇUES 

De  maître  Lapp  et  Je  bOn  apprenti  I  ipps. 


D«-uï  apprentis  cordonniers  el  un  appri*nti 

tailleur,  mus  par  le  même  sentiment, 

viennent  en  aide. 


«>n  arrive  à  un  i 


Deux  charretiers  réussissent  enfin  à  ent 
ner  le  cheval  loin  de  la  fenêtre,  mai  = 
le  cheval  entraine  maître  Keill. 


REVUE   COMIQUE 


«  Euiincnces,  je  viens  vous  nppieiulre  que  le  gou- 
veruemeiit  papal  peut  dôcidénieiU  fonctionner.  Les  ca- 
chots (lu  fort  Saint-Ange  sont  pleins  de  prisonniers.  Il 
faut  frapper  les  traîtres. 

—  Nous  avons  carte  blanche  ? 

—  EntièicnieHi. 


—  Nous  n'attendions  pas  moins  du  la  France.  Remet- 
tez de  notre  part ,  en  signe  de  reconnaissance ,  ce  mor- 
ceau de  la  vraie  croix  au  général  Oudinot.  Maintenant 
qu'il  s'agit  de  représailles,  fixons  le  jour  de  notre 
rentrée. 

—  Tout  de  suite,  tout  de  suite  !  » 


1.01  SUR  L'ÉTAT  DE  SIEGE. 

Avant  d'entrer  en  vacances,  l'Assenihlée  nationale  légishilivc  a  voulu  doler  le  pays  de  la  lui  sur  l'étal  de  siège; 
nous  nous  empressons  de  la  publier. 

Article  1". 
Aucun  Français,  aux  termes  de  la  Constitution,  ne  pouvant  être  distrait  de  ses  juges 
naturels,  on  confie  durant  1  état  de  siège  la  connaissance  des  délits  de  presse  à  quatre  hommeâ 

et  un  caporal. 

Article  2. 

Le  gouvernement  proclame  TcHat  de  siège  quand  il  lui  plaîl. 


Voilà  toute  la  loi.  Nous  devons  rendre  justice  aux  efforts  de  M.  Dufaure  pour  la  faire  adopter.  Il  est  question 
de  lui  voter  une  médaille  d'honneiu-,  représentant  d'un  côté  la  figure  de  l'illustre  ministre,  de  l'autre  la  Liberté 
avec  l'exergue  :  «  C'est  ce  qu'on  aime  qu'on  veut  enchaîner.  » 


XrS  AVENTURES  DIVERTISSANTES   ET   NON   POUTIQUES 

De  mn'tre  Lcipp  et  de  son  appreiift  Pipps. 


.Maître  Kcill  Unit  par  se  débar- 
rasser du  cheval ,  mais  avec 
perle  de  chevelure  et 
bénéfice  de  tessons 
de  vitre. 


Maître  KciU  jure  par  tout  <■ 

qu'il  a  de  plus  cher  de 

tirer  une  vengeance 

terrible  du 

tailleur. 


Pendant  ce  temps,  maître  I.app  entraîné,  comme  un 
nouveau  Mazcppa  par  son  coursier ,  traverse 

(La  suileù  hicnlôt.) 


A    1. 

l  SU'.K   DKS  (iKNS  SKKIKl  \.                                                   m 

LE  MKA  Cl  LPA. 

PIIKMIKIIK  VOIX. 

Tnoisii-:ME  voi\. 

J'iiiiiip  le  lisdi'  lu  vallée, 
Jf  di'leslais  le  coq  gaulois; 
Aussi ,  ilans  une  autre  assemblée 
Ai-je  volé  noir  bien  des  fois. 
Qu'importait  la  rhose  publique' 
Mais  qu'un  roi  vienne  désormais, 
En  haine  de  la  République , 
Je  vote  blanc  à  loul  jamai^. 

Enfant  de  lu  philosophie  , 

Je  n'écoutais  que  ma  raison. 

Insensé  ((ui,  dans  ma  folie, 

Courais  à  ma  perdition! 

Le  prêtre  a  dit  qu'il  fallait  croire; 

La  religion  est  un  frein 

Eh  bien!  ciel,  enfer,  purgatoire, 

Je  crois  tout. , . .  tout  jusqu'à  demain. 

CUOEIB. 

riK»:iR. 

Meà  eulpù ,  meà  culpâ , 
r.'esl  ma  faute  ,  je  m'en  confesse 
Pardonnez ,  Jésus ,  Maria  , 
Ce  gros  péché  de  ma  jeunesse  ; 
Meà  culpà  niaximà! 

Meà  culpà,  meà  culpà, 
C'est  ma  faute,  je  m'en  confesse; 
Pardonnez,  Jésus,  Maria, 
Cj-  gros  péché  de  ma  jeunesse  ; 
>Ieà  culpâ  maximà  ! 

DEUXIÈME  VOIX. 

QUATRIÈME  VOIX. 

A  la  nouvelle  dynastie  , 

Moi,  j'avais  donné  mon  amour; 

Je  l'aimais  avec  frénésie  , 

Mais  non  sans  espoir  de  letour  : 

Je  désirais  un  ministère; 

Le  vieux  roi  no  me  voulait  pas. 

Je  banquetai Cruelle  terre . 

Tu  devais  fouvrir  sous  mes  pas  : 

*• 

Enfant  de  Mars  et  de  la  Gloire , 
Je  me  moquais  de  tout  jadis, 
Et  volais  après  la  victoire 
Sans  trop  songer  au  paradis. 
Que  de  fois,  après  mainte  étape, 

M'amusé-je  comme  un  pa'i'en  ! 

Dieu  me  pardonne,  et  que  le  pape 
Me  laisse  gémir  dans  sou  sein  !  ! 

CHOEUR. 

CHOEUR. 

Meà  culpâ ,  meà  culpà , 
C'est  ma  faute,  je  m'en  confesse; 
Pardonnez,  Jésus,  Maria, 
Ce  gros  péché  de  ma  jeunesse  ; 
Meà  culpà  maximà  ! 

Meà  culpà  ,  meà  culpà  , 
C'est  ma  faule ,  je  m'en  confesse  ; 
Pardonnez,  Jésus,  Maria, 
Ce  gros  péché  de  ma  jeunesse  ; 
Meà  culpà  maximà  ! 

MOI. 

Lorsque  la  noble  populace 
Veillait  sur  la  riche  cité, 
Tous  ces  hommes,  avec  audace  . 
Criaient  :  Vive  la  liberté  1 
Dupes  de  leur  hypocrisie , 
Nous  les  crûmes  de  bonne  foi  ; 
Républicains,  quelle  folie'..... 
Allons!  répétez  avec  moi  : 

M^  à  ■•u!pà  ,  meà  culpà  , 
C  est  ma  faute ,  je  m'en  confesse  ; 
Pardonnons-nous  ce  péché-là  , 
C'était  un  péché  de  jeunesse; 
-Meà  culpà  maximà  ! 

Docteur  H.  M. 

7  aoQt  1819. 

112 


KEVUE  COMIQUE. 


! 


f 


Aulietois  clKiinpioii  ilc  lii  déniornilic, 
Tocqueville  il  Falluiix  ;iccoiile  son  (•(incuiiis; 
Des  sacri'S  ciiidiiiaux,  en  ses  pâles  discums, 

Il  défend  la  suprc'^malic. 
Ne  soyons  pas  surpris  qu'il  vienne  réf\iler 
Sa  foi'des  anciens  jours  et  ses  premiers  ouvraize-- 

Il  a  ,  dans  ses  nombreux  voyage- , 

Pris  l'habimai-  .le  noiler..  .. 


Dessiné  par  FABRiT7it 


Gravé  par  BuJl  *-jt. 


I 


(vitliiiics. 


DUMINEHAT .    ÉDITEUK  ,    HUE   RICHELIEU,    yi. 


<V'     l.iriaiSdil. 

vrrTfpra 


OM>ITIO\S  DE  LA  SOI  SCIUPTION.  —  La  RtvuE  coMlgl  E  formera  drux  rolumcs  srand  in-8°,  publiés  en  W  livraisons  a  3ti  remîmes: 
■ei.timrs  Le  premier  volume  composé  des  25  premières  livraisons,  a  été  achevé  le  28  avril  lrt49.  Il  renferme  .nviron  500  caric.turrs  poMliqu 
•oliime  ;  7  fr.  50  c;  par  la  puste,  10  fr.  Le  second  volume  parait  en  livraisons.  On  souscrit ,  pour  ce  volume ,  tn  payant  7  tr.  60  c.  pour  Pans 
départcmeols. 


par  la  po-îe, 
es.  —  Prii  de 
,  et  10  fr.  pour 


•I 


AUX   SOTTSCniPTEURS   DE   lA   REVUE  COMIQUE. 

Le  premier  feuillet  de  ciiiKiiic  livraison,  lepiorluisatU  uiiifoimément  le  dessin  de  la  couverlure ,  doil 
être  enlevé  à  la  hiocluiie.  —  Afin  de  varier  le  verso  de  ce  premier  fcnillet,  sans  toutefois  y  insérer  rien 
d'import.Tnl ,  dont  la  suppression  aurait  quelque  inconvénient,  ce  verso,  à  l'avenir,  sera  occupé  par  la  cor- 
respondance de  la  Revle,  par  des  annonces  drolatiques,  ou  quel(|ue  aulre  sujet  accessoire  eu  dehors  de 
notre  cadre;  de  telle  sorte  que  lorsque  les  souscripteurs  réuniront  en  volumes  la  collection  des  livraisons, 
ce  feuillet,  enlevé,  ne  supprimera  aucune  iiarlic  intégrante  de  l'ouvrage.  Le  dernier  feuillet  de  la  couver- 
ture, formant  la  dernière  et  l'avant- derniéie  page  de  chaque  livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage 
complet,  dont  il  ne  peut  être  détaché. 


AVIS  AUX  JOURNAUX  DE  PARIS  ET  DES  DÉPARTEMENTS. 

Nous  autorisons  la  ropn«lui.lion  dos  orlii'les  conU-iius  ilaiis  Ui  Uceiie  rmuir/iic  ,  à  b  condition  : 

i"  De  citer  la  Revue  en  lui  empruntant  ses  articles; 

■î"  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiois  des  maliorcs  contenues  dans  ilia(|ue  numéro. 


Pendant  la  durée  des  vacances  la  REVUS  COSaïQUE  ne  paraîtra  que  tous  les  quinze  jours, 
à  moins  qu'il  ne  survienne  des  sujets  pressants. 


CORRESPONDANCE. 

A  M   J.  K.  —  Nous  avons  déjà  deux  articles  sur  ce 
sujet. 

AM.  T.  B.,  à  Bar-sur-Aube.  —  N'y  pensez  plus!... 


Au  Conseil  municipal  de  V —  Nous  sommes 

inliniment  Haltes  des  trois  souscriptions  que  vous  avez 
bien  voulu  prendre  poin-  les  trois  principaux  établisse- 
ments de  votre  localiié. 

A  M.  Ulysse  B.  —  Ils  ont  tous,  en  etl'et,  des  tèles 
affreuses! 

A  M.  K.  D.,  à  Rouen.  —  Le  premier  point  est  iiieun- 
lestable,  le  second  est  assez  présuniable;  mais  la  con- 
clusion est  bien  tombée  dans  l'eau  :  veuillez  terminer 
voire  travail  sur  celte  donnée,  nous  nous  empresse- 
rons de  le  publier. 

A  M.  L.  a  Lille.  —  Vos  Inminmi^  sont  trop  sifs,  el 
ne  tiennent  pas  assez  comple  île  la  nouvelle  lé-islaiiun 
de  la  presse. 


A  M.  K.  C.  —  Vos  proverbes  manquent  un  peu 
d'à-propos;  cependant  ils  peuvent  redevenir  de  circon- 
stance, c'est  même  Irés-probable,  et  il  ne  faudra  pas 
attendre  très-longlemps,  nous  le  pensons  :  si  vous  n'en 
avez  pas  alors  autrement  disposé,  nous  serons  enchanté 
de  les  publier. 

A  M.  P.  N.  —  Nous  avons  pris  note  des  diverses  de- 
mandes que  vous  nous  adressez,  et  chaque  objet  sera 
exactement  envoyé. 

A  M.  C.  P.  —  Le  coloris  augmente  considérablement 
les  frais,  sans  cela  nous  l'adopterions  pour  chaque 
livraison;  mais,  vu  l'excessif  bon  marché  de  nos 
livraisons,  il  ne  rous  est  pas  possible  d'y  songer. 

A  M.  de  K.  K.  Q.  G.,  à  QuimfcrU.  —  'Hms  pouvons 
NOUS  affirmer  (uie  le  portrait  en  cpieslion  est  très-res- 
semblant ,  el  nous  \  eus  fournirons  tous  les  tirages  que 
VOUS  voudrez  bien  nous  demander,  en  y  joignant  le 
con|)lel  que  vous  nous  avez  adressé. 


Pour  paraître  dans  le  courant  d'aoùl  chez  MARTINON,  rue  du  CoqSaint-Honoré,  l\. 
LE  GRAND  ET  MAGNIFIQUE 

ALiiANiicii  DE  inmi  mmi 

l'oiii   I  N»>u  ^ 

Rcnfermanl  la  trés-ccU'hre  prédidion  pour  celle  élonnaiiie  année,  déconvcric  en  15.50,  allrihuéc  au  grand 
Mischskolskcski  III  el  très-connue  dans  le.s  provinces  dannhienncs  .sous  le  nom  de  Prophétie  Slave. 

Lu  juli    Vdhimc  l;i;iii(I   iii-IO  illuslrr  de  iionihiviiscs  vigiictlcs, 
Par  BERTAIxXj,  NADARD,  FABRITZIUS,  etc. 

I'i:i\    :    .')0  (;i;.MiMi;s. 


Paris   —  Ty|)usrapliii'  l'Ion  (ri 


de  Vaugirard  ,  36. 


LES  0\ATIO>S  1)1-:  M.  (IDILON  BARROT, 


I. 


0  Mes  clicrs  collègues ,  dit  M.  Odiloii  Barrol ,  nous  ne 
devons  négliger  aucune  des  Iraditions  de  la  monarchie 
si  nous  voulons  être  sauvés  :  la  monarchie  voyageai! 
beaucoup  ;  nous  devrions  faire  comme  elle. 

—  Mais  vous  n'y  songez  pas  ,  lui  répondireul  ses  col- 
lègues :  il  y  a  huit  jours  à  peine  que  nous  sommes  de 
relour  ! 

—  Il  faut  repartir  encore  ! 

—  Pour  où? 

—  Parbleu ,  pour  la  Xorniandic  !  elle  brûle  de  nous 
voir  :  je  reçois  de  tous  les  côtés  des  lettres  qui  témoi- 
gnent de  l'impatience  qu'éprouvent  les  populations  nor- 
mandes de  contempler  la  physionomie  de  celui  qui  a 
sauvé  la  France  de  l'anarchie  ;  c'est  ainsi  que  l'on  me 
désigne  dans  l'ancienne  Neustrie.  Je  suis  décidé  à  me 
rendre  au  vœu  unanime  de  cette  intéressante  contrée; 
d'ailleurs  il  est  d'une  bonne  politique  de  montrer  le 
pouvoir  exécutif  à  la  ï'rance. 

—  Mais  nous  sommes  très-fatigués,  et  le  pouvoir 
exécutif  aussi. 

—  Il  y  a  des  moments  oii  il  faut  savoir  se  sacriûer  aux 
exigences  gouvernementales  :  nous  partirons  demain  ; 
allez  faire  vos  paquets. 

—  Je  demande,  dit  alors  le  citoyen  Lanjuinais,  à 
dire  un  mot  sur  la  question. 

—  Dites,  mon  cher  ami,  dites. 


—  Nous  avons,  dans  le  premier  voyage  du  pouvoir 
executif,  violé  les  traditions  monarchiques. 

—  Vous  m'étonnez! 

—  La  monarchie  n'allait  jamais  en  cheiuin  de  fer  ; 
ses  ministres  ne  le  lui  permettaient  pas  :  doit-on  conti- 
nuer à  se  montrer  plus  tolérant  à  l'égard  du  pouvoir 
exécutif? 

—  Du  moment  que  je  serai  là,  s.ins  doute!  ne  suis- 
je  pas  responsable?  Vous  n'entendez  rien  au  droit  con- 
stitutionnel, mou  cher  Lanjuinais,  et,  pour  vous  pu- 
nir, je  vous  mets  en  retenue  :  vous  ne  viendrez  pas  eu 
Normandie  avec  nous.  » 


IL 


n  Qu'on  aille  me  chercher  un  chc\al! 

—  Quoi,  vous  voulez... 

—  Sans  doute.  Il  ferait  beau  voir  un  président  du 
conseil  marcher  à  pied ,  lorsque  le  pouvoir  exécutif  est 
à  cheval  !  Je  suis  meilleur  écuyer  qu'on  ne  le  croit  com- 
munément ;  d'ailleurs  n'ai-je  pas  été  sur  le  point  de 
monter  à  cheval  le  2i  février! 

—  Pardon ,  je  l'avais  oublié.  Mais  voici  un  cheval 
qu'on  vous  amène. 

—  C'est  bien.  Maintenant  nous  pouvons  quitter 
l'embarcadère.  J'entrerai  d'une  façon  digue  de  moi 
dans  Rouen;  tous  les  Rouennais  pourront  me  contem- 
pler. Mais  quels  sont  ces  cris? 

—  Je  crois  qu'on  crie  :  Vive  la  République! 


RKVl  !•:   COMIQUE 


—  Impossible,  mou  ciier;  vous  vous  lioinpez. 

—  Kii  l'ITot,  il  uic  semble  qu'on  crie... 

—  Vive  Oiiikm  Bairot!... 

—  Non. 

—  Quoi  donc'.' 

—  Vive  la  Conslilulion  ! 

—  Des  cris  sédilieux!  il  faudra  mellrc  Rouen  en 
élal  de  siège. 

—  Voilà  maiulcnaiil  ([u'oii  crie  :  Vive  le  présidenl! 

—  Toujours  de  la  sédition  ! 

—  \'ive  Napoléon  ! 

—  A  la  bonne  iipure,  ceci  peul  s'entendre!  Avançons 
un  peu  ,  je  vous  prie.  A  propos  ,  èles-vous  sur  de  mon 
rhi'xal? 

—  Ou  a  choisi  (oui  exprès  celui  qui  serl  aux  écoliers 
de  liuilièmeau  manège  de  Rouen. 

—  (,'esl  ce  qu'il  me  faut.  Ces  chapeaux  h  plumes  me 
iiias(|uent ,  mettons-nous  en  tète  du  cortège  ;  le  peuple 
doit  soupirer  après  moi  ;  qu'il  puisse  au  moins  faire 
éclater  ta  joie  et  sou  enthousiasme  à  mou  aspect  :  il 
m'a  aperçu,  les  cris  redoublent. 

—  Eu  effet ,  les  gardes  nationales  rurales  s'égosillent 
à  crier  :  Vive  la  Constitution  ! 

—  C'est  que  l'on  ne  m'a  pas  aperçu  encore.  Dccidé- 
meulj'aurais  bien  fait  de  mettre  un  plumet  à  mon  cha- 
peau ,  couiHielc  pouvoir  exécutif,  et  d'endosser  l'uni- 
fornie  de  général  de  la  garde  nationale. 


III. 


—  (A'Ia  ne  saurait  durer  plus  loiiyleni|>s. 

—  Ue  (]noi  donc  vous  plaiguez-\ous,  mon  cher  col- 
lègue? 

—  Comment,  Lacrosse  ,  vous  me  le  demander? 

—  .Sans  doute,  puisque  je  l'ignore. 

—  La  conduite  du  jwuvoir  exécutif  est  inlolciahle. 

—  Qu'atil  fait? 

—  Vous  ne  voyrz  pas  comme  il  me  traite!  il  fuit 
l'éloge  de  tout  le  monde,  de  M.  Thiers,  du  grand  Cor- 
neille, et  pas  un  mot  de  moi.  On  dirait  que  je  n'existe 
pas.  Ce  n'est  pas  M.  Thiers  qui  a  sauvé  la  société ,  ce 
n'est  pas  le  grand  Corneille  qui  a  rédige  la  nouvelle  loi 
sur  la  presse.  Tant  d'ingratitude  me  révolte  ! 

—  Calmez-vous,  mon  cher  |irésident,  calmez-vous. 
Personne  ne  songe  à  méconnaître  vos  services;  mais  ne 
sommes- nous  pas  dans  la  patrie  du  grand  Corneille? 

—  J'en  conviens. 

—  Elde.M.  Thiers? 

—  .M.  Thiers  est  né  à  Marseille. 

—  Il  a  changé  de  lieu  de  naissance  depuis  (jue  les 
Provençaux  ont  cessé  de  le  choisir  comme  représentant. 
M.  Thiers  a  déclaré  que  dorénavant  on  eût  a  le  consi- 
dérer connue  Rouennais;  vous  avez  dû  remartpier 
comme  depuis  qnel(|ue  temps  il  a  pris  quehiue  chose  de 
l'accent  el  de  la  louruuie  d'un  Normand. 


—  Il  y  a  longtemps  que  je  m'en  suis  aperçu. 

—  Trouvez  bon  que,  pour  llatter  les  Rouennais,  le 
pouvoir  exècuiif  fasse  rc!oge  de  leur  compatriote.  Quand 
nous  irons  visiter  le  département  de  l'Aisne,  ce  sera 
\otre  tour. 

—  En  attendant  on  me  traite  connue  un  zéro.  Mais 
les  acclamations  populaires  me  vengeront  de  ce  dédain. 

—  Gardez-vous  d'en  douter.  A  propos,  comment 
rouvcz-vous  ie  mot  du  pouvoir  exécutif? 

—  Quel  mot? 

—  «  Si  Corneil'e  (ùl  vécu  de  mon  tcni|)s,  j'en  aurais 
)  fait  un  premier  ministre.  ■>  Ce  mol  a  produit  le  plus 
grand  effet.  Mais  nous  allons  partir  pour  le  Havre  ;  je 
cours  chauffer  l'ovation  du  départ. 

IV. 

—  Voici ,  monsieur  le  président  du  conseil,  les  nota- 
bles du  Havre  qui  viennent  d'entrer  dans  l'hôtel. 

—  Je  suis  prêt  à  les  recevoir. 

—  L'adjoint  du  maire  est  à  leur  lète ,  el  il  est  sans 
doute  chargé  de  vous  complimenier. 

—  N'attendez  pas  qu'ils  soient  sur  l'escalier;  ouvrez 
la  porte  à  deux  battants,  et  criez  à  haute  et  intelligible 
voix  :  Entrez,  messieurs  les  notables. 

—  Messieurs  les  notables,  entrez. 
L'adjoint  jnend  la  parole. 

—  Nous  venons,  monsieur,  adresser  nos  félicitalions 
et  nos  hommages  au  sauveur  de  la  société. 

—  Messieurs,  je  vous  remercie. 

—  A  l'illustre  épée  qui  a  délivré  h  France  de  l'anar- 
chie. 

—  Vous  dites? 

—  Au  grand  guerrier  (jui  s'est  couvert  de  gloire  dans 
la  grande  bataille  du  13  juin. 

—  Comment  ? 

—  Eu  un  n)ot ,  au  général  Chaugarnier  ,  l'ancre  de 
salut  de  la  prospérité  publique ,  le  véritable  représen- 
lantdu  parti  de  l'ordre  :  Vive  le  général  Changaruier  ! 

—  .Mais  je  ne  suis  pas  le  général  Changaruier. 

—  Vous  êtes  alors  l'illustre  Fialin  de  Persigny.  Vive 
M.  Fialin! 

—  M.  Fialin  n'est  pas  ici. 

—  C'est  peut-être  au  célèbre  Viellard  que  nous  avons 
1  honneur  de  parler.  Vive  M.  Viellard! 

—  Je  ne  suis  puinl  M.  Viellard! 

—  Ne  seriez-vous  point  par  hasard  M.  Lucien  Mu- 
ral. Vive  M.  Mural! 

—  Messieurs,  on  me  nomme  Odilon  Barrot. 

—  Mille  pardons,  monsieur,  de  vous  avoir  dérange, 
nous  fommes  vos  irès-humbles  serviteurs.  » 


V. 


<■  Mes  amis ,  mes  ciiers  amis,  il  faut  faire  cela  pour 


Dans  quclq 


MAI    1848 

Knfin,  voici  les  élections  I 
jours  l'Assemblée  nationale  sf 
mier  soin  sera  certainement  de  nous  débarrasser 
lie  la  République  et  de  nous  donner  un  roi  so- 
lide ;  nous  ne  pouvons  nous  en  passer  plus  lonc 
temps,  ^ 

Dans  un  mois  il  ne  sera  plus  question  de  Ré- 
publique. 


Cette  toi 
infâmes  rêpubi 

tusillés  sont  bien  casema'és,  et  les  conseil 
guerre  en  feront  prompte  justice.  Il  est  fàclieu: 
que  IWssemblée    ait  cru  devoir  se  servir  d"ui 
Tavaignac,  mais  enfin  il  fallait  une  transition 

Dans  deux  mois  il  ne  sera  plus  question  d 
République. 


là  bien  débarrassés  de  ces  1-inirons- nous  l'année  sous  cette  satanéi-  R-- 
ceux  qui  n'ont  pas  été  publique  l  Nous  sommes,  à  la  vérité,  débarras- 
sés de  ces  gredins  de  républicains  et  ne  leur 
infernal  Cavaignac  ;  mais  malheuriMiscment  tout 
n'tst  pas  fini.  Encore  une  étape  à  faire  ;  mais  un 
peu  de  patience,  ce  ne  sera  pas  long. 

rais  trois  iMOis  il  ne  sera  plu.  question  de 
Uépublique. 


.M.Al    18 19. 


Encore  en  République'  Mais  où  allons  noi.s, 
grand  Dieu*  Heureusement  que  nous  avons  une 
immense  majorité  dans  la  nouvelle  .assemblée, 
et  elle  ne  peut  manquer  de  proclamer  au  plutôt 
la  monarchie.  Il  est  grandement  temps  d'y  re- 
venir, les  bons  principes  se  perden». 

Mais  grâce  i  l'.lss.  mbiée,  la  République  est  à 
sa  dernière  heure....  il  faut  bien  l'espérer' 


JLIN  l8t'J. 
(Quelle  impardonnable  faute  !  Changarnier  a 
tout  gâté  avec  son  impétuosité.  Il  fallait  les  lais- 
ser s'engager  davantage,  les  prendre  par  la 
tête,  parla  queue,  par  les  lianes,  et  mitrailler 
toute  cette  canaille,  puis  profiter  du  tumulte 
pour  proclamer  la  monarchie.  Quelle  folie  de 
croire  qu'il  faut  encure  des  ménagen 
République  n'auiait-elle  pas  fi 


AOUT  ■1849. 

C'est  aujourd'hui  le  16  août,  la  journée  du 

15  s'est  passée  sans  aïneiier  les  changements  que 

nous  attendions.  Qtie  signifient  ces  cris  de  l'ire 

la  Rrputilique:    l'ivc  lo  Coiislilution  .'  que  l'on 

pousse  aujourd'hui  par  toute  la  France. 

Dii-huit  mois  de  République!  Mais  le  pays 

La     s'y  habitue  ;  et,  si  malhtureuseirent  les  affaires 

temps  !  reprennent  malgré  nous  ,  nous  sommes  âam- 


Dessiné  par  Dectsch. 


bés! 


Gravé  par  Baviast. 


UG 


UEVUE   COMIQLK 


—  Tout  ce  que  vous  voudrez,  mon  cher  monsieur  | 
Grandin,  exceplé  pourtant  de  nous  couvrir  de  ridicule, 
nous  et  toute  la  ville  d'Elbeuf. 

—  Je  lui  avais  promis  un  accueil  si  flaltenr  de  votre 

part! 

—  Toujours  la  même  mystification  qui  coninuie , 
nous  savons  bien  que  vous  êtes  un  farceur,  monsieur 
Grandin,  mais  vous  poussez  la  chose  trop  loin.  Nous  ne 
pouvons  pas  consentir  à  cri.  r  Vive  un  mort. 

—  Vous  croyez  qu'Odi'.on  lîarrot  est  mort? 

—  Plusieurs  années  avant  Benjamin  Constant ,  dont 
il  était  l'ami  intime  et  avec  lequel  il  siégeait  à  la  cham- 
bre des  députés  sous  la  Restauration.  Son  convoi  fui 
magnilique.  à  preuve  qu'il  y  eut  deux  ou  trois  personnes 
tuées  rue  Saint-Denis.  Mou  oncle,  Thomas,  y  était,  et 
il  man(pia  d'être  écrasé  sous  les  chevaux  des  t;eiularmes, 
parce  qu'il  criuit  :  Vive  la  Charte. 

—  Mais  je  vous  dis  que  vous  vous  trom|)ez ,  Odilon 
Barroi  vit  encore,  il  est  président  du  conseil  des  mi- 
nistres. 

—  Parole  d'honneur? 

—  Je  vous  le  jure. 

—  Alors  nous  vous  croyons,  et  nous  crierons:  Vive 
Odilon  Barroi  ! 

—  Mais  ce  n'e^t  pas  tout. 

—  Oue  faul-il  faire  encore  ! 

—  Lui  rendre  en  corps  une  visite.  Vous  Oies  la  fine 
Qcur  des  conservateurs  du  pays,  il  sera  bien  aise  devons 
voir.  Je  me  charge  de  vous  présenter. 

—  Nous  irons,  monsieur  Grandin,  dès  que  cela  peut 
vous  être  agréable;  d'aiikurs  je  suis  bien  aise  d'expri- 
mer il  cet  Odilon  Barroi  le  vœu  unanime  des  conserva- 
teurs d'Elheuf  el  de  toute  la  France.  » 


VI. 


,.  Messieurs  les  notables  d'I'lhenf,  croyez  que  je  n'ou- 
blierai jamais  la  démarche  flatteuse  que  vous  laites  en 
ce  moment,  et  que  ce  jour  est  le  plus  beau  jour  de  ma 
vie!  Soyez  convaincus  que  mon  seul,  mon  uni(pie  bni 
(i>l  de  sauver  l'ordre  el  la  société. 


—  Nous  n'en  doutons  pas,  monsieur  le  ministre,  aussi 
sommes-nous  ii  notre  aise  pour  vous  adresser  une  de- 
mande. 

--  Parlez,  messieurs,  parlez. 

—  Le  véritable  parti  de  l'ordre,  les  conservateurs  sé- 
rieux sont  mécontents. 

—  N'a-t-on  pas  assez  fait  pour  eux? 

—  Ou  n'a  rien  fait  encore. 

—  Quoi,  Paris  en  état  de  siège! 

—  Tout  cela  n'est  rien. 

—  Les  journaux  suspendus,  les  décrets  du  gouver- 
nement provisoire  annulés. 

—  Bien  encore.  Le  parti  conseï valeur  ne  sera  ti  an- 
quille  que  lorsque  M.  Léon  Faucher  reprendra  le  por- 
tefeuille de  riiitérieur.  C'est  le  seul  houuue  auquel  nous 
ayons  confiance.  Tous  les  autres  sont  plus  ou  moins  des 
républicains.  En  attendant  cel  acte  de  haute  justice , 
monsieur  le  ministre,  nous  vous  prions  en  partant  d'a- 
gréer nos  respects. 

—  Poussez  donc  quelques  acclamations  avant  de  i^ar- 
tir,  cela  lui  fera  plaisir  et  vous  me  l'avez  promis. 

—  C'est  \  rai ,  monsieur  Grandin ,  c'est  vrai ,  les  Nor- 
mands n'ont  que  leur  parole.  Attention,  messieurs,  c'est 
lemumeui  :  Vive  Léon  Faucher!  vive  Léon  Faucher!» 


VIL 

„  >L  Oïlil.in  r.arrot  esl-d  de  retour? 

—  Dcjuiis  hier. 

—  Peul-on  lui  présenter  ses  rouqiliments  sur  son 
heureux  voyage? 

—  Il  n'est  visible  pour  personne. 

—  Qu'a-t-ildonc? 

—  Une  colère  rentrée,  el  puis 

—  Et  puis  (pioi? 

—  La  coli(pu'.  « 


JilAN  VFIVI'OT. 


I.K  I.-.  AOIT. 


..  Mille  tonnerres  !  c'cnI  une  indignilé. 

—  A  qui  en  avi-z-vonsdonc,  voImm  (Iredelu? 

—  Vous  me  le  demandez! 

—  il  le  faut  bien,  puisque  je  l'ignore! 

—  Dans  quel  mois  sonnnes-nous? 

—  En  plein  mois  d'août. 

—  Quel  jouv? 

—  En  plein  15! 

—  Quelle  fête  célèbre -ton  ce  jcnn-lj  ? 

—  La  fôte  de  la  Vierge. 


—  El  puis  ;... 

—  Celle  de  \a|iolé(iu. 

—  Eli  bien  ,  où  sont  les  lampions? 

—  Absents. 

—  Les  mâts  de  Cocagne? 

—  Zéro. 

—  Les  orchestres  à  tons  les  coins  de  rue? 

—  Je  n'en  vois  pas. 

_  Et  la  reMic.  celte  grande  revue  .pi'ou  avait  an- 

oiicée  pour  le  15? 


A  i;rs.\(iK  ni:.s  gk.\s  skiiiki  \. 


—  Tic-lis ,  c'est  vrai  ! 

—  Celte  revue  pour  laquelle  lous  les  vieux  de  la 
vieille  avaient  fait  asli(|uer  leurs  anciens  uniforuies,  (ni 
la  passe-t-on?...  déciilénient  le  petit  se  moque  de  nou>  ! 

—  De  ([ui  voulez- vous  |)arkr? 

—  Suffit;  vous  me  comprenez;  je  n'ai  pas  besoin  (!,■ 
vous  en  dire  davantage  :  il  rougit  de  son  oncle! 

—  En  vérité! 

—  Il  s'imagine  qu'il  est  assez  grand  pour  iiiarclier 
tout  seul  ! 

—  Il  se  (rompe. 

—  Et  crânement  encore  !  Sans  nous,  \  oyez -vous, 
sans  les  \ieu\  de  la  vieille,  il  est  perdu  ! 

—  Je  suis  de  votre  avis. 

—  Qui  est-ce  qui  l'a  fait  nommer? 

—  (j'est  vous. 

—  Qui  est-ce  qui  lui  mainlieul  sa  pnpuiarilé? 

—  C'est  encore  vous. 

—  Qui  est-ce  qui  lui  est  dévoué  sans  arrière-pensée , 
parce  qu'il  est  le  neveu  de  son  oncle  ? 

—  C'est  toujours  aous. 

—  Pourquoi  donc  alors  qu'il  n'a  pas  passé  sa  revue , 
et  qu'il  n'a  point  voulu  célébrer  la  fête  de  l'Enipereur? 

—  Je  l'ignore. 

—  .Moi,  je  le  sais,  et  nous  le  savons  lous  :  c'est 
parce  qu'il  a  eu  peur  de  faire  de  la  peine  à  Thiers , 
à  Mole,  a  Berryer,  h  lui  las  de  gens  qui  ont  fait  luellre 


I  son  oncle  il  Sainte- Ikdi-iie!  Qui  sait  où  ils  le  mèneront, 
lui!  l'onrquoi  n'a-l  il  pas  repris  Duroc? 

—  Il  est  mort. 

—  (.'est  un  bruit  qu'on  fait  courir.  Et  Sa\arv,  est  il 
mort  aussj ,  par  liasard  .' 

—  On  le  dit,  du  moins. 

—  C'est  faux,  nous  le  sa\ons  bien,  nous  autres 
vieux  de  la  xicille!  Le  petit ,  vo\ez->ous,  est  f...ichu  ; 
c'est  mou  ancien  colonel  qui  me  l'a  dit  :  Parce  que, 
a-I-il  ajouté  ,  il  a  commis  la  niéiiie  faute  que  son  oncle, 
il  a  repris  Fouclié  !  Ça  ne  nous  empécliora  pas  de  célé- 
1)1(1-  la  fèlo  (le  l'Emiiereur  tout  de  même  ;  il  n'y  a  pas 
de  le.  ue  au  Cliadip-de-.Mars,  nous  resterons  jilus  long- 
temps à  la  barrière  !  C'est  le  colonel  qui  doit  nous  pré- 
sider ,  nous  serons  au  moins  cent  cimpiante  lapins  ,  des 
durs  à  cuir,  lous  blessés  de  Waterloo  et  souscripteurs 
(le  IN'pée  d'Iionneur  oIlLrte  au  général  Pial  ! 

—  Puisque  vous  voilà  ,  donnez -moi  11,1  renseigne- 
ment. 

—  Avec  plaisir,  si  j'en  suis  capable. 

—  Pourriez- vous  m'apprendre  pourquoi  on  a  donné 
une  épée  d'honneur  au  général  Pial? 

—  Je  n'en  sais  rien  ;  mais,  si  c'était  à  recommen- 
cer, je  souscrirais  encore  pour  vingt -cinq  ceniimes. 
Vive  l'Empereur!...  vive  le  général  Pial  ! 

—  Il  est  écrit  que  je  ne  saurai  jamais  pourquoi  le 
général  Plat  a  reçu  une  épée  d'honneur.  •> 


Tout  cela  rent 


RKVUE  COMIQLK. 


V_  ^  1  II  ^ 


Arriva.  imt,roniDtii  'lun  nol,le  représentant  .le  la  monta<;i.e  Blanche  cli.-z  un  de  ses  i.Uis  r.rv.nts  cmmeltanls, 
Arru  ei  impromptu      un  n^  ^^  ^^h^^^^,„  j„n  eoncr:  préiiaré  i  son  inlonUon  i  i.rnpos  des  vacances  parlementaii 


ilieu  des  p-éparalifs 


A  M.   LK  MIMSTRK  DK  l.lNSTRl  CTION  niU.IQUE. 


Monsieur  le  ministre , 

La  France  en  génff-ral,  et  les  auteurs  de  la  Ilevîte. 
Comique  en  particulier,  attendent  de  vous  un  acte  de 
réparation  nationale,  une  mesure  qui  no  peut  qu'aug- 
menter la  splendeur  de  l'Lniversité ,  qui  vous  doit  beau- 
coup déjà,  et  qui  vous  devra  davantage  encore. 

Le  gouvernement  provisoire,  composé  d'impies  et 
d'iiéréiiques,  avait  porté  une  main  s  icrilégn  sur  tout  ce 
qui  rappelait  les  anciennes  traditions  de  la  P'ranco.  Les 
membres  de  ce  gou\erneraent ,  infâme  réunion  de  tous 
les  relaps  et  excommuniés  de  l'univers,  se  faisaient  un  jeu 
de  la  rrligion.  Personne  n'ignore  que  Flocon ,  Ledrii- 
Rollin,  Albert,  Louis  Blanc,  se  livraient  aux  damnables 


pratiques  des  ancifus  templiers.  M.  Carlier  a  lrou\é, 
dans  une  visite  domiciliaire  chez  Ledru-Rollin,  une  sta- 
tuette en  bronze  représentant  Molocli ,  l'objet  du  culte 
des  templiers.  Il  est  de  notoriété  publique  aujourd'hui 
que  l'hérésie  du  temple  infestait  le  gouvernement  pro- 
^isoire  tout  entier,  et  que  chacune  de  ses  séances  était 
présidée  par  un  bouc  en  habits  sacerdotaux. 

Le  premier  soin  de  ces  misérables  avait  été  de  débap- 
tiser les  collèges  de  l'aris ,  afin  d'apprendre  à  la  jeu- 
nesse l'oubli  du  liasse  dans  ce  qui  le  caractérisait  en- 
core. Pour  donner  la  mesure  du  n'gime  (pi'ils  prépa- 
raient à  la  France  et  des  i'Iées  dans  Lesquelles  ils  voidaienl 
instruire  nos  en''ants,  les  gouvernanls  de  cette  hileuse 
épotpie  avaient  résohi  île   remplacer  les  anciens  pa- 


A   LUSAUli   DES   G^:^S   SKRIKLX. 


Ir  iiisdfs  ro'ligcs  (Jiaili'tnagiu',  SainlLoiiis,  Iliiiii  IV, 
l,(iMis-lc-Graii(l,  Roiirlxtii,  par  des  patniiis  tirt's  de  leur 
alTiciisc  Ii'^'cikIc. 

i\mis  aurions  ru  le  rolh'ijc  d'Ilolbarli , 

l.i'  colléj^c  lldhi'spiciri', 

Ir  CDlIrfje  .Maral, 

1,0  roll('^;c'  l.ouvel  , 

l'^t,  pciuv  arriver  à  raboiiiiiiatidii  de  la  drsolatiiin ,  le 
collège  Voltaire. 

Les  plus  grands  scélérats  s'effraient  queKpiefois  de 
leur  œuvre,  (i'est  ce  qui  ai  riva  au  gouvernement  pro- 
vi-oir-.  Son  impiété  lui  fit  peur.  Il  ne  renonça  pas  ce- 
pendant à  sou  but,  mais  il  voulut  y  arriver  progressi- 
vement et  sans  elTrayer  les  familles. 

Nous  eûmes  le  lycée  Moiige  , 

Le  lycée  Ucscartos , 

Le  lycée  Napoléon,  etc.,  etc. 

Laisserez-\ous  subsister  plus  longtemps  sur  le  fron- 
ton de  nos  édifices  d'éducation  les  noms  de  ces  impies? 

Monge,  le  membre  de  l'Institut  républicain  ,  le  savant 
de  l'armée  d'Kgyptc,  est-il  un  exemple  à  citer  à  la  jeu- 
nesse ? 

Quelle  consiience  orthodoxe  ne  frémit  pas  au  seul 
nom  de  Descartes,  l'apôtre  du  libre  examen,  le  hardi 
démoliss  ur  du  principe  d'autorité,  de  Descartes  que 
l'iiiquisiii  m  aurait  l'ait  brûler  avec  raison  ! 

Il  y  a  un  autre  nom  que  ma  |)lume  se  refuse  d'écrire, 
un  nom  janséniste,  qu'il  faut  surtout  se  hâter  d'elTaccr, 
le  nom  de  celui  qui  poursuivit  de  tes  infâmes  libelles  la 
sainte  compagnie  de  Jésus,  du  monstre  vomi  par  Port- 
Hoyal,  de  Pascal  enfin!  Grand  Dieu!  jai  osé  retracer 
ces  syllabes  maudites. 

Lt  Napoléon,  cet  homme  qui  pouvait  être  si  grand 
en  conservant  le  trône  à  ses  princes  légitimes ,  et  qui 
eut  l'audace  d'y  monter ,  ce  voleur  de  sceptres  et  de 
ciiuronnes,  est-ce  là  le  souvenir  qu'il  faut  rappeler  à 
nos  enfants?  Vous  objecterez  sans  doute  pour  ce  nom- 
h  les  circonstances  actuelles,  la  raison  d'État.  Nous 
vous  comprenons,  monsieur  le  ministre,  sachons  faire 
la  pu't  des  temps.  En  attendant ,  il  est  bien  convenu 
qu'on  ne  dé.-ignera  plus  entre  nous  le  lycée  Na|)o!éon 
que  sons  le  litre  de  collège  de  M.  Crédit. 

Fils  des  croisés ,  nous  voulons  que  nos  enfants  soient 
élevés  sous  l'invocation  de  saint  Louis,  le  héros  des 


croisade».  Pat li-ans  du  droit  di\in  et  de  h  monarihie 
absolue,  quel  plus  gr.iiid  nom  apprendre  à  nos  fds  que 
celui  de  Louis  \IV,  dont  vous  avez  fait  un  si  bel  éloge 
à  la  distribution  des  prix  du  concours  général  ! 

Nous  savons  ,  monsieur  le  ministre  ,  que  vous  êtes 
depuis  longtemps  disposé  à  vous  rendre  au  vcen  (pie 
nous  exprimons  ici,  et  que  vous  attendez  seulement  le 
moment  favorable.  Il  est  arrivé;  toute  la  presse,  y  co'n- 
pris  la  llfvue  comique,  vous  convi(!  h  faire  cesser  le 
scandale  dont  nous  nous  plaignons;  bien  |)!ns  einc.rc, 
la  l-'rance  entière  voudrait  vous  voir  user  de  votre  pré- 
|)ondérance  dans  le  conseil  pour  faire  changer  les  noms 
révolutionnaires  des  collèges  et  des  écoles  (pii  rrssoi  tis- 
sent à  l'administration  municipal'. 

Esl-il  convenable  de  donner  il  un  collège  le  nom  d'un 
prince  qui  eut  une  vie  aussi  légère  que  François  I"? 
On  objectera  sans  doute  que  nous  tolérons  le  collège 
Ileuri  IV,  mais  ce  grand  roi  avait  donné  au  monde  le 
spectacle  de  son  abjuration,  et  il  avait  pris  un  confis- 
seur  jésuite.  Cela  excuse  bien  des  erreurs. 

Rollin  fut  un  fort  brave  homme,  nous  en  convenons, 
mais  il  appartenait  à  l'ensiignement  laïque.  Il  n'est  pas 
sûr  d'ailleurs  qu'il  ne  fût  pas  un  |)eu  janséniste.  Hâtez- 
vous  de  su|)primer  celle  désignation  :  cotléfje  liotlin. 
Nous  voudrions  qu'on  l'appelât  dorènaïaut  colt^qc. 
I.oi/ola. 

Quant  à  Chaptal,  nous  ferons  les  mêmes  observations 
à  son  égard  que  pour  le  citoyen  Monge. 

Cette  grande  réforme  accomplie  ,  il  en  est  nne  p'iis 
grande  encore ,  qui  doit  tenter  votre  aiubition.  L'idu- 
cali.in  a  besoin  de  changer  de  mains.  Tai;t  que  l'Uni- 
versité façonnera  les  générations,  on  aura  beau  invoquer 
saint  Louis  et  Louis  XIV,  le  levain  révolutionnaire 
fermentera  encore  dans  le  sein  de  la  jeunesse.  L'éclec- 
tisme, lilsde  l'incrédulité  et  de  l'athéisme,  pervertira  les 
esprits.  Il  faut  rappeler  les  jésuites  et  lem-  confier  le 
monopole  de  reiiseigneinent. 

Sans  cela,  ce  sera  toujours  à  recommencer. 

Convaincus  de  cette  vérité  comme  nous  sommes  cer- 
tains que  vous  l'êtes,  monsieur  le  nunisire,  nous  atten- 
dons avec  confiance  l'effet  de  vos  croyances ,  et  nous 
vous  prions  d'agréer  l'assurance  de  notre  respect. 

Suivent  les  signatures  de  dix-huit  millions  de  pères 
de  famille  et  des  auteurs  de  la  Revue  comique. 


MONITEUR  UNIVERSEL. 

PARTIE   OFFICIIîI.M:. 


Considérant  que,  dans  un  Etat  bien  ordonné,  il  im- 
porte que  tout  soit  en  harmonie  avec  la  pensée  du  gou- 
vernement, 1rs  théâtres  de  Paris  reprendront,  comme 
les  collèges,  leurs  anciennes  dénominations  : 

Le  Théâtre  de  la  République  s'appellera  Tliéâire- 
Français  ; 


Le  Théâtre  de  la  Nalinii,  Académie  ro\ale  de  Mu- 
sique ; 

Le  Ciymuasc-Drauiati(iui',  l'héâlre  de  .Madame. 

Le  préfet  du  déparlement  de  la  Seine  est  rh  irgé  de 
l'exécniion  de  la  prè.sente  ordonnance. 

Suillc    DlFAlRE. 


UKVUE   COMiyiK 


V(;iil.;iil  faiiv  ilispar.iiire  toutes  les  traces  des  cahiini- 
lés  (le  ces  dernicies  années,  nous  avons  ordonné  que 
toutes  les  rues,  ruelles,  culs-de-sac,  places  publiques, 
fussent  désignés  sous  le  uoiu  qu'elles  portaient  avant  la 
révolution. 

Voulant,  en  outre,  récompenser  les  ciioyens  qui  ont 
le  plus  fait  pour  la  cause  de  l'ordre  et  de  la  société, 
nous  avons  décidé  que  les  nouvelles  rues  en  cours  de 
construction  porteraient  les  noms  de  l'un  de  ces  ci- 
lovens. 

Ainsi,  la  continuation  de  la  lue  de  Rivoli  au  Louvre 
sera  a]>pelée  rue  Thiers. 

l.a  place  du  Louvre  deviendra  place  ^'éron. 

Nous  aurons  également  U  lue  Merruau,  la  rue  Ber- 
ger, la  rue  Fialin,  la  rue  Piat,  etc.,  etc.,  etc.  Nous 
ferons  connaître  les  noms  des  citoyens  appelés  à  figurer 
sur  les  mnrs  de  Paris  à  mesure  qu'ils  auront  été  choisis 
en  conseil. 

Le  préfet  du  département  de  la  Seine  est  chargé  de 
l'exéculiou  de  la  présente  ordonnance. 

Signe  DUFAL'RE. 

Attendu  qu'il  importe  de  renouer  partout  les  tradi- 
tions de  l'ancienne  monarchie,  et  qu'il  est  utile  de  rap- 
peler aux  générations  présentes  les  souvenirs  de  gloire 
des  généraii:ins  i)assées ,  nous  avons  décidé  de  faire  re- 
prendre à  plusieurs  corps  de  l'armée  leurs  titres  d'au- 
trefois. 

Le  premier  régiment  de  l'armée  française  prendra  le 
nom  de  Roval-Cravaie. 


Les  iuissards  s'a|)!)elleront  dorénavant  hussards-Ber- 
chigny. 

Royal-Changarnier,  tel  est  le  titre  que  |)()rtera  doré- 
navant le  2'"  régiment  de  carabiniers;  un  des  régiments 
d'infanterie  de  marine  sera  désigné  sous  le  nom  de  Na- 
val-Persigny. 

Sicile  Rui.illiiRES. 

—  Il  a  été  décidé  en  conseil  que  le  minisire  de  la 
justice  reprendrait  immédiatement  le  titre  de  garde  dos 
sceaux.  Il  sera  présenté  un  projet  de  loi  à  la  rentrée  de 
l'Assemblée  législative  pour  que  le  président  de  la  sus- 
dite Assemblée  porte  le  titre  de  chancelier  et  ne  puisse 
présider  qu'en  simarre. 

—  A  partir  du  l"  janvier  le  service  de  la  brigade  de 
sûreté  sera  organisé  sur  de  nouvelles  bases.  Le  chef  de 
cette  branche  importante  de  la  police  prendra  le  liire 
de  chevalier  du  guet  et  jouira  de  toutes  les  prérogatives 
atlachées  autrefois  à  ces  fonctions. 

—  Le  garde  des  sceaux  a  ratifié  hier  le  contrat  de 
vente  entre  l'avocat  Cabassol  et  le  conseiller  en  cour 
d'appel  Peloquin.  C'est  la  première  charge  qui  se  soit 
vendue  depuis  le  rétablissement  de  la  vénaliié  des  oCTices. 
Le  prix  en  est  monté  jusqu'à  cent  mille  écus. 

—  Hier,  aux  applaudissements  d'une  foule  enthou- 
siaste ,  le  drapeau  tricolore,  arboré  sur  les  édifices  pu- 
blics, a  été  remplacé  par  le  drapeau  blanc.  Les  troupes 
ont  également  pris  la  cocarde  blanche  dans  une  revue 
passée  au  Champs-de-Mars.  On  ne  saurait  se  faire  une 
idée  de  la  joie  de  nos  soldats  en  revoyant  le  vieux 
drapeau  de  Bouvines  et  de  Ilaslembeck. 


Avant  de  partir  en  vacances.  lAsscicLlée  nationale  a  eu  soin  de 
décrets  sur  rétat  de  siège,  siur  la  ijresse  et  sur  le  droit  de  réiin 


la  Liburté  a  la  ganle  du  démon  delà  Comprewon,  iis-isléde: 
Puis  nos  jeunes  rcprésenlanls  ont  pris  joyeusement  leur  vol. 


A  l.l  s\(;k  dks  gk.ns  skkiki  x. 


i.K  czAH  \i:u\i;s. 


«  Nesselnxle  ! 

—  Majost.'. 

—  Mus  ordres  sont-ils  exécutés? 

—  Ainsi  que  vous  l'avez  ordonné,  sire,  j'ai  fait  for- 
cer la  grande  chaîne  qui  doit  envelopper  toutes  les  ré- 
\olntions  de  l'univers. 

—  C'est  très-bien.  Les  anneaux  sont-ils  solides? 

—  Ils  ^ont  d'acier,  comme  les  baïonnelles  de  vos  sol- 
dats. Oueile  rév(]lulion  endiaînerons-nons  la  première? 

—  La  révoliiliiin  de  Hongrie,  c'est  la  plus  voisine  de 
nous;  ensuite  nous  étendrons  notre  chaîne  sur  la  révo- 
lution allemande,  sur  la  révolution  italienne,  sur  la  ré- 
volution IVançai^e  ,  nous  enchaînerons  ainsi  l'océan 
de  la  démocratie,  et  nous  l'empêcherons  de  se  livrer  à 
de  nouvelles  tempêtes.  Que  pensez-vous  de  mon  moyen, 
Nessehode  ? 

—  Il  est  excellent ,  bien  que  renouvelé  de  Xcrxès. 

—  Quel  était  ce  Xerxcs? 

—  Le  Nicolas  de  son  époque. 

—  Je  ne  vous  en  demande  pas  davantage.  Maintenant 
que  nous  a\ons  enchaîné  la  démocratie,  nous  pouvons 
aller  nous  coucher.  Bonsoir,  Messelrode  ! 

—  lionne  nuit ,  sire.  « 


IL 


Eh  bien  !  quelles  nouvelles  de  la  Hongrie  ? 
— •  Il  paraît  que  les  rebelles  tiennent  toujours. 

—  Comment!  ils  ne  sont  pas  encore  enchaînés? 

—  On  dit,  sire,  qu'ils  ont  rompu  un  des  anneaux 
de  la  chaîne. 

—  Qu'on  se  hâte  d'en  forger  un  autre,  el  qu'on  s'em- 
pan;  de  cette  révolution.  A  quoi  songe  donc  Pas- 
kewitch?. 

—  Il  songe  à  se  défendre. 

• —  .Si  dans  huit  jours  il  n'a  pas  fait  Kossuih  prison- 
nier, je  l'envoie  en  Sibérie  par  un  train  de  plaisir.  » 


IIL 


«  Eh  bien  !  Nesselrode  ,  j'espère  ([lie  les  choses  vont 
bien  en  Italie  ? 

—  Coussi  coussa. 

—  Que  signifie  ce  langage? 

—  Il  signifie  que  le  mare  liai  Raileizki  commence  à 
se  plaindre. 


—  Est  ce  (pie  lli  aussi  ma  chaîne  se  serait  bi  im-c  .' 

—  l'as  encore ,  mais  le  maréchal  prétend  (lu'il  sent 
de  fortes  secousses  aux  extrémités,  et  f|u'un  des  anneaux 
du  milieu  |)ourrait  bien  finir  par  céder.  En  ou  mot  ,  il 
craint  de  prochains  soulèvements. 

—  Écrivez-lui  de  ma  part  que  si  l'insurrection  éclate, 
je  lui  ferai  redemander  mon  grand  cordon  de  l'ordre 
de  Sainte-Anne.   » 


IV. 


«  Votre  Majesté  vent  elle  lire  les  dépèclnsde  l'iaiire 
arrivées  aujourd'hui  ? 

—  A  ([uoi  bon!  ce  n'est  pas  la  France  ([iii  iii'iii- 
((uiéte.  Voilà  un  pays  modèle;  nous  nous  iniaginioiis 
que  ce  serait  la  révolution  qui  nous  donner.iil  le  plus  de 
peine  à encliaîiitr,  et,  pas  du  tout,  elle  a  comme  d'elle- 
niêire  tendu  les  bras.  Voyons  un  peu  pourtant ,  que  dit- 
on  à  Paris  ? 

—  Le  vénérable  Odilon  Barrot  a  été  indisposé. 

—  Que  m'importe,  pourvu  que  M.  de  Ealloux  .se 
porte  bien  ! 

—  Il  va  à  merveille.  Il  fait  deux  repas  par  jour. 

—  Le  pauvre  homme! 

—  Il  dort  huit  heures  de  suite  sans  broncher. 

—  Le  pauvre  homme  ! 

—  Il  est  gras,  frais  ,  luisant. 

—  Le  pauvre  homme! 

—  Quant  au  pays  en  lui-même... 

—  Le  calme  le  plus  parfait  règne  toujours,  n'est-ce 
pas? 

—  Sire,  pour  ne  vous  rien  cacher,  je  dois  vous  dire 
que  les  dépêches  parlent  de  symptômes 

—  Quels  suiipiôines? 

—  On  aurait  beaucoup  crié  Vive  la  République!  au 
dernier  voyage  du  président  en  Normandie.  Lk  Journal 
des  Débats  commence  à  s'alarmer. 

—  Heureusement  Changaruier  est  là;  il  n'y  a  pas  de 
risque  de  voir  la  chaîne  se  rompre  entre  ses  mains. 
Qu'en  pensez-vous,  Nesselrode? 

—  Je  pense  (pie  Votre  JLijeslé  a  lonjoiirs  raison.  " 


I.  Nesselrode! 

—  Sire. 

—  Je  suis  de  bonne  humeur  aujourd'hui,  je  voudrais 
bien  faire  qudciue  chose  qui  vous  soit  agréable.  Vous 
n'êtes  que  comte,  je  vous  iioniuie  prince.  Ètes-vous  sa- 
tisfait? 


IU:Vl'K   COMIOLK 


—  Perim.'tttz  ,  siii' ,  ([ue  je  lue  pi i'cipite  à  vos  ge- 
noux. 

—  C'est  inutile,  je  vous  en  dispense.  Je  viens  de  lire 
les  journaux  de  Vienne,  les  Hongrois  sont  parloul  battus. 

—  En  vérité  ! 

—  La  f'occ  (Il  lia  vcrila  a  reparu  à  Rome,  et  elle 
aiuioiice  que  la  pacilicjtion  de  l'ilalie  est  complète.  Les 
peu|)les  bénissent  la  main  qui  les  a  fait  rentrer  .sous  le 
joug  de  leurs  anciens  souverains. 

—  Vraiment  I 

—  En  France,  s'il  faut  en  croire  la  Gazette  dt 
France,  les  esprits  s'avancent  h  pleines  voiles  vers  le 
port  de  la  légitimité. 

—  Tiens!  liens!  liens! 

—  Parlont  les  révoluiiiins  sont  vaincues. 


—  Puisque  tel  est  l'avis  de  Votre  Majesté. 

—  Les  idées  d'ordre  reprennent  le  dessus. 

—  Il  faut  en  convenir. 

—  Et  tout  cela  grâce  à  qui? 

—  Grâce  à  vous,  sire,  grâce  à  vous. 

—  .l'ai  pris  d'une  main  ferme  la  cause  des  bons  prin  • 
cipes ,  au  moment  où  tout  le  monde  en  désespérait ,  et 
maintenant  elle  trioniphe.  Je  suis  défniilivcmcnt  par- 
venu à  enchaîner  la  mer. 

—  (l'esl-à  dire  la  démocratie? 

—  r.onnne  vous  dites,  Nesseirode,  la  démocratie.  Ne 
Iroiivez-vous  pas  que  j'ai  complètement  réussi  ? 

—  Sans  doute,  sire,  comme  Xerxè.s. 

Jkan  VERTOT. 


VIEUX  HABITS,  VIEUX  GAT.OXS! 

ou 
'AVENIR    DE     LA    FRANCE     A     TROIS    POINTS    DE    VUE    DIFFÉRENTS. 


PnF.MTEB    POINT    DK    VIE. 


l'N  ANCIEN  SOI.riAT,  hlew  à  Arrote 
arUiellemenl  portier  i 


txé  pour  mort  sur  le  champ  de  bataille  île  Waterloo, 
!.<■  Ours;  et  autres  anciens  soldais. 


—  Ils  sont  étonnants  avec  leur  République,  ils  ne 
veulent  pas  qu'après  elle  arrive  l'Empire;  ils  savent 
pourtant  bien  que  la  France  n'est  possible  ciu'à  cette 
condition.  —  Vive  l'Empereur  ! 

Il  ne  me  reste  plus  de  mon  ancien  uniforme  que  les 
moiislachcs  grises.  Je  vais  à  la  Rotonde  du  Temple , 
j'achète  une  culotte  de  peau ,  un  dolinan ,  un  ourson , 


une  sabrelache,  des  bottes  en  cœur,  et  nie  revoilà  en 
tenue.  Saprelotte  !  j'allais  oublier  la  giberne,  —  la  fa- 
meuse giberne  qui  renferme  le  bâton  de  maréchal.  Les 
marchands  auront  bien  encore,  je  pense,  des  gibernes 
garnies  de  leur  bâton.  J'achète  donc  tout  le  balaclaa 
d'occasion ,  pas  cher,  et  sacrebleu  !  la  main  sur  la  cou- 
ture de  la  culotte ,  je  me  crois  irréprochable. 


LES    AVENTXnVES    DIVERTISSANTES    ET    NON    FOUTIQUES 

De  mmlif  Lnf.p  el  (If  ion  ap/irenli  I  i/'/iS. 


Le  cheval  de  l'apprenti,  qui,  par  suite  des 

événi  m.'nta,  se  trouve  sépara  de  son 

maître,  fait  une  \Wi\e  à  la 

maison  de  ville. 


balcon,  il  met  son  cavalier 

dans  k-  plus  grand 

embarra.s. 


A    L'ISACiK   DKS  (;K>.S   SKIIIKIIX. 


Je  cotiis  au  CanoiiM'I.  — Où  csl  mon  Kmpcn'iir?  Il 
passe  m  ri'\ue  les  vieux  de  la  vieille.  Je  le  leroiinais  li 
son  cheval  blanc,  à  sa  redingote  giise  el  à  son  pelil 
chapeau.  —  Ciel  !  on  diiail  cpie  sa  prunelle  est  moins 
vi«e  el  que  son  nez  esl  plus  long...  rau\re  t:mi)ercui  ! 
t'esl  l'exil  (|ui  l'ama  changé  comme  ça...  Oh!  1rs 
gueuv  d'Anglais!  Mais  c'est  é(;al ,  c'es(  bien  lui,  je  le 
rei'onnais,  c'est  liiujniirs  mou  Kuipeiein- :  \ive  l'Kui- 
pcieuc  ! 

I,e  voilà  (|ui  passe  devant  le  front  des  guides,  lion , 
il  se  mouche  et  prend  sa  lorgnette  :  il  va  parler. 

►  Soldats,  du  haut  de  ces  pyramides  <|iiaranle  siècles 
VI  us  contemplent  !  > 

—  Vive  rEmpcreni- 1 

"  Soldats,  vous  n'avez.; rien  fait,  puis(|u'il  vous  reste 
encore  à  faire.  » 

—  Vive  l'Empereur  ! 

Il  répèle  ce  qu'il  avait  déjii  dil  dans  le  temi)s,  el  il 
pnnd  toujours  du  tabac  h  niénic  la  poche  de  son  «jilei. 
Ah  !  brave  Empereur,  \a! 

Il  s'avance  vers  moi.  Je  me  sens  tout  chose,  mes 
jand)es  flageolent.  —  Est-ce  que  je  ne  serais  plus  un 
vieux  dur-à-cuire?  Grands  dieux!  il  met  la  main  sur 
n)on  épaule. 

—  Vive  l'Empereur  ! 

—  Ah  ,  ah  !  lu  as  conserxé  ton  vieil  uniforme;  c'est 
bien  ça,  Robcrl,  je  suis  content  de  toi!  Demain  nous 


monterons  à  cheval;  je  te  fais  dragon  de  la  garde. 

—  Mon  Ein|K?reur,  je  l'étais  déjà. 

—  Tu  le  seras  encore.  Imbécile,  |Mjur(pioi  n'ds-ln 
pas  de  gourde  1  je  l'aurais  demandé  à  boire  un  coup.  (,e 
sera  pour  uin;  autre  fois... 

.l'aurais  du  ui'atteudre  à  une  |)ariillc  fa\eur,  c'est 
dans  ses  habitudes. 

Mais  voilà  qu'il  reconnaît  tout  son  vieux  monde.  Il 
lire  l'oreille  à  l'aupinard.  —  C'est  encore  une  de  ses 
habitudes.  —  Bon  Empereur!  Ce  'l'an|)inard  a-l-il  une 
chance!  Moi  aussi,  du  reste,  j'en  ai  de  la  chance;  car 
il  allait  boire  à  même  ma  gourde  si  j'en  avais  eu  une, 
et  il  nra.|)romis  que  ça  serait  |)our  plus  lard. 

Je  le  savais  bien,  moi,  que  le  beau  temps  revien- 
drait, le  beau  lemps  des  fanfares,  des  bivouacs,  des 
coups  de  sabre,  des  fusillades  el  des  canonnades.  Il  l'a 
dit  :  Demain  nous  entrons  en  campagne.  Nous  recom- 
mençons Marengo,  Austerlilz,  léna,  Lutzen,  Baulzen, 
Vagram,  Leipzig,  el  de  j^rlier  que  j'étais  hier,  mau- 
vais reuielteur  de  fonds  de  culottes  laissé  pour  mort 
sur  le  champ  de  bataille  de  Waterloo,  je  redeviens  dra- 
gon de  la  garde,  puis  lieutenant,  capitaine,  comman- 
dant ,  colonel ,  général  !  —  cl  enliu  maréchal  de  France  ! 
le  suis  le  maréchal  Robert  !  le  brave  maréchal  Robert, 
l'ami  de  l'Empereui  !  Je  dîne  avec  lui  !  Ah  I  j'en  de- 
viendrai bétc!...  Mille  millions  de  canons!  vive  l'Em- 
pereur ! 


DKIXIEHE    l'Ol.NT    DE    VUE. 


UN  VIErX   LKGITI.MISTK  Je  l'émi(/ralion  de  Coblenlz ,  ancien  chambellan  de  Louis  XI'IIl ,  acluellemenl  commitsaire  des  /loiiijifj 
funèbres;  et  autres  chambellans  el  porte  n'imporlc  quoi. 

Ils  sont  Irop  siui|)les  avec  leur  Républitiue  el  leur  ]  gnes  arrive  la  Restauration.  On  devrait  pourtant  bien 
Empire.  Ils  ne  veulent  pas  ([u'à  la  suite  de  ces  intcrrè-  |  reconnaître  aujourd'hui  que  la  monarchie  légitime  el  le 


us  AVEMTU&ZS    DIVERTISSANTES   ET   NON    POI.mQ1TES 

De  mniire  Lnpp  et  de  son  uppraiti  l'ipps. 


Pipps  ne  perd  cependant  pas  la  tête 
et  ctierche  â  rattraper  les  élriers. 


'TuEf^.fsrorifiy:^/^' 


Mais  ses  efforts  ne  sont  pas 
couronnés  de  succès. 


La  rapidité  extraordinaire  du  cou 
néanmoins  l'apprenti. 


coursier  ; 


124 


RKVUK  COMIQUE 


droit  divin  sont  le  khiI  gouvernement  pralicable.  — 
Vive  Henri  V! 

.le  cours  ù  la  Rotonde  du  Temple  el  j'ac(iiiiers  un 
habit  à  paillettes ,  une  culotte  de  soie ,  un  gilet  à  fleurs 
et  un  clac;  je  fais  ajuster  deux  bandes  de  maroquin 
rouge  aux  talons  de  mes  escarpins  des  dimanclics  qui 
sont  encore  assez  frais,  el  ainsi  nippé,  je  suis  présen- 
table. Petit  étourneau!  j'allais  oublier  le  jabot  en  point 
d'Angleterre  parsemé  de  tabac  d'ICspagne.  Diable!  mais 
où  me  procurer  du  tabac  d'F.spagne?  Ab  basl!  j'ai 
appris  par  cxpci  ience  qu'au  Temple  on  trouve  à  peu 
près  de  tout.  J'y  trouverai  sans  doute  du  tabac  d'occa- 
sion pour  une  somme  très-modi(ine,  et  alors  je  n'aurai 
plus  qu'à  mouler  sur  le  cliarde  ma  nouvelle  fortune. 

Je  vole  à  Versailles.  Quelle  l)riraiil<'  réunion  sur  la 
place  d'armes  et  dans  la  cour  du  palais  !  Je  crois  que 
j'arrive  un  peu  lard,  le  brnit  circule  que  notre  cher 
prince,  qui  se  promène  depuis  dix  minulcs  au  milieu  de 
sa  chère  noblesse,  a  déjà  répété  à  trente-trois  personnes 
celle  adorable  phrase  : 

..  Il  n'y  a  rien  de  cliangé  en  France,  il  n'y  a  qu'un 
Français  de  plus  !  » 

Le  prince  vient  à  moi.  Quel  port  majestueux!  —  me 
reconnaîra-l-il?  Je  l'espère,  quoiqu'il  ne  m'ait  pour- 
tant jamais  vu.  Mais,  de  même  que  nous  autres  venons 
au  monde  avec  le  privilège  de  tout  savoir  sans  avoir  rien 
appris,  nous  avons  encore  ce  certain  je  ne  sais  quoi 
dans  la  physionomie  qui  nous  distingue  des  manants  cl 
auquel  le  prince  ne  pourra  se  méprendre ,  —  et  puis  il 
me  remettra  toujours  bien  à  mon  habil.  U  s'avance.  De 
la  sagacité ,  mon  avenir  en  dépend. 

<.  Sire 

—  Fil!  c'est  ce  cher,  ce  très-cher,  ce....  aidez-moi 
donc  un  peu. 


_  Sire,  —  Almanzor  de  La  Ratatinicrc,  décoré  de 
l'ordre  du  Lis  el  chevalier  de  Saint-Louis. 

—  l'alsembleu  !  je  le  savais  bien.  J'ai  rencontré  quel- 
que part  le  portrait  de  votre  bisaïeul,  un  serviteur  fidèle 
de  ma  famille.  Vous  le  voyez,  marquis,  il  n'y  a  rien  de 
changé  en  France,  il  n'y  a  qu'un  Français  de  plus. 

—  Sire,  l'éclat  de  votre  personne 

—  Vous  èlcs  un  noble  cœur,  marquis  ;  je  sais  tout  ce 
(pic  vous  avez  souffert  pour  notre  cause.  Comptez  sur 
l'appui  d'un  monarque  (pii  veut  le  bonheur  de  ses  su- 
jets. A  projios,  cher  de  La  I\ataliuièr<',  j'irai  demain  soir 
faire  une  médianocheà  votre  château  de  La  llalaiinerie. 

—  Ah!  sire,  l'éclil  de  voire  persinne 

—  Je  sais,  marquis,  mais  je  vais  à  ce  cher  di'  Falliiux, 
noire  dinclenr  el  notre  conseil,  (pie  j'aperçois  là-bas.  » 

Ciel!  quelle  journée!  el  ([uel  honneur  pour  les  Ua- 
latinière.  Oh!  le  magnifique  prince!  llc^t  bien  le  noble 
nis  de  ses  ancêtres.  Mais  où  diable  prend-il  mon  cbà- 
leau  de  La  Rataiincrie?  —  Il  ignore  assurément  que  jo 
V  is  d'une  pension  de  douze  cents  livres  que  me  fait  l'ad- 
ministration des  pompes  funèbres  pour  ouvrir  la  mar- 
che des  convois  de  première  classe,  avec  panaches. 
Ouanl  à  la  médianoche ,  je  ne  sais  pas  comment  j'en 
sortirai.  Je  ne  compte  certes  pas  lui  offrir  la  cham- 
bre que  j'occupe  au  cinquième  étage  d'une  maison  de 
la  rue  Boute-Brie.   D'ici  demain  Mercure  m'inspirera. 

En  atlendant,  me  voilà  sur  le  chemin  des  faveurs. 
La  saison  du  plaisir  accourt  sur  les  ailes  de  l'Amour  el 
de  Flore.  Allons,  Almanzor  de  la  Ratalinière  de  La  Raïa- 
tincrie,  du  coup  d'œil,  mon  bon;  le  jarret  cambre,  la 
poitrine  en  avant  et  l'insolence  aux  lèvres.  Ab  !  les 
corbillards  m'ont  bien  cassé.  Mais,  par  la  mordieu  !  je 
remonterai  sur  l'eau.  A  bieniôl  les  nouvelles  folies. 
Almanzor,  tu  le  marieras  à  quelque  fille  de  fermier  gé- 


lES  AVENTURES  DIVERTISSANTES  ET   NON    POUTIÇUES 


Le  cheval  infatigable  pour.uil  sa  route 


PuU  rctrouvanl  la  l'istc  de  son  camarade ,  il  traverse 
i  son  tour  le  marché  aux  poteries. 


A   I/USAGK  DICS  GKiNS  SKIUKU\. 


m 


iitVal  011  (le  Rios  liiKiiicicr;  lu  ciiierrcras  les  (;r;t  ids- 
parciUs.  — Trii'blciu- !  c'est  ion  ancifiiiic  spôcialiié. 
On  lalTolcia  de  loi  h  l'Olvil-dc-hœuf ,  à  Maiiy,  ;i  I  lia- 
non,  tu  ohiicmlras  de  nouvelles  Icllrc-î  de  noblesse,  tu 
seras  noininé  grand  veneur.  —  Non  ;  grand  pannelier. 


—  Non;  intenduiit  des  gnbelles.  —  Non,  par  la  sam- 
bleii,  non.  Tu  seras  tout  bonneuienl  nommé  suritiien- 

danl  de  la  police  du  royaume,  et  alors Ohl  alors, 

venlre-sainl-gris!  gare  aux  républicains  et  aux  journa- 
lisles  de  l'école  de  Jean-Jacques,  et  vive  Henri  V  ! 


TnCISlKM!-;    l'OINT   DE   VLK. 

UN'  ANCIEN  r.APITA'  ISTK,  iléroré  ilt  In  Légion  il  honneur ,  aulrffohrainlaine  tle  lii  i"  eompaijnie  tie  la\"  Iri/ion;  faiiaiil  ai-luellrmnit 

lu  pince  imir  le  fameu.r  ili.rir  île  longue  eie  :   mi  KHANgi'E  le  rouleau;  on  remrt  i"i  <•.,  un  paMt-lacel .  un  cnre-deni , 

(III  riiic-oreille  cl  un  paquet  d'aiguilles  au  comommaleur  ^ui  rapporte  le  lerre  an  siège  de  la,  inciélr. 

—  Ils  sont  vraiinenl  trop  stupides  avec  leur  Repu-  1  cicn  capilaine  dans  la  première  légion  de  ma  brave 

blique,  leur  Empire  el  leur  Re-tauration.  Au  dix-ncu-  garde  nationale? 

viémesiècle,  siècledelnmières'ilenful.nepascompien-  —Sa  Majesté,  vous  l'avez  dit.  (Jaba'-sol,  fidèle  au 

(Ire  que  ce  qui  convienl  le  mieux  ii  une  nation  éclairée  ,  j  poste  ,  patriote  dévoué  à  l'ordre  et  an  salut  pid)lic.  Ue 

c'est  un  you\erneinenl  con.stiiiitionnel  ayant  pour  base  grands  malheurs  sont  venus  fondre  sur  le  pavs... 

les  garaiili.  s  orlroyécs  de  la  Charte  de  1830.  Au  reste,  —  C'est  bien,  monsieur  Cabassol,  chassons  ces  irisles 


nous  y  revenons  tons  les  jours  et  nous  pourrons  bienlé)t 
crier  Vive  la  Charte!  vive  Louis-Philippe  et  son  auguste 
famille  ! 

Ce  jour-là,  je  bourre  mes  poches  de  rouleaux  d'élixir 
et  je  pousse  une  |)ointe  vers  le  Temple.  J'espère  que  le 
placenient  de  ma  liqueur  dans  un  quartier  nouveau  me 
iwrmettra  de  faire  une  petite  toui  née  sous  les  galeries 
de  la  Rotonde.  Si  les  rentrées  sont  difficiles ,  je  suis 
toujours  sûr  d'opérer  quelques  échanges  dans  les  bou- 
tiques de  friperie.  J'offre  cinq  rouleaux  pour  un  habit 
de  garde  national ,  ancienne  mode  ;  trois  rouleaux  pour 
un  fourniment,  vieux  modèle  ;  deux  rouleaux  pour  un 
pantalon  à  grand  pjut.  Il  faut  de  la  couleur  locale ,  je 
ne  connais  que  ça.  Fichtre ,  j'oubliais  un  point  impor- 
tant !  la  coiffure.  Pour  cinq  rouleaux  an  plus  j'obtiens 
un  bonnet  à  poil  de  la  garde  impériale.  —  Ils  pigent 
assez  avec  les  bonnols  de  mon  ancienne  compagnie.  Me 
voilà  donc  sous  le  harnais.  J'embrasse  mes  enfants  et 
ma  |)onle  chérie,  et  je  me  mêle  à  la  naiion  qui  me  porte 
avec  enthousiasme  au-devant  de  notre  sauveur  à  tous. 

Il  est  ailendu  entre  la  barrière  Bcileville  et  celle  de 
Saint-Denis.  11  fera  sa  rentrée,  comme  un  honnête  et 
simple  bourgeois,  par  la  barrière  de  la  Chopinette. 

Une  voilure  s'avance ,  ce  sont  eux.  Dieu  me  par- 
donne! le  sauveur  de  la  nation  est  placé  en  lapin  sur  un 
coucou.  En  vérité,  c'est  trop  d'abnégation,  et  je  sens 
un  pleur  d'attendrissement  qui  mouille  ma  paupière. 

Les  voilà,  ils  descendent.  Le  bon  roi  a  la  même  re- 
dingote qu'il  portait  il  y  aura  bientôt  deux  ans.  Il  est  en- 
touré de  son  auguste  famille,  et  s'appuie  sur  le  bras  de 
sa  femme  et  sur  son  parapluie.  Brave_homme,  va  ! 

"  Vive  le  roi  des  Français  et  son  auguste  famille! 

—  Mes  amis,  le  grand  peuple  qui  m'entoure...  C'esl 
toujours  avec  un  nouveau  plaisir  que...  L'émotion 
m'empêche  de  continuer. 

—  Vive  le  roi  et  son  auguste  famille!  » 

.Mais  le  monarque  vient  à  moi.  J'étais  au  dernier  dî  ■ 
ner  des  Tuileries;  il  me  reconnaît  sans  doute.  Atten- 
tion! 

"  Je  ne  me  trompe  pas,  c'est  vous  .M.  Cabassol,  an- 


images.  C'esl  toujours  avec  un  nouveau  plaisir  que  je 
me  retrouve  au  milieu  de  vous.  Mais,  diics-moi,  com- 
ment va  madame  Cabassol  et  les  petils  Cabassol? 

—  Mal,  Majesté,  je 

—  Cabassul ,  il  n'y  a  pas  de  Majesté  ici  ;  il  n'y  a  que 
deux  pères  de  famille.  Dites-moi  encore  :  dans  voire 
ménage,  madame  Cabassol  a-t-elle  essajé  de  la  recetic 
que  je  vous  donnai  un  jour  pour  les  conscr^es  de  câ- 
pres et  de  cornichons? 

—  Non,  sire,  les  temps  ont  été  si  durs.'... 

—  C'est  bien  ,  Cabassol ,  votre  main  ;  nous  nous  re- 
verron.s. 

—  Vive  le  roi  et  son  augusie  famille  !  » 

Il  m'a  donné  une  bonne  grosse  poignée  de  main,  et 
a  daigné  se  souvenir  d'une  recette  de  conserves  qu'il 
m'avait  enseignée  dans  les  temps  ;  à  la  bonne  heure,  voilà 
un  homme  tout  rond,  pas  fier  et  instruit  :  un  roi  comme 
il  nous  en  faut  un.  Il  est  père  de  famille  et  compreml 
et  protège  l'iiiduslriel  qui  travaille  pour  l'avenir  de  ses 
enfants.  Au  diable  l'élixir  de  longue  vie!  J'avais,  après 
1830,  amassé  en  deux  ans  une  fortune  assez  rondelette 
dans  des  combinaisons  d'actions  et  d'actionnaires;  j'é- 
tais électeur  et  éligible,  la  satanée  révolution  de  février 
m'a  enlevé  tout  ça.  Il  nous  faut  donc  recommencer  sur 
de  nouveaux  frais.  Demain  je  me  mets  en  campagne  ; 
j'obtiens  la  concession  d'une  ligne  de  chemin  de  fer  de 
Marseille  à  Tanger  avec  embranchement  sur  un  cap 
quelconque.  C'est  une  affaire  superbe  dont  m'ont  parlé 
Ravagcorff  et  Polydor  Boufbien ,  mais  qui  n'est  réali- 
sable qu'à  la  condition  de  confiance  aveugle  des  sous- 
cripteurs. La  confiance  renaît  avec  un  gouvernement 
qui  protège  l'exploitation  de  tonte  espèce  d'indust.ies,  et 
qui  commandite  moralement  les  hommes  actifs  et  adroits. 
Cabassol,  avant  deux  ans,  tu  seras  baron  de  Cabassol, 
officier  de  la  Légion  d'honneur,  colonel  de  ta  légion, 
propriétaire  en  Amérique  et  député.  Tu  crieras  Vive  le 
roi!  sac  à  papier!  et  si  par  hasard  des  troubles  anar- 
chiques  venaient  déranger  l'équilibre  du  pays,  ma  foi... 
tes  moyens  te  le  permettant...  ma  foi.  tu  voyageras! 

A.  F— Y. 


UKVUE  COMIQUK. 


par  FABunzas 


Gourgaiid  de  Février  conlesle  la  \ictoire; 
En  eflel,  les  amis  du  monarque  éplorc, 
Peu  jaloux  de  se  faire  un  renom  dans  l'iiisloire, 
nélaiisèrenl  celui  qu'ils  avaient  adoré! 
Ces  flalleurs,  de  Paris  redoutant  la  rolére , 
Se  liment  accroupis  derrière  leurs  rideaux; 
El  Gouriiaud  ne  put  voir  le  combat  populaire, 
Car  il  avait  tourné  le  dos! 


Gravé   pai  BauuanT. 


■XI    ifiidincs 


DUMINEHAT      ÙDITEUH  .    HUI]    HICHELIED 


:j.i'    Lir.disiiii. 


Ilili     !i  ;L 


W':  "^- 


T 


CONDITIONS  DE  LA  SOI  SCRIPTION.  —  La  Rt\UE  coMKiiE  formera  dL-iix  volumes  grand  in-8»,  publiés  en  &0  livraisons  à  30  centimes:  parla  poste, 
40  centimes.  Le  premier  volume,  composé  des  25  premières  livraisons,  a  élé  achevé  le  28  avril  1849.  Il  renferme  environ  60<)  caricatures  politiques.  —Prix  de 
ce  volume  :  7  fr.  50  c;  par  la  poste,  10  fr.  Le  second  volume  paraît  en  livraisons.  On  souscrit ,  pour  ce  volume  ,  en  payant  7  fr.  60  c.  pour  Paris ,  et  10  fr  pour 
les  dérartfments. 


DUMINERAV 


AUBERT,  odileur,  place  de  la  Bourse. 

Jkl^TmJk^Jk€US  F017B  23S0. 


MARTINON, 

t"  tlif  l'.oq  St-Ilonorc  , 


Pour  paraître  le  10  sopiembio.     LJh]      DIABLE      ROUGE,     f''^""'  P^'^'^i'e  'e  10  septembre. 


aliai\a(;h  cabalistique 

CONTENAVr  LE  TABLEAC    DES   I^•FLUK^•CES  QVl   DOMINENT   SUn   LE   PHYSIQUE  ET  LE  MOBAL  DE  l'HOMME; 
ET    L\   NOMENCLATIHE    DES    BONS    ET    DES    MAUVAIS   GÉNIES;  ACCOMPAGNÉ    DES 

TABLES   CABALISTIQUES 

A   L'AIDE  DESQUELLES  CHACUN    PEUT  TIRER  SON    HIIEOSCOPE  ET   PRÉVOIR  SON  AVENIR, 
AINSI    QUE  CELUI   Di;s   AUTRES; 

Hrnferinant  en  outre  des  prédictions  sur  un  grand  nombre  d'itommes  politiques,  et  des  prophéties  curieuses 

sur  les  grands  (événements  qui  doivent  arriver ,  entre  autres  les 

PRÉDICTIONS   DE    NOSTRADAMVS    POUR   1850 

Précédé  d*un  petit  Traité  sur  les  sciences  occultes  dans  le  passé,  le  présent  et  Pavenir,  la  znagie  de  l'antiquité, 

la  sorcellerie  du  moyen  âge,  l'astrologie,  ralcbimie,  la  chiromancie,  les  talismans,  le  calcul  des 

nombres,  la  magie  orientale,  la  divination,  la  cabale,  le  magnétisme,   etc.; 


!     1" 


Vcs  fatalités  hïstoritfues  d'aprcs  les  jtUis  grands  t^crivaîus  modernes  :  les  jours  funestes,  le  mauvais  œil,  l'enchaïucmcut  dcs^ 

choses,  les  spectres,  les  vampires,  les  loups-g:irou$,  les  exorcistes,  les  sibylles  modernes,  les  illuoiiiiés,  etc. ,  etc.  ; 

2^  Du  mjsticisnte  révolutionnaire  :  le  comte  de  Saînt-Gerniain,  Ca{;J:ostro,  doin.Pernetly  ,  Cazotte,  Dupoil,  de  Nemours, 

âaiul-Mariio,  Hestif  de  la  Bretonne,  Bobcspierre,  Catherine  'Ihcos,  Auacharsis  Clootz ,  Suzanne  Labrousse, 

La    Reveiiière   Lepauix,    l'alihë  Grégoire   et 

laekPOXiiîOvi  pir.ophxîte; 

3"  /)f5 /ï/o;j/iè(t'j-  ro«;;c5;  Proudhoii,  Pierre  Leroux,  Lanu-iiiiais,  Considérant,  George  Sand,  etc.; 

Y,l  Vôi'uVwAé  p^ï  des  Miecàoles  is.\\V3.sl\que^ , 

—Le  Livre  d'Enoch.  —  Apolîyon  ,  précurseur  de  V Antéchrist.  —  La 
Pivotale.  —  Le  carré  de  l'hypotliénuse.  —  Comme  quoi  deux  et  deux 
ne  font  pas  quatre.  —  Les  sirènes.  —  Les  liommes  à  queue.  —  Les  li- 
cornes.—  Les  évùques  du  mer. —  Les  nixes. —  Le  sergent  Bertrand,  etc. 

Un  joii  vol.  gr.  iii-I  G,  avec  couverture  en  couleur,  illuslré  de  nombreuses  vignettes,  portraits,  scènes, 
PAR    BZm.TAI.X.,    BÏABAR,    PASTELOT,    FABRITZXUS,    etc. 

i-niN  :  '■>0  CENTIMES.  —  7d  centimes  pah  i.a  poste. 


Telles  que  :  Le  centième  anniversaire  de  Goethe.  —  L'abbé  Pir- 
cher.  —  Un  déjeuner  du  diable.  — Cabale  du  nombre  18  dans  l'his- 
toire de  Napoléon.  —  Cabale  du  nombre  13  dans  l'histoire  de  l'As- 
semblée législative. —  Le  33"  César.  —  Les  anges  de  S-\vedembort,'. 


ALIANAGII  POUR  RIRE 

- 1850  - 

Texte  par  Jean  Vertot,  — C.  Caraguel ,  — S.  de  la  BédoUîèr^,  —  Gérard  deMerval,  —  A.  Fauchery,  etc. 
Besoins  par  Bertall ,  —  Fabritzius  ,  —  Xiorentz  ,  —  Nadar  ;  —  Gravés  par  Baulant. 

JULl  PETIT  VOLUME  GHA>D  IN-8Ei/E. 

PRIX   :  50   CENTIMES.   —   7o  CENTIMES   FRANCO   PAR  LA   POSTE. 

1850.  —Grande 


Sommairi'.  des  articles,  —  Calendrier  pou 
phéties  européennes ,  extraits  de  la  prophétie  slave  de  ]^yiV.  —  Il 
n'y  a  rien  de  changé  en  France.  —  La  politique  mise  à  la  portée 
des  enfants,  —  Le  marquis  du  Helder  au  vicomte  de  Durand,  — 
Rapports  de  la  politique  avec  la  pipe. — Les  étrennes.— Le  retour  de 
M,  Guizot,  chanson.  — Le  budget  d'un  représentant.  —  Confession 
d'un  pénitent  politique.  —  Le  Joto  asiatique.  —  Orthographe  de 
cavalerie.  —  A  propos  de  pantoufles.  —  Odilon  lîarrot  et  la  liberté, 
chanson.  —  Trop  parler  nuit ,  trop  gratter  cuit,  petit  proverbe.  ~ 
Les  17  brumaire. 


Sommaire  'tes  dessins^  —  L'adoration  des  rois.  —  M.  Thiers.  — 
La  fièvre  de  l'or.  —  Vue  intérieure  de  la  Caliroruie.  —  Apparition 
des  naturels  sur  les  bords  du  Sacramento.  —  Le  retour  de  l'Icarie. 
—  M.  Mole.  —  Républicains  honnêtes  et  tnodérés.  —  M.  Proudhon 
sous  différenls  points  de  vue.  —  M.  Dupin  laid-nez.  —  Les  trois 
soutiens  de  la  civilisation  ausiro-croate.  Statue  du  grand  Odilon 
Barrot.  —  Léon  Faucher.  =—  Murât.  —  Boulet  de  la  Meurthe.  — 
Montalembcrt.  —  Les  constitutions  octroyées.  —  Changarnier.  — 
l^uatre  candidats  aux  prochaines  élections.  —  Tocqueville.  — 
Berger.  —  Restauration  des  sergents  de  ville.  —  Les  Anglais 
visitant  les  ntonumcnts  parisiens.  —  La  Rochejaquelein,  etc.,  etc. 


Avis  aux  Libbaires.  —  L'Almanach  pour  rire  et  VAlmanach  cabalhtique  se  vendent  aux  mêmes  conditions 
et  remises  que  {'Almanach  prophétique. 

Pour  paraître  lo  10  septeniljrc 

Chex  MARTINON ,   rue  du  Coq-Saint-Honoré ,   4;  et  chez  DUMINTZRAY ,  52,  rue  Richelieu. 


L'ALMANACH  DÊIVIOC  ET  SOC. 

GHASDE  hUITJOy. 

Lu  joli  volume  {^raiwl  in-32  de   128  pucec 

tlluïtrc  do  nombreuses  viyuctlcs. 

Prix  :  25  centimes  ;  —  18  francs  le  cent. 


L'ALMANACH  DEMOG  ET  SOC. 

PETITE   lOniON 

Lu  joli  volume  (jiand  in-32  tic  (j4  |j:iei-5 

illuslré  Je  nonibicuses  vigntlteb. 

Prix  :  10  centimes  ;  —  7  francs  le  cent. 


ïj l>vgtu;)liit  l'Iuii  Irérvi .  lUt  de  VuugiidfJ  ,  'M. 


LE  COAGllKS  DKMS. 


—  Mon  cher  GiL'ik'hi. 

—  Madame  la  coiiUessc  de  Kollcmèclie  ! 

—  Vous  savez  la  grande  nouvelle? 

—  Laquelle? 

—  Notre  cher  M.  Crédit  est  à  deux  pas  d'ici. 

—  Parlez  plus  bas,  madame  la  comtesse,  si  la  police 
vous  entendait  ! 

—  Il  n'y  a  pas  de  danger.  M.  Crédit  est  à  Enis. 

—  Ouf!  je  respire. 

—  Monsieur  Gredelu ,  vous  avez  toujours  luarciié 
dans  le  sentiei-  des  bonnes  doctrines. 

—  Je  m'en  honore,  madame  la  comtesse,  mon  père 
était  passementier  de  la  cour  sons  Charles  X  ,  el  je  ne 
l'ai  jamais  oublié. 

—  (;'est  une  justice  à  vous  rendre,  aussi  nous  vous 
avons  mis  de  moitié  dans  notre  projet  de  voyage. 

—  Quel  voyage  ? 

—  L'abbé  Casquette  ,  l'illustre  écilvain  légitimiste 
Tariemiiion ,  le  grand  poêle  catholique  Barbanchu  et 
moi,  nous  avons  résolu  de  passer  le  Rhin  pour  aller 
présenter  nos  hommages  à  M.  Crédit.  Vous  serez  des 
nôtres,  Gredelu. 

—  Madame,  tant  de  bonté 

—  Ne  me  remerciez  pas,  mon  cher,  ne  me  remerciez 
pas.  Il  faut  bien  que  tous  les  ordres  soient  leprésenté? 
dans  notre  caravane. 


L'abbé  Casquette,  c'est  le  clergé,  je  suis  la  noblesse, 
vous  êtes  le  tiers  étal,  Tarlempion  el  Barbanchu  sym-' 
bolisenl  la  littérature  el  la  jioésie.  Il  nous  manque  un 
repré.scntant  des  beaux-arts.  J'ai  envie  d'écrire  au  des- 
sinateur de  la  lievue  comique,  qui  nous  a  donné  un 
si  charmant  |)ortrail  de  notre  M.  Crédit. 

—  Gardez-vous-en  bien,  il  refusera'' 

—  En  lui  i)romettaut  l'ordre  de  Saiiit-Michel. 

—  Il  refuserait  encore.  Je  le  soupçonne  d'être  au 
fond  Jacobin. 

—  Nous  nous  passerons  des  beaux-arts.  Vous  savez, 
mon  cher  Gredelu,  que  nous  partons  ce  soir. 

—  Le  temps  de  recommander  mes  serins  à  mon 
concierge  et  de  faire  ma  malle,  je  suis  prêt. 

—  A  bientôt  donc,  mon  cher  Gredelu. 

—  A  bientôt,  madame  la  comtesse. 


—  Bonjour,  mon  cher  Berryer! 

—  Comment  vous  portez-vous,  u.ou  du  r  NelliMurnl? 

—  Ah  !  vous  VQilà,  Lubis? 

—  Salut  à  noire  doyen  d'âge,  an  vénérable  Loui- 
doueix. 

—  Voici  Veuillot,  VOpinion  publique  ,  VUnion  , 
li  Gazette  (le  France ,  l'Univers,  nous  sommes  au 
grand  complel.  Berryer,  vous  pou\cz  ouvrir  la  séance. 

—  Vous  savez.  Ions  que  M.  Crédit  s'eM  r.ipprm  lié  de 


REVUE  COMIQUE 


la  fronlièro.  Il  e>l  à  tins.  Il  s'iigit  d'organiser  ijnc  ma- 
nifestation dans  le  goine  de  celle  de  Belgrave-Square. 
Col  dans  ce  hul  (jue  nons  sommes  réunis.  La  parole 
est  au  vénérable  l.ouidoueix. 

—  Nous  ra\ons  |>erdu,  messieuis,  cet  alhlèlc  infati- 
gable, ce  civiir  généreux,  cet  esprit  supérieur,  ce  grand 
homme  !  Geiioude  est  ntort,  Genoude  n'est  plus  !  Quo 
nioilo  recidit  potcns'.  Je  le  déclare  ici,  la  ménioiie  de 
M.  de  Genoude  me  sera  toujours  chère,  pleurons  Ge- 
noude ,  parlons  de  Genoude,  tout  pour  Genoude  ei  pai 
Genoude. 

—  Très-bien  !  A  votre  tour.  Nettement. 

—  Je  propose  qu'on  organise  des  trains  de  plaisir  ii 
deux  cents  francs  ,  dîners  ,  déjeuners  ,  plaisirs  et  pré 
sentation  à  M.  Crédit  compris.  Cela  nous  vaudrait,  jr 
suis  sur,  un  très-grand  nombre  de  visiteurs. 

—  Qu'en  pensez-vous,  Luijis? 

—  Je  suis  de  cet  avis,  seulement  je  voudrais  qu'on 
annonçât  en  même  temps  que  IM.  Crédit  touchera  les 
ccrouelles. 

—  Y  trouvez-vous  un  inconvénient  quelconque , 
Veuillol? 

—  Aucun. 

—  Le  train  de  plaisir  est  donc  ado]>lé  à  l'unanimité. 
Vive  M.  Crédit  ! 

—  Vive  M.  de  Genoude!  oui ,  vive  M.  de  Gennude  I 
Pernietlez-moi,  messieurs,  de  vous  remercier  de  l'iioni- 
mage  que  vous  rendez  à  sa  mémoire. 

—  Que  ce  Lourdoueix  est  fatigant  ,  iimii  (lier 
Veuillol! 

—  Dites  embêtant,  mon  cher  Lubis.  Allons  tunier  un 
cigare. 


in. 


—  Vous  savez  ,  monsieur  le  comte  ,  (|ue  M.  Berrj  ei 
part  demain  pour  Eras? 

—  Sans  doute  ! 

—  Que  M.  de  La  Rochejaquelein  est  |)arli  hier  ? 

—  Certainement! 

—  Ces  gens- là  vont  vous  devancer,  tiionsieur  le 
comte. 

—  Je  m'en  inquiète  peu.  Berryer  est  démonétisé , 
La  Rochejaquelein  est  un  légitimiste  de  fantaisie, 
d'ailleurs  il  avait  consenti  à  accepter  une  ambassade  de 
la  République.  Le  chef  du  parti  séiieux  ,  c'est  moi , 
et  quand  j'aurai  la  lettre  que  Kalloux  m'a  promise 

—  M.  de  Montalembert? 

—  C'est  moi ,  monsieur. 

—  Je  suis  le  secrétaire  de  M.  de  Falloux  ,  cl  Vdici  un 
pli  qu'il  m'a  chargé  de  vous  remettre. 

—  Ah  !  ma  lettre  de  crédit  !  c'est  très-bien  ,  vous  le 
remercierez  de  ma  part,  et  vous  lui  direz  (pie  demain 
je  serai  sur  la  route  d'Ems. 


IV. 


—  Monseigneur  ? 

—  Que  me  voulez-vous? 

—  Il  faut  vous  lever. 

—  Je  me  trouve  irès-bien  an  lit.  Il  n'est  que  dix 
heures. 

—  Songez  donc  ([ue  vos  réreptions  comniencenl  au 
jourd'hui.  Vos  amis  sont  là  cpii  vous  allenilenl. 

—  Des  amis  que  je  n'ai  jamais  vus. 

—  Des  Français  !  des  roin patriotes  ! 

—  Des  compatriotes  qui  m'ont  Uanqnc  à  la  porte! 

—  Ils  se  repentent  ."IMonseigneur,  ils  se  repentent, 
il  faul  leur  pardonner. 

■ —  Eh  bien  je  leur  pardonne  ,  mais  qu'ils  me  laissent 
dormir  à  mon  aise. 

—  Vous  dormirez  jus(|u'h  midi  demain,  aujourd'hui 
il  faut  recevoir  les  pèlerins  de  la  fidélité. 

—  Que  diable  vcux-lu  que  je  leur  dise,  à  ces  pèlerins? 

—  Des  ciioses  aimables,  ties  mots  piu'lis  du  cœur. 

—  Et  où  les  prendrai-je? 

—  (lela  n'est  pas  diflicile  à  savoir. 

—  Où  donc? 

—  lié!  où  les  prenait  Heini  IV,  dans  son  esprit. 

—  On  est  toujours  à  me  parler  d'Ilriiri  IV,  cela 
commence  à  devenir  fatigant. 

■ —  Aimez-vous  mieux  prendre  pour  modèle  Eian- 
çois  1"  ou  Louis  XIV?  Voyous,  Monseigneur,  montrez 
que  vous  avez  du  sang  des  Bourbons  dans  les  veines. 
Levez-vous. 

—  Passe-moi  donc  ma  robe  de  rliambie. 

—  La  voilà.  Maintenant  répétons  un  peu  la  leçon  que 
je  vous  ai  donnée  hier. 

—  C'est  inutile.  Je  la  sais. 

—  Ou  ne  saurait  trop  la  savoir.  D'abord,  lorsque 
vous  vous  approchez  d'un  de  vos  futurs  sujets,  vous 
lui  dites  :  Ventre-sainl-gris  !  monsieur,  il  fait  irès-chaud 
aujourd'hui  ;  il  doit  faire  plus  frais  à  Paris ,  ajoutez-vous 
d'un  air  malin. 

—  Venlre-saint-gris!  monsieur,  il  fait  trè.s-chaud 
aujourd'hui ,  il  doit  faire  plus  frais  à  Paris. 

—  Très-bien.  Seulement  prenez  un  air  plus  lin  en 
prononçiiit  ces  derniers  mots;  maintenant,  quand  on 
vous  parlera  politique,  vous  savez  ce  que  vous  devez 
répondre? 

—  Rien. 

—  C'est  cela  même.  Seulement  vous  aurez  l'air  d'é- 
couter ce  qu'on  vous  dira  avec  la  plus  grande  attention. 
Il  vous  est  permis  de  lâcher  ipielipies  monosyllabes. 

—  Si  je  m'endors? 

—  C'est  ju.slement  ce  qu'il  faut  empêcher  ;  je  vous 
ai  fait  préparer  du  café  noir.  Il  y  a  des  gens,  que  je  vous 
désignerai ,  qu'il  faudra  conduire  dans  une  embrasure 


LE    LAIT-THIERS   ET   LE   POT   AU   LAIT. 
(Denoiiment  connu.) 


Dessine  par  BERT\Lr. 


Gravé  par  Baulavt. 


130 


REVUE  COMIQUE 


de  fc'iièlii'  (|iiaiKl  ils  viciulroiit  causer  avec  vous.  C'est 
une  alleniioii  h  hKiiielle  tous  les  lioinines  politiques  se 
laissent  prciiilre.  .Maintenant ,  IMouseignenr,  achevez 
rapidement  votre  toilette. 

Kt  mon  déjeuner!  j'ai  une  faim  du  diable  ce  matin. 

—  >()us  aurez  quatre  côtelettes. 

—  Qu'on  y  ajoute  un  beefsteack  et  une  omelette. 

El  les  pèlerins  qui  se  morlondcnt  depuis  et-  matin 

dans  voire  antichambre? 

—  Qu'on  leur  dise  que  lem-  mailieureux  prince  n'a 
I    pas  encore  déjeuné,  et  ils  prendront  patience. 

—  J'aime  mieux  choisir  un  autre  prétexte.    Je  vais 
;    les  calmer. 


faut  que  je  m'évanouisse  ,  la  comtesse  de  Follemèche  va 
s'évanouir. 

—  Au  milieu  d'un  buise-main ,  cela  ne  s'est  jamais 
fait. 

—  Vous  avez  raison  ,  Gredelu ,  je  saurai  me  contenir, 
pourvu  que  je  l'embrasse.  Place,  place,  messieurs,  la 
comtesse  de  Follemèche  veut  embrasser  son  roi. 


VII. 


—  Enfin,  c'est  terminé.  Otons  cette  cuirasse  qui  m'é- 
touffe, et  qu'on  m'apporte  tout  de  suite  mon  goûter. 

—  Que  prendra  Votre  Altesse  aujourd'hui? 

—  Des  confitures,  quelques  fruits,  une  tarte,  quel- 
iiues  gâteaux,  la  moindre  des  choses  enfin  ;  liistoire  de 
casser  une  croûte.  Qui  vient  encore  me  déranger? 

—  Permettez,  Sire,  que  je  vous  présente  un  de  vos 
plus  illustres  serviteurs. 

—  Comme  s'il  ne  pouvait  pas  attendre  que  j'eusse 
uni  de  goûter.  Enchanté  de  faire  sa  connaissance. 

—  M.  Berryer. 

—  Diantre,  un  de  ceux  auxquels  je  dois  donner  de 
l'embrasure.  Approchons -nous  de  la  fenêtre,  et  faisons 
bien  attention  ii  ne  rien  dire.  C'est  lui  qui  doit  faire  tous 
les  frais  de  la  conversation. 

—  Sire,  votre  présence  a  rempli  de  joie  le  cœur  de 
vos  fidèles  sujets.  Le  moment  est  proche  où  la  France 
partagera  notre  joie.  Quel  beau  rôle  vous  allez  jouer, 
Sire?  11  dépend  de  vous  de  guérir  les  plaies  de  notre 
malheureuse  patrie.  Prenez  garde  seulement  aux  mau- 
vais co.iseils.  Méfiez-vous  surtout  de  Montalemberl,  c'est 
un  fanatique,  un  homme  d;ingereiix.  Il  faut  vousappuyer 
sur  Thiers  et  Véron.  Ne  craignez  pas  de  faire  quelques 
concessions  aux  idées  nouvelles.  D'ailleurs  quand  vous 


—  F.h  bien  ? 
,10  lo.s  ai  calmés  pour  un  moment;  il  faut  vous 

dépêcher.  Ces  gens- là  brûlent  d'impatience  de  vous 
voir. 

—  Je  n'ai  plus  que  mon  beefsteack  à  manger. 

Il  y  a  surtout  la  comtesse  de  Follemèche  qui  dé- 
clare que,  si  vous  tardez  encore,  elle  en  aura  une  atta-  | 
que  de  nerfs.  Hâtez-vous  donc  ! 

—  Encore  ce  morceau  d'omelette. 

—  Il  y  aussi  l'abbé  Casquette  et  M.  Gredelu  qui 
ne  voulaient  pas  me  lâcher.  Où  est  M.  Crédit?  me  di- 
saient-ils en  me  tenant  par  le  revers  de  mon  habit  ;  il 
nous  faut  M.  Crédit,  nous  voulons  M.  Crédit?  Ne  lais- 
sez pas  se  morfondre  ces  braves  gens.  Faites  donc  vile. 

—  Plus  que  cette  cuillerée  de  compote. 

—  Vous  n'en  finirez  jamais. 

—  .Mais  enfin  il  faut  bien  que  je  déjeune. 

—  Prince ,  excusez  ma  rude  franchise ,  mais  pour  un 
"rand  roi  je  vous  trouve  bien  porté  sur  votre  bouche. 
Mais  ce  n'est  pas  le  moment  de  vous  faire  de  la  morale,  j  ^^^^^  j-^j^  ^.^^^^^  j^^  ^^li  ^.^j  ^g  ^j^i  s'avisera  de  songer 


Vile   votre   casque!  endossez  votre  cuirasse.   Y  êtes 
vous? 

Ouf!  me  surcharger  ainsi  au  moment  de  la  diges- 
tion ! 

—  Il  faut  faire  quelque  chose  poiu-  vos  sujets,   l'arliez 
de  prendie  l'air  majestueux  ,  et  ciilroris. 


VI. 


—  I.e  \oilk  ,  c'est  lui ,  c'est  le  cuirassier  du  miracle! 

—  Vive  M.  Crédit! 

—  Vive  Henri  IV  ! 

—  Casquette,  M.  l'abbé  Casquette,  soutenez  moi.... 

0  Crédit,  à  mon  roi, 
L'univers  t'abandonne. 

Je   n'v  peux   plus   tenir,   mon    bra\e    Creilclu ,    il 


qu'il  a  vendu  de  la  pâte  Régnauli  ?  Léon  Faucher  est 
également  un  homme  qu'on  aurait  tort  de  dédaigner,  il 
peut  nous  rendre  de  vrais  services.  La  bonne  politique 
commande  d'amnistier  les  libéraux  repentants,  et  de 
gouverner  avec  la  rue  de  Poitiers. 


VIII. 

—  Il  ;i  liiii.  Je  \ais  pouvoir  goûter.  Qu'y  a-t-il  en- 
core ? 

—  Voici,  Sire,  un  des  plus  zélés  défenseurs  du  trône, 
un  des  pères  de  la  monarchie,  M.  de  Montalembert. 

—  HetournoMS  à  reinbrdsurc,  et  faisons  semblant  de 
l'écouter.  Il  est  écrit  que  je  ne  goûterai  pasaujouid'hui. 

—  D'un  instant  à  lautre.  Sire,  la  France  peut  rap- 
peler le  fils  de  ses  rois;  j'irai  droit  au  fait.  Il  y  a  des 
gens ,  M.  lierrycr  entre  autres  ,  qui  vous  pousseront  h 


A   L'USAGK  DKS  riK>S  SKEUEIJX. 


une  rcslaiiraliim  pure  et  simple  avec,  iliaite,  chambre 
des  députés,  chauibie  des  paiis,  culiii  (ouïe  la  boutique 
ronslilutiouuelle.  Tout  cela  est  au-dessous  de  l'attente 
du  siècle.  La  question  est  catlioiiipie  avant  lout,  je  vois 
d'im  côté  des  croyants,  de  l'autre  des  béiéliques,  il  faut 
l)iùler  les  béiéliques.  Si  vous  n'extirpez  pas  l'Iiérésie 
libérale  vous  Ôles  perdu  comme  Charles  X.  C'est  une 
aiïaire  entre  les  All)igeoiset  vous.  Je  dois  ajouter,  prince, 
(pie  c'est  Ih  aussi  l'avis  de  noire  illusire  Kalloux! 


I\. 


—  Sire ,  l\l.  de  Larochejaqueleiii  :  ce  nom  dit  tout. 

—  Encore  un  qui  me  tombe  sur  les  bras.  ,Fe  crève 
de  faim  décidément.  Pourvu  qu'il  ail  bienlôt  fini! 

—  Ma  famille  a  assez  versé  son  sang  en  faveur  de  la 
légiiiuiilé  pour  qu'il  me  soit  permis  de  vous  dire  la  vé- 
rité. Berryer  et  Rlontalembcrl  ne  peuvent  que  vous 
perdre.  Croyez-moi,  Sire,  couchez-vous  dans  les  draps 
de  lit  de  la  République.  Quatre  ou  cinq  cités  ouvrières, 
une  fleur  de  lis  à  chaque  coin  du  drapeau  tricolore , 
l'enseignement  confié  moitié  aux  jésuites,  moitié  aux 
élèves  de  l'école  normale ,  et  nous  voilà  pour  jamais  à 
l'abri  de  tout  bouleversement.  Mais  qu'avez- vous,  Sire? 
vous  pâlissez. 

—  Ce  n'est  rien  ,  monsieur.  Gonlinuez. 


—  Votre  pâleur  augmente.  Je  vais  sonner,  Votre  Ma- 
jesté se  trouve  mal. 

—  In  peu  de  faible.sse  seulement ,  l'heure  de  mon 
goilter  est  passt'e  de[>uis  longtemps ,  et  j'éprouve  le  be- 
soin de  |)rendre  qucbiue  cho.se.  Voulez-vous  me  faire 
l'aniilié  de  goùler  avec  moi? 

—  'l'ant  d'honneur,  Sire 

—  Nous  causerons  d'affaires  à  table. 

—  Je  suis  aux  ordres  de  Voire  Majesté. 


\. 


—  Eh  bien.  Sire,  êtesvous  content  de  ces  messieurs? 

—  Eicchanté. 

—  Que  vous  ont-ils  conseillé  ? 

—  M.  Berryer  m'a  conseillé  de  me  déti.T  de  M,  de 
Montalembcrt. 

—  En  vérité  ! 

—  M.  de  Montalemberl  m'a  conseillé  de  nie  méfier 
de  M.  Berryer. 

—  Vraiment  ! 

—  Et  M.  de  La  Rochejaquelein  m'a  dit  que  j'étais 
perdu  si  je  ne  me  méfiais  pas  de  M.  Berryer  et  de  M.  de 
Moiilalembert. 

—  Voil;\  qui  est  bizarre ,  on  m'avait  assuré  pourtant 
que  la  plus  complète  union  régnait  au  sein  du  parti  lé- 
gitimiste. 


Le  général  de  La»oricière,  ambassadeur  de  la  Eépublique  française  près  le  czar  de  toutes  les  Russies  .  rivalise  arec  les  amba.ss.-»deur8 
sutnchiens  et  prussiens  pour  féliciter  le  czar  au  sujet  de  la  i,aajicati.;i  de  la  Honnie. 


REVUE  COMIQUE. 


—  On  se  sera  trompé,  mais  moi  je  ne  me  (rompe 
pas,  mon  estomac  sonne  six  heures.  Allons  dîner. 


XL 


—  Monseigneur,  vous  savez  qu'il  y  a  grande  réception 
ce  soir.  Il  est  temps  que  vous  songiez  à  votre  toilette. 

—  Dois-je  mettre  ma  cuirasse? 

—  C'est  inutile  ;  l'habit  noir  suffira  avec  le  grand 
cordon  du  Saint-Esprit,  par  exemple. 

—  J'aime  mieux  ça;  j'ai  horreur  des  cuirasses. 

—  Silence  !  si  on  vous  entendait. . .  Le  faubourg  Saint 
Germain  a  envoyé  la  Que-fleur  de  ses  duchesses  à  Ems; 
soyez  gentil ,  ayez  l'esprit  de  M.  de  Provence ,  le  brio 
de  M.  d'Artois;  qu'où  dise  en  vous  voyant  :  C'est  lui! 

■c'est  le  petit-fils  de  Louis  XV  dit  le  charmant.  A  pro- 
pos ,  il  y  aura  auss.  '"s  journalistes  de  Paris ,  soyez 
gracieux  pour  eux,  vous  devez  bien  quelque.chosc  à 
leur  vieille  fidélité. 


XIL 


—  Il  passe  sans  me  rien  dire  ! 

—  Il  ne  me  salue  pas! 

—  Moi,  la  comtesse  de  Folleméche  ,  dont  les  aïeux 
montaient  dans  les  carros.'.es  de  la  cour! 

—  Moi,  l'abbé  Casquette,  qui  ai  fait  deux  cents  lieues 
pour  le  voir,  malgré  ma  goutte  et  mes  rhumatismes  ! 
Gredelu,  les  rois  sont  des  ingrats. 

—  Je  m'en  aperçois  bien ,  moi  qu'il  n'a  pas  seule- 
ment regardé. 

On  ne  regarde  jamais  le  tiers  état;  c'est  dans  l'é- 
tiquette. Mais  la  noblesse! 

—  Mais  le  clergé! 

—  Mon  ciier  Barbanchu,  allons-uous-eu  ;  ou  n'a  seu- 
lement pas  l'air  de  se  douter  de  la  présence  du  plus 
grand  écrivain  légitimiste. 

—  Je  vous  suis,  mon  cher  Tarlempion  ;  il  paraît  que 
le  plus  grand  poëte  catholique  n'est  rien  aux  yeux  de 
ces  gens-là. 


Xlil 


La  .soirée  est  finie. 

Monsieur  mon  gouverneur  ,  ètes-vnns  coiileui  de 

moi  ? 

—  Vous  ne  vous  en  èles  pas  mal  tiré,  sauf  une  hou- 
lette, cependant. 

—  Une  boulette!  laquelle? 

—  Vous  avez  passé  devant  la  comtesse  de  Folleuiéclie 
sans  lui  baiser  la  main. 


—  Baiser  la  main  de  celte  vieille! 

—  Louis  XIV,  d'héroïque  mémoire,  n'y  eût  point 
manqué.  Apprenez  d'ailleurs  qu'en  légitimité  il  n'y  a 
pas  de  vieille  femme. 

—  Voilà  qui  me  paraît  grave. 

—  Cela  est  ainsi.  Songez-y  une  autre  fois. 

—  J'y  songerai.  En  attendant,  qu'on  serve  le  souper. 

—  Sire ,  il  est  servi. 

—  Que  ne  le  disiez-vous  tout  de  suite.  Allons  nous 
mettre  à  table. 

XIV. 

Mon  cher  Lubis, 

Savez-vous  qu'il  n'est  pas  fort. 

Hier  on  m'a  présenté  à  lui  comme  un  des  envoyés  de 
la  presse  parisienne;  impossible  de  le  faire  parler  d'au- 
tre chose  que  de  la  pluie  et  du  beau  temps. 

Je  lui  ai  touché  quelques  mots  du  socialisme  ;  il  n'a 
pas  l'air  de  savoir  seulement  ce  que  c'est. 

J'ai  cru  devo=-  alors  le  mettre  sur  l'économie  poli- 
tique ;  sileu'-     complet.   La  Rochejaquelein  l'a  perdu. 

Heureusement  pour  nous  ,  cet  homme  n'est  pas  un 
homme,  c'est  un  principe. 


\V. 


Mon  cher  Nettement, 

Il  faut  l'avouer,  je  le  croyais  plus  fort. 

Il  ne  répond  que  par  des  monosyllabes  à  tout  ce 
qu'on  lui  dit.  Peut-être  ses  parents  lui  défendent- ils  de 
parler.  Montalemberl  l'a  perdu. 

Heureusement,  cet  homme  n'est  pas  un  homme,  c'est 
une  situation. 

XVL 

Mou  cher  Lourdoueix  , 

Je  le  dis  avec  regret,  il  n'est  pas  fort. 

n  ne  m'a  pas  dit  un  seul  mot  sur  la  perte  immense 
que  la  Gazette  de  France  et  le  monde  viennent  de 
faire.  Il  paraît  ignorer  complètement  qu'il  a  existé  un 
homme  du  nom  de  Genoude.  Falloux  l'a  perdu. 

Même  ignorance  sur  la  sublime  théorie  du  sulTrage  à 
deux  degrés. 

Heureusement,  cet  Iwmuue  n'est  pas  un  homme,  c'est 

nue  idée. 

XVII. 

Mon  iher  Veuillol, 
Si  on  vous  demande  :  Est  il  .f..ri  ?  vous  pouvez  ré- 
|)ondre  que  non. 


A    I.IJSAGK    DKS   GKiNS   SKHIKI  X. 


Tciif/.  pour  assuré  qu'il  ne  coniiait  aucune  îles  gran- 
iks  uiccssilés  lie  sou  épociue,  iii  le  lélablisseuioul  lie 
riii(|uisilioM  ,  ni  la  reprise  des  croisades,  ni  la  révoca- 
liou  de  l'éilil  de  Naules.  Il  est  i)on  loiil  au  plus  h  faire 
un  moiianpie  conslilulionnel.  Iterryer  l'a  perdu. 

Ileureiisenunt  cet  homme  n"est  pas  un  liouune,  c'est 
un  symbole. 


XVIII. 

On  lisait  l'autre  joiu'  dans  tous  les  journaux  lé^^iti- 
niistes  : 

«  Les  personnes  tpii  reviennent  d'Knis  sont  enlliou- 
.  siasmées  de  la  personne  et  de  l'esprit  de  M.  le  comte 
..  de  Ctiambord- Crédit.  Sa  physionomie  a  ([uelque  chose 
..  de  martial  et  de  gracieux  ((ui  rappelle  les  anciens 
..  preux.  Il  danse  le  menuet  comme  feu  Louis  XIV 
.)  u'en  déidaise  aux  Jacobins  qui  prétendent  qu'il  est 
..  boiteux;.  Toutes  les  questions  à  l'ordre  du  jour  lui 
.,  sont  familières.  Il  connaît  Prondlion  et  Yillcgardelle, 
u  aussi  bienque  le  bagage  deséconomistes  Blanquy.Say, 
..  Michel  Chevalier,  etc.  Il  n'est  pas  également  sans 
o  avoir  quelque  teinture  de  Frédéric  Basliat  et  de  Jean 
.)  Journet.  Al.  le  comte  de  Cliambord-(;rédit  est  ce 
■>  (|u'ou  pourrait  appeler  un  socialiste  conservateur.  Du 
,1  reste,  les  réunions  d'iïms  n'ont  fait  que  res.verrer  les 
..  liens  qui  unissent  les  légitimistes,  et  témoigner  de 
..  leur  parfaite  entente  sur  tontes  les  questions  de  l'a- 
«  venir.  « 


POST  SCRIPriM. 

Réparons  trois  omissions  importantes  dans  ce  compte- 
rendu  de  ce  qui  s'est  passé  à  lims  :  M.  Véron,  une 
paire  de  pistolets  et  le  papetier  Jeanne. 


•La  paire  de  pistolels  a  élé  offcrle  h  M.  «'.redit  par  une 
députatiou  d'ou\riers  parisims.  l'ouripioi  de»  pistolets 
plutôt  (|u'un  fusil,  plutôt  (|u'un  Uomblon  ?  Les  ou\  tiers 
d'Kms  pourraient  seuls  nous  dire  la  raison  de  ce  ca- 
deau ;  mais  dis  qu'on  cherche  ces  ouvriers ,  on  ne  les 
trouve  plus. 

Ilécompense  boiinèle  à  qui  les  rap|)ortera. 
«hiant  à  M.  Véron,  il  s'est  présenté  lui-même  chez 
l'auguste  exilé,  qui  lui  a  fait,  dit-on  ,  un  charmant  ac- 
cueil, ainsi  qu'au  papetier  Jeann(!  du  passage  Choiseul. 
M.  Crédit  ne  pouvait  se  montrer  trop  gracieux  pour 
M.  Véron  :  on  sait  tout  ce  que  la  morale  et  la  religion 
doivent  à  ce  saint  personnage. 

M.  Véron  est  en  outre  pro|)i  iétaire  du  Constilu- 
liûiiiict,  journal  honnête  et  mo  léré ,  organe  de 
M.  Thiers. 

M.  Thiers  a  rendu  des  ser\ices  trop  éclalinis  à  la 
branche  aînée  pour  que  celle-ci  puisse  les  oublier.  A 
défaut  d'autres  titres,  ^\.  Thiers  a  du  moins  le  souve- 
nir de  la  forteresse  de  Blaye,  qui  doit  le  recommander 
spécialement  aux  bonnes  grâces  de  M.  le  comte  de 
Chandjord. 

Il  ne  faut  pas  oublier  non  plus  que  c'est  M.  Véron 
qui  a  converti  le  Cunstiluiionncl  et  l'a  reconcilié  avec 
l'Église. 

M.  Crédit  a  promis  la  direction  de  l'Opéra  i  M.  Vé- 
ron, qui  s'est  engagé  de  son  côté  à  allonger  la  jupe  des 
danseuses. 

iNous  n'avons  pas  besoin  de  dire  quel  appui  M.  Jeanne 
a  donné  à  la  légitimité.  Le  portrait  de  M.  Crédit  en 
cuirassier  est  une  de  ces  idées  qui  valent  des  années. 
On  a  dit  que  les  Bourbons  étaient  revenus  en  Fiance 
dans  les  fourgons  des  alliés:  la  nouvelle  restauration 
sortira  de  la  boutique  d'un  papetier. 

Espérons  ([u'elle  ne  reniera  jamais  son  origine. 

Ji;an  VLUTOT. 


Et  Jacques  Bonhommel avec  qui  il  laadrail  compte 


134. 


REVUE  COMIQUE 


Les  lumières  étant  fort  dangereuses,  la  Russie  se  charge  de  tes  éteindri 
pour  éviter  les  incendies. 


Essai  sur  la  liberté  de  la  Pn 


IL  EST  SAmiÉ! 


On  se  rappelle  quel  immense  voile  d'affliction  cou- 
vrit la  France  tout  entière  lorsqu'elle  apprit  la  maladie 
de  M.  Léon  Faucher. 

Il  y  eut  des  prii-res  publiques  dans  toutes  les  églises  ; 
des  provinces  entières  s'imposèrent  un  jeûne  général. 

.M.  Véron  voua  Merruau  au  jaune,  qui  est  la  couleur 
de  l'ordre,  au  cas  où  M.  Léon  Faucher re^iendrail  à  la 
santé. 

La  rue  de  Poitiers  consacra  di\  mille  francs  à  faire 
dire  des  messes  pour  obtenir  la  guérisou  du  malade. 

Dans  toutes  les  villes,  sur  toutes  les  routes  oij  passait 
la  litière  de  M.  Léon  Faucher  se  rendant  aux  eaux  des 
Pyrénées,  les  mères  venaient  pré.senter  leurs  enfants 
au  malade  pour  qu'il  les  bénit. 

La  nation  se  sentait  malade  de  la  maladie  de  M.  Léon 
Faucher,  i.  Qu'allons-nous  devenir  s'il  meurt!  disait-on 
de  toutes  parts;  quelle  main  sera  assez  |)uissante  pour 
soutenir  l'édifice  social!  » 

Le  bruit  de  la  mon  prochaine  de  M.  Léon  Faucher 
produisit  les  mêmes  effets  que  le  bruit  de  la  fin  du 
monde  qui  circula  au  moyen  âge. 

D'un  côié  on  ne  voyait  que  gens  donnant  leurs  biens 
à  l'Église ,  et  se  livrant  à  toutes  sortes  de  pénitences  el 


de  macérations;  d'un  autre  côté  on  n'entendait  que  le 
bruit  des  rires  ,  des  chants ,  de  l'orgie. 

Des  hommes  s'en  allaient  tout  nus  dans  les  rues ,  pré- 
tendant qu'il  fallait  agir  ainsi ,  parce  que  la  fin  de 
M.  Léon  Faucher  était  proche. 

Par  l'excès  de  pénitence,  comme  par  l'excès  de  sen- 
sualisme, la  société  tombait  en  dissolution. 

Heureusement  M.  Léon  Faucher  n'est  pas  mort! 

Par  la  vertu  miraculeuse  de  la  source  de  Bagnères,  il 
est  revenu  à  la  vie  :  toutes  les  terreurs  se  sont  dissipées 
comme  par  enchaiilemeni ,  la  société  a  repris  confiance 
en  elle-même ,  les  craintes  cliimériipies  oni  disparu  ,  la 
France  n'oscille  plus  au  soullli>  des  fantômes! 

L'univers  se  sent  rassuré. 

Il  est  question  de  célébrer  la  guérisou  miraculeuse  de 
M.  Léon  Faucher  par  un  Te  Deum  el  des  réjouissances 
publiques;  Merruau  a  pris  le  jaune  depuis  hier. 

On  espérdit  que  M.  Léon  Faucher  reprendrait  ini- 
médiaiemrnt  sa  place  au  niinislère.  L'attente  seul  de 
cet  événement  avait  donné  une  immense  impulsioti  à  la 
reprise  des  travaux,  la  rente  s'était  approchée  du  pair, 
la  sève  recommençait  h  circuler  dans  les  veini's  du  corps 
.social. 

Tant  d'espérances  sont  ajournées! 


A   I.llSA(iE  DKS  GENS  SÉRIEUX. 


13.-. 


iM.  Lôori  Faufiler  a  déclare''  dans  nn  hnnqiici  ((u'oii 
lui  a  donné  à  Limoges,  sa  ville  naiiilr,  iju'il  ii>'  rciiln' 
mit  pas  au  niinisière. 

'<  J'ai ,  a-l-il  dit ,  une  plus  nohie  mission  .'i  remplir. 

n  II  \  a  rcriaincs  époques  où  les  sociétés  oni  besoin 
d'un  llerciik'  (|iii  les  purge  des  monstres  qui  les  souil- 
lent. 

»  Le  premier  Hercule  accomplit  douze  travaux. 

•>  Il  vainquit  l'Iiydrede  Lerne,  le  lion  de  Néuiée,le 
sanglier d'KryinanlIie,  le  hriijandCacns,  etc.,  etc.,  etc. 

»  Moi  je  veux  combattre  et  terrasser  la  liberté  de  la 
presse,  le  droit  au  travail,  le  droit  de  réunion,  le  droit 
d'association,  tous  les  monstres  fils  de  la  démocratie! 

»  Quand  j'aurai  nettoyé  les  étables  delà  République, 
je  me  repo.serai  et  j'accepterai  un  portefeuille. 

»  Mais  il  faut  auparavant  que  j'en  aie  fini  avec  ce 
monstre  couvert  d'érailles,  dont  la  gueule  vomit  des 


flammes  ,  et  qu'on  appelle  la  Constitution.  Doimez-moi 
ma  massue,  il  est  temps  (|ue  je  rominenre  mes  tra- 
vaux! .> 

Les  hahliaiiis  de  Limoges  essayèrent  en  vain  di;  li' 
retenir  par  leurs  l.iruies  et  leurs  supplicatiins  : 

«  Attendez  au  moins,  lui  disaienl-ils,  (|uc  vous  soyez 
remis  ! 

"  Vous  sortez  à  peine  de  convalescence ,  aurez-vous 
la  force  de  combattre  des  monstres? 

»  Les  médecins  vous  oni  recommandé  bien  des  mé- 
nagcnieuts  ;  remettez  votre  départ  à  l'aiiuée  prochaine  , 
quand  vous  aurez  fait  une  seconde  cure  aux  eaux  de 
Uaréges.  » 

Tout  a  été  inutile  :  M.  Léon  Kancher  est  parti  armé 
de  sa  massue.  Il  est  arrivé  à  Paris,  où  11  s'esl  mis  im- 
médiatement en  quêle  d'un  join  lia!  piinr  \  eoninienrer 
Kcs  douze  travaux  contre  la  déniorralie. 


1)1  (.  DK  saim-pa\civu;k. 


La  France  n'apprendra  point  sans  un  vif  sentiment 
de  joie  et  d'orgueil  la  glorieuse  réconipi  use  (|ue  vient 
de  recevoir  le  général  Oudinoi. 

Le  vainqueur  de  Rome  était  déjà  duc  de  lleggio  du 
chef  de  son  père;  le  pape  vient  de  le  nommer  duc  de 
Saint-Pancrace! 

On  prétend  que  Sa  Sainteté  ne  bornera  point  là  ses 
marques  de  reconnaissance  envers  la  nation  française. 

Le  général  Vaillant  sera  nommé  marquis  de  Saint- 
Nicodème  ; 

Le  général  Vaillant ,  comte  de  Saint-Crépin  ; 

Le  général  iMoilière  ,  baron  de  Saint-Maclou; 

Le  général  Rostolan,  chevalier  de  Saint  Fiacre. 

Ce  sont  dès  titres  un  peu  plus  convenables  que  ceux 
que  Napoléon  disiribuail  à  ses  généraux;  il  devait 
même  répugner  à  des  bons  chrétiens  de  les  porter, 
attendu  qu'ils  ne  figurent  sur  aucun  calendrier. 

Le  duché  de  Saint-Pancrace  lire  son  nom  de  la  porte 
de  Rome  que  le  général  Oudinot  a  attaquée  la  première. 
Aussi  le  blason  du  nouveau  duc  porte-t-il  deux  clefs  sur 
champ  d'azur  avec  une  serrure  de  sinople. 

Le  pape  a  doté  le  duché  de  Saint  -  Pancrace  d'une 
inGnité  de  privilèges  plus  précieux  les  uns  que  les 
autres. 

Le  nouveau  titulaire  pourra  faire  gras  à  perpétuité  le 
samedi ,  lui  et  tous  ses  descendants  inâles  et  femelles. 

Dans  les  cérémonies  publiques,  il  aura  le  privilège 
de  baiser  la  mule  du  pape  le  premier. 

Il  est  de  droit  grand  prieur  de  la  confrérie  des  péni- 
tents bleus  et  marguillier  de  Saiui-Pierre. 

Dans  les  processions ,  il  marche  sur  la  même  ligne 
que  lesèvèques.  On  conçoit  d'après  cela  que  le  titre  de 
duc  de  Saint-Pancrace  soit  considéré  comme  un  digne 
prix  de  la  plus  haute  ambiiion. 


Fu  France,  les  avis  ont  été  partagés  sur  cette  favein-. 

Les  uns  ont  trouvé  que  le  titre  de  Saint- Pancrace 
sonnait  mal  aux  oreilles  ;  les  autres  ont  prétendu  qu'il 
était  inconvenant,  quand  on  était  général  d'une  Répu- 
blique, d'accepter  un  titre  d'un  souverain  étranger. 

Vous  devinez  sans  doute  à  quelle  catégorie  d'indivi- 
dus appartiennent  les  gens  de  cette  opinion  :  ils  sont 
évidemment  voiiairiens  au  premier  chef,  jacobins,  et 
(pielque  peu  partageux. 

La  masse  de  la  nation,  les  gens  honnêtes  et  modé- 
rés, les  RR.  PP.  de  la  rue  de  Poitiers  ont  exalté  le 
duc  de  Saint-Pancrace,  et  ont  déclaré  qu'on  cherche- 
rait en  vain  dans  tout  le  Nobiliaire  de  France  un 
nom  plus  aristocrati(|ue  que  celui-là. 

Notre  armée  à  Rome  a  commencé  par  se  moquer  un 
peu  du  nouveau  dur;  mais  on  l'a  menacée  d'un  châti- 
ment si  terrible,  qu'elle  s'est  tue. 

—  Quel  est  ce  châtiment? 

—  Les  colonels  ont  fait  mettre  à  l'ordre  du  jour 
pi'à  la  première  plaisanterie  chaque  régiment  serait 
ilécimé,  et  que  ceux  sur  les(|uels  tomberait  le  sort  se- 
raient décorés  de  l'Éperon-d'Or.  Depuis  ce  jour-là  ,  on 
ne  prononce  même  plus  le  nom  de  Saint-Pancrace. 

—  Je  le  crois  fichtre  bien  ! 

Du  reste,  l'arrivée  prochaine  du  général  Oudinot  eu 
France  ne  peut  manquer  de  raviver  la  polémi  pie  sur 
son  duché. 

—  Peut-être  n'en  prendra  t-il  pas  le  titre  en  France. 

—  Vous  croyez? 

—  Je  l'ai  entendu  dire. 

—  Ma  foi,  c'est  ce  qu'il  aura  de  mieux  à  faire;  car 
on  aura  beau  m'accuser  d'être  vollairien ,  jacobin  et 
partageux ,  il  me  semble  que  ce  sera  une  drôle  de 
chose  tout  de  même  quand  on  entendra  annoncer  dans 
un  salon  :  <  M.  Oudinot  de  S.iint-Pancrace!  » 


RKVUK   COMIQUK 


rilre  règn 


UNE  CRISE   EN  ALLEMAGNE. 


—  Pourriez-vous  me  dire,  i^l.  de  Tarleifllesberg , 
demanda  le  roi  de  l'riishe  ù  son  premier  ministre,  ce 
que  c'esl  qu'un  certain  M.  de  Persigny  ? 

■ —  Sire,  répondit  Tarteilllesberg,  sauf  votre  respect, 
c'est  le  niameluck  du  président  de  la  République  fran- 
çaise. 

—  Un  niameluck  I 

—  Il  ne  quitte  jamais  le  président  de  la  République  ; 
c'esl  lui  ((ui  dans  ses  voyages  porte  son  lélescoiie.  La 
nuit,  il  couche  en  travers  de  sa  porte  sur  une  peau  de 
lion. 

—  Que  peut-il  venir  faire  dans  mes  États  î 

—  Lui,  abandonner  son  maîire  pour  voyager;  c'est 
impossible  I 

—  La  Patrie  annonce  en  toutes  lettres  que  M.  de 
Persigny  se  propose  de  visiter  les  ftials  de  l'Allemagne 
en  commençant  par  le  nord.  Où  est  située  la  Prusse, 
Tarteilllesberg  ? 

—  Au  nord,  Sire. 

—  Donc ,  M.  de  Persigny  viendra  me  visiter.  Je 
1)1  ùle  de  savoir  ce  qui  l'amène.  Je  vous  ordonne  de  me 
l'apprendre  demain. 


IL 


—  Qu'on  aille  me  cherclier  tout  de  suite   M.   de 
fjioucroutemann,  le  président  du  conseil. 

—  Sire,  me  \oici. 

—  Vous  arrivez  fort  à  pio|)os.   Ave/.-vous  les  rensii- 
guenients  sur  1,1  visite  (|iie  nous  annonce  ^rt  Paliicl 

—  Quelle  visite,  Sire  ! 


—  Comment  !  il  faut  que  ce  soit  moi  qui  vcns  l'ap 
prenne.  Lisez  la  Pairie,  vous  y  verrez  qu'un  noiiuu 
de  Persigny  se  propose  de  visiter  tous  les  Étals  de  l'Ai 
lemagne ,  en  commençant  par  le  nord ,  et  à  moins  qut 
la  Saxe  soit  au  midi ,  nous  devons  nous  attendre  à  voit 
arriver  cet  individu  d'un  moment  à  l'autre.  Avez  vous 
jamais  entendu  parler  de  ce  Persigny  ? 

—  On  dit.  Sire,  que  c'esl  le  Pylade  du  président  de 
la  République  française. 

—  Que  peut  avoir  de  commun  Pylade  avec  la  Saxe  ? 

—  Je  l'iguore,  Sire. 

—  Vous  avez  vingt  minutes  pour  le  savoir.  Sinon, 
apportez-moi  votre  démission. 


IIL 


—  Diable  !  voilà  qui  est  grave  :  M.  de  Schwart- 
zvmberg. 

—  Quoi  donc.  Sire  ? 

—  La  nouvelle  que  contient  ta  Pairie  :  SL  de  Per- 
signy est  parti  pour  visiter  les  Étals  de  l'Allemagne,  ur, 
l'Aulriclic  fait  partie  de  ces  Étals.  Ce  Persigny  doit  être 
un  homme  important.  Le  connaissez-vous? 

—  J'ai  entendu  dire  qu'il  est  au  président  de  la  Ré- 
publique française  ce  (pie  HL  de  Montalivel  était  à 
Louis  Philippe. 

—  Son  maître  Jacques  ? 

—  Précisément,  Majesté. 

—  Ce  voyage,  annoncé  par  la  Pairie,  doit  cacher 
quelque  dessein  secret.  Vous  allez  me  l'apprendre  ? 

—  Mais  je  ne  le  sais  pas  moi-même. 

—  Vous  devez  le  savoir,  j'ordonne  (|ue  vous  le  sa- 
chiez avant  ce  soir,  ou  bien  je  prendrai  un  autre  mi- 
nistre. 


A    L'ISAGK   DKS  GENS   SEUIKL.X. 


AVIS  AU  n  lil.lC. 

De  p.ir  le  roi,  il  et-i  ciijoiiil  il  Ions  les  ,iiil)('i(;i.sli's 
(le  Miiiiirli  rlicz  lesquels  poiiriiiil  (Icscendie  un  Fiiiii- 
çais,  du  nom  de  l'ersigiiy,  (|ni,  au  dire  de  l<t  l'iilric, 
a  (iiiiité  Taris  pour  \isiter  les  Kl  a  Is  de  l'Allemaj^uo,  eu 
roninieuraut  par  le  uoid,  de  di  in.inder  au  susdit  l'er- 
sij;riy  quel  sujet  l'anièue  eu  Bav  èie. 

Aussitôt  la  réponse  reçue,  ou  l'apportera  au  premier 
cliainbellau  de  Sa  Majesté.  Il  y  aura  une  aiuendc  de 
rinquaute  (loriiis  par  clia>|ue  minute  de  relard. 

l'iiil  î>  Munieii,  le  23  août  18/i9. 

Le  bouvijmcslre  :  SciloPDUiiK. 


PRUtLAMATtOi\  DL  GRAM)-t)LC  \m  IIESSE-MICROSTADT. 

Fidèle  sujet , 

O  loi  qui  composes  toute  la  population  du  i;rand-du- 
ché  de  Hesse-Microstadl,  ton  bien  aimé  souverain,  qui 
vient  d'apprendre  par  ta  Pairie  la  prochaine  arrivée 
d'un  appelé  Persigny  dans  ses  États,  le  prie  de  lui  dire 
dans  vingt-quatre  heures  ([uel  but  anièue  ce  voyageur 
dans  la  Hesse-Microstadt.  Devine  donc  cette  charade , 
toi  qui  lis  cfHiraimnent  celles  de  Vlliuslralion  ,  sinon 
je  me  verrai  forcé  de  l'envoyer  en  e\i!  et  de  me  priver 
de  toute  population. 

valentin  xxvin. 


VI. 


A  Kranerorl .  à  Hambourg  ,  à  llrénie,  dans  les  villes 
libres  et  non  libres,  ou  ne  s'alwrdc  plus  qu'en  se  de- 
mandant : 

<'  Savez-vous  re  (pie  vient  faire  ici   >l.  de  l'cisi^juv  ? 

—  Non.  ■ —  El  \ous?  —  Ni  moi  non  plus.  » 

Tontes  les  aiïaircs  .sont  abandonnées.  On  ne  s'occU|X' 
ni  du  Sieswiy,  ni  de  la  Hongrie,  ni  do  l'Autriche,  ni  de 
la  llussic.  La  seule  question  à  l'ordre  du  jour  est  la 
(piestion  l'ersigny. 

(i'esl  une  maladie  véritable,  une  fièvre,  une  grippe, 
un  rliome  de  cerveau  ,  un  lumbago  ,  un  choléra,  selon 
les  Icinpéraments. 

L'Allemagne  est  dans  une  crise  véritable.  M.  de  Per- 
sigin  devrait  bien  écrire  quelques  mois  à  la  Gazrtie 
d'Aiiijsbourg,  ou  à  n'importe  quel  MonjenbtaV ,  pour 
mettre  le  public  dans  la  confidence  des  motifs  de  s;iu 
voyage,  et  rendre  le  calme  à  tout  un  peuple. 

En  attendant ,  les  suppositions  vont  leur  train. 

Les  uns  disent  qu'il  vient  demander  la  main  d'une 
princes.sc  allemande  pour  le  président  de  la  Républi(iue 
française.  Les  autres  prétendent  que  le  czar  Nicolas  lui 
a  proposé  l'investiture  du  royaume  de  Hongrie. 

Il  y  en  a  qui  aflirment  que  les  liabiianLs  de  Sigiiia- 
ringen-Ilohenzollern ,  voyant  leur  souverain  vieux  et 
sans  enfaiils,  l'ont  demandé  pour  prince  royal. 

(Quelques  uns  vont  jusqu'à  assurer  que  le  |iouvoir 
central  étant  sur  le  pdint  de  se  reconstituer,  on  veul 
lui  oiïrir  les  fonctions  de  vicaire-général  de  l'Empire. 

Laquelle  de  ces  versions  est  la  vraie?  L'avenir  seul 
et  la  Patrie  peuvent  nous  l'apprendre. 


ZiES   AVENTVKES    DIVZ31TISSANTES    ET   NON    FOUTIÇDES 

De  jnaUre  Lnpp  cf  de  ^on  apprenli  l'jpps. 


Maître  Lapp  entend  tout  à  coup  le  cheval  de 
son  apprenti  qui  trotte  derrière  lui. 


Le  boucher  Keill  avait  aperçu  deux 

pistes,  et  étaitresté  indécis  sur 

celle  qu'il  devait  suivre.  ' 


r  ces   entrefaites,    un    taureau,   rendu 
furieux  par  le  parapluie  rouge  de 
maître  Keill,  force  celui-ci  à 
be  réfugier  vers  la  forêt. 


REVUE   COMIQUE 


l.E  LKOniMISMK  l.ECailMK. 


l'K.ïirECOnUKsroNDANCE  TRUIVÉE   DANS   1,  \    BOITE    DE   LA    REVUE  MIMKHE 


Madamk, 

Voyez  en  mui  un  douitilique  franc  et  sincère.  Je 
n'irai  pas  par  quatre  chemins.  Je  suis  désolé,  —  désolé 
est  le  mol.  Votre  journal  nous  cause  un  préjudice  con- 
sidérable. 

J'intercède  auprès  de  vous  au  nom  du  parti  légiti- 
miste, que  vous  méconnaissez,  le  croyant  sans  doute  ex- 
clusivLMuenl  composé  de  débris  des  croisades,  de  vieilles 
ganaches  et  de  gros  chanoines. 

l'arbleu  !  il  y  en  a  :  il  en  faut  bien.  Mais  si  ce  n'était 
que  ça  le  parti!  Mou  Dieu,  madame,  je  m'en  ficherais 
avec  vous.  —  Qu'est-ce  que  je  dis  !  je  m'en  archili- 
cherais  ! 

Mais,  hélas  !  le  vrai  parti  qui  aspire  le  plus  après  le 
retour  de  Henri  V ,  et  qui  souffre  le  plus  du  nouveau 
régime  et  de  ses  institutions ,  ce  n'est  pas  celui  que 
vous  croyez,  mais  bien  celui  que  je  représente  ici. 
C'est  le  parti  des  domestiques. 

Oui,  madame,  des  domestiques. 

Je  ne  fais  point  allusion  aux  commissionnaires ,  aux 
garçons  d'hôtels  garnis,  aux  laveuses  de  vaisselle  et 
autres  canailles  qui  ne  savent  inspirer  que  le  dégoût. 
Non,  je  veux  vous  entreteuir  seulement  de  gens  sérieux, 
de  domesti([ues  de  qualité  et  de  vocation. 

.le  compte  dans  ma  famille  ■:  trois  Dubois ,  deux 
Champagne  et  cinq  Lisette  ;  de  plus,  je  ne  sais  pas  chez 
nous  une  seule  mésalliance.  Vous  le  voyez,  je  ne  suis 
point  suspect. 


Sa\ez-\ous  ce  qu'autrefois  mon  aïeul  gagna  rien 
qu'avec  les  coups  de  pied  qu'il  eut  le  bonheur  de  rece- 
voir? Siv  cents  louis,  et  je  ne  parle  que  des  coups  de 
pied. 

Voulez-vous  que  je  vous  dise  ce  que  mon  grand- 
oncle  obtint  pour  l'enlèvement  de  deux  petites  bour- 
geoises et  d'une  comédienne  ?  tne  pension  de  cinq  cents 
écus  et  la  vieille  garde-robe  du  comte. 

Toutes  les  Lisettcs  qui  avaient  du  minois  lurent  avan- 
tageusement mariées  par  leurs  niailies  à  des  Bourgui- 
gnon, des  Lafleur  et  des  Laverdure. 

Mon  grand-père,  (jui  naquit  au  Gros-Caillou,  fui 
suisse  pendant  trente  ans  chez  les  Maufrigneuse. 

Désespérant  de  jamais  devenir  suisse,  j'ai  vendu  l'au- 
tre semaine  l'habit  rouge.de  mon  pauvre  grand-père. 

Hélas,  madame  !  j'appartiens  à  une  génération  jeune, 
ardente  ,  dévouée  ,  adroite ,  qui  végète  et  s'étiole ,  une 
génération  perdue  si  le  gouvernement  de  la  République 
se  consolide. 

Sous  la  République,  j'ai  voulu  continuer  la  profession 
de  mes  pères  ;  — je  mourrais  à  côté  de  toute  autre  pro- 
fession !  —  Eh  bien  !  j'ai  essuyé  des  coups  de  pied. 
J'en  ai  reçu  trente-trois  qui  m'ont  mis  à  la  porte  de 
trente-trois  maisons.  J'ai  ébauché  pour  un  jeune  maître 
un  tout  petit  enlèvement  ;  ça  m'a  conduit  en  police  cor- 
rectionnelle, et  j'ai  fait  six  mois  de  prison.  J'ai  été  suisse 
dans  un  hôtel;  le  premier  jour  on  m'a  appelé  concierge, 
le  second  jour  on  m'appelait  portier! 


XES  AVENTURES  DIVERTISSANTES  ET   NON    POUTIQUES 

De  maUre  Lapp  et  de  son  apprenti  Pipps. 


P.,  ,.-,!;.  ■  î  ur  sa  malheureuse 

■.;;italcadi:  et  par  la  clmte  qui 

l'a  terminée,  prend  t'-gale- 

meiit  la  roule  de  la  foret 

par  des  motih    *Ic 


Il  entend  quelqu'un  venir,  i 

s'empresse  de  se  cacher 

par  pn'leur. 


L'apprenti    reconnaît  dans    le 
survenant  l'étranger,  et,  met- 
tant de  côlé  tout  sentiment 
de   pudeur,    il   lui  pré- 
sente sa  facture. 


Cuiiimc  l'étranger  lui  pronxt 

de  payer  le  lendemain .  il 

cherche  i  l'empoigner 

et  crie  au  secours. 


A   LIISAGK  DES  (lEMS  SKRIKUX. 


Vous comprciir/ à  présent,  madame,  le  lorl  (|ue  ^ou^ 
nous  causez  et  l'impoilance  de  nos  léclamalidns.  On  ne 
doit  pas  laisser  s'éteindre  dans  l'inaction  un  parti  aussi 
vivace  et  aussi  dévoué  (jue  le  nôtre.  Nous  voulons  le 
passé  de  nos  pères;  nous  sommes  électeurs  et  éligibles, 
dites-vous  :  Mon  Dieu,  ça  nous  est  bien  égal  !  nous 
crions:  Vive  Henri  V!  Kt  qu'est-ce  que  nous  deman- 
dons pour  ça  ? 

Nous  demandons  à  élre  domestiques! 

Agréez,  etc. 

LAKLDl  II. 


MO.NSItLR  LE  ReDACTI-IK  , 

Je  ne  suis  qu'une  femme,  une  faible  femme,  et  je 
ne  devrais  pas  parler  politique.  Mais,  pristi  1  si  ce  n'é- 
tait le  respect  que  je  me  dois  ,  je  vous  dirais  que  votre 
journal  est  un  infâme  journal. 

Comment ,  monsieur ,  vous  préconisez  le  gouverne- 
ment de  février,  c'est  inouï!  Savez-vous,  vous  doutez- 
vous  seulement  de  ce  qu'il  nous  vaut,  le  gouvernement 
de  février?  .\on.  Vous  écrivez  sans  savoir,  comme  un 
uriuberlu.  Eh  bien  !  je  vais  vous  dire,  moi,  ce  que  vaut 
ce  gouvernement  à  un  millier  de  malheureuses  créa- 
tures, jolies  comme  des  cœurs,  qui  composent  la  popu- 
lation tout  entière  d'un  des  plus  beaux  et  des  plus 
grands  quartiers  de  Paris. 

Avant  février  ,  nous  étions  toutes  dans  l'acajou  et  la 
marqueterie  ;  nous  faisions  vivre  les  marchandes  à  la 
toilette,  les  marchandes  de  bouquets,  les  administrations 
de  voitures  à  deux  francs  l'heure,  les  bals,  les  spectacles 
cl  les  cafés.  Nous  portions  une  robe  liuit  jours  et  une 
paire  de  gants  une  heure.  Nous  étions  de  toutes  les  par- 


ties; enlin,  nous  formions  la  plus  belle  moitié  de  l'élé- 
gante société  parisienne. 

Aujourd'hui,  monsieur,  nous  demeurons  dans  du 
noyer,  nous  allons  en  onmibus;  nous  partons  des  robes 
d'indienne,  cl  l'on  fait  une  croix  à  la  cheminée  lorsque 
l'une  d'entre  nous  à  une  paire  di-  Joiivin.  .Si  cela  con- 
tinue, il  nous  faudra  travailler  à  la  confection  et  gagner 
!  douze  sous  par  jour!  . 

Kh  bien  !  c'est  votre  satanée  llépiibiicpii'  qui  nous 
vaut  tout  cela.  L'ne  Ilé|)ubli(iue  de  crocpieniitaines,  qui 
a  fait  sauver  les  petits  jeunes  gens  de  famille  et  les  bons 
vieux  rentiers  qui  nous  donnaient  à  vivre. 

Ainsi,  monsieur,  je  ne  vous  le  cache  pas,  noussoiu- 
Mies  furieuses,  et  nous  appelons  de  tous  nos  vœux  une 
invasion  qui  change  le  gouverneinenl  français  et  nous 
ramène  nos  bons  pigeons. 

Nous  solliciterions  d'autant  plus  le  retour  des  Bour- 
bons,  que  ce  siint  encore  ceux  qui  savent  le  mieux 
faire  les  choses;  à  preuve  Je  magnilique  château  d'As- 
nières,  que  Louis  XVIIf  donna  à  une  femme  pour  une 
bagatelle,  un  caprice  bien  innocejit  et  qui  ne  faisait  de 
mal  à  personne. 

Quant  à  l'invasion,  ma  mère,  qui  avait  vingt  ans  en 
1815,  m'a  dit  beaucoup  de  bien  des  étrangers.  Pendant 
tout  le  temps  qu'ils  sont  restés  en  France,  les  dames 
étaient  très-heureuses,  très-heureuses! 

Aussi  croyez  bien,  monsieur,  que  votre  journal  a 
bien  tort  de  dire  du  mal  de  ces  gens-là,  el  de  ne  pas 
envisager  la  question  sous  tous  ses  points  de  vue;  si 
vous  vouliez  y  mettre  de  l'impartialité,  vous  crieriez 
avec  nous  :  —  Vive  Henri  V!  vive  l'invasion  ! 
Agréez ,  etc. 

EULALIE. 

Kue  de  la  Boulc-Rougc. 


IXS  AVENTURES   SIVERTISSANTES   ET   NON    POLITIQUES 

De  lAaUre  Lapp  ci  de  son  apprenti  Pipps. 


Maître  Lapp  entend  ces  cris,  se  croit  pour 

suivi,  donne  de  léperon  à  son  cheval, 

qui  le  met  en  sûrtté  dans  un 

égoiit  souterraiti. 


KKVUK  COMIQLIK. 


\ 


Uoi  des  agioteurs,  grand -prêtre  du  veau  d'or, 
Fould  osa  le  premier  parler  de  banqueroute. 

Sans  crainte  poursuivant  sa  route, 
De  la  Bourse  à  la  Chambre  il  a  pris  son  essor. 
C'est  Mercure,  dos  cicux  descendu  sur  la  terre  ; 
A  la  Kéaction  il  promet  de  beaux  jours. 
Si  (juclque  heureux  hasard  le  pousse  au  ministère, 
gui  pourra  l'arrêter-.'  11  volera  toujours. 


Dessiné  pat  F»britz1'  s. 


30   centimes. 


DUMIMERAY      EDITEUn  .    HUE    RICII  I.LIEU 


•  Ui'     l.ii-i  iliS'iu. 


r.O\niTIOXS  de  I.  \  -OîSCRIPTION'.  —  La  RbicE  coMlûUE  formera  diuj  vclumes  srand  in-8» ,  pubhés  en  50  litraisons  à  3l)  c.i;limps  ;  parla  post^  . 
40  centimes  Le  premier  volume  composé  des  25  premières  livraisons,  a  été  achevé  le  28  avril  1849.  Il  renferme  environ  500  caricatures  roli'iqnes.  —  rrix  de 
ce  volume:  7  fr.  50  c;  par  la  poste,  10  fr.  Le  svconi  volume  parait  en  livraisons.  On  souscrit ,  pour  ce  volume  ,  en  payant  7  tr.  50  c.  pi.or  Taii-  it  10  fr.  p.-..r 
W?  départements  -  - 


Il  L  M  I  .\  E  R  A  \ 


WW.WW  cdileiir,  phu'O  de  la  Bouiso. 

Aï,iygATS^GllS  λ017B  ÏS50. 


MAUTlNOxN, 


LE    DIABLE    UOIGE. 


AIJLWACH  CABALISTIQUE 


lO.MENA.M     II.    lAllLLAl     l)t>    INHIKNH 
Kl    LA    Mi.MI-.M  I  \Tll;K    lll:; 


■   ol  I    1)1 

Bu.Nî^  I-; 


lUNKM   su;   1.1.   rin>ii.uK  ti   i.i.  .v.un.vi.  Pli  Li 

lili>    MAl\\l^    l.KME;:    VClOMl'AliMv    DKS 


TABLES  CABALISTIQUES 

A    L  Unt   DKbOlELLES  CHACVX   VrXT  TIKKR  SON   IKrRosO  iPK  KT   rRKViTlli   SON   AVhMH. 
AINSI    yUK   CELCI   DKS   Al  llîl.S, 

lleiifernuinl  m  ou(n  des prédklions  sur  un  ijrand  nombre  d'Iwnwu-s  puUliques,  cl  c/i's  iiroi>lutiescuneum 

iur  les  ijrands  éuvnenunl»  qui  doiccnt  arrivir ,  entre  autres  (es 

PRÉDICTIOIVS   DE    IVOSTRADAMVS    POUR    1850 

■écéde  d'un  petit  Traité  sur  les  sciences  occultes  dans  le  passé,  le  présent  et  l'avenir,  la  magie  de  Tant.quité, 

la  sorceUerie  du  moyen  âge.  l'astrologie,  l'alchimie,  la  chiromancie,  les  talismans,  le  calcul  des 

nombres,  la  magie  orientale,  la  divination,  la  cabale,  le  magnétisme,  etc.; 

aisu:il,  r.»Lli..inuii.i-.u  .1..-, 
lUimiiic»,  cic,  cic; 


le 

■2"  Du 


iihvllcs  iiioilcriK< ,  1 

UV,( 

Aii.irliji-.sis  Ciooli,  Su/.a 


Labroussc , 


Ves  piviihéle 


. /ii(<i//(o    liiilviJ<iiics  dii|ircs  les  i)Uis  ijiHinls  l'irivdliis  modernes  :  lis 
1  liosis,  les  spccirts,  les  v;uii|)iies,  les  loups-snious,  les  exoicisies,  le 

s((Vts,..e  ,tW«l«-".mi.«:  le  comie  de  S.iinl-Ge.niain ,  Cauliosiro,  dnm  Pciuclly ,  C^Mie,  Diipoui  de  Ncii.our 

Sai'ul-Mailiii,  Keslif  de  la  Urcloiiue,  Hoh.-.s|,iene,  Calheriiie 

La    lioeilKie-l.qKui'.v,    l..!.!"    r.nv.nir.    a 
SIB..POLÉOM  PROPHÈTE 
io»yes:l'roudbou,rierie  Leroux,  Lamennais,  Unisideiani ,   L,ei.r(;c  jaud,  clc.  ; 

¥,1  letraraè  çit  des  at\ecào\.es  ia.\\Ua\.v.\\ies , 

Telles  (jue  .  Le  centième  anniversaire  de  Goethe.  —  L'abbé  Pir- 
cher.  —  fn  déjeuner  du  diable. —Cabale  du  nombre  18  dans  l'his- 
toire de  Napoléon.  —  Cabale  du  nombre  13  dans  l'Iiisloire  de  l'As- 
semblée législauve.—  Le  33'  César.  —  Les  anges  de  Swedemborg. 

Un  joli  vol.  -zr.  in-Ui,  avec  couverlure  on  couleur.  illu.~iié  Je  nombreuses  vignettes,  porlrails,  scènes 

PAR.    BERTAIX.    NADARD ,    PASTEIOT .    FABRITZIUS.    etc. 

iO    fE.MI.MES.    —  7o   CENTIMES    PAR    H    l'OSTE. 


—Le  Livre  d'Enoch.  —  Apollyon ,  précurseur  de  VAuttehrisl.  —  La 
Pivotale.  —  Le  carré  de  Ihyiolliénuse.  — Comme  quoi  deux  et  deux 
ne  font  pas  quatre.  — Les  sirènes.  —  Les  hommes  à  queue.  — Les  li- 
cornes.-Les  évoques  de  mer.— Les  nixes.— Le  sergent  Bertrand,  etc. 


rni\ 


ALMA^ACH  POUR  RIRE 

Teste  par  Jean  Vertot ,  -  C.  Caraguel ,  -  E.  de  la  Bédollière  ,  -  Gérard  de  Nerval ,  -A    Faucher  j ,  etc 
lessins  par  Bertall ,  —  Fabrltzius  .  —  Lorentr     —  Nadard  :  —  Gravés  par  Baulant. 

hiLI   l'LIll    \OLIML  laiAM)  IN-.M  1/1  . 


l'IUX   :  50   CENTIMES.   —   'lo  CENTIMES   FRANCO   PAU   LA    POSTE. 

Sommaire  des  dessins.  —  L'adoration  des  rois.  -  M.  Tliiecs.  — 
La  fièvre  de  lor.  —  A"ue  intérieure  de  la  Caliloruie.  —  A|iparition 
des  naturels  sur  les  bords  du  Sacramento.  —  Le  retour  de  l'Iearie. 

M    Mule.  —  Républicains  honnêtes  et  n  odérés.  —  M.  Proudhun 

sous  diirérents  points  de  vue.  —  M.  Dupin  laid-nez.  —  Les  trois 
soutiens  de  la  civilisation  austro-croate.  Statue  du  grand  Odilon 
Barrot.  —  Léon  Faueher.  —  Miirat.  —  Boulet  de  la  Meurthe.  — 
Montalembert.  —  Les  constitutions  octroyées.  —  Changarmer.  — 
tjualre  candidats  aux  pruchaines  élections.  —  Tocqueville.  — 
Berger.  —  Restauration  des  sergents  de  ville.  —  Les  Anglais 
visitant  les  monuments  parisiens.  —  La  Rochejaquelein,  clc,  etc. 


Hummairc  dei  articles.  —  Calendrier  pour  1850.  —  Grandes  pro- 
phéties européennes:  extrciils  de  la  prophétie  slave  de  lôiO.  — Il 
n'y  a  tien  de  changé  en  France.  —  La  politique  mise  à  la  portée 
des  enfants.  —  Le  marquis  du  Ilelder  au  vic.mte  de  Durand.  — 
Rapports  de  la  politique  avec  la  pipe. — Les  ttrennes.— Le  retour  de 
M.  Guizot,  chanson.  —Le  budget  d'un  représent  nt. — Confession 
d'un  pénitent  politique.  —  Le   loto  asiatique.  —  Orthographe  de 

cavalerie.  —  A  propos  de  pantoufles Odilon  liarrot  et  la  liberté, 

cl.anson.  —  Trop  parler  nuit ,  trop  gratter  cuit,  petit  proverbe.  — 
Les  17  brumaire. 


L'ALMANACH    DEMOC-SOC. 


Cîî-  MmiSOS  -.v.  il  rii.;,.:.Hs;.i   4— Pour  paraître  le  ÏO  <cptcHibro  —  C  .;  MMàï. -je  kUfe.52. 

ChezMAATINON,  rue  du  Coq-Salnt-Honoré ,  *!  et  chez  DUMINERAY,  52,  rue  Richelieu. 

L'ALMANACH    DÉMOC-SOC. 

C7M.VZ>£  LUJTIV.\. 

Lu  joli  volume  .".laud  iii-32  de    128  |>aces 

i:lii>lri'  de  nombreuses  visuelles. 

Prix  :  25  centimes;  —  18  francs  le  cent. 


I' 1:111 1;  I.  Il  II  III. s 

Lu   lui.  V..1 ei;iai„liM  .il  <le  . 


Prix  ;  10  centimes  ;  —  7  francs  le  cent. 


LE  MESSAGER   BOITEUX  DE  PARIS 

AM,fi.4.\.tC0r    M'Oift    É8SO 

■  par  MM.  Jean  Vertot  ,  -  C.  Carraguel     -  E.  de  la  Bédollière  ,  -  Gérard  de  Ner>  .il .  -  A    Fauchor 
Dessins  par  Bertall.    -  Fabritzius     -  Nadard  ,  -  lastelot;  -  Graves  par  Bni.lant. 
l>    JOTI    \UUSn:    l.fiANO    IV.-hl/.E.-    l'IlIX  .    :ill    CEMIML^.  —    "o    LE>rlUES    KBA.NCO    PAU    LA    POSTE. 


Paris.  —  Typographie  Pion  rrères.  rue  de  'Vaugitard  ,  36 


DKMISSIOW AlKK  Ol     \()\. 


"  Messii'urs,  vous  connaissez  le  Inil  du  iiolro  léiinioii. 

—  Pas  ciicore. 

—  Je  vous  ai  convoqués  vous  tous  qui  êtes  présents , 
les  nicnilires  iiiiluenls  du  parti  Icgiliuiisle ,  pour  savoir 
ce  qu'il  doit  faire. 

—  Qui  ? 

—  M.  de  Fallou\. 

—  A  propos  de  quoi? 

—  A  propos  de  la  lettre  du  président.  Faut-il  (prii 
se  retire? 

—  C'est  il  savoir. 

—  Faut-il  qu'il  reste? 

—  C'est  à  décider. 

—  Voilà  précisément  te  que  je  \ous  deuiaude.  La 
parole  est  au  vénérable  M.  Gredclu;  il  arrive  d'Eius, 
il  pourra  ouvrir  un  avis  salutaire.  Parlez,  niousieur  Cre- 
delu. 

—  Je  suis  bien  enrliunié. 

—  Mouchez  vous. 

—  Mon  opinion,  après  m'èue  mouché,  est  (pie  M.  de 
Failoux  doit  restei'. 

—  C'est  bien  là  voire  opinion? 

—  Certainement. 

—  Motivez-la. 

—  Je  suis  bien  enrliunié. 

—  Qui  est' enrhumé,  se  mouche.  Continuez. 

—  Sur  mon  ànic  et  sur  mon  mouchoir,  devant  Dieu 
et  devant  les  himmes,  je  déclare  que  M.  de  Failoux 
doit  rester  au  ministère. 


—  Alors  il  doit  l'aire  comme  ^i  (m  ne  lui  avait  pas 
communiqué  la  lettre? 

—  Sans  doute. 

—  Mais,  si  elle  ne  lui  a  p;is  éie  conimunicpieu,  le 
président  a  manqué  à  sou  devoir  consiitulionnel,  et 
M.  de  Falloux  doit  être  furieux? 

—  Évidemment. 

—  Il  fa  Jl  donc  qu'il  s'en  aille  ? 

—  Au  contraire.  S'il  part,  il  donne  gain  de  cause  aux 
révolutionnaires,  la  majorité  est  acquise  à  OJilon  Bar- 
rot  et  à  Dufanre,  les  démagogues  sont  maîires  du  cabi- 
net. M.  de  Falloux  doit  rester  ministre  pour  surveiller 
la  politique  générale  du  i;ouveriiemeiil.  D'ailleurs  que 
dit  cette  lettre? 

—  Elle  dit  que  le  pape  doit  faire  des  concessions. 

—  Eh  bien? 

—  Que  l'admiiiistiation  des  Éiais-lloniains  doit  être 
confiée  aux  laïques. 

—  Après? 

—  Que  le  Code  Napoléon  doit  faire  loi ,  au  lieu  des 
Statuts  de  l'Inquisition. 

—  Quand  cela  serait? 

—  l  ne  telle  question  ne  peut  venir  que  d'un  hoiuiuc 
aussi  enrhumé  que  vous.  Le  pape  n'est  plus  libre. 

—  Où  voyez-vous  cela? 

—  Parbleu,  dans  la  lettre. 

—  C'cït  un  chiffon  de  papier.  Le  président  en  sera 
pour  ses  frais  d'écriture.  La  restauration  du  jiape  sera 
complète.  Naples  le  veut,  l'Autriche  aus>i,  et  l'Espagne 


RliVLK   CDMIQUK 


(II'  iiiOiiie.  Il  s'agil  loiil  .siinploiiiciil  de  iii\>tilicr  les  rc- 
\oluIi()iiiuiirt'S.  M.  tic  Fiilliux  duil  icMit  iiiiiiisire,  je 
le  soiilieiis,  et  je  le  déclare  quoique  très  enriuuiié. 

—  Miiiiilennnt  (|iic  vous  veuez  d'enleiidrc  le  véiiéra- 
lilc  M.  Giedilu,  la  parole  csl  au  \icouile  de  La  Cilrouil- 
lèie  pour  combattre  la  proposition.  Parlez  ,  viconile  , 
parlez. 

—  .Me.vsjeuis ,  les  principes  sont  des  principes.  I\.s 
de  conces.-ions,  voilà  ma  politique. 

"  Tout  est  perdu,  fors  l'honneur. 

"Suivez mon  panache  blanc,  vous  le  irouvcrcz  tou- 
jours sur  le  chemin  de  la  gloire.  » 

C'est  d'après  ces  maximes  que  je  me  dii  igc.  «  Tout 
droyct,  mon  droyct ,  »  telle  est  la  de\  ise  des  La  Cilrnuil- 
lèrc. 

Ou  M.  (le  Fallonx  a  connu  la  lelire,  i:u  il  ne  l'a 
pas  connue. 

S'il  l'a  connue,  i\  doit  donner  sa  diMuission  ,  parce 
(lu'cllc  est  l'expression  du  pur  esprit  di'Uingogiiiue. 
C'est  r(5pitrc  d'un  jacobin. 


S'il  ne  l'a  pas  connue,  il  la  conii.iil  maiulenanl,  et  il 
doit  à  plus  forte  raison  donner  sa  déniissiou  connnc  mi- 
nistre et  comme  callioli(|ue  :  tout  drout,  mou  droyd, 
je  pense  comme  mes  .rieux. 

—  Mais  les  nt'cessités  de  la  politi(iue'.' 

—  l'out  droyct ,  mon  droyct,  je  ne  connais  (pie  (a  ! 

—  Les  exigences  de  la  situation  !  il  ne  faut  pas  coiu- 
prouictlie  l'avenir. 

—  Tout  droyct,  mon  droyct,  je  ne  sois  pas  de  lii  ! 

—  Vous  (-'les  un  aveugle! 

—  Kt  vous  un  filon  ! 

—  .Monsieui'  !... 

—  Je  suis  il  vos  ordr(s  :  à  la  lance,  à  \'i:\)(:e  ,  à  la 
hache,  en  champ  clos  connue  en  rase  campagne! 

—  Il  faut  souuietlrc  la(|ueslion  au  concile  de  la  rue 
l'érou. 

—  Messieurs,  an  nom  dn  ciel,  la  paix!  Miid  mie 
lettre  (pii  va  nous  mettre  tous  d'accord. 

—  Une  lettre!  d'où  vi(  ut  elle? 

—  D'Ems. 


i.M-;   (;n,\VLitK  sur   dois. 

Kprciivc  avant  la  leUrt. 


A    I.ISAC.K    DKS  GK^.S  SKIIIKI  \. 


Nn 


l'J'IlIltOlls 


«  A   mes  aiiu's  01   fr:ni\  du  ;;raml  fiiiniii-   d 
l'a\ciiir  : 
«    Il  nous  convirnl  que   nipssirc  Jeliau  dr    Falliiu\ 
■>  resU'  au  iiiinisirre.  Agisspz  en  rniiséquciire. 

■•    -Sniin'  C.nf  DIT.    . 

l'I  jiliis  bas  : 

"    Foi  II.I.OPOT  ,   chdnciticr.    « 

—  Celle  leliio  esi  coiilraire  aux  cnnslilulions  de  la 
munarchie  :  je  (leiiiaiide  la  convocalinu  des  éiats  géné- 
raux. 

—  Prenez  garde,  monsieur  de  La  Ciirouillère,  ceci 
est  de  la  rébellion  ! 

—  Toutdroyci,  mon  droyci  !  J'exposerai  ma  pen- 
sée devant  les  trois  ordres. 

—  Vous  refusez  donc  de  vous  sounieiiie? 


—  Tant  (|ii'()n  n'aura  pas  ronU)i|ué  les  élals  (çéiié- 
raiix! 

—  .S  lerice ,  messieurs ,  voiri    une  autre   leitie  rpii 
nous  arrive  ! 

—  n'où? 

—  De  Caëte. 

—  frétons  l'oreille  : 


'■  Trés-cliersfrèrcsdelacoiifréiie  de  ^a^elliI  : 
u  .l'ai  consulté  à  Gaële  le  général  des  jé.suiles  ;  nuui- 
'  sieiii- (le  Fallnnx  doit  rester;  agissez  en  conséquence. 

■  Sigiu  Frère  RATAPOir..  » 

—  Pour  le  coup ,  c'est  différent  ! 

—  Vous  vous  soumettez,  monsieur  rie  l.a  Ciirouil- 
lère  ? 

—  Parbleu  ! 

—  Enfin  vous  obéissez  au  roi  ! 

—  Kt  au  général  des  jésniles.  » 

i\.\\  VI  II!  or. 


INE    liftAVtllK    SUR     nOIS. 
Epreuve  aprrs  la  leUre. 


IIEVUK  COMIOUK 


r\l  I.IIKR,  SII'KKIKIK  (.KNERAl,  DKS  MISSIONS  KTK  WdKUKS. 


M.  I.i'iiii  r.iiiLlicr  a  rôilii;é  un  plan  pour  sauver  la 
snciili'.  Aiiici  en  quoi  consislc  ce  plan  : 

Il  lanl  ([ue  les  gens  lionn(Mes  et  modelés  s'organisent 
en  missions,  destinées  à  parcotu'ir  touies  les  villes,  cités, 
bonnes,  villages,  iiaineauv  et  camj)agnes  de  France. 

Les  nouveaux  mi>sionnaires  prcutlroiit  le  titre  de 
Pîrcs  (If  Corilre. 

On  fondera,  rue  de  Poiiiors  ,  iine  maison  professe 
destinée  h  former  de  jeunes  nii-sinnnaires.  Dès  aujour- 
d'hui on  commence  à  recueillif  les  souscri|)iions  |)our 
celte  pieuse  fontlaiion 

Dans  tous  les  endroits  où  ils  se  trouveront,  les  mis- 
sionnaires prèclieroiil  le  uîainiieu  dos  impôts  actuels  et 
le  rélablissement  des  impôts  supprimés  par  le  gouver- 
nement piovisoirc  ou  par  In  C.onstiluanle. 

L'im];ôt  sur  le  sel. 

L'impôt  sur  les  boissons. 

I.a  taxe  des  lettres. 

Là  où  ils  verront  le  leir.iin  projiice  à  recevoir  la 
lionne  semence,  ils  lài  lieroni  de  faire  redemander  la 
(lime. 

C'est  dans  ce  sens  qu'ils  doivent  agiter  le  pavs. 

On  remarque ,  dit  M.  Léon  Faucher  dans  une 
de  ses  insiruciions  au  supérieur  d'une  des  snccur-iales 
du  grand  séminaire  de  la  rue  de  Poitiers,  une  tendance 
générale  des  esprits  h  revenir  aux  institutions  de  l'an- 
cien régime;  c'est  ce  mouvement  qu'd  importe  de 
seconder.  Les  constitutions  fatiguent  le  peuple,  il  com- 
mence à  sentir  qu'il  vaut  mieux  comme  autrefois  re- 
mettre le  gouvernement  en  des  mains  qui  l'exonéreront 
de  ce  fardeau.  Inculquez  bien  aux  jeunes  gens  que 
vous  enverrez  travailler  dans  la  vigne  du  Seigneur,  que 
c'est  surtout  contre  la  Constitution  que  leurs  efforts 
doivent  être  dirigés.  Qu'ils  profitent  de  l'influence  qu'ils 
ne  manqueront  pas  d'acquérir  pour  faire  signer  des 
pétitions  tendant  à  la  révision  de  la  Constitution. 

Les  multitudes  se  laissent  facilement  frapper  par 
l'imagination  ;  il  faudra  que  nos  missionnaires  a  loptcnt 
un  costume  :  ils  se  laisseront  croître  la  barbe  et  les  che- 
veux ;  ils  porteront  une  jaquette  bleue  (jui  leur  serrera 
la  taille,  avec  un  panlaloo  blanc;  ils  chercheront  prin- 
cipalement il  convenir  les  IVinmes  :  par  les  femmes ,  on 
a  facilement  les  hommes. 

.le  vous  piie  de  iemar(pier  que  c'est  M.  Léon  Faii- 
(  lier  (jui  parle. 

Arrivés  dans  nos  villes,  nos  mis.sifinnaires  annonce- 
ront des  conférences  contre  le  .socialisme  qui  commen- 
ceront par  des  romances  et  qui  rmiront  par  la  polka. 
IJes  rafraîchissements  ciiciileront  dans  l'auditoire  pen- 
dant qu'on  démontrera  que  les  démocrates  sont  des  pil- 
l.nr.is,  des  voleurs,  dis  partageux,  di's  buveurs  de 
tang!  "  Caloinniey. ,  dii  l'Kvaiigile ,  il  eu  r.'ste  toujours 
quelque  chose  !  « 


Je  vous  prie  de  remaniuer  (jue  c'est  encore  IM.  Léon 
Fauciier  qui  parle. 

S'ils  se  trouvent  au  lieu  de  naissance  de  quelqu'un 
de  ces  écrivains  renommés  par  leur  impiété,  nos  mis- 
sionnaires se  léiiniront  en  procession  et  se  rendront  on 
cliaiitaiit  des  mélodies-cantiques  devant  la  maison  de  ces 
hommes,  où  ils  se  livreront  à  une  cérémonie  expiatoire  et  il 
la  plantation  d'une  croix.  Il  serait  bon  que  Taris  donnât 
l'exemple,  et  (pi'on  o'ganisàl  nue  inanirestation  à  Paris 
pour  brûler  Tculufc  devant  le  monument  de  Molière. 
Dans  peu  de  temps  la  France  serait  couverte  d'exécu- 
tions de  ce  genre  ,  et  les  impies  trembleraient. 

Partout  où  ils  passeront,  nos  jeunes  gens  devront 
pénétrer  dans  les  familles,  ei  tenir  bonne  note  de  ce 
([u'ils  verront  et  de  ce  (ju'ils  enteudroul. 

Ils  feront  parvenir  au  siège  delà  Société  centrale  des 
registres  contenant  l'âge,  le  nom,  la  profession  dotons 
les  ciloyeus  avec  lesquels  ils  auront  été  eu  lappnrl. 

Ils  signaleront  ceux  qui  lisent  la  Hcformc,  la  Hiipu- 
hliqiw  ,  le  Nation  al;  ceux  qui  ne  vont  pas  ;i  la  me.sse, 

Ceux  qui  ne  se  coufe.sseiit  pas  ; 

Ceux  qui  ne  vont  pas  chercher  leur  biilleiin  de  vole 
à  la  sacristie  ; 

Ceux  (pii  ont  une  édition  de  Voltaire  chez  eux  ; 

Cl  ux  (jui  ne  sont  d'aucune  congrégation; 

Ceux  qui  s'appellent  Brulus  ou  Déùiosthèuc. 

S'ils  assistent  à  quelque  inauguration  de  chemin  de 
fer,  tout  missionnaire  devra  tenir  note  de  ceux  qui 
crient  vive  la  Piépublique!  et  les  empoigner  même  au 
besoin.  M.  Lacrosse  ne  saurait  seul  suffire  à  ce  soin. 

Il  importe  que  nous  connaissions  au  juste  le  nombre 
et  la  force  de  nos  ennemis ,  car  le  jour  de  la  vengeance 
est  proche. 

.Je  vous  prie  de  remarquer  que  c'est  M.  Léon  Fau- 
<  lier  qui  parle  toujours. 

Comme  il  ne  faut  pas  négliger  les  petits  bénéfices,  les 
missionnaires  vendront  dans  les  campagnes  les  images 
de  saint  Tliicrs  et  de  saint  Falloux.  Il  est  bon  de  per- 
suader aux  paysans  qu'il  suffit  de  les  faire  loucher  à  leurs 
moutons  pour  les  guérir  de  la  clavelée.  Le  chefd'œu- 
ue  de  l'ordre  et  de  l'honnételé  serait  de  leur  faire 
i  roire  que  les  républicains  en  déposant  leur  vote  dans 
lurne  électorale  n'ont  pas  d'antre  but  que  de  jeter  des 
suris  sur  leurs  troupeaux. 

Voilà  sur  quels  points  principaux  porte  l'iiistruclion 
ilu  père  Faucher,  général  d(;s  Pères  de  l'ordre. 

Les  missionnaires  vont  bieniôl  commencer  leurs  tra- 
vaux. Le  général  lui-même  a  débuté  par  prêcher  la 
mission  dans  la  ville  de  Limoges.  Il  contimie  ses  pieuses 
pérégrinati  ms  dans  le  Limousin. 

M.  I.arrosse,  iiiinislie  des  iravaox  publics,  fail  res- 
laiiier  Saiiil-Acheul,  pour  (pie  M.  Léon  F.iiiclnr  puisse 
V  établir  sa  résidence  et  celle  de  (pieUpies-ims  de  ses 


A    LUSACK    l)i:S   (ii:\S   SKIUKIA. 


roadjiitpiirs.   Oti  Itti  en  iriiicllra  1rs  clefs  sur  tiii  |il;il 
(l'arKcni. 


Lii  lïaïKi'  a|)j)i(ii(lru  avtT  plaisir  qiK'  Saint- \rhrul 
y|  liJiliili'  par  (il'  iioiivcaiix  jésiiiH"s 


I  \  (.ONCII.K. 


M  Mes  cluTs  frcics,  piiisi|ui'  If  ((Hicilc  est  ou\cil ,  je 
nrenipresse  de  vous  soiiiuellic  qnolipies  poiiils  de  disci- 
pline sur  lesquels  j'ap|>i'lle  loule  railciiliDii  des  lumières 
de  l'Église  ici  réunies. 

—  (;'csl  hien  ,  monsieur  l'abbé  Biroteau  ,  ou  connaîl 
voire  zèle  pour  ks  iuiérèls  de  la  catlioliciié,  nous  trai- 
terons plus  tard  tous  les  poiulsde  discipline.  Pour  l'in- 
stant nous  avons  à  nous  occuper  de  (pieslioiis  beaucoup 
plus  importantes. 

—  Opendant 

—  Soyez  irancjnille ,  iniinsieur  l'abbé,  on  \ous  dit 
que  la  xliscipline  aura  s  m  tour. 

—  Je  croyais 

—  Il  n'y  a  pas  que  la  discipline  (pii  intéresse  la  re- 
ligion. 

—  Certes  non. 

—  Il  y  a 

—  Il  y  a  le  dogme. 

—  D'accord. 

—  El  la  morale. 

—  {lerlainemeul. 

—  Laissons  donc  la  disci|)liiic  puui'  uu  luumi'iu,  mes 
frères,  et  revenons  au  doj;me  et  à  la  morale,  encore  plus 
importants  que  la  discipline.  Dans  mou  diocèse  on  se 
plaint 

—  Il  ne  s'agit,  mon  cher  abbé  lîiroieau,  ni  de  disci- 
pline ,  ni  de  dogme  ,  ni  de  morale  ,  ni  des  plaintes  de 
votre  diocèse. 

—  De  quoi  s'agit-il  donc  ? 

—  Du  salut  de  la  religion. 

—  Je  vous  écoute,  mes  frères,  et  prions  l'Fsprit  saint 
qu'il  nous  illumine.  » 


II. 


"  Est-il  bête,  ce  Biroteau! 

—  Le  frère  d'un  ex-parfumein-,  que  v(udez  vous  que 
cela  soit  ? 

—  Son  frère  était  parfumeur? 

—  Oui,  le  fameux  César  Biroteau,  p:irfumenr  à  l'en- 
seigne de  la  Ueine  des  Roses. 

—  Comment   un  évê(|ue   peut- il    clioisir   un    pareil 
vicaire  général  ! 

—  Il  l'a  choisi  dans  les  premiers  jours  de  la  révolu- 


tion de  février  pour  faire  |)laisir  aux  janséui.stes  du  con- 
seil général,  qui  lienuenl,  comme  vous  savez,  les  cordons 
de  la  boinse;  car  l'abbé  lliroti'au  est  janséniste. 

—  Vraiment  !  la  farce  est  bonne,  j'en  rirai  longtein|)s. 

—  Ali  !  ah  !  ah  !  C'est  à  se  tenir  les  côtes  ,  parole 
d'honneur. 

—  Mais  pour(|uoi  l'a-ton  envoyé  ici? 

—  Il  y  est  venu  de  lui-même  pour  sounjetirif  an 
concile  di\ers  points  de  discipline,  qui  inqnièieui  sii 
conscience.  Il  avait  le  droit  d'assister  à  nos  délibéra- 
tions; le  renvoyer  eût  été  donniT  l'éveil  aux  jansenis- 
le.s.  Il  vaux  mieux  qu'il  reste.  C'est  un  bon  homme,  du 
reste  ,  et  je  parie  (pi'il  dormira  tout  le  temps  de  la 
séance. 

—  l'rend-il  du  tabac  .' 

—  Regardez  sa  tabatière  sur  la  table. 

—  Il  dormira,  j'en  suis  certain.  » 


IIL 


<i  La  parole  est  à  monseigneur  pour  faire  sou  rapport. 

—  Sur  le  dogme  ? 

—  Prenons  une  prise,  monsieur  l'abbé  Biroteau  ,  et 
écoutons. 

—  Les  nouvelles  que  j'ai  à  vous  apprendre  ,  très- 
dignes  et  très-chers  frères  ,  .sont  excellentes ,  tout  nous 
fait  espérer  le  prompt  i  établissement  de  l'ordre  et  le 
triomphe  de  la  religion  dans  ce  malheureux  pays  depuis 
si  longtemps  bouleverse  par  les  révolutions. 

Vos  curés,  qui  ont  reçu  le  tuot  d'o.-dre,  prorneni  de 
l'influencedu  confessionnal  pour  déclarer  "  qu'il  est  iiu- 
■)  possible  de  faire  son  salut  sous  une  république. 

»  Que  tant  que  les  registres  de  l'état  civil  ne  seroi  t  pas 
■I  tenus  par  le  clergé,  on  ne  sera  pas  régulièrement  marié 

1)  Que  tous  ceux  qui  auront  crié  vive  la  Républi- 
.1  que  1  iront  au  purgatoire,  et  ceux  qui  auront  ajouté  dé- 
»  mocratique ,  en  enfer.  » 

On  baptise  pour  la  forme,  et  pour  ne  pas  être  mené 
à  la  guillotine  ;  mais  on  engage  secrètement  les  parents 
à  faire  rebaptiser  leurs  enfants,  quand  le  règne  des  im 
pie-^  sera  fini. 

On  persuade  aux  bourgeois  des  petites  villes  que 
Robespierre  avait  épousé  une  sœur  de  Napoléon;  et  que 
le  président  de  la  République  est  Dis  de  Robespierre , 
que  l'Empereur  avait  nommé  roi  de  Hollande. 

La  population  se  tourne  chaque  jour  davantage  vers 
MOUS  ;  elle  est  inquiète,  agitée.  Nous  seuls  ,  lui  disons- 
nous,  pouvons  mettre  un  ternie  aux  maux  de  la  France. 


lie 


RKVUK  COMIQUE. 


1,1'  U'inps  ni'sl  pas  loin  où  elle  viendra  nous  supplier 
d'appliquer  ce  remède.  Que  Dieu  vous  fusse  la  grâce 
d'exaucir  ce  voeu.  Ainsi  soii-il  ! 
—  A mon!  » 


IV. 


I.  Maiiili^iiaiii  M.  l'alilM'  Casqiulic  \a  diAclopper  ses 
idoc's  sur... 

—  I.a  nvjialo,  j'écoule  a\ec  attcruioii. 

—  Punons  encore  une  prise,  monsieur  l'abbé  Bi- 
roloau  ,  ce  n'esl  pas  encore  le  tour  de  la  morale.  Déci- 
dément cet  homme  e.sl  ins(i|)poriable. 

—  A  qui  le  dites-vous  !  Voilà  l'abbé  Casquette  qui 
ct)mmence. 

—  J'ai  reçu  aiijotmriiui  du  frère,  qu'il  est  inutile  de 
niiniiuer  et  que  vous  connaissez  tous,  un  rapport  cir- 
constancié sur  l'étal  de  l'éducation  en  France.  Tout 
marche  selon  nos  vœux,  le  ConstitiUionnct  lui-même 
nous  seconde.  Tous  les  jours,  grâce  à  nous,  on  voit  dimi- 
nuer le  nombre  desélè'.esdes  écoles  d'enseignement  mu- 
tuel. Nous  sommes  parvenus  à  faire  croire  aux  parents: 

Qu'an  li.'U  de  l'oraison  dominicale  ,  on  faisait 
commencer  les  classes  à  l'enseignement  mutuel  par  le 
chant  de  la  Marseillaise. 

Qu'au  lien  de  l'image  du  Christ ,  c'était  ie  portrait 
(le  l'roiidhon  qui  s'élevait  au-dessus  de  la  chaire  du 
maître. 

Qu'on  a;>prenait  à  lire  aux  enfants  dans  un  livre 
inilulé  le  Compère  Mathieu,  etc.,  etc.,  etc.  Vous 
Suvez  si  sur  ce  point  nous  avons  l'imagination  fertile. 


Quant  aux  collèges  ,  la  chose  est  peul-èlic  un  peu 

plus  difficile,  cepcudaut,  de  ce  côlélh  aussi,  nos  efforts 
sont  couronnés  d'un  c  rtain  succès.  Les  séminaires  se 
peuplent.  Les  parents  retirent  leurs  enlaiits  des  lycées 
où  les  professeurs  leur  enseignent  que  l'homme  aura 
un  jour  une  (jueue  avec  un  reil  au  bout,  et  qu'an  lien 
de  mourir  nous  serons  tous  changés  en  arômes. 

Tout  nous  permet  donc  d'espérer ,  mes  très  chers 
frères,  que  nous  recueillerons  le  prix  de  nos  travaux 
avant  peu  de  temps.  Qu'il  luise  donc  bientôt  l;  jour  où 
maîtres  de  l'éducation  de  la  jeunesse  française,  nous 
pourrons  ramener  eu  triomphe  le  frère  Léotade  et  le 
mettre  à  la  tète  d'un  peii'^jonnat.   Ainsi  soil-il! 

—  Ameu!  » 


oCe  que  j'ai  à  vous  dire  ,  mes  très  chers  frères,  a 
irait  à  la  discipline... 

—  Eufin,  nous  y  voilà. 

—  Mais,  prisez  donc,  monsieur  l'abbé  Biroteaii,  pii- 
sez  donc;  le  bourreau  ne  veut  pas  s'endormir. 

—  C'est  un  sournois.  Il  faudra  écrire  à  son  évéque. 
Que  va  dire  don  Lumignon? 

—  Je  vous  parlais  donc,  mes  très-chers  frères,  de  la 
discipline  de  l'armée  française,  elle  est  admirable  mal- 
heureusement; et  les  efforts  que  nous  avons  faits  tant  à 
Paris  qu'à  Rome,  n'ont  pas  été  précisément  couronnés 
de  succès.  Nous  avons  beau  offrir  de  l'argent  ;  nous  ne 
trouvons  personne  portant  l'uniforme,  qui  veuille  lâtcr 
d'une  petite  conspiration  légitimiste.   A  Rome,  c'est 


V    nEiu-iii.iorE-i.r. iiyri  .mitaine 

Telle  qiif  la  représentent  les  royalistes. 


A    l.llSUiK   DFLS   GKiNS  SKIUKIX. 


il'iiiio  ronspiraiion  sucialisic  (|iii'  iiuhn  .miionti  besoin; 
i;()iis  p.'irvictuli'ioiis  ainsi  ù  ([{'sornanisi'i'  l'arinfc.  Ilcu- 
iciisenicnl,  <lii  côte  de  Hoini',  li's  fiirdinaux  se  cliartjcnl 
(r.iiiiciicr  (|i'S((iiiipliiaii(»ns(|ui  vaudronl  bien  les  noires. 

Oiiaiil  à  iKiIre  piopai^anilc  parmi  les  ouvi'iers,  elle 
\.i  eahiii-ialia.  lis  ne  donneiil  pas  l)eauc(>iip  dans  nos 
promesses.  Cependaiil,  à  nn  moment  donné,  nonspour- 
lions  bien  rénnir  dans  les  fanbonrgs  une  ciiii[Manlainr 
.l'iionnnes  ponr  crier  vive  Henri  Vl 

C'esi  (oujonrs  nn  connnencemenl.  Cunlions-nons 
dans  la  divine  Providence,  qni  m'  peut  nianqner  de 
\enir  à  noire  aide.    \inM  soii  il! 

—  Amen  !  > 


VL 


"  Vous  veniez  donc  ronrher  ici ,  nionsionr  l'abbé 
liirolean? 

—  Connneni,  coucher! 

—  Sans  doute,  le  concile  est  fini. 

—  -  lit  la  discipline? 

—  On  s'en  occupera  pins  lard. 

—  Kl  le  dogme  ? 

—  iVous  V  errons. 

—  Rt  la  miralc? 
Ki'niis  à  une  autre  fois. 

—  -  Alors  je  retourne  dans  incni  diocèse.  .Si  j'avais  su , 
jC  ne  me  serais  pas  dérangé.  C'est  là  ce  (pie  vous  n;ipc- 
II/.  un  conc  ile? 

—  Parblen  !  Allons  avertir  son  é\è(]ui'  qu'il  n'a  pas 
dormi.   » 


vir. 

Itonjonr,  .leaiineion. 
Déjà  de  reloiii-,  nionsicnr  labbi'? 
-  One  venx-ln  !  maintenant  les  conciles  dm  inl  pru  ; 
1  'est  la  mode. 

—  Il  n'esl  rien  arii\é  pendjol  mon  absence? 

—  Si,  celle  lellie. 

—  \o\ons. 

//  inoiisii  iir  Ciihlii'  IliiDti  (III. 
I'    MONSIliL'lï, 

Votre  allilnde  dans  le  concile  n'ayant  pas  paru  suf- 
fisamment orthodoxe,  j'ai  le  reyrel  do  vous  annoncer 

'  (pie  j'ai  cru  devoir  dioisir  nn  autr(!  vicaire  général. 

'  Veuillez  me  faire  |)arvenir  an  plus  U'tl  les  [)leins  pon- 

.  voies  que  je  vous  avais  confiés. 
«  Fn  attendant ,  je  prie  [)ien  (pi'il  vous  éclaire. 

»         AlGlSTR.    PI 

»  Jeanneton!  Jeanneion! 

—  Monsieur  l'abbé,  qu'y  a-l-il  ?.. .  on  dirait  que  vous 
vous  trouvez  mal!...  Vous  faui- il  de  l'eau  de  mélisse? 

—  Un  Mi''ge,  ma  bonne  Jeanneion,  nn  siège! 

—  Asseyez  -  vous  ,   innn^ienr  l'abbé,  a'Sevez -vous , 
\ous  êtes  malade! 

—  Fis  que  cela  ,  je  «nis  desiilué!   i 

JlA^   VI'RTOT. 


LE    GEME    DE    LA    RKPinLIQUE 

Suivant  les  républicains. 


UKVUK  COMlQUi: 


I.KS  lîl!  I.KTS  [M.Kl  S. 


I. 


<.  En  p'aco ,  messieuis,  en  place,  et  niouirez  vos 
hillels. 

—  Pouriiez-vous  nie  dire  qiu'l  est  ce  nionsieiir  qtii 
vient  de  crier  et  qui  maintenant  ferme  les  portières? 

—  Ost  le  ministre  des  travaux  puhlics. 

—  Oui  s'est  fait  conducteur  de  train? 

—  Oui,  monsieur,  conducteur  par  dévouement. 

—  Pour  le  chemin  de  fer  de  Lyon  ? 

—  Pour  le  président  de  la  République. 

—  Eu  elfet  ,  j'avais  entendu  pailer  des  soins  dont 
M.  I.arrosse  entoure  la  persunue  du  p;)uvoir  exécutif; 
mais  je  ne  croyais  pas  (lu'il  poussât  h-s  clioses  jusque-là. 
Le  voilà  maintenant  qui  tire  un  silllet  de  sa.  poche. 
Bon,  nous  voilà  partis.  Où  déjeune  t-oii,  monsieur? 

—  A  Melun,  j'imagine. 

—  F«rt  bien.  Et  où  dine-t-ou  ? 

—  A  Sens ,  je  pense. 

—  A  merveille!  nous  déjeunerons  donc  dans  deux 
heures,  il  est  neuf  heures  maintenant.  Doux  heures 
d'enthousiasme  à  traverser,  c'eM  biauconp;  mais  l'en- 
ihousiasme  aiyuise  l'appétit.  Je  irois  que  l'enthousiasme 
co:nme:!ce  déjà  ;  on  s'arrête,  il  me  si'iuljle.  Où  soni- 
mes-iKius  donc  ? 


—  Demandez  le  à  M.  Liicrosse. 

—  Conducteur,  où  somiuesiious? 

—  Vive  Napoléon  ! 

—  Le  nom  de  ce  village? 

—  Vive  l'Empereur!  Criez  vive  l'Empereur,  on  je 
ne  vous  ouvre  pas  la  portière. 

—  Vive  l'Empereur  !  vive  Napoléon  ! 

—  Irès-bien  ,  vous  pouvez  desrendre.    Nous  som 
mes  y... 


IL 


c.  Monsieur,  vous  venez  de  me  donner  une  l'oide  de 
renseignements  aussi  utiles  qu'a^iéabls  ;  soulTrez  que 
je  vous  en  remercie. 

—  Monsieur,  il  n'y  a  pas  de  quoi... 

—  Mais  si,  mais  si.  Pourriez  vous  me  dire  mainte- 
nant pourquoi  les  gardes  nationales  rm-ales  affectionnent 
tant  le  chapeau  trumblou? 

—  Ma  loi   non. 

—  Je  me  suis  laissé  dire  que  les  druides ,  dans  les 
grandes  cérémonies  du  culte,  portaient  un  coiffure  sem- 
blable. Le  chapeau  tromblon  remonterait  donc  aux 
Gaulois. 

—  (;'es!  bien  j)iissible. 


Véron,  admis  a  11.1.1.;-^..;    ,u  L...j.,t: muiii,  ii't 
louché  de  cette  fuvrur  (iu'il  l'avait  ispfré 
malgré  tes  miracles  de  la  ctiîrasse. 


ingénieux  des  domesliques  de  la  mar.imse  de  i-olle 

ul  se  déguiseill  en  ouvriers  pour  offrir  i  M.  Crédit  une  pail 

de  pistolcls.— Grande  frayeur  de  ce  colonel  de  cuirassiers. 


A   LUSAdK   DKS   GRNS  SKRIKIJX. 


—  I.c  coiiduclcnr  poiiiiail  nous  tirer  d'iiiibari-as. 
J'.ii  I  iivif  (le  rinlcrrogt'r. 

—  Kailcs. 

--  Mdiisiiur  l.acrossc  ,  (Hcs  \<ius  de  cet  a\is,  (luc  li' 
(liaiiiMii  troiiihloii  est  iiiic  coilliirc  f^aiildisc  .' 

—  Monsieur  a  sans  ilctiite  un  billet. 

—  Tiens,  celte  question  î 

—  De  quelle  cotilein  est-il  ? 

—  itlen. 

—  .le  ne  suis  \y.is  tenu  do  \oiis  n'iioiidre  :  je  nu  [laiie 
(|u'aii\  hdiets  roujjes. 

—  C'est  din'érenl,  mille  pardons  de  \ons  avoir  dé- 
r.nii,'é.  l'Nt-il  diole,  ce  coiidnitenr,  je  \ci\\  dire  ce  mi- 
nistre !  " 


m. 


<•  Je  son.s  à  l'enthousiasme  ([ui  m'anime  (|ue  le  dé- 
jeuner doit  être  proche,  (lu'en  pensez- \ eus '.' 

—  Je  crois  que  nous  avons  encore  deux  revues  à 
passer  avant  de  nous  nieltre  à  table.  Voilà  qu'on  amène 
un  cheval. 

—  Cour  qui  ?  • 

—  C'est  le  cheval  blanc  de  M.  Lacrossc,  je  le  recon- 
nais poin-  l'avoir  vu  il  y  a  cinq  ans  au  maiirge  Pellicr. 

—  Notre  conducteur  monte  h  cheval. 

—  Il  faut  bien  qu'il  suive  le  président  à  la  revue. 

—  le  serais  curieux  de  voir  ça.  Sortons.  Ouvrez 
donc,  conducteur  ! 

—  Le  conducleuren  chef,  avant  de  monter  à  cheval, 


vient  de  nous  le  défendre.  F. es  billets  riiugrs  seuls  peu- 
vent descendre.   .1 


IV, 


■■  Après  tout,  cela  m'est  bien  é(,'al  ;  je  me  moque 
pas  mal  d'une  revue.  C'est  toujours  la  même  chose. 
Jùitende/.-vous  ce  que  ces  gens-là  crient? 

—  Vive  iNapoléoi). 

—  Ils  crient  :  Vive  le  Président  I 

—  J'euiciids:  Vive  rEfn|)ereur  ! 

—  El  moi  :  Vive  la  Hépid)lique  ! 

—  Ne  vous  fâchez  pas,  me.ssieurs,  on  crie  un  peu 
de  tout  cela  à  lu  fois.  Quant  à  moi ,  je  ne  m'en  dédis 
pas:  Vive  le  déjeuner!  Bon,  voilà  la  revue  finie,  le 
cortège  revient.  !\1.  I.acrosse  remonte  sur  sa  banquette. 
I')n  l'onte!  en  roule  !   > 


"  Nous  sommes  à  Melun. 

—  Département  de  Seine-et-.Marne. 

—  IMerci,  monsieur,  de  ce  nouveau  renseignement. 
Nous  al'oiis  enCn  déjeuner.  J'iperrois  la  salle  du  ban- 
quet. C'est  M.  I.acro.sse  qui  reçoit  les  billets  à  la  porte. 
Hâtons  nous,  il  s'agit  d'avoir  une  bonne  place.  Je  me 
sens  lin  appétit  d'enfer. 

—  Monsieur,  votre  billet  ! 


lES  PETITS  MYSTïRES   D  EIGS  , 
rnr  N.ilar. 


ESTRi;   ULU.V   PElEKI.NS   D'tM:?  ; 

Ail!  œon  Dieu,  mais  noire  cher  cuirassier  a  une  jambe  plus  courte 
que  l'autre!...  — Conini-nt,  malheureux  t.. .  plus  courte!... 
dites  donc  qu'il  a  une  jambe  plus  longue  que  l'autre  !  !  !  ! 


RKVIIK   COMIQllK 


|).'IUl 


-  Voilà!  \oila! 

-  Lu  billot  bleu  ! 

-  Comme  vous  dites. 

-  Vous  u'eutrort'Z  pas. 

-  Ne  suis-jc  pas  invité  comme  les  auiros? 

-  Sans  doute,  mais  pas  h  déjeiiuor. 

-  A  quoi  doue  ? 

-  A  faire  quarante  lieues  eu  wagon. 

-  Pour  qui  est  donc  cette  tab'e  si  bien  servie  ? 

-  Pour  les  billets  roucîcs.  Les  billets  bleus  sont  ce- 
lant admis  ;i  circuler  iiiiloiir  de  la  iMv,  an  dessert 

-  Ciraad  merci  I   ■< 


VI. 


B  Enfin  nous  avons  trouvé  une  auberge  où  nous 
caser. 

—  C'est  assez  heureux. 

—  On  n'est  pas  mal  ici  pour  casser  une  croûte.  Com- 
ment avcz-vous  trouvé  ce  morceau  de  fromage  ? 

—  Parfait. 

—  lit  cette  tranche  de  cervelas? 

—  Délicieuse. 

—  C'est  une  justice  ii  leur  rendre,  ils  n'ont  rien 
dans  celte  auberge,  mais  tout  ce  qu'ils  vous  donnent 
est  délicieux.  J'entends  le  sifflet  de  M.  l/jcrosse.  Dépè- 
chons-nous.  Garçon,  la  carte  ! 

—  Monsieur,  voilà. 

—  Total  :  cinquiiUte-sept  francs:  vous  vous  nio(|ue7. 
de  nous ,  garçon  ! 


—  I.e  cervelas  e.t  hors  de  pii\  à  \ii  liin. 

—  C'est  une  horreur  ! 

—  Une  abomination!  et  le  convoi   (|iii   va  partir! 
AlioMS,  il  faut  s'exécuter.  Voilà  cinqiiante-si'pt  francs. 

—  Il  n'y  a  rien  pour  le  garçon  ,  citoyens? 

—  le  crois  que  le  drôle  veut  r;iiller. 

—  Pas  de  pourboire,  messieurs? 

—  Après  nous  avoir  écorché  de  la  soi  le? 

—  C'est  l'élrenne  de  la  fille,  notre  bourgeois. 

—  Cinquante-sept  francs!  cinquante-sept  fiancs  ! 
Fd.H.s,  messieurs,  la  machine  sonflle. 

—  Kilez,  tas  d'aristos  de  deux  liards,  à  la  riiie-en-lit 
les  bdiets  bleus,  à  la  chie-en-lit  !  •> 


vri. 


■  Nous  ne  soii irons  donc  pas  de  la  fumée  et  de  la 
poussière ,  toujours  des  coups  de  canon  I  Encore  si  on 
pouvait  voir  quelque  chose. 

—  Les  billets  bleus  ne  peuveiu  pas  descendre. 

—  Heureusement  nous  approchons  de  Sens. 

—  Je  crois  que  nous  sommes  arrivés. 

—  A  quoi  le  voyez-vous? 

—  M.  Lacrosse  est  passé  sur  le  premier  convoi ,  il 
abai>se  !e  marchepied  du  wagon  d'honneur.  Voici  l'é- 
vèiiue  qui  s'avance.  Nous  en  avons  pour  trois  quarts 
d'heure  au  moins.  Bon  ,  voilà  (pii  est  fini.  On  va  nous 
ouvrir,  j'espère.  Conducteur,  aux  portières! 

—  Pas  encore  ! 


1^3  FEIITS  MYSTERES  D'EKS, 

Pli,     .Vu,/.I.. 


Coiiiiiie  (iiiui  le  parti  du  cuirai; ier  Crédit,  q'ii  parait  iii>i 
au  premier  iibord.... 


Au  foiid.lieriM  pas  lanl  .(ui- çj. 


V    i;iS\(iK    DKS  (iK.NS   SKIUKl  \. 


I.j| 


—  (loiiiiiicnl,   pas  rncorc  !   Ksl-cc  (im'od  Ncut  iiim^ 
lolciiir  ici  c-ii  ihiiriri'  |iii\(''o? 

—  Jllsiiu'à  ce  (|ii('  li's  hillcis  lotigc's  se  soiciil  ('■coules. 
CVsl  pour  Lvilei  l'encoiiibiiiiKiit.  •> 


Vin. 


«  Vi(e  !  vite  !  allons  nous  mellre  à  lahlc  ;  j'aperçois  l;i 
salle  du  dîner  ,  M.  Lacrosse  est  sur  la  porte. 

—  Les  billets  bleus  n'eiiireroul  peul-èlre  pas. 

—  (Test  bon  pour  le  déjeuner  ,  à  la  rigueur  cela  se 
conçoit ,  c'csl  un  honneur  cpie  l'on  ré>crve  à  certaines 
personnes;  mais  pour  le  dîner ,  c'est  bien  diiïéicnt , 
tout  le  monde  doit  dîner.  Knirons! 

—  Montrez  vos  billets. 

—  Voilà  !  voilà  ! 

—  Billets  iileus  !  Vous  n'enuerez  pas.  •> 


IX. 


»  Ce  fricandeau  de  veau  était  abominable. 
—  Je  me  suu\iendrai  longtemps  des  aubergistes  d( 
Sens. 

^  Aïe  !  aï  ;  !  aïe  ! 

—  Qu'avez -vous  donc? 

—  Rien ,  c'est  l'oseille. 


—  Ils  appellent  cela  mi  diner!  lit   nous  faire  payer 
<li\  fi.iiK  s  par  tète  ! 

—  .\ïe!  aïe!  aïe  ! 

—  Mais  (pi'avez  \()iis  donc? 

—  Ili'.'n,  c'est  la  salade.  Kst-ce  i|ue  le  convoi  ne  \a 
pns  bientôt  s'ariètcr? 

—  J'aperçois  des  cas(|ues  de  |)onipiei's;  ça  ne  va  pas 
larder.  Hon  I  voilà  (|u'on  est  au  relai. 

—  <;onducteur  ! 

—  Il  allume  son  cigare  sans  avoir  l'air  de  vous  en- 
leildre. 

—  Conducteur!...    conducteur!.  .    conducteur!... 

—  Oii'cst  ce  (pi'il  a  donc  tant  à  cri(  i-,  cet  enragé  de 
bleu  ? 

—  Conducteur,  au  nom  du  (  iel  ,  ou\rez  la  portière! 

—  C'est  défendu. 

—  Conducteur,  je  ^ous  en  sup|)lie!... 

—  Impossible  ! 

—  Mais,  conducteur,  j'ai  la  coliipio! 

—  Pourquoi  avcz-vous  pris  un  billet  bleu?...  atten- 
de/. jus([u'à  l'aris. 

—  Je  n'y  arriverai  pas,  bien  sur!  •> 


"  MONSIELK  m  Ml.MSTRi;. 

»  J'étais  tran([uillement  chez  moi  en  ne  pensant  à  rien, 
lorsque  vous  m"avez  fait  riioimeur  de  m'inviter  à  l'in- 


XES  PETITS  MTSTERXS  D'EMS, 

/■,.  -  X,;r,r. 


■"^  -te 


Le  cuirassier  prend  son  repas  —  Ah  '.  si  ses  ennemis  pouvaient 
le  voir  en  ce  moment  ! 


Dire  que  c'est  là  !...  s'écrie  le  papetier  Jeanne  admis  à  visiter 
les  appariements  privés  du  cuirnssirr. 


|.".2 


RKVUK   COMIQIK 


augurai  ion  du  clieniiii  de  fer  de  L\ou.  Si  j'avais  su 
que  votre  inlcnlion  était  de  me  niystilier,  je  me  se- 
rais mis  à  l'abri  de  vos  billets  bleus;  m;illieureuse- 
meiit  la  réputalion  de  loyauté  qu'on  vous  a  faite  jus- 
qu'ici ui'eiupèchait  de  concevoir  le  moindre  soupçou. 
Je  vous  déclare ,  tant  eu  mon  nom  qu'an  nom  d'une 
foule  de  billets  bleus,  que  nous  avons  trouvé  la  |)lai- 
saulerie  fort  mauvaise  et  indissnc  d'un  ministre  ([ui 
se  respecie. 

.1  Je  suis  également  chargé  de  vousdireque  lorsqu'on 
se  fait  couducleur  de  Irain,  on  doit  en  prendre  le  cos- 
tume. Nous  avons  ouvert   une  sous.iip'.ion   parmi  les 


membres  du  convoi  bleu,  pour  vous  faire  cadeau  d'une 
cascpielte  en  peau  de  renard  et  d'une  veste  brodée  au 
collet. 

.)  J'aurai  toute  ma  vie  sur  la  conscience  le  fricandeau 
à  l'oseille  que  vous  m'avez  fait  manger  à  Sens.  Ce  sont 
des  choses  que  l'on  n'oublie  jamais.  Je  me  vengerai. 

.)  Je  suis,  en  attendant,  monsieur  le  conducteur, 
votre  ennemi  dévoué  ;  et  je  signe  pour  ([ue  vous  com- 
preniez ce  (]iie  et  II  \eul  dite. 

n   1  \  iiiii.t:i   r.i.i;i'.  " 


L.N  ^(»L\KAL    lîOMIîAllDKMKM    1)1    1U)1   DK   WPLKS. 


Les  décoralions  conlinucnt  à  jjleuvoir  sur  le  général 
Oudinot ,  le  roi  de  >aplcs  vient  de  lui  accorder  le  grand 
cordon  de  je  ne  sais  plus  quel  ordre. 

Qui  est-ce  qui  connaît  le  nom  des  ordres  najioli- 
tains? 

Le  roi  bondwrthur  a  embrassé  son  collègue,  et  lui 
a  déclaré  qu'il  le  considrrail  comme  nu  de  ses  conci- 
toyens. 

On  pense  (ju'il  lui  expédiera  bientôt  le  brevet  de 
bourgeois  de  Naples,  un  des  litres  les  ])lus  enviés  de  la 
clirélicnlé. 

Le  pape  ayant  l'ail  le  général  Uiidinot  duc,  on  se  de- 
mande pouniuoi  le  roi  de  Naples  ne  l'a  pas  nommé 
prince.  Qu'est-ce  que  cela  lui  eût  coiiié  ? 

La  reine  Isabelle  doit,  assme-lon,  le  créer  grau  1 
d'Kspagne  de  première  classe.  Voilà  qui  s'appelle  faire 
les  choses  noblentent. 

Comme  on  doii  être  hemeux  de  se  .-enlir  grand  d'Ks- 
pagnc  aujourd'hui,  et  de  jouir  de  ce  beau  jjrivilége  de 
garder  son  chapeau  sur  la  tète  devant  M.  Muncz! 

La  nouvelle  do  ces  récompenses  a  comblé  de  joie , 
comme  on  le  pense  bien ,  l'armée  françai-e  en  Italie. 
Celle  joie  a  élé  tempérée  pourlanl  por  ranuonre  d'un 
évéïiemenl  gra\e. 

Il  s'agissait  d'une  décision  prise  par  le  roi  de  Naples 
de  lancer,  eu  guise  de  bombes,  dans  le  camp  français 
plusieuis  centaines  de  ses  croix. 

Les  dernières  nouvelles  de  Uome  annonceni  que  les 
choses  sonl  dans  le  même  état,  el  (jue  le  bombarde- 
ment n'a  pas  eu  lieu  encore. 

La  crainte  qu'on  a  de  le  voir  se  réaliser  n'en  indue 
pas  moins  sur  le  moral  de  nos  troupes.  La  gaieté  fran- 
çaise a  fait  place  à  une  trisie  préoccupation.  Chacun 
est  à  se  demander  :  Scrai-je  ailciiit  ou  ne  le  serai-je  pas? 
Celle  incerlitudc  est  plus  pénible  que  tout;  et  je  suis 
sur  que  nos  soldats  aimeraient  mieux  exjwser  tout  de 
suite  leur  poitrine  aux  balles  autrichiennes  que  de  vivn' 
dans  une  perpi'luelle  incerlitudc,  sans  savoir  si  d'un 
moment  à  l'autre  une  croix  n«\a  pas  vous  écraser  ou 
éclater  entre  vos  jambes. 


Le  gouvernement  français  devrai!  couiier  court  à  tout 
cela  par  un  décret  ainsi  conçu  : 

Au  nom  du  [leuple  français, 
il  esl  inlcrdil  à  tout  soldat  français  de  parler  les  in-  ; 
signes  d'un  autre  ordre  (|ue  celui  de  la  Lésion  d'hon- 
neur. I 

.V/</llc  LOtlSN.M'OLÉON    liU.^IAPAlili;.  i 

Ll  plus  bjs  : 

ODILON  BakroT,  prcsiilclU  du  conseil. 
Le  roi  de  Naples  comprendrai!  peul-èlre  l'apologue, 
el  rengainerait  ses  diplômes  de  chevalier. 

Quel  est  celui  d'enire  nous,  je  vous  le  demande  ,  ci- 
toyens, qui  oserai!  porter  la  croix  de  Naples  ? 

Ne  serait-ce  pas  se  donner  à  tout  janiais  un  brcvel  de 
ridicule  I  Pouniuoi  ne  pas  l'éviter  à  nos  soldats? 
M.  Oudinot,  dira-t-on,  leur  a  donné  l'exemple. 
M.  Oudinot  est  maître  de  faire  ce  qu'il  veut,  et  son 
ridicule  n'apparlient  qu'à  lui;  mais  la  dignité  de  l'ar- 
mée est  !a  dignité  du  gouvcrneraeni  lui  même ,  el  je 
trouve  ([u'il  faut  que  nous  soyons  descendus  bien  bas 
pour  ([u'un  roi  d(!  Na|ilcs  se  peimclle  de  décorer  luw 
soldais. 

Ce  n'est  pas  de  punilles  mains  «lue  nos  troupes  viti- 
i  lent  recevoir  leur  récompense.  Le  roi  des  jésiiiies  el 
I  des  lazzaioni,  le  bombardeur  de  Naples  et  de  Messine 
I  ne  peul  licu  avoir  de  commun  avec  une  armée  fran- 
çaise. 

Espérons  que  noire  ambassadeur  lui  conseillera  soUo 
rocc  de  garder  ses  nominations  en  portefeuille,  s'il  ne 
veut  pas  s'exposer  à  les  recevoir  par  la  posle. 

Ce  serait  une  bonne  leçon  à  donner  à  Sa  Majesié  na- 
pc.litaine. 

Il  est  vrai  que  pour  se  consoler  il  lui  rr.icra  lou- 
jours  celle  pensée  :  que  l'armée  française  a  élé  décorée 
de  l'ordre  de  Naples  dans  la  personni'  de  sdii  général  en 
ciief ,  le  duc  de  Saint  Pancrace. 

Voyez  imurlanl  à  (puis  dangers  un  clief  peut  exposer 
ses  soldais! 


A   L'USAGK  DKS  GK,NS  SKRIKLX. 


CKSVK   l)K\  \M   I.K  lu  lilCON. 


rilAI'll  IIIIN    MOI  M.I.I.I.   tl  l  NK   MKII.LL  c  ll\N-c)>    flD.MAIM; 


Eliint  arrivé  sur  lu  bord  du  Hubi- 
(«11 ,  qui  faisait  les  limites  de  sou 
gouvernenicnl,  ■  il  s'arrêta,  et  de- 
meura longtemps  plon^^é  dans  un  pro- 
fond silence  :  ditTéranl  de  passer,  cl 
pensant  eu  lui  -  même  à  la  grandeur 
et  à  la  témérité  de  cette  entreprise. 
~  Pi,L'r*iiviiK. 


t'-He  simple  O'-'HleiUt'. 


Que  fai»-(u  donc,  arrélé  sur  la  live  , 
La  UHe  basse,  et  le  regard  béant, 
A  te  mirer  dans  l'onde  fugitive, 
Les  bras  croisés,  comme  un  roi  lainéant": 
Le  trône  à  peine  elUeuré  par  l'orage, 
D'un  velours  neuf  n'attend  (jue  la  faijon. 
C'est  le  inoLiienl  de  montrer  du  courage; 
Saule,  César,  passe  le  Rubicon! 


Un  Dlet  d'eau  ;  c'est  la  seule  barrière 
(Jue  l'on  oppose  à  tes  hardis  projets  : 
Et  je  le  vois  rester  dans  la  carrière 
Comme  un  acteur  tombe  sous  les  silUetsl 
Suis  donc,  au  moins  de  loin,  la  grande  imaii 
(.lui  devant  toi  trace  un  brdiant  sillon. 
C'est  le  moment  de  montrer  du  courage  ; 
Saule ,  César,  passe  le  Rubicon  I 


Nous  sommes  las  de  cette  République 
Qui  s'encanaille  a\ec  les  ouvriers. 
Et  veut  briser  le  moule  monarchique 
Prêt  à  sortir  de  nos  vieux  ateliers. 
La  Liberté,  de  nouveau,  déménage. 
Car  avec  nous  sou  bail  n'est  jauiais  long. 
C'est  le  moment  de  montrer  du  courage; 
Saule ,  César,  passe  le  Rubicon  1 


Songes-y  bien  ;  tu  n  es  pas  seul  au  niondi. 
De  tous  cotés  pleuvenl  les  prétendants, 
lit  la  Fortune,  en  caprices  féconde, 
Fait  triompher  parfois  les  moins  prudents; 
Si,  |)ar  malheur,  tu  lardes  davantage. 
Un  plus  pressé  te  damera  le  pion. 
C'est  le  moment  de  montrer  du  courage; 
Saute,  César,  passe  le  Rubicon! 


Uuand  tu  diras  ;  «  C'esl  moi  qui  suis  le  maître! 
(!rains-tu  de  voir,  dans  le  temple  des  lois, 
(!inq  cents  Brulus,  oubliant  la  l'enétre  , 
Te  menacer  de  leurs  couteaux  de  bois.' 
Ces  bonnes  gens  sont  faits  à  lesclavage; 
.lamais  le  joug  n'a  révolté  leur  front. 
C'est  le  moment  de  montrer  du  courage  ; 
Saute,  César,  passe  le  Rubicon! 


Ces  tlols,  dis-tu,  peuvent  cacher  un  piège; 
En  perdant  pied,  tu  crains  de  boire  un  coup. 
Prends  donc  alors  la  cuirasse  de  iiége. 
Et  sur  un  dé  bravement  .risque  tout. 
Avec  un  bon  corset  de  sauvetage. 
On  peut  courir  la  chance  d'un  plongi'on. 
C'est  le  moment  de  montrer  du  courage; 
Saule;  César,  passe  le  Rubicon! 


JtAN  CASCAKEI. 


KKVUK  COMIQUK- 


I 


AMOM    ilRILiltr. 


lliei-  im  réac  iiiJiiiiiiiit 

La  curpulena'  de  Thouiel  ; 
i.  Dos  républicains  de  la  veille, 

Voilà,  s"ccriyil-il.  un  bel  cclianlilloii! 
Cumule  monsieur  Tarlufe,  il  se  poile  u  merveille; 
Quelle  rutondilé:  quelle  cumplexion  ! 
nuanl  à  nous,  qui  servions  la  vieille  'hnaslie, 

Dans  la  tristesse  nous  jeûnons  ! 

Nous  avons  perdu  la  pailie 
Contre  des  insurt;és  sortis  des  cabanons. 
Nous  voilà  sans  espoir,  sans  emplois,  sans  linance 

Viclimesdu  revirement; 
El  .eux  que  nous  voulions  réduire  au  dénùmeiit 
S'indemnisent  en  paix  de  leur  longue  abslinence'. 

Lu  démocrate  répondit  : 
I.  Les  révolutions  ont  ainsi  leur  bascule  : 
L'un  avance,  l'autre  recule; 


L'un  perd  son  embonpoint,  cl  l'autre  s'andmlit. 

Le  proscrit,  chargé  d'anatliciiie, 
1)11  pouvoir  à  son  loiir  éprouve  la  douceur  ; 

L'upprinié  monic  au  mni;  suprême 

A  la  place  de  l'oppresseur. 

C'est  un  chassez-croisez  du  diable'. 
Mais,  dans  ces  changements  ou  tout  est  déraii;.;'' , 

Honneur  à  riiomme  invariable 

Dont  le  cœur  n'a  jamais  chaii;^é' 
Honneur  donc  à  Thouret!  sa  foi  démocratique 

X  tous  les  vents  a  résisté , 

lit,  dans  l'arène  politique, 
\  ous  le  rencontrez  tel  qu'il  a  toujours  été  '. 
S'il  esl  un  peu  plus  L;ra>,  Ui  raison  s'en  explique 
Il  expia  les  torts  de  sa  plume  énergique 

Au  fond  des  cachots  du  pouvoir; 

Doit-on  s'étonner  de  le  voir 

hiariji  par  la  République'.' 


Dessiné  par  UtKT\ 


M)   cnitiiiifs. 


DOrniNEHAV      ÉDITEUR  ,    KOE    RICHEtlED 


M''    1.111111:1111. 


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les  départements 


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LE  DIABLE  ROUGE. -ALIflANACH  CABALISTIQUE. 

CONTENANT    LE   TABLEAU    DES    INFLIENCKS   QUI   DOMINENT   SUH    LE    PIIYSKJIE    ET    LE    MORAL    DR    l'mOMMF.  ; 
ET    LA    NOMENCLATURE    DES    BONS    ET    DES   MAUVAIS   GÉNIES;  ACCOMPAGNli    DES 

TfkBlaXSS     CSwBEkXiISTIQXJES 

A    I.'AIPF.  DESQVELLF.S  CHACUN    l'EUT  TIRER  SON   HOROSCOPE  ET   PRÉVOIR   SON   AVENIR, 
AINSI    QUE  CELUI   DES   AUTRES; 

Itenfermanl  en  oulre  des  prédiclions  sur  un  grand  nombre  d'hommes  politiques,  el  des  prophéties  curieuses 
sur  les  (jrnndsèiénemmts  qui  doivent  arriver,  entre  autres  les 

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DKllIl';    \1  \    AIlI-TO'i, 

PAR     JEAN     VERTOT. 

Un   joH    volume    în-.l^,    illustré    de    nombreuses    vignettes, 

PRIX  :  25  CENTIMES. —  50  CENTIMES  PAR  LA  POSTE. 


—  Typographie  Pion  fr^rea,  rue  de  Vanglrard,  3G 


LV.  LTS  TRICOLORK. 


La  société  d'horliciilluie  do  la  rue  do  Poitiers  a  toiiu 
dernièrement  une  séance  solennelle  pour  décerner  le 
prix  au  jarJinier  auteur  de  la  plus  belle  Oeur. 

Le  prix  devait  èlre  accordé  au  plus  beau  sujet  de 
l'espèce  des  lis. 

Nos  plus  célèbres  horticulteurs,  Thiers,  Berryer, 
iMontalcmbert,  Viellard,  s'étaient  mis  sur  les  rangs  et 
avaient  en\oyé  leurs  produits  à  l'Exposition  ouverte 
depuis  quelque  temps  dans  les  salons  de  la  rue  de 
Poitiers. 

M.  Thiers  a  présenté  un  magnifique  lis  bleu.  Cette 
fleur  jusqu'ici  était  réputée  non  moins  fabuleuse  que  la 
rose  bleue.  Tout  fait  espérer  maintenant  qu'on  ne  lar- 
dera pas  à  produire  cette  fleur.  Le  prix  de  cent  mille 
florins,  fondé  par  la  société  d'horticulture  d'Amsterdam, 
trouvera  enfin  une  destination. 

Voici  quels  procédés  M.  Thiers  a  employés  pour 
obtenir  son  lis  bleu. 

Il  a  fait  brûler  une  grande  quantité  de  numéros  du 
Constitutionnel ,  et  leur  cendre  mêlée  au  terreau 
ordinaire  a  servi  d'engrais.  Il  a  arrosé  le  tout,  soir  et 
matin,  avec  une  décoction  émolliente  de  pâie-Regnauld. 
Pour  obtenir  la  rose  bleue  ,  il  s'agira  tout  simplement 
de  doubler  la  dose  d'engrais  et  d'arrosage  émollicnt. 

Les  amis  de  la  famille  d'Orléans  ont  crié  au  miracle 
on  voyant  le  lis  bleu ,  ils  ont  déclaré  que  c'était  le  nec 
plus  ultra  de  l'horticulture  et  de  la  politique.  Selon 
eux,  le  lis  bleu  devait  obtenir  le  prix. 

Un  lis  blanc  a  été  exposé  par  M.  Berryer;  il  n'offre 
rien  de  bien  remarquable  que  son  embonpoint.  C'est  le 
lis  ordinaire  connu  depuis  longtemps  en  France,  et 
dont  la  culture  était  abandonnée  depuis  89.  Nous  dou- 


tons fort  que  l'exemple  de  M.  Berryer  parvienne  à  la  re- 
lever. Les  partisans  de  la  branche  aînée  déclarent  cepen- 
dant que  la  r::e  de  Poitiers  ne  doit  pas  hésiter  à 
couronner  celte  fleur. 

C'est  à. M.  Viellard,  ancien  précepteur  du  président  de 
la  République,  que  nous  devons  le  lis  rougo.  M.  Thiers 
cherchant  le  bleu,  M.  Berryer  le  blanc,  M.  Viellard  devait 
chercher  le  rouge,  à  moins  de  se  jeter  dans  le  pistache, 
qui  n'est  pas  une  couleur  possible.  L'esprit  humain  se 
refuse  à  concevoir  un  lis  pistache. 

Hâtons  nous  de  dire  que  le  lis  rouge  de  M.  Viellard  est 
esseniiellement  honnête  et  modéré.  Ce  lis  rouge  a  tou- 
tes les  sympathies  des  partisans  du  grand  Napoléon. 

Le  comité  horticole  de  la  rue  de  Poitiers  se  trouve 
fort  embarrassé  de  décerner  le  prix.  Couronnera-t-on 
le  lis  bleu  ,  le  lis  blanc  ou  le  lis  rouge?  La  question  est 
plus  grave  qu'on  ne  pense,  car  ces  lis  forment  autant 
de  factions  qui  pourraient  bien  déchirer  la  France , 
comme  autrefois  les  verts  et  les  ble>is  déchiri'rent 
l'empire  d'Orient. 

Le  lis  bleu  a  ses  avantages.  Il  exhale  un  parfum  con- 
stitutionnel et  boursocratique  ;  qui  plaît  à  bien  des 
gens. 

Le  lis  blanc  rappelle  des  souvenirs  d'innocence  et  de 
candeur ,  il  fait  pâmer  d'admiration  les  vieilles  douai- 
rières. 

Le  lis  rouge  fait  très-bien  à  la  boutonnière  des  bra- 
ves ,  il  se  rapproche  du  ruban  de  la  Légion  d'honneur, 
une  des  plus  belles  créations  de  l'Empire. 

La  question  serait  donc  de  fondre  ensemble  tontes 
ces  prétentions.  Voici  le  moyen  proposé  par  M.  Dupin. 

a  L'institut  horiicnle  do  la  rue  do  Poi'iors  décerne 


LES    PETITS   SERVICES    MUTUELS    DE    L'AMOUR    CONJUGAL 


LES    PETITS    SERVICES    MUTUELS    DE     L'AMOUR    CONJUGAL. 


'/-^ 


Dessiné  par  Del-tsc:i. 


Gr;:\é  par  Baul\nt. 


Alic:-vous-eii ,  gens  de  lu  noce.  —  Allec-i-^us-en  chacun  chez  vous 
Grande  fête  de  l'industrie  française  i  la  suite  de  l'Exposition. 


une  médaille  de  la  valeur  de  cinq  cents  francs,  à  prendre 
sur  les  fonds  de  la  souscription  nationale  pour  combat- 
tre le  socialisme ,  à  chacun  des  lis  envoyés  à  l'Exposi- 
tion. 

1  II  n'y  a  pas  de  premier  grand  prix. 

»  Voulant  réunir  en  une  seule  et  même  fleur  les 
avantages  de  trois  fleurs  qui  sont  : 

n  Le  lis  bleu  ; 

»  Le  lis  blanc  ; 

»  Le  lis  rouge  ; 


n  Le  comité  met  au  prochain  concours  :  le  lis  trico- 
lore. » 

M.  Dupin  espère  que  de  cette  manière  tous  les  partis 
seront  contents.  La  découverte  du  lis  tricolore  mettrait 
fin  aux  luttes  des  partis. 

MM.  Thiers  ,  Bcrryer  ,  Viellard  ,  secondes  par  des 
praticiens  habiles,  se  sont  mis  à  la  recherche  de  cette 
fleur  merveilleuse. 

Voilà  oij  en  est  maintenant  la  rue  de  Poitiers,  elle 
cherche  le  lis  tricolore.  Jean  VERTOT. 


L'INSERTION  D'UNE  LETTRE. 


L 


—  Ils  m'ont  déclaré  que  le  rédacteur  avait  perdu  la 
copie,  et  que  du  reste  la  lettre  paraîtrait  demain.  « 


"  Commandant? 

—  Général! 

—  Voici  une  lettre  adressée  par  le  président  de  la 
République  il  son  aide-de-catnp,  M.  Edgar  Ney.  Je  re- 
çois l'ordre  de  la  faire  insérer  dans  le  journal  officiel  de 
Rome.  Allez  la  porter  aux  cardinaux. 

—  Oui,  général.  » 


IL 


o  Eh  bien  !  avez-vous  vu  les  cardinaux? 

—  Oui,  général. 

—  Peut-on  savoir  pourquoi,  malgré  leur  promesse 
d'hier,  la  lettre  du  président  n'a  point  paru  dans  le 
journal  officiel. 


IIL 

a  Est-ce  qu'on  se  ficherait  de  nous ,  par  hasard  ? 

—  Qu'avez-vous,  général  ? 

—  Voici  le  journal  d'aujourd'hui,  et  pas  de  lettre! 

—  Les  cardinaux  out  écrit  pour  vous  présenter  leurs 
excuses;  ils  prétendent  qu'ils  n'ont  pu  publier  la  lettre 
parce  que  la  place  manquait.  Le  journal  est  rempli  au- 
jourd'hui par  la  liste  des  indi\idus  proscrits.  Demain, 
sans  faute  ,  la  lettre  du  président  verra  le  jour.  « 

IV. 

«  Mon  graïul  uniforme,  mes  épaulottcs,  mon  épée! 

—  Est-ce  que  nous  jiassons  imc  icmic  aujourd'hui , 
général. 


A   LUSA(iK   DKS  GKINS  SKKIELX. 


I M 


—  Vous  allez  me  siijmt  ilicz  ces  cardiiiauv.  Je  viens 
de  |);iicouiir  le  joiiinal ,  pas  plus  de  letli>e  r|ue  sur  ma 
main.  Vite  à  clieval  ! 

—  Voici  un  abbé  qui  arrive. 

—  excellence,  c'est  de  la  |)art  des  cardinaux.  Je  suis 
chargé  de  vous  prévenir  de  leiu-  part  que  c'est  par  un 
pur  oubli  ipie  la  lettre  du  président  n'a  point  paru  dans 
le  journal  otliciel.  Le  cardinal  Antonelli,  qui  est  fort 
distrait,  l'avait  gardée  dans  sa  |)oclie.  Son  Kniiiieuce  a 
mis  un  morceau  de  papier  dans  sa  tabatière  [raur  se 
rappeler  de  l'envoyer  à  liuipriuicrie.  La  lettre  donc  ne 
pourra  manquer  de  paraître  demain.  .. 


V. 


«Décidément  ces  gens-là  se  moquent  de  nous,  la 
lettre  est  encore  restée  dans  la  |)oche  du  cardinal  Au- 
tonelli.  Commandant? 

—  Général! 

—  Vous  allez  prendre  quatre  hommes  et  un  caporal, 
vous  vous  rendrez  à  l'imprimerie  du  gouvernement ,  et 
vous  n'en  bougerez  pas  que  la  lettre  n'ait  été  imprimée. 

—  Voilà  une  mesure  grave  ,  général  ;  qui  sait  ce  que 
dira  M.  de  Corcelles? 

—  Laissons  cela,  vous  avez  raison  ;  il  vaut  mieux  faire 
placarder  la  lettre  sur  les  murs  de  la  ville. 

—  Diable  !  que  pensera  M.  de  Raynevalî 

—  Contentons-nous  alors  d'en  faire  circuler  des  co- 
pies manuscrites. 

—  Cola  blessera  peut-être  M.  de  Falloux. 

—  Alors,  il  ne  me  reste  plus  qu'une  chose  à  faire. 

—  Quoi  donc,  général? 


—  Donner  ma  démission. 

—  On  ne  l'acceptera  pas,  il  vaut  uiii  ux  alliiidre. 
Peut-être  l-s  cardinaux  consentiront-ils  enfin  à  tenir 
leur  promesse.  M  faut  leur  écrire  dans  ce  sens. 

—  l'écrivez.  » 


VI. 


"  Encore  une  lettre  de  ce  général,  que  demande-t-il? 

—  Que  vous  fassiez  paraître  la  missive  de  son  prési- 
dent. 

—  Ilépondoz  lui  qu'elle  verra  le  jour  demain. 

—  C'est  déjà  fait ,  Éminence. 

—  Décidément,  ces  Français  sont  des  imbéciles: 
comme  ils  gobent  tout  ce  qu'on  leur  dit  !  Tantôt  le  ré- 
dacteur perd  la  copie  ,  tantôt  la  place  manque;  hier, 
j'oublie  la  lettre  dans  ma  poche.  Ils  ne  veulent  donc 
pas  comprendre  que  nous  ne  couse  niiions  jamais  à  im- 
primer cette  lettre  dont  ils  font  tant  de  bruit. 

—  Et  .s'ils  nous  y  forcent? 

—  L'abbé,  ce  que  vous  dites  là  est  une  niaiserie. 
Vous  savez  bien  qu'il  faut  renoncer  à  nous  forcer  de 
faire  quelque  chose  malgré  nous.  » 


VII, 

Il  paraît  que  le  général  a  fini  par  comprendre  l'inu- 
tilité de  toute  nouvelle  démarche,  car  les  feuilles  qui 
reçoivent  les  communications  du  ministère  annoncent 
([ue  décidément  la  lettre  du  président  ne  paraîtra  pas 
dans  le  journal  officiel  de  Rome. 


LE  ROLE  DE  LA  FRANCE. 


I. 


0  Puits  de  sagesse,  lumière  du  Frangistan,  mon  su- 
blime maître  m'envoie  vers  tes  sacrés  genoux  pour  te 
demander  un  conseil. 

—  De  quoi  s'agit-il? 

—  Tu  n'ignores  point,  lumière  du  Frangi.'^lan ,  que 
les  nommés  Kossuth  et  Dembinski  se  sont  réfugiés  sur 
les  terres  du  sultan. 

—  Je  ne  le  sais  que  trop. 

—  Or,  l'empereur  d'Autriche  éprouve  le  besoin  de 
faire  pendre  les  susdits  Kossuth  et  Dembinski,  et  il  a  de- 
mandé à  mon  maître  de  les  lui  livrer. 

—  Et  ton  maître  s'est  exécuté? 

—  Pas  du  tout,  puils  de  sagesse;  la  Turquie  tient  à 
sa  vieille  réputation  d'hospitalité,  et  elle  ne  livre  pas 
ainsi  sur  première  sommation  les  proscrits  qui  viennent 


chercher  un  asile  sur  son  lerriloire.  Elle  voudrait  bien 
les  garder  ;  cependant... 

—  Eh  bien  ? 

—  La  Russie,  je  ne  dois  pas  le  di.ssimnier,  menace 
d'envoyer  drs  lioupes,  de  nous  déclarer  la  guerre. 
Seuls,  noiiG  serons  peut-être  battus;  mais  si  la  France 
voulait  s'en  mêler...  Bref,  mon  maître  désirerait  avoir 
ton  avis  sur  ce  qu'il  convient  de  faire  dans  celte  circon- 
stance. 

—  Repassez  dans  un  mois ,  il  faut  que  j'écrive  à  mon 
gouvernement.  » 

IL 

«  Puits  de  sagesse,  lumière  du  Frangistan... 

—  Encore  vous  ? 

—  .Mon  sublime  maître  in'en\oie  pour... 


REVUE  COMIQUE. 


—  Je  vous  avais  dit  de  repasser  dans  un  mois.  Je  n'ai 
pas  encore  reçu  de  réponse. 

—  C'est  que  la  cliose  presse:  l'ambassadeur  de  Uussie 
s'est  joint  à  l'ambassadeur  d'Aulriclie. 

—  Que  voulez-vous  que  j'y  fasse  ? 

—  Il  paraît  que  l'empereur  Nicolas  éprouve ,  de  son 
côté  ,  le  besoin  de  faire  périr  Kossulh  et  Dembinski  dans 
les  mines.  Que  doit  faire  mon  maître? 

—  Ce  qu'il  voudra.  Est-ce  que  cela  me  regarde  ? 
J'aileiuls  la  réponse  de  mon  gouvernement.  » 

m. 

..  11  parait  que  la  France  nous  abandonne ,  vizir  ? 

—  Cela  me  fait  cet  elïel ,  Ilautesse. 

—  Par  l'étrier  d'Ottman  !  je  ne  conçois  rien  à  cette 
conduite. 

—  Ni  moi  non  plus. 

Ne  pas  venir  à  noire  aide  quand  il  s'agit  de  sau- 
ver de  malheurcu'c  exilés  !  Est-ce  là  cette  nation  qui  se 
lirétcnd  la  plus  clievaleres(iuc  de  la  terre  ? 

—  Ses  mœurs  ont  peut-être  change. 

—  C'est  égal ,  puisque  les  chrétiens  se  conduisent 
ainsi,  lis  Turcs  ne  doivent  pas  imiter  leur  conduite. 
iN"est-ce  pas,  vizir? 


—  Je  suis  parfailement  de  votre  avis,  Ilautesse. 

—  Ainsi,   nous  dirons  h  l'andjassadeur  d'Aulriche... 

—  Nous  lui  dirons  :  zut  ! 

—  Et  à  l'ambassadeur  de  Russie.'' 

—  Nous  lui  répondrons  :  des  navels  !  » 

IV. 

I.  Il,iulesse? 

—  Qui  vi<nt  me  déranger  [icudani  ipic  je  fume  ma 
pipe? 

—  ûnd)rc  de  Dieu,  c'est  l'ambassadeur  de  l'rance 
(pii  demande  une  audience. 

—  Pourcpioi  faire  ? 

—  Tour  communiquer  la  réponse  de  son  gouverne- 
ment au  sujet  des  réfugiés  politiques. 

—  Les  réfugiés  politiques!  J'ai  déjà  répondu  aux 
deux  ambassadeurs  que  je  les  garderai ,  et  un  suliau 
n'a  que  sa  parole. 

—  Que  faut-il  dire  à  l'ambassadeur  î 

—  Qu'il  me  laisse  lraui|uille,  l'alfaire  ne  regarde  pas 
le  giiuvcrnemcnt  français.  » 

C'est  précisément  la  réponse  (pie  le  général  Aupick 
était  chargé  de  liansmcllre  au  tlivan  de  la  paît  de 
M.  de  Tocquevillc. 


i.E  iioi  1)1'  (:()Nf;ni;s  nie  i.a  paix. 
Le  Coquerel  odorant  et  lY-lrgant  Dtgu.rrry  sVntrcl:icuit  pour  former  sa  couronne.  -  Paix  à  ces  hommes  de  bonne  volonté 


A  L'LSAGK  DES   GENS  SÉRIEUX. 


Mil 


I.V    IIN   1)1-   CONdi;. 


'■  V.\i  bini,  CahasNol,  il  faiil  faire  nos  iniilli's. 

—  Ilrla.s!  mon  paiiviL-  Dt'slonjac! 

—  Ji"  viens  de  rclcnir  ma  iilarc  à  la  dilii^rncc. 

—  Hier  j'en  ai  fait  aniaiil.  Il  fant  allée  nous  enlasscr 
encore  dans  celle  maudite  salle  de  carlon. 

—  f'jicore  s'il  y  avait  dos  vacances  toutes  les  années! 

—  Je  compte  en  faire  la  proposition,  mon  cher  Des- 
toujac. 

—  Votre  proposition  est  insufiisanle ,  mon  ciier  Ca- 
bassoi;  j'en  rumine  une  qui  nous  conduirait  bien  p!us 
dircclement  au  but. 

—  Laf|iiclle? 

—  Quelle  est,  au  point  de  vue  de  l'ordre  et  do  l'Iion- 
uOteié,  la  véritable  uiission  du  représentant  du  peuple? 

<■  Surveiller  l'esprit  public  de  son  déparlemeiil  ; 
"  Maintenir  son  conseil  général  dans  un  état  d'effer- 
vescence satisfaisant  ; 
»  Poussera  la  revision  de  la  Conslilulion  ; 
»  A  la  règtcincnlation  du  suffrage'  uniierscl; 
»  Surveiller  les  maîtres  d'écolo; 
»  Serrer  de  près  les  fonctionnaires; 
'■  Exciter  des  mécontentemenls  contre  la  Ilépublique  ; 
■■  Dénoncer  les  républicains.  ■> 
Or,  cette  mission  ,  pouvons-nous  la  remplir  à  Paris? 

—  Il  est  évident  que  non. 

—  A  Paris,  que  ferons-nous? 

—  [lien  de  bon. 

—  Nous  perdons  notre  temps  à  discuter  des  lois,  h 
nous  occuper  des  nations  étrangères.  Que  nous  importe, 
à  nous ,  l'organisation  de  l'assistance  ou  la  question  ro- 
maine. L'essentiel  est  que  le  conseil  général  de  notre 
département  vote  bien,  voilà  tout.  La  preuve  que  notre 
présence  n'est  pas  utile  à  Paris ,  c'est  ce  qui  se  passe 
en  ce  moment.  Est-ce  que  les  affaires  ne  vont  pas  bien? 
Au  contraire,  elles  ont  repris  depuis  que  l'Assemblée 
législative  s'est  prorogée. 


Est -ce  que  la  Bourse  ne  monte  pas? 

l'ist-ce  que  la  valeur  des  ca|)itaux  n'augmenie  pas  ? 

I!st-ce  (|U'-  la  Erance  n'est  pas  parfailcuiciit  heu- 
reuse ? 

llépoi)d(7,-moi  donc,  (!abassol,  faites-moi  une  objec- 
tion (iuelcon(]ue  ? 

—  Je  n'en  trouve  point,  mon  cher  Destoiijac. 

—  Que  faut-il  donc  conclure  de  tout  ceci  ?  Cii>\. 
qu'on  peut  Irès-bien  se  passer  de  l'Assemblée.  Je 
conq)te  donc  soumettre  à  son  approbation  la  jiroposi- 
tion  suivante  : 

Art.  1.  —  On  continuera  à  nommer  des  représen- 
tants. 

Art.  2.  — Lesrepréscnlaniscontinueront  à  toucher 
vingt-cinq  francs. 

ART.  3.  —  Les  représentants  résideront  dans  les 
départements. 

Art.  h.  —  Une  commission  de  vingt-cinq  représen- 
tants siégera  à  Paris  pour  entendre  les  couununicalions 
que  le  gouvernement  cl  M.  Changarnier  voudront  bien 
lui  faire  de  temps  en  temps. 

—  Bravo  ! 

—  N'est-ce  pas  que  celle  proposiii'iu  est  bonne  ? 

—  Excellente. 

—  Je  demanderai  tout  de  suite  à  la  développer  à  la 
tribune. 

—  Vous  n'en  aurez  pas  besoin. 

—  Vous  croyez  ? 

—  Votre  proposition  sera  adoptée  sur  son  simple 
énoncé. 

—  Et  les  Montagnards?  je  crains  qu'ils  ne  fassent 
quelque  opposition. 

—  On  les  laissera  faire. 

—  C'est  ma  foi  vrai  :  ainsi  donc  noire  absence  ne 
durera  pas  longtemps,  et  nous  pourrons  bien  revenir 
goûter  le  bonheur  de  la  faaiille  et  les  joies  de  l'émar- 
gement. 


POURQUOI. 


<'  L'ingratitude  des  partis  est  quebiue  chose  de  vrai- 
ment odieux.  Savez-vous  quelle  élait  la  cause  de  la  ma- 
ladie de  M.  de  Ealloux  ? 

—  La  letlre  du  président,  parbleu  ! 

—  Je  vous  y  prends  comme  les  autres,  malheureux  ; 
vous  ne  savez  donc  pas  que  renlètemeul  de  Rome  fait 
le  désespoir  de  M.  de  Falloux  ? 

—  Ah  bah! 

—  Qu'il  voudrait  arracher  des  concessions  au  pape? 

—  Pas  possible! 

—  Qu'il  s'épuise  à  demander  des  réformes? 

—  Tiens,  tiens,  tiens!  !  ! 

—  Oui,  mon  cher,  c'est  comme  j'ai  l'honneur  de  vous 


le  dire  :  le  chagrin  de  n'avoir  pu  réussir  lui  a  donné  un 
rhume  de  cerveau,  lequel  rhume  s'est  changé  eu  pleu- 
résie, et  la  pleurésie  allait  se  métamorphoser  en  fluxion 
de  poitrine  ,  lorsque  ,  beureusemeni ,  on  est  venu  lui 
anuoncer  que  le  pape  se  décidait  enfin  à  sui\re  la  poli- 
tique indiquée  par  M.  de  Falloux. 

»  Un  mieux  sensible  s'est  tout  de  suite  manifesté 
dans  son  état. 

»  Vous  avez  pu  lire ,  en  effet ,  dans  les  journaux ,  un 
manifeste  adressé  par  le  pape  à  ses  fidèles  sujets,  dans 
lequel  il  leur  fait  part  des  réformes  et  améliorations 
qu'il  compte  introduire  dans  les  États  de  l'Eglise. 

»  Le  pape  commence  par  remercier  coUectiveaieiit 


REVUE   COMIQUE 


les  puissances  auxquelles  il  doit  sou  rétablissement.  Il 
n'a  lias  voulu  s'adres.-er  à  la  France  toute  seule ,  de 
crainte  de  niéconlçnteries  Napolitains  et  lesKspagnols,  et 
d'allumer  une  guerre  entre  ces  deux  jicuples  et  la  na- 
tion française. 

»  Le  pape  annonce  ensuite  qu'il  donne  une  amnistie 
géuérale,  dont  il  croit  devoir  excejilcr  pourtant  : 

»  Les  triumvirs  ; 

1)  Les  ministres  du  triumvirat; 

»  Les  employés  supérieurs; 

»  Les  ofliciers  de  l'armée  ; 

»  Les  membres  de  la  Constituante  romaine  ; 

•  Les  membres  de  l'anciinne  Chambre  des  députés; 

»  Et  une  douzaine  d'autres  catégories  d'individus 
qu'il  serait  trop  long  d'énumérer. 

..  Quant  aux  institutions  politi([ues,  le  pape  nommera 
une  commission  qu'il  se  réserve  de  consniier  toutes  les 
fois  qu'il  le  jugera  convenable  sur  les  affaires  d'Etal. 

—  Et  vous  diies  que  c'est  là  ce  (pii  a  déterminé  un 
mieux  sens-ible  dans  l'état  de  M.  de  Falloux  ? 

Dès  qu'on  lui  a  annoncé  l'apparition  du  mani- 
feste, il  s'est  senti  plus  fort  en  effet;  mais  après  ra\oir 
lu,  il  est  tombé  dans  rabattement. 

—  'Vous  diies?... 

—  Qu'il  s'est  senti  découragé. 

—  H  trouvait  peut-être  que  le  pape  allait  trop  loin. 

—  Au  contraire,  malheureux  ingrat ,  au  contraire, 
voilà  comme  vous  êtes  tous,  gens  de  parti;  sachez  doue 
que  M.  de  Falloux  est  aussi  libéral  que  vous  et  moi ,  il 
demandait  pour  Rome  : 

»  Le  suffrage  universel, 


»  L'égalité  de  l'impôt , 

1)  L'éducation  gratuite, 

»  Toutes  les  réformes,  en  un  mol,  que  l'on  réclame 
pour  la  France.  Avcz-vovis  lu  la  lettre  de  >L  de  Falloux 
publiée  |)ar  les  journaux  piémontais,  et  reproduite  par 
la  Patrie?  C'est  là  que  vous  apprendrez  à  le  connaître. 
Dans  cille  épîire ,  M.  de  Falloux  exhale  la  profonde 
douleur  que  lui  cause  l'aveuglement  des  cardinaux. 

»  Si  vous  conliimez  dans  cette  voie,  écrit-il ,  il  ne 
me  restera  plus  (pi'à  quitter  le  monde,  et  à  aller  gémir 
au  fond  de  quelque  obscure  retraite  sur  les  malheurs 
auxquels  on  expose  l'Égli-e. 

—  La  lettre  existe  en  effet,  mais  il  s'agit  de  savoir  si 
elle  est  de  M.  de  Falloux,  et  pourquoi  il  l'a  écrite. 


L'HOMME  NOIR. 


Hommes  noirs ,  d'où  .-iortez-vous  ? 
Nous  sortons  de  dessous  terre. 
Moitié  renards,  moitié  loups  , 
Notre  règle  est  un  mystère. 
Nous  sommes  (ils  de  Loyola. 
Vous  savez  pourquoi  l'on  nous  exila. 
C'est  nous  qui  fessons , 
Et  qui  refes-ons 
Les  Jolis  petits,  les  jolis  garçons. 

(BÉRA.NGER.) 

Oui,  c'est  moi,  c'est  bien  moi,  l'homme  noir  dont 
parle  la  chanson.  Mettez-vous  à  genoux  ,  et  baisez  le 
pan  de  ma  soutane. 

H  ne  s'agit  plus ,  pour  moi,  seulement  de  fesser  les 
peti's  garçons  ;  il  me  faut  encore  les  jeunes  gens  et  les 
hommes. 

C'est  à  moi  dorénavant  que  vous  aurez  affaire,  jeunes 
gens;  c'est  moi  qui  vous  enseignerai  les  belles -lettres, 
l'histoire  et  la  philosophie. 


Virgile  et  Horace  choquaient  la  pudeur.  J'en  ai  fait 
faire  des  éditions  à  l'usage  de  la  jeunesse. 

Tacite  enseigne  la  haine  des  tyrans;  Bossuet  con- 
tient des  passages  dangereux;  les  autres  histoires  four- 
millent de  monstruosités  morales.  J'ai  commandé  un 
abrégé  de  l'histoire  universelle  au  père  Loriquet. 

Quant  à  la  philosophie,  vous  l'apprendrez  dans  les 
mandements  de  vos  évêques.  Plus  d'école  normale, 
plus  de  collèges,  plus  de  pensionnats.  Des  séminaires, 
encore  des  séminaires,  toujours  des  séminaires. 

L'École  d'administration  est  là  pour  vous  apprendre 
comment  je  traite  les  établissements  fondés  sur  l'esprit 
moderne. 

Quant  à  vous,  hommes  d'un  âge  niiir,  célibataires  ou 
mariés ,  songez  à  aller  à  la  messe, 

A  vous  confesser  une  fois  par  semaine, 

A  faire  partie  d'une  congrégation  , 

A  vous  affilier  à  quelque  confrérie  de  pénitents, 

A  porter  le  cierge  aux  processions. 


A  L'USAGE  DKS  GENS  SERIEUX. 


103 


Je  ne  badine  pas  avec  les  impies ,  et  je  me  suis  déji 
enlendiiavec  iM.  Carlier,  cpii  ddit  inepiOter  une  paille 
de  son  personnel  |)(inr  cpie  je  clmisisse  les  familiers  du 
nouveau  saint-oirue. 

Un  de  vos  ministres  vous  l'a  dii  :  —  I/In(piisitioii  a 
élé  une  insiiintion  salutaire;  je  ^iens  exprès  |)our  la 
rétablir. 

Notre  règle  (st  un  niyslère,  a  dit  ce  chansonniei- 
atliêe  qui  s'appulle  Béranger.  Le  mystère  élail  bon  au- 
trefois; inainlenant  nous  marclionsà  visage  découvert. 
Notre  règle  ne  se  propose  ([u'iin  but  :  le  pouxoir;  or  le 
pouvoir  est  à  nous. 

C'est  par  pure  bonté  d'ànie  que  nous  ne  nous  em- 
parons pas  tout  de  suite  des  registres  de  l'État  civil, 

Que  nous  ne  rétablissons  pas  la  dîme  , 

Que  nous  ne  vous  forçons  pas  à  payer  un  milliard 


d'indemnité  pour  les  biens  dont  la  lévoluiiuM  a  dé- 
pouillé 11'  cleigé, 

Que  nous  n'obligeons  pas  les  protestants  &  (]uiti(i  le 
royaume. 

Cela  viendra  plus  tard.  Il  nous  faut  pour  le  moment 
imurvoir  au  plus  pressé.  Une  fuis  bien  établis,  nous 
verrons  le  reste. 

Empressez  -  vous  de  faire  amende  bonorable  de  vos 
péchés,  à  l'excniple  de  Faucher  et  de  Barrot  convertis 
par  Falloux. 

Inclinez-vous  donc,  et  obéissez  à  l'homme  noir.  Les 
armes  du  pouvoir  temporel  sont  entre  nos  mains.  N'es- 
sayez pas  de  vous  révolter;  vous  savez  conmient  nous 
en  avons  fini  avec  les  ré|)ublicains  de  lUimc 

Voyez,  mes  très  chers  frères,  si  vous  void(  /,  subir  le 
même  traitement. 


LES  RECEPTIONS  DE  M.  LACROSSE. 


«  Monsieur  le  ministre ,  il  va  là  une  dépulation  de 
la  commune  de  Carpentras  qui  demande  à  vous  entre- 
tenir des  intérêts  de  son  département. 

—  Qu'elle  entre. 

—  Monsieur  le  ministre,  nous  venons  pour  vous  par- 
ler de  nos  chemins,  qui  sont  dans  un  bien  mauvais  état. 

—  Cela  m'étoime. 

—  Nous  avons  deux  ponts  qui  menacent  ruine. 

—  L'Etat  aussi  menaçait  ruine ,  mais  nous  l'avons 
sauvé.  Souffrez,  messieurs,  que  je  vous  remercie  de 
l'énergie  avec  laquelle  vous  avez  réprimé  les  premiers 
la  guerre,  dès  qu'elle  a  levé  la  tète  dans  vos  contrées. 

—  Mais  nous  n'avons  pas  eu  seulemenl  une  émeute 
à  Carpentras,  demandez  à  Bourbousson. 

—  Vous  avez  bien  mérité  de  la  patrie  dans  ces  graves 
circonstances. 

—  Et  nos  chemins! 

—  Vive  Napoléon  ! 

—  Et  nos  ponts  ! 

—  Vive  l'Empereur  !  Au  revoir ,  messieurs ,  et  son- 
geons à  mener  à  boime  un  ce  grand  travail  de  la  révi- 
sion de  la  Coustilutiou.  » 


«  Voici,  monsieur  le  ministre ,  le  projet  de  traité  que 
vous  nous  avez  demandé. 


—  Pas  de'  traité  avec  l'anarchie. 

—  Nous  ne  sommes  pas  l'anarchie,  mais  tout  sim- 
plement des  membres  du  comité  de  surveillance  du 
chemin  de  fer  de  Paris  à  Lyon  ;  nous  venons  vous  sou- 
mettre les  conditions  de  notre  futur  marché  avec  l'État. 

—  J'en  prendrai  connaissance.  Permettez  en  atten- 
dant que  je  vous  remercie  de  la  vigueur  avec  laquelle 
vous  avez  repoussé  les  premières  tentatives  de  guerre 
civile.  La  patrie  vous  doit  une  reconnaissance  éternelle 
pour  vos  efforts.  Vous  pouvez  vous  retirer,  messieurs, 
l'émeute  est  vaincue.  Vive  Napoléon  !  vive  l'Empereur  !  ■> 


IIL 


><  C'est  aujourd'hui  que  nous  recevons  la  commission 
pour  l'achèvement  du  Louvre,  que  faudra-t-il  lui  dire, 
monsieur  le  ministre?  Vous  n'ignorez  pas  que  la  ques- 
tion est  grave. 

—  Sans  doute. 

—  Et  qu'elle  exige  une  prompte  solution. 

—  Parbleu  ! 

—  Nous  dirons  alors  à  la  commission 

—  Vous  lui  direz  que  je  la  remercie  du  dévouement 
avec  lequel  elle  a  mis  fin  à  la  guerre  civile  qu'on  es- 
sayait d'allumer  dans  ses  paciliques  contrées. 

—  Les  contrées  de  la  commission  ? 

—  Nous  pouvons  maintenant,  grâce  à  ses  efforts,  nous 
occuper  d'affaires. 

—  C'est  là  tout  ce  que  nous  avons  à  lui  dire  ? 

—  N'oubliez  pas  d'ajouter  à  la  fin  :  Vive  Louis-Na- 
poléon !  vive  l'Empereur.  ■■ 


RKVUE   COMIQUK 


Depuis  sa  deniiùre  excursion  à  Houcn  ,  le  ministre 
des  liavaux  publics  est  dans  un  état  qui  alarme  ses  amis. 
On  sait  qu'au  lieu  de  parler  de  rendigucment  de  la 
Seine,  il  n'a  parlé  aux  Roucnnnisque  des  tristes  émeutes 
qui  suivirent  la  révolution  de  février. 

Hier,  M.  Laciossc  a  réuni  le  corps  des  ponts  et 
cliaussées  pour  lui  demander  un  rapport  sur  un  che- 


min de  fer  ainiospliéri(iue  pour  arriver  à  la  révision  de 
la  Constitution. 

Il  a  demandé  que  l'on  rétablît  la  Bastille.  11  fait  tra- 
vailler nuit  tt  jour  ses  employés  à  dresser  les  devis  de 
ce  travail  qu'il  veut  soumettre  tout  de  suite  à  la  com- 
mission des  bâtiments  nationaux ,  afin  qu'on  puisse  y 
mettre  la  main  cet  hiver,  si  la  saison  est  assez  douce. 

En  outre  il  s'est  commandé  une  statue  équestre,  qui 
figurera  sur  la  place  de  la  Concorde.  Il  sera  représenté 
foulant  aux  pieds  l'anarchie.  Il  serait  prudent,  je  crois, 
de  confier  l'intérim  des  travaux  publics  h  M.  Lanjui- 
nais.  On  verrait  plus  lard  ce  qu'il  y  a  à  faire. 


DENJOY  CAPTIF. 


.M.  Denjoy  n'assistera  pas  aux  premières  séances  de 
l'Assemblée  législative;  on  ne  sait  même  pas  s'il  pourra 
suivre  ses  travaux. 

Ou  sait  que  les  dames  de  Toulouse ,  éprises  d'une 
belle  passion  pour  le  jeune  et  chevaleresque  représen- 
tant de  la  Gironde,  lui  ont  décerne  une  médaille  d'hon- 
neur. M.  Denjoy  s'était  rendu  dans  la  ville  de  Clé- 
mence Isaure  pour  recevoir  sa  médaille  des  blanches 
mains  d'une  députation  composée  des  plus  belles  fem- 
mes du  pays. 

Fatale  imprudence  ! 

Quand  M.  Denjoy  s'est  présenté  aux  portes  de  Tou- 
louse, les  cloches  sonnaient  à  toute  volée,  les  rues 
étaient  jonchées  de  fleurs  ;  une  garde  d'honneur  com- 
posée de  femmes  l'attendait  pour  l'escorter;  on  avait 
fait  venir  le  poète  Jasmin  d'xigen  pour  haranguer  le 
triomphateur  et  pour  lui  mettre  des  papillotes. 

A  peine  descendu  à  son  hôtel,  les  dames  de  Tou- 
louse ont  demandé  qu'il  parût  au  balcon  :  aussitôt  qu'il 
s'est  montré ,  toutes  les  mains  lui  envoyaient  des 
baisers. 

—  Qu'il  est  beau  ! 

—  Qu'il  est  gentil! 

—  Qu'il  est  aimable! 

—  C'est  l'ange  de  la  réaction  I 

Voilà  ce  qu'on  entendait  dire  de  toutes  parts. 

Un  étranger  qui  se  trouvait  par  hasard  devant  l'hôtel 
s'étant  permis  de  dire  qu'd  lui  semblait  que  l'ange  de 
la  réaction  prenait  du  ventre,  les  dames  de  Toulouse  se 
sont  jetées  sur  lui  et  voulaient  le  mettre  en  pièces. 

Heureusement  Jasmin  ,  touché  de  son  sort ,  l'a  fait 
passer  pour  un  de  ces  garçons  affligés  d'une  myopie 
numéro  1  :  il  est  parvenu  à  persuader  aux  Toulousaines 
que  l'infortuné  presbyte,  c'est  myope  que  je  veux  dire, 
avait  confondu  M.  Denjoy  avec  l'adjoint  au  maire  qui 
se  trouvait  à  côté  de  lui  sur  le  balcon. 


Cet  ingénieux  stratagème  a  sauvé  l'imprudent 
étranger. 

Personne  n'ignore  que  Toulouse,  à  l'instar  de  Rome, 
possède  un  Capitule;  les  dames  ont  exigé  que  M.  Den- 
joy y  montât  pour  recevoir  sa  médaille. 

Après  avoir  obtempéré  à  ce  vœu ,  M.  Denjoy  a  parlé 
de  faire  ses  adieux  au  beau  sexe  de  Toulouse. 

Le  beau  sexe  lui  a  déclaré  qu'il  ne  s'en  irait  pas 
ainsi ,  et  qu'avant  de  partir  il  fallait  qu'il  éiwusàt 
Clémence  Isaure. 

0  Comment ,  Clémence  Isaure ,  elle  est  morte  depuis 
cinq  cents  ans! 

—  N'ous  croyez  ça  ? 

—  Parbleu  !  ' 

—  Vous  ignorez  alors  nos  usages.  Chaque  année,  uu 
concours  a  lieu  à  Toulouse  entre  toutes  les  femmes  : 
l'auteur  du  meilleur  acrostiche  est  proclamée  présidente 
des  Jeux-Floraux  à  la  place  de  Clémence  Isaure,  dont 
elle  prend  le  nom ,  qu'elle  garde  durant  toute  sa  vie 
avec  les  honneurs  et  prérogatives  qui  y  sont  attachés.  • 

Il  est  bon  que  dès  h  présent  le  lecteur  sache  que  la 
Clémence  Isaure  actuelle  a  quarante-  cinq  ans ,  qu'elle 
prend  du  tabac  et  qu'elle  est  grêlée. 

M.  Denjoy  voudrait  bien  s'enfuir,  mais  il  est  gardé 
à  vue  par  les  dames  de  Toulouse.  Jasmin  lui  récite  des 
vers  toute  la  journée ,  pour  le  consoler  dans  sa  capti- 
vité. Du  reste  les  plus  délicates  attentions  lui  sont  pro- 
diguées. On  a  mis  déjà  cinquante  fois  son  nom  en  acros- 
tiches, et  on  a  immolé  les  oies  du  Capitole  toulousain 
pour  lui  en  faire  uu  pâté  de  foies  de  canards. 

J'ignore  ce  que  pense  M.  Denjoy  de  ces  foies  et  de 
ces  acrostiches,  mais  j'avoue  que  l'idée  seule  d'épouser 
une  femme  grêlée  sufTirait  pour  troubler  mon  bonheur. 

Mais  M.  Denjoy  est  si  courageux  ! 

Espérons  cependant  que  le  gouvernement  prendra  en 


A    L'llSA(iK   DKS  (iKNS   SKIUKllX. 


siTictise  ronsidératioii  I.1  posilioii  rrili(|iic  dans  laquelle 
il  se  Iroiive.  Le  beau  sexe  de  Toulouse  uiérite  des 
l'Hards,  uiais  il  ne  faul  pas  (|ue  ces  égards  aillent  jus- 
qu'à la  faiblesse.  Nous  u'hésilons  pas  h  le  dire,  le  gou- 
vernement nian(iMi  riil  l\  lous  ses  devoirs  s'il  ue  déli- 


vrail  pas  M.  Deiijoy,  et  s'il  ne  le  rendait  pas,  au  dC-hiil 
d'une  session  (|ui  menace  d'être  orageuse ,  ù  son  banc 
(le  représenlanl  el  à  l'amilié  de  ses  coIR-Rues,  qui  ont 
le  droit  (le  (■(>mpt(  r  siu-  ses  interruptions  lioniu?lcs  el 
inodiiré'es. 


i.'M.M  AN  \(;ii  i)i:M()f:-s()(;, 


OI'.Dli;  Al  \  AllISTOS. 


\' Alinanach  dhnoc-soc ,  Aià'iè  aux  aristos  par 
Jean  Vertot ,  va  paraître  la  semaine  prociiaiiie.  Nous 
empruntons  la  petite  préface  suivante  à  cette  publica- 
tion, proche  parente  de  la  lUrue  comique. 


PETIT    DIAt-OGlE  F.N   MAMf.KE    Ot-    rntFACi;. 

H  Je  vous  avais  bien  dit,  mon  ciier  Sor ,  (pic  nous 
reviendrions  sur  l'eau  :  je  sois  libre,  heureux,  bril- 
lant coimue  avant  la  r(5vulution  de  février;  taudis  (|ue 
vous!... 

—  Moi ,  je  suis  en  prison  ,  mon  bon  monsieur  Aristo, 
toujours  comme  avant  la  r(!'volution  de  f(?vrier. 

—  Voilà  ce  que  c'est  que  de  ne  pas  accepter  les  cho- 
ses comme  elles  sont  r(!'ellement. 

—  Resteront-elles  toujours  ainsi? 

—  Toujours,  mon  cher,  voyez  plutôt.  I.a  r(>nte 
monte,  les  affaires  reprennent,  la  Bourse  est  plus  rem- 
plie que  jamais.  Aucun  nuage  n'assombrit  l'horizon, 
l'ariout  la  di^'Uiocratie  est  vaincue,  à  Vienne,  à  lîerliu, 
à  Naples,  à  Rome;  la  chute  de  Venise  m'a  fait  gagner 


cinquante  mille  francs.  L'onlre  règne  à  l'ai  is  ,  que  nous 
maiiqnc-t-il? 

—  Oli  !  mon  Dieu,  une  seule  (  hose  ,  presque  lien... 

—  Quoi  donc? 

—  La  monarchie. 

—  ^ous  l'aurons  (luaml  nous  voudrons. 

—  Kt  la  Constitution? 

—  Nous  la  rtïviserons  :  vous  savez  ce  que  cela  veut 
vlii'e. 

—  Dans  trois  ans. 

—  Le  temps  ne  fait  rien  à  l'aff.rire. 

—  Il  y  fait  tout,  au  contraire;  et  vous  savez  aussi 
bien  que  moi  que  le  temps  n'est  pas  pour  vous.  C'est  ce 
qui  \ousd(3sole,  monsieur  Aristo. 

—  Dans  trois  ans,  le  pays  pensera  au  sujet  delà 
Constitution  ce  qu'il  pense  en  ce  moment. 

—  Le  pays  s'(:'claire  tous  les  jours,  et  il  roinmence 
à  vous  connaître.  Vous  ne  i(3ussirez  pas  à  le  tromper 
toujours.  Vous  avez  él(î  libéral  sons  la  Restauration. 

—  Vieux  péché  dont  j'ai  obtenu  l'absolution. 

—  Sous  la  monarchie  de  juillet  vous  étiez  philan- 
thrope. 


I.ES  AVENTURES  DIVERTISSANTES   ET   NON   FOUTIQUES 

De  maître  Lapp  fl  de  S(m  apprenti  Pipps. 


;au  ayant,  sur  ces  entre Taites  , 
le  boucher,  lui  vient  en  aid 
dans  ses  reclierches. 


Un  gendarme .  entendant  de^  bru 

sourds  dans  lagrotte,y  sonpçonn 

des  faux-monnayeurs. 


Pi-ndant  ce  temps,  ii 

plainte  contre  so 

ayant  abandon 

et  son  ménag 


ne  I.iipp  porte 
fcmmc 


REVUE   COMIQUE 


—  Parce  que  c'était  la  mode  alors ,  mais  depuis  nous 
avons  vu  le  danger  de  ces  sensibleries  :  les  philan- 
thropes du  dix-huitième  siècle  nous  ont  conduits  aux 
Jacubins. 

—  Donc  votre  libéralisme  était  un  mensonge,  votre 
philanthropie  un  masque. 

—  Dites  une  double  erreur. 

—  C'est  ce  que  vous  parvitndrez  difiScilemenl  h  per- 
suader h  la  nation.  Vous-même,  d'ailleurs,  vous  n'avez 
pas  toujours  pensé  ainsi.  Rappelez-vous  notre  entrelien 
deux  ou  trois  jours  après  la  prise  des  Tuileries.  Nous 
étions  sur  la  place  de  l'Hôtel-de-Viile.  Vous  alliez  offrir 
votre  concours  au  gouvernement  provisoire  au  nom  de 
je  ne  sais  plus  quelle  corporation.  .Moi,  je  faisais  partie 
d'une  députation  d'ouvriers.  .l'ai  encore  notre  conver- 
sation présente  à  la  mémoire.  Aons  m'abordâtes  le  |)re- 
nrer,  je  crois  même  que  vous  vous  jetâtes  dans  mes  bras. 

Enfin,  vous  écriâles-vous ,  la  monarchie  a  suc- 
combé ,  il  n'y  a  plus  d'esclaves ,  la  France  a  brisé  ses 
fers. 

—  Elle  les  avait  aussi  brisés ,  vous  répondis-je ,  en 
89  et  en  1830. 

—  Celte  foLs,  c'est  pour  tout  de  bon.  Nos  yeux 
s'ouvrent  enfin ,  nous  voyons  que  la  République  seule 
peut  faire  le  bonheur  de  la  France.  Vous  en  avez  dit 
autant  de  tous  les  gouvernements,  et  comme  la  Répu- 
blique vous  faisait  peur,  vous  le  di>iez  dix  fois  plus 
haut,  et  si  souvent  que  beaucoup  de  personnes  ont  fini 
par  vous  croire.  Voyez  le  malheur  des  comédies  infini- 
ment trop  prolongées.  I.a  bourgeoisie  a  pris  vos  paroles 
au  sérieux  plus  que  vous  ne  l'auriez  voulu ,  mon  cher 
monsieur  Aristo,  et  elle  croit  que  la  République  est  son 
salut. 

—  Essayez  de  le  lui  faire  comprendre. 


—  Il  y  a  quelque  temps ,  c'était  plus  difficile.  Vous 
aviez  réussi  à  brouiller  entre  eux  les  membres  d'une 
même  famille.  Voyez-vous  ce  brave  homme  qui  dort 
sur  le  lit  de  la  prison  ?  C'est  mon  compagnon  do  capti- 
vité, l'honnête  Uémoc,  le  bonnetier  qui  demeurait  dans 
ma  maison. 

—  Qu'a-t-il  de  commun  avec  ce  que  nous  disons. 

—  Vous  allez  le  savoir.  Uémoc  s'était  battu  à  la 
révolution  de  juillet,  il  avait  fait  partie  des  sociétés 
secrètes  jusqu'à  l'âge  de  trente-cinq  ans.  Marié  alors, 
à  la  tête  d'une  maison  de  commerce,  il  s'était  retiré  de 
la  politi(iue.  Le  vingt-quatre  février  ,  je  le  rencontre 
dans  l'escalier. 

—  Eh  bien,  papa  Démoc ,  il  parait  que  nous  avons 
une  nouvelle  révolution? 

—  Parbleu  !  c'est  moi  qui  l'ai  faite  hier  en  criant  : 
Vive  la  réforme  !  à  la  tête  de  ma  compagnie. 

—  On  va  proclamer  la  République. 

—  Je  m'en  doute  bien. 

—  Le  commerce  va  s'arrêter. 

—  Vous  n'êtes  qu'un  alarmiste. 

—  Plus  de  confiance  !  plus  de  crédit  ! 

—  Un  agent  de  Pitt  et  Cobourg. 

—  Et  les  riches  n'achèteront  plus,  vous  ne  pourrez 
pas  faire  face  h  vos  engagements  ,  la  faillite  va  arriver  , 
avec  elle  le  déshonneur  et  la  misère.  » 

La  peur  dans  ce  moment-là  n'entrait  pas  dans  le 
cœur  de  ce  brave  Démoc.  Sa  conscience  lui  disait  que 
ce  qu'il  venait  de  faire  était  juste,  et  le  sentiment  de  la 
justice  le  soutenait.  Confiance!  confiance!  Ces  mots 
que  vous  aviez  sans  cesse  à  la  bouche,  il  les  portait  dans 
son  cœur.  J'avais  l'air  de  douter  de  l'avenir,  et  je  n'é- 
tais plus  qu'un  agent  de  l'étranger  à  ses  yeux.  Soc  et 
Démoc  auraient  pu  s'entendre  dans  ce  moment ,  mais 


X.ES   AVENTURES   DIVERTISSANTES   ET   NON    FOUTIÇUES 

De  vicUre  Lnpp  et  de  son  apprenli  l'ipps. 


i!^ 


Les  m.'irrliaritls  de  cristaux,  faïcn 
porcelaines  portent  é;,'alement  pla 


Le  garde-champPtre,  h-rs  d'haU- 
un  rapport  sur  ce  qu'il  a  ente 


A   L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


cela  n'aiirail  pas  fait  votre  ronipti-,  monsieur  Aristo,  et 
vous  \oiis  (5lcs  empressé  de  brouiller  lescartes.  Vous  Ctes 
habile  en  ce  genre  de  métier,  mais  votre  réussite  n'a  pas 
été  de  longue  durée ,  et  vous  le  voyez ,  Démoc  est  en 
prison  comme  moi.  Son  crime  est  d'avoir  crié  :  Vive 
la  Constitution  le  13  juin  sur  le  boulevard.  Ici,  j'ai 
achevé  de  le  former  ,  et  il  comprend  maintenant  qu'il 
n'y  a\ait  qu'un  m;ilenlendu  entre  nous,  el  (|ue  le  bât 
social  pèse  aussi  bien  sin-  les  épaules  du  bourgeois  que 
sur  celles  de  l'ouviicr,  el  que  lout  l'espoir  de  l'avenir 
est  dans  leur  alliance  fraternelle. 

L'histoire  de  mon  voisin  Démoc  est  celle  de  tonte 


la  France.  Nous  sommes  tous  conservateurs  ..  de  la 
République.  Voire  règne  est  passé,  monsieur  Aristo;  on 
ne  veut  pas  (pie  l'agiotage  achève  de  dé\orerle  monde. 
Le  temple  de  Janus,  aujourd'hui  c'est  la  Bourse.  La  paix 
véritable  va  être  signée  entre;  toutes  les  classes  de  la 
société;  fermonslaIlour.se.  Kn  attendant  renoncez, 
croyez-moi,  h  attaquer  la  Républicpie.  C'est  une  lime 
qui  usera  birn  des  dents  de  publicisles  lionnèle  el  mo- 
dérés. La  Uè|)id)lique  est  désormais  un  fait  et  un  droit. 
Si  la  rue  de  Poitiers  fait  im  almanaeli  ,  engagez  le  co- 
mité de  lédaciioii  à  mettre  rv]^  au  uoiiibre  de  ses  pré- 
dictions. 


L'ARRRE 

Au  moins  d'avril,  où  loul  se  prépare  à  renaître, 

On  met  joyeusement  la  lèle  à  la  fenélre  ; 

La  campagne  est  en  llcurs  :  brisant  son  cerrle  étroit 

Le  bourgeon  s'est  ouvert,  insouciant  du  froid; 

La  violette  éclùt  pour  la  main  qui  la  cueille, 

Les  oiseaux  reparus  babillent  sous  la  feuille; 

Leur  insolente  voix,  par  de  joyeux  accents, 

Nargue  l'hiver  qui  fuit  el  les  frimas  absents. 

0  charmants  étourdis!  0  nature  imprudente! 

—  Ce  vieux  sournois  d'hiver,  à  la  lèvre  pendante, 

Rebrousse  son  chemin.  Je  vois  grossir  le  tlot, 

Et  l'arbre  se  repent  d'avoir  fleuri  trop  tôt. 

Sous  le  gazon  naissant  se  cachent  les  pervenches; 

Le  bourgeon  tout  frileux  grelotte  au  bout  des  branches 

Le  ciel  mêle  sa  neige  a  la  neige  des  fleurs; 

De  la  rosée  aux  champs  on  voit  geler  les  pleurs. 

L'hiver  est  revenu  :  le  foyer  se  rallume  : 

L'oiseau  morne  se  lait,  loul  blotti  dans  sa  plume  ; 

El  la  terre,  malade  en  ce  mois  désiré, 

Souffre  du  froid  repris  el  du  printemps  rentré. 

Ainsi,  quand  du  pasié  les  sources  sont  vidées, 
L'esprit  humain  attend  un  renouveau  d'idées; 


DE  LIRERTK. 

Après  le  dur  hiver  et  la  morne  sai.«on. 

Les  cœurs  semblent  s'ouvrir  pour  une  floraison. 

Ce  printemps  ne  tient  pas  :  —  une  âpre  matinée 

Gèle  l'illusion,  tout  en  naissant  fanée; 

On  dirait  que  le  monde  épuisé  va  finir, 

El  le  brouillard  épais  a  voilé  l'avenir. 

Quel  spcctnclel  6  penseur!  pour  ton  âme  ravie, 

Que  ce  duel  de  la  mort  luilant  avec  la  vie  ; 

—  La  vie  aura  son  tour  :  elle  triomphera; 

Après  les  jours  mauvais,  la  chaleur  se  fera; 

Ces  retours  de  l'hiver  auront  peu  de  durée; 

Un  rayon  chassera  celte  brume  épurée; 

Le  soleil  est  caché,  mais  il  n'est  point  éteint; 

La  fleur  réparera  les  langueurs  de  son  teint; 

L'astre  va  ressortir  plus  brillant  du  nuage. 

Et  comme  rajeuni  des  ardeurs  d'un  aulre  âge; 

Le  printemps  commencé  lout  seul  s'achèvera. 

La  nature  ni  l'homme  un  jour  n'avortera. 

Ne  crains  donc  ni  les  vents  ni  les  blanches  gelées. 

Ni  le  grésil  mordant  des  acres  giboulées; 

Malgré  ces  jours  de  froid,  d'ombre  et  d'obscurité, 

Tes  beaux  fruits  mûriront,  arbre  de  liberté! 

Alpuonse  ESQUIROS. 


IXS   AVENTURES   DIVERTISSANTES   ET   NON    FOUTIQTTES 

Df  nt'i'/re  Liipp  et  de  son  apprenti  Pipps. 


On  bat  la  générale. 


côté,  maître  Lapp  sonde  la  grotte  Et"pcndant  cet  exercice,  U  se  trouve  pris. 

.  règne  une  obscurité  complète,  ,       '  [La  tuiUàbimISt.) 


IlEVUE  COMIQUE. 


En  vain  I  on  cherc-lieiail  a  niurùix' 
Sur  le  représentant  qu'on  représente  ici; 
Chanibollo  fut  l'homme  de  l'Ordre, 
Ce  fut  l'homme  du  Siècle  aussi. 
De  la  postérité  Barrot,  pour  récompense 
Méritera  le  nom  de  Minister-Slator  ; 
Et  Chambollo  obtiendra,  je  pense, 
Le  titre  de  Consorve-à-torl. 


lini'  par  Fahritzii 


Gravé   par  lU 


LE  MINISTÈRE  D'ACTION. 


"  Messieurs,  dit  une  voix  s'éievant  au  milieu  du 
conseil  desniinislrcs,  savez-vousque  jesuis  méconlenl 
de  vous  ! 

—  Est-il  possible?  répoiulil  limidcinciu  M.  d'IKiut- 
poul. 

—  Et  si  cela  continue ,  reprit  la  voix ,  je  serai  obligé 
de  prendre  d'autres  coiinnis. 

—  Grands  dieux  !  mais  que  nous  icproche-t-on? 

—  De  ne  rien  faire. 

—  Nous  sommes  cependant  le  grand  ministère  d'ac- 
tion. 

—  Où  est-elle  votre  action?  Voyons,  monsieur 
d'Hautpoul,  qu'avez -vous  fait  depuis  que  vous  avez 
remplacé  ce  bon  Rulhières? 

—  J'ai  rédigé  une  circulaire. 

—  A  qui? 

—  A  la  gendarmerie.  Dans  cette  circulaire,  je  fais 
comprendre  aux  ofTicicrs  de  gendarmerie  qu'ils  ne  sont 
point  institues  dans  le  but  étroit  et  mesquin  de  protéger 
la  vie  et  la  propriété  des  citoyenS  contre  les  voleurs, 
les  vagabonds,  les  incendiaires;  que  la  société  leur  im- 
pose une  plus  large  et  plus  noble  mission  ,  qui  est  cellr 
de  surveiller  les  fonctionnaires  publics  à  tous  les  degrés 
de  l'échelle  administrative  : 

»  Préfets, 

»  Sous -préfets, 

"  Maires, 

0  Receveurs,  • 

»  Gardes  ciianipêlres; 

»  De  prendre  soigneusement  note  de  ce  qn'ils  font. 


de  ce  qu"ils  disent,  et  de  ni'envojer  de  temps  en 
temps,  le  plus  souvent  possible,  des  rapports  confiden- 
tiels à  cet  égard.  Je  veux  ramener  la  gendarmerie  aux 
beaux  temps  de  l'Empire ,  où  elle  secondait  avec  tant  de 
dévouement  les  vues  du  chef  de  l'État.  Dans  l'intérêt 
de  l'ordre,  de  la  famille,  de  la  propriété,  il  ne  faut  pas 
que  les  gendarmes  hésitent  à  devenir  des  mouchards  à 
épaulettes  :  la  fin  sanctifie  les  moyens.  J'ai  transformé 
des  ofBciers  en  espions;  c'e:-t  là  de  l'action,  je  l'e-pwre, 
et  on  me  doit  bien  quelques  éloges  à  cet  égard  ! 

—  Et  vous,  monsieur  le  ministre  des  affaires  étran- 
gères ,  quelle  est  votre  part  d'action  ? 

J'ai  mis  l'armée  française  aux  ordres  de  la  police 

romaine,  j'ai  contre-signe  la  nomination  de  M.  Fialin  de 
Persigny  au  poste  d'ambassadeur,  et  celle  de  M.  de 
Castelbajac  ,  qui  présida  le  conseil  de  guerre  qui  envoya 
à  la  mort  Mouton-Duvernet ,  à  Berlin ,  et  j "ai  fait  don- 
ner la  croix  d'honneur  à  M.  Lucien  Murât. 

\  votre  tour,  monsieur  le  ministre  de  la  justice. 

Quelques  magistrats  nommés  par  le  gouverne- 
ment provisoire  restaient  encore  dans  les  parquets  ;  ils 
ont  été  destitués  par  mes  soins.  Une  place  de  premier 
président  de  cour  d'appel  3  été  offerte  en  mon  nom  à 
M.  Hébert,  et  j'ai  lieu  d'espérer  qu'il  voudra  bien  finir 
par  l'accepter;  de  plus  j'ai  ordonné  de  sévir  vigoureuse- 
ment contre  les  journaux  républicains  :  plus  de  soixante 
ont  été  saisis  par  mes  ordi  es. 

Voyons ,  maintenant ,  monsieur  le  ministre  des 

finances? 


REVUE  COMIQUE 


—  J'ai  demandé  le  rétablissenieiu  de  l'impôt  sur  les 
boissons. 

—  Ceci  est  de  l'action  véritable.  A  monsieur  le  minis- 
tre de  l'intérieur  h  montrer  son  bilan. 

—  Le  voici  par  ordre  arithmétique  : 

»  1°  J'ai  destitué  1rs  derniers  préfets  républicains; 

"  2°  J'ai  nommé  M.  Lacoste,  le  plus  fort  joueur  de 
bouillotte  de  France,  au  poste  de  commissaire  extraordi- 
naire à  Lyon ,  où  son  premier  acte  a  été  de  faire  sus- 
pendre le  Censeur,  un  journal  d'autant  plus  dange- 
reux qu'il  est  modéré  ; 

»  3°  J'ai  interdit  aux  prisonniers  politiques  de  Sainte- 
Pélagie  de  recevoir  la  visite  de  leurs  femmes  et  de  leurs 
enfants; 

»  k"  J'ai 

—  C'est  bien.  Passons  maintenant  au  ministère  du 
commerce;  la  parole  est  h  M.  Dumas. 

—  Renfermé  dans  le  silence  du  cabinet ,  je  médite 
les  idées  de  mon  prédécesseur  Chaplal ,  et  je  prépare  un 
nouveau  projet  de  blocus  continental  pour  enlever  à  la 
perfide  Albion  le  sceptre  des  mers  et  du  calicot. 

—  Passons  aux  travaux  publics;  expliquez-vous, 
monsieur  Bineau. 


—  Il  s'agit  de  faire  reprendre  complètement  la  con  • 
fiance;  dans  ce  but ,  j'élabore  quelques  projets  de  lois 
qui  lendront  aux  compagnies  de  chemins  de  fer  leur 
ancienne  s|)lendeurtt  qui  feront  relleurir  l'agiotage  des 
actions  comme  aux  beaux  temps  de  la  monarchie. 

—  Il  ne  me  reste  plus  qu'à  interroger  M.  Parieu; 
qu'avez-  vous  fait  dans  votre  ministère  de  l'instruction 
publique? 

—  J'ai  suivi  scrupuleusement  les  traces  de  mon  illus- 
tre prédécesseur  de  Falloux  ;  je  crois  même  les  avoir 
dépassées  par  mon  fameux  projet  de  loi  sur  les  institu- 
teurs primaires  :  je  les  place  scus  l'autorité  immédiate 
du  préfet  avec  faculté  de  les  déporter  à  la  Guyane  sans 
autre  forme  de  procès,  sur  le  moindre  soupçon  de 
socialisme. 

—  Ah  çà  !  reprit  la  voix ,  qui  s'était  considérable- 
ment radoucie  pendant  cet  interrogatoire,  qu'ont  donc 
les  journaux  à  prétendre  que  mes  ministres  ne  font  rien? 
ils  agissent  beaucoup,  au  contraire!  Messieurs,  ajouta 
la  voix,  je  suis  content  de  vous,  et  je  ne  vous  casse 
point  aux  gages  :  vous  garderez  vos  portefeuillcsjusqu'à 
nouvel  ordre,  et,  si  vous  continuez  ainsi,  vous  pouvez 
compter  sur  une  gratification  au  jour  de  l'an. 


La  meilleure  maiiirre  tle  vider  lacjucation  de  Borne. 


LA    RÉPUBLIQUE    AVEC    LE    TEMPS 


Dessiné  par  Bertall. 


G  rare  par  Bauunt. 


RE\TfE  COMIQUE. 


Le  représentant  Lamartine  prolongeant  indéfinimt'nt  ses  v 
plaisir  de  la  chasse  à  la  barbe  de  ses  éle 


5  pour  se  livrer  au 


LA  PRINCESSE  RÉVOLUTION  ET  LE  PRINCE  JACQUES  BONHOMME. 

LÉGENDE. 


Le  peuple  frappe  à  la  porle  de  la  maison  où  la  prin- 
cesse Uévolution  s'est  endormie  dans  la  nuit  et  le  si- 
lence :  «  Réveille-toi ,  noble  fille  ;  l'aube  paraît  et 
Iheure  vient  de  sonner.  Ton  escorte  t'attend  en  bas, 
ses  chevaux  piaffent  sur  le  pavé  de  la  cour.  Allons,  il 
est  temps  de  partir  !  « 

C'est  qu'après  des  discordes  sanglantes,  pour  cimen- 
ter un  traité  de  paix,  la  Révolution  fut  mariée  tout 
enfant  au  jeune  prince  Jacques  Bonhomme,  enfant 
comme  elle.  Depuis  lors,  plongés  tous  les  deux  dans  un 
sommeil  léthargique,  par  l'effet  d'une  noire  magie,  ils 
ont  grandi  séparés  l'un  de  l'autre;  mais  l'encbaiitcment 
a  perdu  sa  force ,  et  le  jour  est  enûn  venu  de  conduire 
l'épouse  auprès  de  l'époux. 

La  Révolution  se  lève  et  recommande  son  âme  à  la 
Liberté  sa  mère.  Son  noble  visage  respire  la  force  et  l'or- 
gueil, et  son  œil  se  fixe  avec  assurance  sur  le  beau  so- 
leil qui  se  lève.  Le  peuple  la  contemple  avec  ravisse- 
ment. Elle  saute  légèrement  en  selle  : 

"  La  demeure  du  prince  Jacques  Bonhomme  est-elle 
loin  d'ici? 

—  Oh  !  bien  loin  ;  avant  d'y  arriver,  nous  traverse- 
rons plaines  et  forêts  ;  nous  gravirons  plus  d'une  mon- 
tagnes aux  cimes  bleues. 

—  Partons;  lâche  qui  n'ose  me  suivre;  traître  qui 
m'abandonne  !  » 

Les  élriers  sonnent,  les  éperons  grincent;  les  cail- 
loux éclatent  sous  les  pieds  des  chevaux.  La  peuple  a 
donné  pour  escorte  à  la  Révolution  quatre  de  ses  meil- 
lenrs  champions  armés  de  pied  en  cap.  Au  milieu 
d'eux,  comme  entre  une  double  haie  de  Tt,  s'avance 
1.1  noble  lille  poriéi'  par  un  cbevul  plus  blanc  que  neige. 


Ils  vont,  ils  vont,  ils  traversent  la  plaine,  ils  s'enfon- 
cent sous  les  voûtes  verdoyantes  de  la  forêt ,  puis  on  les 
voit  reparaître  sur  le  flanc  de  la  montagne  qu'ils  gra- 
vissent péniblement. 

Leurs  pensées,  joyeuses  au  départ,  étaient  devenues 
tristes  peu  à  peu ,  et  ni  une  chanson  ni  une  ballade 
ne  faisaient  diversion  aux  ennuis  de  la  marche.  Çà  et  lii 
on  avait  aperçu  dans  Téloignement  des  hommes  masqués 
qui  semblaient  attendre  le  moment  favorable  pour  at- 
taquer l'escorte.  Cependant,  des  jours  et  des  nuits  s'é- 
taient écoulés ,  lorsqu'au  moment  de  traverser  un  ruis- 
seau, le  silllement  d'une  flèche  se  fit  entendre,  et  l'uîi 
des  quatre  compagnons  de  la  princesse,  un  vieillard  à 
barbe  grise ,  dit  en  portant  la  main  à  sa  poitrine  : 

«  Aussi  vrai  que  l'eau  de  ce  ruisseau  ne  remontera 
jamais  vers  sa  source,  personne  ne  me  verra  faire  un 
pas  de  plus  en  avant. 

—  Hélas  !  dit  la  Révolution ,  que  deviendrai-je  si 
vous  m'abandonnez  ? 

—  Vois  ma  poitrine  sanglante ,  répondit  le  vieillard. 
Adieu,  chère  fille,  mes  jours  sont  comptés,  et  mes 
yeux  se  ferment  avant  de  t'avoir  vue  entrer  dans  le  pa- 
lais où  tu  es  attendue;  mais  je  te  laisse  grande  et  forte, 
et  je  vais  consoler  par  de  bonnes  nouvelles  ceux  qui 
sont  morts  sans  espoir  quand  tu  n'étais  encore  qu'au 
berceau.  ■> 

A  ces  mots ,  le  vieillard  s'affaissa  sur  son  cheval ,  et , 
romme  il  l'avait  dit,  il  ne  franchit  pas  le  ruisseau. 

I.  Que  les  journées  de  marche  sont  longues  et  péni- 
bles !  Mes  amis ,  dit  la  princesse ,  nous  passons  sans 
C(sse  cl  s.ins  repos  de  la  forêt  à  la  iiiiiMla^ne  et  de  la 
montagne  à  la  plaine,   mais  nous  n'arrivons  pas.  Ne 


A   L'USAGK   DES   GENS  SÉRIEUX. 


173 


serions-nous  pas  égares  dans  le  dOsert  des  songes? 

—  Non  ,  inadaino ,  nous  ne  sommes  pas  égarés  dans 
If  désert  des  songes?  Mais  c'est  (pie  le  prince  Jac(pies 
Ronlioiiiiiie  demeure  bien  loin  au  delà  de  ces  hautes 
montagnes  aux  cimes  bleues. 

—  Dites-moi ,  mes  amis ,  ne  vous  sernble-t-il  pas  qu'à 
iucsure  que  nous  avançons,  le  ciel  s'assombrit,  l'herbe 
se  fane  et  les  arbres  abaissent  jusqu'à  terre  leurs  bran- 
ches éplorées  ? 

—  Oui,  madame,  la  tristesse  étend  son  voile  partout 
où  vous  passez,  et  c'est  l'eiïet  des  enchantements  et  des 
maléûces  de  vos  ennemis,  qui  enfontremontcr  la  cause 
jusqu'à  vous,  espérant  ainsi  vous  rendre  odieuse  à  tout 
le  monde  et  vous  brouiller  avtc  le  prince  votre  époux. 

—  Ah  !  s'écria-t-clle ,  que  de  lâchetés  et  que  de 
haine!  Mais  que  vois  je?  est-ce  votre  cheval  qui  se 
cabre,  ou  bien  est-ce  vous  qui  ramenez  la  bride  ?  » 

Un  des  compagnons  de  la  princesse  venait  en  elTet  de 
s'arrêter  tout  court  sur  le  bord  du  chemin. 

«  -N'accusez  pas  mon  cheval,  répoiidit-il.  Je  suis 
tombé  dans  un  piège  tendu  par  les  maléfices  de  nos 
ennemis.  Voyez ,  mes  bras  se  chargent  de  fers  rivés  par 
des  mains  invisibles;  mes  pieds  se  fixent  en  terre;  des 
murs  épais  s'élèvent  autour  de  moi  ;  ils  montent  comme 
une  marée  de  pierres ,  et  bientôt  ils  m'auront  dérolié 
l'éclat  du  jour.  Adieu ,  ô  bien-aiméc  !  peut-être  ne 
dois-je  plus  vous  revoir.  Partez  vite,  je  vois  encore 
flotter  un  bout  de  votre  voile  :  ce  souvenir  sera  une 
espérance  pour  le  captif.  » 

La  voix  s'éteignit,  et  là  où  elle  venait  de  se  faire  eu- 
tendre,  on  ne  vit  puisqu'une  noire  forteresse. 

Des  deux  comp;ignons  qui  restaient,  le  plus  jeune, 
presque  un  enfant,  joignaii  à  un  cœur  de  lion  les  grâces 
et  l'imagination  d'un  poëte. 

n  Beau  chanteur,  dit  la  princesse,  chantez-nous  une  de 
vos  ballades  pour  nous  distraire  des  ennuis  du  voyage  ! 

—  Volontiers,  madame;  je  vais  vous  chanter  la  bal- 
lade des  filles  de  la  Liberté. 

«  La  Liberté  a  plusieurs  filles  belles  comme  le  jour. 
Les  plus  riches  et  les  plus  puissauts  rois  de  l'J-urope 
viennent  les  demander  en  mariage  et  les  emmènent 
dans  des  pays  lointains.  Là,  au  lieu  des  fêtes  et  des  ré- 
jouissances qui  devaient  célébrer  l'arrivée  des  jeunes 
mariées,  elles  ne  se  voient  entourées  que  de  visages 
sinistres.  On  leur  apporte  des  habits  de  deuil  à  la  place 
de  leurs  riches  parures,  et  un  jour  entre  le  bourreau 
qui  leur  dit  :  —  Allons,  préparez-vous  à  mourir;  le 
roi  votre  époux  l'a  ainsi  ordonné... 

—  Assez,  au  nom  du  ciel  !  s'écrie  la  belle  voyageuse; 
vous  avez  choisi  là  une  bien  triste  ballade.  » 

Or,  pendant  qu'elle  parlait  de  la  sorte,  un  de  ses 
deux  compagnons,  celui  qui  n'avait  pas  chanté,  s'arrêta 
brusquement. 

—  Eh  bien,  qu'y  a-t-il  ?  lui  dit-elle.  Êtes-vous 
tombé  vous  aussi  dans  un  piège,  ou  bien  une  flèche  a- 
t-elle  frappé  votre  poitrine?  Mais  je  n'y  vois  pas  une 


goutte  de  sang.  »  Et  comme  il  baissait  honteusement  la 
léie,  ne  sachant  que  répondre  :  .  Ah  !  n'ouvrez  pas  la 
bouche!  reprit-elle,  que  pourriez-vous  médire?  Allez 
et  soyez  maudit,  vous  <|ui  m'abandonnez  lûchement  en 
<  iicmin  !  » 

Ayant  ainsi  parlé  avec  emportement,  car  le  sang  de 
sa  race  était  aussi  violent  que  la  flamme,  elle  abaissa 
son  voile  sur  ses  yeux  pour  ne  pas  voir  le  traître  s'éloi- 
gner. 

Bientôt  il  passa  un  voyageur  sur  la  roule. 

"  Salut,  belle  fille;  celui  de  vos  compagnons  qui  vient 
de  vous  abandonner  avait  reçu  une  forte  sonmie  d'or 
pour  ci'lte  trahison. 

—  Cet  or  lui  brûlera  les  mains,  »  répondit-elle. 
Un  autre  passa  ensuite  et  dit  : 

»  Dieu  vous  garde,  madame;  celui  de  vos  compa- 
gnons qui  avait  été  enlevé  en  route  par  vos  ennemis 
vient  de  mourir  d'ennui  et  de  douleur  dans  sa  prison. 

—  C'était  un  noble  cœur  l  »  dit  elle  en  poussant  un 
soupir. 

Un  troisième  lui  parla  ainsi  : 

"  Priez  Dieu,  princesse;  tout  est  perdu.  La  maison 
où  vous  êtes  née  s'est  abîmée  dans  les  flammes.  Vos 
ennemis  triomphent;  vos  amis  sont  vaincus  et  disper- 
sés :  les  uns  sont  morts,  les  autres  sont  en  prison  ou 
dans  l'exil  !  » 

—  Entendez-vous?  dit  la  pauvre  voyageuse,  en  s'ar- 
rêtant  tout  à  coup,  les  yeux  en  pleurs.  Que  faut-il 
faire?  Retourner  en  arrière  au  secours  de  nos  amis? 

Mais  il  passa  un  quatrième  voyageur  qui  venait  du 
côté  opposé. 

"  Pressez  le  pas,  madame,  dit-il;  le  prince  Jacques 
Bonhomme  se  meurt  de  chagrin,  car  on  lui  a  dit  que 
sa  jeune  épouse  avait  été  enlevée  en  route ,  et  que  per- 
sonne ne  savait  ce  qu'elle  était  devenue. 

—  Jour  de  malheur  !  »  s'écria  la  princesse. 

En  ce  moment  elle  vit  son  jeune  compagnon  pâlir  et 
s'affaisser  sur  le  bord  du  chemin.  «  Parlez,  dit-il, 
partez  sans  moi  ;  la  fatigue  m'accable.  Hélas  !  il  est 
écrit  que  je  ne  vous  accompagnerai  pas  plus  loin.  » 

Ses  yeux  .se  fermèrent  ;  .ses  lèvres  bleuirent.  La  prin- 
cesse posa  ses  lèvres  sur  le  front  décoloré  de  son  der- 
nier compagnon  ,  et  poussa  son  cheval  en  avant. 

Mais  le  ciel  devint  plus  sombre  que  la  nuit;  la  tem- 
pête se  déchaîna  avec  violence,  des  oiseaux  .siiij>trcs 
volèrent  dans  l'obscurité  ;  le  cheval  se  cabra  et  désar- 
çonna la  voyageuse.  Elle  continua  sa  route  à  pied  ;  ce- 
pendant les  buissons  allongeaient  leurs  bras  pour  accro- 
cher sa  robe  au  passage  ;  les  cailloux  mirent  sa  chaussure 
en  lambeaux  et  ensanglantèrent  ses  pieds  délicats. 

En  ce  moment  vint  à  elle  un  vieux  paysan  courbé  sur 
son  bâton,   qui   chantait   malgré    le  vent    et  rora"e. 

«Pauvre  Révolution,  dit-il,  en  quel  étal  je  vous 
vois  !  iN'avez-vous  donc  pas  peur  de  vous  trouver  seule 
ainsi  dans  la  forêt,  en  un  pareil  moment? 

—  Puisque  vous  me  connaissez  ,  l'ami,  répondit-elle, 


REVUE  COMIQUE 


vous  devez  connaîlie  aussi  tous  mes  malheurs.  De  mes 
compagiiOHS ,  l'un  m'a  traliie ,  les  autres  sont  morts  ou 
captifs;  j'ai  vu  le  dernier  tomber  épuisé  de  fatigue  ;  la 
ma'soii  où  je  suis  née  s'est  écioiilée  dans  les  flammes, 
mais  Jacciucs  Bonhonnne  est  au  lit  de  mort,  et  j'aban- 
doiine  tout  pour  aller  à  lui. 

—  Vous  êtes  une  femme  forte  et  courageuse ,  dit  le 
pnvsaii  ;  \ous  êtes  digne  d'être  la  fille  de  la  Liberté,  de 
MHis  appeler  la  Révolution.  » 

Alors ,  ô  miracle  !  le  ciel  se  rasséréna  ;  la  tempête  alla 
mourir  au  loin ,  et  pendant  que  la  ploie  s'égoultait  aux 
feuilles  des  arbres,  les  oiseaux  reprirent  leurs  chansons. 
0  Dites-moi,  l'ami,  que  signifie  ce  prodige?  Voilà  le 
soleil  qui  brille  de  nouveau  ;  voilà  les  arbres  qui  relè- 
■  vent  leurs  feuilles,  et  les  oiseaux  qui  volent  devant  nous 
en  chantant. 

—  Cela  signifie  que  nous  approchons  de  la  demeure 
de  Jacques  Bonhomme. 

—  Mais  comment  se  fait-il  que  la  terre  se  tapisse  de 
verdure  et  de  fleurs  partout  oii  se  pose  mon  pied  ? 

—  C'est  afin  que  votre  pied  ne  se  blesse  point  aux 
cailloux  et  aux  ronces ,  ma  fille. 

—  Voyez ,  si  ce  n'est  pas  un  songe  ;  il  me  semble  que 
cette  haute  montagne  s'abaisse  au  niveau  de  la  plaine. 

—  Ce  n'est  pas  un  songe,  ma  fille  ;  la  montagne 
courbe  sa  tête  afin  qu'apparaisse  la  demeure  du  prince 
voire  mari. 

Et  eu  effet  la  demeure  du  prince  apparut ,  mais  elle 
était  sombre ,  et  ses  fenêtres  semblaient  n'avoir  pas  été 
ouvertes  depuis  bien  longtemps. 


«  Que  celle  maison  me  paraît  triste  1  On  dirait  qu'elle 
n'est  habitée  par  aucun  être  vivant. 

—  C'est  qu'elle  est  morte ,  cette  maison ,  et  (pic  la 
vie  n'y  entrera  qu'avec  vous;  car  c'esl  la  Révolution 
qui  est  l'âme  de  la  maison  de  Jacques  Bonhomme.  >> 

En  prononçant  ces  mots,  le  vieux  paysan  disparu!,^ 
et  la  Révolution  ayant  fait  un  pas  de  plus  en  avant 
loucha  la  porte  du  bout  de  son  pied.  La  porte  s'ouvrit 
àrinstanl  et  la  maison  parut  tout  ifluminée.  Une  mu- 
sique délicieuse  remplit  les  vastes  galeries,  et  le  prince 
Jacques  Bonhomme ,  beau  comme  le  jour  et  vêtu  ma- 
gnifiquement ,  accourut  suivi  d'une  foule  de  ses  amis , 
pour  présenter  sa  main  à  sa  femme. 

n  Sois  la  bienvenue  ici ,  lui  dit-il ,  ô  toi,  l'ànie  de  ma 
maison  !  » 

La  Révolution  reconnut  alors  dans  sou  jeune  mari,  si 
beau  et  si  magnifique ,  le  vieux  paysan  qu'elle  avait  ren- 
contré dans  le  bois,  et  qui  venait  de  se  transfigurer. 
Mais  (pielle  ne  fut  pas  sa  surprise  de  retrouver,  dans  la 
grande  salle  du  palais,  ses  compagnons  qu'elle  avait 
perdus  en  route,  et  ses  amis  dont  on  lui  avait  annoncé 
la  mort! 

<.  Sois  bénie,  lui  dirent -ils,  toi  dont  le  courage  n'a 
pas  défailli  un  instant  dans  les  épreuves.  Si  ton  cœur 
eût  faibli,  c'en  était  fait  de  nous  tous  et  de  toi-même! 
Et  voilà  comment ,  en  dépit  des  persécutions  de  leurs 
ennemis,  s'accomplit  enfin  le  mariage  de  la  princesse 
Révolution  avec  le  prince  Jacques  Bonhomme. 

Clément  CARAGUEL. 


.  Je  mt  moquf  bien  dt  mire  ComIHuliml  vous  été,  un  tas  de  brigand»  de  ParinensI  II  n'y  a  que  VEmpereur  qui  savait  mus  maler. 

Il  lih  bien!  mni  Je  meltrai  le  feu  il  voire  ville!  f 

Paroles  <]ii  général  Ciivnovrnier  le  12  juin  1819,  suivant  la  dépotilion  de  M.  Farina.  \  H.miliur  i»  r.  ni,vi-mbrc  1819  ) 


LE    SOCIALISME. 
Extrait  delà  coKeclion  dé  coaumes  de  la  préfectnre  de  police. 


Dessillé  par  Deutsch. 


Gravé  par  B.iolant. 


KEVUE  COMIQUE. 


PARIS  EN  ÉTAT  DE  SIEGE. 


(.  On  (lomnnde  à  voir  M.  le  président  du  conseil. 

—  Impossible!  je  prépare  une  nouvelle  circulaire 
pour  engager  les  douaniers  h  m'ciivoyer  des  rapports 
sur  les  fonctionnaires ,  et  personne  ne  doit  lue  déranger. 

—  C'est  M.  Véron. 

—  Qu'il  entre.  C'est  difTérent  !  Je  cours  moi-même 
nu-dcvant  de  lui.  Eh  !  bonjour,  monsieur  Véron. 

—  Bonjour,  mon  cher,  bonjour. 

—  Votre  précieuse  santé  se  soutient-elle  toujours? 
Toujours ,  mon  bon  ,  toujours. 

—  C'est  une  grande  consolation  pmr  tous  les  vrais 
amis  de  la  société.  Peut-on  vous  demander  quel  motif 
me  vaut  l'honneur  de  votre  visite  î 

—  Un  motif  des  plus  graves. 

_  Je  n'en  doute  pas.  Il  s'agit  sans  doute  de  quelque 
candidat  à  une  place  importante  pour  lequel  vous  me 
demandez  ma  voix  dans  le  conseil.  Je  n'ai  rien  à  refuser 
à  un  homme  comme  vous.  Est-ce  une  recette  générale 
que  vous  demandez  ? 

—  Non. 

—  Une  préfecture  ? 

—  Nullement. 

Uue  des  quatre  grandes  directions  générales? 

—  Pas  du  tout. 

_  Une  simple  direction  de  théâtre,  peut-être  ? 

—  Vous  n'y  êtes  pas.  Lisez-vous  les  journaux  quel- 
quefois ? 

Je  lis  le  Constitiitioiintl. 

—  Flatteur  !  Mais  enfin  il  faut  bien  passer  quelque 
chose  aux  vieux  militaires.  Je  vous  dirai  seulement  que 
vous  avez  grand  tort ,  en  votre  qualité  de  président  du 
conseil ,  de  ne  pas  lire  assidûment  les  journaux.  Savez- 
vous  qu'ils  deviennent  d'une  audace  extraordinaire! 

—  A  qui  le  dites- vous?  La  presse  ,  voilà  la  véritable 
plaie  du  pays!  elle  ne  respecte  rien,  elle  attaque  la 
famille. 

—  Bien  plus  encore  ! 

—  La  propriété. 

—  Je  le  leur  passerais  encore. 

—  La  religion. 

—  Si  ce  n'était  que  cela  ! 

—  Le  Président  peut-être? 

—  Plus  encore. 

—  Qui  donc? 

—  Moi. 

—  En  vérité  ! 

—  C'est  comme  j'ai  l'honneur  de  vous  le  dire ,  les 
journaux  ne  respectent  plus  rien.  Figurez-vous  que  le 
Charivari  ose  m'appcler  Fontanarosc. 


—  Est-il  possible  ! 

—  Il  écrit  en  toutes  lettres  que  j'ai  été  apothicaire. 

—  Où  allons-nous? 

—  Que  j'ai  souscrit  pour  les  blessés  de  février. 

—  Quel  blasphème  ! 
Que  j'ai  inventé  la  pâte  Regnault.  | 

—  Il  faut  traîner  le  Charivari  drivant  les  tribu-     j 
naux.  i 

—  Sans  doute. 

—  Lui  demander  cent  mille  francs  de  dommages  et 
intérêts. 

—  C'est  ce  que  j'ai  fait ,  mais  cela  ne  suffit  pas.  La 
société  demande  plus  encore.  Il  y  a  une  chose  dont  vous 
ne  disconviendrez  pas ,  c'est  que  s'attaquer  à  ma  per- 
sonne c'est  attaquer  la  famille. 

—  Sans  doute. 

—  La  propriété. 

—  Évidemment. 

—  La  religion. 

—  Sans  contredit. 

—  Si  vous  voulez  donc  sauvegarder  la  famille ,  la 
propriété,  la  religion,  en  un  mot  la  société,  il  faut 
garder  ma  personne  de  toute  atteinte.  Pour  cela  il  n'y  a 
qu'un  moyen. 

—  Lequel  ?  nous  agirons  tout  de  suite.  Faut-il  écrire 
une  circulaire  aux  gendarmes? 

—  Il  faut  suspendre  le  Charivari  et  tous  les  jour- 
naux de  l'opposition. 

—  Les  suspendre ,  mais  comment? 

—  Par  une  ordonnance. 

—  Vous  voulez  donc  qu'on  mette  Paris  en  état  de 
;.iége? 

—  Parbleu  ! 

—  La  chose  est  grave. 

—  Pas  plus  grave  qu'à  Lyon.  Est-ce  que  le  général 
Gémeau  ne  vient  pas  encore  de  suspendre  le  Censeur? 

—  Mais  le  Censeur  avait  attaqué  le  pape. 

—  Est-ce  que  je  ne  vaux  pas  le  pape  ? 

—  C'est  vrai,  mais 

—  Pas  de  mais Si  vous  m'abandonnez,  je  vous 

abandonnerai  à  mon  tour.  Je  retournerai  encore  une 
fois  l'habit  du  Cons'itiitionnet  et  je  passerai  h  1  hiers. 
Enfoncé  alors  le  gouvernement  personnel  !  on  vous  en- 
verra chez  vous  i)lanter  vos  choux  et  vos  circulaires  aux 
•„'endarmes.  Ainsi  donc  réfléchissez.  « 

A  l'heure  qu'il  est,  le  conseil  des  ministres  est  ras- 
semblé. On  délibère  si  l'on  mettra  Paris  en  état  de 
siège  pour  suspendre  les  journaux  qui  se  moquent  de 
M.  Véron. 


(;h\M)i:iu  i;t  di.cvdknci:  i»i:  imstiiX  soiiloi  qi;  vkuon  i 

SIIINOSIMI,    l.K    I.IUM)    l-DMA.NAIlOSi:, 
(l'our   faire    |n-nr|anl    &   Miim.ilre  do    Nupo'i-on.) 


Le  Waterloo  de  Véron. 
Dessiné  par  Nadar. 


Le  SMNT-nrlLÈSE  DE  VÉROX. 

GraTé  par  lî. 


REVUE  COMIQUE 


G ENBARIMERIE  BÉPARTEMENTAUE. 


M.-unc  (l.oi,T.). 

MON  COLONEL, 

Mon  mariage  avec  Maiion  esl  manqué,  le  père  Jous- 
sct  m'a  relire  sa  parole,  et  je  suis  mis  à  la  porte  de  tou- 
tes les  maisons  du  pays,  et  cela  à  cause  de  la  nouvelle 
ronsigne. 

Il  faut  d'abord  vous  dire  que  je  suis  Pacot ,  gen- 
darme à  Meung ,  département  du  Loiret. 

Alors  que  je  suis  entré  l'antre  soir  chez  mon  futur 
beau-père,  Jousset-Claude  le  vieux,  lisait  tout  haut  à  ses 
enfants  le  journal  la  Voix  du  Peuple.  En  me  voyant, 
le  bonhomme  a  froncé  ses  sourcils  gris ,  et  il  a  frappé 
par  terre  un  si  grand  coup  qu'il  en  a  cassé  son  sabot. 

—  Monsieur  Pacot,  qui  m'a  dit. 

—  Dites  donc  !  que  je  lui  ai  dit,  si  vous  vouliez  bien 
m'appeler  Pacot  tout  court. 

—  Monsieur  Pacot,  qu'il  a  redit, —  Il  est  très- têtu 
le  vieux  !  —  voilà  six  ans  qu'on  vous  voit  chez  nous.  On 
n'a  jamais  tué  le  cochon  sans  vous  dire  :  «  Pacot ,  c'est 
aujourd'hui  qu'on  tue  le  cochon ,  à  ce  soir,  vot'  cou- 
vert y  sera  ;  ■>  et  vot'  couvert  y  a  toujours  été.  On  n'a 
jamais,  non  plus,  tiré  le  premier  pot  à  la  tonne  sans 
vous  dire  :  »  Pacot ,  prenez  un  verre  et  goûtez-moi  ça. 
C'est  pas  pour  nous  flatter,  mais  c'est  le  meilleur  du  pays  ; 
c'est  du  p'tit  du  bas  de  la  côte ,  au  bord  du  champ  à 
Thomas;  s'y  vous  semble  aimable,  vous  y  reviendrez.  « 
Et  vous  y  reveniez  tout  d'  même,  Pacot,  sans  reproche, 
entendez  bien.  Louis  vous  ouvrait  l'étable  et  vous  disait 
ses  marchés;  Sévrine  vous  menait  à  la  grange  et  vous 
montrait  la  récolte  ;  il  n'y  avait  pas  une  partie  de  boules, 
pas  une  fête,  pas  un  gala  dont  vous  ne  soyez.  De  plus, 
vous  êtes  le  pairain  du  p'tit;  vous  aimez  Marion,  et 
Marion  vous  aimait,  et  nous  vous  aimions  tous;  car, 
dans  la  famille,  n'ayant  jamais  eu  de  vagabonds  ni  de 
voleur  de  blé,  n'ayantjamais  chassé  sans  port  d'armes, 
ni  ramassé  de  querelles  au  cabaret ,  nous  ouvrions  à 
toute  heure  la  porte  de  la  maison  des  Jousset-Claude  h 
Pacot  le  gendarme,  à  Pacot  le  promis  de  Marion,  le 
conseilleux  de  Louis,  l'ami  et  le  futur  gendre  Pacot, 
quoi.  —  Mais  aujourd'hui  tout  est  bien  changé.  Mon- 
sieur Pacot  le  gendarme  n'est  plus  seulement  dans  le 
pays  pour  savoir  si  on  y  chasse  sans  port  d'armes ,  si 
on  s'v  querelle,  si  on  y  vagabonde;  si  on  y  vole  le  blé; 
monsieur  Pacot  est  dans  le  pays  pour  savoir  ce  qu'on  y 
pense  et  ce  qu'on  y  jase  au  coin  du  feu  ,  et  pour  l'aller 
redire;  c'est  une  autre  paire  de  bœufs! 

Si  y  nous  plaît  de  dire  que  M.  le  maire  a  tort  d'in- 
fluencer net'  petit  papier  aux  élections  ;  si  y  nous  plaît 
de  dire  que  les  conseillers  munici|)aux  font  mal  de  vou- 
loir faire  remettre  l'impôt  sur  le  vin  qu'on  avait  promis 


d'ôter  ;  si  y  nous  plaît  de  dire  que  madame  la  directrice 
de  la  poste  n'a  pas  le  droit  de  garder  nol'  journal  !i 
cause  qu'elle  dit  que  c'est  un  mauvais  journal  ;  nous 
voulons  dire  tout  ça  sans  qu'on  aille  le  redire  à  Paris. 
Et  comme  monsieur  Parot  est  chargé  par  ses  supérieurs 
d'avoir  à  fourrer  son  nez  dans  ce  qui  n'a  que  faire,  nous 
usons  de  nol'  droit  et  nous  prions  monsieur  Pacot  de 
rester  chez  lui ,  et  nous ,  nous  resterons  chez  nous.  « 

J'ai  eu  beau  faire,  beau  dire,  mon  colonel,  le 
père  Jousset-Claude  n'en  a  rien  voulu  rabattre.  — 
11  est  trés-têtu  le  vieux!  —  Marion  n'a  pas  seulement 
fail  comme  si  j'étais  là  ;  et  Louis  m'a  dit  en  me  condui- 
sant vers  la  porte  : 

<■  Pacot,  mon  pauvre  Pacot,  c'est  pas  vot'  faute,  c'est 
vot'  consigne;  mais  un  militaire,  c'est  esclave  de  sa 
ronsigne,  et,  vous  comprenez...  Dam'  !...  « 

Et  puis  il  a  fermé  la  porte. 

Je  comprenais  très-bien;  mais,  ce  que  je  ne  com- 
prends pas,  mon  colonel,  c'est  que  vous  nous  don- 
niez une  consigne  qui  me  fait  manquer  mon  mariage 
avec  Marion  et  qui  me  fait  fermer  les  portes  de  tout  le 
pays. 

Agréez,  etc. 

SIGNÉ  Pacot,  GENDARME. 


Dieuze  (Muselle), 
3l0N  C0M5IANDANT, 

A  cheval  sur  vos  dernières  instructions,  nous  exer- 
çons une  surveillance  active  au  sein  de  la  population 
dieuzoise.  Vous  pensez  bien  que  le  grand  caractère  de 
franchise  et  de  dignité  qui  se  rattache  r.u  costume  de 
gendarme  mus  oblige  à  accomplir  notre  nou\elle  mis- 
sion en  tenue,  toujours  en  tenue  :  ma  brigade  et  moi 
nous  ne  débotlons  que  le  soir  très -lard. 

Jusqu'à  ce  jour  le  résultat  de  nos  observations  a  été 
on  ne  peut  plus  satisfaisant.  Dans  le  pays,  du  plus  loin 
qu'on  aperçoit  nos  cornes  ofFiciellcs,  quelques  ouvriers 
et  |)aysans  entonnent  le  refrain  de  V ivc  Henri  IV. 
C'est  au  point  que  si  monsieur  le  ministre  avait  seule- 
ment indiqué  dans  sa  circulaire  que  les  refrains  de 
cette  nature  devaient  être  chantés  et  non  criés,  nous 
serions  obligés  de  mettre  un  frein  à  quehjucs  gosiers 
dieuzois  et  dieuzoise.  Mais  monsieur  le  ministre  n'a 
rien  dit  dans  la  circulaire  touchant  ces  refrains,  nous 
laissons  crier  :  ça  ne  nous  regarde  plus. 

Notre  affaire,  c'est  de  savoir  si  l'on  est  socialiste. 
Eh  bien!  là,  vrai,  mon  commandant,  les  socialistes, 
c'est  une  pure  invention  de  Paris  :  ici  et  dans  tout  le 


A  l.l  SACiK  DKS  (JKiVS  SKIUKIX. 


(I<''|);ii(eiiipi)l,  les  gciuliirmcs  raiisi'iii  il  l)iii\ciii  avec 
loiit  le  monde,  et  tout  le  monde  leur  dit  : 

•'  Les  socialisies!  nli  !  (|irils  y  viennent  un  peu,  et 
ils  voiront  !  Nous  sommes  de  bons  ouvriers  qui  deman- 
dent à  vivre  en  travaillant;  ([ui  veulent  jouir  des  hèni- 
ficesdc  l'association;  ([ui  ne  connaissent  qu'une  chose  : 
la  R('pul)ii(|ue  et  la  devise  de  liberté,  ('■galitô,  fraternité. 
Qu'est-ce  que  nous  voulons  ?  Que  le  producteur  tou- 
che intégralement  le  prix  de  son  travail;  que  les  vieux 
camarades  meurent  de  vieillesse  et  non  jias  de  faim  ; 
que  ces  petits  messieurs  du  chef-lieu  respectent  nos 
filles  et  nos  femmes,  et  vive  la  République  !  et  voilà... 
Mais  les  socialistes,  ah  !  qu'ils  y  viennent  un  peu  ,  et  ils 
verront  !  n 

Vous  comprenez,  monsieur  le  ministre,  que  nous 
n'avons  rien  à  dire  à  tout  ça,  sinon  à  faire  chorus,  et 
nous  faisons  chorus.  Seulement ,  on  nous  a  déjà  signalé 
dans  les  environs  du  pays  onze  collets  à  lapins  tendus 
parles  braconniers;  de  plus,  deux  incendies  et  cinq 
vois,  ^os  nouvelles  fonctions  ne  nous  permettant  pas  de 
nous  occuper  de  ces  menus  détails,  il  faudrait,  pour 
que  tout  allât  comme  il  faut ,  adjoindre  à  noire  brigade 
uuc  brigade  suppléinenlaii  e. 


Nous  espérons,  mon  commandant,  que  vous  ferez 
droit  à  cette  demande ,  dont  la  prompte  exécution  sau- 
vegardi'ra  les  intérûls  de  la  |)opulation  dieuzoise. 

Agréez,  etc. 

jANOflET, 

niin;,\i)ii;ii  ru-;  oLMUiiMiaiii';  ;■  îii.n/. 


Gangci  (Hcraiili). 


(JTOYEN  Ministre, 


Dans  la  gendarmerie , 
Quand  un  gendarme  rit , 
Tous  les  gendarmes  rienl 
Dans  la  gendarmerie. 
C'est  du  moins  un  bruit  qui  court.  SiilTit ,  vous  nous 
entendez  bien. 

Nous  avons  l'honneur 

De  ne  pas  être  vot'  serviteur 

De  tout  not'  cœur. 

Larifla, 

ancien  jcntlclcttrc  ;  acluellcnient  gendarme. 

A.   F  — y. 


T>.ntatives  infructueuses  de  notre  célèlir,:  Léon  FdMcher  pour  ressai-ir  un  portefeuille 


RKVUE   COMIQUE 


LK  CHOIX  D  L.\  COIU'S. 


En  ses  lèves  profonds  P5l!i;igoie  a  raison  : 
L'àme  est  de  corps  en  corps  constamment  exilée; 
Selon  ce  qu'elle  a  fait,  quand  elle  est  envolée, 
Elle  a  droit  à  choisir  sa  nouvelle  prison. 
Des  moniies  inégaux  sont  semés  dans  l'espace, 
Et  chaque  être  créé  de  l'un  à  l'autre  passe. 
Il  n;iit  sur  un  soleil  d'un  ordre  inférieur; 
En  d'autres  plus  parfaits  tour  à  tour  se  promené, 
Et  do  ses  facultés  élargit  le  domaine, 
Pour  être  digne  enfin  du  monde  le  meilleur. 
Ce  n'est  pas  celui-ci;  mais,  en  ses  longs  voj'ages. 
Toute  ùme  doit  chez  nous  faire  une  siaiion. 
Ce  globe  est  un  degré  de  la  création  , 
Un  étage  à  travers  les  âges. 

Or,  une  àme,  sortant  d'une  étoile  des  cieux, 
Voltigeait  dans  l'azur,  errante  et  solitaire, 

Quand  un  auge  au  front  gracieux, 
Vint  lui  dire  :  «  Le  sort  t'appelle  sur  la  terre. 
L'ordre  préétabli  qui  marque  ton  chemin, 
T'oblige  à  respirer  cette  atmosphère  épaisse, 
Et  t'enrôle  au  milieu  de  la  bizarre  espèce  , 

Que  l'on  appelle  genre  humain. 

De  ton  existence  passée 
Tu  n'as  point  de  remords  ,  et  tu  sus  mériter, 
Comme  une  àme  de  bien,  d'être  récompensée. 
Choisis  donc  le  logis  que  tu  veux  habiter  : 
Te  plait-il,  en  vertu  des  droits  héréditaires. 
Ce  naitre  sur  le  trône,  ou  d'avoir  pour  parents 
Des  riches ,  des  bourgeois,  de  simples  prolétaires'? 
—  Je  vois  bien  à  chacun  des  langes  différents; 

Répondit  l'âme  philosophe , 
Mais  tous  les  nouveau-nés  sont  faits  de  même  étoffe  ; 
A  la  même  clarté  leurs  yeux  se  sont  ouverts; 
Tous  grimacent  de  mémo  en  leurs  berceaux  divers. 


.4u  chevet  des  enfants  la  douleur  esl  assise, 
Dans  le  rang  le  plus  humble  ou  le  plus  élevé. 
Bel  ange,  pour  lixer  ma  pensée  indécise, 
Alonlre-mui  l'avenir  qui  leur  est  réservé? 

—  L'avenir  est  un  grand  mystère, 

Reprit  le  divin  messager; 

Mais  jette  un  regard  vers  la  terre  : 
Les  rois  sont  exilés  sur  le  sol  élranger, 

Leur  puissance  décline  et  lombe. 
Vieux  litres,  parchemins,  privilèges,  blason 

Sont  consumés  en  hécatombe 

Sur  les  autels  de  la  raison. 
L'homme  brise  aujourd'hui,  d'une  main  empress»" 

Les  idoles  qu'il  se  forma. 
L'orgueilleuse  opulence  est  aussi  menacée 

Par  le  malheur  qu'elle  opprima. 

De  souffrir  le  peuple  se  lasse; 

11  se  relève  avec  fierté  ; 
Il  grandit,  parle  en  maître,  et  réclame  sa  place 
Au  nom  de  la  justice  et  de  l'humanité! 
Certain  de  son  pouvoir,  désormais  sans  coleies, 

H  pourra  détrôner  des  abus  séculaires. 

Aisément  il  démolira 

Un  édifice  qui  chancelle; 

L'heure  approche  où  s'accomiilira 

La  délivrance  univei'selle  '.  » 

L'ange  dit,  et  l'àme  soudain 
Traversa  les  champs  de  lumière, 
El,  devant  les  palais  passant  avec  dédain, 
Elle  enira  dans  une  chaumière. 

E      DE    LA    BtUULLIEIlK. 


LK  DIABLE  VERT  (i). 


qu'est-ce   que   le   DlAtlLE    VERT? 


•  Pourquoi  se  sert-il  d'un  lorguoii?  » 

Nous  répondrons  à  cette  beconde  question  que  les 
diables  ont  toujours  eu  la  vue  basse.  Cela  tient  à  leur 
séjour  prolongé  dans  les  entrailles  de  la  terre  et  à  leur 
prédilection  particulière  pour  les  ténèbres. 

(1)  1,'lilsloiro  du  Diable  Verl  que  uous  publions  Ici  cet  extraite 
«l'un  charmant  almanacli  pour  1850,  paru  sous  les  auspices  et 
sous  le  nom  de  ce  Diable  lerl.  Celte  intéressante  liistoire  sert  d'in- 
troduction à  ce  petit  livre,  et  est  suivie  d'autres  récits  non  moins 
curieux.  Ce  qui  caractérise  particulièrement  cet  almanach,  c'est 
la  concordance  établie  jour  par  jour  entre  le  calendrier  Grégo- 
rien pourl'année  1850  et  l'Annuaire  républicain  pour  l'an  58-59 
de  la  République ,  conforme  au  décret  de  la  Convention .  et  l'ex- 
plication fort  intéressante  de  cet  annuaire,  dont  les  divisions 
simples  et  les  renseignements  agronomiques,  font  tout  simple- 
ment le  meilleur,  le  plus  vrai  et  le  plus  utile  des  calendriers.  L'al- 
manacli  du  DiaJ/le  lerl  renferme  en  outre  une  très-amusanle 
série  de  cent  vignettes  drolatiques,  où  l'on  voit  passer  comme 
dans  une  lanterne  magique  le  passé,  le  présent  et  même  1' vvenie. 
Toutes  ces  merveilles  font  du  Diable  Vert  l'almanacli  le  plus 
divertissant  qui  ait  été  publié  pour  l'année  1850;  il  ne  se  vend 
que  50  centimes,  chez  Auljert  et  chez  tous  les  libraires. 


L'autic  question  e.st  plus  couipliiiuée. 

Le  Diable  Vert  est  un  des  plus  viniv  habitants  de 
Pans;  —on  l'appelait  autrefois  le  Diable  Vauvert. 

D'où  est  résulté  le  proverbe  :  C'est  au  Diable  Vau- 
vert: —  Allez  au  Diable-Vauvert  ! 

C'est-à-dire  :  Allez-vous..,,  promener  aux  CLauips- 
Élysées. 

Les  portiers  disent  géuéralement  :  C'est  au  Diable 
aux  vers .'  pour  exprimer  un  lieu  qui  est  fort  luin. 

Cela  siguiûe  qu'il  faut  payer  fort  cher  la  commission 
dont  on  les  charge,  —  mais  c'est  là  en  outre  nue  locu- 
tion vicieuse  et  corrompue ,  comme  plusieurs  autres 
familières  au  peuple  parisien. 

Le  Diable  Vtrt  ou  Vauvert  est  essentiellement 
un  habitant  de  Paris ,  oij  il  demeure  depuis  bien  des 
siècles,  si  l'on  en  croit  les  historiens.  Sauvai,  Fclibien, 
Sainte-Foix  et  Dulaure  ont  raconté  longuement  ses 
escapades. 

Il  semble  d'abord  avoir  habité  le  château  de  Vauvert 
qui  était  situé  au  lieu  occupé  par  le  joyeux  bal  de  là 
Cliartreime  ,  à  l'extrémité  du  Luveiiibourg,  et  en  face 
des  allées  de  l'Observatoire,  dans  la  rue  d'Enfer. 


REVUE   COMIQUE 


Ce  château  ,  d'une  triste  renouiméc  ,  fut  déinoli  en 
partie ,  et  les  ruines  devinrent  une  dépendance  d'un 
couvent  de  Cliartreux,  dans  lequel  mourut ,  en  UlZi , 
Jean  de  la  Lune ,  neveu  de  l'antipape  Benoît  \III. 
Jean  de  la  Lune  avait  éi6  soupçonné  d'avoir  des  rela 
tiens  avec  le  Diable  Vert ,  qui  peut-être  était  l'esprii 
familier  de  l'ancien  château  du  Vauvert,  chacun  de  ces 
édifices  féodaux  ayant  le  sien,  comme  on  sait. 

Les  historiens  ne  nous  ont  rien  laissé  de  précis  sur 
cette  phase  intéressante. 

Le  Diable  Vert  fit  de  nouveau  parler  de  lui  à  l'épo- 
que de  Louis  \1IL 

Pendaut  fort  longtemps  on  avait  entendu  tous  les 
soirs  un  grand  bruit  dans  une  maison  faite  des  débris 
de  l'ancien  couvent  et  dont  les  propriétaires  étaient 
absents  depuis  plusieurs  années. 

Ce  qui  effrayait  beaucoup  les  voisins. 

Ils  allèrent  prévenir  le  lieutenant  de  police  ,  qui  en- 
voya quelques  archers. 

Quel  fut  l'étonnemeut  de  ces  militaires  en  entendant 
un  cliquetis  de  verres  mêlé  de  rires  stridents  ! 

On  crut  d'abord  que  c'étaient  des  faux-monnayeur.s 
qui  se  livraient  à  une  orgie,  et,  jugeant  de  leur  nombre 
d'après  l'intensité  du  bruit,  on  alla  chercher  du  ren- 
fort. 

Riais  on  jugea  encore  que  l'escouade  n'était  pas  suffi- 
sante ;  aucun  sergent  ne  se  souciait  de  guider  ses  hom- 
mes dans  ce  repaire,  où  il  seiid^lait  qu'on  entendît  le 
fracas  de  toute  une  armée. 

Il  arriva  enûn  ,  vers  le  matin,  un  corps  de  troupes 
suffisant.  On  pénétra  dans  la  maison.  On  n'y  trouva 
rien. 

Le  jour  était  venu. 

Toute  la  journée  l'on  fit  des  recherches  ;  puis  l'on 
conjectura  que  le  bruit  venait  des  catacombes,  situées, 
comme  on  sait,  sous  ce  quartier. 

On  s'apprêtait  à  y  pénétrer  ;  mais  pendant  que  la  po- 
lice prenait  ses  dispositions ,  le  soir  était  venu  de  nou- 
veau, ei  le  bruit  recommençait  plus  fort  que  jamais. 

Celle  fois  personne  n'osa  plus  redescendre ,  parce 
qu'il  était  évident  qu'il  n'y  avait  rien  dans  la  cave  que 
des  bouteilles,  et  qu'alors  il  fallait  bien  que  ce  fùl  le 
diable  qui  les  mît  en  danse. 

On  se  contenta  d'occuper  les  abords  de  la  rue,  et  de 
demander  des  prières  au  clergé. 

Le  clergé  fit  une  foule  d'oraisons ,  et  l'on  envoya 
même  de  l'eau  bénite  avec  des  seringues  par  le  soupi- 
lail  de  la  cave. 

Le  bruit  persistait  toujours, 

LE  si;rgf.nt. 

Pendant  toute  une  semaine,  la  foule  des  Parisiens  ne 
cessait  d'obsiruer  les  abords  du  faubourg  en  s'ef- 
frayantel  en  demandant  des  nouvelles. 

Enfin ,  un  sergent  de  la  prévôté ,  plus  hardi  que  les 


autres,  offrit  de  pénétrer  dans  la  cave  maudite,  moyen- 
nant une  pension  —  réversible  ,  en  cas  de  décès  ,  sur 
une  coniurière  nommée  Margot. 

C'était  un  homme  brave,  et  plus  amoureux  que  cré- 
dule. Jl  adorait  cette  couturière,  quiéiail  une  personne 
bien  nippée  et  très-économe  ,  on  pourrait  même  dire 
un  peu  avare,  et  qui  n'avait  point  voulu  épouser  un 
simple  sergent,  prive  de  toute  fortune. 

Mais  en  gagnant  la  pension  le  sergent  devenait  un 
autre  homme. 

Encouragé  par  cette  perspective ,  il  s'écria  —  qu'il 
ne  croyait  ni  à  Dieu  ni  à  Diable,  et  qu'il  aurait 
raison  de  tout  ce  bruit. 

—  \  quoi  donc  croyez-vous  ?  lui  dit  un  de  ses  com- 
pagnons. —  Je  crois ,  répondit-il ,  à  M.  fe  lieutenant 
criminel  et  h  M.  le  prévôt  de  Paris. 
C'était  trop  dire  en  peu  de  mots. 
Il  prit  son  sabre  dans  ses  dents,  deux  pistolets  à  cha- 
que main,  et  s'aventura  dans  l'escalier. 

Le  spectacle  le  plus  extraordinaire  l'attendait  en  tou- 
chant le  sol  de  la  cave. 

Toutes  les  bouteilles  se  livraient  à  une  sarabande 
échevelée  et  formaient  les  figures  les  plus  gracieuses. 

Les  cachets  verts  représentaient  les  hommes  ,  et  les 
cachets  rouges  les  femmes. 

Il  y  avait  même  là  un  orchestre  établi  sur  les  plan- 
ches à  bouteilles. 

Les  bouteilles  vides  résonnaient  comme  des  instru- 
ments à  vent ,  les  bouteilles  cassés  coiume  des  cymbales 
et  des  triangles,  et  les  bouteilles  fêlées  rendaient  quelque 
chose  de  l'harmonie  pénétrante  des  violons. 

Le  sergent,  qui  avait  bu  quelques  chopines  avant 
d'entreprendre  cette  expédition ,  ne  voyant  là  que  des 
bouteilles,  se  sentit  fort  rassuré,  et  se  mit  à  danser  lui- 
même  par  imitation. 

Puis,  de  plus  en  plus  encouragé  par  la  gaieté  et  le 
charme  du  spectacle,  il  ramassa  une  aimable  bouteille  à 
long  goulot ,  d'un  bordeaux  pâle  ,  comme  il  paraissait  , 
et  soigneusement  cachetée  de  rouge ,  et  la  pres'-ii 
amoureusement  sur  son  cœur. 

Des  rires  frénétiques  partirent  de  tous  côtés  ;  le  ser- 
gent intrigué  laissa  tomber  la  bouteille,  qui  se  brisa  en 
mille  morceaux. 

La  danse  s'arrêta ,  des  cris  d'effroi  .se  firent  entendre 
dans  tous  les  coins  de  la  cave ,  et  le  sergent  sentit  ses 
cheveux  se  dresser  en  voyant  ([ue  le  vin  répandu  parais- 
sait former  une  mare  de  sang. 

Le  corps  d'une  femme  nue,  donl  les  blonds  cheveux 
se  répandaient  à  terre  et  trempaient  dans  l'humidité  , 
était  étendu  sous  ses  pieds. 

Le  sergent  n'aurait  pas  eu  peur  du  diable  en  per- 
sonne, mais  cette  vue  le  remplit  d'horreur  ;  songeant 
après  tout  ([u'il  avait  à  rendre  compte  de  sa  mission,  il 
s'empara  d'un  racket  rcrt  qui  semblait  ricaner  devant 
lui,  et  s'écria  :  Au  moins  j'en  aurai  une  ! 
Un  ricanement  immense  lui  répondit. 


A    l.'l'SAfiK   f)KS  OKNS   S^MIIKIIX, 


IH3 


Ci'pciulaiit  il  avait  rogapiu'  l'oscalitT,  el  moiiiraiii  la 
boiiiciilc  i  ses  caruarailes  il  s'ôcria  : 

«  Voilà  le  f.irfadft!. ..  Vous  êtes  bien  capoiis  (il  pro- 
iioiu'a  un  aiilrc  uiol  plus  vif  t-iicore)  de  nu  pas  oser  des- 
cendre là-dedans!  a 

Son  ironie  était  anièrc.  Les  arcliers  se  prérii)iièrciit 
dans  la  cave ,  où  l'on  ne  retrouva  qu'ufie  bouteille  de 
bordeaux  cassée.  Le  reste  était  en  place. 

Les  archers  déplorèrent  le  suri  de  la  bouteille  cassée; 
mais,  braves  désormais ,  ils  tinrent  tous  à  remonter 
chacun  avec  une  bouteille  à  la  main. 

On  leur  permit  de  les  boire. 

Le  sergent  de  la  prévôté  dit  :  Quant  à  moi ,  je  gar- 
derai la  mienne  pour  le  jour  de  mon  mariage. 

On  ne  put  lui  refuser  la  |)cnsion  promise  ,  il  épousa 
la  couturière ,  et... 

>ous  allez  croire  qu'ils  eurent  beaucoup  d'enfants. 

Ils  n'en  eurent  qu'un. 

CE    QUI   S'ENSUtVIT. 

I^  jour  de  la  noce  du  sergent ,  qui  eut  lieu  à  la  Râ- 
pée, il  mit  la  fameuse  bouteille  au  cachet  vert  entre  lui 
et  son  épouse ,  et  affecta  de  ne  verser  de  ce  vin  qu'à 
elle  seule  et  à  lui. 

La  bouteille  était  verte  comme  ache,  le  vin  était 
rouge  comme  sang. 

Neuf  mois  après,  la  couturière  accouchait  d'un  petit 
monstre  entièrement  vert  avec  des  cornes  rouges  sur  le 
froni. 

Et  maintenant,  allez,  ô jeunes  ûlles!  allez -vous-en 
danser  à  la  Chartreuse...  sur  l'emplacement  du  château 
de  F  ouvert! 

Cependant  l'enlitnt  grandissait,  sinon  en  vertu,  du 
moins  en  croissance.  Deux  choses  contrariaient  ses  pa- 
sents  :  sa  couleur  verte  et  un  appendice  caudal ,  qui 
semblait  n'être  d'abord  qu'un  prolongement  du  coccyx, 
mais  qui  peu  à  peu  prenait  des  airs  d'une  véritable 
queue. 

On  alla  consulter  les  savants ,  qui  déclarèrent  qu'il 
était  impossible  d'en  opérer  l'extirpation  sans  compro- 
mettre la  vie  de  l'enfant.  Ils  ajoutèrent  que  c'était  un 
cas  assez  rare ,  mais  dont  on  trouvait  des  exemples  cités 
dans  Hérodote  et  dans  Pline  le  jeune.  On  ne  prévovaii 
jias  alors  le  système  de  Fourier. 

Pour-ce  qui  était  de  la  couleur  ,  on  l'attribua  à  une 
prédoiuinance  du  système  bilieux.  Cepen'lnn!  on  essava 
de  plusieurs  caustiques  pour  atténuer  la  nuance  trop 
prononcée  de  l'épidémie  et  l'on  arriva  ,  après  une  foule 
(le  lotions  et  frictions  ,  à  l'amener  tantôt  au  vert  bou- 
teille ,  puis  au  vert  d'eau  ,  et  enfin  au  vert  pomme.  Un 
instant  la  peau  sembla  tout  à  fait  blanchir,  mais  le  soir  i 
elle  reprit  sa  teinte. 

Le  sergent  et  la  couturière  ne  pouvaient  se  consoler 
des  chagrins  que  leur  donnait  ce  petit  monstre ,  qui 
devenait  de  plus  en  plus  têtu,  colère  et  malicieux. 


La  mélancolie  qu'ils  éprouvèrent  les  conduisit  i  un 
vice  troj)  commun  parmi  les  gens  de  leur  sorte ,  ils 
s'adonnèrent  à   la  boisson. 

Seulement  le  sergent  ne  voulait  jamais  btiire  i\w-  d'i 
vin  cacheté  de  rouge  et  sa  femme  ([ue  du  vin  cacheté 
de  vert. 

Chaquefnisquelesergent  était  ivre-mort,  il  voyait  dans 
son  sonnneil  la  femme  sanglante  dont  l'apparition  l'avait 
épouvanté  dans  la  cave,  après  (pi'il  eut  brisé  la  bou- 
teille. 

Cette  femme  lui  disait  :  <■  Pourquoi  m'as-tn  pressée 
sur  Ion  cœur  et  ensuite  immolée...  moi  qui  l'aimais 
tant?  •> 

Chaque  fois  que  l'épouse  du  sergent  avait  trop  fêté  le 
cachet  vert,  elle  voyait  dans  son  sommeil  apparaître 
un  grand  diable,  d'un  aspect  épouvantable,  qui  lui  di- 
sait :  «  Pour(|uoi  l'étonner  de  me  voir...  puisque  tu  as 
bu  de  la  bouteille?...  Ne  suis-jc  pas  le  Père  de  ton 

ENFANT?  » 

O  mystère  ! 

Parvenu  à  l'âge  de  treize  ans,  l'enfant  disparut. 

Ses  parents  inconsolables  coniinuèr.iil  de  boire,  

mais  ils  ne  virent  plus  se  renouveler  les  terribles  appari- 
tions qui  avaient  tourmenté  leur  sommeil. 

MORALITÉ. 

C'est  ainsi  que  le  sergent  fut  puni  de  son  imi)iété, 
—  et  la  couturière  de  son  avarice. 

CE   QC'ÉTAIT  DEVENi;   LE   DIABLE    VERT. 

On  n'avait  jamais  pu  le  savoir. 

Seulement,  de  temps  en  temps,  on  a  vu  se  renouve- 
ler dans  Paris  les  Inexplicables  lutincries  de  l'ancienne 
Chartreuse  et  du  château  de  Vauvert. 

Tantôt  c'étaient  des  coups  de  pistolet  entendus  cha- 
que jour  au  coucher  du  soleil. 

Tantôt  des  applaudissements  mystérieux  ,  —  qui  ne 
s'adressaient  à  aucun  auteur,  h  aucun  acteur  et  à  aucun 
orateur. 

Tantôt  des  pluies  de  crapauds ,  —  sans  le  moindre 
nuage  qui  en  justifiât  la  chute. 

Pour  ne  parler  que  de  l'époque  actuelle,  nous  signa- 
lerons une  pluie  de  pièces  de  cent  sons  qui  eut  lieu  vers 
1821,  dans  la  rue  Montesquieu. 

Ce  qui  fut  cause  que  l'on  établit  un  magasin  sous  le 
titre  du  Diable  d'Argent. 

Le  fait  ne  s'étant  pas  renouvelé,  on  en  ouvrit  un 
antre  sous  le  titre  du  Pauvre  Diable. 

S'il  n'est  pas  prouvé  que  l'un  ou  l'autre  fût  le  Diable 
Vert,  du  moins  le  contraire  n'est  pas  démontré. 

On  peut  même  remarquer  que  le  Diable  d'Argent, 
dont  chacun  s'empresse  de  tirer  la  queue ,  —  a  toujours 
été  représenté  comme  un  diable  vert. 


REVUE  COMIQUE 


Le  vert  est  la  couleur  de  l'espi'^rance. 

N'allez  pas  croire  cependant  que  ce  diable  soit  légiii- 
luiste. 

C'est  un  observateur  et  un  sceptique. 

Si  nous  en  croyons  des  renseignements  sûrs,  il  a  beau- 
coup fait  des  siennes  depuis  quelque  temps. 

Tout  le  monde  se  rappelle  la  chute  de  pierres  qui  eut 
lieu  tous  les  jours  dans  le  quartier  d'Enfer,  près  de  la 
Surbonne,  il  y  a  plus  d'un  an. 

On  n'en  put  découvrit  la  cause. 

C'était  simplement  le  léveil  du  Diable  vert. 

Depuis,  bien  des  personnes  l'ont  rencontré  ou  croient 
l'avoir  vu  dans  la  foule  des  oisifs,  des  curieux  ou  des 
flâneurs. 

]1  est  soupçonné  d'avoir  une  mission  secrète  qui  lui 
aurait  été  confiée  par  le  Carlier  du  sombre  royaume. 

Tous  les  costumes  lui  sont  f.imiliers. 


Il  observe,  vêtu  comme  le  premier  venu ,  —  comme 
vous  et  moi,  les  monarchies  qui  défilent. 

Il  suit  la  marche  des  événements. 

Il  écrit  des  lettres  humoristiques  qu'il  signe  de  sa 
griffe  et  que,  dit-on,  il  jette  dans  le  puits  de  Grenelle, 
en  les  lestant  d'une  balle  de  plomb. 

C'est  la  petite  poste  de  l'enfer. 

Quelquefois,  pour  épargner  sa  rédaction,  il  s'exprime 
en  images.  —  Il  a  retracé  les  événements  qui  se  sont 
passés  depuis  le  commencement  de  l'année  dernière 
dans  quelques  feuilles  très-drôlaliques. 

Une  contre-épreuve  en  est  parvenue,  nous  ne  sa- 
vons comment,  à  V Almanacli  du  Diabtc-Verl;  — 
seulement  force  a  été  d'en  censurer  bien  des  pas- 
sages. 

On  comprendra  cette  discrétion. 


LA   CINQUIÈME    DIVISION. 


La  règle  dont  il  s'agit  ne  figure  ni  dans  Bourdon  ni 
dans  Besout  et  l'aritlimélique  ne  joue  là  qu'un  rôle  fort 
secondaire.  Dans  la  cinquième  division  on  ne  voit  pour- 
tant que  des  hommes  numérotés,  mais  ces  chiffres 
humains,  feu  monsieur  Ampère  lui-même  ne  les  disci- 
plinerait pas  :  Nous  sommes  à  liicètre. 

J'ai  d'abord  renconlré  dans  la  cour  un  inspecteur  des 
hospices  qui  m'a  dit  :  —  Us  sont  très-drôles!  et  vous 
allez  beaucoup  rire!  —  Cet  inspecteur  était  et  est 
encore  décoré. 


En  passant  le  seuil  de  la  double  grille  fermée  à  tri|)le 
tour  j'ai  trouvé  des  camisoles  grises  et  des  bonnets  de 
coton  qui  riaient  comme  des  fous  et  l'un  d'entre  eux  est 
venu  à   moi  l'œil  brûlant  et  les  bras  ouverts  en  me 

criant  :  —  Tiens,  c'est  toi Plus  on  est  de  fous  plus 

on  rit! As-tu  un  peu  de  tabac? 

D'où  j'ai  dû  conclure,  d'après  la  confidence  de  l'in- 
specteur décoré  et  l'accueil  du  bonnet  de  coton,  que  le 
cadre  de  la  Revue  comique  était  propre  à  renfermer 
les  drôleries,  bouffonneries,  plaisanteries  et  autres  ter- 


T.T!g   AVENTURES   DIViaTISSANTES   ET   NON    FOUTIÇCES 

De  ma'Ire  Lapp  el  Je  sr.ii  appreiUi  Pipps. 


Cependant,  dans  leur  lutte,  l'apprenti  i-t  l'étranger  élaitnt 

parierus  au  bord  de  la  grotte. ...  W  s'ensuivit  un 

surcroît  de  catastrophes. 


,ux  cris  po'isséi  par  1- s  survenants,  le  bouclier  K' il!   >erit  un 

corde  vibrer  dans  son  cœur.  Il  a  reconnu  les  ac  enta  de  ses 

deux  flis  jumeaux,  perdus  depuis  leur  tendre  enfance. 


A  LUSAGE   DES   GEINS  SÉRIEUX. 


18.' 


iiiinaisoiis  cil  ris  (|ui  ôclaldit  jouiiicllenicril  au  niilipu 
du  la  Mtmhii-,  de  la  tuinuUueiisf,  de  la  leniblc  cin- 
qui^lnc  division. 

A  peine  eiiirt'  dans  une  espi'Cc  de  inéau  Rariii  de 
maigres  arbres  dont  le  feuillaije  éploré  ne  gagne  rien  ù  la 
plaisanie  alinos|ili6re  qu'il  respire,  Ions  les  bonnets  de 
colon  se  sont  groupés  autour  de  moi  :  je  nu-  suis  senti 
tiré  parioules  les  poelies,  et  dans  un  cliœur  unanime 
on  nî'a  demandé-  du  labac. 

Puis,  un  numéro  fort  sérieux  m'a  pris  à  part  et  m'a 
dit  à  l'oreille  : 

«  Ne  faites  pas  attention  ,  ils  sont  tous  fous  !  » 

J'allais  répondre,  mais  un  second  numéro  me  botir 
donnait  dé-jh  dans  l'autre  oreille  : 

0  Ne  faites  pas  adenlion,  ils  sont  tous  fous!  » 

lùi  moins  d'une  minute,  tous  les  nnméms  de  la  cin- 
quième m'avaient  fai;  conriili'niielIcraiMit  la  même  com- 
municalion  à  l'endroit  de  l'infii  mile  qui  les  aflligcait 
tous. 

«  Monsieur,  c'est  indigne  !  me  criait  un  pelit  bomme 
maigre  coillé  d'un  bonnet  de  colon  qui  lui  descendait 
sur  les  épaules,  on  me  retient  ici  de  force  ! 

—  C'est  ce  dont  tous  vos  collègues  se  plaignent,  ré- 
pondis-je. 

—  Il  ne  faut  pas  faire  attention  ,  luirla  le  numéro; 
ils  sont  tous  fous!  !  Mais  moi,  figurez-vons  donc!  le 
médecin  prétend  que  ma  raison  est  égarée.  Hélas  !  il 
n'y  a  que  mon  nez  d'égaré  !  » 

Vous  eussiez  certes  souri  à  cetie  alîirmation  que  dé- 
mentait un  aquilin  monstrueux  décorant  les  trois 
quarts  de  la  tête  du  pelit  bomme. 

•  Oui,  monsieur,  coniinua-t-il,  je  n'ai  plus  de  nez: 
voilà  tout  mon  .rime.  Figurez  vous,  j'avais  un  ami  in- 
time et'  parfumeur.   Ce  que  nous  possédions  était  en 


conmiun.  Un  jour,  mon  ami  vient  me  trouver  :  «  J'ai 
des  parfums  à  acbeter,  me  dit-il.  Depuis  le  temps  que 
je  llaire  ma  marcbandise,  je  ne  puis  plus  guère  conij)- 
ler  sur  mon  odorat;  c'est  une  aiïaire  importante  :  il 
faut  que  tu  me  piéles  ton  nez!  —Diable!  lui  répon- 
disse, mon  babit,  bon;  ma  bourse,  bien;  mais  mon 
nez  ,  ficbtre  I  c'est  plus  grave.  >. 

Je  dis  h  mon  ami  qu'une  inlimilé  de  vingt  ans  ne 
légiiioraitpas  un  semblable  prêt;  que  cela  me  générait 
borriblement  ;  mais  il  n'écoula  rien,  et  j'eus  l'imprn- 
dinre  de  lui  confj. t  mon  nez  pour  quatre  lieures  au 
plus.  Il  y  a  dix  ans  de  cela,  monsieur,  et  je  n'ai  pas 
encore  entendu  parler  de  mon  voleur.  Si  je  m'en  allais 
de  otle  maiidile  maison,  ji-  le  retrouverais,  et  il  fau- 
ilrait  bien  qu'il  me  rende  mon  nez.  Vous  ne  pourriez 
pas  m'indiqner  un  moyen  pour  sortir  d'ici? 

Comme  je  lui  répondis  négativement,  il  s'en  fut 
trouver  un  nouveau  venu  qui  paraissait  plongé  dans 
d'ainères  réflexions. 

«  Vous  connaissez  mon  affaire ,  dit  il,  c'est  toujours 
pour  mon  nez....  faites-moi  sortir  d'ici. 

—  Sortir  d'ici!  répli(iua  le  fou  en  retirant  gravement 
son  bonnet  de  coton ,  ma  foi,  c'est  assez  difficile  ,  je  n'y 
suis  jamais  entré!   » 

I.e  numéro  quatre  s'approrlia  alors  de  ii  oi.  Il  avait 
l'allure  d'un  cavalier  cl  siimidiildu  gesie  une  mouture 
imaginaire. 

«  Dois-jp  vous  présenter  à  Sa  Majesté  Louis  Pbilipp  ? 
me  dit-il ,  vous  la  voyez  là-bas.  Je  suis  son  premier  aide 
de  camp.  Ab  !  c'est  un  niéiier  superbe,  mais  qui  m'e\- 
lénne.  Leroiesi.soufTranl,  etson  maU'obligeasedéranger 
cinquante  fois  la  nuit.  Mon  lit  toucbe  an  sien,  cl  mon 
dc\oir  est  d'èlre  toujours  d.-b  ml  lorsque  Sa  .Maje.-,lé  se 


I.ES   AVENTUILES    DUnCRTISSANTES   ET    NON    POUTIQUXS 

De  maUre  Lapp  el  de  son  apprenti  Pipps. 


dans  la  foré, .  mais  il  comptait  bi.n  r.v.„ir  le  I.nd.  main 'payer  mat.re  Lapp  Âclrellement  t^ufsvi     qEé    Le 

«ababpaye  les  pots  casse.,  et  l'heureuse  famille  fai,  sa  ren.rée  uioiiphale  au  milieu  de  lajoeët' 

de  1  allégresse  publique.  Touchant  dénr.ûment  d'une  si  tragique  hi=to:re  ! 


REVUE  COMIQUE. 


lève.  Voilh  au  moins  deux  mois  que  je  n'ai  dormi.  Mais 
je  vous  liisse,  le  roi  quitte  sa  place. 

En  eiïet  je  vis  celui  (|u'ou  m'avait  désigné  sous  la  ru- 
brique du  monaniue  déchu  se  lever  de  son  banc  et 
s'aller  retrancher  dans  l'angle  d'un  mur.  Le  numéro 
quatre  se  tenait  près  de  lui  immobile  et  dans  la  position 
d'un  soldat  qui  salue  niiliiaireiDcnl. 

Ce  même  Louis- l'hdippe  de  la  cinquième  division 
avait  la  veille  f;iit  une  assez  bonne  fjrce.  — Je  dis  bonne 
farce,  pour  ne  pas  dénaturer  l'expression  du  gardien  qui 
me  conta  l'anecdote. 


Un  idiot  pilait  du  grès  à  l'aide  d'une  pierre;  ce  que 
voyant  Sa  Majesté ,  elle  s'en  fut  chercher  un  pavé  et  en 
écrasa  la  lèle  de  l'idiot. 

Le  gardien  m'assura  encore  le  plus  tranquillement  du 
monde  que  le  fou  avait  agi  dans  le  but  de  savoir  ce  qui 
était  le  plus  dur  de  la  tête  ou  du  pavé  ! 

Je  sortis  de  la  cinquième  division  en  m'éîornant  de 
ce  que  les  gardiens  n'étaient  ni  numérotés  ni  muselés, 
et  je  fis  cet  article  sur  la  foi  du  témoignage  de  l'inspec- 
teur des  hospices  décoré  qui  m'avait  si  bien  dit  : 

»  Ils  sont  irès-drôles,  et  vous  allez  beaucoup  rire!  » 


EPILOGUE. 


Ce  recueil  est  complet ,  ses  luttes  sont  Unies; 

Une  implacable  loi  le  voue  aux  gémonies. 

Li\re  facétieux,  peut-être  oiiginal. 

Il  prend  haleine  avant  de  devenir  journal. 

La  presse  est  une  mer  trop  féconde  en  orages; 

Des  corsaires  légaux  ,  parcourant  ses  parages, 

Cliicaucnt  tout  vaisseau  qu'on  hèle  à  l'horizon 

Sur  son  lest ,  sa  voilure ,  ou  bien  sa  cargaison. 

On  ne  peut  sur  les  flots  risquer  la  moindre  barque, 

Sans  prodiguer  son  or  pour  des  lettres  de  mar(]ue. 

Sans  ètte  estampillé  par  de  nombreux  commis. 

Qui  traitent  rarement  les  penseurs  en  amis. 

Les  matelots  sont  prêts;  la  nef  enfin  lancée 

Accomplit  chaque  jour  sa  rude  traversée. 

Mais  malheur!  si,  prenant  des  chemins  ambigus , 

Elle  sort  du  chenal  creusé  par  ces  argus! 

Les  marins  trop  hardis,  qu'on  taxe  d'hérésie , 

Ont  vile  rencontré  l'écueil  de  la  saisie; 

Autour  d'eux,  de  leur  course  entravant  le  succès, 

Se  montrent  des  bas-fonds  hérissés  de  |)rocès  ; 

La  prison  ,  pour  saisir  la  victime  qui  sombre  , 

Charybde  formidable,  ouvre  sa  gueule  sombre; 

Il  ne  reste  bientôt  des  pauvres  naufragés 

Que  d'informes  débris,  par  l'amende  rongés! 

Sachons  donc  sagement  borner  notre  carrière, 
l'ourlant ,  si  nuus  jetons  nos  regards  en  arrière  , 
.Nous pouvons,  orgueilleux  du  travail  achevé. 
Porter  la  tète  droite  et  le  front  relevé. 


la  Revue,  avant  tout,  en  son  indépendance, 

Osa  de  ses  lardons  piquer  la  présidence. 

Ue  la  réaclion  les  progrès  menaçants 

Ne  l'arrêièrent  point  dans  ses  efforts  puissants; 

Ses  braves  champions  au  combat  s'animèrent; 

Leur  plume  et  leurs  crayons  a  l'cnvi  s'escrimèrent 

C(intre  les  Changarnier,  lesTliiers,  les  OJilon  , 

Et  d'autres,  que  depuis  emporta  l'aquilon  , 

Et  qui,  tombés  soudain  du  haut  d'un  ministère, 

Aux  bravos  de  la  France  ont  mesuré  la  terre. 

Vous  qui  les  remplacez  ,  vous  auriez  droit  aussi 

n'être  par  la  Revut  accablés  sans  merci  : 

Vous,  d'Hautpoul,  qui,  troublé  par  de  vaines  alarmes, 

lùj  agents  de  Carlier  transformez  les  gendarmes; 

Vous,  Parrieu.qui,  pour  plaire  aux  porte  -  goupillon  , 

A  nos  instituteurs  attachez  un  bâillon  ; 

Et  vous,  Achille  Fuuld ,  grand  prêtre  de  la  Bourse, 

lllusire  financier,  qui  pour  seule  ressource, 

Inscn-ible  aux  clameurs  d'une  foule  en  haillons. 

Faites  de  nos  pressoirs  couler  cent  millions! 

Mais ,  non  ,  vivez  en  paix  jusqu'à  l'heure  suprême 

Où  le  pays  sur  vous  lancera  l'anathème; 

Égarez-vous  en  paix  dans  les  sentiers  maudits 

Où  le  roi  de  juillet  emboîta  Charles  Dix  ! 

En  attendant  un  jour  de  revanche  éelalante  , 

Les  armes  en  faisceau  nous  durmo:is  sous  la  lente. 

ÉMii.l'  l)i:  L\   liFDOLLIÈIlE. 


A  L'USAGE   DES   GENS   SÉRIEUX. 


TABLE    DKS    MATIERES. 


Profcsitioii  de  foi . 
JiTÔitic    Cabus&ul 


éle 


(de. 


La  rue  de  Poiliirs.  — •Toilcllc  «le   circu 

Bcnall 

Pccliet-leclorale  (3  dessins  par  Nadar) 

La    Vie  privée  el  publique  de  inossieu  Héac  (  série  de   1 1  vi- 
Çneltes  par  Nadar).    ...         

Le  baron  de  Palurut  à  la  rcduTL-lic  .le  U  ineilli-ure  .les  nio- 
uarcbi.s 

M.  LF.  M\I\QU1S  DE  LA  RoCllUAQUEI.EIN  (ivpe  par  Nadar).  .     . 

Les  mille  el  une  peurs  de  M.  Itéac  de  la  Jobardiére.    .    .    . 

Bcve  d'un  réacliounaire  (4  dessins  par  Nadar) 

LÉON...  Fauché!...  (type  par  Nadar) 

L'.Waul-garde  des  Cosaques  (dessin  par  Nadar) 

^lun  'l'estaïuenl-aciieux    <t  Conseils  d'une    Âssend>'ée  nalio- 
nale  sensible  el  égarée 

Candidats  malheureux  (3  types  par  lierlall) 

A  propos  de  pantoufles -. 

Putriana  ou  le  Manuel  des  républicains  honnêtes  et  modérés  . 

La  Vie  privée   et  publique   de  mossieu  ltcac(  série  de  5  vi- 
gnettes par  Nadar  ) .'    .    .    . 

Les  Masques  (eliansou) 

La  République  soc  (chanson) 

La  Canaille  (chanson) 

La  Liste  (le  la  rue  de  Poitiers 

M.  LE  cÉ.NFn.\L  OuDi.NOT  (ly[ie  par  Nadar) 

La  Semaine  de  la  lettre 

La  Peau  de  chajjrin  (dessin  par  Nadar) 

Peut-un  entrer?  (dessin  par  Nadar) 

Le  dernier  des  Iroquois  (coule  historique) 

Bureau  de  placement  pour  les  représemants  sans  emploi  (8 
vignettes  par  NadarJ 

CincinualuS'Udilon  petit  (proverbe  drauialiipie) 


Tablet 
La   Vi 


oubli 


pnvee   el  |i 

guettes  par  Nadar) 

Autant  en  emporte  le  vent  (chanson  ) 
Lucien  Mui^at  (type  par  Nadar).    . 

A  cause  de  Réaumur 

Les  17  brun..,ire 

Essai  de  chlornr,>rn>isaliuu  .mm    l.t   liép 

Nadar) 

Exiihrisde  Valloux 

('orrespondaucç  d'un  éuiigié 
Sleeple-chase  (dessin  par 
II  n'y  a  rien  île  changé  en 
Lettre  du  pa[)c  aux  é\équi 


de  y 


iqne(ide 


Nadar). 


Léeuyer  I)UPIN  (dessin  par  Bertall) 

Une  Promenade  de  njit  du  calife  Aaroun-al-Bachid  et  de  son 
grand  vizir  Giafar  (Conte  oriental) 

Le  Parti  embaume  (dessin) 

La  Vie  privée  et  publique  de  mossieu  Béac  (  série  de  5  vi- 
Guettes  par  Nadar) 

Les  Amis  de  Tordre  (chanson) 

BoiCHOT  (type  par  Nadar) 

La  Revue  comique  en  révolution  (  13  juin  18i9) 

La  Russie  reconnaît  la  République  française  (dessin  par  Na- 
dar)  

Trop  parler  nuil,  trop  gratter  cuil  (proverbe) 

La  Vie  publique  et  privée  de  mossieu  ïtcac  (série  de  3  vi- 
gnettes par  Nadar) 

Le  BAiiON  ïtoTHsCHiLD  (type  par  Nadar) 

Les  trois  Rêves  de  mossieu  Kéac 

Ljjisthe  pousse  Clylemncstre  à  tuer  Ap,:tmemuon  (copie  an 
Musée  par  Nadar) 

La  Justice  el  la  Vengeance  divine  poursuivent  le  Crime  (co- 
pié  au  Musée  par  Nadar) 

Le  grand  sac  (chanson  ) 

Pisque  c'est  des  ^arffl^enx  (dessin  par  Nadar) 

M.  Orandin  (type  par  Nadar) 

La  Belle  au  bois  dormant  (nouvelle  édition) 

Nouvelles  de  Hongrie   8  têtes  d'expression  ) 

La  Monarchie  an  bois  dormant  (dessin  par  Bertall} 

Ce  que  chacun  dit 

Proclamation  du  général  Oudinol  à  l'armée  française.    .    .    . 

Feu  et  enrbousiasme  d'artiBce  à  l'usage  des  Romains  (dessin). 

Les  Aventures  divertissantes  et  non  politiques  de  maître  Lapp 
et  de  son  apprenti  Pipps  (1"  suite  de  9  vignettes) 

Il  faut  rétablir  les  jeux  et  la  loterie 

Le  Décret  du  silence  esl  inexécutable 

Oïlilon  Barrot  et  la  Liberté  (chanson  sur  l'air  de  M.  et  ma- 
dame Denis] . 

Monsieur  Crf.dit,  colonel  général  des  cuirassiers  (type  par 
Fabiitzius) 

Les  Vacances  parlenienlaires 

Les  Bulles  de  savon  (dessin  par  Bertall) 

L'n  Épisode  des  promenades  présidentielles  (vigncile).    .    .    . 

Itégime  Oudinoi-Fallout  à  Home  (dessin). 

Réjouissances  publiques  à  Rome  (dcssiu) 

l^xposttion  de  rindusirie.  — Modes  miles  (2  \igiieltcs  ),    .    . 

Des  armes  ;^  feu  ,  en  éiai  de  siège  !  !  !  !  (dessin  par  Carjiezat  ). 

Les  Musiciens  représentants  (dessin  par  Carpezat)    .... 

Gaudissart  neveu,  commis  voyageur  en  coups  d'État.    .    .    . 

Les  Aventurts  divertissantes  et  non  politiques  de  maître 
Lapp  et  de  son  apprenti  Pipps  (2*  suite  de  9  dessins)    .    . 


REVUE   COMIQUE. 


La  scène  se  passe  à  Gaëte 109 

Loi  sur  I'i<lai  lie  siège "0 

Le  iWeo  c«/pa  (  cliansou) 1" 

De  ToctiUEViLLK  (ijpe  par  Fabriuius) 11'2 

Les  Ovaiious  de  M.  OJiloii  Barrot 113 

L'ii  Regard  clans  Taïenir  (G  léics  li'eipressiou) 114 

Le  15  Aovil IIU 

Tout  cela  leDirc  ;\  Rome  (dessiii) 117 

Rcpélitioo  d'un  concert  (dessin) 118 

A  M.  le  ministre  de  l'iustrucliou  pnlilinue    ........  119 

Wonr/.i,r  «mw/se/.  —  Partie  oflicicllc U9 

Le  Démon  de  la  compression  (dessin  par  Paslelol) liO 

Le   czar  .Xerxès 1"^1 

Vieus  habits,  vieux  ga'""*  ! 1''- 

Les   Aventures   divertissantes    cl     non   polilii|ues  de   mailre 

Lapp  et  de  son  apprenti  l'ipps  (:i'  suite  de  9  dessins).         .  1-24 

GoL'ftCAL'u  ^type  par  Fabriiziusj i'2t> 

Le  Congrès    d'Ems I2T 

Le  Lait  Thiers  et  le  pot  au  lait  (dessin  par  Berlall) 12;) 

Le  General  de  Lamoricièrc  (dessin  par  Pastelot) 130 

Jacques  Bonliomnie  (dessin) 133 

Éteiguoir  de  l'Ordre  impérial  de  Uussie  (dessin  par  Bcrtall  J.  13i 

Essai  sur  l,i  liberté  delà  presse 134 

U  est  sauvé! •  13i 

Duc  de  Saint-P.merace 135 

L'ordre  règne  en  Hongrie  {vignellL-} 136 

Une  crise  en  Allemagne 13l> 

Les   aventures   divertissantes  non   politiques  de   maître  Lapp 

et  de  son  apprenti  l'ipps  (  i«  suite  de   10  dessins).    .    .    .  137 

Le  Lcgiliniisme  légitimé 138 

Achille  Foold  (type  par  Fabriizius) 140 

Démissionnaire  on    non 141 

Épreuve  avant  la  lettre  (  18  Août)  (dessin  par  lieilall).    .    .  143 

Épreuve  après  la  letlre  (dessin   par  Bertall) 143 

Faucher,  supérieur  gcuéral  des  missions  étrangères.         .    .  144 

Un  Concile 145 

La  République- Croquemilaine  (vigneilc) 146 

Le  Génie  de  la  République  (vignelle) 147 

Les    Billets  bleus liS 

Les  Petits  mystères  d'Ems  (8  dessins  par  Nadarj 148 

Un  Nouveau  borabar  îeraent  du  roi  de  Naples 152 


César  devant  le  Uubicon  (cbausnn  ) I.'»3 

Antony  Thouret  (type   par   Berlall; 1  i  4 

Le  Lis   tricolore 155 

Les  Petits   services    mutuels    de    l'amour    roujugal  (  H   des- 
sins)   156 

Grande  fêle  de  l'industrie  frani;aise  (dessin) 158 

L'Inserliou  d'une  leltre 15S 

Le  Rôle  de  la  France 159 

l.e  Roi  du  congrès  de  la  paix  (dessin  par  Berlall) 160 

La  Fin  du  congé 161 

Pourquoi;? 161 

1,'llomme  noir 162 

Les  liéceplious  île  M.  Lacnis».'. lli  ( 

Denjoy  captif It'4 

I.'Alnianach  démftc-soe 165 

Les    Aventures    diverlissanles  el    non    politiques    de    ni.iilre 

Lapp  el  de  son  apprenti  l',p,K  (5'  suiie  de  9  vinnelle»  )     .  165 

L'Arbre  de  liberlé 167 

Chambolle  (type  par  Fabriizius  et  l'.isicloij 168 

Le  Ministère  d'aclîon 169 

La  meilleure  manière  de  vider  la   rpiesiion   de   Rome  (ilessin 

par  Berlall; 170 

La  République  avec  le  Temps  (dessin  par  Berlall  j 171 

La  Chasse  de  Lamartine  (dessin  par  Nailar) 172 

La   Princesse    Révolulion   et  le    prince    Jacques   Bonluaiinie 

(lecende) 17-> 

Brigands  de  Parisiens  (dessin) 174 

Le  Soc:alisme  (type) 175 

Paris  en  état   de  siège 176 

Grandeur  et   décadence    de  Faustin  -  Soulouque    Véron    V 

(  5  dessins  par  Nadar) 1T7 

Gendarmerie  déparlemenlale  (correspondance  ) I7S 

Léon  Faucher  et  un  porlefeuiUe  (dessin  p.r  Nadar).    .    .    .  17!) 

Le  Choix  d'un  corps ISO 

M.   Carlier  conduisant  l'eipédilion  de  la  rue  Buniforl  (  des- 
sin)   181 

Le  Diable  vert 18-i 

Les   Avenlures    divertissantes    et    non    poliliques    dt'    mailce 

Lapp  el  de  son  apprenti  Pipps  ( 6"  suite  de  Svigneiies).  1S4 

La  cinquième  division IS4 

Épilogue 186 


■  Tyi..,,rafluv   l'I^Mi  Ir. 


,XVM 


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V